Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 7 - Témoignages du 18 septembre 2006 - Séance de l'après-midi
OTTAWA, le lundi 18 septembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C- 2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation, se réunit aujourd'hui à 13 h 10 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le sénateur Oliver : Mesdames et messieurs les sénateurs, c'est avec plaisir que je déclare cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ouverte. Nous nous réunissons aujourd'hui pour continuer notre étude du projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation. Ce projet de loi est plus communément appelé Loi fédérale sur la responsabilité.
Comme les sénateurs, nos témoins et les membres du public qui nous regardent à la télévision partout au Canada le savent, ce projet de loi représente un élément essentiel du programme du nouveau gouvernement et compte parmi les plus importantes mesures législatives dont le Parlement ait été saisi ces dernières années. Je sais que le comité y accordera la réflexion soignée, exhaustive et détaillée qu'il mérite.
Nous avons tenu presque 35 heures de séance et avons entendu 42 témoins. Cette semaine, nous allons poursuivre avec une série d'audiences sur divers aspects du projet de loi, y compris l'éthique, la responsabilisation, les conflits d'intérêts, le financement politique, le poste de directeur parlementaire du budget et l'accès à l'information et la vie privée.
Notre premier témoin est Ian Greene, qui nous aidera à étudier les questions liées à l'éthique et aux conflits d'intérêts. Ian Greene enseigne l'administration et la politique gouvernementale au département de science politique de l'Université York depuis 1985. De 2003 à 2004, il a été président du Sénat de l'Université York et doyen associé de la Faculté des arts de 1997 à 2000. Il est le coordonnateur du diplôme universitaire supérieur en administration démocratique et administration du système judiciaire. Auparavant, il avait travaillé dans la fonction publique de l'Alberta à divers autres titres.
Le comité vous souhaite la plus cordiale bienvenue. Après votre exposé, les honorables sénateurs entameront une série de questions et réponses.
Ian Greene, professeur, Science politique, Université York, à titre personnel : Merci beaucoup, sénateur Oliver. C'est ma troisième visite à un comité sénatorial ces dernières années et c'est un grand honneur d'être invité à nouveau. Je m'excuse de vous avoir remis mes notes à la dernière minute. C'est une période très occupée à l'université. Je dirige un collège de 5 000 étudiants. Nous venons juste de finir l'orientation et, la semaine dernière, nous avons tenu une conférence internationale et hier, une activité pour les anciens étudiants. J'espère que vous en tiendrez compte quand vous regarderez mes notes.
C'est un grand plaisir pour moi d'être ici. Nous sommes tous les produits de nos propres expériences passées. Ma propre expérience en matière d'éthique dans la fonction publique remonte aux quatre années où j'ai travaillé pour la fonction publique de l'Alberta dans les années 70 et 80. J'y ai appris que la plupart des fonctionnaires et des représentants élus suivent des règles d'éthique, mais j'étais préoccupé par le fait que des manquements occasionnels, tant chez les représentants élus que nommés, mettent en doute l'intégrité de tous les fonctionnaires. Ces manquements auraient pu être empêchés grâce à des règles claires et à un meilleur processus d'éducation.
Quand je suis entré à l'Université York en 1985, j'ai commencé à m'intéresser à toute la question des conflits d'intérêts parce que nous étions à l'époque du scandale de Sinclair Stevens. À l'époque, j'ai commencé à effectuer des recherches et à publier dans le domaine de l'éthique dans le secteur public. Aujourd'hui, mon programme de recherche comprend encore l'éthique dans la fonction publique de même que le comportement des juges et l'administration publique en général.
Je dirige le nouveau programme d'études supérieures de l'Université York en politique gouvernementale, administration et droit. Je cherche à améliorer l'éducation pour accroître la responsabilisation afin d'empêcher des scandales liés à des conflits d'intérêts et de promouvoir des normes éthiques plus élevées. J'espère que notre nouveau programme sera utile aux fonctionnaires à mi-chemin de leur carrière à cet égard.
Il est important de placer les réformes mentionnées dans le projet de loi C-2 dans leur contexte politique. L'actuel régime fédéral en matière d'éthique a été long à venir. Pendant de nombreuses années, j'avais préconisé des règles claires en matière de conflits d'intérêts et un commissaire aux conflits d'intérêts au niveau fédéral. Je dois admettre que jusqu'à il y a deux ou trois ans, je n'avais pas beaucoup réfléchi à la question de savoir s'il devrait y avoir des commissaires différents pour le Sénat ou la Chambre des communes ou s'il devrait n'y en avoir qu'un pour les deux, mais comparaître devant votre comité il y a trois ans m'a aidé à examiner cette question plus attentivement.
Le nouveau régime mis en place il y a quelques années a constitué un changement important, jalonné d'obstacles, comme ce l'est pour tout changement de ce genre. Malheureusement, l'un de ces obstacles s'est dressé quand le Sénat a décidé qu'il ne collaborerait au nouveau régime que s'il pouvait disposer de son propre conseiller en éthique et de ses propres règles établies au sein du Sénat. Après examen, il m'a semblé que c'était une bonne idée parce que les régimes d'éthique ne sont pas imposés d'en haut. Les gens ont tendance à approuver des règles qui sont élaborées à l'interne, et elles sont davantage susceptibles d'être efficaces. Quel que soit le parti qui détienne la majorité au Sénat, je ne crois pas que l'une ou l'autre Chambre adoptera une loi qui abolirait le poste de conseiller en éthique distinct pour le Sénat. Nous devons composer avec cette réalité politique.
L'autre fait, c'est que lorsque Paul Martin a choisi Bernard Shapiro comme premier commissaire à l'éthique, il a brièvement consulté, comme la loi exigeait qu'il le fasse, Stephen Harper, alors chef de l'opposition. Ce n'était cependant qu'une consultation de pure forme, pas une vraie consultation, ce qui avait ennuyé M. Harper, ce qui fait que les rapports entre M. Shapiro et M. Harper sont partis du mauvais pied. C'était malheureux pour la création d'un nouveau régime, mais nous devons nous attendre à rencontrer sur notre chemin ce genre d'obstacles. Le programme des conservateurs visant à avoir un commissaire aux conflits d'intérêts pour chaque Chambre, de même que des nominations par décret du conseil, découle de ce conflit entre M. Shapiro et M. Harper. Nous devons tirer parfois le meilleur parti possible d'une mauvaise situation.
J'ai étudié le rapport de la Commission Gomery, j'ai écrit un article à ce sujet et j'aime la plupart des recommandations de Gomery. Bien des recommandations se sont retrouvées dans la Loi fédérale sur la responsabilité. J'aime la majeure partie du contenu de la Loi fédérale sur la responsabilité; cependant, comme le projet de loi a été rédigé si rapidement, il y a des parties qui n'ont pas été mûrement réfléchies. L'une de ces parties, d'après moi, c'est de n'avoir qu'un commissaire aux conflits d'intérêts pour le Sénat et la Chambre des communes. Cela ne va probablement pas marcher, même si cette idée pourrait être adoptée par cette Chambre, et je ne pense pas qu'elle le sera. Je ne crois pas que ce sera une bonne idée.
Les régimes indépendants en matière d'éthique ont donné de bons résultats dans les provinces parce que les commissaires passent la majeure partie de leur temps à parler avec les représentants élus — dans le cas du Sénat, c'est M. Fournier qui parle aux sénateurs — au sujet de la nature de l'éthique et du conflit d'intérêts, pour établir une relation de confiance pour répondre aux questions. Je crains qu'un commissaire aux conflits d'intérêts parvienne difficilement à établir ce niveau de confiance. Il faut de toute évidence qu'un représentant fasse rapport au commissaire qui traite avec le Sénat. Cependant, étant donné que cette personne ferait partie d'un régime plus large et ne serait pas le propre agent du Sénat, il serait plus difficile d'établir la confiance et la crédibilité.
Si l'on repense à l'époque de Sinclair Stevens, si seulement il avait parlé au sous-registraire général adjoint de la nature du conflit d'intérêts, il aurait pu s'épargner bien des problèmes. Il n'a pas parlé à ce représentant parce qu'il n'occupait pas un rang élevé et qu'il était trop occupé. La personne qui rencontre les sénateurs et qui discute des règles et de leur situation personnelle doit être quelqu'un jouissant d'une crédibilité auprès du Sénat. Je crois que le système actuel assure cette crédibilité, et je n'aimerais pas y toucher à cause d'une promesse électorale qui n'a peut-être pas été mûrement réfléchie.
La deuxième chose qui me préoccupe, c'est la manière dont le commissaire aux conflits d'intérêts sera nommé. La nomination de M. Shapiro a ennuyé M. Harper, avec raison. Pourquoi ne pas tirer partie de l'expérience en Colombie- Britannique et en Alberta? Dans cette province, la législature effectue un vaste processus de consultation dans le cadre duquel on fait un appel de candidatures. Selon Bob Clark, l'ancien commissaire de l'Alberta, presque 300 personnes ont présenté leur candidature à ce poste. Qu'y a-t-il de mal dans ce processus? Pourquoi ne pas utiliser un processus de ce genre ici? S'il y avait un commissaire aux conflits d'intérêts, chacune des deux Chambres entreprendrait, par le truchement d'un comité, un examen pour étudier les candidatures et émettre des recommandations. Une autre suggestion serait également de mettre au point un processus par lequel les deux Chambres choisiraient ensemble le commissaire. De cette manière, il ne serait pas nécessaire de s'en remettre au premier ministre. Il me semble qu'avec ce processus, la personne choisie aurait plus de crédibilité et cela éviterait les situations malheureuses, comme ce qui s'est produit lors de la nomination de M. Shapiro.
La troisième chose qui me préoccupe, ce sont les restrictions entourant la nomination du commissaire aux conflits d'intérêts, lesquels imposent une limite inutile aux candidats potentiels. Cela fait de nombreuses années que j'écris et que je dis que les anciens juges font d'excellents commissaires à l'éthique. Dans un sens, je suis heureux que le projet de loi C-2 tienne compte de mes travaux de recherche, mais on a pris mes propos un peu trop à la lettre, car je n'ai pas dit que seuls les anciens juges peuvent faire de bons commissaires à l'éthique. Bien sûr qu'ils font de bons commissaires à l'éthique, et la majorité des commissaires à l'éthique seront d'anciens juges, éventuellement. J'ai lu les bleus des séances du comité qui se sont déroulées ces dernières semaines, et quand Coulter Osborne et H.A.D. Oliver ont parlé des avantages de la nomination d'un ancien juge à ce poste. Un commissaire qui a déjà été juge est bien préparé à occuper ce poste et peut traiter des situations difficiles de manière impartiale et sensible. Ça ne veut pas dire que les personnes ayant d'autres expériences ne peuvent pas être de bons commissaires à l'éthique. Il en revient à la Chambre des communes et au Sénat de choisir cette personne. S'il doit y avoir un seul commissaire à l'éthique, pourquoi ne pas laisser le champ ouvert et laisser cela à votre jugement?
Cela met un terme à mes commentaires de base. Vous êtes peut-être heureux de leur brièveté; je suis très occupée actuellement, avec le début de l'année universitaire.
Le président : Merci beaucoup. Vous dites que vous avez faits des commentaires de base, mais ils soulèvent tant de questions chez les honorables sénateurs que presque chacun d'eux veut poser des questions.
J'ai aimé votre suggestion d'avoir recours à un processus de recrutement plus vaste comme celui qui est utilisé en Alberta et en Colombie-Britannique. D'après mes lectures et d'après mon expérience de la vie publique, les Canadiens n'ont jamais eu peur de se présenter à des postes de haut niveau, comme juge ou de lieutenant-gouverneur. Je crois que les Canadiens continueront de porter un intérêt à ces types de postes. Cependant, pourquoi recommandez-vous que nous utilisions le même processus qu'en Alberta ou en Colombie-Britannique?
M. Greene : Selon la proposition actuelle, le gouverneur en conseil doit nommer un commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique après consultation avec les chefs de tous les partis reconnus. Cette proposition signifie en fait que le premier ministre suggérera un candidat et qu'il discutera de cela avec les chefs des autres partis.
Le président : Y a-t-il un mécanisme de veto?
M. Greene : Rien dans la loi dit qu'ils doivent s'entendre, mais la candidature est mentionnée et est présentée au Cabinet. Cela ne veut pas nécessairement dire que le premier ministre est au courant de tous les candidats qui pourraient être de bons candidats à ce poste.
Mon autre crainte, c'est que la crédibilité du commissaire pourrait être affectée par le processus. J'ai beaucoup de respect pour M. Shapiro. C'est un homme brillant qui a beaucoup d'intégrité, mais en raison du processus, depuis le début, sa réputation a été entachée inutilement. Sa réputation n'a pas été entachée par ce qu'il a fait, mais plutôt par le résultat du processus.
Le sénateur Joyal : Nous sommes reconnaissants que vous ayez partagé votre expérience et vos pensées au sujet de cette question. Nous avons déjà bénéficié de votre contribution auparavant, et cela a été utile en bout de ligne. Je vous remercie pour cela.
Je voudrais revenir sur un point soulevé par notre président. Comme vous l'avez mentionné dans votre exposé, le commissaire à l'éthique de la Chambre des communes et le conseiller sénatorial en éthique bénéficient des privilèges de leur Chambre et de leurs membres. À ce sujet, vous vous souviendrez qu'il y a bien des années, nous avions demandé que les deux Chambres aient leur propre régime.
Le commissaire à l'éthique que nous sommes appelés à étudier, dans le cadre de ce projet de loi, devra superviser les nominations du gouverneur en conseil, les ministres ainsi que du personnel à temps à plein et à temps partiel, soit environ 3 500 personnes, comme on nous l'a dit tout à l'heure.
Je peux comprendre jusqu'à un certain point pour quelle raison le premier ministre devrait avoir directement son mot à dire, comme le prévoit l'article 81 du projet de loi. Cet article précise ce qui suit :
Le gouverneur en conseil nomme un commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique par commission sous le grand sceau, après consultation du chef de chacun des partis reconnus au Sénat et à la Chambre des communes et approbation par résolution du Sénat et de la Chambre des communes.
Lorsque le commissaire sénatorial à l'éthique a été sélectionné au Sénat, il y a eu un vote. Le chef du gouvernement d'alors s'est engagé formellement à ne pas recommander un nom qui n'a pas été approuvé par le représentant du parti de l'opposition. Il a pris cet engagement. Lorsqu'un nom a été suggéré, une entente a tout de suite été conclue.
Je pense que cette approche était la bonne. Cela confirmait que tout le monde à la Chambre devait accepter la personne proposée, que tout le monde doit estimer que cette personne possède l'ouverture, la franchise et la sincérité nécessaires pour être en mesure d'accueillir les divulgations des députés, de discuter avec eux et de leur fournir des interprétations ou des conseils.
Dans le cas du commissaire auprès du premier ministre, c'est la raison pour laquelle il y a une confusion entre le commissaire qui supervise les députés et le commissaire qui supervise les titulaires de charge publique. Puisque ces deux postes ont été fusionnés en un seul, on se demande qui décide. En bout de ligne, c'est le premier ministre qui décide pour l'autre parti de la Chambre.
On pourrait toujours dire que la majorité l'emportera, car la nomination doit être approuvée par résolution. Bien sûr, en situation de gouvernement minoritaire, je comprends que le premier ministre veut obtenir l'appui d'un, de deux ou même de trois partis, selon les résultats du vote.
Votre suggestion semble tenir compte davantage de la situation où deux postes ont été fusionnés en un seul. Comme vous l'avez dit, avec raison, les députés devraient pouvoir, idéalement, décider par consensus quelle personne devrait être nommée. De cette manière, l'indépendance et l'objectivité de la personne ne seraient pas remises en question à la première occasion.
C'est ce qui s'est passé à la Chambre; lorsque le premier problème est survenu, l'objectivité du commissaire a été remise en question et on a fait des commentaires à ce sujet. Un témoin nous a dit ce matin que la pire chose qui peut arriver en matière d'éthique, c'est de rendre la question politique.
M. Greene : C'est exact.
Le sénateur Joyal : Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de la fusion des deux postes de commissaire à l'éthique, soit celui qui supervise les titulaires de charge publique et celui qui supervise les députés?
M. Greene : Il y a deux questions. L'une porte sur la fusion, et l'autre porte sur la manière dont le conseiller doit être nommé.
Peu importe le système de mise en nomination. Si l'on fusionne les deux postes, la personne choisie à titre de commissaire aux conflits d'intérêts aura de la difficulté à obtenir de la crédibilité auprès du Sénat. Le Sénat est plus petit que la Chambre des communes. Les sénateurs auront le sentiment qu'ils participent moins au processus et la personne qui est choisie n'est pas vraiment choisie par eux. C'est dommage, car le commissaire aura plus de difficulté à s'acquitter de ses fonctions d'éducation.
Il nous faut un régime d'éthique qui ait les meilleures chances de fonctionner comme il est censé le faire. Je suis convaincu qu'un agent distinct pour le Sénat, comme vous l'avez maintenant, a de meilleures chances de succès que si vous aviez un régime commun.
Cela présente des inconvénients dont nous pourrions parler plus tard, à avoir deux agents différents qui fournissent le même type de conseils. Ce n'est pas ce qui nous occupe pour l'instant.
Le deuxième enjeu concerne le mode de sélection de l'agent. Les sénateurs ont eu la sagesse de s'assurer qu'il y ait entente entre la majorité et la minorité dans le choix de l'agent d'éthique pour le Sénat. C'est important. Peut-être, si les sénateurs continuent d'avoir leur propre agent d'éthique, y aurait-il moyen d'améliorer encore ce processus.
Par exemple, vous pourriez vous ouvrir à la possibilité de la mise sur pied d'un comité de recherche qui serait composé de sénateurs des deux côtés; il pourrait non seulement inviter des gens à postuler, mais aussi faire des recherches pour trouver les personnes les plus appropriées et les inviter à poser leur candidature.
Le sénateur Joyal : L'un des arguments que nous avons entendus à l'appui de la théorie qu'il serait préférable que chaque Chambre ait son propre commissaire et agent d'éthique s'appuyait sur le devoir constitutionnel des deux Chambres et la nécessité qu'elles restent indépendantes pour exécuter leurs tâches et se surveiller mutuellement. Ce que vous nous avez exposé cet après-midi n'est pas l'argument constitutionnel ni juridique, mais l'argument pratique. Vous insistez sur la nécessité pour nous de tirer leçon de la pratique pour décider de ce projet de loi, soit en fait de l'accessibilité du commissaire ou de l'agent, et de la possibilité pour n'importe quel membre des Chambres de communiquer avec lui et d'établir des rapports personnels.
Vous laissez entendre que si un commissaire ou agent a trop de monde à superviser, analyser et certifier, la structure bureaucratique entourant le commissaire se chargera de la supervision et il ne sera pas possible d'établir des rapports personnels au fil des années.
Bien entendu, le Sénat souhaite que la personne qui occupera ce poste y reste un certain temps, parce que les sénateurs conservent leur poste un certain temps, alors il serait plus facile d'établir ce rapport de confiance. Vous venez nous exposer la conclusion qu'en dehors de l'argument juridique et constitutionnel, une saine pratique administrative voudrait que ce soit quelqu'un avec qui nous pouvons établir des rapports directs. Pour ce faire, le nombre de personnes à superviser ou à conseiller devrait être limité; autrement, il n'y a pas de moyen efficace de parvenir à cette fin. Vous fondez cette conclusion, en fait, sur votre expérience au niveau provincial.
M. Greene : Cette conclusion est fondée sur mon expérience à l'échelon provincial, mais aussi sur l'étude que j'ai faite de l'administration publique. Dès que le champ d'activité de n'importe quel titulaire d'une fonction publique devient trop vaste, il lui est difficile de s'acquitter de sa tâche aussi efficacement qu'il le pourrait autrement, selon la nature de ses fonctions.
Vous avez raison, j'aborde cette question sous l'angle pratique parce que je suis convaincu que la grande majorité des sénateurs et des représentants élus sont des gens d'une grande intégrité, et qu'ils méritent le plus grand respect des Canadiens. Les scandales et autres incidents survenus depuis une vingtaine d'années ont sapé la confiance du public dans leurs dirigeants, et c'est malheureux. Je voudrais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour m'assurer que quel que soit le régime d'éthique qui sera créé, il fonctionne tel qu'il est censé fonctionner. J'aborde l'enjeu d'une perspective pratique.
Toutefois, d'un point de vue constitutionnel, l'une des raisons importantes d'avoir une constitution, c'est pour promouvoir la responsabilité démocratique. Au lieu de décortiquer les caractères noirs de la Constitution, de débattre de principes constitutionnels, il pourrait être bon de revenir aux principes de base d'une responsabilité démocratique et sur la manière dont le régime d'éthique du Sénat peut promouvoir la responsabilité démocratique et a démontré aux Canadiens que les sénateurs ne sont pas en conflit d'intérêts, qu'ils observent les normes de responsabilité déontologique les plus rigoureuses qui soient.
De ce vaste point de vue constitutionnel, il vaut mieux avoir un agent d'éthique du Sénat qu'un poste unifié.
Le sénateur Joyal : J'aimerais en savoir plus sur votre troisième préoccupation, soit que nous devrions élargir le champ des candidats potentiels et ne pas limiter le poste exclusivement aux personnes qui ont une « expérience juridique ». Quel autre critère voudriez-vous appliquer dans cette disposition du projet de loi, en matière d'antécédents?
M. Greene : Je ne suis pas sûr que les professeurs d'université aient nécessairement l'expérience pratique nécessaire pour un poste aussi important que celui-ci. Il pourrait être bon d'exclure les professeurs d'université, mais je n'en suis pas sûr.
Plutôt que d'intégrer dans la loi des critères rigides et difficiles à modifier, je serais en faveur d'un comité de recherche. Pour un poste unifié, le comité de recherche serait créé par la Chambre des communes et le Sénat. Si les postes restent distincts, alors le Sénat aurait son propre comité de recherche, lequel déciderait des critères qui devraient être appliqués.
S'il existait un tel comité de recherche, je recommanderais que les personnes nommées aient un bon entendement de la pratique de l'éthique dans le contexte public. Ces gens devraient bien comprendre les méthodes d'enquête. C'est ce à quoi les juges excellent. Il leur est indispensable de comprendre le processus d'enquête. Ils doivent avoir un entendement pratique de l'impartialité et de la manière de faire preuve d'impartialité dans des situations difficiles. Il leur faut comprendre la justice naturelle, le régime politique du Canada et son histoire.
Je recommande que le comité de recherche envisage d'inclure ces critères.
Le président : Cette liste est très intéressante et comporte certains critères semblables à ceux que d'autres témoins ont déjà proposés au comité, alors je vous remercie.
Le sénateur Comeau : Vous avez dit dans vos commentaires que le scandale Sinclair Stevens vous avait amené à vous intéresser à tout le concept de l'éthique. Je m'étonne de constater que vous n'avez pas pris la peine de préciser qu'en fait, Sinclair Stevens avait été exonéré des allégations portées contre lui.
M. Greene : Ce n'est pas tout à fait vrai. J'ai lu la décision judiciaire avec le plus grand intérêt, et ce qui est arrivé, c'est que les règles du premier ministre de l'époque — le code du premier ministre Mulroney pour les ministres de son Cabinet — ne comportaient aucune définition de ce qu'est le conflit d'intérêts. C'était une lacune d'importance.
En passant, l'une des choses que j'apprécie de cette loi, c'est qu'elle contient une bonne définition du conflit d'intérêts. C'est le fruit de longues réflexions, et je l'apprécie.
Donc il n'existait pas de définition du conflit d'intérêts, alors le juge a décidé de se fonder sur la définition commune du conflit d'intérêts. Sinclair Stevens a déclaré que c'était injuste parce qu'il aurait dû avoir la chance de voir cette définition à l'avance, parce qu'il ne l'avait jamais vue avant la publication du rapport. M. Stevens a affirmé qu'il aurait structuré son témoignage autrement, et c'est vrai. Cette définition était injuste en ce qui concerne Sinclair Stevens, mais elle n'a rien changé aux faits tels que les a découverts le juge Parker. Cette affaire est encore un jalon de l'histoire pour aller à la source des régimes sur les conflits d'intérêts au Canada.
Le sénateur Comeau : Entendez-vous par là que Sinclair Stevens avait eu tort?
M. Greene : Non. Je dis que le rapport est une lecture vivement conseillée à quiconque veut comprendre l'origine des règles en matière de conflit d'intérêts au Canada. Je dis qu'il nous faut une définition claire du conflit d'intérêts. Dieu merci, ce projet de loi en comporte une.
Le sénateur Comeau : Il n'est pas exonéré, seulement à moitié exonéré?
M. Greene : Ce n'est pas le terme juste. Il s'est retrouvé dans une situation difficile en raison de l'absence de définition. D'un autre côté, s'il n'était pas allé voir le sous-registraire général adjoint, il aurait pu s'éviter bien des déboires qu'il a connus par la suite.
Le sénateur Comeau : Je ne pousserai donc pas le sujet plus loin.
Vous suggérez un commissaire à l'éthique pour la Chambre, un pour le Sénat et un pour les autres, en vous fondant sur le fait que si nous avions notre propre commissaire à l'éthique, nous adhérerions plus volontiers au programme que si nous le partagions avec d'autres.
M. Greene : Non seulement vous y adhéreriez, mais vous auriez quelqu'un dont vous pourriez obtenir conseil plus rapidement que ce ne serait le cas autrement. Comme je l'ai dit avant, ce quelqu'un aurait du poids, parce qu'il serait choisi par le Sénat et serait un agent indépendant du Sénat. Il aurait plus de pouvoir, probablement, qu'un agent qui serait désigné par ce nouveau commissaire aux conflits d'intérêts pour s'occuper du Sénat. Par conséquent, les conseils auraient plus de chances d'être suivis. Les sénateurs seraient plus portés à se fier à ces conseils que ce ne serait le cas autrement. C'est ce que je pense.
Le sénateur Comeau : C'est votre théorie. Cependant, je ne suis pas sûr d'être d'accord. En fait, je pourrais considérer que cette personne aurait beaucoup plus d'expérience. L'administration des divers régimes d'éthique lui donnerait un vaste champ d'expérience dont s'inspirer, surtout si je devais lui demander si je suis sur la corde raide.
M. Greene : C'est vrai, si nous pouvions réduire à la fois la Chambre des communes et le Sénat à une cinquantaine de personnes. Dans cette situation, cela pourrait être valable. Toutefois, nous avons 308 députés.
Le sénateur Comeau : Cela laisse entendre que toutes sortes de règles d'éthique sont enfreintes à droite et à gauche et que cette personne est tellement occupée à administrer les infractions à l'éthique que d'une manière ou d'une autre, elle n'a pas le temps de nous recevoir. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas.
M. Greene : Si vous regardez les rapports annuels des commissaires à l'éthique de l'Ontario et de la Colombie- Britannique, vous verrez qu'ils ne consacrent pas le plus clair de leur temps aux allégations d'infraction aux règles parce que, comme je le disais, la plupart des représentants élus savent faire preuve d'éthique.
L'éthique n'est pas un domaine facile. Quand vous lisez des règles sur les conflits d'intérêts, quelles qu'elles soient, il y a toujours une zone grise. On se demande : si je faisais ceci, est-ce que j'enfreindrais les règles?
Quand j'étais fonctionnaire, chaque jour, j'avais à régler des questions d'éthique. Il aurait été merveilleux de pouvoir de temps à autre recevoir l'avis d'un conseiller en éthique. S'il n'y a pas quelqu'un qui est disponible dans l'immédiat, parfois, on prend de mauvaises décisions et c'est gênant.
Le sénateur Comeau : Vous dites que cette personne est tellement occupée qu'elle ne peut pas avoir de temps à nous consacrer.
M. Greene : C'est bien cela.
Le sénateur Comeau : Je reviens à ce que je disais, c'est qu'on laisse entendre qu'il y a tellement de conflits.
M. Greene : Non. Le rôle de cette personne consiste surtout à rencontrer des gens pour tirer au clair les questions de la zone grise et les renseigner sur la nature des règles pour commencer. Certaines des questions sont difficiles, par exemple : Qu'est-ce qu'il me faut divulguer? Qu'est-ce que je ne devrais pas divulguer? De quels biens dois-je me départir si je deviens ministre du Cabinet? Ce sont des questions très complexes. C'est le genre de choses avec lesquelles composent les commissaires à l'éthique. Ils ont très rarement à faire enquête sur des allégations d'écarts de conduite.
Le sénateur Comeau : Je vois ce que vous voulez dire. Cette personne serait tellement occupée qu'elle n'aurait pas de temps pour nous.
M. Greene : Pour vous aider avec ce qui compte, oui.
Le sénateur Comeau : Vous suggérez dans vos observations préliminaires que le projet de loi devrait contenir des règles plus claires. Notre témoin, ce matin, disait que les règles étaient trop claires; que nous devrions en revenir à des lignes directrices ou à des principes. On dirait que nous recevons là deux conseils contradictoires.
M. Greene : Il est possible que je ne me sois pas bien fait comprendre dans mes observations préliminaires.
Dans les années 70 et 80, quand j'étais fonctionnaire en Alberta, j'ai trouvé que les règles d'éthique pour les fonctionnaires n'étaient pas claires. Cela a créé plusieurs problèmes. C'est ainsi que je me suis intéressé à l'étude de l'éthique en général, tant pour les représentants élus que ceux qui sont nommés.
La définition du conflit d'intérêts est très claire, dans le projet de loi. On n'aura jamais d'ensemble parfait de règles, mais je suis satisfait du projet de loi. Ce sont les autres aspects qui me préoccupent.
Que les règles soient dans la loi ou qu'elles soient dans un code comme celui qu'a actuellement le Sénat, il y a des pour et des contre à chaque méthode : pour commencer, j'étais sceptique à l'idée d'intégrer les règles dans la loi. J'aime les codes pour leur flexibilité, mais ces règles sont stipulées dans les lois de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, et cela n'a pas eu les effets néfastes que j'avais craints.
Le sénateur Comeau : Vous signalez que M. Shapiro a fait l'objet de critiques. Est-ce que vous dites que ces critiques n'étaient ni justifiées, ni méritées?
M. Greene : Je les dirais plutôt malencontreuses. Quand on essaie de créer un nouveau régime déontologique en voulant qu'il fonctionne bien, c'est le genre de choses qu'on retrouve sur son chemin, dont on n'a pas besoin.
Le sénateur Comeau : Le motif de la critique n'avait pas été prévu.
M. Greene : Je ne pense pas que ce soit pertinent. Je regrette que ces incidents soient survenus. Ils ont amené les Canadiens qui appuyaient le régime d'éthique à penser : « Ce n'est qu'un autre stratagème pour nous convaincre que les politiciens respectent l'éthique alors que tout le monde sait que ce ne sont que des escrocs. » C'est malheureux, parce que j'éprouve le plus grand respect pour les honorables sénateurs et députés.
Le sénateur Zimmer : Merci, professeur, d'être venu témoigner devant nous aujourd'hui. Vous orientez notre réflexion sur d'autres aspects.
Le sénateur Campbell : Un coroner en chef pourrait amplement remplir les fonctions de commissaire à l'éthique, mais ce n'est pas ce dont il s'agit ici.
Le sénateur Milne : Ou un ex-maire.
Le sénateur Campbell : J'aimerais vous parler de Sinclair Stevens. Vous avez parlé des allégations. Je pense que c'est un bon exemple. C'est arrivé en 1985, et je pense que c'est en 2005, si je ne me trompe, que le jugement final a été rendu. Ainsi, pendant 20 ans, quelqu'un se débattait sous le feu des accusations. Au bout du compte, comme vous l'avez signalé, on pourrait examiner quasiment n'importe quelle décision juridique et dire « Eh bien, ouais, mais... » En bout de ligne, on est coupable ou non coupable, et c'est tout ce qui compte.
Je ne pense pas que ce ne soit qu'une simple affaire d'entretien de M. Stevens avec un commissaire ou à un agent d'éthique. Si c'était aussi simple, le commissaire à l'éthique devrait être un prêtre qui peut nous absoudre de nos péchés et nous laisser repartir l'âme en paix.
Comment éviter la question de « Larry Campbell a fait ceci » quand je ne peux pas y répondre? Pendant les 20 prochaines années, je vais poursuivre ce long processus. Est-ce qu'un commissaire à l'éthique changerait cela?
M. Greene : Oui.
Le sénateur Campbell : Je n'ai pas admis avoir commis la moindre infraction aujourd'hui, au contraire d'autres honorables sénateurs.
M. Greene : En aparté, brièvement, je pense que c'était il y a une dizaine d'années que vous et moi assistions à l'émission de Rafe Mair, le même jour. Il est injuste d'être accusé de certaines choses, que ce soit par un journaliste ou n'importe qui d'autre, et que ces allégations puissent planer sur nous pendant de nombreuses années. Fort heureusement, il n'a pas été trop dur pour moi, mais j'ai eu quelque crainte.
L'une des choses qui m'ont amené à appuyer la création de postes de commissaires indépendants sur les conflits d'intérêts ou de commissaires à l'éthique dans tous les territoires de compétence du Canada, c'est ce qui est arrivé à Sinclair Stevens. Les médias n'auraient jamais dû avoir à se mêler d'allégations de conflit d'intérêts, à la suite de longues recherches, et ensuite les publier, qu'elles aient été vraies ou non. C'est ce qui est arrivé parce qu'il n'y avait pas de définition de ce qu'était un conflit d'intérêts. En fin de compte, il a fallu 20 ans pour régler la question. Cela n'aurait jamais dû arriver.
Malheureusement, au Canada, et partout ailleurs, aucun progrès n'est jamais fait dans l'amélioration des procédures parlementaires à moins qu'il y ait une espèce de scandale ou de bourde monumentale. Nous devons tous beaucoup à Sinclair Stevens pour ce qu'il a vécu parce que son expérience a donné lieu à de vastes améliorations.
À peu près à la même époque que celle du scandale Sinclair Stevens, il se passait quelque chose de similaire en Ontario. Plusieurs ministres du cabinet étaient accusés de conflit d'intérêts. Tous les médias en parlaient. Plusieurs enquêtes législatives se déroulaient en même temps. On a demandé à John Black Aird, l'ex-lieutenant gouverneur de l'Ontario, de faire des recommandations. Il a été le premier à dire qu'il nous fallait mettre un terme à ce genre de situation. Il nous faut un commissaire à l'éthique indépendant désigné par l'assemblée législative, et il nous faut des règles claires avec une définition claire du conflit d'intérêts. Le commissaire est quelqu'un qui a une fonction d'éducation, qui peut aussi très rapidement examiner des allégations, s'il y en a, et déterminer rapidement si elles sont fondées sur des faits probants.
Ainsi on ne pourra plus accuser injustement des gens et ruiner leur réputation pour de nombreuses années. C'est un moyen rapide et juste de résoudre les questions, et dans les provinces, il a été extrêmement efficace.
Le sénateur Milne : Ce matin, nous parlions du paragraphe 44(5) du projet de loi, qui semble être un bâillon. C'est en fait une consigne pour imposer le silence à un sénateur ou à un député qui apprend du public qu'un titulaire de charge publique pourrait avoir enfreint la loi. C'est très vaste : ce paragraphe stipule « [...] ne peut les communiquer à quiconque pendant qu'il décide s'ils devront être communiqués au commissaire [...] » et la consigne du silence est maintenue jusqu'à la publication du rapport par le commissaire.
Cette proposition semble bien absolue. On ne peut même pas parler des renseignements avec les employés de nos bureaux, ceux-là mêmes qui devraient pouvoir nous aider à examiner la question. Je crains l'effet que peut avoir ce bâillon sur la capacité des sénateurs et députés de s'exprimer librement même dans leurs Chambres respectives, ce qui est un aspect fondamental de nos fonctions.
M. Green : Ce paragraphe me semble être une tentative pour empêcher que les noms de certaines personnes soient injustement traînés dans la boue quand tous les faits ne sont pas encore connus. Je n'ai pas encore vraiment réfléchi à la question pour déterminer si c'est vraiment le meilleur moyen d'y parvenir.
Le sénateur Milne : Cette consigne potentielle de silence pourrait forcer un député ou un sénateur à s'adresser directement au public plutôt que de consulter le commissaire.
M. Green : Elle pourrait avoir cet effet contraire à celui voulu. Il serait intéressant de discuter avec les rédacteurs de l'origine de ce paragraphe. Je ne me rappelle pas avoir vu un article comme celui-là dans les lois provinciales que je connais. Je ne suis pas sûr du but recherché avec cet article. Je pense savoir ce qu'il cherche à accomplir, mais il pourrait y avoir un meilleur moyen d'y parvenir.
Je m'en remettrai au jugement des commissaires à l'éthique des provinces qui ont composé avec ce genre de situation. Dans leurs rapports, ils encouragent les députés à ne pas divulguer ces choses parce qu'ainsi, le système est plus efficace. Ils sont critiques à l'égard de ceux qui contournent cette procédure informelle. Cela semble fonctionner assez bien. Je ne sais pas s'il est nécessaire que ce soit dans la loi.
Le sénateur Milne : Ma deuxième question concerne la Loi sur les conflits d'intérêts telle qu'elle est dans le projet de loi C-2. Voyez à la page 22. Les articles 38 et 39 de ce projet de loi portent sur l'octroi de dispenses ou d'exemptions aux règles portant sur l'après-mandat. Si le commissaire lui-même décide de déroger à la période pendant laquelle s'appliquent les restrictions à l'après-mandat pour quelqu'un, ou encore de la réduire, alors, l'article 39 s'applique. Plusieurs critères y sont reliés, y compris le fait que la décision doit être publiée dans le registre public que tient le commissaire. D'un autre côté, si le commissaire accorde lui-même une dérogation ou une exemption sans condition, pas seulement une réduction du délai, alors, l'article 38 s'applique et, bizarrement, il n'y a pas d'obligation de publication.
Une réduction de la période doit être affichée publiquement, mais si on élimine complètement le délai — une dérogation totale — il n'est pas nécessaire de l'annoncer publiquement. Je ne sais pas d'où c'est venu. Cela peut être dû au fait qu'à l'origine, un ministre avait ce pouvoir et qu'il n'était pas sujet à révision.
M. Greene : L'article 38 concerne les personnes visées par les articles 35 et 37, tandis que l'article 39 concerne les personnes visées par l'article 36. Je pense que c'est ici la différence. L'article 39 est plus strict parce qu'il concerne tous les ex-titulaires de charge publique, à l'exception des ex-ministres d'État.
Le sénateur Milne : Maintenant, je n'y comprends vraiment plus rien. Peut-être pouvez-vous m'expliquer pourquoi il doit y avoir publication de l'un et pas de l'autre.
M. Greene : Au pied levé, comme ça, je ne peux pas trouver d'explication. Je pense que les mêmes normes devraient s'appliquer, et ces décisions devraient être transparentes et publiques.
Pour certaines personnes nommées par décret en conseil, il pourrait être inutile d'avoir autant de dispositions, parce qu'elles ne sont pas tellement sous le projecteur public. Cependant, pour d'anciens ministres du Cabinet, il me semble que le processus devrait être extrêmement transparent pour inspirer confiance au public.
Le sénateur Stratton : On dirait que nous abordons un sujet que vous ne connaissez pas à fond. Peut-être pourriez- vous examiner la question et nous communiquer plus tard votre avis?
M. Greene : J'en serais heureux.
Le président : Vous pourrez envoyer votre document au greffier du comité.
M. Greene : C'est ce que je ferai.
Le sénateur Day : Merci, professeur Greene, d'être ici. Quand nous parlions des qualifications des personnes pouvant être commissaires à l'éthique et des gens navigant d'une profession à une autre pour tenir ces fonctions, j'ai pensé à l'une de nos anciennes collègues, qui a été présidente de votre université pendant un certain temps, Lorna Marsden.
M. Greene : Elle en est encore la présidente.
Le sénateur Day : Nous vous prions de transmettre nos amitiés à notre ex-collègue.
J'aurais bien des questions à vous poser, parce que vous nous avez fait une présentation succincte sur des aspects très intéressants. Toutefois, je vais m'en tenir aux aspects dont ont traités d'autres témoins. Vous avez parlé de certaines compétences territoriales. Vous avez dit que l'Ontario et l'Alberta ou la Colombie-Britannique ont fait des lois de ce qui était auparavant un code. La question qui a été soulevée plus tôt, c'est que dans un code, on a normalement des principes au début, qui facilitent l'interprétation. Cela favorise un climat positif plutôt que de créer un contexte d'obligations. N'est-il plus approprié d'avoir des principes d'interprétation quand il s'agit d'une loi?
M. Greene : Absolument pas. Je pense que tant en Ontario qu'en Colombie-Britannique, les lois commencent avec des principes généraux. De fait, c'est ainsi que les deux lois ou le code devraient commencer, parce que lorsqu'il y a conflit entre l'intérêt privé et l'intérêt public, l'intérêt public l'emporte. L'objet du code est de promouvoir le comportement le plus éthique possible, de favoriser l'intérêt public dans le pays. Si on parle de ces principes de base très vastes, tout dans le code — et dans la loi, plus on avance, plus c'est détaillé — est fondé sur ces mêmes principes de base.
Le sénateur Day : Vous savez que les principes qui s'appliquaient auparavant, dans le code, aux titulaires de charge publique n'existent plus dans ce projet de loi-ci.
M. Greene : C'est vrai. J'en ai été déçu. Ces principes ont un long passé, qui remonte à l'époque de Brian Mulroney, et même avant. Ils avaient évolué avec les années, et ils étaient le fruit de longues réflexions. Il serait dommage de les perdre.
Le sénateur Day : J'aimerais parler, à défaut de meilleur terme, de l'adoption, du respect, de l'acceptation du processus et du régime. Vous avez dit que vous êtes profondément engagé, en un sens, à accroître le respect et la compréhension du public à l'égard de l'éthique, au moyen de l'éducation. J'apprécie le travail que vous faites; il est extrêmement important.
Nous avons entendu ce matin qu'en faisant une loi de ce qui était un code, lequel avait plus de flexibilité, on aurait un effet contre-productif, en fait, en suscitant des attentes et un manque de respect à l'égard du processus. Êtes-vous d'accord avec cette théorie? Vos réflexions vous ont-elles mené dans cette direction?
M. Greene : De fait, oui j'y ai réfléchi. Je souscrivais auparavant à ce point de vue particulier. Cependant, les lois, en Ontario et en Colombie-Britannique, ne semblent pas avoir eu les conséquences néfastes que j'avais présagées.
J'aime encore l'idée d'un code parce qu'il est plus flexible. Les commissaires provinciaux à l'éthique peuvent cerner les lacunes et les corriger plus rapidement. D'un autre côté, mes étudiants aiment beaucoup l'idée d'un code imposé par la loi parce que, selon eux, il a plus de pouvoir. Ils peuvent plus facilement le trouver, et il est plus transparent.
Le sénateur Day : Sont-ils avocats?
M. Greene : Non, ce sont des avocats en herbe.
Le sénateur Day : Ce sont des étudiants en droit. Cela pourrait expliquer pourquoi ils préfèrent que ce soit dans la loi plutôt que dans quelque chose de moins rigide.
M. Greene : Je pense que l'une ou l'autre approche peut être efficace, selon la bonne volonté des gens qui sont là pour assurer cette efficacité. Tout dépend si les députés et sénateurs sont plus à l'aise avec un code ou avec la loi.
Le sénateur Day : Vous avez parlé de vos réserves à l'égard de l'intégration du code dans la loi. Vous avez parlé de vos réserves en ce qui concerne l'acceptation du public et son adhésion au processus. Vouliez-vous dire son respect du processus?
M. Greene : Aucune loi n'est parfaite, et tôt au tard, on y trouve des éléments qu'on voudrait essayer de corriger. Vous savez combien il est difficile de faire passer une loi par le Sénat et la Chambre des communes. Il y a d'autres priorités plus pressantes, alors il pourrait être difficile d'apporter les modifications nécessaires. Ainsi, des brèches flagrantes qui n'avaient pas été repérées pourraient rester dans les textes pendant de nombreuses années. On peut modifier le code beaucoup plus rapidement, alors c'est l'une des choses qui me préoccupent.
Le sénateur Day : Si le code est institué en loi, est-ce que cela ne stimulera pas le cynisme public et sa conviction qu'il y a plus de corruption et moins de comportement éthique? Est-ce que cela vous préoccupe?
M. Greene : C'est n'est pas l'une de mes grandes préoccupations, non.
Le sénateur Day : Ce l'était pour d'autres témoins.
M. Greene : Oui, je connais très bien M. Saint-Martin, et nous en avons discuté. Peut-être a-t-il raison.
Le sénateur Day : Et peut-être avez vous raison. La dernière question que j'ai à vous poser concerne la recommandation de trois commissaires à l'éthique. Vous dites trois, alors il y en aurait un pour les ministres du Cabinet, un pour ...
M. Greene : Non, je suggère un commissaire pour les membres du Cabinet et les députés, un pour le Sénat et l'autre pour les personnes nommées par décret en conseil.
Le sénateur Day : Dans mon esprit, j'ai regroupé le troisième, pour les ministres du Cabinet et les autres personnes désignées par décret en conseil.
M. Greene : Il y a tellement de chevauchement entre ce que font les ministres du Cabinet et leur rôle de députés, ce serait une erreur que d'avoir...
Le sénateur Day : Je le comprends; je suis heureux d'avoir demandé cette précision; cela a été utile.
Le sénateur Stratton : Lorsque nous parlons de principes enchâssés dans le projet de loi C-2, tels que ceux que nous examinons aujourd'hui, je suis sûr que vous êtes au courant de l'existence de principes dans un ensemble de règles d'éthique du Sénat et un autre de la Chambre des communes. Et puis voilà que vous mettez un éventail de principes dans le projet de loi C-2. Le problème qui se pose, c'est qui gagne? Nous sommes définis, comme l'a signalé le sénateur Day, par les tribunaux, actuellement, comme étant des titulaires de charge publique. Donc on établit une série de principes dans le préambule du projet de loi C-2, et on a une série de principes dans les règles d'éthique de la Chambre des communes, et une autre série de principes dans les règles d'éthique du Sénat. Laquelle a préséance?
M. Greene : Ne serait-ce pas bien s'il y avait partout les mêmes principes?
Le sénateur Stratton : Oui, ce serait bien, mais c'est là qu'est le problème, parce qu'actuellement, ce n'est pas le cas. Comme vous le savez, le meilleur moyen de gouverner c'est que chaque Chambre établisse son propre ensemble de principes, et que vous soyez d'accord avec eux.
M. Greene : Cette loi ne s'appliquera qu'aux titulaires de charge publique conformément à la définition.
Le sénateur Stratton : D'après les tribunaux, nous sommes des titulaires de charge publique. C'est de là que vient la confusion. Cependant, on m'a assuré, et je le dis ici aux membres du comité — que lorsque le gouvernement exécutera son plan d'action sur l'imputabilité, cet ensemble de principes sera présenté aux titulaires de charge publique.
Nous aurons deux ministres ici qui viendront témoigner et pourront le confirmer, je l'espère.
Le sénateur Milne : Professeur Greene, quand vous examinerez les articles 38 et 39 qui sont proposés et que vous ferez parvenir le fruit de vos réflexions au greffier du comité, peut-être pourriez-vous aussi examiner l'article 37 qui est proposé pour la Loi sur les conflits d'intérêts. L'article proposé déborde un peu sur la portion concernant les lobbyistes de ce projet de loi. Il comporte des ramifications, ici, au sujet du conflit d'intérêts et du commissaire. La fameuse interdiction de lobbying pendant cinq ans faite aux titulaires de charge publique est stipulée dans la modification à la Loi sur l'enregistrement de lobbyistes, le paragraphe 10.11(3) et l'article 10.12 proposés, aux pages 75 et 76 de ce projet de loi, alors peut-être voudriez-vous prendre note de ces pages. On y autorise le commissaire au lobbying à exempter des personnes de l'interdiction, sous certaines conditions. L'article 37 qui est proposé dans la Loi sur les conflits d'intérêts comporte des dispositions régissant le lobbying par d'anciens titulaires de charge publique dans la période d'après-mandat de deux ans pour les ministres et ministres d'État, et d'un an pour les titulaires de charge publique après qu'ils aient quitté leurs fonctions. Ces deux périodes sont moins que les cinq ans que propose le projet de loi sur le lobbying.
Tout aussi confondant, en vertu de l'article 38 qui est proposé, le commissaire aux conflits d'intérêts est habilité à accorder des exemptions à cette clause. Il y a un lien ici qui crée la confusion pour tout le monde.
Si vous pouviez examiner les modifications à la Loi sur l'enregistrement de lobbyistes, cela pourrait nous épargner de devoir faire revenir le professeur quand nous parlerons du segment de ce projet de loi qui concerne le lobbying.
M. Greene : Ce sera avec plaisir. Il y a des dispositions différentes en ce qui concerne les travailleurs à temps partiel, avec des exemptions qui ne sont pas sujettes à révision. J'examinerai tout cela et je suis bien heureux d'avoir plus de temps pour y réfléchir.
Le sénateur Day : Puisque vous examinez cette partie du projet de loi, il y est fait référence d'un titulaire de charge publique principal, d'un titulaire de charge publique, et en vertu de l'article 10.11 qui est proposé pour la Loi sur l'enregistrement de lobbyistes, à la page 75, il est question d'un titulaire de charge publique de haut rang.
Le sénateur Stratton : Nous avons été définis comme étant un titulaire local de charge publique.
Le sénateur Day : C'est ce que disait M. Hudson. S'il nous faut clarifier et modifier, c'est le moment de le faire, plutôt qu'après, quand quelqu'un devra attendre 20 ans que se déroule tout le processus judiciaire pour aboutir à une décision sur quelque chose de ce genre : la différence entre le titulaire de charge publique principal et le titulaire de charge publique de haut rang. C'est le moment maintenant de clarifier ces choses. Alors si vous pouvez nous aider avec cela, ce serait très apprécié.
M. Greene : Dans l'ensemble, plus le texte de loi est simple, plus les mêmes règles s'appliquent à tout le monde et mieux cela vaut.
Le sénateur Day : Je suis d'accord.
Le sénateur Joyal : Monsieur le président, je voulais revenir à la nomination du commissaire qui est chargé d'examiner la situation du ministre. Le projet de loi prévoit que le premier ministre consulte le chef de l'opposition. Le premier ministre est responsable des nominations qu'il fait au Cabinet. Je peux comprendre que le premier ministre doive consulter le chef de l'opposition. Cependant, pour ce qui est du principe de la responsabilité, puisque le premier ministre assume, en fin de compte, la responsabilité de son propre cabinet, je ne suis pas sûr qu'il doive avoir l'appui du chef de l'opposition pour y nommer qui que ce soit. Pour le titulaire de charge publique nommé par le gouverneur général en conseil, c'est une décision de l'exécutif quand le gouvernement décide de recommander au gouverneur général de nommer monsieur X ou madame Y, le gouvernement exerce sa prérogative. C'est différent pour les parlementaires, parce que les parlementaires devraient être maîtres en leur propre Chambre. Ce principe est fondamental dans la création d'un solide comité entre les deux Chambres du Parlement.
Lorsque nous parlons de l'éthique de l'exécutif ou de personnes qui dépendent entièrement de la prérogative de l'exécutif de nommer, comme je le mentionnais dans ces deux exemples de ministres et de titulaires de charges publiques nommés par le gouverneur en conseil, je ne suis pas sûr qu'il nous faille aller plus loin. En tant que parlementaires, bien que je n'accepterais pas que le premier ministre décide qui sera agent d'éthique ou commissaire à l'éthique des députés et sénateurs — je suis d'accord avec vous que cela se ferait avec une certaine dose d'entente, et vous avez décrit un processus — quand il s'agit d'éthique de la responsabilité du premier ministre, il faut faire une distinction dans de solides principes d'administration publique qui distinguent le rôle exécutif du rôle législatif : un Parlement de deux Chambres.
M. Greene : C'est un aspect intéressant. Vous soulevez un élément intéressant, soit que si l'agent d'éthique était simplement un haut fonctionnaire du Parlement qui observait les députés, mais pas les ministres du Cabinet dans leur rôle de ministres du Cabinet, il ne serait purement qu'un haut fonctionnaire du Parlement. Si le Cabinet est inclus, comme il doit l'être, il faut un processus de nomination tout à fait différent, comme la nomination par décret en conseil par le biais du premier ministre.
Le Parlement est actuellement à la recherche de meilleurs systèmes pour nommer les juges — il y a là une certaine similitude, à mon avis — et les sénateurs. Je ne savais pas si on en parlerait aujourd'hui ou non. Qu'y aurait-il de mal à un processus où il y aurait un commissaire à l'éthique pour la Chambre des communes et le Cabinet, avec un comité de recherche dirigé par la Chambre des communes? Le comité pourrait faire des recommandations et fournir une liste restreinte au premier ministre, qui pourrait alors faire un choix, consulter les chefs des autres partis, puis procéder à une nomination. Premièrement, le processus est éducatif; il rehausserait le régime d'éthique à un rang plus élevé. Deuxièmement, le processus mettrait de l'avant de meilleurs candidats que ce ne serait le cas autrement. Troisièmement, ceux-ci pourraient jouir de plus de crédibilité à cause de la participation des députés dans leur choix.
Le sénateur Joyal : Pour poursuivre sur la même veine, dans le cadre de ses fonctions, l'agent d'éthique actuel du Sénat jouit des mêmes privilèges que les sénateurs; il est protégé. Sa liberté d'expression et sa liberté d'intervention sont protégées contre l'intervention du tribunal. Lorsque le commissaire actuel, d'un autre côté, exerce son rôle, il compose avec les députés et est protégé par le privilège dont jouissent les députés, parce le commissaire exerce la responsabilité des parlementaires de discipliner leurs membres. Lorsque le même commissaire supervise le titulaire de charge publique désigné par décret en conseil, le commissaire n'exerce pas les privilèges du Parlement. C'est clair. Seuls les députés et l'institution, et non pas les personnes nommées par le gouverneur général, peuvent se prévaloir de ces privilèges.
Le degré d'autonomie de l'institution du commissaire me confond, quand tout est regroupé sous un même dirigeant. Alors, la dynamique du poste est enclenchée. Ce sont les chiffres qui parlent. Il ne fait aucun doute que si je devais superviser 3 500 personnes nommées par décret, par opposition à 100 sénateurs, je sais bien à qui je m'adresserais. Ce serait à la personne qui prend les décisions au quotidien, et non pas à des gens que la Constitution oblige à donner leur avis. Je n'ai pas à décider; je dois fournir un avis au Sénat. Le rôle que m'attribue le gouverneur général est de donner mon avis et mon consentement, non pas d'octroyer des contrats ou d'allouer des fonds par le biais de programmes, et cetera Ce n'est pas de l'ordre, en fait, de mes décisions courantes. Celles-ci sont à un autre niveau.
Lorsque qu'on confond les différentes cultures institutionnelles chez une même personne, on doit savoir qu'un élément l'emportera sur l'autre. Selon ma perception, d'après ce que j'ai vu de l'évolution de la situation à la Chambre des communes au fil des années, il faut tirer ses propres conclusions de l'expérience vécue d'allégations qui ont été faites, et cetera La dynamique, au bout du compte, servira pleinement l'objectif que nous voulons atteindre avec ce projet de loi — personne n'est contre l'imputabilité, et tout le monde est pour l'éthique — mais comment concevoir un système pour réaliser nos objectifs? En essayant de fusionner tout sous le même chapeau, je ne suis pas sûr qu'on simplifie l'interprétation, les règles, ou ce genre de choses. Le système ne fonctionne pas naïvement dans ce contexte, pas du tout.
M. Greene : Vous avez donné plusieurs raisons pour lesquelles les deux systèmes ne devraient pas être fusionnés, et je suis d'accord avec vous, ce serait contreproductif. Cela nuirait au nouveau régime d'éthique qui est en train de s'établir et de devenir productif ici, au Sénat. Cette fusion viendrait tout compromettre. Ce serait extrêmement malheureux, parce que cela convaincrait les Canadiens qu'il n'y a pas d'éthique en politique, une idée effrayante. Peut-être le gouvernement pourrait-il accepter un changement relativement petit pour garder ces deux régimes séparés. Il y a beaucoup de bons aspects dans ce projet de loi, donc pourquoi nous accrocherions-nous à cette question? J'espère que le gouvernement va accepter l'avis du comité sur ce point.
Le sénateur Milne : Il y a un autre élément qui me porte à réfléchir à certaines définitions du projet de loi. À la page 13 du projet de loi, article 23 des règles régissant les conflits d'intérêts proposées, dans la rubrique « Déclaration de cadeaux et autres avantages », on lit que le titulaire de charge publique ou un membre de sa famille ne peut pas accepter des cadeaux ou avantages « d'une même source autre que les parents et les amis qui excèdent 200 $ sur une période de douze mois ». À la page 7, alinéa 11(2)b), on utilise encore le mot « ami », mais le sens de ce mot est très flou. Entend-on par là un ami proche, un voisin d'à côté ou une personne qu'on voit tous les dix ans et qui est toujours un ami? Devrait-on utiliser un tel terme dans un projet de loi?
M. Greene : J'essaie de me rappeler comment le mot « ami » est défini dans la première partie du projet de loi.
Le sénateur Milne : Il n'est pas défini dans le projet de loi. Il évoque seulement ce concept vague.
M. Greene : Je ne suis pas certain qu'on puisse réussir à définir le mot « ami ». Pour le faire, il faudrait demander les conseils d'un commissaire à l'éthique ou d'un conseiller en éthique.
Chaque année en Ontario, en Colombie-Britannique, en Alberta et ailleurs, les bureaux des commissaires produisent un rapport annuel pour présenter les questions communément posées aux commissaires et expliquer comment, sans divulguer de renseignements confidentiels, ceux-ci ont répondu à ces questions. Cela pourrait comprendre une discussion sur ce que signifie le mot « ami » et sur la proximité nécessaire pour qu'une personne soit considérée comme un ami.
Le sénateur Milne : Nous ne voudrions peut-être pas établir la liste de nos amis.
Le sénateur Joyal : Je dirais qu'un ami est une personne dont le nom apparaît sur nos listes de cartes de Noël.
M. Greene : Ce qu'il faut retenir, c'est que nous vivons dans un régime de primauté du droit où les titulaires de charge publique ne peuvent pas faire preuve de favoritisme et doivent traiter tout le monde également. La tentation de manifester du favoritisme à l'endroit de ses amis et toujours là, et toutes les personnes qui sont cyniques à l'endroit de la politique pensent que cela arrive tout le temps.
Le sénateur Milne : Il peut s'agir d'amis politiques ou d'amis personnels.
M. Greene : C'est absolument vrai. La plupart des politiciens sont reconnaissants d'avoir des règles qui leur permettent de se comporter de façon éthique, parce que la plupart d'entre eux veulent se comporter de façon éthique.
Le président : C'est extrêmement intéressant, et nous vous remercions de vos réponses, monsieur Greene.
Notre prochain témoin, mesdames et messieurs les sénateurs, est M. Duff Conacher, membre du conseil d'administration de Démocratie en surveillance, ainsi que président de deux coalitions de l'organisme : la Government Ethics Coalition et la Money in Politics Coalition.
M. Conacher est le fondateur de Démocratie en surveillance, un organisme qui milite pour la réforme démocratique, la responsabilisation du gouvernement et la responsabilisation des entreprises. Il s'est fait connaître comme auteur de nombreux ouvrages populaires et commentateur en matière d'affaires publiques.
Monsieur Conacher, le comité vous souhaite la bienvenue à ses délibérations. La parole est à vous.
Duff Conacher, président, Government Ethics Coalition et Money in Politics Coalition : Je tiens à remercier à la fois le comité et le sénateur Oliver, pour cette présentation et pour m'avoir invité à comparaître aujourd'hui sur ce projet de loi très important, le projet de loi C-2.
Aujourd'hui, je vais mettre l'accent sur les lacunes que Démocratie en surveillance voit dans ce projet de loi, plus particulièrement sur les 21 mesures promises qui n'ont pas été incluses dans le projet de loi, bien que le Parti conservateur les ait promises pendant la campagne électorale. Malheureusement, ces mesures ont été laissées de côté. La plateforme que le Parti conservateur s'est engagé à respecter — c'est-à-dire l'adoption d'une loi sur l'imputabilité qui contiendrait plus de 50 mesures — visait des éléments clés de l'éthique, du lobbying, de l'argent en politique, des nominations faites par le Cabinet, de la passation de marchés par le gouvernement, de la protection des dénonciateurs, de l'accès à l'information, de la budgétisation et de la vérification. Malheureusement, lorsque le projet de loi a été déposé en avril, il manquait 21 des 52 mesures promises. Le bris de ces promesses fondamentales est non seulement dérangeant, il affaiblit aussi, dans certains cas, le régime actuel.
Vous avez entendu le commissaire à l'éthique actuel et l'ancien conseiller en éthique s'exprimer sur certaines des règles manquantes qui ne seront pas incluses dans la loi sur les conflits d'intérêts proposée, qui enchâsse dans la loi le code régissant la conduite des membres du Cabinet, des hauts fonctionnaires et des titulaires de charge publique. Ils ont mentionné quelques règles; j'aimerais en souligner quelques autres, qui sont retirées de ce code.
L'une des principales règles de l'article sur les principes oblige les titulaires de charge publique à agir avec honnêteté. C'est la seule mesure générale qui oblige les hauts dirigeants, leur personnel et les hauts fonctionnaires à dire la vérité au public et aux médias. En donnant force de loi au Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat, les conservateurs proposent d'éliminer cette règle, de même que quatre autres. Cette nouvelle loi malhonnête est dérangeante, parce qu'on nous avait promis de donner force de loi au code existant. Il est malhonnête d'affirmer, comme l'a fait le président du Conseil du Trésor, M. John Baird, qu'il donne force de loi au code existant, alors qu'en réalité, les conservateurs suppriment cinq règles essentielles de ce code, dont celle sur l'honnêteté.
C'est un enjeu primordial pour les Canadiens, comme ils l'ont montré à la dernière élection et comme le montrent tous les sondages depuis une dizaine d'années : nous manquons de moyens pour tenir les partis responsables de leurs promesses électorales et nous manquons de moyens pour nous doter d'un mécanisme de plaintes et d'enquête qui nous permettrait, si nécessaire, d'imposer des sanctions aux personnes malhonnêtes envers le public, qu'il s'agisse d'un ministre du Cabinet ou d'un fonctionnaire.
Les membres de Démocratie en surveillance estiment que si cette règle n'est pas réintégrée à la partie du projet de loi C-2 concernant la Loi sur les conflits d'intérêts, les députés, de par leur rôle, seront tenus d'agir avec honnêteté (bien que le commissaire à l'éthique actuel refuse de faire appliquer cette règle, même si c'est une règle claire du code des députés), alors que les personnes plus puissantes que les députés, soit les ministres du Cabinet, ne seront pas tenus d'être honnêtes. Cet élément fondamental est l'objet de l'une des 21 promesses qui ont été écartées et brisées dans le projet de loi C-2 sous sa forme actuelle.
Un autre grand sujet de préoccupation est l'échappatoire qui a été ajoutée au code des titulaires de charge publique par Paul Martin lors de son premier jour comme premier ministre. Il a redéfini le terme « intérêt personnel » utilisé dans ce code et a créé une règle qui permet aux ministres du Cabinet et aux hauts fonctionnaires d'intervenir dans des dossiers pour lesquels ils sont en conflit d'intérêts, dans la mesure où les questions traitées sont d'application générale.
C'est une gigantesque échappatoire, parce que presque tout ce que les ministres font est d'application générale. Par exemple, il n'y a pas de loi sur la Banque Royale : il y a la Loi sur les banques. Il n'y a pas de loi propre à une société d'assurances, il y a une loi générale sur les sociétés d'assurances. Cette nouvelle définition de l'intérêt personnel, qui se trouve actuellement dans le code et qui sera incluse dans la Loi sur les conflits d'intérêts, signifie qu'il est presque impossible pour un ministre du Cabinet de se trouver en conflit d'intérêts, même s'il traite d'un dossier dans lequel il un intérêt financier direct, parce que cet intérêt est défini comme non existant dans le contexte des conflits d'intérêts, dans la mesure où la question reste d'application générale. Toutes les lois sont d'application générale, de même que la plupart des politiques, et les ministres ne sont pas censés participer à la passation de marchés. Encore une fois, pour 99 p. 100 de ce que les ministres font, ils seront en droit d'être en conflit d'intérêts si cette échappatoire demeure.
D'autres mesures sont absentes de la loi. Selon la promesse des conservateurs, le public était censé être autorisé à porter plainte directement au commissaire à l'éthique. Selon le projet de loi, les membres du public doivent demander à un député ou à un sénateur de porter plainte en leur nom. À mes yeux, il s'agit d'une violation des droits du public prévus dans la Charte, parce que les membres du public doivent trouver un politicien partisan prêt à porter plainte, alors qu'ils peuvent ne pas être partisans eux-mêmes, mais c'est également une violation générale des droits du public en tant qu'employeur de toutes les personnes au gouvernement. Le public devrait avoir le droit de porter plainte directement sans recourir à un employé pour porter plainte contre un autre de ses employés. Cela va donner un caractère partisan à toutes les plaintes. Cette échappatoire doit être éliminée pour assurer une application plus efficace des règles d'éthique.
Les sanctions applicables au non-respect de la Loi sur les conflits d'intérêts devraient être plus sévères. Les conservateurs ont promis de conférer au commissaire le pouvoir de donner des amendes aux contrevenants, mais n'ont établi qu'une amende maximale de 500 $, une amende insignifiante pour n'importe quel ministre du Cabinet qui touche plus de 200 000 $ par année.
Le lobbying secret, contraire à l'éthique, va demeurer légal parce que les conservateurs ont enfreint leur promesse électorale d'obliger les ministres et les hauts fonctionnaires à enregistrer leurs contacts avec des lobbyistes. Par conséquent, il sera toujours légal pour certains lobbyistes d'exercer des pressions sans s'enregistrer, et cela concerne surtout les lobbyistes de sociétés à but lucratif, en raison des échappatoires qu'on trouve dans la loi.
Bon nombre d'employés des ministres pourront encore devenir lobbyistes bien trop tôt après qu'ils ont quitté leur poste parce que l'interdiction de devenir lobbyiste pendant cinq ans ne s'applique pas à tout le personnel ni à tous les hauts fonctionnaires. Il y a beaucoup trop d'exceptions.
Pour ce qui est des nominations, la Loi fédérale sur la responsabilité n'exige pas que le Cabinet crée la commission des nominations publiques. Elle lui permet seulement de le faire. Par conséquent, il est probable que cette commission ne soit jamais créée ou que si elle l'est, elle reste inactive ou qu'elle ait les mains liées et qu'elle ne soit pas préservée par la loi du tout, puisque le projet de loi C-2 dicte seulement que le Cabinet « peut » constituer la commission des nominations publiques et la maintenir. Ainsi, il n'y aura toujours aucune garantie à l'avenir que s'exercera une vérification efficace du pouvoir du premier ministre et du Cabinet de nommer quelque 3 000 personnes pour s'occuper de fonctions clés au gouvernement et de l'application de la loi.
Les institutions gouvernementales pourront garder secrets des renseignements que le public a clairement le droit de connaître parce que les conservateurs n'ont pas inclus dans le projet de loi les huit mesures promises pour modifier la Loi sur l'accès à l'information. Bien qu'il y ait une autre démarche en cours pour modifier la Loi sur l'accès à l'information, Démocratie en surveillance estime qu'il s'agit d'une promesse brisée, parce que la promesse était d'inclure ces huit mesures dans le projet de loi C-2. L'autre démarche ne fait que commencer et de ce fait, elle suit d'environ six mois le projet de loi C-2. Il n'y a aucune garantie que tout le processus sera terminé à temps pour que la loi sur un gouvernement ouvert soit renforcée.
Les dénonciateurs qui ne sont pas fonctionnaires ne seront pas protégés adéquatement contre les représailles, parce que le public n'est pas bien protégé aux termes de la Loi fédérale sur la responsabilité. Le projet de loi C-2 ne protège même pas tous les fonctionnaires dénonciateurs. Il devrait y avoir une protection générale dans le projet de loi pour quiconque veut dénoncer quelque chose, quelle que soit sa relation avec le gouvernement, qu'il soit de l'intérieur ou de l'extérieur. Cependant, il n'y a pas de règle générale en ce moment.
L'identité des politiciens et des fonctionnaires coupables d'actes répréhensibles pourrait souvent être gardée secrète parce que le projet de loi ne prévoit aucune mesure pour respecter la promesse des conservateurs d'exiger la divulgation rapide au public des renseignements révélés par les dénonciateurs.
La première version du projet de loi C-2 prescrivait une récompense maximale de 2 000 $ pour les dénonciateurs. Cette disposition a été totalement rayée par la Chambre des communes. Ainsi, c'est une autre promesse électorale brisée, puisqu'on nous avait promis d'établir des récompenses financières pour les dénonciateurs.
Il n'y aura aucune garantie de transparence en matière de budget au gouvernement non plus, parce que le directeur parlementaire du budget ne sera pas indépendant comme promis. Le Cabinet pourra démettre de ses fonctions le directeur parlementaire du budget n'importe quand, ce qui signifie que cette personne n'aura pas la sécurité d'emploi nécessaire pour faire la lumière sur les prévisions budgétaires du gouvernement. Par conséquent, nous avons besoin d'un directeur indépendant et le projet de loi doit être modifié en ce sens.
De même, il n'y aura aucune garantie que sera nommé un vérificateur de l'approvisionnement, comme il n'est pas garanti qu'il y ait une commission des nominations publiques, parce que le projet de loi C-2 ne fait qu'en autoriser la nomination sans obliger le Cabinet à nommer un vérificateur comme promis. Encore une fois, comme pour la commission, je pense que même si l'on crée un poste de vérificateur, nous le verrons disparaître très bientôt, parce que le Cabinet n'aura pas l'obligation de le maintenir en poste, il en aura le pouvoir discrétionnaire seulement.
Mesdames et messieurs les sénateurs, ces 21 promesses ne seront pas respectées dans ce projet de loi.
Beaucoup de personnes pourront penser qu'il est étrange que Démocratie en surveillance comparaisse devant une assemblée non élue pour demander des réformes démocratiques adoptées par une assemblée élue. Nous vous demandons aujourd'hui de protéger les droits des électeurs. Depuis dix ans, les sondages montrent que les électeurs se préoccupent beaucoup de tous ces problèmes et qu'ils veulent du changement. On leur a promis du changement : on leur a fait 52 promesses, mais seulement 31 ont été respectées. Nous estimons qu'il est tout à fait légitime que le Sénat, bien qu'il ne soit pas élu, défende les droits des électeurs et renvoie le projet de loi à la Chambre après y avoir ajouté ces 21 mesures, pour demander aux députés conservateurs de décider s'ils voteront pour le respect de leurs promesses ou s'ils voteront contre, officiellement. Ils ne se sont jamais officiellement prononcés contre dans les délibérations sur le projet de loi C-2.
La position de Démocratie en surveillance, c'est que le Sénat n'a pas la légitimité voulue pour apporter d'autres changements importants au projet de loi et surtout, pour l'affaiblir. Nous croyons que les nombreux scandales qui ont éclaté depuis quelques décennies nous prouvent la nécessité de toutes ces autres mesures. Nous pensons que le Sénat, plutôt que d'affaiblir le projet de loi C-2, devrait s'efforcer de renforcer son propre code sur les conflits d'intérêts, particulièrement ses mesures d'application, compte tenu que le conseiller sénatorial en éthique est aussi mal placé que l'ancien conseiller fédéral en éthique sur les plans de l'indépendance et du pouvoir. Le Sénat devrait essayer de s'assainir plutôt que d'affaiblir un projet de loi adopté par la Chambre, un projet de loi que le public exige depuis longtemps.
Je vais m'arrêter là. Je serai prêt à répondre à vos questions sur ces 21 éléments. Vous devez avoir entre les mains un rapport sur les 140 lacunes que comporte le projet de loi. Il faudra beaucoup de temps pour corriger ces 140 lacunes dans le système de responsabilisation du gouvernement fédéral, mais il faut les corriger, parce que nous avons besoin d'un système qui s'applique à tous les organismes au Canada, particulièrement à ceux qui s'occupent de gouverner. Nous avons besoin d'un système qui oblige tous les membres de l'organisme à agir de façon honnête, dans le respect des règles d'éthique, avec transparence, de façon représentative et sans gaspillage. Il faut que ce système s'assortisse de règles solides, de mesures d'application de la loi rigoureuses, de sanctions élevées et qu'il soit appliqué par des organismes habilités et pleinement indépendants. Nous en avons besoin non pas parce que toutes les personnes qui travaillent au sein du gouvernement fédéral ou dans un autre organisme a l'intention de violer les règles, mais parce que certaines personnes essaieront de le faire. L'histoire le montre bien.
Les gens font ce pour quoi ils sont surveillés et non ce qu'on attend d'eux et quand tout est dit et fait, on en a dit beaucoup plus qu'on en a fait. Dans ce contexte, nous avons besoin d'un système d'application de la loi qui comprend certains éléments fondamentaux. Nous devons éliminer les échappatoires, prévoir des mesures d'application de la loi rigoureuses et des sanctions élevées pour nous assurer d'un système de responsabilisation efficace au gouvernement fédéral ainsi que d'un gouvernement fédéral efficace et efficient. C'est l'enjeu d'aujourd'hui : quel que soit l'enjeu ou le problème qui préoccupe le gouvernement fédéral, sans ces mécanismes fédéraux de responsabilisation, le gouvernement fédéral ne s'en occupera pas efficacement.
Le président : Monsieur Conacher, tout ce que je peux vous dire c'est : bravo! Il y a plus de 45 témoins qui ont comparu devant notre comité dans le cadre de notre étude du projet de loi C-2, et le projet de loi C-2 est très volumineux et compliqué. Il comprend beaucoup d'articles, touche beaucoup de lois et beaucoup de domaines différents (la dénonciation, le lobbying, les conflits d'intérêts) et vous êtes le seul témoin à vous présenter devant nous qui s'exprime sur tous ces éléments, je vous dis donc bravo.
Il y a beaucoup de sénateurs qui veulent vous poser des questions sur les divers points que vous avez soulevés, et je vais commencer par le sénateur Comeau.
Le sénateur Comeau : Monsieur Conacher, pouvez-vous nous dire exactement en quoi consiste Démocratie en surveillance?
M. Conacher : Démocratie en surveillance est un organisme qui existe depuis 1993. Nous avons un conseil d'administration de trois personnes et un comité consultatif de quatre autres personnes. En 1993, nous nous sommes tous rassemblés, avec quelques autres personnes — il y a eu un petit roulement de personnel au conseil —, pour établir l'organisme. Il s'agit d'un organisme à but non lucratif et non partisan qui se préoccupe de la responsabilisation au gouvernement et dans les entreprises au Canada, surtout à l'échelon fédéral. Parfois, nous intervenons aussi aux échelons provincial et même municipal.
Le sénateur Comeau : J'ai lu dans le site Web de votre organisme que vous demandez des dons au public. D'où provient votre financement?
M. Conacher : En effet, nous comptons sur le soutien de citoyens de partout au Canada. Comme vous le savez, je comparais devant vous aujourd'hui en tant que président de la Government Ethics Coalition et de la Money in Politics Coalition. Nous avons fait officiellement partie du comité directeur de l'Open Government Canada Coalition. Ce que nous demandons aujourd'hui correspond à ce que préconisent ces coalitions, et je dois dire que bon nombre des groupes qui forment ces coalitions fournissent également un soutien à Democracy Watch.
Le sénateur Comeau : Je suis heureux que vous ayez soulevé ce point, car nous n'irons pas plus loin sur le sujet. Vous obtenez des fonds auprès du public, alors j'aimerais savoir si vous délivrez des reçus aux fins de l'impôt.
M. Conacher : Non. Il s'agit d'un organisme sans but lucratif, mais non pas d'un organisme de bienfaisance.
Le sénateur Comeau : Publiez-vous des états financiers à l'intention des membres du public qui vous financent?
M. Conacher : Oui, nous en publions à l'intention de tous nos membres.
Le sénateur Comeau : Se trouvent-t-ils sur votre site Web?
M. Conacher : Non, nous les faisons parvenir à nos membres.
Le sénateur Comeau : Vous les faites parvenir strictement à vos donateurs. Si je vous faisais un don de 5 $, me feriez- vous parvenir les états financiers vérifiés?
M. Conacher : Nos états financiers ne font pas toujours l'objet d'une vérification. Nous avons un commis comptable, mais les états financiers ne sont pas toujours vérifiés.
Le sénateur Comeau : Je crois savoir que vous étiez enregistré comme lobbyiste il y a quelques années.
M. Conacher : Oui.
Le sénateur Comeau : Je connais un grand nombre des ministères auprès desquels vous avez exercé des pressions. J'ai remarqué que vous n'êtes plus enregistré comme lobbyiste. Est-ce que cela signifie que vous ne faites plus de lobbying?
M. Conacher : Cela fait trois ans que j'attends que le bureau du registraire rende une décision au sujet du code de déontologie des lobbyistes. Ce code précise que les lobbyistes doivent respecter toutes les lois pertinentes, y compris la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.
Le sénateur Comeau : Et quel est le problème?
M. Conacher : Si vous me permettez de terminer, le code indique que les lobbyistes doivent non seulement respecter les lois, mais aussi l'esprit des lois. Techniquement, je n'ai pas à m'enregistrer comme lobbyiste d'après la formulation actuelle de la loi. Elle comporte d'énormes lacunes, et je dois dire que je m'étais enregistré en toute bonne foi. Cependant, la dernière fois que la loi a été modifiée, le gouvernement libéral a décidé de ne pas combler ces lacunes, alors j'ai comparu devant le comité sénatorial et j'ai annoncé que je n'allais plus être enregistré comme lobbyiste parce que la loi est inefficace. Ce n'est pas une loi sur l'enregistrement des lobbyistes, mais plutôt une loi sur l'enregistrement de certains lobbyistes. La plupart des lobbyistes qui n'ont pas à s'enregistrer sont des lobbyistes salariés. Les règles du jeu ne sont pas égales, et si le gouvernement décide de faire en sorte qu'elles le soient, alors je devrai m'enregistrer, mais en ce moment, je ne suis pas forcé de le faire.
Le sénateur Comeau : En raison d'une de ces lacunes, vous faites actuellement du lobbying sans être enregistré comme lobbyiste.
M. Conacher : Oui, et j'attends une décision quant à la signification du code de déontologie des lobbyistes.
Le sénateur Comeau : Vous nous dites que nous devrions respecter l'esprit de la loi, mais vous ne le faites pas vous- même puisque vous avez trouvé une lacune vous permettant de ne pas le respecter.
M. Conacher : Nous avons trouvé cette lacune en 1994, et la dernière fois que j'ai comparu devant votre comité c'était en 2003, je crois. Combien de temps faut-il au gouvernement pour uniformiser les règles du jeu?
Le sénateur Comeau : Ainsi, il est juste pour vous de ne pas vous enregistrer comme lobbyiste.
M. Conacher : Je ne suis pas obligé de le faire en vertu de la loi. Je ne passe pas au moins 20 p. 100 de mon temps à faire du lobbying, qui est le seuil fixé. Si les conservateurs avaient respecté leur promesse d'obliger les ministres et les hauts fonctionnaires à tenir des comptes, alors chaque fois que je communiquerais avec quelqu'un, cela serait pris en note. C'est de cette façon que le système devrait fonctionner et qu'il aurait dû être conçu en premier lieu. Le présent projet de loi ne règle pas du tout cette lacune. En principe, une société pourrait avoir 100 lobbyistes qui font chacun du lobbying 19,9 p. 100 du temps, c'est-à-dire une journée par semaine, et aucun d'entre eux n'aurait à s'enregistrer. Le lobbying secret sera encore légal après l'adoption de cette mesure législative. Je n'y peux rien.
Le sénateur Comeau : Permettez-moi de revenir sur deux commentaires que vous avez formulés récemment. Vous avez accusé le gouvernement de ne pas avoir tenu sa promesse de combler les lacunes qui font en sorte que les ministres peuvent voter sur des questions touchant leurs intérêts commerciaux. Êtes-vous encore de cet avis?
M. Conacher : Tout à fait.
Le sénateur Comeau : Qu'en est-il du paragraphe 6(2), à la page 6 du projet de loi sur les conflits d'intérêts, qui se lit comme suit :
Il est interdit à tout ministre, ministre d'État ou secrétaire parlementaire de participer, en tant que membre du Sénat ou de la Chambre des communes, à un débat ou à un vote sur une question à l'égard de laquelle il pourrait se trouver dans une situation de conflit d'intérêts.
M. Conacher : Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, la définition qu'on donne à l'article 2 est la suivante :
« intérêt personnel » N'est pas visé l'intérêt dans une décision ou une affaire :
a) de portée générale;
Je dirais que 99 p. 100 de ce qu'ils font est de portée générale. À moins qu'on supprime la définition d'intérêt personnel, ils ne se préoccuperont pas du paragraphe 6(2); ils ne se trouveront jamais dans une situation de conflit d'intérêts.
Je sais que Tony Clement détient des actions d'une société pharmaceutique. Pour autant que je sache, il les a peut- être vendues cet été, mais on n'a rien annoncé à cet effet. Il s'agit d'une société à grand nombre d'actionnaires, mais 25 p. 100 de ces actions...
Le sénateur Stratton : Je détiens des actions de la Banque Royale du Canada, qui est aussi une société à grand nombre d'actionnaires.
M. Conacher : Oui, mais vous n'êtes pas ministre.
Le sénateur Stratton : Quelle est la différence?
M. Conacher : C'est le pouvoir qu'il a en tant que ministre d'établir des politiques et des règlements. Tout ce dont il s'occupe, à l'exception des contrats, qui relèvent de la compétence de Travaux publics, est de portée générale. Aucune loi ne s'applique à une seule société, habituellement. La portée des lois est presque toujours générale.
Cette lacune a été créée par Paul Martin et elle affaiblit l'ensemble de la loi. La loi exclut l'intérêt dans une décision ou une affaire de portée générale alors que 99 p. 100 de leur travail est de portée générale.
Il est vrai que le paragraphe 6(2) est une excellente disposition, mais elle est inutile 99 p. 100 du temps.
Le sénateur Comeau : Voulez-vous que l'interdiction figure dans la loi elle-même plutôt que dans le code de déontologie?
M. Conacher : Cette mesure législative fait du code une loi et maintient par conséquent une grande lacune. Comment un ministre qui traite avec l'industrie pharmaceutique peut-il détenir 25 p. 100 des actions d'une société pharmaceutique? Il s'agit là d'un régime de gestion des conflits d'intérêts nullement efficace.
Le sénateur Comeau : Vous avez accusé le gouvernement de ne pas avoir tenu sa promesse de publier toutes ses recherches sur l'opinion publique dans les six mois suivant la fin du projet, mais en fait le projet de loi oblige seulement quelques institutions fédérales à publier de telles recherches.
Je vais vous lire les premières phrases de l'article 180 qui modifie l'article 15.1 de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada :
Il incombe à tout ministère, au sens de l'article 2 de la Loi sur la gestion des finances publiques, de transmettre à l'administrateur général, dans les six mois suivant la fin de la collecte de données effectuée dans le cadre de toute recherche sur l'opinion publique [...] le rapport [...]
M. Conacher : Êtes-vous en train de lire l'article 180 du projet de loi?
Le sénateur Comeau : Oui, à la page 131.
M. Conacher : D'après cet article, seulement certaines institutions sont tenues de déposer une copie des recherches effectuées par une société privée.
Le sénateur Comeau : Il est écrit « tout ministère ».
M. Conacher : Si la recherche a été menée par une société privée, seulement certaines institutions sont tenues de le faire.
Le sénateur Comeau : Alors même s'il est écrit « tout ministère », cela ne signifie pas tous les ministères pour vous.
M. Conacher : C'est en effet tous les ministères, sauf lorsque la recherche a été effectuée par une société privée. Il est question ici seulement des recherches menées par le gouvernement.
Le président : Où voyez-vous ça dans le projet de loi?
Le sénateur Comeau : Il est écrit « la collecte de données effectuée dans le cadre de toute recherche sur l'opinion publique ». Je ne vois pas.
M. Conacher : Si vous lisez la définition de « ministère » énoncée à l'article 2 de la Loi sur la gestion des finances publiques, vous constaterez qu'elle ne vise pas l'ensemble des institutions fédérales. Elle ne vise pas les sociétés d'État, les hauts fonctionnaires du Parlement et ni les fondations et organismes qui dépensent l'argent des contribuables ou qui exercent des fonctions publiques.
Le sénateur Comeau : Un certain nombre de fondations ne font pas l'objet à l'heure actuelle de vérifications par le vérificateur général.
M. Conacher : C'est vrai.
La promesse était d'assurer la publication de toutes les recherches sur l'opinion publique menées par le gouvernement. On définit ici le gouvernement comme étant les ministères, alors que moi j'applique la définition traditionnelle, qui ne vise pas seulement les ministères. C'est pourquoi j'ai dit qu'il s'agit d'une promesse qui n'a pas été entièrement respectée.
Le sénateur Comeau : Permettez-moi de revenir sur votre site Web. Il y a quelques minutes, vous m'avez affirmé que vous ne délivrez pas de reçus aux fins de l'impôt. Cependant, vous êtes rattaché au Réseau d'éducation de la démocratie.
M. Conacher : C'est exact.
Le sénateur Comeau : Est-ce que cet organisme délivre des reçus aux fins de l'impôt?
M. Conacher : Oui.
Le sénateur Comeau : Est-ce qu'une partie de ce financement va à Democracy Watch?
M. Conacher : Non. Le Réseau d'éducation de la démocratie et Democracy Watch réalisent des projets et des recherches conjointement.
Le sénateur Comeau : Qui nomme les membres du conseil d'administration et les conseillers de Democracy Watch?
M. Conacher : Nous avons commencé par un conseil d'administration, mais comme il y a eu un changement, les membres du conseil...
Le sénateur Comeau : Y a-t-il des membres chargés de nommer un nouveau conseil d'administration?
M. Conacher : Non.
Le sénateur Comeau : Vous vous êtes nommé vous-même.
M. Conacher : Oui.
Le sénateur Comeau : En raison d'une lacune, vous êtes en mesure de faire du lobbying même si vous n'êtes pas enregistré comme lobbyiste, et vous vous permettez de nous dire que nous devons être sans reproche.
M. Conacher : Je propose qu'on fasse le ménage. Comme je l'ai dit, il y a eu trois processus de modification de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes sous le régime libéral, et chaque fois nous avons relevé la même lacune. Nous en sommes au quatrième processus de modification, maintenant sous les conservateurs, et la lacune n'a toujours pas été comblée, et cette fois-ci cela va à l'encontre de la promesse électorale de rendre le système efficace et de mettre un terme au lobbying secret.
Le sénateur Comeau : Vous êtes en train d'admettre précisément que vous faites du lobbying.
M. Conacher : C'est exact, mais je ne suis pas obligé de m'enregistrer. Le lobbying secret est légal.
Le sénateur Comeau : Êtes-vous en train de dire que ce projet de loi vous permettra de continuer à faire du lobbying au nom de clients sans avoir à vous enregistrer comme lobbyiste.
M. Conacher : Oui, parce qu'il continuera de permettre à une société d'avoir 100, 1 000 ou 10 000 lobbyistes. Tant qu'ils font du lobbying une journée par semaine au plus, ils n'ont pas à s'enregistrer.
Le sénateur Comeau : Vous faites du lobbying un jour par semaine seulement?
M. Conacher : Oui.
Le sénateur Comeau : Vous êtes en mesure de profiter de cette lacune.
M. Conacher : Tout à fait. Cependant, un organisme sans but lucratif comme Démocratie en surveillance qui compte un deuxième lobbyiste doit prétendre qu'il n'en a qu'un seul. Disons que chacun d'eux fait du lobbying une journée par semaine. Il faudrait prétendre qu'il n'y en a qu'un, ce qui signifie qu'ils font du lobbying deux jours par semaine et qu'ils devraient s'enregistrer tous les deux.
En vertu de ce projet de loi, et depuis que la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes a été créée à la fin des années 1980, une société peut avoir 100 lobbyistes qui font chacun du lobbying une journée par semaine et qui sont tous considérés individuellement comme des lobbyistes. Chacun d'eux doit faire du lobbying plus d'une journée par semaine avant de devoir s'enregistrer.
Toutefois, dans le cas d'une société sans but lucratif, il faut prétendre qu'il n'y a qu'une seule personne qui fait du lobbying et additionner toutes les heures consacrées au lobbying. S'il s'agit de plus d'une journée par semaine, alors cette personne fictive doit s'enregistrer.
Les organismes sans but lucratif et ceux à but lucratif ne bénéficient pas des mêmes règles du jeu. La lacune est beaucoup plus importante pour les organismes à but lucratif. Quoi qu'il en soit, c'est pernicieux. Pourquoi voudrait-on permettre le lobbying secret? Si vous n'êtes pas rémunéré, vous n'avez pas à vous enregistrer. Il s'agit-là d'une énorme lacune.
Les sociétés peuvent faire appel à des hauts placés à la retraite qui, techniquement, ne sont pas rémunérés parce qu'ils reçoivent une pension de retraite. Ces personnes exercent des pressions auprès des gens qu'ils ont connus au gouvernement, mais elles n'ont pas à s'enregistrer.
La promesse d'obliger les ministres et les hauts fonctionnaires à divulguer le nom des personnes qui tentent de les influencer aurait dû être tenue.
Le sénateur Comeau : Prétendez-vous que si un citoyen exerce des pressions auprès d'un ministre pour obtenir la construction d'un nouveau quai, par exemple, cette personne devrait être enregistrée comme lobbyiste?
M. Conacher : Oui, s'il fait partie d'un organisme, qu'il soit rémunéré ou non.
Le sénateur Comeau : Vous avez dit qu'une personne retraitée qui fait du lobbying pour la société où elle travaillait devrait être enregistrée comme lobbyiste.
M. Conacher : Elle devrait en effet être enregistrée comme lobbyiste si elle fait du lobbyisme au nom de la société. Sinon, cette personne n'est qu'un électeur et elle ne fait qu'exprimer ses préoccupations en tant qu'électeur. Ce qui est étonnant, c'est que nous en sommes à la quatrième révision de cette loi en l'espace d'une douzaine d'années et cette énorme lacune existera encore à moins qu'on y remédie.
Le sénateur Zimmer : Bien que vous n'en ayez pas beaucoup parlé, je veux aborder la question du financement politique et des dons aux partis politiques. Dans le troisième point de votre mémoire, qui présente 20 mesures visant à favoriser une démocratie moderne et efficace et à responsabiliser les électeurs, vous indiquez là où il faut appliquer le principe « un électeur, un vote » durant les campagnes électorales. Je veux aussi vous poser des questions au sujet des limites des dons, mais pouvez-vous d'abord expliquer votre philosophie à l'égard de ce principe?
M. Conacher : Le jour d'un vote, comme dans toute démocratie, nous suivons le principe d'un électeur, un vote. Aucune personne ne peut avoir davantage d'influence qu'une autre ce jour-là sur la formation du gouvernement. La plupart du travail quotidien qu'accomplit Démocracie en surveillance vise à maintenir ce principe. Par conséquent, aucune personne ne devrait pouvoir exercer une plus grande influence qu'une autre sur le gouvernement entre les élections.
Mais jusqu'où peut-on aller? Des liens existent entre les gens, et il est impossible de les défaire tous. Si vous recevez un appel, vous aurez davantage tendance à y répondre s'il provient d'une personne que vous connaissez plutôt que d'une personne que vous ne connaissez pas.
Cependant, la situation est différente en ce qui concerne les finances. On peut évaluer le montant des dons qu'un Canadien moyen pourrait faire et cette somme pourrait devenir la limite. Le projet de loi C-2 contient d'ailleurs une disposition visant à établir une limite de 1 000 $.
Le sénateur Zimmer : Quelle est selon vous la limite qui devrait être fixée pour les particuliers ou les sociétés?
M. Conacher : Selon Démocratie en surveillance et la Money in Politics Coalition, la limite de 1 000 $ est convenable et l'interdiction pour les organismes d'effectuer des dons est également une bonne mesure. On ne permet pas aux sociétés, aux syndicats ni à d'autres organismes de voter, et ce pour de bonnes raisons démocratiques, principalement parce qu'on craint qu'ils n'exercent leur influence. Si on les laisse utiliser l'argent à cette fin, qui prend alors les décisions? Je n'ai jamais vu de preuves démontrant qu'une société ou un syndicat ait consulté les actionnaires ou les membres avant de déterminer quel montant verser à un parti ou à un autre. En raison des problèmes qu'engendre la démocratie au sein des organismes, je crois que l'interdiction s'impose.
Nous ne savons pas si les nouvelles limites sur le financement des partis politiques posent problème actuellement, parce qu'elles doivent d'abord être éprouvées, et la course à la direction du Parti libéral n'est pas un test précis ni le reflet de ce que vise ce projet de loi. Si des problèmes surgissent, la façon de les régler démocratiquement est d'augmenter les subventions gouvernementales qui existent déjà, comme les sommes versées pour chaque vote reçu. Si des électeurs vous appuient, vous obtenez alors plus d'argent. C'est un système démocratique.
Le sénateur Zimmer : Seriez-vous d'accord pour que les subventions gouvernementales soient de 100 p. 100?
M. Conacher : Non. Démocratie en surveillance est d'avis qu'il faut réduire le niveau actuel des subventions gouvernementales, principalement parce que les chiffres ont été pris au hasard pour qu'on en arrive à une somme qui remplacerait presque exactement la somme que le Parti libéral recevait des sociétés à cette époque. Il faut réduire la subvention et imposer la limite de 1 000 $. Alors, chaque parti recevrait une base de financement, mais le parti qui prospère serait celui qui reçoit l'appui du plus grand nombre d'électeurs. En tenant compte de la déduction fiscale, la limite de 1 000 $ est en fait un don d'environ 500 $. Ce don est raisonnable si l'on considère que le salaire moyen au Canada se situe entre 30 000 $ et 35 000 $; une famille moyenne peut se permettre de verser 1 000 $. À l'heure actuelle, la limite des contributions d'un individu est de 5 200 $, en tenant compte de l'inflation.
Le sénateur Zimmer : C'est 5 400 $.
M. Conacher : Oui. Ce n'est pas une somme qu'un Canadien moyen peut se permettre de verser. En conséquence, si vous voulez maintenir le principe « une personne, un vote », les limites que vous fixez doivent faire en sorte qu'un électeur moyen puisse contribuer au maximum.
Le sénateur Zimmer : Avez-vous effectuer une analyse des sommes que les partis peuvent dépenser durant une élection selon le principe « une personne, un vote de membre »? Avez-vous évalué combien les partis peuvent dépenser au cours d'une campagne électorale?
M. Conacher : En 2005, le Parti conservateur a recueilli autant de contributions que le Parti libéral a obtenues chaque année de 2001 à 2003. Les conservateurs ont montré que même en deçà de la limite actuelle de 5 000 $ — les contributions moyennes qu'ils reçoivent sont, en fait, beaucoup moindres —, ils peuvent recueillir autant d'argent que dans l'ancien système.
Bien des gens sont très inquiets de cette mesure et se servent de la course à la direction pour montrer qu'il y a des problèmes. Or, une course à la direction n'est pas la même chose que le financement d'un parti. Je suis d'accord avec Eddie Goldenberg pour dire qu'ils ont fait une erreur en n'assurant pas une certaine base aux candidats à la direction. La façon d'assurer cette base — encore une fois, un moyen démocratique — consiste à fixer les limites, mais aussi à mettre en place un système de réciprocité. Un candidat à la direction d'un parti recueille une certaine somme auprès d'individus, et un financement public correspondant lui est accordé.
C'est une façon démocratique de résoudre ce problème, et la course à la direction du Parti libéral ne causerait pas autant d'inquiétudes si nous avions un système de réciprocité en place, comme c'est le cas aux États-Unis.
Le sénateur Zimmer : Vous permettez des contributions ordinaires durant toute l'année, mais si une course à la direction survient au cours de cette même année, vous accordez un financement égal aux contributions reçues, ce qui leur permettrait de faire cela.
M. Conacher : Vous pouvez déjà donner à un candidat à la direction une somme égale à la limite, et cette mesure sera conservée. Toutefois, les contributions versées à un candidat à la direction seraient jumelées à un financement public. Si un candidat recueille 50 000 $, les fonds publics seraient utilisés pour égaler cette somme.
Le sénateur Zimmer : Les fonds publics.
M. Conacher : Exactement. Encore une fois, il s'agit simplement de reconnaître certaines réalités. Toutefois, une discussion doit avoir lieu avant que les gens ne disent que les limites entraînent des problèmes. Il faut discuter pour savoir combien d'argent est nécessaire pour mener une campagne de circonscription, une course à l'investiture, une campagne électorale nationale et une course à la direction. Si nous ne savons pas combien d'argent est nécessaire pour atteindre les gens de manière efficace, nous ne savons pas quel est l'objectif, quel est le problème. La course à la direction du Parti libéral est bien avancée et nous n'en avons pas encore la moindre idée. Cet automne, il est possible qu'un ou deux des candidats atteignent la limite de 3 millions de dollars. Qu'ils n'aient pas atteint cette limite au cours de l'été n'est pas vraiment révélateur, puisque, depuis toujours, il est difficile de recueillir de l'argent durant l'été.
Le sénateur Zimmer : Ce qui nous occupe à l'heure actuelle, c'est de savoir quelles sont les limites. Récemment, j'ai parcouru certains travaux de recherche montrant les niveaux établis à travers le monde et au Canada. Les niveaux variaient beaucoup : 8 000 $, 10 000 $, 15 000 $. Pierre Côté était ici il y a deux semaines et a proposé une limite de 15 000 $ pour une société et une limite de 5 000 $ pour des individus. Vous avez raison : bon nombre de ces chiffres ont été pris au hasard et il n'y a aucun lien entre, d'une part, l'ouverture, la transparence et la responsabilité et, d'autre part, les limites. Aucun lien n'a été établi. Les choses peuvent être les mêmes à tous les niveaux. Il importe de définir exactement ce que doivent être ces niveaux, et diverses personnes ont des idées différentes à ce sujet. Voilà donc ce qui nous occupe et la raison pour laquelle nous interrogeons ces témoins afin de connaître leurs opinions.
M. Conacher : Jean Moisan a proposé que les sociétés, les syndicats et d'autres organisations puissent verser une certaine somme d'argent, qui est ensuite mise en commun puis distribuée proportionnellement en fonction des résultats d'une élection. C'est ce que nous avons au niveau fédéral. Ce sont les taxes. Ces sociétés, syndicats et autres organisations donnent de l'argent au gouvernement, qu'ils le veulent ou non, et l'argent est ensuite distribué proportionnellement à raison de 1,75 $ pour chaque vote obtenu. À mon avis, il vaut mieux qu'il en soit ainsi, puisque, encore une fois, je ne crois pas que les cadres d'une organisation prennent des décisions représentatives lorsqu'ils choisissent de contribuer au financement d'un parti donné, s'ils ne représentent pas leurs membres ou leurs actionnaires. Ils ne devraient pas être autorisés à utiliser l'argent des membres et des actionnaires d'une manière qui ne soit pas représentative. Par ailleurs, cette pratique est contraire au principe « une personne, un vote », principe fondamental de toute démocratie.
Le sénateur Milne : Monsieur Conacher, vous avez comparu devant notre comité à plusieurs reprises par le passé, mais j'ai le témoignage que vous avez rendu devant le comité de la Chambre des communes. On vous avait demandé si vous aviez des liens de parenté avec les joueurs de hockey Conacher. Vous avez répondu qu'effectivement, votre grand- père, votre oncle et votre grand-oncle étaient tous des joueurs de hockey. À une certaine époque, votre grand-oncle a brisé la clavicule de mon oncle en fonçant sur lui. Ils ne jouaient pas au hockey, mais au touch-football. Il semble que la famille s'acharne encore sur moi.
M. Conacher : Je vous offre mes excuses, très en retard.
Le sénateur Milne : Je ne crois pas aux excuses rétroactives.
Je me demande souvent pourquoi vous vous donnez la peine de comparaître devant le Sénat. Vous avez demandé à être entendu ici aujourd'hui. D'emblée, vous avez dit que le premier ministre et le président du Conseil du Trésor, John Baird, n'avaient pas agi honnêtement. Dès le début, vous avez insulté le premier ministre et le président du Conseil du Trésor. Puis vous avez dit aux sénateurs qu'ils n'avaient pas la légitimité nécessaire pour changer la loi, puisqu'ils n'étaient pas élus.
Cela me dérange vraiment que vous comparaissiez devant nous pour nous demander de changer quelque chose, en disant toutefois que nous n'avons aucune légitimité pour le faire. Que vous le vouliez ou non, c'est la façon dont le système politique fonctionne au Canada. C'est la façon dont il a été établi par les Pères de la Confédération.
Combien de temps a duré votre comparution devant le comité de la Chambre des communes?
M. Conacher : Environ 45 minutes, partagées avec un autre témoin.
Le sénateur Milne : Avec un autre témoin.
M. Conacher : La moitié de ce temps.
Le sénateur Milne : C'était 45 minutes au total, en incluant les questions. Vous avez ici un témoignage d'une page et demie, et encore.
M. Conacher : Le temps était partagé assez également.
Le sénateur Milne : Alors, votre exposé devant ce comité a probablement duré environ cinq minutes.
M. Conacher : L'exposé, oui, puis il y a eu une période de questions qui a duré probablement 15 minutes de plus.
Le sénateur Milne : Toutefois, vous êtes ici pendant une heure et demie. Cela nous donne-t-il un peu plus de légitimité?
M. Conacher : De la légitimité, oui, pour faire valoir les droits des électeurs.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, le Sénat ne devrait pas apporter des changements majeurs à un projet de loi ou l'affaiblir lorsque celui-ci a été adopté par la Chambre. Toutefois, certains diront qu'il est inhabituel que je comparaisse.
Le sénateur Milne : Ce n'est pas inhabituel. Vous venez ici assez souvent.
M. Conacher : Pas si souvent, en fait. Dans ce cas particulier, les électeurs ont attendu longtemps. Un bon nombre de promesses ont été faites et n'ont pas été tenues. Un grand nombre de problèmes ont été dévoilés au cours des dernières décennies. C'est une occasion unique dans l'histoire.
Au cours de sa campagne électorale, le parti actuellement au pouvoir a fait des promesses très précises touchant à la responsabilité, et 21 de ces promesses n'ont pas été tenues. Le Sénat devrait maintenant intervenir pour garantir que ces promesses sont remplies. Il a une légitimité dans ce rôle, mais non pour affaiblir le projet de loi.
Le sénateur Milne : Parmi les 140 questions que vous soulevez, il y en a 21 pour lesquelles nous avons une certaine légitimité, selon vous; est-ce exact?
M. Conacher : Non. Il y a 21 promesses non tenues, parmi les 52 promesses qu'ont faites les Conservateurs.
Je ne crois pas être le seul à remettre le Sénat en question parce qu'il n'est pas une entité élue et à remettre en question ses relations avec la Chambre des communes. Je sais que vous traitez de ce sujet dans le cadre d'un exercice distinct. Dans ce cas-ci, puisque des promesses très claires ont été faites au cours de la période électorale sur un enjeu important et qu'un grand nombre de ces promesses ne sont pas tenues, le Sénat a l'occasion de faire valoir les droits des électeurs et l'intérêt public.
Le sénateur Milne : Monsieur Conacher, en parlant de légitimité, vous dites que vous avez retiré votre nom de la liste des lobbyistes inscrits parce que vous ne consacrez pas 20 p. 100 de votre temps à cette activité. Rendez-vous des comptes publics sur l'utilisation de votre temps? Comment pouvons-nous savoir si vous consacrez plus de 20 p. 100 de votre temps au lobbying?
M. Conacher : Cela fait partie du système actuel déficient, et c'est pourquoi on aurait dû tenir la promesse visant à mettre un terme au lobbying secret en exigeant que les politiciens de premier plan et les hauts fonctionnaires communiquent le nom des personnes qui font du lobbying auprès d'eux.
Le sénateur Milne : Peut-être aussi que les dirigeants des sociétés et le directeur de Démocratie en surveillance devraient rendre compte du temps qu'ils consacrent au lobbying également, monsieur.
M. Conacher : Vous n'auriez pas à faire cela si vous...
Le sénateur Milne : Si vous étiez obligé de vous inscrire.
M. Conacher : Oui, si vous renversez le fardeau de la preuve. Sans limite de temps, si je communique de quelque façon que ce soit avec un ministre en tant que représentant d'une organisation qui essaie d'influencer une décision ou si je communique avec du personnel ministériel au plus haut niveau décisionnel, il faudrait établir une limite au sein de la fonction publique. On consignerait alors la communication et je serais inscrit à titre de lobbyiste et assujetti au code de déontologie des lobbyistes.
Le sénateur Milne : Voilà un amendement que le Parti conservateur pourrait vouloir apporter au projet de loi.
Puis-je vous poser une autre question sur un élément qui apparaît à la page 4 de votre mémoire de 22 pages? Vous parlez de réintégrer à la partie concernant la Loi sur les conflits d'intérêts de la Loi fédérale sur la responsabilité, le projet de loi C-2, la règle essentielle obligeant les titulaires d'une charge publique à « agir honnêtement ». Vous dites « car il s'agit là de la seule mesure générale exigeant que les politiciens influents, leur personnel et les hauts fonctionnaires soient honnêtes envers le public et les médias [...] » Vous précisez que cette règle se trouve au paragraphe 3(1) de l'actuel Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat, mais elle est absente du projet de loi C-2.
Ce que vous dites en fait, c'est que vous aimeriez voir instaurer un système axé sur les valeurs plutôt qu'un système axé sur les règles. Le projet de loi C-2 est sans contredit un système axé sur les règles.
M. Conacher : Le code actuel l'est également. Il ne s'agit pas de passer de l'un à l'autre. Il s'agit de remplacer un système axé sur un certain nombre de règles par un nouveau système axé sur des règles qui laisserait tomber cinq des règles existantes; c'est tout. Ce ne sont pas des valeurs et des règles. Certaines de ces règles sont des principes; si vous regardez la définition de « règle » dans le dictionnaire, vous verrez que ce mot est défini comme un « principe ». Ces mots sont synonymes. On trouve des principes généraux et des règles précises dans le code maintenant. Si le projet de loi C-2 est adopté, il y aura des principes généraux et des règles précises. Seulement, cinq des principes généraux sont absents, notamment celui exigeant l'honnêteté.
Le sénateur Milne : Pourriez-vous énumérer les quatre autres principes, je vous prie?
M. Conacher : Le commissaire à l'éthique actuel et l'ancien conseiller en éthique ont souligné la règle générale sur la conduite des affaires privées. Encore une fois, vous devez retirer la définition d'intérêt personnel de manière à prévenir les conflits d'intérêts réels, potentiels ou apparents, et vous devez toujours faire prévaloir l'intérêt public au moment de régler un conflit d'intérêts. La règle qui exige de prendre toute décision en considérant le bien-fondé de chaque cas ne nous préoccupe pas trop parce qu'elle est difficile à appliquer. La troisième règle, qui interdit d'utiliser les biens du gouvernement à d'autres fins que les activités officiellement approuvées, se trouve dans le code actuel, au paragraphe 3(9), mais elle sera éliminée. La quatrième est une règle précise dans le code actuel, qui exige que le titulaire d'une charge publique évite de se placer ou de sembler se placer dans des situations où il serait redevable à une personne ou à un organisme qui pourrait tirer parti d'un traitement de faveur de sa part. Il s'agit d'une règle précise, qui est exprimée de manière générale. Elle ne figure pas parmi les principes généraux, mais il s'agit évidemment d'une règle générale.
Je partage donc les préoccupations de l'actuel commissaire à l'éthique et de l'ancien conseiller en éthique, à savoir que ces règles générales sont importantes parce que vous devez avoir certaines de ces exigences générales dans tous les cas. Vous voulez garder l'œil ouvert sur l'apparence de conflit d'intérêts et en faire une norme. Évidemment, vous voulez que le gouvernement fasse preuve d'honnêteté, ce qui n'est pas garanti du tout.
Le sénateur Milne : Monsieur Conacher, vous êtes-vous penché sur l'utilisation du mot « ami » dans ce projet de loi? Ce matin, j'ai posé des questions à l'un de nos témoins sur l'utilisation de ce mot à l'article 23, page 13, et à l'alinéa 11(2)b), page 7. Ces dispositions portent sur les cadeaux et autres avantages et utilisent le mot « ami », que je trouve bien vague. L'article 23 dit notamment « le titulaire de charge publique principal ou un membre de sa famille » en parlant de l'acceptation des cadeaux d'une source autre que les parents et les amis.
Les définitions du mot « ami » sont si nombreuses. C'est une notion très personnelle. Les gens définissent eux-mêmes qui sont leurs amis. Le sénateur Stratton a parlé ce matin des amis politiques, des amis personnels, des amis intimes et des personnes que vous voyez tous les 10 ans.
Selon vous, quel sens a le mot « ami » dans ce projet de loi, et l'utilisation de ce mot a-t-elle sa place ici?
M. Conacher : Pas sans définition.
Le sénateur Milne : Et il n'y a aucune définition.
M. Conacher : Non. Je suis d'accord avec vous.
Le président : Le sénateur Milne vous a posé une question que je considère importante, et vous n'y avez pas répondu. Vous dites que vous faites du lobbying, mais que vous n'êtes pas inscrit à titre de lobbyiste. Elle vous a demandé de quelle façon nous pouvons connaître l'utilisation de votre temps, mais vous n'avez pas répondu à la question. Avez- vous un agenda? Conservez-vous des registres informatiques? Consignez-vous le temps que vous consacrez aux activités de lobbyiste toutes les semaines ou tous les mois? Comment vous y retrouvez-vous?
M. Conacher : Dans le cas d'un lobbyiste agissant au nom d'une organisation, une estimation est faite sur une période de six mois.
Le président : Comment tenez-vous le compte des heures que vous consacrez au lobbying?
M. Conacher : Je sais lorsque je fais une communication, parce que j'ai un agenda et des registres informatisés des appels et des courriels, parce que toutes les formes de communication sont couvertes.
Le président : À quelle fréquence rassemblez-vous vos données?
M. Conacher : Je fais le compte sur une période de six mois.
Le président : Il est donc possible que vous fassiez du lobbying pendant trois jours au cours d'une semaine et rien du tout la semaine suivante, puisque vous ne faites pas vos calculs toutes les semaines?
M. Conacher : C'est exact.
Le président : Vous arrive-t-il de faire du lobbying pendant trois jours au cours d'une même semaine?
M. Conacher : Non.
Le président : Deux jours et demi au cours d'une même semaine?
M. Conacher : Ce serait très rare également.
Le président : Toutefois, cela vous est déjà arrivé?
M. Conacher : Est-ce déjà arrivé? Deux jours et demi à plein temps, non, j'en doute.
Le président : Pourriez-vous vérifier dans vos dossiers et envoyer un rapport au greffier?
M. Conacher : Oui. Encore une fois, c'est le point faible du système. Si vous exigez, comme il a été promis durant la campagne électorale, que les ministres de premier plan, le personnel ministériel et les titulaires de charge publique fassent des déclarations, vous saurez ce qui se passe et qui communique avec qui, et une personne qui aurait des contacts pendant une période quelconque serait un lobbyiste et serait donc assujettie au code de déontologie des lobbyistes. Non seulement le lobbying secret est actuellement illégal, mais le lobbying contraire à l'éthique est illégal également. Si vous n'êtes pas un lobbyiste inscrit — et vous devez être rémunéré et dépasser le seuil de 20 p. 100 à cette fin lorsque vous êtes dans une organisation — alors vous n'êtes pas assujetti au code de déontologie des lobbyistes et vous pouvez ainsi faire du lobbying contraire à l'éthique.
Le sénateur Day : Monsieur Conacher, où est-il inscrit dans le règlement qu'il faut une moyenne de moins de 20 p. 100 sur une période de six mois pour un organisme à but non lucratif?
M. Conacher : On utilise, je crois, l'expression « importante période de temps », ce que le directeur de l'enregistrement a défini comme étant 20 p. 100. Dans un organisme à but non lucratif, vous devez créer cette entité juridique fictive, c'est-à-dire être une seule personne si vous êtes une équipe, chacun faisant du lobbying pendant une partie de son temps. Ce n'est pas nécessaire dans une société; vous pouvez avoir 1 000 personnes qui font du lobbying une journée par semaine et de nombreuses autres qui le font sans être rémunérées, et personne n'est obligé de s'enregistrer. Le seuil de 20 p. 100 est le point commun entre les sociétés à but lucratif et les autres organisations.
Le sénateur Day : Vous nous prenez un peu au dépourvu, et c'est peut-être de notre faute, parce que nous n'avons pas encore examiné les aspects du projet de loi qui touchent au lobbying. Nous allons approfondir ce sujet plus tard.
M. Conacher : Si vous lisez le témoignage que le directeur à l'enregistrement a rendu devant la Chambre au printemps dernier, vous verrez qu'il a affirmé que la loi n'était pas appliquée et ne l'avait jamais été.
Le sénateur Day : Nous serons mieux préparés à ce sujet, et vous pourriez revenir ici si vous souhaitez parler de cette question lorsque nous allons l'aborder.
Il est dommage que nous ayons reçu votre document de 22 pages au moment où vous avez commencé à parler. Il nous aurait été utile de pouvoir l'examiner plus en détail, pour que nous puissions vous poser des questions plus approfondies. Je lis dans votre rapport que vous exposez 140 points faibles au sujet du projet de loi C-2. Je vous écoutais et je lisais en même temps. J'ai entendu les 13 points que vous avez énumérés, mais je ne trouve pas les 140 points faibles énoncés.
Avez-vous énoncé 140 points faibles dans ce document de 22 pages?
M. Conacher : Oui, à partir de la page 3 jusqu'à la fin du document.
Le sénateur Day : Si je les compte, il y en a 140?
M. Conacher : C'est exact, des sections 3(a) à 3(w).
Le sénateur Day : Je vais en entreprendre la lecture. Je vous remercie de nous remettre un document aussi détaillé.
M. Conacher : Je pourrais vous répondre que ce fut mon plaisir, mais ce n'était pas très plaisant de disséquer ce projet de loi omnibus complexe et compliqué.
Le sénateur Day : Il est complexe, et c'est pourquoi nous l'analysons par étapes, en traitant des différents sujets, pour être bien organisés.
Démocratie en surveillance a-t-il son pendant aux États-Unis?
M. Conacher : Aux États-Unis, les groupes qui étudient ces questions sont trop nombreux pour qu'on puisse les nommer. Certains se penchent tout particulièrement sur l'éthique gouvernementale, ou encore sur l'argent en politique, mais d'autres abordent toute une gamme de sujets. L'organisme Common Cause pourrait être le plus proche équivalent.
Le sénateur Day : Discutez-vous de certaines questions, comme celle de savoir quel système est le meilleur, le système républicain ou le système parlementaire britannique?
M. Conacher : Compte tenu de l'impasse législative générale sur ces grandes questions, nous ne nous y sommes pas vraiment attaqués parce qu'il y a eu suffisamment d'autres dossiers où des changements pouvaient être faits.
Le sénateur Day : Faites-vous des déclarations à savoir s'il est plus démocratique de nommer ou d'élire un ministre du cabinet au Canada ou un secrétaire d'État aux États-Unis?
M. Conacher : Non, pas sur la façon dont nous constituons nos cabinets dans les deux pays. Si nous avions un long débat sur le processus de nomination, je pourrais alors déterminer lequel des deux systèmes est le plus démocratique.
Le sénateur Day : Nous pourrions peut-être parler du processus de nomination par opposition aux élections. Dans le cadre des élections générales d'aujourd'hui, entre 50 et 60 p. 100 des électeurs admissibles votent et un candidat peut être élu par 35 p. 100 des électeurs. Entre 17 et 20 p. 100 des électeurs admissibles choisissent donc un gouvernement. Est-ce démocratique? Que peut-on faire pour améliorer les choses? Doit-on rendre le vote obligatoire?
M. Conacher : Je ne crois pas que le vote obligatoire soit la solution. Au niveau fédéral, nous devons avoir la possibilité de refuser le bulletin de vote, comme c'est possible en Ontario, soit de pouvoir dire « il n'y a aucun candidat que j'appuie dans ma circonscription » pour une raison quelconque.
Le sénateur Day : Aucun des candidats ci-dessus?
M. Conacher : Oui. Vous pouvez le faire en annulant votre bulletin de vote ou en vous abstenant d'aller voter, mais si vous annulez votre bulletin de vote, personne ne sait pourquoi. La plupart présument que vous ne savez pas comment faire un X dans un cercle, ce qui n'est pas très flatteur à votre égard. En Ontario, vous pouvez refuser le bulletin de vote. Les gens vont parfois annuler leur bulletin de vote parce que tous les partis ne sont pas représentés dans toutes les circonscriptions, mais ces gens n'ont pas de porte de sortie à l'heure actuelle. La possibilité de refuser le bulletin de vote serait un pas en avant dans le processus électoral.
Le sénateur Day : Avez-vous déjà réfléchi sur la possibilité de tenir des scrutins de ballotage et de retenir les deux premiers candidats, pour que le député élu soit celui qui obtient 50 p. 100 plus une voix?
M. Conacher : Oui. Toute la question de la proportionnalité et les efforts visant à rendre le législateur plus représentatif posent des difficultés, sans parler de certains désavantages. Dans certains systèmes, on aurait des listes de députés qui seraient nommés; ils ne seraient donc pas redevables envers les électeurs d'une circonscription, mais envers l'exécutif du parti, ce qui n'est pas nécessairement un progrès en démocratie.
La plupart des partisans de la proportionnalité disent se préoccuper des petits partis et proposent donc un seuil. La plupart disent que si on tient compte du nombre total de sièges par rapport au nombre proportionnel de votes obtenus, environ 15 à 20 p. 100 des votes des électeurs sont gaspillés, comme ils disent.
Si le seuil était de 5 p. 100 et que votre parti n'obtenait pas plus de 5 p. 100 des votes, il n'obtiendrait aucun siège. Trois petits partis pourraient obtenir chacun 4,9 p. 100 des votes sans obtenir de siège. Pourtant, 4,9 p. 100 multiplié par 3 donne 14,7 p. 100, si bien que 15 p. 100 des votes sont encore gaspillés.
Selon nous, ce n'est pas un problème majeur qui touche le gouvernement. Nous croyons que les forces en place font en sorte que même si un parti gagne, il doit faire certains compromis devant le poids des partis d'opposition, des médias, de l'opinion publique et du système électoral actuel. Le problème le plus urgent, c'est d'avoir un système efficace qui garantisse que tous les membres du gouvernement sont tenus d'agir honnêtement, conformément à l'éthique, ouvertement et de façon représentative et d'éviter le gaspillage.
Le sénateur Day : Si vous aviez toutes ces règles, faudrait-il aussi tenir des élections pour tous ces postes?
M. Conacher : Selon moi, oui, pour déterminer le mandat des partis.
Le sénateur Day : Le mandat pourrait être déterminé par la Chambre de confiance, c'est-à-dire la Chambre des communes. Dans vos observations peu élogieuses à l'égard du Sénat et de sa crédibilité, croyez-vous qu'il faille nécessairement tenir des élections ou pourrait-on avoir un processus de nomination plus ouvert?
M. Conacher : Parlez-vous de changer le Sénat?
Le sénateur Day : J'aimerais vous entendre au sujet de la démocratie. J'aimerais comprendre comment vous définissez la démocratie.
M. Conacher : Commencez avec le principe « une personne, un vote » le jour de l'élection pour former un gouvernement. Nous sommes dans une fédération. Selon moi, nous aurons toujours un problème de représentation. Nous disons que dans une fédération, certaines régions sont moins peuplées que d'autres, mais si nous voulons demeurer ensemble, dans une fédération, il nous faut un certain mécanisme compensateur.
Certains diront qu'un vote n'a pas la même valeur en Colombie-Britannique qu'à l'Île-du-Prince-Édouard, ce qui est vrai à l'heure actuelle si l'on tient compte de la taille des circonscriptions et pareilles choses. Toutefois, nous sommes dans une fédération et si nous y tenons, nous devons faire des compromis dans certains domaines.
Le sénateur Day : Tant que nous avons cette Chambre de confiance et ces règles à la Chambre des communes, pourquoi ne pas avoir un processus de nomination ouvert pour les sénateurs, les juges et les membres de premier plan du gouvernement, qui ont beaucoup de pouvoir? Pourquoi préconisez-vous la tenue d'élections pour toutes ces autres personnes?
M. Conacher : Pour les sénateurs, je crois que, globalement, c'est la meilleure solution. Nous devons composer avec la question de hiérarchie à la Chambre et du pouvoir qu'elle implique. Il faut voir comment composer avec cette hiérarchie et comment faire en sorte que même les membres du parti au pouvoir qui sont des parlementaires — qui ne font pas partie du Cabinet, de l'exécutif — contribuent à exiger des comptes de l'exécutif. Selon Démocratie en surveillance, il vaut mieux traiter de cette question essentielle au sein de la Chambre qu'avec une entité distincte.
Le sénateur Day : Toutefois, les médias contribuent à demander des comptes au gouvernement. Ils jouent un rôle à cet égard. Ils ne sont pas élus.
M. Conacher : C'est vrai. La responsabilité des médias est un aspect dont il faut tenir compte. Je suis certain que si vous posiez la question à tous les témoins qui comparaissent devant vous pour défendre la responsabilité des médias, et plusieurs autres qui jouent d'autres rôles, ils diraient tous que c'est une question importante. Nous avons des lois qui traitent de diffamation, mais elles ne portent pas nécessairement sur le caractère équitable des propos tenus par les médias, ou même sur leur exactitude.
Par exemple, les médias ont qualifié l'ancien conseiller en éthique de « chien de garde » pendant les 10 années où il a occupé ce poste. On pourrait croire qu'un tel titre impliquerait une certaine indépendance et des pouvoirs. Or, il n'avait rien de tout cela, mais ils le qualifiaient de chien de garde. Si vous voulez parler de la responsabilité des médias, je peux vous parler de la frustration qu'un homme a éprouvé pendant 10 ans parce qu'on disait qu'il était un chien de garde et que ce n'était pas vrai.
Le sénateur Day : Vous n'aurez probablement pas à nous convaincre des frustrations qu'on peut ressentir à l'égard des médias.
Des représentants de petits partis politiques ont comparu devant nous. Nous parlons d'ouverture et d'équité. Vous avez soulevé la question des seuils pour les petits partis politiques — et il y a des cas en instance concernant le financement des petits partis et leur reconnaissance sur les bulletins de vote en raison de leur taille. Les petits partis soutiennent qu'ils n'ont pas la même capacité de recueillir des fonds que les grands partis et qu'ils doivent pouvoir recevoir des contributions de quelques grands donateurs.
Ils disent qu'ils ne défient personne; ils ne nuisent pas à la politique gouvernementale simplement parce qu'ils ont un ou deux grands donateurs. Que pensez-vous d'imposer aux petits partis les mêmes règles, qui compromettent, en fait, leur existence?
M. Conacher : Si ces règles compromettent leur existence, c'est qu'ils n'ont pas de partisans.
Le sénateur Day : Ils en ont, mais ils sont peu nombreux. Qu'y a-t-il de magique à dire 5 000 $ ou 1 000 $?
M. Conacher : Si leurs partisans sont peu nombreux, alors ils devraient avoir peu de visibilité ou d'appui. C'est le système démocratique.
Le sénateur Day : Vous êtes heureux qu'on applique la limite de 1 000 $ aux petits partis comme aux grands?
M. Conacher : Oui.
Le sénateur Day : Vous êtes heureux que la limite maximale soit de 1 000 $ et non de 5 000 $?
M. Conacher : Beaucoup.
Le sénateur Day : Lorsque le gouvernement précédent a proposé une limite maximale de 5 000 $, vous avez préconisé une limite de 1 000 $. Est-ce exact?
M. Conacher : Oui. Nous avons fait valoir cette position depuis que nous avons formé la Money in Politics Coalition en 1999 — même avant cela dans notre cas, mais la coalition affiche cette position depuis ce temps.
Le sénateur Day : Pourquoi 1 000 $? Pourquoi avez-vous choisi 1 000 $ et non 500 $?
M. Conacher : Nous avons examiné le salaire moyen. Le revenu moyen se situe entre 30 000 et 35 000 $ au Canada aujourd'hui. En faisant un don monétaire de 1 000 $, vous obtenez 500 $ en retour, mais pas immédiatement, bien sûr. Nous croyons que cette somme est raisonnable; une limite de 5 000 $ n'est pas raisonnable parce que cette somme représente environ 15 à 20 p. 100 du revenu moyen.
Le sénateur Day : Vous n'avez pas examiné les dons moyens. Si vous l'aviez fait, vous n'auriez pas choisi une limite de 1 000 $, parce que le don moyen est très inférieur à ce chiffre.
M. Conacher : Oui, nous permettons une certaine marge de manœuvre. Toutefois, cette marge n'est pas si grande et elle ne permet pas à une personne de profiter cinq fois plus qu'une autre parce qu'elle a l'appui de riches intérêts. C'est une moyenne, mais la médiane serait un chiffre plus exact. Je ne sais pas si Élections Canada publie la médiane des dons, mais je crois que ce chiffre montrerait mieux dans quelle mesure la limite de 1 000 $ est pertinente.
Vous devez aussi garder en tête le financement public. Les partis se partagent 26 millions de dollars par année, selon le nombre proportionnel de votes qu'ils obtiennent. Ce qui pourrait aider les parlementaires à jouer leur rôle de parlementaires, ce serait de distribuer aux associations de circonscription une partie de ces 26 millions de dollars — 1,75 $ par électeur. À l'heure actuelle, l'argent est acheminé au bureau central des partis. Ainsi, un grand nombre de candidats se plaignent de ne pas pouvoir recueillir de l'argent et supplient le bureau central du parti de leur en donner. Vous avez alors des députés loyaux, parce qu'ils ne sont pas fait élire par leurs propres moyens.
Le sénateur Day : En vertu de la loi précédente, les dons de 1 000 $ des sociétés étaient versés aux associations de circonscription.
M. Conacher : C'est exact. Le financement public remplace cela, et cette portion devrait être versée aux associations de circonscription. Elles auraient alors une certaine indépendance par rapport à l'exécutif du parti, au dirigeant et au bureau central du parti. Nous devons discuter de ce qui est nécessaire pour gagner. Des limites sont imposées aux associations de circonscription et au niveau national pour la tenue des campagnes électorales. La loi ne fixe aucune limite pour les courses à la direction. Quelle somme est nécessaire pour mener une campagne pouvant conduire à la victoire dans une circonscription ou à l'échelle nationale? C'est ce qui nous permettrait de déterminer si nous devons augmenter ou diminuer le financement public.
Le sénateur Day : Je vous remercie de nous donner un rapport détaillant les 140 points faibles de ce projet de loi; il sera intéressant de les comparer aux lacunes que d'autres ont décelées.
Le sénateur Joyal : Monsieur Conacher, j'ai une question sur ce que vous avez écrit en haut de la page 6 de votre mémoire :
[...] le droit à tout citoyen ou organisme de déposer une plainte auprès du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique [...] pour mettre finalement fin au déni du droit fondamental protégé par la Charte des droits et libertés qu'ont les électeurs pour porter plainte contre leurs employés [...]
Pouvez-vous citer une étude juridique sur laquelle vous vous appuyez pour affirmer qu'un citoyen canadien n'a pas le droit de déposer une plainte auprès du commissaire à l'éthique, mais qu'il a le droit, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, de demander réparation devant un tribunal au Canada?
M. Conacher : Je parle de la liberté d'association. Ce droit est brimé lorsqu'on force un électeur à s'associer à un député ou à un sénateur partisan — puisque aligné sur un parti — pour pouvoir déposer une plainte.
Le sénateur Joyal : Est-ce là votre interprétation de la Charte?
M. Conacher : Oui. Selon nous, cette disposition est inconstitutionnelle. Une personne peut ne pas être impartiale sur le plan politique, mais vouloir éventuellement formuler une plainte au regard de l'intérêt public parce que le dossier la concerne. On ne peut insister pour que chaque plainte dont est saisi le commissaire à l'éthique ait un fondement partisan. Cela n'est pas logique. Agir ainsi porte atteinte à l'ensemble du système et le rend inefficace.
Le sénateur Joyal : Seriez-vous disposé à contester cette disposition en fonction de votre interprétation de la liberté d'association aux termes de la Charte? Il s'agit là d'un principe important si vous êtes convaincu de la pertinence de votre interprétation de la Charte. Naturellement, Démocratie en surveillance pourra recourir aux tribunaux et obtenir parfois un gain de cause.
M. Conacher : Pour l'instant, tout va bien.
Le sénateur Joyal : Pour l'instant, tout va bien, mais si une analyse débouche sur une conclusion aussi importante, il vaudrait la peine de contester le tout devant les tribunaux.
M. Conacher : Nous allons le faire.
Le sénateur Joyal : Vous le ferez à cet égard.
M. Conacher : Oui, parce que le commissaire à l'éthique a refusé de le faire. Le code en vigueur contient des dispositions encore plus lourdes de conséquences pour le public. Contrairement à l'ancien titulaire, le commissaire à l'éthique actuel affirme qu'il ne peut être saisi de plaintes émanant du public. Je ne crois pas à l'existence de cette interdiction. Je pense donc que nous aurons peut-être gain cause pour ce motif. Le commissaire à l'éthique a refusé d'examiner deux de nos plaintes parce que nous n'étions ni un sénateur ni un député. C'est la raison pour laquelle nous soumettons le tout aux tribunaux.
Le sénateur Joyal : En avez-vous déjà saisi les tribunaux ou avez-vous l'intention de présenter votre déclaration?
M. Conacher : Nous la présenterons très bientôt.
Le sénateur Joyal : Vous présenterez votre déclaration?
M. Conacher : Oui, en ce qui concerne la révision judiciaire de ces deux décisions.
Le sénateur Joyal : Vous souhaitez obtenir une révision judiciaire des deux décisions prises par le commissaire à l'éthique actuel de refuser d'examiner vos deux plaintes.
M. Conacher : Effectivement. À certains égards, je pense que le projet de loi C-2 aggrave la situation. Aux termes de la loi actuelle, le commissaire à l'éthique effectue une enquête lorsqu'un sénateur ou un député dépose une plainte à l'égard d'un titulaire de charge publique. Aucune disposition n'indique que le commissaire ne peut pas effectuer une enquête à la suite de plaintes d'une autre nature.
Le sénateur Joyal : La loi ne contient aucune interdiction de ce genre.
M. Conacher : Effectivement.
Le sénateur Comeau : Ce serait possible en vertu du projet de loi C-2.
M. Conacher : Ce serait effectivement possible en vertu du projet de loi. C'est pourquoi j'affirme que le projet de loi aggravera la situation, même s'il donne cette possibilité à un sénateur ou à un député. Cependant, il comprend une interdiction, qui est absente de la loi en vigueur. Le fait est que le commissaire à l'éthique a opposé un refus. Nous lui disons : « Vous êtes le seul commissaire à l'éthique. Vous rendez des décisions sur le plan administratif. Si vous avez des preuves que le code n'a pas été respecté, il vous incombe administrativement d'effectuer une enquête, et il n'est pas nécessaire que la plainte émane d'un sénateur ou d'un député. »
Nous contesterons ce principe et ferons valoir les droits énoncés dans la Charte. Nous ne contestons pas le projet de loi, mais il est à espérer que les tribunaux nous donneront gain de cause en affirmant que cette partie du projet de loi est inconstitutionnelle en vertu de la Charte. Les tribunaux pourront se pencher uniquement sur la question de l'obligation du commissaire d'examiner ces deux plaintes parce qu'elles sont fondées sur des motifs valables. Qui vivra verra.
Le sénateur Joyal : Le tribunal devra se prononcer sur la question des droits.
M. Conacher : Tout à fait.
Le sénateur Joyal : Vous êtes-vous joints à la procédure judiciaire intentée par les petits partis pour contester les limites de 2 p. 100 et de 5 p. 100 imposées par l'ancien projet de loi C-4 en matière de financement populaire?
M. Conacher : Non. D'après moi, elles ne comportent aucun danger réel, parce qu'il n'y a pas beaucoup d'argent en jeu.
Le sénateur Joyal : J'ai fait le calcul, et c'est effectivement peu important.
M. Conacher : Il s'agit de dizaines de milliers.
Le sénateur Joyal : C'est très peu.
M. Conacher : La proportionnalité des voix est une question distincte.
Le sénateur Joyal : Il y a 10 jours, nous avons accueilli des témoins représentant de petits partis. Il était très clair qu'ils ont l'intention de contester certaines dispositions du projet de loi C-2, particulièrement la limite de 1 000 $. Selon eux, cette limite nuit davantage aux petits partis politiques qui, contrairement aux partis politiques plus importants, ne peuvent pas compter sur le financement populaire. Autrement dit, on ne peut pas tout avoir. Êtes-vous d'avis que, si l'on conserve les seuils de 2 p. 100 et de 5 p. 100 dans la loi, la limite de 1 000 $ pourrait être inconstitutionnelle à cause de l'atteinte minimale invoquée par les petits partis?
M. Conacher : Non, je ne crois pas que la loi sera déclarée inconstitutionnelle. Une garantie a été clairement établie en vertu de laquelle les petits partis ont droit au financement populaire. Le coût serait peu important. Cependant, un tel financement populaire constitue une subvention, et ces seuils seront maintenus. Ce qui a été contesté initialement, c'est le droit d'exister comme parti politique. Ce droit ne garantit pas celui d'être prospère. Pour qu'un parti le devienne, il a besoin de bailleurs de fonds.
Le sénateur Milne : Je voudrais revenir rapidement à ce que je disais au sujet des amis. Examinons, à la page 53, les modifications proposées à la Loi électorale du Canada. Encore une fois, il s'agit d'une question de deux poids deux mesures dans le projet de loi.
M. Conacher : De quel article s'agit-il, je vous prie?
Le sénateur Milne : L'article 92 de la Loi électorale du Canada serait modifié par l'adjonction des dispositions 92.2(1) et (2) ainsi libellées :
92.2(1) il est interdit au candidat d'accepter un cadeau ou autre avantage dont il serait raisonnable de penser qu'il a été donné pour influer sur [...]
(2) Toutefois, le candidat peut accepter un cadeau ou autre avantage qui provient d'un parent [...]
Les candidats ne peuvent pas accepter de cadeaux, mais il est indiqué à la page 13 qu'un ministre peut en recevoir un d'un ami qu'il aura désigné comme tel et qu'il ne sera pas tenu de déclarer ce cadeau, quelle qu'en soit son importance. J'essaie de faire le lien entre les différentes parties du projet de loi. Ne croyez-vous pas qu'il y a un manque total d'uniformité?
M. Conacher : C'est effectivement le cas. À cet égard, il faut tenir compte des exemptions visant les cadeaux et autres avantages. Dans tous les cas, il faut considérer si le don a été accordé dans le cadre d'une campagne électorale ou s'il relève du code général. Les définitions de « conjoint » et « personne à charge » ont été beaucoup contestées lorsqu'elles ont été ajoutées au code. Nous avons fait face à une contestation analogue. Je le répète, quelle que soit la solution adoptée dans le cadre d'un système reposant sur le suffrage universel, certains exerceront encore plus d'influence parce qu'ils sont vos amis. Vous les écouterez pour vous rattraper à d'autres égards.
Le sénateur Milne : Un candidat ne peut pas accepter un cadeau, ce que peut faire un ministre qui décide qu'il provient d'un ami.
M. Conacher : Effectivement. Quel que valable que soit le processus de nomination pour garantir l'indépendance de la personne chargée de l'application, on fait fausse route. On crée une immense échappatoire, et cette personne pourra adopter l'attitude de celle qui se dit : « Que pouvons-nous y faire? Laissons la porte grande ouverte. » Elle peut prendre des décisions marquées au sceau du secret et pourra continuer à le faire en vertu de ce projet de loi. Un ministre pourra déclarer qu'il a reçu un cadeau.
Le sénateur Milne : Les ministres ne seraient pas tenus de déclarer des cadeaux parce qu'ils peuvent décider qu'ils proviennent des amis. Ils n'en seraient plus obligés.
M. Conacher : C'est vrai, mais il y a un article en vertu duquel, en cas de doute, le ministre est censé consulter le commissaire à l'éthique. Cependant, une telle consultation peut se faire en secret, et le commissaire pourrait également être l'ami du ministre en question. Tous les amis concourent pour veiller à ce que cette immense échappatoire soit utilisée d'une façon qui n'est pas permise.
Le sénateur Cochrane : Je m'interroge encore sur vos sources de financement. Quels groupes visez-vous? Y en a-t-il un en particulier? Visez-vous davantage les personnes âgées que les jeunes ou vous intéressez-vous aux différents groupes d'âge?
M. Conacher : Aux différents groupes d'âge. Selon nous, quel que soit le problème avec lequel nous sommes aux prises dans la société, il faudrait insister sur le fonctionnement du processus et sur l'efficacité des exigences dans l'ensemble pour déterminer si celles-ci sont honnêtes et transparentes, respectent les règles de l'éthique, sont pertinentes et préviennent le gaspillage. Nous visons tous les groupes du pays. Nos coalitions comprennent des groupes provenant de cinq à dix secteurs différents.
Le sénateur Cochrane : Tenez-vous une liste des donateurs?
M. Conacher : Nous avons effectivement établi la liste des organisations et des particuliers. Les noms des groupes faisant partie de nos coalitions figurent sur notre site Web.
Le sénateur Cochrane : Avez-vous publié cette liste?
M. Conacher : Oui.
Le sénateur Cochrane : Par exemple, si je voulais faire un don à Démocratie en surveillance, comment m'aborderiez- vous? Que me diriez-vous pour me convaincre de verser un don à votre organisation?
M. Conacher : En ce qui concerne la reddition des comptes de la part du gouvernement et des sociétés, notre message général fait ressortir que le système constitue le scandale et que les activités scandaleuses ne devraient pas nous surprendre parce que le système regorge d'échappatoires les favorisant. Tous n'essaient pas de tirer profit des échappatoires, mais ceux-ci existent. L'histoire de l'humanité nous montre qu'on essaiera d'exploiter les échappatoires éventuelles de chaque organisation. À l'égard de ces deux aspects, nous tentons de mettre fin à ces échappatoires pour que chaque membre des puissantes institutions publiques et privées de la société et des autres organisations soit tenu de se comporter avec honnêteté, transparence et pertinence, d'une façon conforme aux règles de l'éthique et d'une manière qui prévienne le gaspillage. Tel est notre objectif général. Le projet de loi C-2 équivaut à grosso modo dix ans de notre travail.
Le sénateur Cochrane : Quel en serait le coût?
M. Conacher : Nous acceptons tous les dons, quelle que soit leur importance.
Le sénateur Stratton : Monsieur Conacher, vous dites que le projet de loi C-2 équivaut à dix ans de votre travail et que vous en êtes assez satisfait, même si vous reconnaissez qu'il comporte des lacunes, comme vous nous l'avez signalé. Lorsque vous évoquez ces dix ans, vous me portez à conclure que vous êtes assez favorable à ce projet de loi.
M. Conacher : À bien des égards, le projet de loi constitue un progrès important, même si on nous avait promis beaucoup plus. D'après nous, nous préconisons depuis 1993 40 des 52 mesures qui avaient été promises. Cependant, seulement 20 de ces 40 se retrouvent dans le projet de loi.
Le sénateur Stratton : Je voudrais en venir au point essentiel. Le projet de loi C-2 a été présenté en juin, si je ne m'abuse.
M. Conacher : Il a été présenté en avril.
Le sénateur Stratton : Ce fut le 11 avril, et la Chambre des communes l'a adopté le 21 juin. Il s'agissait d'une première étape pour notre tout jeune gouvernement, qui a fait un travail assez convaincant, surtout compte tenu des répercussions du projet de loi dans d'autres domaines. Même si le projet de loi est dépourvu d'un énoncé de principe comme tel, j'ai appris — et en ai informé le comité — que l'engagement porte sur une série de principes à l'intention de la fonction publique.
M. Conacher : Oui.
Le sénateur Stratton : Ainsi, les titulaires d'une charge publique seront visés. Il est un fait que, jusqu'à présent, lorsqu'il dit qu'il fera quelque chose, le premier ministre y donne habituellement suite, à quelques exceptions près. Par exemple, la récompense de 2 000 $ aux dénonciateurs a été abandonnée. Le comité législatif de la Chambre des communes avait estimé qu'il serait contraire à l'éthique d'offrir une récompense et que les gens devraient dénoncer pour un motif plus valable. Cette disposition figurait dans le projet de loi initial, mais a été supprimée à la suite d'un amendement.
Je voudrais aussi signaler que le dénonciateur qui n'est pas un fonctionnaire ne serait pas protégé contre les mesures de représailles. Cela me pose un problème, car je pense que tous les membres du comité sont très à l'aise avec cette mesure législative et qu'il est extrêmement difficile de légiférer dans ce domaine. Cependant, l'article 214 du projet de loi modifie l'article 40 de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, de façon à interdire aux employeurs de prendre des mesures de représailles contre un employé qui a signalé des actes répréhensibles dans la fonction publique. C'est une infraction punissable par mise en accusation. Les seuls groupes de fonctionnaires exemptés sont ceux appartenant au Service canadien du renseignement de sécurité, au Service correctionnel du Canada et aux Forces canadiennes, qui sont assujettis à leur régime en matière de divulgation. Vous avez parlé des dénonciateurs qui ne sont pas des fonctionnaires. Parlez-vous des membres du public en général?
M. Conacher : Oui.
Le sénateur Stratton : J'ignore comment vous pourriez légiférer à cet égard.
M. Conacher : Il y a également la définition de « secteur public » qui n'englobe pas...
Le sénateur Stratton : En ce qui concerne la définition de « secteur public », j'ai répondu que l'article 214 du projet de loi fédéral propose une nouvelle disposition pour la LPFDAR. Il s'agit du paragraphe 42.1(1), qui établit une interdiction, et j'ai ajouté que le SCRS, le SCC et les FC disposent de leur propre régime en la matière et ne seraient pas visés. J'ignore comment vous pourriez, dans une loi, protéger le Canadien moyen contre les mesures de représailles. C'est ce qui me préoccupe principalement.
Laissez-moi poursuivre un peu. Voici ce qui m'inquiète principalement : j'ignore comment vous y parviendrez pour la fonction publique, malgré tout ce que vous pourriez ajouter à la loi. Vous espérez ne pas aller trop loin, mais ce pourrait bien être le cas. Les fonctionnaires craignent au plus haut point de faire quoi que ce soit qui pourrait être dénoncé. C'est le principe fondamental. La ligne de démarcation est mince. Jusqu'où allez-vous donc? Presque tous les fonctionnaires — 99 p. 100 d'entre eux — travaillent très fort. Où établissez-vous la ligne de démarcation? Ce n'est pas que je ne le souhaite pas. Je veux simplement savoir comment définir le tout pour vous satisfaire.
M. Conacher : Premièrement, revenons à la définition de « secteur public ». Elle n'englobe pas notamment les bureaux des parlementaires, les sociétés d'État, les hauts fonctionnaires du Parlement — et, je le répète, les fondations qui administrent l'argent des contribuables appartiennent toutes au secteur public de par leurs fonctions. Les fonctionnaires ne sont pas tous protégés. Il existe un motif légitime d'exempter de l'application du projet de loi C-2 ceux que vous avez énumérés, mais pas tous les autres. On avait promis de supprimer les moyens permettant au gouvernement d'exempter les sociétés d'État et les autres organismes en vertu du projet de loi, et je ne crois pas que cette promesse ait été tenue.
Si vous devez protéger un secteur, il serait important que ce soit celui des fournisseurs du gouvernement. Ce sont des membres du public, mais ils ne sont pas visés par tout cet exercice. Comment font-ils pour dénoncer celui qui leur dit : « Vous obtiendrez le contrat si vous me payez! »? Comment peuvent-ils faire? Vous pouvez leur proposer d'en informer la police. Celle-ci est-elle en mesure de les protéger contre les représailles, par exemple que les entreprises en cause n'obtiennent plus de contrats?
Il ne s'agit pas de monsieur ou de madame Tout-le-monde. On parle de ceux et celles qui font affaire constamment avec le gouvernement. Il ne suffit pas que le Code criminel permette de recourir à la police. Il faut une procédure en matière civile. Les agences et les commissions doivent toutes être assujetties. Nous avons constaté les problèmes découlant de l'absence de régime de protection des dénonciateurs à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. Si un tel régime avait été en place, il aurait peut-être permis de dénoncer plus tôt le commissaire qui acceptait des pots-de-vin. Elles sont nombreuses les personnes qui font affaire constamment avec le gouvernement et sont susceptibles d'être témoins des manquements aux règles, aux politiques, aux règlements et aux lois.
Comment pouvez-vous les protéger contre les mesures de représailles? Nous proposons que, pendant que la procédure suit son cours, les plaintes des dénonciateurs soient transmises à l'organisme de réglementation pertinent. Celui-ci devra consulter beaucoup d'intervenants des secteurs en cause, si les plaintes portent précisément sur des manquements à certaines lois, étant donné qu'il ne possédera pas toutes les compétences en la matière. Vous pouvez accorder ce pouvoir de protection contre les représailles à l'organisme de réglementation qui régit ces différents secteurs.
Cependant, la protection contre les mesures de représailles se révélera très difficile dans la fonction publique, comme vous l'avez indiqué; dans l'ensemble, être responsable de cette fonction sans pouvoir offrir une telle protection constitue une entrave. Cette protection est cependant nécessaire. Plus il y a de gens qui seront protégés contre les représailles, plus le gouvernement pourra efficacement s'attaquer aux problèmes avec lesquels la société est aux prises.
Le sénateur Stratton : C'est une très bonne réponse, mais elle m'intrigue, car j'ai peine encore à croire qu'on puisse légiférer dans ce domaine, sans être effrayé de toute la transparence et de toute honnêteté nécessaires. Je ne comprends pas; peut-être suis-je dans l'erreur. Ce n'est pas que je ne le souhaite pas, mais j'ai été témoin de trop de cas où des employés — pas nécessairement dans le secteur public mais plutôt dans le secteur privé — ont formulé une plainte directement à leur patron et, l'instant d'après, ils sont congédiés ou ils sont reléguées aux oubliettes, sans que personne n'admette qu'une telle situation existe et ne reconnaisse une responsabilité quelconque à cet égard.
Je ne comprends vraiment pas. Ce qui m'inquiète surtout, c'est qu'on a peur de prendre des décisions à cause de cela. Je ne pense pas que vous puissiez négliger le premier aspect de cette question, c'est-à-dire ce que vous voulez, sans vous attaquer au deuxième aspect. Vous devez vous pencher sur les deux aspects. Vous ne pouvez tout simplement pas imposer une règle sans qu'il n'y ait de contrecoup.
M. Conacher : Cela se produit systématiquement pour chaque nouvelle loi adoptée, parce que tous ignorent quelle est son interprétation jusqu'à ce que les tribunaux interviennent. Il y a toujours des contrecoups. C'est pourquoi vous souhaitez établir des règles très précises que les gens doivent respecter — afin qu'ils sachent jusqu'où ils peuvent aller. Vous voulez que la population sache bien clairement quelle est l'interprétation de ces règles. C'est pourquoi il est tellement dangereux d'autoriser tous ces gardiens de l'éthique à prendre des décisions dans le secret, en vertu de cette mesure législative.
Le sénateur Stollery : Vous comprenez cependant mon argument.
M. Conacher : Tout à fait. C'est très difficile.
Le sénateur Stratton : Rappelez-vous que les sociétés d'État sont également visées. Les mesures de protection dont elles jouissent en matière de dénonciation figurent dans le projet de loi C-11. Lorsque vous répondrez aux préoccupations relatives aux contrecoups, j'accepterai votre autre proposition.
Le président : Monsieur Conacher, je souhaite, au nom du comité, vous remercier d'avoir comparu aujourd'hui et répondu aux questions posées par les honorables sénateurs.
Nos prochains témoins proviennent du First People's National Party of Canada et du Nouveau Parti démocratique du Canada.
M. Conacher : Je vous remercie encore une fois. Je serais heureux de témoigner de nouveau devant vous, si vous avez des questions plus précises à me poser après la lecture complète du mémoire.
Le président : Les prochains témoins représentent deux partis politiques distincts. Je suis heureux d'accueillir Éric Hébert, secrétaire fédéral du Nouveau Parti démocratique du Canada. Nous recevons également Jerry Fontaine, président du First Peoples National Party of Canada.
Nous souhaiterions que chacun de vous fasse une brève déclaration préliminaire. Par la suite, les honorables sénateurs vous poseront des questions auxquelles vous répondrez. J'ignore lequel de vous deux ouvrira le bal. C'est à vous de décider. Je vous souhaite la bienvenue parmi nous.
Jerry Fontaine, président, First Peoples National Party of Canada :
[Le témoin par dans sa langue autochtone.]
Je me suis présenté dans ma langue maternelle, celle des Objibwas. Je m'appelle Jerry Fontaine. J'appartiens à la Nation anishinabek de Sagkeeng au Manitoba. Dans notre langue, le terme « Manitoba » désigne « là où est assis le créateur ». Je vous transmets les salutations du Manitoba.
Au nom du First Peoples National Party of Canada, je souhaiterais remercier le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles d'offrir à notre parti l'occasion historique de faire valoir son point de vue à propos du projet de loi C-2.
Comme vous le savez, le First Peoples National Party of Canada vient tout juste de faire son apparition sur la scène politique canadienne. Nous faisons donc honneur à nos ancêtres, à ceux qui adhèrent au principe de notre parti et à notre avenir — Bee-duh-buhn — en présentant notre point de vue à votre comité.
Nos aînés reconnaissent qu'il est important de défendre les intérêts de notre peuple et des personnes que nous représentons en cherchant à trouver un juste milieu et une harmonie. Nous ne comparaissons pas devant vous pour porter un jugement ni pour vous faire la leçon sur un système parlementaire qui se trouve dans un état lamentable et qui est à la solde des puissants et des intérêts régionaux. Nous ne comparaissons pas devant vous pour vous parler de la corruption ou de ceux qui tirent un profit personnel de la charge publique qu'ils occupent. Nous souhaitons plutôt aborder l'égalité des chances, le respect, l'honnêteté, l'humilité et la vérité.
Le First Peoples National Party of Canada est né du rêve des chefs Pontiac et Tecumseh d'autodétermination des pauvres et des démunis, du respect de tous les Canadiens et du droit des Anishinabek à se gouverner et à affirmer leur souveraineté.
Pourquoi participons-nous à cet examen parlementaire? Nous avons appris que le projet de loi C-2 vise à corriger les lacunes du système politique en matière de reddition des comptes. C'est digne des travaux d'Hercule. Comment pouvons-nous minimiser le rôle de l'argent et des finances? Tous reconnaissent généralement que les finances constituent une nécessité de la vie politique. Cela étant dit, nous savons également qu'elles peuvent parfois créer des problèmes. C'est certes un dilemme intéressant. Je ne doute nullement qu'un processus visant à enrayer la corruption dans le financement des partis politiques et les campagnes électorales se révélera vraisemblablement différent d'un processus voué à la promotion de l'équité. Ce processus et le projet de loi C-2 qui en découle doivent tenir compte de cette différence fondamentale et la respecter. C'est ce qui déterminera le succès ou l'échec de cet exercice. Je le répète, nous ne sommes pas ici pour jeter la pierre. À notre avis, l'équité et l'égalité des chances devraient être les objectifs visés par le projet de loi C-2.
Le monde regorge d'exemples flagrants de l'indifférence de la classe politique au financement du processus politique. Il est arrivé que des contributions politiques aient été versées en dérogation aux lois sur le financement politique, comme nous l'avons vu dans le scandale impliquant Helmut Kohl en Allemagne en 2000, l'affaire d'Israël en 2000 et l'affaire Filesa en Espagne en 1991, qui a entraîné au bout du compte la défaite du premier ministre Felipe Gonzalez. Nous avons été témoins de l'utilisation non autorisée de fonds publics à des fins partisanes, notamment les réceptions données à la Maison-Blanche et les nuits dans la salle Lincoln pour permettre à Clinton de collecter des fonds lors de sa campagne pour sa réélection en 1996. Je dois ajouter que ce fut l'un des exemples les plus ingénus.
Ce qui est plus courant et plus fréquent, c'est l'utilisation des fonds publics pour rémunérer le personnel exécutant des tâches de nature partisane. Lorsqu'il était maire de Paris, Jacques Chirac s'est servi du favoritisme dans ses nominations pour éviter à son parti la nécessité de recourir au financement privé. Nous avons été témoins de cas flagrants où des personnes ont accepté de l'argent contre la promesse d'avantages dans l'éventualité de l'élection du candidat.
Le nombre de pays aux prises avec ce genre de violations est effarant, des petits pays comme Antigua et des pays sous-développés comme le Cameroun et la Nouvelle-Guinée, aux grandes puissances comme le Royaume-Uni et les États-Unis. Tout cela montre simplement qu'il n'est pas facile d'assainir complètement le financement politique. C'est pourquoi la tâche de votre comité est digne des travaux d'Hercule.
Le First Peoples National Party ne sait que trop que les coûts d'une campagne électorale sont, de par leur nature, prohibitifs et excessifs. Combien de Canadiens et d'Anishinabek ont été empêchés de briguer une charge publique par manque de ressources financières? Les conséquences sautent aux yeux, et les campagnes électorales deviennent l'apanage des nantis. Malheureusement, ce sont les points de vue des plus riches qui sont prédominants. Est-ce ce que le projet de loi C-2 essaie de modifier?
Trop souvent, les partis politiques courtisent et séduisent le monde des affaires pour collecter des fonds afin de financer des campagnes qui coûtent plusieurs millions de dollars. Cela crée-t-il un terreau favorisant le trafic d'influence et les actes répréhensibles? Le First Peoples National Party of Canada est convaincu que chaque pays doit avoir le choix et trouver le juste équilibre. Il est intéressant de noter qu'une opposition forte est nécessaire au juste équilibre du processus politique. Le choix et le juste équilibre renforcent et dynamisent la démocratie.
Le First Peoples National Party of Canada vise à établir un programme et un plan d'action à long terme pour tous les Anishinabek et les démunis. Il appuie le projet de loi C-2 et ses objectifs clairs en matière de financement politique et de financement des campagnes électorales, cette mesure législative étant susceptible de donner aux partis comme le nôtre davantage de voix au chapitre dans la vie politique canadienne. Nous espérons que le projet de loi favorisera la démocratie et la participation politique, qu'il permettra à plus d'Anishinabek de briguer une charge publique et qu'il accroîtra la participation électorale, donnant ainsi à nos collectivités le pouvoir de choisir ses dirigeants qui pourront s'attaquer aux problèmes qui nous sont propres et s'exprimer en notre nom.
Le droit de vote est un droit politique fondamental. Le First Peoples National Party of Canada croit en ce droit, parce qu'une participation politique accrue et affranchie peut revitaliser la démocratie représentative.
Le projet de loi C-2 doit permettre aux parties prenantes de se concentrer sur les problèmes qui leur sont propres. J'insiste sur l'expression « problèmes qui leur sont propres », car ce sont les citoyens qui doivent donner l'orientation et non pas le monde des affaires ou les représentants d'intérêts spéciaux. Le projet de loi doit surtout viser à uniformiser les règles, à rendre le processus politique plus ouvert de façon à attirer des candidats plus compétents et plus représentatifs et, naturellement, à faire en sorte que les élus rendent davantage de comptes à la population.
Le First Peoples National Party of Canada ne prétend pas être expert en financement des partis politiques et des campagnes électorales. Cependant, nous vous formulons nos recommandations en vous posant les questions suivantes : que devrions-nous proposer? Devrions-nous proposer un juste milieu entre le financement public et le financement privé? Devrions-nous proposer des règles rigoureuses régissant les dons des particuliers? Devrions-nous proposer une limite aux dépenses engagées par les partis politiques lors des campagnes? Devrions-nous proposer la complète transparence dans les comptes des partis? Un bilan rigoureux de toutes les recettes et dépenses devrait-il être présenté annuellement à un vérificateur indépendant, qui publierait un rapport précisant l'identité des donateurs? Devrions- nous proposer la création d'un poste de vérificateur indépendant et l'établissement de sanctions plus sévères pour punir ceux qui contreviennent aux règles? Devrions-nous proposer l'adoption de critères garantissant l'équilibre entre le financement public, le financement par les particuliers et le financement des partis politiques? Devrions-nous proposer et encourager la participation au processus politique, y compris le financement par les particuliers? Le First Peoples National Party of Canada sait pertinemment que les droits d'adhésion et les sources de financement non controversées ne contrebalancent pas les dépenses inhérentes au processus politique.
Il faudrait accorder aux partis politiques des fonds publics pour que ceux-ci ne dépendent pas uniquement des dons des particuliers et afin de garantir l'égalité des chances. Les fonds publics devraient être versés en fonction des suffrages obtenus et non pas en vertu des sièges gagnés. Ainsi, les nouveaux partis comme le First Peoples National Party of Canada pourraient faire leur entrée sur la scène politique canadienne, où les règles seraient les mêmes pour tous.
[Le témoin parle dans sa langue autochtone.]
Je viens de dire que ce fut un honneur d'avoir eu l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je vous dis du fond du cœur : « Meegwetch ». Je vous transmets les salutations de mon peuple. « Meegwetch » au nom de Pontiac et de Tecumseh ainsi qu'en celui de tous les miens.
[Français]
Éric Hébert, secrétaire fédéral, Nouveau parti démocratique du Canada : Monsieur le président, je suis secrétaire fédéral du Nouveau parti démocratique du Canada. J'aimerais premièrement vous remercier de m'avoir invité à venir vous présenter nos pensées sur les changements présentés par le projet de loi C-2.
Il va être assez facile de croire que le NPD, comme n'importe quel parti politique, va passer un peu plus de temps sur les questions du financement et des lois qui concernent les changements à la Loi électorale, étant que c'est un domaine qui nous touche de près. Pour ces raisons je vais réserver mes commentaires sur les autres aspects de la loi, mais quand même mettre plus d'accent sur les changements proposé à la Loi électorale.
[Traduction]
Je crois que cela s'inscrit dans la suite des travaux importants dans le cadre du projet de loi C-24 en 2003. C'est un progrès important car cet exercice rend la politique plus accessible et plus responsable. C'est pourquoi c'est un progrès important. Cependant, je demanderais aux sénateurs d'examiner attentivement certains aspects de la mesure législative, particulièrement les répercussions néfastes qu'elle entraînera sur nos organisations locales.
Je ne m'exprime pas en tant que personne qui travaille au niveau local, mais en tant que parlementaire qui œuvre au niveau national et qui a l'impression d'avoir les moyens de s'attaquer à nombre de questions qui découleront de ce projet de loi. Ce qui me préoccupe, ce sont les bénévoles qui, dans tous les partis politiques — comme vous le savez —, ne ménagent aucun effort au niveau local pour satisfaire à nos nombreuses exigences. Je m'inquiète également de certains aspects de ce projet de loi et de leurs répercussions possibles sur ces bénévoles.
Premièrement, je vous dirai que la réduction de la limite des contributions des particuliers est une mesure très judicieuse. C'est ce que proposait notamment le NPD lors de l'étude du projet de loi C-24. Nous étions d'avis que cette limite était trop élevée alors. Nous croyons que ce plafond de 1 000 $ est judicieux.
Je demande aux sénateurs de tenir compte du fait que cette limite de 1 000 $ n'est pas indexée à l'inflation. Je vous demande à tout le moins que l'indexation se fasse en fonction de 2006 et non pas en fonction de 2004.
Nous appuyons les modifications qui n'autorisent pas les contributions de la part des syndicats et des entreprises. C'est un point que nous avions soulevé lorsqu'un comité de la Chambre des communes nous avait invités pour connaître notre opinion sur le projet de loi C-24, et il s'agit d'un changement qui, selon nous, nous aidera à clarifier bien des aspects qui semblent ambigus.
En vertu de la loi actuelle, la limite de 1 000 $ pour les contributions des syndicats et des sociétés est appliquée d'une façon qui déroute bien des gens. Par exemple, une section locale d'un syndicat en Colombie-Britannique, qui gère ses fonds, pourrait verser 1 000 $ au candidat de l'endroit. Une section locale du même syndicat en Nouvelle-Écosse pourrait donner le même montant. Ainsi, ce syndicat contreviendrait à la loi par mégarde, ne s'étant pas rendu compte que deux sections locales avaient fait la même chose.
Cela vaut également pour les sociétés qui ne sont pas franchisées ou qui sont dotées de multiples structures. C'est pourquoi nous sommes heureux de constater ce changement qui permet d'éliminer ces contributions.
[Français]
L'élimination des contributions en espèces à 20 $ nous limite. Cela nous inquiète. Si quelqu'un veut contribuer à un montant de 30 $, il doit le faire par chèque, mandat de poste ou carte de crédit. Je comprends tout à fait le raisonnement qui sous-tend ces changements visant à la transparence du système et à retracer la provenance des contributions.
Ma plus grande inquiétude concerne les assemblées locales et les associations électorales. Les contributions faites par carte de crédit ou par chèque imposent dans certains cas des frais supplémentaires, non seulement à l'association de circonscription mais aussi à la personne qui fait la contribution. Nous aimerions trouver une solution à ce problème.
Par contre, nous trouvons que la loi comporte plusieurs éléments positifs, mais je ne m'y attarderai pas. Je voulais que vous soyez au courant de nos inquiétudes quant au trafic d'influence qui pourrait avoir lieu par le biais de cadeaux, de biens et services ou autres.
Également, la loi demande qu'un rapport soit fait par le candidat et son agent officiel, ce qui augmente le nombre des tâches pour nos associations de comté. Je vous propose de garder à l'esprit cet aspect et de ne pas pénaliser ceux qui déposent leur rapport en retard de la même façon qu'on pénalise souvent les associations de comté qui ne soumettent pas leur rapport à temps. N'ajoutons pas au fardeau en rendant nécessaire un recours juridique auprès des cours supérieures provinciales dans ces situations et n'exigeons pas de comparution devant un juge pour l'acceptation du délai du dépôt du rapport. La loi doit donner au directeur général des élections le pouvoir d'accepter le rapport en retard avec certaines explications, de la même façon qu'une circonscription qui remettait son rapport financier annuel en retard avait le droit de présenter des excuses appropriées, de sorte que les gens ne soient pas obligés de comparaître trop souvent devant les juges.
Il y a plusieurs autres éléments dont j'aimerais discuter mais ils ressortiront sûrement dans nos discussions. Je suis ouvert à vos questions.
[Traduction]
Le président : Merci infiniment de ces deux excellents exposés.
Monsieur Hébert, je pense que je sais ce que veut dire « indexer à l'inflation ». Cependant j'ignore si vous êtes pour ou contre. Si j'ai bien compris vos propos, le NPD souhaiterait que la limite demeure au niveau actuel de 1 000 $. Il préférerait que ce montant ne soit pas indexé à l'inflation, mais vous ajoutez que l'indexation devrait se faire en fonction de 2006 et non pas en fonction de 2004.
M. Hébert : Je vous donne deux scénarios différents. Je préférerais que la limite de 1000 $ soit en dollars actuels et ne soit jamais indexée à l'inflation.
Cependant, si vous décidiez que l'indexation à l'inflation était absolument nécessaire, je vous demanderai alors d'envisager cette indexation en fonction des dollars de 2006 et non pas en fonction des dollars de 2004, au moins afin que l'augmentation du montant maximal autorisé ne soit pas constante, augmentation qui, je le crains, restreint la reddition des comptes plus qu'il ne l'améliore.
Le président : Si le taux d'inflation annuel s'établissait à 2 ou 3 p. 100, à combien, selon vous, s'établirait cette limite dans 10 ans s'il n'y avait pas d'indexation?
M. Hébert : Je suppose que, auparavant, la Loi électorale du Canada fera l'objet de nombreuses modifications. D'ici là, je pense que la limite de 1 000 $ est tout à fait suffisante.
Si le taux d'inflation devait augmenter considérablement, nous pourrons toujours envisager d'apporter d'autres modifications à la loi. Généralement, nous préférons que les limites demeurent à un faible niveau et n'augmente pas constamment au profit de ceux qui en ont les moyens.
Le sénateur Zimmer : Messieurs, merci de vos exposés.
Je voudrais déclarer que je ne suis pas en conflit d'intérêts. C'est toujours un plaisir de rencontrer M. Fontaine, et je déclare mon amitié avec lui.
J'essaie d'établir un lien entre des points qui viennent d'être abordés. M. Hébert, je pourrais peut-être commencer par vous. Vous avez évoqué la réduction de la limite qui est passée de 5 000 à 1000 $. Pour une organisation, il s'agit d'une diminution de 80 p. 100 — ces mesures législatives remontent à environ deux ans. Il n'y a pas eu d'évaluation à cet égard. Ensuite, ce changement est survenu il y a à peine deux ans. Faire passer la limite à 1 000 $ est catastrophique.
Sans même avoir évalué quoi que ce soit, vous seriez prêt à accepter que la limite soit fixée à 1 000 $?
M. Hébert : À mon avis, les partis politiques évaluent régulièrement les contributions qu'ils reçoivent. Chose certaine, notre parti a examiné attentivement l'incidence de ce changement sur notre base de donateurs. Nous savons qu'une bonne partie d'entre eux, environ 20 p. 100, donnent plus de 1 000 $ par année. Nous acceptons cette réalité ainsi que les répercussions sur le financement de notre parti politique.
Si nous avions voulu comparer les répercussions du financement public et du financement privé sur les partis politiques, je pense que nous avons eu suffisamment de temps et de rapports pour le faire.
Je ne suis pas tout à fait certain que nous devrions consacrer plus de temps à un examen. J'estime qu'il est évident qu'une réduction des limites de contribution ne peut qu'être bien vue par le public, en ce qui concerne la responsabilité des partis politiques et leurs sources de financement.
Le sénateur Zimmer : Je vais répéter ce que j'ai déjà dit aux autres témoins : la transparence et la responsabilité n'ont rien à voir avec les limites. On peut être transparent et comptable avec un dollar ou avec un million de dollars, ou ne pas l'être du tout. Selon moi, il n'y a aucun lien entre les deux.
Ensuite, je ne crois pas que nous ayons eu assez de temps pour mener une évaluation. La dernière remonte peut-être à un an, mais certains prétendent maintenant que 80 p. 100 des dons sont inférieurs à 200 $. C'est probablement la chose à faire. Je n'ai pas eu l'occasion d'évaluer les contributions. Qu'en pensez-vous?
M. Hébert : Encore une fois, c'est une question d'optique. En tant que députés à la Chambre et représentants de la démocratie, nous devons nous assurer que le système en place est le plus équitable possible aux yeux des simples électeurs.
Même si chaque dollar compte, la plupart des gens considèrent qu'un dollar n'a pas autant d'influence qu'une contribution de 2 000 ou 3 000 $. Dans les circonstances, c'est peut-être normal. J'estime que les partis politiques ont eu suffisamment de temps pour examiner les impacts. Maintenant, c'est à vous, sénateurs, de décider si vous voulez le faire, mais les faits parlent d'eux-mêmes.
Le sénateur Zimmer : J'aimerais maintenant parler de l'élimination des contributions en espèces, lesquelles ont été réduites à 20 $. Je pensais que vous seriez pour car vous avez dit que les petites sommes étaient mieux perçues. Vous avez parlé d'une limite de 30 $; laquelle imposeriez-vous, si ce n'est pas 20 $?
M. Hébert : On pourrait très bien appliquer tout cela aux dons en espèces. Il faut tout simplement pouvoir retracer la personne qui a fait un don de 100 $. Maintenant, que la limite soit fixée à 30 ou à 100 $, pour être honnête avec vous, cela m'importe peu étant donné que nous consignons les dons adéquatement. Je pense d'ailleurs que les autres partis politiques en font autant, même si cela n'a pas toujours été le cas.
Les partis doivent évidemment inscrire toutes les dépenses dans leurs rapports et indiquer la provenance des fonds. C'est essentiel. Ce qui compte, c'est la traçabilité et non de savoir si les dons ont été faits par chèque ou en espèces.
Le sénateur Zimmer : Monsieur Fontaine, j'aimerais vous poser quelques questions. À la page 8 de votre mémoire, vous dites que votre organisation « ne se prétend pas experte en matière de partis politiques et de financement des campagnes », alors qu'à la page précédente, vous affirmez qu'elle « appuie le projet de loi C-2, compte tenu de ses objectifs politiques et financiers transparents ». Il semble y avoir une contradiction. Vous dites ne pas avoir d'expérience dans ces domaines, pourtant vous êtes en faveur du projet de loi C-2. De plus, qu'entendez-vous par « objectifs politiques et financiers transparents ».
M. Fontaine : On nous a dit que le projet de loi C-2 visait à accroître la responsabilité et la transparence. Nous approuvons le but visé dans cette mesure législative. Nous défendons ce principe.
Quelle était votre autre question?
Le sénateur Zimmer : Qu'entendez-vous par « transparents »?
M. Fontaine : Au fond, le projet de loi C-2 favorise la transparence et la responsabilité. Si l'on a présenté cette mesure législative, c'est parce que le processus politique n'a pas toujours été des plus comptables et des plus transparents. Ce projet de loi, à mon sens, vise à promouvoir la responsabilité et à mettre de l'ordre au sein du gouvernement.
Le sénateur Zimmer : Vous avez également parlé d'« un équilibre entre les financements public et privé ». Pouvez- vous m'expliquer un peu ce que cela signifie?
M. Fontaine : Ce n'est qu'une formule générique. Encore une fois, le financement privé d'un parti politique autochtone serait difficile car la plupart des dons proviennent des réserves et beaucoup de gens, chez nous, n'ont pas les moyens de faire d'importantes contributions. Par conséquent, les petits partis tels que le First Peoples National Party devraient recevoir une aide de l'État pour pouvoir entrer dans l'arène politique et affronter les autres partis.
Le sénateur Zimmer : Vous avez aussi parlé d'un seuil pour les dépenses que peut engager un parti dans une campagne électorale. Selon vous, à combien devrait-on fixer la limite?
M. Fontaine : Au cours de la dernière campagne électorale, le First Peoples National Party a dépensé 4 000 $. Je crois que nous sommes bien loin des dépenses des conservateurs et des libéraux.
Le sénateur Zimmer : Avez-vous des recommandations au sujet des dons?
M. Fontaine : Non.
Le sénateur Comeau : Monsieur Fontaine, j'aimerais parler de la recommandation nº 8 de votre mémoire, à la page 9, qui se lit comme suit :
Les partis politiques devraient recevoir des contributions financières de l'État pour empêcher la dépendance à l'égard des donateurs privés et garantir l'égalité des chances entre les partis politiques. Les contributions financières de l'État devraient être calculées en fonction du soutien politique dont jouissent les partis, évalué selon des critères objectifs tels que le nombre de voix ou de sièges.
Je crois savoir que vous recevez 1,79 $ pour chaque vote. Êtes-vous en train de dire que vous préféreriez que ce soit calculé en fonction du nombre de sièges obtenus? Pour l'instant, dans votre cas, cela pourrait réduire le montant alloué.
M. Fontaine : On voulait surtout mettre l'accent sur la notion de représentation proportionnelle au gouvernement. Pour un petit parti comme le First Peoples National Party, la représentation proportionnelle serait un bon moyen de participer pleinement au processus politique. Évidemment, le projet de loi C-2 va aussi dans ce sens; la représentation proportionnelle donnerait la possibilité aux petits partis d'obtenir des sièges au Parlement.
Le sénateur Comeau : Il est important que vous fassiez valoir cet argument parce qu'on pourrait en tenir compte lors du vote sur le projet de loi C-2. Le système actuel ne vous est pas favorable, contrairement à une représentation proportionnelle.
M. Fontaine : Nous en sommes conscients.
M. Hébert : Je vous rappelle que les partis politiques qui obtiennent moins de 2 p. 100 des suffrages à l'échelle nationale ne peuvent percevoir la somme de 1,79 $ par vote. Le NPD a souvent dit en comité qu'il aimerait voir tous les partis toucher leur part car, en réalité, certains sont avantagés. Je ne veux pas m'exprimer pour mon collègue, mais j'encouragerais fortement les gens qui veulent des changements à réfléchir au fait que tous les partis politiques devraient avoir droit à la même subvention versée par vote compté que les partis qui obtiennent au moins 2 p. 100 des votes exprimés dans une élection.
Le sénateur Comeau : Vous venez de soulever un point extrêmement important et j'avais oublié qu'une limite s'imposait.
Le sénateur Zimmer : Il y a environ 10 jours, quatre représentants de petits partis ont comparu devant nous, et M. Arlow a souligné que les limites demeuraient à 1 000 et à 5 000 $ respectivement. Tous les témoins tenaient beaucoup à ces limites. Qu'avez-vous à dire à ce sujet? Les quatre témoins étaient tous membres de petits partis.
M. Hébert : Il m'est difficile de deviner leurs motivations, d'autant plus que je ne peux pas parler aux témoins en question. Toutefois, je peux vous dire que, dans bien des cas, les petits partis comptent normalement sur un nombre très restreint de donateurs. Par conséquent, il me paraît logique qu'ils préfèrent avoir des limites de contribution plus élevées. Leur donner 1,79 $ par vote serait, à mon avis, plus juste que de jouer avec les limites qui touchent tous les partis politiques.
M. Fontaine : Le First Peoples National Party of Canada reconnaît l'importance du financement et l'incidence qu'il a sur sa participation. Bien entendu, nous sommes toujours favorables aux limites de 1 000 et 5 000 $. Il n'y a aucun doute là-dessus.
Le sénateur Campbell : C'est certain, puisqu'un petit parti peut recevoir deux ou trois dons de 5 000 $, ce qui fait grandement augmenter le montant de la cagnotte.
Le président : Quelqu'un a déjà donné à un parti la modique somme de 20 000 $.
Le sénateur Campbell : Oui, c'est vrai.
Le sénateur Comeau : C'est excellent pour leurs finances.
Si j'ai bien compris, et d'ailleurs mon collègue et moi en parlions plus tôt, la limite de 2 p. 100 fait présentement l'objet d'une contestation judiciaire. Savez-vous où en est le dossier?
M. Hébert : Je crois qu'il est toujours devant les tribunaux. Il se peut que nous n'en entendions plus parler jusqu'à la fin de l'année. Même si nous ne sommes pas impliqués directement dans cette affaire, nous donnons notre appui.
Le sénateur Comeau : J'aimerais revenir à la question soulevée par le président concernant la limite de 1 000 $, et la raison pour laquelle vous voulez une limite fixe et non une limite indexée à l'inflation. Dois-je en déduire que vous trouvez la limite de 1 000 $ encore trop élevée?
M. Hébert : Si vous demandez au donateur canadien moyen à un parti politique ou à quiconque fait une contribution s'il a les moyens de donner 1 000 $ au cours d'une année donnée, il vous répondra, dans la plupart des cas, que c'est impensable. Il ne faut pas oublier que la limite de 1 000 $ s'applique aux partis fédéraux et non aux partis locaux. En vérité, la limite se rapproche plus des 2 000 $. Il faut ajouter à cette limite les sommes pour les campagnes à la direction, qui ont une limite supplémentaire de 1 000 $. Nous voilà donc tombés dans le piège des généreuses contributions qui donnent l'impression que les gens peuvent acheter de l'influence.
C'est pourquoi il serait utile et important de fixer la limite à 1 000 $.
Le sénateur Comeau : Il s'agit d'un premier pas pour en arriver à un montant qui correspond à ce que peuvent verser les Canadiens moyens aux caisses d'un parti.
M. Hébert : C'est exact.
Le sénateur Comeau : Bien entendu, il y a toujours la question de la déduction fiscale. Je ne suis pas certain que la déduction fiscale réduise la contribution de moitié, mais admettons que oui, auquel cas, la contribution maximale est réduite à 500 $. À ce moment-là, se rapproche-t-on du montant que vous jugez raisonnable pour le Canadien moyen?
M. Hébert : Je crains de ne pas comprendre la question.
Le sénateur Comeau : Vous avez droit à une déduction fiscale de 1 000 $.
M. Hébert : Oui, pour la première tranche de 1 275 $. Le taux varie, de sorte que pour la première tranche de 400 $, il est à 75 p. 100, pour celle de 350 $ qui suit, à 50 p. 100, et pour le montant restant, à 33,75 p. 100.
Le sénateur Comeau : Si vous aviez rédigé la loi, quel aurait été pour vous le montant idéal? Disons que 1 000 $ ne vous convient pas. Qu'auriez-vous préféré à la place?
M. Hébert : C'est une bonne question. Ce qui est compliqué, c'est de pouvoir appliquer cette limite de 1,000 $ dans tous les cas. Cela étant, il est plus facile d'imaginer une limite qui se rapproche de 1 000 $ en contributions totales. On doit également être raisonnable quant au montant à hauteur duquel les gens peuvent contribuer. Ils veulent faire des dons. Nous franchissons une mince ligne de démarcation. Une contribution universelle maximale de 1 000 $ faciliterait sans doute les choses.
Néanmoins, tel qu'indiqué dans la déclaration devant vous, nous sommes heureux de constater qu'on a établi des plafonds de contribution distincts pour les niveaux local et fédéral. Dans les faits, on ne se bat pas au sein d'un parti pour les mêmes dons. Inévitablement, c'est ce qui se produit. Avec une limite universelle de 1 000 $, on se retrouve dans une situation où les associations de comté font concurrence à leur parti fédéral pour les mêmes montants de contribution, et ça devient compliqué.
Même si nous voulons une limite universelle moins élevée, nous considérons qu'elle permet une répartition équitable, si vous voulez, des objectifs de financement des partis.
Le sénateur Comeau : Le problème serait en grande partie résolu si nous suivions votre suggestion d'adopter la représentation proportionnelle.
M. Hébert : Certainement.
Le sénateur Joyal : Monsieur Fontaine, le nom de votre parti m'intrigue. Il s'appelle First Peoples National Party of Canada, et vous vous êtes présenté en tant que membre de la bande Anishinabe.
Votre parti vise-t-il à inclure toutes les Premières nations du Canada dans son objectif?
M. Fontaine : C'est l'une de nos intentions. Dans ma langue, Anishinabe signifie « être humain ». Nous tous, en tant qu'êtres humains, sommes aussi des descendants des premiers peuples de ce pays. On doit faire cette distinction en ce qui concerne les peuples autochtones.
Le sénateur Joyal : Actuellement, combien de groupes ou de communautés des Premières nations sont représentés parmi les membres de votre parti?
M. Fontaine : La plupart des Premières nations du Canada sont représentées dans notre parti. Celui-ci compte également des membres qui ne sont pas Anishinabes. Lors des dernières élections fédérales, nous avons présenté un candidat non autochtone en Colombie-Britannique.
Le sénateur Joyal : Combien de candidats avez-vous présentés à cette occasion?
M. Fontaine : Cinq. Nous avons obtenu le statut de parti officiel deux semaines après le début de la campagne. En fait, nous avons eu deux semaines pour inscrire nos candidats. Nous en avons présenté cinq, mais ils auraient pu être plus nombreux.
Le sénateur Joyal : La création de votre parti est-elle récente?
M. Fontaine : Oui.
Le sénateur Joyal : Depuis combien d'années êtes-vous en activité?
M. Fontaine : Notre parti a été constitué en décembre dernier. Mais en fait, le First Peoples Party a été créé en 1995, au Manitoba.
Le sénateur Joyal : Avez-vous l'appui de l'Assemblée des Premières nations ou du Ralliement national des Métis?
M. Fontaine : Nous n'entretenons aucun lien avec les autres associations autochtones du Canada.
Le sénateur Joyal : Vous êtes totalement indépendants.
M. Fontaine : Oui.
Le sénateur Joyal : Combien de membres votre parti compte-t-il?
M. Fontaine : Probablement plus de 3 000.
Le sénateur Joyal : D'après ce que j'ai compris, comme vous n'avez pas atteint un nombre suffisant de votes, vous n'avez obtenu aucun remboursement pour vos dépenses électorales lors de la dernière campagne.
M. Fontaine : Pas encore.
Le sénateur Joyal : Est-ce parce que vous n'avez pas obtenu 2 p. 100 des suffrages à l'échelle nationale, ou 5 p. 100 dans une circonscription?
M. Fontaine : C'est exact.
Le sénateur Joyal : Savez-vous qu'un regroupement de petits partis a contesté cette disposition du projet de loi C-4 — le précédent projet de loi sur le financement électoral qui est maintenant en vigueur — au motif que le traitement qu'il réserve aux petits partis est injuste? Avec une réduction des contributions à 1 000 $, vous aurez encore moins accès aux dons individuels de vos partisans. Par ailleurs, pendant un certain temps, votre parti ne pourra bénéficier du remboursement des dépenses électorales par le gouvernement. Il y a 10 jours, au moins trois représentants de petits partis sur quatre nous ont dit avoir l'intention de contester cet article du projet de loi C-2 s'il devait entrer en vigueur avec la limite de 1 000 $, parce que ces partis seront doublement désavantagés. Envisagerez-vous de vous rallier à cette contestation judiciaire?
M. Fontaine : C'est la première fois que j'en entends parler. De toute évidence, je devrais soumettre la question à la direction du parti pour que nous en discutions. Je ne vois pas très bien quelle incidence cela pourrait avoir sur le First Peoples National Party. Il serait mal venu de ma part d'essayer de me prononcer là-dessus. Je ne suis pas très au courant; c'est pourquoi j'ai été quelque peu perplexe lorsque le sénateur Zimmer m'a posé la question.
Le sénateur Joyal : Quel est actuellement le budget annuel total de votre parti?
M. Fontaine : Nous l'ignorons, parce que nous sommes en activité depuis décembre dernier seulement. Nous sommes un très petit parti. Beaucoup de personnes travaillent bénévolement pour le parti, dont des jeunes, des femmes et des aînés. Chacun peut y mettre du sien en faisant du bénévolat ou en apportant des contributions en nature, qu'il s'agisse de papier ou autre. Comme vous pouvez le voir, ma présentation a été imprimée sur du papier réutilisé. Nous avons recours à ce type de bénévolat militant.
Le sénateur Joyal : Avez-vous du personnel rémunéré?
M. Fontaine : Non. Le chef et le directeur sont bénévoles. Le bureau, relativement petit, est situé dans la maison du chef. Nous avons commencé en décembre 2005, et nous progressons.
Le sénateur Joyal : Quelle est la contribution la plus importante que vous ayez reçue d'un citoyen dans le cadre du projet de loi C-24?
M. Fontaine : La majorité de nos donateurs vivent dans des réserves. Nous recevons des dons de 20, 50 et 75 $, ou tout autre montant que les gens sont en mesure de nous verser, la plus grande contribution étant de 500 $. Le plus important pour nous, c'est lorsque les gens donnent de leur temps pour aider à bâtir le parti. Ce processus politique est nouveau pour nous, et nous ne nous sommes pas penchés en détail sur les questions relatives à la façon d'établir un financement et à la manière dont les partis politiques comblent leurs besoins financiers.
Le sénateur Joyal : Avez-vous déposé tous les rapports requis auprès du directeur général des élections?
M. Fontaine : Oui.
Le sénateur Joyal : Êtes-vous en mesure de satisfaire notamment à l'obligation de fournir un rapport de vérification, conformément à la Loi électorale?
M. Fontaine : Oui, notre vérificateur de Winnipeg a approuvé les rapports pour nos cinq candidats.
Le sénateur Joyal : Vous avez donc suffisamment d'argent pour payer des vérificateurs à faire ce type travail administratif.
M. Fontaine : Oui.
M. Hébert : Vous devez savoir que les frais de vérification sont remboursés par Élections Canada jusqu'à concurrence d'un certain montant, pour alléger le fardeau des partis, sauf dans le cas des candidats, où seuls des frais de vérification minimes peuvent être remboursés. Il arrive que de très petits partis doivent faire face à des dépenses supplémentaires. C'est regrettable, et nous demandons depuis de nombreuses années que les frais de vérification reflètent davantage les coûts réels. Nous défendons également ce principe. C'est certainement le cas pour les associations de comté qui doivent faire faire leurs vérifications, mais ça l'est malheureusement moins pour les candidats.
Le sénateur Joyal : Nous ne pouvons, d'un côté, leur imposer l'obligation financière de préparer des rapports tout en leur refusant l'accès à un financement public au motif que le nombre de votes qu'ils ont recueillis à une élection est insuffisant et, d'un autre côté, limiter leur financement. Si nous procédons ainsi, ils seront incapables d'effectuer leur démarchage et leurs activités de promotion en vue d'atteindre leurs objectifs.
M. Fontaine : On a demandé pourquoi le First Peoples National Party of Canada appuyait le projet de loi C-2, même s'il ne prétendait pas s'y connaître en la matière. De façon générale, ce projet de loi donnerait à notre parti la possibilité de participer. Par ailleurs, le processus politique a été bloqué pour nos communautés. Dans certains cas, nous n'avons pas le financement nécessaire, et nous sommes incapables de nous assurer des dons importants. Cela n'est pas possible. Nous voyons le projet de loi C-2 comme un moyen d'uniformiser les règles du jeu. Le fait que nous ayons présenté cinq candidats aux dernières élections fédérales en dit long sur le sens de l'initiative des gens et sur leur volonté d'effectuer du bénévolat et de poursuivre un rêve. C'est à cela qu'aspire le First Peoples National Party of Canada. Si le projet de loi C-2 nous aide à atteindre cet objectif, nous lui serons favorables, même si nous n'en connaissons pas les détails. J'appuie de tout cœur l'esprit général et les principes qui le sous-tendent.
Le sénateur Milne : Monsieur Fontaine, vous dites avoir recueilli 4 000 $ aux dernières élections, et avoir présenté cinq candidats. Dans quelles régions ceux-ci ont-ils fait campagne?
M. Fontaine : Nous avions un candidat en Colombie-Britannique, deux en Alberta et deux en Ontario.
Le sénateur Milne : Mais aucun dans votre province?
M. Fontaine : J'habite maintenant en Ontario, à Sault Ste. Marie. Je donne des cours au Collège universitaire Algoma et à l'Université Laurentienne. Nous aurions pu présenter des candidats au Manitoba, mais nous ne l'avons pas fait, pour des raisons de délai.
Le sénateur Milne : Je vous félicite pour votre initiative. Je trouve absolument épatant que vous ayez pu présenter cinq candidats. C'est tout à fait incroyable d'arriver à couvrir ne serait-ce que les frais minimum liés au coût d'inscription des candidats avec seulement 4 000 $.
Monsieur Hébert, vous nous avez parlé de la désignation des dons de biens et de services dans le but d'exercer de l'influence. Aujourd'hui, on a attiré mon attention sur la préoccupation concernant la façon dont on traite les cadeaux dans le projet de loi. On y interdit aux candidats de recevoir un cadeau susceptible d'influer sur l'exercice de leur charge s'ils sont élus. La loi leur interdit formellement d'accepter un don de cette nature. Du reste, si un candidat élu devient ministre, il a le droit de recevoir des cadeaux de soi-disant « amis » et de s'abstenir de les déclarer. Un ministre n'a aucune obligation de déclarer un don qu'il a défini comme provenant d'un ami.
Il me semble qu'il y a tout un écart entre les exigences strictes imposées aux candidats qui ne sont pas élus et ce qu'on demande aux personnes qui sont à même d'influencer les décisions du gouvernement. Croyez-vous qu'il faille corriger le projet de loi à ce chapitre?
M. Hébert : Vous en avez parlé un peu plus tôt et, pour être honnête avec vous, c'est la première fois que j'entends une telle critique à l'égard du projet de loi. Je n'ai donc pas passé beaucoup de temps à y réfléchir. Je peux vous dire que les candidats et les ministres, au-delà de leurs responsabilités différentes, sont considérés d'une manière très distincte dans la Loi électorale du Canada. Au sens de celle-ci, un candidat est candidat pour une période de 36 jours, ou plus longtemps, seulement si la campagne électorale se prolonge. Pour ce qui est de la possibilité de recevoir des cadeaux, si c'est votre anniversaire le jour des élections, vous pouvez toujours en recevoir, ou encore attendre la fin de la campagne pour éviter tout problème. Un ministre en prend toutefois la responsabilité pour une période plus longue. Mais comment déterminer si un cadeau vise à acheter de l'influence si, en temps normal, une personne peut en recevoir? C'est peut-être l'une des difficultés en ce qui concerne cette loi. Franchement, je n'y ai pas suffisamment réfléchi pour pouvoir dire s'il existe un écart important.
Comme je l'ai mentionné devant d'autres comités, déterminer le moment où quelqu'un est officiellement un candidat pose un réel problème. Actuellement, selon la Loi électorale du Canada, vous êtes un candidat dès que vous vous inscrivez en tant que tel en période électorale. Néanmoins, les candidats ont souvent déjà ce titre lorsqu'ils sont nommés quelques mois avant les élections.
Le sénateur Milne : Certains ont déjà été nommés pour les élections suivantes.
M. Hébert : En conséquence, vous vous retrouvez dans une situation où les candidats peuvent recevoir des cadeaux bien avant la tenue des élections. En fait, il peut s'agir d'un achat d'influence, mais comme les candidats ne sont pas identifiés en tant que tels, ils ne sont pas visés par la loi.
Nous disons depuis longtemps qu'on doit considérer les gens comme des candidats dès qu'ils sont nommés. C'est à ce moment-là que ce statut doit être reconnu. C'est du moins dans cette perspective que je vous offre mon analyse, même si je suis incapable de vous apporter une réponse précise en ce qui concerne les ministres.
Le sénateur Milne : Croyez-vous qu'on devrait limiter la publicité faite par des tiers durant les campagnes électorales? Que pense le NPD de cette pratique?
M. Hébert : C'est une question qui nous préoccupe beaucoup. Nous craignons qu'inévitablement des organisations sans but lucratif, des organisations caritatives et d'autres organismes finissent par jouer un rôle, comme par exemple, pousser les gens vers des partis politiques en dépit du fait que ces organisations ne peuvent pas contribuer. En fait, ce qui nous préoccupe, c'est une contribution faite de façon détournée.
Si vous limitez cela, je crois comprendre que des personnes autour de cette table et qui siègent bien évidemment à la Chambre des communes, s'inquiètent de certaines questions liées à la Charte et portant sur la liberté d'expression. Je comprends que, dans cet esprit, l'on ne souhaite pas aller à l'encontre de la Charte.
Je crains ne pas avoir de méthode infaillible pour assurer la conformité à la Charte de toute loi qui tenterait d'empêcher une tierce partie de faire ce genre de dépenses. Au moins, nous avons maintenant des limites pour les dépenses d'une tierce partie. Au moins, il leur est demandé maintenant de s'inscrire. Même si je souhaite qu'elles ne soient pas dans le système, je n'ai pas encore trouvé de mécanisme pour les empêcher d'y être.
Le sénateur Milne : Si nous adoptons ce projet de loi sans y modifier certaines parties, quand, selon vous, les dispositions liées au financement des élections de ce projet de loi devraient prendre effet?
M. Hébert : Je pense que les dispositions devraient prendre effet à l'adoption officielle du projet de loi, quand il aura reçu la sanction royale, que ce soit le mois prochain, au mois de mars de l'an prochain ou à une autre date.
Le sénateur Milne : Vous venez de participer à une grande réunion à Québec.
M. Hébert : Oui.
Le sénateur Milne : À combien s'élevaient les frais d'inscription pour les délégués à votre réunion?
M. Hébert : Nos frais d'inscription pour les délégués étaient les plus bas depuis 1977, ce qui a aussi eu une incidence au plan financier sur le fonctionnement du parti, mais nous croyons qu'il est important d'avoir une démocratie à l'intérieur du parti. Les frais s'élevaient à 95 $ pour les délégués. Nous estimons qu'une élection au niveau d'une circonscription locale est suffisamment importante pour que la personne élue puisse s'y rendre. Étant donné que le Canada est un si grand pays, les seuls frais de déplacement sont, pour un grand nombre de ces délégués, tellement élevés qu'il vaut mieux ne pas ajouter une difficulté supplémentaire. De manière générale, les frais pour nos délégués sont donc très bas.
Le sénateur Milne : Envisagez-vous de remettre des reçus pour ces frais?
M. Hébert : Tous nos frais de participation au congrès sont entièrement comptabilisés comme étant des contributions.
Le sénateur Milne : Pensez-vous que ces frais devraient entrer dans le calcul de la limite de 5 400 $? Je crois que cette situation s'applique dans l'actuel projet de loi C-24.
M. Hébert : C'est le cas et nous croyons que cela devrait continuer.
Le président : Que couvraient les 95 $?
M. Hébert : Les 95 $ couvraient l'accès des délégués et ce genre de choses. Ils nous permettent de défrayer les coûts de production des relieurs.
Le président : Les facilités, et cetera?
M. Hébert : Oui, ils aident à assumer ces frais, pas totalement, mais ils aident à défrayer une partie de ces coûts.
Le président : Dans le résumé à la fin de votre déclaration, vous déclarez que vous voudriez voir d'autres éléments dans le projet de loi et le premier serait des élections à date fixe. Je pensais qu'il y avait...
M. Hébert : Oui, il en a été question dans le cadre d'un autre projet de loi.
Le président : Vous avez ensuite parlé de la représentation proportionnelle. Quand Ed Broadbent était à la Chambre, je crois qu'il a présidé un comité qui s'occupait de cette question, donc du travail a été fait sur cette question.
M. Hébert : je crains que le travail semble être au point mort sur cette question, au grand détriment du Parlement.
Le président : L'élément suivant concerne les limites des dépenses pour une course à la direction. Vous dites que les candidats à la direction sont les seules entités électorales qui sont exemptées des plafonds de dépenses de campagne électorale, ce qui mène à penser qu'un candidat à la direction peut acheter une victoire dans une course à la direction d'un parti enregistré. Tout à l'heure, en réponse à une question du sénateur Milne, vous avez dit que le Canada est un immense pays et que les frais de déplacement sont élevés. Si vous êtes originaires d'une petite ville, par exemple en Nouvelle-Écosse, que vous présentez votre candidature à la direction d'un parti tel que le vôtre et que vous devez voyager partout dans l'Ouest canadien et cetera, pensez-vous qu'il devrait avoir quelque chose de particulier pour plafonner les dépenses d'une campagne pour la course à la direction d'un parti national?
M. Hébert : Je pense que les plafonds ne devraient pas être trop bas, d'autre part, moi aussi je ne pense pas que l'on devrait pouvoir acheter une course à la direction en dépensant des millions de dollars. Un plafond juste devrait être établi pour ces courses.
Le président : Que serait un plafond juste pour une course à la direction dans un pays aussi grand que le Canada?
M. Hébert : Dans notre dernière course à la direction, le plafond était à 75,000 $.
Le président : Pour les déplacements aussi?
M. Hébert : Oui, pour les déplacements aussi. Ce plafond obligeait nos candidats à faire attention à leurs frais de déplacement, mais il leur fournissait aussi un bon accès au système. Cela voulait dire que si vous n'aviez pas un million de dollars à dépenser dans une campagne à la course à la direction, vous pourriez tout de même participer au même niveau que tous les autres.
Le sénateur Stratton : Je crois que nous devenons tous un peu mordants. Nous sommes au bout d'une longue journée.
Monsieur Fontaine, il est intéressant d'entendre parler de votre nouveau parti chez les Premières nations. Savez- vous s'il y a aujourd'hui d'autres partis des Premières nations en voie de création?
M. Fontaine : Il y a un autre parti au Manitoba; je crois qu'il s'appelle le Pouvoir Politique du Peuple du Canada. Il est essentiellement situé au Manitoba.
Le sénateur Stratton : Seulement provincial?
M. Fontaine : Non, ils ont demandé à être reconnus par le gouvernement fédéral.
Le sénateur Stratton : Est-ce le conseil tribal du Sud-Est ou quelque chose comme ça?
M. Fontaine : Non, le Sud-Est n'a rien à voir là-dedans.
Le sénateur Stratton : Ma question s'adresse à vous deux parce que j'étais récemment dans la République du Congo pour surveiller les élections à la fin du mois de juillet. Ils avaient 33 candidats pour la présidence. Ils avaient 250 candidats pour un siège à la Chambre des représentants. Ces chiffres sont stupéfiants. Remarquez que ce sont les premières élections en 40 ans et il y aura un scrutin de ballottage, je pense, le 25 ou le 27 octobre, s'ils s'arrêtent de tirer.
La question qui me préoccupe, et qui je crois nous préoccupe tous, c'est que si nous voulons faire de cela un processus ouvert et démocratique, car je crois en la proportionnelle, comment pouvons-nous permettre de manière plus appropriée que cela se fasse tout en ayant un processus ouvert et démocratique?
Ce qui me préoccupe, c'est que si tout le monde veut un temps égal à la télévision et un temps égal aux débats réunissant tous les candidats, il y aura des problèmes. Où doivent se situer les plafonds à votre avis?
Je crois que les quatre autres partis qui étaient ici se sont accordés à dire que ce devrait se situer autour de 15. Cependant, j'ai découvert votre parti, monsieur Fontaine, et deux partis fédéraux rien que pour le Manitoba que je ne connaissais pas, nous commençons donc à nous inquiéter de ces nombres si vous supprimez les plafonds et permettez un nombre quelconque de partis de faire campagne et de demander un temps égal à la télévision et à tous les débats réunissant tous les candidats.
M. Fontaine : Je pense qu'il ne devrait pas avoir de limite pour la démocratie. Si un individu ou un peuple s'organisent pour participer, ils devraient avoir le droit de participer. Comment contrôler la participation à la télévision, à la radio et à tout autre média qu'un candidat souhaiterait utiliser pour des débats et cetera, ça je n'en suis pas sûr.
Quelles sont les limites? Vous pourriez avoir un seuil d'admissibilité de 4 p. 100; vous pourriez avoir un certain nombre de seuils. Le plus important au niveau de la représentation proportionnelle, c'est la possibilité de participer et d'avoir l'occasion de présenter les besoins d'un peuple devant le Parlement. Je crois qu'il est important de présenter ces besoins du point de vue de votre propre peuple.
La Belgique et un certain nombre de pays de l'Union européenne ont la représentation proportionnelle. Le First Peoples National Party prend la Nouvelle-Zélande comme un exemple que le Canada peut suivre surtout parce qu'il offre des sièges aux Maoris. Il permet aussi une représentation proportionnelle au sein du Parlement. Leur Parlement peut avoir, à tout moment, quatre Maoris pour 12 à 18. Ainsi, je ne vois pas aujourd'hui la nécessité de limiter ou de restreindre la participation.
M. Hébert : Je pense qu'il y a une très grande différence entre un plafond minimum pour la représentation proportionnelle et le financement des partis politiques. La raison en est bien simple : à un certain moment, il faut un montant minimum pour pouvoir commencer à avoir une représentation. Si un vote équivaut à un représentant, alors à un certain moment, cela ne veut plus rien dire car vous pourriez soudainement avoir une Chambre des communes avec un million de personnes. Il faut qu'il y ait une sorte de seuil.
Lorsqu'il s'agit du vote d'une personne et du poids financier du vote de cette personne, il n'est pas juste que les petits partis n'aient pas le même poids que les autres partis. Je pense qu'il y a une grande différence entre ce qui est pratique en termes de possibilité de gouverner le pays et ce qui est pratique en termes de promotion de la démocratie et du soutien aux petits partis. Les petits partis ont besoin d'un soutien, même celui d'un petit nombre de personnes et cela a aussi une incidence sur l'aide financière qu'ils obtiennent.
Le sénateur Stratton : J'ai juste une autre question. La conclusion de l'exemple du Congo est qu'au bout d'un certain temps, après quelques autres élections, ces petits partis fusionneraient. Je crois que si nous acceptions une représentation proportionnelle et s'il y avait une prolifération de partis, la même chose se produirait. Si vous voulez le pouvoir, il faut que vous soyez fort, car autrement, vous n'existerez pas ou vous existerez au seuil de la pauvreté et vous ne pourrez rien faire. Qu'en pensez-vous?
M. Hébert : Je pense que vous avez raison, et j'ajouterai que pendant longtemps le Canada a fonctionné sans gouvernement minoritaire et je crois que nous commençons à comprendre de nouveau ce qu'il en est d'être dans un gouvernement minoritaire. Il nous a fallu quelque temps pour nous adapter. Au cours des années, même s'il devait y avoir un grand nombre de partis représentés à la Chambre des communes, nous aurons appris le fonctionnement des gouvernements de coalition et nous gouvernerons de façon à mieux exprimer l'opinion publique. Donc, bien que je sache que vous êtes en faveur de la représentation proportionnelle, je suis d'avis que cette partie de la représentation proportionnelle est la pratique et l'apprentissage visant à exprimer la politique de ceux qui nous ont élus.
M. Fontaine : De nombreuses études ont montré que les peuples des Premières nations connaissent le plus haut taux de croissance au Canada. Le First Peoples National Party of Canada sait que si les peuples des Premières nations votaient en bloc, nous aurions 23 sièges à la Chambre. À long terme, nous aurions 86 sièges. Cela ne concerne pas une région, c'est dans tout le pays, de la côte ouest à la côte est et du nord au sud. Voilà le type de représentation et de mouvement que nous escomptons. Nous avons fait un petit pas, mais c'est quand même un petit pas qui a permis à des gens de s'intéresser et de s'impliquer. Je trouve intéressant que les frais d'inscription du NPD étaient de 95 $. Les frais de participation à notre congrès sont de 5 $. Pourquoi 5 $? Quelle est la signification des 5 $? La signification est notre indemnisation prévue dans le traité.
Beaucoup de gens ont fait l'effort de venir assister à la réunion à Winnipeg. Les gens ont payé eux-mêmes leurs frais de voyage; les gens ont donné de leur temps. Nous avons eu plus de 100 participants. C'est un commencement. Il y avait des jeunes, des aînés, des femmes et le fait que notre dirigeant est un Anishinabe est révélateur de ce que nous voulons faire.
Le président : Comme le sénateur Milne, j'ai été très impressionné par le nombre de personnes que vous avez présentées aux dernières élections fédérales avec un budget très très limité. Je me demande si toutes ces personnes sont prêtes à se présenter de nouveau. Elles ont au moins l'expérience d'une campagne électorale. Si nous avions des élections dans deux mois ou dans six mois, seraient-elles prêtes à se présenter de nouveau?
M. Fontaine : Oui, ils sont tous prêts et, en fait, nous aurons probablement une liste de 23 candidats à la prochaine élection.
Le président : Félicitations.
Le sénateur Day : Merci. Monsieur Fontaine, est-ce que le First Peoples National Party of Canada est un parti politique enregistré?
M. Fontaine : Oui.
Le sénateur Day : Et vous ne trouvez pas la paperasserie trop pénible?
M. Fontaine : Pas moi, non, mais le président et les bénévoles, oui. Ils trouvent que c'est très lourd. Un grand nombre de nos bénévoles sont des mères, des grands-mères et des jeunes universitaires et, évidemment, ils offrent le peu de temps dont ils disposent. Oui, ils trouvent cela pénible. Je fais des farces en disant que je ne trouve pas cela pénible, parce qu'en réalité, je ne m'occupe pas de ces détails. J'offre mes remerciements, je dis «meegwetch » aux gens qui font ce travail et je me félicite de leur aide.
Le sénateur Day : Donc, vous parlez au nom de votre parti et vous n'appuyez pas une augmentation de la limite. Les autres petits partis qui ont comparu devant le présent comité ont dit qu'ils voyaient dans la réduction de la limite à 1 000 $ une conspiration contre les petits partis. Ils aimeraient que ce soit plus que 5 000 $, mais ils pourraient se contenter de cette somme.
M. Fontaine : Je tiens à dire que nous faisons figure de nouveau dans ce processus. Pour le moment, nous ne savons pas en détail comment cela se répercutera sur nous. Je veux revenir sur l'idée que le travail est accompli en bonne partie par des bénévoles et que nous espérons qu'à un moment donné, les chefs et les conseils et les administrations des Premières nations nous offriront une aide quelconque et un certain appui financier. Nous voyons le projet de loi C-2 uniquement comme une porte qui nous permet d'entrer dans ce processus et nous ignorons encore pour l'instant comment la réduction de la limite de 5 000 $ à 1 000 $, tous ces détails, nous affectera. Peut-être que dans un an, nous aurons une perspective et une position totalement différentes.
Le sénateur Day : Je ne suis pas certain de voir comment le projet de loi C-2 vous permet d'entrer dans le processus.
M. Fontaine : C'est mon point de vue, à partir de ce que j'ai entendu et compris, que le projet de loi favorise la reddition de comptes et qu'il vise à mettre de la transparence dans ce processus. Si le projet de loi fait cela, alors, il égalise les chances. Il n'y aura pas de fonds secret dans lequel on peut aller puiser de l'argent.
Le sénateur Day : Il réduit les contributions aux campagnes électorales de 5 000 $ à 1 000 $. Il y a deux ans, la loi a fixé une limite de 5 000 $ et le projet de loi C-2 réduit cette somme à 1 000 $.
Vous avez dit que le projet de loi C-2 doit permettre à tous les électeurs de se concentrer totalement sur les questions qui les préoccupent. J'insiste sur « les questions qui les préoccupent » parce que ce sont les gens qui dicteraient l'orientation et non pas les entreprises ou les groupes d'intérêt particulier. Vous dites être nouveau dans le processus et je ne veux pas entrer dans les détails si vous ne voulez pas le faire. Vous dites de façon générale que tout texte de loi concernant le processus électoral devrait se concentrer entièrement sur les questions qui préoccupent les gens. Est-ce bien ce que vous dites?
M. Fontaine : C'est bien ce que je dis.
Le sénateur Day : Je vous remercie de votre aide sur cette question.
Monsieur Hébert, je désire traiter du mémoire utile que vous avez transmis au comité. Dans le second paragraphe, vous avez dit que le NPD espère que des amendements peuvent être apportés au projet de loi pour aider à résoudre certaines de ces difficultés. C'est maintenant le temps de parler d'amendements. J'ai vu une des clarifications ou un des amendements possibles et je veux savoir si vous pensez que l'on devrait apporter un amendement précis en ce qui concerne le traitement centralisé des contributions faites au niveau de la circonscription. Vous êtes préoccupés par le fait que cela pourrait être considéré comme une contribution nationale et, par conséquent, que cela pourrait limiter la quantité d'argent que vous pouvez recueillir. Avez-vous reçu une décision ou une indication que vous aurez besoin d'un amendement précis pour cela? Ne s'agirait-il pas d'une simple question de comptabilité?
M. Hébert : En effet, ce serait plus qu'une simple question de comptabilité, parce que l'on considère que l'argent a été reçu là où il a été déposé. Si le parti fédéral accepte une contribution qu'une circonscription locale a décidé de recevoir et que cette contribution est traitée par le parti fédéral, qu'il s'agisse d'un don par carte de crédit, par chèque ou par un autre moyen, le fait que nous l'ayons reçue en fait une contribution au parti fédéral parce que nous avons déposé cette somme. Dès que nous retournons cet argent à la circonscription, cela devient un transfert. Vous pouvez le voir parce que le système est transparent à cet égard. Toutefois, cela signifie que pour une contribution de 100 $, par exemple, le parti fédéral ne peut aller chercher que 900 $ chez ce même donateur à partir de ce moment-là. Il serait bien qu'un amendement qui permettrait que des dons adressés clairement aux associations de circonscription puissent transiter par le bureau fédéral ou par le bureau national du parti de sorte que cette contribution, clairement et de manière visible, ne compterait pas dans la limite de contribution de ce donateur à cette entité, si vous voulez.
Le sénateur Day : Ne pourriez-vous pas déposer cette contribution dans un compte provisoire distinct, par exemple?
M. Hébert : Non, parce que cela ne serait pas permis.
Le sénateur Day : Y a-t-il une disposition du projet de loi C-2 qui devrait être amendée ou devrait-on ajouter une nouvelle disposition au projet de loi?
M. Hébert : Il faudrait que ce soit une nouvelle disposition. Vous parlez d'égaliser les chances et de la façon dont cela se fait dans le cadre du projet de loi C-2. Pour les partis politiques, il est toujours plus facile d'aller voir une poignée de gens et de leur demander de l'argent et de poursuivre ses activités. Cela force les partis politiques, y compris le nôtre, à élargir considérablement leur base de manière qu'ils puissent solliciter un plus grand nombre de donateurs pour être en mesure de faire le travail qui nous permet d'avoir du succès.
Il n'est pas simplement question de financement, mais il est également question d'élargir la base et d'être en contact avec cette dernière. Tous les partis politiques devraient considérer cela comme un défi et comme une bonne chose à faire, et non pas comme un obstacle insurmontable. Cela exigera plus de travail de notre part, mais c'est quelque chose de sain pour notre démocratie.
Le sénateur Day : Vous avez dit que certaines des tâches des bénévoles pour la production de données et de rapports au niveau de la circonscription étaient assez lourdes et que votre parti essayait dans la mesure du possible d'offrir son aide, d'un point de vue centralisé.
M. Hébert : Nous essayons d'aider dans toute la mesure du possible. Le fait est qu'il y a 308 associations de circonscription et que chacune d'entre elles a une relation avec Élections Canada. Il leur arrive à l'occasion de faire des erreurs. Nous devons toujours faire le suivi de ces erreurs pour nous assurer que tout est en règle. Nous sommes prêts à assumer un fardeau administratif pour nous assurer que la Loi électorale du Canada fonctionne. Nous espérons que nos associations de circonscription ne seront pas doublement pénalisées par la quantité de travail qu'elles devront faire pour cela. Dans bien des cas, des pénalités sont imposées pour avoir rendu certains rapports en retard, comme celui qui porte sur les contributions. C'est là un des exemples où nous pourrions donner une certaine latitude au Directeur général des élections de manière à lui donner une certaine flexibilité s'il y a un motif sérieux. Il s'agirait là d'une modification utile à apporter à la Loi électorale du Canada parce que nos pauvres bénévoles ne risqueraient plus de se retrouver devant un juge pour expliquer pourquoi un rapport est en retard et qu'ils n'auraient plus à affronter ce genre d'épreuve. Il s'agirait certainement d'une modification positive.
Le sénateur Day : Vous énumérez un certain nombre d'autres domaines, comme celui des limites de dépenses imposées aux candidats à la direction des partis. Vous aimeriez voir de nouvelles initiatives, différentes du libellé actuel du projet de loi C-2 que vous considérez comme posant un problème.
M. Hébert : Nous aurions préféré que ces questions soient traitées dans le projet de loi C-2 au moment où il a été déposé. Il est clair que ces questions sortent du cadre de ce projet de loi. Nous espérons qu'elles seront traitées parce qu'elles ne le sont pas dans le projet de loi.
Le sénateur Day : Vous avez dit que vous espériez que des amendements puissent être apportés au projet de loi. Avez-vous signalé dans votre mémoire tous les points dans le projet de loi C-2 qui devraient faire l'objet d'amendements?
M. Hébert : La plupart d'entre eux figurent dans le mémoire.
Le sénateur Day : Je veux parler des paragraphes de conclusion où vous indiquez un certain nombre de modifications proposées qui ont été présentées à un autre comité législatif.
M. Hébert : Oui, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a demandé aux partis politiques de faire un examen poussé de la Loi électorale du Canada et des processus, qui comprend tout depuis les frais de vérification jusqu'aux structures de divulgation. L'examen est très approfondi. Nous avons fait de nombreuses recommandations à cet égard, mais je n'ai pas cru bon d'ennuyer le présent comité avec ces recommandations.
Le sénateur Day : Est-ce que certaines d'entre elles intéressent le projet de loi C-2?
M. Hébert : Non, les recommandations extraites de ce rapport qui concernent le projet de loi C-2 figurent dans le mémoire présenté au comité.
Le sénateur Day : En ce qui concerne la somme de 95 $ par congrès, vous avez indiqué que cette somme devrait donner lieu à un reçu aux fins de l'impôt et que vous incluez cette somme dans la limite totale, n'est-ce pas?
M. Hébert : Oui.
Le sénateur Day : Je veux juste savoir si cela couvre une partie seulement des coûts réels.
M. Hébert : Cette somme est loin de couvrir les coûts. Nos congrès coûtent toujours plus cher que ce que rapportent les droits d'inscription des délégués. Souvent, nous organisons des activités de financement pour aider à subventionner ces coûts. La somme de 95 $ ne permet pas de payer les coûts. Nous croyons qu'il s'agit simplement du prix que doit payer un parti pour sa démocratie interne.
Le sénateur Day : C'est une façon de bâtir votre parti.
M. Hébert : Ce n'est pas seulement une façon de bâtir le parti, mais il s'agit également de s'assurer que notre démocratie interne est saine et les néo-démocrates sont très attachés à cette notion. Par conséquent, nous acceptons d'en payer le prix.
Le sénateur Day : Est-ce que le manque à gagner provient des fonds généraux du parti?
M. Hébert : Oui.
Le sénateur Day : Monsieur Fontaine, est-ce que le manque à gagner serait comblé par vos recettes générales?
M. Fontaine : Il proviendrait des contributions, des gens qui fournissent de l'espace, de la nourriture et des choses du genre.
Le sénateur Day : Tous ces éléments doivent être déclarés comme des avantages. De toute évidence, si vous voulez payer un congrès sans puiser dans vos fonds généraux, la somme que vous devez exiger devrait être nettement plus élevée.
M. Fontaine : Oui. Le but n'est pas de payer le congrès, mais de rejoindre des gens et de bâtir le parti. Vous m'avez demandé plus tôt ce que je pensais de la diminution de la contribution de 5 000 $ à 1 000 $. De toute évidence, en tant que nouveau parti, nous n'avons pas beaucoup de donateurs qui ont 5 000 $ à donner, mais nous en avons beaucoup qui sont prêts à donner 20 $ ou 50 $.
Le sénateur Day : C'est ce que nous devons tous faire.
M. Fontaine : Pour nous, c'est plus important.
Le sénateur Day : Pour votre information, certains des plus petits partis qui ont un intérêt plus étroit comptent des membres qui sont prêts à faire une contribution substantielle, une personne qui offre 20 000 $ à un parti qui défend les droits des animaux, ce genre de choses. C'est pourquoi les choses sont un peu différentes pour un parti et pour un autre. Leurs désirs seront sacrifiés parce que l'on veut de la responsabilisation.
Pour terminer, monsieur Hébert, pouvez-vous me dire comment le fait d'accroître de sept à dix ans la période de temps pendant laquelle quelqu'un peut être poursuivi pour une infraction commise en vertu de la Loi électorale du Canada contribue à accroître la responsabilisation?
M. Hébert : De l'avis du Directeur général des élections, et certainement à notre avis, si vous donnez plus de temps, vous avez l'occasion de mieux connaître les circonstances habituelles et vous êtes alors mieux en mesure de décider comment vous allez agir dans la poursuite. De façon générale, le fait d'accorder plus de temps permet ce genre de flexibilité, ce qui est assez utile.
Le sénateur Day : Vous savez — et j'aimerais savoir si vous appuyez cette mesure — que la décision de poursuivre ne reposera plus entre les mains du directeur général des élections, mais entre celles du nouveau procureur de l'État dont le poste est proposé, un procureur de l'État quasi indépendant.
M. Hébert : C'est la première fois que j'en entends parler.
Le sénateur Day : J'aimerais que vous réfléchissiez à cette question et que vous communiquiez par écrit avec le greffier pour nous dire si vous pensez que c'est une bonne idée.
M. Hébert : Certainement.
Le sénateur Zimmer : Messieurs, cette question a été soulevée à quelques reprises. Des petits partis qui ont comparu ici — le Parti Libertarien du Canada, l'Animal Alliance Environment Voters Party of Canada, le Parti action canadienne, et cetera, monsieur Fontaine, je vous félicite, comme l'ont fait les sénateurs Oliver et Milne, pour ce que vous avez fait au Manitoba, pour avoir créé votre parti en décembre et avoir présenté cinq candidats. Vous avez dit que c'était un petit pas. Peut-être. Il y a un homme qui a dit, il y a 35 ans, qu'il avait fait un petit pas pour l'humanité, mais c'est maintenant un pas de géant. Je souhaite la meilleure chance à votre parti.
La nouvelle loi et les amendements interdiront les dons en espèces en provenance des sociétés. Ceci dit, vous pourrez toujours obtenir des contributions — du papier et des choses du genre — de particuliers, mais non des entreprises. Est- ce que votre capacité de réunir des fonds sera gênée si la loi interdisait les dons en espèces en provenance des entreprises et des sociétés?
M. Fontaine : Non, je ne pense pas. Encore une fois, j'aurais dû en parler également. L'approche qu'utilise le First Peoples National Party of Canada ressemble davantage à l'approche utilisée dans le cas des droits civiques. Se rendre dans un grand nombre de collectivités coûtera cher, mais nous voyons cela comme une participation et ce genre de participation est un élément fondamental de notre approche. Y aura-t-il des conséquences? Nous l'ignorons, mais nous y ferons face le moment venu. Encore une fois, nous avons un certain nombre de gens qui font du porte-à-porte pour recueillir de petits dons. Encore une fois, nous n'avons pas de généreux donateurs en mesure de nous donner 10 000 $ ou 20 000 $, mais nous avons des donateurs prêts à donner 10 $ ou 50 $.
Le sénateur Zimmer : Merci, monsieur Fontaine. Je vous souhaite bonne chance. Merci, messieurs.
Le président : Je vous remercie tous les deux de vos excellents exposés. Nous en avons beaucoup appris grâce à vous et vous nous avez aidés dans notre étude de ce projet de loi.
Honorables sénateurs, je vais maintenant lever la séance. Le comité se réunira demain à 9 h 30 pour poursuivre son étude du projet de loi C-2.
La séance est levée.