Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 7 - Témoignages du 19 septembre 2006 - Séance du matin
OTTAWA, le mardi 19 septembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C- 2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation, se réunit aujourd'hui à 9 h 40 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation. Ce projet de loi est plus connu sous le nom de Loi fédérale sur la responsabilité. Comme les sénateurs, nos témoins et les membres du public qui nous regardent à la télévision partout au Canada le savent, ce projet de loi représente un élément essentiel du programme du nouveau gouvernement et compte parmi les plus importantes mesures législatives dont le Parlement ait été saisi au cours des dernières années. Je sais que le comité y accordera la réflexion soignée, exhaustive et détaillée qu'il mérite. Jusqu'à présent, nous avons tenu plus de 40 heures de séance et avons entendu plus de 47 témoins.
Cette semaine, nous allons continuer d'examiner divers aspects du projet de loi, y compris la responsabilité, l'éthique et les conflits d'intérêts, le financement politique, le poste de directeur parlementaire du budget, de même que l'accès à l'information et la vie privée.
Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. Leslie Seidle, chercheur principal associé à l'Institut de recherche en politiques publiques. Auparavant, il était directeur principal, Recherche nationale et internationale, à Élections Canada. Il a également été directeur général, Politiques stratégiques et recherche, au Bureau du Conseil privé et coordonnateur principal de la recherche de la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis — la Commission Lortie — mise sur pied en 1989. M. Seidle est l'auteur de nombreux ouvrages, dont Rethinking the Delivery of Public Services to Citizens, et a signé de nombreux articles sur la réforme électorale, la participation des citoyens, la réforme constitutionnelle, la gestion publique et le financement politique.
[Français]
Le comité tient à vous remercier beaucoup de votre présence. Je vous cède maintenant la parole et ensuite, nous passerons à une période de questions et de discussion qui sera, je sais, très utile pour les membres du comité.
Leslie Seidle, chercheur principal associé, Institut de recherche en politiques publiques, à titre personnel : Merci, Monsieur le président. Je suis content d'être ici ce matin et de pouvoir échanger avec vous sur cette question.
[Traduction]
Je vais faire mon exposé en anglais ce matin, mais je serai heureux de répondre aux questions en français si les sénateurs le préfèrent. Bien que je sois chercheur principal associé à l'IRPP à Montréal, les vues que j'exprimerai ce matin n'engagent que moi.
L'IRPP s'intéresse depuis longtemps aux questions touchant la gouvernance et le fédéralisme. « Gouvernance » pour moi comprend nos processus démocratiques et la façon dont ils peuvent être renforcés. À cet égard, sous la direction du sénateur Segal, comme nous le connaissons maintenant, l'Institut a entrepris un important programme en 1999 intitulé « Renforcer la démocratie au Canada ». L'une des hypothèses sur lesquelles reposait le programme était que la baisse de la participation politique, particulièrement manifeste notamment dans la baisse du taux de participation au scrutin, était à terme préjudiciable à la légitimité démocratique de nos institutions. Une autre hypothèse était que la légitimité est le produit de diverses politiques et pratiques. L'Institut a donc décidé de ne pas s'en tenir au système électoral et de se pencher sur des questions comme le financement politique, dont nous discuterons ce matin; l'enregistrement des électeurs; la réforme parlementaire, le rôle des médias, l'enregistrement des partis politiques et d'autres questions. C'était avant que je m'y joigne. La plupart des documents tirés de cette série — du moins ceux qui ont été publiés jusqu'à présent — ont paru l'an dernier en un seul volume intitulé Strengthening Canadian Democracy.
J'aimerais ajouter une ou deux choses à ce qu'a dit le président au sujet de mes antécédents. En ma qualité d'étudiant au niveau du doctorat, je me suis fait les dents dans ce domaine et écrit ma thèse sur la réglementation des dépenses électorales et le financement des partis en Grande Bretagne et au Canada. La partie concernant le Canada était probablement la plus originale, certainement la plus récente, parce qu'en 1974 le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur les dépenses d'élection, qui a été une importante mesure législative et qui est restée inchangée sur le fond jusqu'aux réformes introduites par le projet de loi C-24, sur lequel je ferai porter mes commentaires dans un instant.
Comme j'étais à Élections Canada il y a quelques années, je n'ai pas travaillé dans ce domaine de façon approfondie, mais je garde ce sujet sur mon écran radar. En mai de cette année, j'ai soumis un document à l'Université de Calgary sur le financement public des partis politiques et les réformes qui pourraient être envisagées, en se fondant sur le projet de loi C-24. Le premier tableau dans le mémoire que j'ai remis aux sénateurs ce matin est tiré de ce document.
Pour la gouverne des sénateurs et de ceux qui nous écoutent et qui nous regardent aujourd'hui, il importe de situer la mesure législative proposée dans le contexte des réformes du projet de loi C-24 qui sont entrées en vigueur au début de 2004. Le projet de loi C-24 a représenté la réforme la plus importante du financement politique après la série de modifications à la Loi électorale du Canada apportées par la Loi sur les dépenses d'élection de 1974. Il représente une consolidation en ce sens qu'il a constitué une adjonction plutôt qu'un changement aux principes qui avaient été adoptés en 1974. Comme la plupart d'entre vous le savent, la loi de 1974 portait, notamment, sur les limites des dépenses des partis nationaux, mais également sur les limites des dépenses des candidats. Elle s'intéressait davantage à la demande de fonds en politique. Le coût des campagnes électorales avait augmenté, notamment en raison de la publicité à la télévision, devenue populaire dans les années 60, et en raison d'une série de gouvernements minoritaires dans les années 60 qui avait entraîné la tenue plus fréquente d'élections. Dans un certain sens, l'imposition de limites de dépenses a été une mesure approuvée par les partis politiques dans l'intérêt de leur propre santé financière. Autrement, avec la tenue fréquente d'élections et la montée des coûts, on risquait de perdre le contrôle des dépenses. Le principe des limites de dépenses a eu un effet salutaire. Cela faisait partie du débat à l'époque, qui était plus pragmatique qu'hautement théorique. Les limites de dépenses encouragent l'équité dans le processus électoral parce qu'elles ramènent tout le monde ni plus ni moins au même niveau en période électorale. Un objectif derrière les limites de dépenses est d'uniformiser les règles du jeu.
Les réformes du projet de loi C-2, par contre, s'intéressent davantage à l'offre de fonds en politique. L'introduction de limites de contributions a été une importante mesure au niveau fédéral. Ce genre de limites avait été institué au niveau provincial au début des années 70, mais on ne s'y était jamais grandement intéressé au niveau fédéral. À la Commission Lortie, on en a considérablement débattu, mais la Commission Lortie n'a pas recommandé d'instituer des limites de contributions. Elle a cependant recommandé une interdiction des contributions étrangères, qui a été instituée en 1993. Vous serez peut-être surpris d'apprendre que jusqu'en 1993, des étrangers pouvaient encore contribuer aux caisses de nos partis politiques et de nos candidats. Depuis les réformes introduites en 2004, nous avons des contrôles rigoureux sur l'offre de fonds aux partis politiques et aux candidats des associations de circonscription, aux candidats au leadership et aux candidats à l'investiture.
Étant donné cette liste d'interlocuteurs en politique, il y a un autre point que j'aimerais mentionner. Dans le projet de loi C-24, on constate que sa portée sur notre système politique fédéral a grandement été élargie. Il y a 15 ou 20 ans, on a suggéré que les candidats au leadership et à l'investiture déclarent la source de leurs contributions. À l'époque, les gens ont refusé parce que de telles questions étaient considérées comme privées par les partis politiques et non sujettes à réglementation. Il est juste de dire que la Commission Lortie a joué un rôle pour modifier cette argumentation. Pierre Lortie était d'avis, avis que partageaient les commissaires, que le montant de fonds publics injectés dans le système, même à l'époque, autorisait l'État à exiger des rapports de la part des candidats au leadership et des candidats à l'investiture de leur parti.
Comme le savent les sénateurs, les limites de contributions introduites au début de 2004 étaient une tentative en vue d'importer ce qu'on appelait le financement populaire au Québec, issu de la réforme de 1977 apportée par le gouvernement du Parti québécois. Ce n'était cependant pas entièrement « populaire »; les personnes pouvaient donner un maximum de 5 000 $ aux différents éléments d'un parti politique, mais il y avait une exception. Les entreprises et les syndicats pouvaient donner 1 000 $ au total aux entités au niveau des circonscriptions — les candidats et les associations locales. Par exemple, un petit magasin pouvait donner 1 000 $ à un seul candidat ou à un candidat de l'association de circonscription. Pendant une année non électorale, quand il n'y a pas de candidat, ce magasin pouvait donner 1 000 $ à l'association locale. Pendant une année électorale, les gens devaient planifier plus soigneusement parce que leur limite n'était pas doublée. Ils n'étaient autorisés à donner que 1 000 $ à l'association et à un candidat de ce parti.
Les réformes du projet de loi C-24 consistent en un financement public accru du processus politique fédéral grâce à de nouveaux éléments et à la modification d'éléments existants. Notamment, de nouvelles allocations trimestrielles sont versées aux partis politiques qui se qualifient; les remboursements aux partis politiques sont passés de 22,5 à 50 p. 100 des dépenses électorales; les limites des dépenses électorales ont été augmentées, en partie parce que la définition de « dépenses électorales » a été modifiée, ce qui a fait augmenter les remboursements. Non seulement les remboursements sont passés à 50 p. 100, mais ce 50 p. 100 s'applique aux dépenses électorales maximales, lesquelles ont été aussi augmentées. L'élément le plus avantageux est le barème du crédit d'impôt — une déduction de 75 p. 100 s'applique à un montant de 400 $, au lieu de 200 $. Par exemple, si vous donnez 400 $ à un parti politique ou à un candidat, cela vous en coûte seulement 100 $, car vous recevez 300 $ en crédit d'impôt. Le financement public est donc augmenté de manière implorante, et je vais revenir là-dessus lorsque je parlerai du projet de loi C-2.
Il est peut-être trop tôt pour évaluer pleinement les conséquences des réformes de 2004. C'est la raison pour laquelle je me préoccupe d'une disposition du projet de loi C-2.
Aujourd'hui, je vais parler uniquement des dispositions sur le financement politique et leur application dans le cadre du projet de loi C-2. Dans l'ensemble, je connais bien le projet de loi, mais je ne suis pas un expert en ce qui a trait aux autres parties du document.
Au sujet du financement et de l'application de la réglementation, la prolongation des délais pour lancer des enquêtes et des poursuites est logique, particulièrement si l'on tient compte de la portée et de la complexité de la réglementation qui s'appliquera après les modifications du projet de loi C-24 et l'adoption du projet de loi C-2. M. Kingsley a dit publiquement que certains des événements qui se sont produits dans le cadre de la Commission Gomery ne pouvaient faire l'objet d'une poursuite de sa part ni d'une enquête du commissaire, car il y a trop longtemps qu'elles se sont produites. Je crois qu'il y aurait aussi un problème de rétroactivité. Néanmoins, lorsqu'on a un système de réglementation très complexe avec des délais bien établis, il faut pouvoir lancer des enquêtes et des poursuites sur une longue période de temps.
Le projet de loi C-2 comporte des dispositions sur les fonds en fiducie, et une interdiction de faire des virements aux candidats par l'entremise d'un parti ou d'une circonscription. Ces dispositions sont attendues depuis longtemps, mais il aurait probablement été difficile de les appliquer vu la limite restreinte pour les dons des entreprises et des syndicats à l'échelle locale. Si la totalité du projet de loi C-24 portait sur le « financement populaire », il aurait été plus facile d'interdire les transferts de fonds de fiducie.
Je suis également en faveur de l'abolition de la limite de 1 000 $ pour les dons des entreprises et des syndicats. Il s'agissait d'un changement malheureux de dernière minute apporté au projet de loi C-24 en réponse au caucus libéral qui a affaibli l'orientation de politique de la loi. Cela a rendu la Loi sur les élections du Canada encore plus compliquée en raison de cette modification dans le projet de loi C-24, qui ne permet pas les virements des associations de circonscription. D'après ce que je comprends, ces virements ont été rejetés parce que l'argent peut inclure des sommes provenant des diverses sources, notamment d'entreprises et de syndicats, ou pourraient, à l'échelle nationale, provenir de sources autres que des particuliers. Je vous laisse déterminer si la solution est meilleure que le problème.
Maintenant, en ce qui a trait aux limites des contributions provenant de particuliers, j'aimerais mentionner aux fins du compte rendu que ce qui me préoccupe, c'est qu'il y a plus d'une limite, mais on a présenté la chose comme étant une nouvelle limite de 1 000 $. Ce n'est pas correct. Il y a deux limites de 1 000 $, si l'on ne tient pas compte des limites qui s'appliquent aux candidats à la direction. Les limites pour les candidats à la direction sont des cas spéciaux; elles ne sont pas utilisées à chaque année, alors je crois qu'on peut les mettre dans une catégorie différente. Avant, il y avait une enveloppe de 5 000 $ par personne, et cette personne pouvait la diviser comme elle le voulait, à l'échelle nationale ou locale. Si quelqu'un voulait envoyer tout son argent à Ottawa, il pouvait le faire. S'il voulait diviser cette somme en deux, il pouvait le faire. S'il voulait envoyer de l'argent à toutes les associations de circonscription pendant une année électorale, il pouvait le faire. S'il voulait donner tout son argent à un candidat durant une année électorale, il pouvait le faire.
Le projet de loi C-2 prévoit deux enveloppes, au lieu d'une seule; 1 000 $ pour un don à un parti national et 1 000 $ pour un don à l'échelle locale. Cela ne varie pas d'une élection à l'autre. C'est conforme à la réforme précédente. Si vous choisissez de donner votre argent à un seul parti politique, vous pouvez donner 1 000 $. Si vous choisissez de donner votre argent à un seul candidat, vous pouvez lui donner 1 000 $. Si vous avez l'argent, vous pouvez faire un don de 2 000 $; vous pouvez faire un don de 1 000 $ à l'échelle nationale et 1 000 $ à l'échelle locale. Il est dommage que l'on ait présenté des renseignements incomplets dans le but de faire accepter ce projet de loi, lequel a bien des côtés positifs.
J'aimerais maintenant parler du fondement politique de la limite de 1 000 $. Lorsqu'il a comparu devant le comité, le ministre a dit qu'aucune comparaison n'était faite avec les provinces. Il est surprenant que les agents ayant participé à l'élaboration du projet de loi n'ont pas consulté le Bureau du Conseil privé ou n'ont pas été aidés par Élections Canada. S'il n'y a pas eu de comparaison avec les provinces, je me pose des questions au sujet du processus d'élaboration des politiques du gouvernement du Canada.
Un conseiller juridique du Conseil du Trésor nous a dit que la limite de 1 000 $ avait été déterminée de la manière suivante : puisque 99 p. 100 des dons politiques se chiffrent au-dessous de 1 000 $, alors la limite de 1 000 $ semblait adéquate. Avec tout le respect que je dois à la profession juridique, je trouve que c'est une méthode très étrange de modifier une politique qui ne relève pas uniquement du domaine juridique. Le fait que 99 p. 100 des dons politiques effectués au pays se chiffrent au-dessous de 1 000 $ n'est pas une raison suffisante pour fixer la limite à 1 000 $; c'est un élément d'information, mais ce n'est pas un élément d'information très pertinent.
Je me demande si les limites de contribution sont trop basses, peut-être un peu trop. J'aimerais que vous examiniez les comparaisons avec les provinces, dans le premier tableau à l'endos de mon exposé. Il est tiré du Compendium de l'administration électorale au Canada, dans le site Web d'Élections Canada. La version affichée date de 2003, mais j'ai vérifié avec quelqu'un du groupe de recherche d'Élections Canada qui m'a dit que les chiffres étaient toujours valables. Autrement dit, il n'y a pas eu de modifications importantes dans les provinces. Cinq provinces ont des limites électorales qui s'appliquent aux montants ou aux sources; deux provinces, le Québec et le Manitoba, ont un modèle de « financement populaire » — le Québec applique son modèle depuis près de 30 ans; le Manitoba applique son modèle depuis la période qui a suivi l'élection de Gary Doer, alors c'est plus récent. Le Québec a la limite la plus basse du pays, soit une enveloppe de 3 000 $. Comme je l'ai déjà dit, si vous faites un don de 3 000 $ à l'échelle locale, vous ne pouvez faire un don à l'échelle provinciale, et vice et versa. L'enveloppe s'applique à chacun des électeurs, pour une année. Il n'y a pas de différence lors d'une année électorale. Ce montant de 3 000 $ n'a pas été modifié depuis 1977.
De l'autre côté du spectre, vous avez l'Alberta, qui a une limite de 15 000 $ par parti par année, ce qui est très généreux. Selon moi, il est possible de donner à plus d'un parti; il est impossible d'empêcher quelqu'un de donner à plus d'un parti. Vous pouvez donner une somme additionnelle de 30 000 $ à un parti lors des élections. Selon moi, encore une fois, pendant une année électorale, une personne généreuse peut donner 45 000 $ à un parti politique. Les limites varient beaucoup d'une province à l'autre, et selon leur nature. Il y a deux provinces qui n'acceptent que les dons de particuliers. Les montants des contributions varient également.
Si l'on s'inspire de ces limites provinciales et si l'on tient compte du fait que les activités politiques fédérales sont plus vastes — à l'échelle nationale ou à l'échelle du candidat, il faut se rappeler que les circonscriptions électorale fédérales sont plus grandes que les circonscriptions provinciales, à l'exception de l'Ontario — il faut se demander s'il est approprié de permettre deux montants de 1 000 $. Je m'inquiète particulièrement des partis politiques nationaux. Une limite de 1 000 $ à l'échelle locale est probablement suffisante, mais avec une limite de 1 000 $ pour les partis politiques nationaux, il faut se demander si cela remet en question la capacité de revenu de nos partis politiques nationaux.
Il y a des hypothèses fondées sur la présentation du projet de loi C-24 et aussi du projet de loi C-2 qui n'ont pas été déclarées publiquement, l'une étant que si l'on modifie les règles, les partis politiques s'y adapteront admirablement, et tout d'un coup, un nouveau niveau d'activité politique se manifestera dans le pays et des dizaines de milliers, sinon des centaines de milliers de gens feront des dons à nos partis politiques pour la première fois.
Ce serait merveilleux si cela se produisait. Je le souhaite mais je ne suis guère optimiste pour un certain nombre de raisons, l'une étant qu'à une ou deux exceptions près — peut-être la CCF et le Parti québécois à leur tout début, notre pays n'a jamais vraiment eu de partis de masse.
Un grand nombre d'entre vous ont été des militants politiques. Je ne pense pas que ce soit manquer de gentillesse envers des partis politiques que de dire que, surtout en période non électorale, à l'exception des congrès à la direction, nos partis politiques deviennent des structures ou coquilles vides. C'est particulièrement le cas dans les régions du pays où les partis ne sont pas forts. Ce n'est pas le cas à mon avis pour les libéraux au cœur de Toronto et dans bien des régions des Maritimes, ni probablement en Alberta pour les conservateurs et cetera, mais je pourrais vous montrer sur une carte du pays les régions où à mon avis la métaphore de la coquille vide s'applique vraiment.
Certains partis politiques ont réussi à recueillir de gros montants d'argent de petits donateurs mais d'autres n'ont pas réussi aussi bien. C'est vrai également avant l'adoption des réformes du Bill C-24 et depuis. Il faut toujours demander : est-ce que ceux qui obtiennent de bons résultats se trouveront dans cinq ans ou dans deux ans une situation différente? Des règles qui ont été rédigées dans le contexte actuel pourraient ne pas être si favorables au parti qui réussissait à recueillir de gros montants d'argent de donateurs de petits montants. Quand on considère la politique officielle, on devrait toujours essayer de voir plus loin que la situation du moment. On ne saurait dire comment les choses se présenteront dans cinq ou dix ans, mais on devrait toujours en tenir compte. Je me demande si on a envisagé cette possibilité lorsqu'on a proposé ces nouvelles limites beaucoup plus basses des contributions.
Quand je travaillais pour la Commission Lortie, effectuant de la recherche en vue de ma thèse, je me suis énormément penché sur la question du financement politique dans d'autres pays. Une chose qui se produit c'est que plus on serre la vis, plus les gens cherchent des échappatoires. C'est comme les soupapes d'un moteur ou d'une machine.
Est-il possible que cela puisse se produire dans le processus politique fédéral? On en a été témoin de quelques exemples récemment. La campagne de M. Volpe a reçu un nombre considérable de dons de 1 000 $ de la part des dirigeants d'une compagnie pharmaceutique, mais les dons ne se sont pas arrêtés là. Si les nouvelles parues dans les journaux sont exactes et je le crois, parce qu'il y en avait plusieurs, les dons ont atteint jusqu'à 1 000 $ chacun de la part de deux jumeaux âgés de 11 ans.
Un sujet peut-être plus sérieux de préoccupation, étant donné les montants en cause, sont les emprunts contractés par certains candidats à la direction du Parti libéral jusqu'ici. Il se peut qu'il y en ait plus mais selon les nouvelles parues depuis deux semaines, ces emprunts étaient d'environ 500 000 $. D'où provient cet argent? S'agit-il de sommes provenant de la source qui pourront être déclarées éventuellement? Ces emprunts seront-ils tous remboursés en fin de compte? Il s'agit-là de questions qui se posent.
La réglementation des candidats à la direction des partis n'est pas aussi rigoureuse ou sévère que celle des partis politiques et candidats. Lorsqu'on a des enveloppes d'un demi-million de dollars — je ne veux pas donner entendre qu'il s'agit d'argent comptant comme cela s'est produit dans les restaurants de Montréal — lorsque des sommes d'argent de cette importance circulent dans le système, j'estime qu'il est temps de se demander si c'est parce que ces gens ont trouvé difficile de recueillir des fonds suffisants lorsque certains d'entre eux ont décidé de respecter la limite de 1 000 $, même si légalement cette règle ne s'applique pas à leur campagne? Ni Bob Rae ni Stéphane Dion ne serait considéré comme des candidats secondaires dans la course à la direction du Parti libéral, et pourtant ils ont trouvé difficile de trouver un revenu suffisant pour mener leur campagne.
L'autre chose qui pourrait se produire c'est que si la pression de ces soupapes devient trop intense, les partis politiques puissent déclarer que le financement de source privée ne suffit pas. Cela ne se produira pas, cette multiplication d'efforts, et cetera, ne se présentera pas et donc il faudra plus de fonds publics. Eddie Goldenberg aurait dit récemment que le financement des candidats à la direction avait peut-être été oublié lors de la rédaction du projet de loi C-24. C'est possible. J'ai pas mal participé aux premières étapes de la rédaction de ce projet de loi et je ne me souviens pas que cette question ait été envisagée sérieusement. Néanmoins, dans cinq ans quelqu'un pourrait dire que l'on devrait financer publiquement les candidats à la direction. Ce pourrait être un argument difficile à réfuter pour les hommes politiques, indépendamment de leur affiliation.
Le public serait-il favorable à une autre augmentation du financement public du processus politique fédéral? Si vous jetez un coup d'oeil au premier tableau que vous avez sous les yeux — il est tiré du document que j'ai rédigé plus tôt cette année — le premier groupe de chiffres se rapporte à 2004, qui est la date des dernières élections pour laquelle on dispose de données. J'ai regroupé l'allocation annuelle ou les allocations trimestrielles de l'année en plus du remboursement que chaque parti a reçu, et j'ai comparé cela aux dons provenant de particuliers que chaque parti avait reçus cette année-là parce que bien entendu les limites aux dons s'appliquaient. Dans la colonne de droite vous verrez la proportion du financement public par rapport au financement privé pour les cinq principaux partis politiques, ceux qui avaient droit aux allocations trimestrielles.
Dans le cas du Bloc québécois, le financement public est six fois plus important que le financement privé. Dans le cas des libéraux, c'est une proportion de quatre, et dans le cas des conservateurs, ce financement est de 1,7; dans le cas du Nouveau parti démocratique, 1,9, presque le double; et dans le cas des Greens, 2,3.
Il s'agit d'une année électorale, donc dans les années non électorales, les proportions ne seraient pas aussi élevées puisqu'il n'y aurait pas de remboursements. J'ai comparé des oranges avec des oranges. Dans les deux groupes de chiffres suivants, vous trouverez l'année électorale 2000 et l'année électorale 1997.
Si vous comparez les deux années, mettons pour le Parti libéral — parce qu'il y avait la fusion des partis qui ont formé le Parti conservateur — donc ce n'est pas exactement la même chose. Dans l'année électorale 2000, le financement public au Parti libéral a été de 14 p. 100 des recettes privées du parti. Celles-ci comprenaient des dons en provenance de sociétés et de syndicats. Il s'agit d'un changement profond dans les sources de fonds versés au processus politique fédéral.
Si, par suite de pressions, les gens prenaient un virage vers le financement public — sans oublier que ce genre d'information n'a rien de miraculeux parce que n'importe qui peut faire le calcul comme moi je l'ai fait pour ce document — je crois qu'il faut vraiment s'interroger sur la réaction du public concernant une autre augmentation du financement public du processus politique.
Pour résumer, lorsqu'on considère le financement politique et sa réglementation ultérieure, surtout dans le cas du Canada où la réglementation est déjà importante, il convient de voir cette réglementation de façon globale et de se demander, si l'on ouvre une soupape ici, ce qui pourrait se produire au reste de l'appareil.
Finalement, je vais en revenir à une observation que le ministre du Conseil du Trésor a faite quand il a comparu devant vous et que d'autres ont faite également. Pour être juste, elle a été faite par un autre parti politique. Elle a été faite à l'époque des réformes prévues dans le projet de loi C-24 qui ont été entreprises par le premier ministre Chrétien. Il convient d'être modeste quant au lien potentiel entre les changements dans ce domaine et l'espoir que la confiance dans les institutions politiques et les hommes politiques va s'accroître vraisemblablement si l'on fournit un financement approprié aux partis politiques. Cela à mon avis a un effet bénéfique et je crois que le Canada a réalisé de grands progrès dans ce domaine. Notre législation de 1974 a été jugée exemplaire par bien des pays.
Certains pays ne sont pas en faveur de limiter les dépenses. La Cour suprême américaine, notamment, ne l'est pas non plus. Ainsi, des limites n'ont jamais été imposées chez nos voisins du sud, mais d'autres pays ont pris exemple sur le Canada. Les Britanniques ont finalement fixé des limites en 2000.
Cependant, il ne faut pas établir un trop grand rapport entre ces deux choses. Bien des éléments ont contribué à miner la confiance de la population envers notre régime et nos institutions politiques et envers nos politiciens, et cela n'est donc pas seulement attribuable au financement politique. C'est un phénomène qui touche l'ensemble des démocraties. Ce n'est pas propre au Canada ou à l'Amérique du Nord.
C'est malheureux, mais cela pose un défi à ceux d'entre nous qui croient fermement dans les institutions parlementaires et l'importance du processus électoral. Cela nous pose le défi de continuer à examiner les choses de manière approfondie et à essayer de les améliorer, mais en même temps de garder un esprit critique et de se demander si les effets pourraient ne pas être complètement positifs.
Le président : Vous avez affirmé être au courant des propos qu'ont tenus les professeurs Aucoin et Franks. Quelques partis politiques nous ont également parlé d'un grand nombre de ces questions. Avez-vous lu les témoignages?
M. Seidle : Oui, en majeure partie.
Le président : Êtes-vous au courant de certaines de leurs préoccupations au sujet des limites dont vous venez de parler?
M. Seidle : Oui, et j'insiste sur le fait que je ne suis aucunement en train de réitérer le point de vue de qui que ce soit sur la question. J'ai rédigé mes notes avant d'avoir lu les propos tenus par les autres partis politiques. Je ne défends aucun parti politique en particulier, et certaines personnes qui m'ont connu antérieurement pourraient vous le confirmer.
Le président : Quand vous avez parlé du président du Conseil du Trésor, vous avez déclaré qu'il n'avait fait aucune comparaison avec les provinces. Vous avez affirmé ensuite que l'avocat du Conseil du Trésor avait indiqué que 99 p. 100 des dons politiques s'établissaient en deçà de 1 000 $. Vous avez dit que cette information n'était pas la plus pertinente qu'on devrait utiliser pour prendre la décision. Quelle est l'autre information pertinente sur laquelle on devrait s'appuyer mis à part le fait que la plupart des contributions ne dépassent pas 1 000 $?
M. Seidle : Les autres données les plus pertinentes sont les limites établies par les diverses provinces. Je ne propose pas qu'on multiplie simplement le montant en fonction du nombre d'électeurs, car nous arriverions à une somme dépassant 5 000 $.
Le président : Pourquoi ces données sont-elles pertinentes à l'échelon fédéral?
M. Seidle : C'est pertinent parce que nous devons tenir compte de l'ampleur des activités politiques. S'il est considéré raisonnable de fixer une limite de 3 000 $ dans une province qui représente environ 25 p. 100 de la population, alors une limite de seulement 1 000 $ pour les contributions aux partis politiques nationaux semble disproportionnée.
Si nous faisions la multiplication, nous arriverions à la somme de 12 000 $ en ce qui a trait aux partis politiques fédéraux. Je ne propose pas d'aborder la question sous cet angle, mais je dois dire qu'une limite de 1 000 $ seulement, ce n'est pas beaucoup, d'autant plus que les incitatifs fiscaux prévus dans la loi fédérale sont plus importants que dans chacune des provinces. Il existe une mesure qui incite les gens à verser aux partis fédéraux une contribution qui pourrait être plus grande que celle qu'ils donneraient à un parti ou à un candidat provincial.
Le président : Je comprends la pertinence. Y en a-t-il d'autres?
M. Seidle : Nous devrions nous pencher sur la composition du financement des partis politiques. Nous devrions privilégier les partis qui comptent presque exclusivement sur les contributions des particuliers. Le Parti libéral du Canada ne serait probablement pas le meilleur exemple parce que, jusqu'à l'adoption du projet de loi C-24, la proportion de son financement provenant d'entreprises était beaucoup plus élevée aux yeux de bien des gens que ce qui aurait été souhaitable. Un examen de la composition du financement des partis nous amènerait à proposer une limite dépassant 1 000 $.
Le président : Vous dites que le niveau des contributions provenant du public depuis l'adoption du projet de loi C-24 est très élevé. Sur quoi vous fondez-vous pour évaluer le niveau actuel?
M. Seidle : Il y a deux réponses à cette question. Il y a d'abord les sommes elles-mêmes, que je n'ai pas sous les yeux, mais votre personnel ou moi-même pourrait certainement vous les fournir. Si on additionne la somme des allocations pour une année donnée, des remboursements aux candidats et du crédit d'impôt, nous arrivons à un très gros montant, surtout lors d'une année d'élections.
Le président : Mais par rapport à quoi ce montant est-il élevé?
M. Seidle : Il est élevé, en partie, parce qu'il constitue une très grosse somme d'argent.
Le président : En comparaison avec quoi?
M. Seidle : Permettez-moi de revenir sur mon mémoire et sur le tableau pour répondre à votre question d'un angle différent. Je suis en mesure d'affirmer qu'il s'agit d'un montant élevé en me fondant sur la progression au fil du temps plutôt que sur des chiffres absolus. Pour réponde à votre question, je dois dire que l'évaluation des sommes absolues varie selon la personne. Cependant, si on compare les données qui figurent dans le tableau pour l'année 2000 jusqu'à l'année 2004, on constate que le rythme d'augmentation est très important. La proportion est de 14 p. 100 comparativement à 405 p. 100 pour les libéraux; c'est là la différence. Il s'agit là d'une hausse très considérable aux yeux de qui que ce soit, à mon avis.
Le sénateur Zimmer : Je vous remercie pour votre exposé. On constate que vous avez fait des recherches soigneuses.
Vous avez dit qu'il est peut-être un peu trop tôt pour évaluer les réformes adoptées en 2004. Je suis d'accord avec vous. Nous n'avons connu aucun problème important depuis que nous avons fixé les limites de 5 000 et de 1 000 $. Quand vous dites que le montant est très élevé maintenant, parlez-vous du montant total des dons que reçoivent les partis ou bien de la limite de 5 000 $ pour les particuliers et de celle de 1 000 $ pour les entreprises?
M. Seidle : Je ne crois pas que j'ai employé les fameux mots « très élevé » relativement à aucune de ces sommes. Je faisais référence au financement provenant du public, précisément à la hausse de ce financement, et surtout, comme je viens de le souligner, au rapport entre les contributions des particuliers et celles des sociétés.
Le sénateur Zimmer : Vous avez employé d'autres bonnes comparaisons, comme nous l'avons fait il y a environ 2 semaines lorsque nous avons étudié des comparaisons établies au Canada et à l'étranger. Je voudrais parler de celles portant sur le Canada parce qu'elles sont plus pertinentes. Les limites fixées en Alberta, au Manitoba, au Nouveau- Brunswick et au Québec sont semblables ou plus élevées que les limites à l'échelon fédéral. Vous avez aussi fait remarquer qu'à mesure qu'on resserre les règles, certaines choses peuvent nous échapper. Comme le contexte évolue parfois, on peut regretter plus tard certaines lois, alors peut-être avons-nous besoin de réfléchir davantage. Vous avez aussi affirmé que les droits à payer lors des congrès, dont on a fait abstraction la dernière fois, pourraient être inclus.
Je conviens avec vous qu'il ne faut pas s'arrêter uniquement au fait que 99 p. 100 des dons s'établissent en deçà de 200 ou 300 $. Cela ne nous donne pas une idée de l'ensemble de la situation.
Quelles sont vos recommandations? Voudriez-vous que les limites de 5 000 et de 1 000 $ soient diminuées? Comme vous l'avez indiqué, la loi propose de faire passer la limite de 5 000 à 2 000 $ et prévoit l'ajout des droits à payer lors des congrès, ce qui porterait le montant à 3 000 $ par année, mais il faut penser que les congrès n'ont lieu qu'une fois tous les quatre ans. Recommandez-vous qu'on élimine la limite de 1 000 $ ou qu'on n'y apporte aucun changement?
M. Seidle : Je pense que la limite de 5 000 $ devrait rester. Cependant, si, pour des motifs d'ordre politique, on estime que les limites devraient être réduites, on pourrait envisager de faire passer la somme des deux limites à au moins 3 000 $ ou peut-être 4 000 $ — quelque part entre la somme actuelle et celle proposée dans le projet de loi.
Sur le plan politique, je préfère l'ancienne approche, soit celle de l'enveloppe unique, qui exclut les contributions aux candidats à la direction, car cela offre plus de souplesse aux citoyens et éventuellement des revenus plus importants pour les partis politiques nationaux. Une personne peut décider de verser la somme maximale à un parti politique uniquement. Dans un sens, c'est ce que traduit la limite de 1 000 $. J'ai expliqué qu'il ne s'agit pas exactement d'une enveloppe de 1 000 $. Dans le cas d'une personne qui contribue uniquement à un parti national, la limite de sa contribution est passée de 5 000 à 1 000 $.
J'aimerais que les gens aient une plus grande marge de manœuvre pour contribuer aux partis politiques nationaux, que ce soit par l'entremise d'une enveloppe comportant deux limites ou une seule.
Le sénateur Zimmer : Je conviens que de passer de 5 000 à 1 000 $ constitue une baisse de l'ordre de 60 à 80 p. 100, ce qui est considérable. L'ancien directeur général des élections, M. Côté, avait plutôt recommandé de faire passer la limite à 15 000 $, comme vous l'avez indiqué dans votre recherche. Nous avons reçu il y a environ 10 jours des petits partis politiques qui nous ont tous proposé de ne pas modifier les limites. Ils ont fait valoir que, si nous diminuons les limites, ils trouveront d'autres moyens; ils auront recours à des moyens illégaux. Nous devons veiller à modifier cette loi de telle sorte que les partis politiques ne seront pas forcés de prendre différents moyens auxquels nous ne souhaitons pas qu'ils aient recours.
M. Seidle : Il y a lieu de faire remarquer — et je n'en ai pas parlé plus tôt, mais j'estime que cela doit figurer au compte rendu — qu'on peut établir certains liens entre des éléments soulevés dans le rapport Gomery et cette partie-là de la loi, mais je dois dire que le financement des partis politiques, dans le sens habituel du terme, n'était pas au cœur du scandale des commandites. Les Rambos qui, sauf exception, ont été traînés en justice, ont fait l'objet d'accusations criminelles et, dans certains cas, sont derrière les barreaux, n'étaient pas des agents de financement d'un parti. Ils géraient des programmes dans des ministères. Il est regrettable que nous soyons en train de resserrer, peut-être un peu trop, les règles régissant le financement politique et d'établir toute une série de mesures parce que quatre ou cinq personnes se sont appropriées la loi.
Je dois profiter de l'occasion en tant qu'ancien fonctionnaire pour dire que je suis extrêmement déçu de constater à quel point la réputation de la fonction publique a été ternie à cause de tout ce qui s'est produit ces dernières années. La vaste majorité des fonctionnaires, soit 99, 99 p. 100, ne penseraient jamais à faire quoi que ce soit qui s'apparenterait, même de loin, à ce qui a donné lieu à la Commission Gomery. C'est un cas exceptionnel qui est survenu à une période exceptionnelle. Malheureusement, c'est lié à une chose pour laquelle je me suis battu durant la majeure partie de ma carrière, c'est-à-dire l'unité de notre pays. Invoquer le motif de l'unité nationale n'était pas suffisant, et il est malheureux que nous en soyons arrivés là parce que des gens pensaient qu'ils pouvaient changer les principes moraux des politiciens et de l'administration publique étant donné que nous tentions de garder le pays uni. Jamais nous ne garderons le pays uni si nous agissons de la sorte. Que Dieu nous garde de vivre une autre situation le moindrement semblable. La ligne entre le scandale des commandites et cette partie de la loi est, dans mon esprit, loin d'être bien définie.
Le sénateur Stratton : Je veux faire suite aux propos du sénateur Zimmer, en rappelant que quatre partis politiques ont tous préconisé, il y a une semaine, une augmentation des limites. Hier, deux partis, le NPD et un petit parti autochtone, le First Peoples National Party of Canada, ont tous deux recommandé une baisse de la limite de 1 000 $. On voit bien qu'il n'y a pas d'opposition unanime à une diminution. En effet, au Manitoba les limites ont été réduites. Le Parti progressiste-conservateur de cette province, qui comptait sur le soutien de donateurs importants, a donc dû s'adapter. Je peux vous dire, pour l'avoir vérifié, qu'il n'est plus endetté et qu'il se tire assez bien d'affaires malgré les nouvelles limites. C'est un apprentissage.
Le Parti conservateur du Canada se porte très bien parce qu'il obtient son financement de la part de petits donateurs en majeure partie. Il suffit de s'adapter à cette nouvelle limite, et cela se fait en une période étonnamment courte. Comme M. Freeman l'a déclaré, il y a une semaine et demie, cela s'appelle la démocratisation du financement. On élimine la perception que le financement politique est un commerce lucratif. N'êtes-vous pas d'accord?
M. Seidle : Ce n'est pas étonnant que les partis politiques ne soient pas tous du même avis. Je serais un peu préoccupé s'ils avaient la même opinion.
Je dois dire à M. Zimmer que je ne suis aucunement en faveur d'une augmentation des limites qui ont été fixées par l'entremise du projet de loi C-24. Je ne vois pas de problème à ce qu'elles restent ainsi. Une des grandes difficultés que pose ce genre de mesures, c'est que, si on se rend compte qu'elles ne sont pas satisfaisantes ou s'il y a des conséquences imprévues, ce n'est pas facile de les modifier. On ne peut pas changer quand bon nous semble la Loi électorale du Canada. Les modifications ont toujours été apportées uniquement à la suite d'un consensus. Le projet de loi C-24 est venu rompre avec cette tradition. Je crois qu'à certains égards, bien que les porte-parole des partis politiques ne tiennent pas tous nécessairement le même discours, il n'y a pas non plus de consensus au sein des partis à propos de cette mesure législative.
Le sénateur Day : Je vais essayer de faire en sorte que ma question complémentaire soit très courte. Je veux juste m'assurer que vos données sur le Manitoba sont exactes. On a laissé entendre que le Manitoba avait modifié la limite. S'agit-il de 3 000 $ dans cette province?
M. Seidle : La personne que je consulte à Élections Canada m'a affirmé qu'il n'y a eu aucun changement depuis 2003, mais vous devriez peut-être vérifier cela auprès du directeur général des élections. Comme je le mentionne dans mon mémoire, les données sont tirées d'un document d'Élections Canada produit en 2003 qui n'a pas été mis à jour sur le site Web.
Le sénateur Zimmer : Vous avez raison, le montant au Manitoba est de 3 000 $. Par ailleurs, le sénateur Stratton a raison d'affirmer que deux témoins ont proposé une diminution de la limite. Ils ont clairement prouvé que d'autres options s'offrent aux petits partis. Ils voulaient faire valoir qu'il faut bien réfléchir parce que nous ne voulons pas qu'il se produise des choses illégales, immorales ou contraires à l'éthique. Ils nous lançaient un message. Quant à M. Freeman et à M. Côté, ils ne partageaient pas du tout la même opinion. Un homme qui compte 20 ans d'expérience à titre de directeur général des élections au Québec et un universitaire nous ont donné leurs recommandations; leurs points de vue étaient tout à fait opposés. Je ne recommande pas une hausse, mais bien le statu quo.
Un autre problème, c'est la question de la perception. Vous avez raison, monsieur. Nous entendons parler de transparence et de responsabilité. Soit dit en passant, je pense que votre analyse du scandale des commandites est exacte; ce n'est pas la même chose.
En ce qui a trait à la transparence et à la responsabilité, quels chiffres doit-on établir? Je pense que cela n'a rien à voir avec les limites. Qu'il soit question de un dollar ou un million de dollars, il est possible d'être transparent et de rendre des comptes. La somme d'argent n'a rien à voir; ce qui importe, c'est la conduite de la personne. Vous l'avez exprimé clairement dans votre rapport sur le scandale des commandites.
Pour revenir aux droits à payer lors des congrès, n'êtes-vous pas d'accord qu'ils ne devraient pas être inclus dans cette loi puisqu'ils constituent des sommes supplémentaires ou distinctes?
M. Seidle : Cette mesure législative aurait pu nous en donner l'occasion. Cependant, il ne s'agit pas d'une réforme en profondeur des règles régissant le financement politique contenues dans la Loi électorale du Canada. Les droits à payer lors des congrès à la direction devraient être traités de la même manière que les droits imposés à l'occasion d'autres événements. Supposons que le droit est de 900 $; s'il y a 300 $ qui servent à payer les services fournis, y compris les frais d'administration engagés pour l'organisation, cette somme devrait être déduite. Le reste devrait être considéré comme une contribution, qui devrait être consignée, pourvu que le montant dépasse 200 $. Le crédit d'impôt devrait s'appliquer. Quant à savoir s'il devrait s'appliquer à la somme totale ou seulement aux 600 $, pour poursuivre mon exemple, c'est un sujet de discussion. Je n'ai pas étudié cette question dans les détails. Je crois savoir qu'il y a soit un avis juridique soit une forme d'entente entre l'ensemble des partis et Élections Canada. Je vous suggère de vous informer auprès de M. Kingsley.
Le sénateur Zimmer : Concernant une date de mise en œuvre, certains partis nous ont dit que le 1er janvier 2007 serait une date acceptable. D'autres ont proposé 2008, parce qu'il faut un certain temps pour éduquer le public, qui pourrait verser des contributions au début de l'an prochain ou à la fin de la présente année. Le problème, c'est que si les dons sont faits trop tôt et que la loi change, toute la somme doit être remboursée. Il est donc extrêmement difficile de mettre en œuvre les changements.
Quelle date de mise en œuvre proposeriez-vous?
M. Seidle : Dans le cas du projet de loi C-24, si ma mémoire est bonne, les débats parlementaires avaient pris fin en juin et la mise en œuvre était prévue pour janvier. La tradition veut — et c'est peut-être même prévu par la loi — que l'on donne six mois au directeur général des élections non seulement pour le financement des partis politiques, mais aussi pour d'autres modifications. Ce délai semble raisonnable. Je ne vois pas pourquoi il faudrait attendre jusqu'en 2008.
Par ailleurs, nous ne faisons pas de changement qualitatif ici, sauf pour ce qui est des fonds en fiducie, par exemple, ce dont le public ne se soucie guère dans la vie de tous les jours. Une courte période de mise en œuvre serait appropriée.
Ce n'est pas tant le fait que les gens doivent savoir comment se comporter. Il revient aux personnes susceptibles de recevoir des dons des citoyens d'expliquer les nouvelles règles. Par exemple, ce n'est plus une enveloppe unique; il s'agit essentiellement de deux enveloppes de 1 000 $ chacune.
Le sénateur Baker : Monsieur Seidle, au début de votre allocution, vous avez exprimé deux opinions générales qui m'intéressent. D'abord, les dispositions de ce projet de loi et de la Loi électorale du Canada en matière de pénalités pourraient ne pas être élargies pour couvrir des événements qui ont été visés par la Commission Gomery en raison, selon vous, de la rétroactivité. Je présume que vous parlez de la rétroactivité de la loi, mais la loi n'a pas changé. Les circonstances entourant la conduite d'une enquête ont changé, et vous avez dit que vous approuvez ce nouveau délai élargi de 10 ans pour le dépôt des mises en accusation ou des accusations.
Savez-vous qu'il y a environ 10 mois, la Cour de justice de l'Ontario a déclaré que l'article 473 de la Loi électorale ne s'appliquait pas à l'année électorale 2000 parce qu'il est contraire à la Charte? L'extrapolation naturelle de cette décision serait la suivante : 10 ans après la tenue d'une élection, un tribunal pourrait déclarer qu'un article de la Loi électorale n'avait aucune force exécutoire 10 ans auparavant. Avez-vous songé à cela avant d'appuyer ce nouveau délai élargi de 10 ans pour les poursuites intentées en vertu de la loi proposée?
M. Seidle : Je ne suis pas au courant de la décision rendue par la Cour de l'Ontario. Tout d'abord, je ne suis pas avocat. Je ne veux pas entrer dans tous ces détails. Vous entendrez Mme Davidson dans quelques minutes, et je suis certain qu'elle sera en mesure de répondre pleinement à votre question.
Un tribunal pourrait voir autrement d'autres circonstances en invoquant les « limites raisonnables » prévues à l'article premier de la Charte. À mon avis, le délai de 10 ans est là simplement en cas de circonstances exceptionnelles, et certains des événements malheureux révélés par la Commission Gomery entreraient dans cette catégorie. J'espère que pareille chose ne se reproduira plus au Canada. Sinon, il pourrait être utile que le commissaire aux élections fédérales ait ces pouvoirs.
Le sénateur Baker : Je comprends ce que vous dites et le président est bien au fait de cette disposition particulière de la Charte.
Ce dont je parle plus particulièrement, c'est ce que l'on fait de l'argent qui a été recueilli, après la tenue d'une élection. Le tribunal a déclaré que l'alinéa 473(2)b) était contraire à l'article 3 de la Charte et a établi qu'il ne pouvait être justifié par l'article 1. Cette décision n'a pas été portée en appel.
Je comprends ce que vous dites, qu'un autre tribunal pourrait affirmer que la disposition est justifiée par l'article premier. Cela n'a pas été le cas.
Je reviens donc à ma première question : avez-vous vraiment considéré non seulement les effets sur une personne qui serait accusée d'infraction sur déclaration sommaire de culpabilité 10 ans après les faits, ce qui serait injuste, mais aussi les effets sur la législation concernant la collecte de fonds et l'utilisation de l'argent en vertu de la loi? En sachant qu'une disposition de la Loi électorale du Canada portant sur l'argent a été déclarée invalide dans un cas particulier, êtes-vous toujours d'accord pour fixer des délais de 10 ans pour les poursuites?
M. Seidle : Concernant la Loi électorale du Canada — et je crois que la loi fédérale est différente de certaines lois électorales provinciales en ce sens — il faut garder à l'esprit qu'il y a des mécanismes d'application de la loi, comme des accords de conformité, qui sont beaucoup moins brutaux que les déclarations de culpabilité.
Le sénateur Baker : Plaidez-vous coupable?
M. Seidle : Oui. Vous devez accepter de vous comporter convenablement à l'avenir. C'est ce qu'on trouve dans le site Web du commissaire. C'est un petit coup de baguette sur les doigts. Ces mécanismes sont utilisés beaucoup plus souvent que les instruments plus brutaux qu'autorise la Loi électorale du Canada.
Quand vous songez à une période d'application, vous devez aussi songer aux outils d'exécution disponibles. Si nous avions l'habitude, au Canada, de voir des gens recevoir des amendes très lourdes ou être interdits de siéger à la Chambre des communes, ce serait un contexte différent.
Le sénateur Fox : Dans votre document, vous dites que les limites au Québec sont de 3 000 $ au total par année d'élection. Est-ce bien le cas, ou est-ce le total par année d'élection par parti?
M. Seidle : J'aurais dû préciser par parti.
Le sénateur Fox : Dans la loi fédérale, ce n'est pas un total par année d'élection, mais un total par année d'élection par parti.
M. Seidle : Nous avons tendance à nous exprimer de cette façon parce qu'il est plutôt inhabituel, en particulier au Québec, que les gens donnent à plus d'un parti politique.
Le sénateur Fox : Au niveau provincial?
M. Seidle : Je dirais que c'est plutôt inhabituel, compte tenu du fossé qui n'est pas seulement idéologique.
Le sénateur Fox : Je serais moins surpris que vous.
Cette clarification étant faite, j'aimerais aborder la question des contributions versées par les syndicats et les entreprises. Dans le cadre du projet de loi C-24, des changements importants étaient apportés et les contributions des sociétés et des syndicats ont été limitées à 1 000 $ par année pour l'ensemble du pays. Autrement dit, ce n'était pas 1 000 $ par circonscription, mais bien la somme maximale qu'une entreprise pouvait verser.
Savez-vous combien de dons ont été versés par les syndicats et les sociétés en vertu du projet de loi C-24, après qu'on ait fixé cette limite de 1 000 $?
M. Seidle : Je n'ai pas ces données. Elles sont disponibles sur le site Web d'Élections Canada. Les candidats et les associations de circonscription doivent déposer des rapports — dans un délai de quatre mois pour les candidats et un délai de six mois pour les associations.
En théorie, nous avons maintenant les données des associations pour 2004-2005; les rapports de 2005 devaient être déposés au plus tard à la fin de juin 2006. Sommes-nous à quatre mois de l'élection? Oui. Nous devrions donc avoir les rapports des candidats pour 2004 et 2006. Je ne sais pas si quelqu'un a fait une synthèse de ces données parce que, évidemment, chaque candidat et chaque association de circonscription dépose un rapport distinct. Encore une fois, je vous suggère de poser la question à M. Kingsley. Il est possible que la division du financement d'Élections Canada ait fait des rapports récapitulatifs.
Le sénateur Fox : J'imagine que nous obtiendrons ces chiffres. Ne croyez-vous pas que c'était là des modifications majeures? C'était une chose de parler des grandes entreprises qui versaient de généreuses contributions aux partis politiques avant le projet de loi C-24, mais aujourd'hui, par exemple, la Banque Royale ne peut faire qu'une contribution de 1 000 $ par année. S'il est constitué en société, le marchand de fruits et légumes du quartier ne peut verser qu'une contribution de 1 000 $ par année. Les modifications apportées par le projet de loi C-24 n'ont-elles pas chassé l'idée de domination des sociétés et des syndicats? Une entreprise ne devrait-elle pas conserver le droit, bien que très restreint par le projet de loi C-24, de participer au processus démocratique en versant une contribution de 1 000 $ par année à un seul candidat dans l'ensemble du pays? Pourquoi éliminer cela? Quel mal essayons-nous d'éliminer en rayant complètement les entreprises du tableau?
M. Seidle : Je suis un homme plutôt pragmatique et, en temps normal, je serais enclin à dire, comme vous, que la Banque Royale n'exerce pas une influence indue en donnant 1 000 $ à une association de circonscription de Terre- Neuve ou du Québec. Toutefois, la loi a été élaborée en partant du principe que le financement du processus politique, non seulement les partis, mais aussi les associations de circonscription et cetera, devait être assuré par les citoyens. Je crois que ce principe est valable. Des témoins vous ont dit qu'il n'est peut-être pas respecté et appliqué conformément à la lettre de la loi au Québec. Vous pouvez demander à M. Kingsley s'il croit qu'il est respecté au niveau fédéral, du point de vue des citoyens. Quant à la situation au Québec, la loi est quelque peu différente, mais si une loi n'est pas efficace, il faut se pencher non seulement sur le principe sous-jacent, mais aussi sur l'exécution de la loi. Selon moi, la loi aurait peut-être pu être appliquée de façon plus rigoureuse dans certains cas, au Québec.
Par ailleurs, toujours au Québec, est-ce le principe du financement par le citoyen qui pose problème ou est-ce que la limite de 3 000 $ aurait dû être ajustée en cours de route, ou les deux? Lorsque j'étais à la Commission Lortie, nous avons vu une inscription au nom de Desmarais dans un des rapports politiques, et il y avait quatre contributions de 3 000 $ qui étaient regroupées. Évidemment, l'adresse n'était pas inscrite, mais nous avons tôt fait de conclure, à la lumière des noms des donateurs, qu'il s'agissait bel et bien de quatre dons d'une même famille. Est-ce immoral? Est-ce douteux? À chacun d'en juger. Peut-être que si la somme avait été portée à 6 000 $, l'argent venant de cette même adresse aurait été divisé autrement. Il est peut-être temps d'apporter quelques modifications à la loi du Québec, avec tout le respect que je dois à ce gouvernement.
Le sénateur Fox : Je comprends votre point de vue sur le financement par les citoyens, mais pouvons-nous dire d'un commun accord qu'il faudrait chasser cette idée fixe que les sociétés contrôlent encore, par leurs contributions au processus politique, le programme politique du pays? Je ne peux concevoir que quelqu'un quelque part dans ce pays adopte une loi parce qu'une banque ou un marchand de fruits et légumes a donné 1 000 $ à un parti politique. Cela devient ridicule.
M. Seidle : Les mythes d'autrefois vont tôt ou tard disparaître. À la même conférence à laquelle j'ai assisté à Calgary, Tom Flanagan a donné un excellent exposé — qui n'est malheureusement pas sur papier. Il a parlé très franchement et a expliqué le succès des dernières années du Parti conservateur et de ses antécédents. C'était très convaincant. Lorsque cette présentation sera publiée l'an prochain, on y verra non seulement comment les conservateurs ont eu du succès, mais aussi comment ce parti a appris, même avant le projet de loi C-24, à ne plus compter sur les entreprises comme dans les années 1950, 1960, 1970, et cetera.
Le sénateur Fox : Il me semble un peu bizarre que nous fassions des comparaisons entre les contributions permises par une loi provinciale et celles permises par une loi fédérale sans regarder du même coup la contribution publique qui est faite en vertu de chaque loi. À titre d'ancien président d'association de circonscription et d'ancien candidat, mon exemple favori est le suivant : la loi électorale du Québec prévoit que le public paiera pour que des représentants soient présents à un bureau de scrutin le jour de l'élection. En comparaison avec tous les grands principes, c'est une question de peu d'importance. Toutefois, dans sa circonscription, un candidat songe à un financement de 30 000 $ au cours d'une campagne électorale. Ce n'est pas juste de faire des comparaisons. Je ne dis pas que vous faites ces comparaisons, mais quand on compare les sommes totales permises dans une loi donnée, il faut tenir compte de ce qui est payé en vertu de la loi provinciale. Cela a toutes sortes de conséquences pratiques dans une province comme le Québec, que vous avez mentionnée précédemment, où les organisations ont tendance à être les mêmes au niveau fédéral et provincial et où, au niveau provincial, les gens savent qu'ils recevront environ la même rémunération qu'un directeur de scrutin le jour où ils représenteront un parti au bureau de vote, tandis qu'au niveau fédéral, vous devez essayer de les convaincre de le faire bénévolement ou vous devez leur verser une somme équivalente à celle du parti provincial.
M. Seidle : Je suis d'accord avec vous. Si vous regardez les lois provinciales, la comparaison ne se fait pas entre des éléments tout à fait différents, mais des éléments qui ont des similitudes. Des leçons peuvent être tirées des lois et des expériences des provinces. Le Québec a été le premier à limiter les dépenses électorales et à prévoir des remboursements en 1963; cet aspect de la réglementation du financement politique existe donc au pays depuis plus de 40 ans. Nous avons une longue histoire sur laquelle nous pouvons nous appuyer.
Le sénateur Milne : Monsieur Seidle, vous avez une grande expertise dans ce domaine. Vous avez soulevé des questions valables dans votre exposé au sujet des limites de dépense proposées dans ce projet de loi. Toutefois, vous avez choisi de nommer des personnes ici dans le cadre de notre audience. Nous sommes protégés et vous êtes protégé par le privilège parlementaire ici. Je vais donc faire la même chose.
Tandis que le projet de loi C-2 limite à 2 000 $ les dons versés à un parti, l'Alberta prévoit une limite de 15 000 $ par année et de 30 000 $ durant une année d'élection. Est-ce que cela traduit l'importance relative que certains politiciens accordent à la politique provinciale en comparaison avec la politique fédérale?
M. Seidle : Je suis désolé, je n'ai pas bien compris où vous voulez en venir.
Le sénateur Milne : Je pense à l'importance relative que les politiciens fédéraux peuvent accorder à la politique provinciale en comparaison avec la politique fédérale.
M. Seidle : Je n'ai aucune preuve de cela.
Le sénateur Milne : Je crois que vous avez parlé d'un raisonnement inadéquat derrière cette limite de 2 000 $.
M. Seidle : J'étais simplement surpris que le ministre puisse dire qu'aucune comparaison provinciale n'a été faite. Premièrement, il peut être utile d'examiner ces comparaisons. Il n'y a pas de réponse magique ici : la somme de 2 000 $ n'est pas parfaite à comparer à 5 000 $. Deuxièmement, je serai étonné d'apprendre que les fonctionnaires qui appuient le ministre n'aient pas fait ce genre de recherche. Lorsque j'ai participé aux premiers préparatifs du projet de loi C-24, non seulement des représentants du groupe principal des politiques se sont penchés sur l'expérience provinciale, mais le ministère des Finances a effectué une série de simulations pour voir quels seraient les effets de différentes limites sur différents partis politiques. Autrement dit, qu'est-ce qui serait perdu, quel serait l'écart entre le statu quo et les nouvelles mesures. Il n'y a pas de ministère de la politique électorale — c'est une section du Bureau du Conseil privé qui s'en charge —, mais il est très fréquent de former une équipe spéciale, comme ce fut le cas pour le projet de loi C-24, et que des personnes fassent des recherches approfondies. J'ai dirigé une équipe de recherche pendant cinq ans et demi pour Stéphane Dion et aucun effort n'était ménagé. Jusqu'à trente minutes avant de prononcer un discours, M. Dion nous demandait parfois de vérifier l'exactitude d'une donnée, et ainsi de suite. Il est injuste pour les fonctionnaires de dire que les comparaisons provinciales n'ont pas été faites.
Le sénateur Milne : Je vous remercie de votre réponse.
Dans le cadre de la course actuelle à la direction du Parti libéral, les candidats ont été d'une transparence remarquable devant les médias au sujet de leurs prêts et contributions et ont pris les correctifs nécessaires lorsque des problèmes sont apparus. Monsieur Seidle, savez-vous qui a contribué au financement de la campagne de Stephen Harper à la direction de l'Alliance canadienne? Ou encore à celle de Peter MacKay pour le Parti progressiste- conservateur? Aurait-on dû rendre publics les noms de ces donateurs?
M. Seidle : On l'aurait fait si les réformes du projet de loi C-24 avaient été mises en œuvre plus tôt. Avant que nous imposions ces exigences aux candidats à la direction, c'était aux partis de décider ce qu'ils allaient divulguer. Les réformes du projet de loi C-24 étaient un pas dans la bonne direction. Elles étaient cohérentes avec les orientations stratégiques de la Commission Lortie, même si c'était 12 ou 13 ans après le dépôt du rapport. Il arrive souvent que les rapports des commissions royales restent sur des tablettes pendant un certain temps.
Le sénateur Milne : Finalement, vos connaissances spécialisées en financement politique vous permettent-elles de croire que les limites établies dans le projet de loi C-24 sont équitables et pondérées? C'est, je pense, ce que vous venez tout juste de nous dire. Que pensez-vous des limites proposées dans ce projet de loi? Faudrait-il les modifier en période électorale? L'Alberta impose alors le double. Que faudrait-il faire s'il se tenait deux élections la même année? C'est parfois le cas.
M. Seidle : Je ne proposerais pas qu'on s'éloigne trop des lignes de conduite établies dans le projet de loi C-24. Il n'existe aucune distinction entre une année où il y a une élection et une autre année. Il serait peu judicieux d'élaborer une politique pour tenir compte de la faible possibilité que deux élections se tiennent à la même année.
J'ai déjà répondu à votre première question. Vous me demandiez mon avis sur les limites fixées dans ce projet de loi et celles du projet de loi C-24? À mon avis, les modifications apportées par le projet de loi C-24 ont établi les contributions à un niveau suffisamment bas pour que, si je reviens sur les propos du sénateur Fox, il soit fort peu probable qu'un particulier, une section d'un syndicat ou une filiale d'une société puisse, au niveau local, exercer une influence indue en versant un tel montant. C'est notamment pourquoi je ne suis pas convaincu de la nécessité d'une limite si basse. Si vous ne pouvez prouver que 5 000 $ ne permettent pas d'exercer une influence indue, comment pouvez-vous y parvenir avec un montant de 3 000 $? Pourquoi faut-il l'établir à 1 000 $ pour tenir compte de la possibilité que quelqu'un ne veuille financer qu'un seul parti politique?
Le sénateur Joyal : Vos propos, monsieur Seidle, étaient très intéressants et encourageants. Ma première question porte sur les petits partis. Vous avez peut-être eu l'occasion de lire le témoignage de leurs représentants. L'un des témoins était convaincu que plusieurs petits partis pourraient contester la limite de 1 000 $ en faisant valoir que le seuil de 2 p. 100 au niveau national et celui de 5 p. 100 au niveau local ne leur donnent pas droit au financement public. Autrement dit, ils sont restreints sur les deux plans. Je suis surpris des écarts que je vois dans votre tableau sur le financement public des partis. Ils sont encore plus importants que ce à quoi on aurait pu s'attendre dans la réalité.
Vous n'avez pas traité des répercussions du projet de loi sur les petits partis. Avez-vous eu l'occasion de songer à l'impact du projet de loi sur le débat démocratique au Canada? Autrement dit, comment ce projet de loi favorisera-t-il la participation des petits partis au débat plutôt que le contraire? La loi des conséquences fortuites s'applique plus rigoureusement aux petits partis qu'aux partis nationaux, qui touchent déjà la part du lion en matière de financement public.
M. Seidle : Je ne suis pas avocat, mais je ne conseillerais pas à un petit parti de se servir de ce projet de loi pour contester les seuils du financement public. Ces seuils ont été fixés en 2000, ou de nouveaux seuils ont été établis relativement au remboursement. Par la suite, les allocations trimestrielles découlant du projet de loi C-24 ont fait en sorte que les mêmes seuils s'appliquaient à l'allocation annuelle.
Vous pourriez contester devant les tribunaux que ces limites sont un peu trop hautes pour un petit parti. À l'interne, on a souvent fait valoir que les seuils doivent être établis à un certain niveau, pour ne pas qu'on vienne piller le Trésor. C'est dorénavant en fonction des suffrages exprimés. Voilà le fin mot de l'histoire. Si un petit parti obtient 1 p. 100 des voix dans l'ensemble du pays, le montant qu'il touchera ne sera pas si élevé. Il n'est pas judicieux de se servir de l'argument selon lequel le Trésor sera pillé et les contribuables doivent être protégés.
Il n'est pas logique qu'un parti politique utilise cette limite des contributions comme un argument. C'est une question d'accès plutôt qu'une question de recettes.
Le sénateur Joyal : Ma dernière question traitera des conséquences générales sur le système électoral canadien. Depuis la Commission Lortie et votre thèse de doctorat, vous avez consacré beaucoup de temps à notre système électoral. Je crains que nous soyons en train de bureaucratiser la structure inhérente des partis politiques canadiens. Cela est incontestable.
De plus, il y a un autre exemple dans le monde occidental où le financement public des partis est aussi important. Plus le contribuable verse d'argent, plus vous pouvez vous attendre à ce que le directeur général des élections et le législateur veuillent se l'approprier. Selon moi, l'élargissement de la base du parti constituait une conséquence fortuite souhaitée, mais celle-ci ne s'est pas matérialisée. En fait, les partis compteront de plus en plus sur le financement public.
Avant le projet de loi C-24, le budget annuel du Bloc québécois s'établissait à environ 800 000 ou 900 000 $. Aujourd'hui, il touche des contributions d'au moins 2,5 millions de dollars par année en plus des montants dans le cadre du financement public. Autrement dit, même les partisans du Bloc québécois ne sont plus obligés de donner de l'argent au parti, qui dispose de revenus supérieurs aux dépenses qu'il a engagées au cours des 10 années précédentes de son existence.
Les partis sont de plus en plus des prolongements du bureau électoral et du directeur général des élections, ce qui implique de nombreuses conséquences. Les fonds publics que les partis reçoivent et sur lesquels ils comptent ont acquis une telle importance que nous avons créé un système sans précédent dans le monde occidental : notre système de partis est en train de devenir un système étatisé, comme c'était le cas dans l'ancienne Union soviétique. C'est grosso modo la situation actuelle. Dans notre système de partis, la majorité des fonds d'un parti proviennent du financement public : c'est plus de 60 p. 100 sinon 80 ou 90 p. 100, alors que c'est presque 100 p. 100 dans le cas du Bloc québécois. Plus importante est la proportion des fonds publics, plus on risquera de se retrouver sous la coupe du gouvernement et sur sa liste de paye. C'est là une préoccupation qui découle de la participation des citoyens à la vie d'un parti.
Nous ne pouvons plus compter sur les groupes de bénévoles. Nous avons un prolongement du bureau du directeur général des élections, qui s'occupe des rapports, de la vérification et des contrôles, et ce même lors des congrès à la direction. Les partis n'ont plus aucune liberté.
Les répercussions générales du projet de loi vous préoccupent-elles?
M. Seidle : Elles me préoccupent effectivement. C'est pourquoi j'ai signalé vers la fin de ma déclaration qu'il faut une approche holistique à cet égard et que nous devons examiner les conséquences d'une modification touchant une partie le système sur l'autre partie.
Pour donner suite à ce que vous avez dit, j'ai examiné les rapports sur les contributions versées aux partis entre avril et juin 2006. C'est le Bloc québécois qui présente l'écart le plus important entre le financement public et le financement privé. Au cours de cette période, son financement privé ne s'élevait qu'à 27 567 $ alors que son financement public atteignait 727 092 $, soit respectivement 5 et 95 p. 100. J'ai lu dans le journal les propos d'un porte-parole du parti, qui disait qu'il y avait un décalage dans les dons. Il est bien possible que ce trimestre ait eu un caractère un peu imprévisible, mais attendons de voir quel sera l'écart.
On fait valoir que les modestes limites des contributions pourront favoriser notamment l'activisme et le financement populaire. Il y a eu certes des périodes au cours des premières années d'existence du Parti québécois où cela était vrai. Divers ouvrages montrent que les limites modestes donneront le scénario que vous avez fait valoir, soit que les partis peuvent se bureaucratiser et ne plus être obligés de solliciter beaucoup les citoyens, sachant qu'ils recevront trimestriellement 0,75 million de dollars, dans l'exemple que nous avons pris.
Le sénateur Joyal : De plus, les partisans du Bloc québécois indiquent qu'étant donné que leur parti reçoit autant de fonds publics, ils réorienteront leur financement au niveau provincial. C'est, selon vos propos, une réalité holistique. La même personne finance un parti politique à l'échelon provincial plutôt qu'à l'échelon fédéral. Vos propos étaient très pertinents. Il ne faut pas examiner la situation en vase clos. Une personne sera tentée de verser au niveau fédéral ce qu'elle aura donné au niveau provincial. Elle jugera de la destination où sa contribution sera la plus utile. Voilà un autre élément important dont il faut tenir compte. Lorsque vous limitez les contributions dans un projet de loi, vous provoquez une réaction pour une autre partie du système. Vous avez raison de nous le souligner, et d'autres témoins l'ont fait également. Il ne faut pas procéder en vase clos, cet exercice se répercutant sur l'ensemble des ordres de gouvernement — provincial, municipal et fédéral, particulièrement au Québec en raison de l'idéologie prédominante.
Le sénateur Stratton : Je souhaite revenir aux limites des contributions, étant donné que nous comparons la réalité et ce que nous en percevons. La réalité est la suivante : les sociétés et les particuliers peuvent verser 5 000 $ selon la loi actuelle. Prenons l'exemple d'un conseil d'administration d'une société, d'un cabinet d'avocats ou d'une firme d'ingénierie. La décision est prise de verser une contribution à un parti politique. Les 10 membres du conseil d'administration réuni peuvent déterminer que ce dernier accordera une contribution de 5 000 $ et que chacun des membres versera un montant équivalent à titre personnel. Si tous sont d'accord, il s'agit là d'un montant important pour un groupe. Voilà un exemple de la réalité et de la perception qu'on en a, pour ce qui est de l'influence que les sociétés et les particuliers peuvent exercer par le truchement des contributions. Le changement dans la perception, sinon dans la réalité, serait important si la limite était ramenée à 1 000 $ pour les particuliers et si les contributions des sociétés étaient éliminées.
M. Seidle : C'est juste. J'espère qu'ils ne sont pas trop nombreux les conseils d'administration canadiens qui se livrent à un tel genre de semi-collusion.
Le sénateur Stratton : J'ai déjà fait partie du conseil d'administration d'une société, et nous nous penchions sur cette question. C'est la réalité.
M. Seidle : Au Canada, il faudrait peut-être que les contributions soient divulguées plus intégralement. Le projet de loi C-24 nous en offrait la possibilité que nous n'avons pas saisie, et le scénario se répète aujourd'hui avec le projet de loi C-2. Le simple fait de demander aux particuliers d'identifier leur employeur nous aiderait à déceler les semi- collusions éventuelles au Canada. Les gens ne donnent pas de l'argent qui ne leur appartient pas, et s'ils donnent de l'argent qui leur appartient tout en étant remboursés par l'intermédiaire de primes de rendement, ils passent dangereusement près de donner de l'argent qui n'est pas le leur. Ils devraient y penser à deux fois, ce qui n'est pas conforme à l'esprit et à la lettre de la loi. Le comité souhaiterait peut-être approfondir cette question avec M. Kingsley et Mme Davidson.
Le sénateur Day : Je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce dernier point. Je ne crois pas que ce genre de collusion soit tellement répandu, du moins je l'espère.
Monsieur Seidle, votre mémoire précise que la politique justifiant de ramener à 1 000 $ fois deux n'a pas été expliquée clairement. Connaissez-vous bien cette politique?
M. Seidle : Je ne peux consulter que ce qui appartient au domaine public. J'ai lu les observations formulées par M. Baird à la Chambre et devant votre comité. La seule explication était que 99 p. 100 des dons sont inférieurs à 1 000 $. Je crois que, à cet égard, on a posé à M. Baird une question, qu'il a transmise au conseiller juridique. Je ne fais plus partie de la fonction publique et, à titre de consultant, je n'ai pas travaillé à aucun de ces projets de loi. Je n'ai donc pas de plus amples informations. Je voulais simplement aborder la question de l'élaboration des politiques par rapport aux mesures législatives importantes. Ce que j'ai lu m'a surpris, et j'ai déterminé que cela devrait être communiqué publiquement.
Le sénateur Day : Seriez-vous en faveur d'un âge minimum pour les donateurs?
M. Seidle : Je favoriserais qu'on soit un « électeur » au sens de la définition qu'on lui donne; ce serait une condition essentielle pour pouvoir verser une contribution.
Le sénateur Day : Seriez-vous d'accord que le comité présente un amendement afin d'améliorer cet aspect du projet de loi?
M. Seidle : Oui. Ce serait une modeste amélioration.
Le sénateur Day : Lorsque vous avez expliqué le système de partis en Grande-Bretagne et les modifications qui y ont été apportées en 2000, vous avez indiqué que les limites visaient les dépenses de parti. Dans le système britannique, les dépenses générales d'un parti sont-elles assujetties à une limite au cours d'une année civile?
M. Seidle : Non, mais je me souviens que, en Grande-Bretagne, on établit que la période électorale englobe également la partie de l'année précédant l'élection, ce qui doit compliquer quelque peu les choses lorsqu'il faut compter le tout. À l'échelon local, les dépenses des candidats sont limitées depuis 1883, mais uniquement lors de la période électorale. Par comparaison, ces limites sont très rigoureuses. Par contre, la Grande-Bretagne n'autorise pas la publicité politique à la télévision ou à la radio. Même les partis ne peuvent pas compter sur l'une des principales sources de dépenses pendant la campagne électorale.
Le sénateur Day : Au Canada, nous sommes assujettis à des limites de dépenses pendant la période électorale. Seriez- vous en faveur d'étendre ces limites à l'ensemble de l'année?
M. Seidle : Non. Nous n'avons pas besoin d'adopter une telle solution. Notre régime de limites est assez fiable et a été amélioré lorsque la portée de la définition a été étendue en 2004. Il faudra peut-être apporter d'autres rajustements mineurs au fil du temps, mais la modification que vous avez évoquée est un changement sur le plan de la qualité. Non, je ne serais pas en faveur.
Le sénateur Day : Il n'est pas nécessaire d'aborder la période préélectorale. Vous avez expliqué que le système britannique tenait compte de la période préélectorale. Au Canada, il faudrait simplement peaufiner un peu les choses et suivre les règles en vigueur.
En ce qui concerne la date d'entrée en vigueur du projet de loi, vous avez parlé d'une période de six mois. M. Kingsley comparaîtra devant notre comité pour aborder cette question, mais d'autres témoins ont proposé le 1er janvier parce que les contributions politiques sont calculées en fonction de l'année civile aux fins de l'impôt. Ainsi, les donateurs qui ont versé trop de contributions au cours d'une année ne sont pas tenus de chercher à déterminer si la loi est rétroactive ou le contraire. Ce problème n'existe plus si la date est le 1er janvier.
Monsieur Seidle, vous avez signalé qu'il incombe aux donataires d'expliquer les règles. Ceux-ci ne peuvent pas simplement dire : « Nous pouvons maintenant accepter 1 000 $ au lieu de 5 000 $. » Ils doivent expliquer les nouvelles règles aux donateurs. Les contributions dans le cadre d'une planification fiscale ou d'activités diverses devraient faire l'objet de rajustements. Ce serait un travail d'Hercule si, le 25 décembre, vous deviez contacter tous les donateurs figurant sur votre liste pour leur expliquer que les règles ont été modifiées.
C'est pourquoi nous envisagions le premier janvier comme date d'entrée en vigueur. Le projet de loi C-24 a été adopté en juin et est entré en vigueur six mois plus tard, ce qui tombe pile. Si le projet de loi était adopté à la fin de 2006, ne serait-il pas raisonnable de fixer au 1er janvier 2008 la date d'entrée en vigueur de ces modifications, compte tenu particulièrement des limites imposées aux contributions?
M. Seidle : Le délai de six mois pour la date d'entrée en vigueur est une tradition. Je crois qu'il figurait dans la loi et qu'il y figure peut-être encore. Sur ce point, il ne m'appartient pas de répondre au nom du directeur général des élections.
Certes, les organisateurs des partis et les particuliers pourraient mieux composer avec la situation si la loi entrait en vigueur au début d'une année civile. J'ignore combien de temps dureront vos travaux, quelles seront les recommandations que vous formulerez ou combien de temps il faudra à la Chambre des communes pour répondre, mais si vous terminiez vos travaux en novembre et si le projet de loi était adopté par les deux Chambres à la fin de novembre — et si tout était conforme —, la date du 1er janvier 2007 ne me poserait aucun problème.
Les partis sont loin d'être démunis. Le changement apporté n'est pas d'ordre qualitatif. La situation n'est pas aussi radicale qu'elle ne l'était au début de 2004 par rapport aux limites des contributions. Nous modifions certes des chiffres, et deux enveloppes font l'objet d'un léger changement de qualitatif, mais tout cela est modeste par rapport aux transformations précédentes. Vous pouvez parler à M. Kingsley de toutes les consultations et séances d'information auxquelles les partis politiques ont participé pendant le deuxième semestre de 2003 avant la date d'entrée en vigueur du 1er janvier 2004. J'ai participé à cet exercice à Élections Canada. Il y a ces mécanismes qui découlent du comité consultatif, des partis politiques, et cetera J'imagine que les partis politiques commencent à songer à se préparer. Si, entre aujourd'hui et la proclamation, un chiffre devait être modifié dans la mesure législative, il faudrait apporter les changements nécessaires dans les dossiers électroniques entre autres, mais s'ils ne se préparent pas encore en fonction du 1er janvier ou d'une date plus hâtive, il leur en coûtera.
Le sénateur Day : À ce que je comprends, vous êtes d'accord avec moi que la date d'entrée en vigueur devrait être le 1er janvier; là où nous ne sommes pas d'accord, c'est si ce devrait être le 1er janvier 2007 ou 2008.
M. Seidle : J'ai seulement dit que ce serait plus pratique et compréhensible si c'était le 1er janvier d'une année.
Le sénateur Day : Vous comprenez bien que ce projet de loi ne comporte aucune indication d'entrée en vigueur au 1er janvier, pour l'instant?
M. Seidle : J'en suis conscient.
Le président : Monsieur Seidle, au nom du comité, nous vous remercions infiniment pour votre présentation des plus instructives.
Les membres de ce comité connaissent très bien les témoins suivants, qui jouent un rôle déterminant dans l'assurance du bon fonctionnement de notre régime électoral. Jean-Pierre Kingsley a été nommé directeur général des élections du Canada en février 1990. Depuis lors, il a été responsable de l'administration de toutes les activités électorales fédérales, y compris le référendum fédéral de 1992, les élections générales de 1993, 1997, 2000, 2004 et 2006 et de nombreuses élections partielles.
Jean-Pierre Kingsley a instauré de grands changements dans l'organisation d'Élections Canada, en plus d'orchestrer et de mettre en oeuvre d'importantes réformes électorales. Ses réalisations ont contribué à la réputation d'Élections Canada en tant que chef de file mondial en matière d'administration électorale.
M. Kingsley est accompagné aujourd'hui de plusieurs collaborateurs. Diane Davidson est directrice générale adjointe des élections et première conseillère juridique. Janice Vézina, qui est directrice du financement des élections, de la vérification et des services intégrés. William Corbett est commissaire d'Élections Canada depuis peu.
Nous vous souhaitons la bienvenue à tous. Quand vous aurez fini de présenter vos brefs exposés, les honorables sénateurs poseront plusieurs questions, et il y aura un échange de questions et de réponses.
Jean-Pierre Kingsley, directeur général des élections du Canada, Élections Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous suis reconnaissant de l'amabilité de cette présentation, et d'avoir présenté mes collègues. Là-dessus, vous avez une copie du curriculum vitae de William Corbett, qui vous permettra de constater comment ses 35 ans d'expérience l'ont tout naturellement mené directement à ce poste.
Je présenterai la première partie de mes observations en français, et la deuxième en anglais.
[Français]
Comme je l'ai signalé devant le comité législatif chargé d'étudier le projet de loi C-2, celui-ci confiera au directeur général des élections le pouvoir détenu actuellement par le gouverneur en conseil de nommer et de destituer les directeurs du scrutin. Ce changement répond à une recommandation que j'ai souvent réitérée depuis que je suis directeur général des élections. Vous m'avez d'ailleurs entendu faire cette recommandation lorsque j'ai comparu devant la Commission Lortie.
Le projet de loi entrerait en vigueur à une date fixée par le gouverneur en conseil, après la sanction royale, advenant qu'il devienne réalité. En réponse à la question que soulevait le sénateur Comeau le 7 septembre dernier, je vous signale que le projet de loi n'aura aucune incidence sur le processus de nomination des scrutateurs et des greffiers du scrutin, qui sont deux personnes capitales dans un bureau de vote.
Les directeurs du scrutin continueront de nommer ces travailleurs électoraux à partir de listes fournies par les candidats des partis enregistrés, arrivés premier et deuxième dans chaque circonscription lors de la dernière élection générale.
Le projet de loi propose également d'interdire des contributions locales faites par les syndicats et les associations qui ne sont pas constituées en personne morale. Le projet de loi propose de ramener de 5 000 $ à 1000 $, avec indexation, le total des contributions annuelles qu'un particulier peut apporter aux diverses entités politiques d'un même parti.
Quant aux contributions aux candidats à la direction, elles sont aussi ramenées à un plafond de 1000 $, distinct des autres et indexé. Comme je l'ai dit au comité législatif chargé du projet de loi C-2, les dispositions du projet de loi sur les contributions entreront en vigueur le jour de la sanction royale. Mon bureau prépare actuellement une campagne de publicité visant à informer les Canadiens des nouvelles règles.
Au terme du projet de loi C-2, Élections Canada sera également assujetti à la Loi sur l'accès à l'information. Un second mécanisme d'accès viendra donc se greffer à celui déjà exhaustif qui existe en vertu de la Loi électorale du Canada depuis 1927. Le projet de loi propose que le directeur général des élections se soumette aux dispositions actuelles de la Loi sur l'accès à l'information et qu'il soit tenu de refuser de communiquer les documents créés ou obtenus dans le cadre de tout examen, révision ou enquête faits sous l'autorité de la Loi électorale du Canada.
Cette exception vise à protéger les évaluations des rapports financiers exigés par la Loi électorale du Canada qui sont faites par Élections Canada. Elle vise également à accorder au commissaire aux élections fédérales — qui s'occupe des enquêtes sur les infractions présumées à la loi — les mêmes protections que celles conférées par la Loi sur l'accès à l'information aux organismes d'enquête. L'élargissement de ces protections a été inscrit au projet de loi suite à des recommandations du comité législatif chargé du projet de loi C-2.
[Traduction]
Le projet de loi C-2 ne restreindra pas les droits d'accès à l'information électorale déjà établis par la Loi électorale du Canada; au contraire, le grand public disposera dorénavant d'un nouveau droit d'accès, notamment aux échanges entre Élections Canada et les partis politiques, les députés, les candidats et les sénateurs, échanges qui, jusqu'à présent, étaient confidentiels.
En vertu de l'article 540 de la Loi électorale du Canada, la personne qui souhaite consulter les documents électoraux après l'élection doit obtenir l'ordonnance d'un juge. Afin de sauvegarder cette protection, je propose au comité de recommander dans son rapport l'ajout de cet article 540 à l'annexe II de la Loi sur l'accès à l'information. On évitera ainsi que soit donnée à cette loi une interprétation qui annulerait la protection prévue par l'article 540.
Par ailleurs, le projet de loi C-2 transférera la charge d'intenter les poursuites au directeur des poursuites pénales, qui remplacera donc dans ce rôle le procureur général. Les poursuites pour infraction à la Loi électorale du Canada, qui relèvent actuellement du commissaire aux élections fédérales, seront elles aussi confiées au DPP.
Le commissaire continuera de mener les enquêtes, de conclure les transactions ou de demander les injonctions, mais il renverra au DPP les infractions présumées à la loi électorale, s'il estime qu'elles justifient une poursuite. C'est la DPP qui prendra la décision d'intenter une poursuite ou non.
Avant de conclure, je crois comprendre que le comité aimerait que je dise quelques mots sur les frais de participation aux congrès des partis. Au sujet de l'application des règles sur les contributions, Élections Canada a toujours été cohérent dans ses explications aux partis enregistrés. Aux termes de l'article 2 de la Loi électorale du Canada, une contribution est soit monétaire, soit non monétaire. Tout montant, biens ou services fournis volontairement, moins la valeur commerciale de tout avantage tangible reçu en contrepartie, constitue une contribution.
La définition de « contribution non monétaire » énoncée dans la loi, de même que l'article 408 de cette loi, qui porte expressément sur les activités de financement, exprime clairement que le montant de la contribution exclut la valeur marchande de ce à quoi la contribution donne droit. De même, une contribution non monétaire n'est une contribution qu'à la condition qu'elle est apportée gratuitement, ou à un coût inférieur à sa valeur marchande.
Le droit d'influer sur la vie politique ou de participer aux décisions d'un parti enregistré, d'une association de circonscription enregistrée, d'un candidat à l'investiture ou d'un candidat à la direction, ce qui inclut le droit d'assister aux congrès, ne constitue pas selon la loi un avantage tangible à soustraire du montant de la contribution. Par conséquent, le prix d'entrée à un congrès politique représente une contribution versée au parti enregistré qui l'organise, diminué de tout avantage tangible possédant une valeur marchande et reçu en échange par le participant. Par exemple, cet avantage tangible peut être un repas ou une Chambre d'hôtel. Cette question des droits d'entrée, comme l'ont rapporté les médias, je ne doute pas que vous le sachiez, fait actuellement l'objet de plaintes. Élections Canada, conformément à sa politique, ne fera pas de commentaire à ce sujet afin de ne pas influer sur une éventuelle enquête.
Voilà qui conclut mes observations. Mes collègues et moi-même sommes maintenant prêts à répondre de notre mieux à vos questions.
Le sénateur Zimmer : Monsieur Kingsley, merci d'être ici aujourd'hui, et de nous avoir présenté l'impressionnant groupe de collaborateurs qui vous accompagne.
Vous avez parlé un peu des contributions politiques, et cela ressemble plus à un rapport qu'à autre chose, mais j'aimerais avoir votre avis.
En 2004, une loi a été promulguée pour réduire les dons politiques à 5 000 $ pour un particulier et 1 000 $ pour une compagnie ou un syndicat. Elle est en vigueur depuis à peine deux ans, et aucune évaluation n'a encore été faite. Le témoin précédant, M. Seidle, nous a dit que bien qu'il ait fait beaucoup de recherches, il n'a pu trouver aucune évaluation de l'efficacité ou de la productivité de cette loi.
Cela étant dit, que pensez-vous de la réduction des montants depuis cette époque, le 5 000 $ pour un particulier à 1 000 $ — c'est en réalité 2 000 $, parce qu'on peut faire deux dons distincts à un parti et une association — et l'élimination de 1 000 $ pour une compagnie ou un syndicat? Il apparaît que la loi de 2004 fonctionne très bien, mais il pourrait être prématuré d'en juger sans une évaluation plus approfondie ou sans laisser passer plus de temps. Qu'en pensez-vous?
M. Kingsley : Il est certain que je n'exprimerai pas d'avis quant au caractère prématuré d'une telle évaluation.
Nous avons fait un examen préliminaire de l'impact financier des recettes cédées. De toute évidence, ce sera du côté des contributions des entreprises, de syndicats et d'autres associations. En ce qui concerne l'abaissement du plafond, je pense que 98,5 p. 100 des contributions des particuliers sont de moins de 1 000 $ actuellement. Cette réduction n'a donc qu'un impact financier relativement faible.
Peut-être pourrais-je demander à Mme Vézina de parler plus longuement, de façon générale, de l'impact financier des recettes cédées. Peut-être aurez-vous d'autres questions à lui poser?
Janice Vézina, directrice principale, Financement politique, Vérification et Services intégrés, Élections Canada : Nous avons procédé à une analyse de l'année civile 2005, sur les associations de circonscription électorale enregistrées auprès de nous, ainsi qu'à une analyse des déclarations de revenus des candidats à la suite de la 39e élection générale. L'analyse est fondée sur les renseignements tels qu'ils sont fournis, et nous n'avons pas encore achevé l'examen de ces renseignements, mais elle pourrait quelque peu changer.
D'après les renseignements préliminaires que nous avons examinés, nous constatons que pour les associations de circonscription électorale, pour les cinq principaux partis subventionnés, il y a un excédent net d'actif dans l'ensemble. Ils ne sont pas en position déficitaire quand on regarde le registre financier. Ils sont en position excédentaire, de quelque 12 millions de dollars.
En ce qui concerne les excédents des candidats, encore une fois, d'après les renseignements préliminaires reçus à la suite de la 39e élection générale, nous estimons que l'excédent est de l'ordre de 11,7 millions de dollars, globalement, pour les candidats des cinq partis subventionnés.
Si on regarde les recettes délaissées et on applique les limites que prévoit le projet de loi C-2 aux déclarations de revenus des associations de circonscription et des candidats relativement à la 39e élection générale, nous constatons une perte, ou un manque à gagner combiné, dirais-je, de quelque 10,7 millions de dollars. Je ne suis pas sûre que nous puissions effectuer un calcul mathématique simple et en conclure qu'il y a problème ou non. Les montants d'excédents que nous constatons, au niveau local, sont importants, et cela doit être pris en compte quand on évalue le manque à gagner au niveau local.
En ce qui concerne les partis politiques et votre question sur l'impact du projet de loi C-24, nous avons fait une analyse de l'année 2004 et de l'impact des élections générales sur les partis politiques. Nous constatons que collectivement, de façon générale, ils sont en meilleure posture qu'avant le projet de loi C-24. Nous avons pris l'année 2000, où il y a eu des élections générales, et l'année financière des partis, et nous avons ajusté les chiffres en dollars de 2004, donc les rentrées de fonds provenant des contributions et remboursements de frais électoraux comparativement à 2004, avec le projet de loi C-24, aux contributions et subventions et aux remboursements accrus de dépenses électorales. Quand nous faisons le calcul, dans l'ensemble, si on mesure tout cela, il y a une hausse.
L'incidence du projet de loi C-2 ajouté à tout cela les laisse, de façon générale, dans une position positive.
Le sénateur Milne : Avez-vous fait une évaluation de l'incidence de cette limite proposée de 1 000 $ pour les partis politiques plus restreints?
Mme Vézina : Oui. Je me suis fait une note, ici, à ce sujet. Pour 2005, sur un total de un million de dollars de contributions, les partis plus restreints auraient un manque à gagner de 160 000 $.
Le sénateur Milne : C'est ce qu'ils nous ont dit.
Mme Vézina : C'est en 2005.
Le président : Avant de poursuivre, sénateurs, puis-je demander si les chiffres que vous venez de nous présenter figurent dans votre site Web actuellement, ou s'ils le seront bientôt?
Mme Vézina : Les renseignements de base sont dans le site Web. Cette analyse ne l'est pas.
Le président : Est-ce qu'elle le sera bientôt?
M. Kingsley : Si le comité le veut, nous pourrions lui fournir ce type d'analyse.
Le président : Ce serait très utile.
M. Kingsley : De toute évidence, nous faisons des hypothèses. Nous avons analysé le monde de la façon la plus statique possible, tout en sachant que le monde n'est pas statique. Votre comité aurait au moins une idée de ce que serait le monde s'il était statique. Nous serions aussi plus explicites dans nos hypothèses, parce qu'il importe que vous compreniez ce sur quoi nous nous fondons. Ces éléments ont beaucoup d'incidence sur ces choses.
Le sénateur Zimmer : Cela amène une autre question. Nous avons entendu du témoin précédent, et vous avez dit la même chose, que 98 ou 99 p. 100 des dons sont de moins de 200 $. Cela semble constituer en quelque sorte un guide sur les limites. Le témoin précédent a aussi dit que nous devrions faire preuve de prudence dans les règles que nous voulons instituer maintenant, parce que les choses pourraient changer dans les cinq à dix prochaines années et le monde n'est pas statique.
Cela étant dit, il pourrait arriver, à court terme, que le don moyen augmente. Si le don moyen se rapproche nettement du plafond fixé, il est possible que nous devions nous pencher à nouveau sur la question, et alors, la chose logique à faire pourrait être de rehausser les plafonds.
Nous devons faire un peu attention à la façon dont nous établissons les limites. Nous passons de 5 000 $ à 1 000 $, ou à 2 000 $. C'est une réduction de 60 à 80 p. 100 comparativement au projet de loi C-24. Si nous imposons des réductions si importantes, n'est-il pas possible, en fin de compte, que nous devions réétudier la situation et, peut-être, envisager de rehausser les plafonds? Est-ce que cela se pourrait à court terme?
M. Kingsley : Lorsque le projet de loi C-24 a été adopté, on a manifesté l'intention d'examiner la situation quelques années plus tard. C'est ce que nous prévoyions faire, mais ce délai est arrivé à échéance depuis peu, et nous n'en avons qu'un bref aperçu. Chaque fois que les règles sur le financement des partis politiques, la nomination des candidats, et cetera sont modifiées dans la Loi électorale du Canada, il devrait y avoir un examen après une période raisonnable, peu importe à quel moment.
La période raisonnable serait de plusieurs années puisque, comme nous le découvrons actuellement en évaluant la situation, il est difficile de déterminer les effets d'un changement aussi important avec un recul de seulement 12 mois. Par ailleurs, en raison de la situation minoritaire des gouvernements, il se tient davantage d'élections que prévu, et les élections coûtent cher. Nous n'en voyons pas encore d'effet néfaste majeur.
Je conviens avec vous que, si ce projet de loi devait être adopté, il faudrait l'examiner dans un délai de quelques années, et il me paraîtrait normal que chaque fois qu'on adopte une loi touchant le financement, on procède à un examen ultérieurement. Nous voulons nous assurer de maintenir l'intégrité du système électoral au moyen des lois relatives au financement qui sont adoptées.
Le sénateur Zimmer : Si nous faisons les choses trop vite et abaissons trop rapidement le plafond, cela m'inquiète, car il est toujours plus difficile d'accroître que de réduire, du point de vue de la perception des dons.
Une autre considération est la date de la mise en œuvre. Nous espérons que le projet de loi sera adopté plus tard cet automne. Le public devra être informé de son contenu. Certaines personnes verseront leurs dons au début de l'année. Si la mise en œuvre est trop rapide et que la loi est changée à une certaine date, on devra réduire les montants, et les donateurs devront s'assurer qu'ils ne dépassent pas la limite. Cela devient un cauchemar administratif.
À votre avis, si ce projet de loi est en effet adopté à la fin de l'automne, quelle serait la date probable et appropriée de sa mise en œuvre?
M. Kingsley : Comme je l'ai indiqué dans mes remarques préliminaires, nous préparons actuellement un programme de communication qui consiste à faire paraître des articles dans les journaux et à produire des brochures. Nous ciblerions les partis politiques et leurs organismes, les associations de circonscription inscrites auprès de nous. Dans notre système, nous avons les adresses des personnes concernées. Nous viserions également les entreprises et les syndicats, comme nous l'avons fait au moment de l'adoption du projet de loi C-24. Nous avons encore la liste de toutes les entreprises auxquelles nous avons écrit. Nous leur enverrions la brochure, et informerions le public canadien sur le sujet.
Cela voudrait dire qu'il sera nécessaire de réagir presque instantanément. Mon travail consiste à faire ce que le Parlement me demande. Je suis ici pour vous dire que je ne crois pas cela impossible. Si c'était le cas, je vous le dirais.
Le sénateur Baker : Je présume que le témoin a fermé la porte à toute question relative à des enquêtes possibles ou à l'engagement de procédures concernant un quelconque cas soulevé dans le cadre de la Commission Gomery, ou certains événements liés au financement des congrès des partis. Je présume que c'est ce qui justifie sa déclaration selon laquelle il ne ferait aucun commentaire sur une enquête en cours. Si c'est juste, le témoin pourrait-il nous dire si l'on en tient une présentement?
M. Kingsley : Les médias aussi nous demandent si on procède à une enquête concernant certains dossiers. Nous avons évité de faire des commentaires aux médias, de même que, jusqu'ici, aux comités parlementaires. Je suis disposé à m'en remettre à la sagesse du comité, s'il croit que ne devrions commencer à faire des observations sur des cas particuliers. Mais il s'agit de la sphère politique, et c'est problématique pour nous, à Élections Canada, compte tenu de notre volonté d'être toujours francs et directs.
En matière d'enquêtes, j'ai toujours été extrêmement prudent. Je dirai, puisque vous avez soulevé cette question en particulier, qu'il n'y a aucune enquête concernant un quelconque événement en lien avec la Commission Gomery.
Le sénateur Baker : Lorsque j'ai posé cette question au chef du Service fédéral des poursuites, il a secoué la tête en disant « non, aucun commentaire ».
Ce projet de loi prolonge la période en l'établissant à 10 ans. Êtes-vous en train de nous dire que, même s'il n'y a aucune enquête concernant la Commission Gomery pour le moment, ce changement n'empêchera pas qu'on en tienne une après l'adoption du projet de loi?
M. Kingsley : Pour ce qui est des cas soulevés durant la Commission Gomery, la période était d'un an et demi. Nous n'avons aucun moyen de revenir en arrière.
Le sénateur Baker : Non.
M. Kingsley : Alors je ne vous suis pas.
Le sénateur Baker : Corrigez-moi si j'ai tort. En vertu de l'ancienne loi, vous aviez 18 mois à partir du moment où vous avez eu connaissance de l'événement. Ce n'est pas vous qui preniez la décision, mais le commissaire. Néanmoins, on disposait d'une période de sept ans pour engager des poursuites. Le projet de loi vous accorde une période de cinq ans au lieu de 18 mois.
Dites-vous qu'avec l'adoption de ce projet de loi, vous estimez que vous serez incapable de mener une enquête au sujet d'une affaire soulevée au cours des audiences de la Commission Gomery?
M. Kingsley : C'est bien ce que je dis.
Le sénateur Baker : Je m'adresse maintenant à M. Corbett.
Qui décidera si des accusations seront portées lorsque ce projet de loi aura été adopté?
William H. Corbett, commissaire aux élections fédérales, Élections Canada : C'est le directeur des poursuites pénales, fonction qu'on prévoit créer, qui en aurait le pouvoir. La réponse est simple.
Le sénateur Baker : Entrons dans les détails. La décision de porter une accusation reviendra au DPP, qui sera un procureur de la Couronne. Est-ce exact, monsieur Corbett?
M. Corbett : C'est juste.
Le sénateur Baker : Un procureur de la Couronne décidera de déposer les accusations. Une fois cela fait, qui portera l'affaire en justice? Le procureur de la Couronne, le DPP?
M. Corbett : C'est l'avocat du DPP qui s'en chargera.
Le sénateur Baker : Laissez-moi poser à M. Corbett une question qui me préoccupe.
M. Corbett a déjà été procureur dans le Nord — dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon — où, de temps en temps, des policiers se chargent de certaines affaires. Ils mènent une enquête, puis intentent des poursuites.
M. Corbett : De mon temps, ce n'était pas le cas.
Le sénateur Baker : Je suis un peu plus âgé que vous, monsieur Corbett, et je me souviens de l'époque où l'on intentait des poursuites à Terre-Neuve-et-Labrador.
M. Corbett : C'est exact.
Le sénateur Baker : La police menait une enquête et engageait des poursuites. Puis est arrivée la Charte canadienne des droits et libertés, et on a établi un principe fondamental du droit canadien selon lequel l'enquête et le dépôt des accusations doivent être confiés à la police, tandis que les poursuites doivent être dirigées par un procureur de la Couronne, qui procède à un second examen et n'a pas pris part à la décision de porter les accusations.
M. Corbett : Pour l'essentiel, c'est bien cela.
Le sénateur Baker : Vous venez de convenir avec moi que ce projet de loi contreviendra à la Constitution, parce que les personnes qui auront décidé de déposer les accusations seront aussi celles qui mèneront les poursuites.
M. Corbett : L'enquête est menée par des enquêteurs. En vertu du projet de loi, si j'estime qu'il y a une affaire à traiter, je transmets le dossier au directeur des poursuites pénales. Je ne suis pas le directeur des poursuites pénales, pas plus que je ne suis procureur. Je suis actuellement responsable des enquêtes.
Le directeur des poursuites pénales examine le tout et prend une décision : y a-t-il lieu d'intenter des poursuites? La preuve est-elle suffisante? Est-ce dans l'intérêt du public? Il peut déterminer si une affaire n'est pas assez solide et ordonner que l'on mène plus loin l'enquête. Il peut également déterminer s'il y a lieu de conclure une transaction visant à faire respecter la loi, et ordonner qu'elle soit conclue en vertu de la loi. Le rôle du directeur et le mien sont distincts.
Le sénateur Baker : Monsieur Corbett, vous avez admis il y a un instant que la personne qui prend la décision de déposer des accusations est le directeur des poursuites pénales.
M. Corbettt : Oui.
Le sénateur Baker : Êtes-vous en train de nous dire qu'une personne peut décider de porter des accusations et, une semaine plus tard, se rendre compte qu'elle a eu tort de le faire?
M. Corbett : Décider d'engager des poursuites et les mener revient au même. Les deux éléments distincts sont l'enquête et la poursuite.
Le sénateur Baker : Monsieur Corbett, supposons que vous êtes avocat en chef à la Section du droit criminel du ministère de la Justice. Dans une affaire criminelle, qui fournit les informations sous serment? Qui porte les accusations? Est-ce la police ou le procureur de la Couronne?
M. Corbett : C'est la police.
Le sénateur Baker : C'est exact. Qui décide de déposer des accusations si...
M. Corbett : En cas de vérification préalable à la mise en accusation, le procureur donnera son avis à la police en lui disant qu'il y a lieu d'intenter des poursuites et qu'elle peut déposer des accusations, comme elle l'a recommandé.
Le sénateur Baker : Monsieur Corbett, de toutes les récentes commissions d'enquête au sujet de déclarations de culpabilité injustifiées, il est ressorti qu'on ne peut brouiller la ligne de démarcation entre le rôle de la police, qui est de décider de porter des accusations, et celui du procureur de la Couronne, qui consiste à réexaminer le cas et à décider s'il y a lieu d'engager des poursuites ou s'il s'agit d'une infraction punissable par voie d'acte d'accusation ou de déclaration sommaire de culpabilité.
Le juge Lamer a publié son rapport en juin dernier et, selon lui, l'une des causes principales à l'origine des verdicts de culpabilité prononcés à tort est le fait que la Couronne se soit mêlée de la décision de déposer des accusations et d'engager des poursuites sans avoir procédé à un second examen.
En vertu de cette mesure législative, comme vous l'avez admis, c'est le directeur des poursuites pénales qui prendra la décision de porter des accusations, et ce sera lui qui intentera des poursuites.
M. Corbett : C'est juste.
Le sénateur Baker : Vous ne faites que fournir des informations sous serment, puisque vous en avez l'obligation si le DPP détermine qu'on doit porter des accusations.
M. Corbett : C'est exact. Mais mon intervention ne s'arrête pas là. Je fais enquête. Si j'estime qu'il est justifié de renvoyer l'affaire au DPP, je lui adresse une recommandation par écrit. Il peut exprimer son désaccord, contester ma décision en déclarant que j'ai tort, me dire de recommencer depuis le début ou encore de prendre des mesures moins onéreuses que des poursuites, et je suis tenu d'obtempérer.
Vous parlez des procureurs qui ont été mis au courant de l'évolution de l'enquête alors qu'elle était en cours. À un certain moment, ils ont aidé la police en ce qui concerne l'écoute électronique, l'accès légal...
Le sénateur Baker : La décision d'engager des poursuites.
M. Corbett : ... ou l'ont conseillée sur la façon de mener son enquête, et ont ainsi été mis au fait des évolutions de celle-ci. Peuvent-ils prendre une décision objective plus tard? Le juge Lamer est d'avis que non.
Le sénateur Baker : C'est une excellente réponse à ma question. Puisque le temps file, mes prochaines questions seront brèves.
Monsieur Corbett, vous avez agi à titre d'avocat de la poursuite pendant des années, et vous êtes une personne qui étudie le libellé de la loi. Je suis quelque peu surpris de l'article du projet de loi qui traite de vous. Laissez-moi vous dire pourquoi.
M. Corbett : De quel article s'agit-il?
Le sénateur Baker : Comme on peut le voir à la page 112 du projet de loi, le paragraphe 511(1) proposé de la Loi électorale du Canada traite de la décision du directeur des poursuites pénales de tenir une enquête, et le paragraphe 511(2) précise que la décision d'engager des poursuites lui appartient aussi. Le paragraphe 512(1) stipule que les poursuites ne peuvent être intentées par nul autre que le DPP. Le paragraphe 517(7), quant à lui, traite du fait d'engager ou non des poursuites, alors que le paragraphe 517(8) indique que le DPP pourrait ne pas en intenter. Enfin, le paragraphe 518(2) porte sur les circonstances où le DPP ne peut engager des poursuites.
Contrairement à la version française, dans la version anglaise du projet de loi, on emploie trois fois les mots « institute » et « initiate » pour dire « engager des poursuites ». Ces deux mots ont-ils la même signification?
M. Corbett : En pratique, je dirais que non.
Le sénateur Baker : Pourquoi alors les législateurs s'amusent-ils à les employer indifféremment?
M. Corbett : C'est une bonne question. Il faudrait leur demander.
Le sénateur Baker : Ma dernière question porte sur une décision rendue il y a dix mois par un tribunal de l'Ontario. Cette décision se rapporte aux élections de 2000.
M. Kingsley est celui qui a demandé, il y a longtemps, si l'on pouvait disposer d'une période de dix ans pour engager des poursuites. Étant donné que les souvenirs s'effacent avec le temps et que certaines de ces poursuites sont liées à des infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité — par exemple vous sortez de l'autobus et vous donnez un coup de coude à une personne, et dix ans plus tard, on vous accuse d'agression, mais vous ne vous rappelez pas quand s'est produit l'incident — il est évident qu'il y a un problème.
Un autre problème est survenu à la suite de ce jugement rendu il y a 10 mois. L'alinéa 473(2)b) de la Loi électorale du Canada a été jugé contraire à la Charte parce qu'il contrevient à l'article 3 et ne peut être validé par l'article premier de la Charte. Par conséquent, il était inapplicable et sans effet en 2000. Cela s'est produit cinq ans plus tard.
M. Kinglsey a eu ce qu'il voulait. Le tribunal a déclaré que, dix ans plus tôt, au cours d'une élection, la disposition était inapplicable et sans effet et contrevenait à la Charte, et que, par conséquent, elle était contraire à la loi.
Vous voyez où je veux en venir. C'est non seulement injuste pour l'accusé, mais c'est aussi un cauchemar administratif en ce qui a trait à la Loi électorale du Canada. Êtes-vous d'accord, monsieur Corbett?
M. Corbett : Dix ans, c'est long. Si vous portez une cause devant un tribunal des années plus tard, celle-ci aura besoin d'être très importante, en effet. Les tribunaux ne voient pas d'un bon œil une personne qui ressort une affaire mineure qui remonte à très longtemps. Vous le savez aussi bien que moi.
Si ce long délai existe, c'est bien pour les pires cas et non pas pour de petites affaires ou des accrochages.
Le sénateur Baker : Finalement, les dispositions...
Le président : Avant que vous ne passiez à votre prochaine question, M. Kinglsey aurait un mot à dire.
M. Kinglsey : Bien entendu, la recommandation a été faite en grande partie pour assurer l'intégrité des dispositions financières de la loi. C'est ce à quoi je pensais pendant la Commission Gomery. Merci.
Le sénateur Baker : J'aimerais discuter des dispositions relatives à la détermination de la peine qui se trouvent à l'article 500 de la loi. Votre prédécesseur avait décidé de poursuivre certains candidats à une élection, mais désormais c'est le DPP qui s'en occupera. Votre prédécesseur a dû décider si l'on devait porter des accusations, en vertu de l'article 500, contre quelqu'un ayant enfreint la loi en accomplissant volontairement une chose qu'elle défend ou en omettant volontairement de faire une chose qu'elle prescrit. Ces dispositions visent les infractions de responsabilité stricte, et on a décidé de poursuivre par voie de déclaration sommaire de culpabilité. Par conséquent, toute personne incriminée était passible d'une peine d'emprisonnement d'un an. Je ne sais pas quelle est la durée de la peine imposée dans le cas d'une infraction punissable par mise en accusation; probablement trois ou cinq ans en vertu de la loi. Cinq? Cinq ans en vertu de la loi.
Voici ma question : aussi grave que puisse être une infraction de responsabilité stricte, est-il réellement nécessaire d'inscrire dans la loi qu'on peut remonter dix ans auparavant?
M. Corbett : Je suis désolé. Dites-vous que c'est la peine d'un an ou la disposition permettant de remonter dix ans en arrière qui doit être ajoutée dans la loi?
Le sénateur Baker : C'est la disposition, puisque parfois ce sont des peines très lourdes qui sont imposées en vertu de cette loi. Je peux comprendre votre opinion, car des gens peuvent plaider coupable pour se débarrasser. La dernière personne à qui c'est arrivé était candidat à la mairie, non pas de Vancouver, comme le sénateur Campbell, mais bien de Toronto. L'accusation a été portée cinq ans après les événements. Tout ce qu'ont su les médias, c'est que le candidat en question s'exposait à une peine d'emprisonnement d'un an pour son infraction. Finalement, il n'a pas été reconnu coupable parce cela que contrevenait à la Charte.
Avec une peine aussi lourde, pensez-vous être capable de retourner dix ans en arrière?
M. Corbett : Il faut se poser la question suivante : est-il souvent nécessaire de remonter dix ans dans le passé? La réponse est non. J'accepte la loi du Parlement. Le Parlement a adopté la loi et ce n'est pas à moi de critiquer ce qu'il a fait, pour une raison ou une autre. Cela a déjà été débattu. D'un point de vue pratique, la disposition visant à retourner dix ans en arrière, dans presque tous les cas, n'est pas nécessaire. Telle est la réalité.
[Français]
Le sénateur Fox : Dans le projet de loi C-4, les corporations et les syndicats avaient le droit de faire des contributions politiques limitées à 1000 $, une fois par année, dans un seul comté à travers le Canada. Quelles ont été les contributions des corporations et des syndicats au courant du dernier exercice? Combien par les corporations? Quel nombre de corporations? Combien par les syndicats et combien de syndicats? Si vous n'avez pas de réponse disponible, vous pourriez peut-être nous la faire parvenir plus tard.
M. Kingsley : Je sais qu'on l'a, mais quand je reviendrai avec les autres informations, je vous donnerai cela dans le détail.
Le sénateur Fox : J'aimerais maintenant revenir à la question des frais d'enregistrement à des congrès politiques. Vous avez clairement indiqué, dans le document que vous nous avez présenté, que le prix d'entrée à un congrès politique représente une contribution à un parti enregistré. Et je vous réfère à l'article 46 qui amende le paragraphe 405(1) de la Loi électorale du Canada, qui indique clairement que :
Il est interdit à tout particulier d'apporter des contributions qui dépassent :
a) 1000 $, au total, à un parti enregistré donné au cours d'une année civile;
C'est ce que dit la loi.
Selon ce que vous avez dit ce matin, étant donné que les frais d'inscription à un parti politique constituent une contribution, ce versement exigé comme frais d'inscription constituerait une partie du 1000 $ prévu à l'alinéa a) du paragraphe 405(1).
M. Kingsley : Oui. Et comme je l'ai défini, la valeur finale de cette contribution serait en fonction de ce qui peut être déduit pour ce qui est reçu comme bénéfice tangible.
Le sénateur Fox : Il serait donc faux de prétendre que le paragraphe 405(1), en ne parlant pas des frais d'inscription à un congrès politique, les exclurait ipso facto de la contribution totale à un parti politique enregistré d'un individu au cours d'une année?
M. Kingsley : Vous avez raison, ce serait erroné.
Le sénateur Fox : Je soulève la question parce que certains ont dit que ce n'était pas compris alors qu'effectivement, une contribution serait comprise.
Ce que je note également, c'est qu'on parle d'entrées de fonds au cours d'une année de calendrier. Une année de calendrier va du 1er janvier au 31 décembre de la même année. Prenons par exemple le congrès qui aura lieu en décembre prochain. Est-ce dire que si la loi était proclamée avant ce congrès, que les frais d'inscription pour y participer auraient un effet sur le montant qu'un individu pourrait contribuer au cours de cette année de calendrier?
M. Kingsley : Vous avez raison, cela aurait un effet. Et si la personne avait déjà contribué au maximum...
Le sénateur Fox : Si, par exemple, une personne avait déjà fait une contribution de 5000 $, elle ne pourrait pas s'inscrire au congrès sans dépasser les montants permis au cours de l'année de calendrier, en vertu de l'alinéa 405(1)a)?
M. Kingsley : D'ailleurs si cette personne avait déjà fait une contribution de 5 400$, elle ne pourrait pas le faire non plus sous la loi existante. Si c'était 4 000 $ ou 400 $, elle pourrait aller jusqu'au montant de 995 $ je crois, moins la valeur résiduelle. Mais il y aurait un impact, sans aucun doute.
Le sénateur Fox : Je vais vous donner un autre exemple : admettons que la loi est proclamée et entre en vigueur avant le congrès, quelqu'un qui aurait fait une contribution de 250 $ au Parti libéral du Canada avant le congrès ne pourrait donc pas verser 995 $ comme frais d'enregistrement au congrès sans être en violation de la loi?
M. Kingsley : Pas après que la loi aura été proclamée. Mais si le paiement est fait avant le congrès et avant que la loi soit proclamée, ce serait une autre situation.
Le sénateur Fox : Alors, que faites-vous de la notion d'année de calendrier?
M. Kingsley : S'il y a une portion de l'année qui entre sous le coup de la nouvelle loi, on tiendrait compte de cette portion seulement.
En d'autres mots, si quelqu'un a fait une contribution de 4 400 $ jusqu'au moment de la proclamation, à partir du moment où c'est proclamé, il ne pourrait pas faire une autre contribution. S'il a fait une contribution de 500 $, jusqu'à ce moment, il pourrait faire une autre contribution de 500 $.
Le sénateur Fox : Mais pas de 995 $.
M. Kingsley : Non.
Le sénateur Fox : D'accord.
M. Kingsley : Mais la date de paiement des frais d'inscription est importante, aussi.
Le sénateur Fox : Je comprends la première partie de votre réponse, mais la deuxième, je la comprends moins bien. Si j'ai déjà versé, à titre personnel, 500 $ au Parti libéral du Canada, que je sois élu comme délégué par la suite, et que le 1er décembre, j'arrive pour m'inscrire au congrès et qu'on me demande de verser 995 $ et que la loi a été proclamée le 15 novembre...
M. Kingsley : Vous êtes trop tard.
Le sénateur Fox : Mais par ailleurs, admettons que la loi entre en vigueur le 14 novembre, si j'ai payé avant cette date, il n'y a pas de problème, même si le montant d'argent que j'aurai versé dans l'année civile dépasse le 1000 $?
M. Kingsley : C'est cela. La date de paiement compte.
Le sénateur Fox : J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi. On parle, au total, de 1000 $ au cours d'une année civile et l'année civile en question, si la loi est proclamée, devient l'année civile 2005. Donc dans l'année civile 2005, j'aurai versé plus de 1000 $ au parti politique.
M. Kingsley : Vous voulez dire l'année civile 2006? Une fois que la loi entre en vigueur, elle est en vigueur à partir de ce moment. Il n'y a pas d'effet rétroactif à la loi. Si quelqu'un a donné 500 $ jusqu'au moment de la proclamation de la loi, il peut donner un autre 500 $. S'il a déjà donné 1 000 $ ou plus, le montant indexé, il ne pourra pas ajouter à ce montant. S'il a donné 5 400 $, il n'a pas brisé la loi, il n'est pas obligé de rembourser.
Le sénateur Fox : En autant qu'il ait payé avant. Un délégué qui paierait le jour même, si la loi avait été proclamée le 15 novembre, comme dans notre exemple, serait forclos de s'enregistrer sans commettre une infraction à la loi.
[Traduction]
Le sénateur Zimmer : Monsieur Kingsley, permettez-moi de faire le point sur la situation. S'ils paient leurs droits avant l'entrée en vigueur de la loi, il n'y a aucun problème. Par contre, qu'arrive-t-il s'ils paient leurs droits après l'entrée en vigueur de la loi et s'ils ont déjà donné le montant maximal avant l'adoption?
M. Kinglsey : Ils ont enfreint la loi.
Le sénateur Zimmer : C'est ce que je pensais. Merci.
Le sénateur Milne : Monsieur Kinglsey, le sénateur Baker a invoqué l'article 150 du projet de loi qui, à mon avis, réduit les pouvoirs du commissaire aux élections fédérales. M. Corbett a perdu beaucoup de sa capacité d'appliquer la Loi électorale du Canada.
Avez-vous lu quelque part qu'un pareil changement était nécessaire?
M. Kinglsey : Je crois comprendre ce qui se passe. On a créé le poste de DPP et on lui a attribué toutes les fonctions fédérales ayant trait aux poursuites. On veut faire pour le mieux. Toutefois, cela aura une incidence sur le rôle du commissaire étant donné qu'il n'aura plus le pouvoir d'engager des poursuites.
Le sénateur Milne : Son rôle sera moins important.
M. Kingsley : Je considère qu'il sera encore assez important parce qu'évidemment, le commissaire et le DPP discuteront ensemble, de façon à ce que le DPP accepte les propositions et les intentions du commissaire.
De plus, on aura un second avis, soit celui du directeur des poursuites pénales. On ne peut y échapper. C'est clair; il y aura une deuxième opinion. Nous ferons tout notre possible pour nous assurer que rien ne diminue la capacité du commissaire d'appliquer la loi. C'est tout un changement, vous avez bien raison.
Le sénateur Milne : À mon avis, c'est un changement qui réduit les pouvoirs du commissaire. Monsieur Kingsley, je pense que vous avez éludé un peu ma question.
Considérez-vous que ce changement était nécessaire?
M. Kinglsey : Je ne pense pas personnellement qu'il était nécessaire. Tout ce que je fais, et ce de mon plein gré, c'est respecter le fait qu'on veuille faire pour le mieux en créant le Bureau du DPP. Je ne suis pas toujours satisfait des changements apportés à la loi, peu importe le gouvernement qui est au pouvoir. Ceci est clair. J'en ai parlé en ce qui concerne la disposition sur l'accès à l'information, mais je ne remonterai pas dans le temps.
Le sénateur Milne : Connaissez-vous les problèmes auxquels se heurtait le commissaire dans l'application de la Loi électorale du Canada? Le projet de loi règle-t-il ces problèmes?
M. Kinglsey : Non. Il ne contient aucune disposition sur des éléments qui auraient pu poser des problèmes au commissaire. Bien entendu, j'aurai d'autres occasions de formuler des recommandations à ce propos au Parlement, mais je peux vous dire que le projet de loi ne règle pas tous les problèmes.
Le sénateur Milne : À la page 3 de votre mémoire, vous parlez d'une modification qui vous inquiète; vous dites que le public va avoir de nouveaux droits d'accès à l'information. À part l'accès protégé à l'article 540, quels sont les autres droits d'accès que les Canadiens vont obtenir si cette partie du projet de loi C-2 est mise en œuvre?
M. Kingsley : En effet, ils vont avoir accès à tous les documents qu'Élections Canada a en sa possession, à tout ce qui a été fait dans le passé sur quoi nous avons toujours un dossier. Ces renseignements n'étaient pas accessibles avant. À mon avis, c'est l'une des incidences du projet de loi sur l'accès à l'information, puisqu'il aura un effet rétroactif. C'est une partie de la loi qui a un effet rétroactif.
Le sénateur Milne : Cette partie de la Loi électorale du Canada est supprimée par le projet de loi C-2.
M. Kingsley : La protection qui s'appliquait à divers documents, aux documents électoraux en particulier, est effectivement retirée. Ainsi, j'exhorte le comité à recommander fortement que cette protection soit rétablie par modification de la Loi sur l'accès à l'information — ce serait là à mon avis un changement en règle.
Le sénateur Milne : Quelle est votre opinion sur la mise en œuvre des restrictions à la publicité faite par un tiers pendant une période électorale?
M. Kingsley : Tout le régime des tiers se trouve dans la loi et il continuera de s'appliquer, puisqu'il a été examiné sous tous les angles par toutes les instances judiciaires du Canada, y compris la Cour suprême, et qu'il a été jugé constitutionnel. Personnellement, j'en suis très heureux.
[Français]
Le sénateur Joyal : Nous sommes toujours heureux de recevoir M. Kinsgley au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Voilà pourquoi mes questions se concentreront sur la partie constitutionnalité des dispositions qui touchent à la Loi électorale du Canada. Je voudrais peut-être poursuivre là où mon collègue le sénateur Baker a laissé. Lorsque vous avez suggéré que des périodes de temps à l'intérieur desquelles des poursuites pouvaient être engagées et devaient se prolonger jusqu'à dix ans, avez-vous évalué l'impact de cette disposition eu égard de la Charte et des décisions qui avaient été prises traditionnellement par les tribunaux canadiens, en particulier la Cour suprême, sur les poursuites tardives?
M. Kingsley : Dans la mesure du possible, lorsque j'ai fait mes recommandations, j'en ai tenu compte. Toutefois, il faut se rappeler que tout projet de loi reçoit l'assentiment du ministère de la Justice Canada en ce qui a trait à la constitutionnalité. Tout ce que je fais, même lorsque je fais des recommandations, je le fais en fonction de la Constitution, mais je ne dispose pas des mêmes outils que ceux du ministère de la Justice pour faire le même genre d'études.
Le sénateur Joyal : Vous vous en remettez à la certification finale du ministère de la Justice eu égard aux demandes ou propositions d'amendement à la loi que vous faites?
M. Kingsley : Justement. Advenant qu'il y ait considération qui lui soit attribuée quand je fais des recommandations. Toutes mes recommandations ne reçoivent pas toujours l'assentiment des autorités.
Le sénateur Joyal : Il se pourrait que certaines des recommandations que vous faites — je vous donne le bénéfice du doute —, lorsqu'elles sont évaluées au fond eu égard aux implications qu'elles pourraient avoir face à la Charte canadienne des droits et libertés, soient en contravention de la Charte?
M. Kingsley : Cela ne s'est jamais produit depuis que j'occupe ce poste et cela fait 16 ans déjà.
Le sénateur Joyal : La décision de la Cour suprême, dans la cause de Figueroa, selon laquelle un parti politique pouvait s'enregistrer avec un seul candidat, ne faisait pas partie d'une de vos recommandations; c'était une recommandation du ministère de la justice?
M. Kingsley : Non, parce que la loi existait à propos des 50 candidatures quand je suis entré en fonction. Je n'ai jamais fait de recommandation pour modifier ce nombre.
Le sénateur Joyal : Il se peut donc, en pratique, que des dispositions soient introduites pour amender la Loi électorale du Canada et qui sont non constitutionnelles, sans que vous ayez eu la capacité d'en mesurer l'impact pratique sur le système?
M. Kingsley : C'est possible. C'est la raison pour laquelle le sénateur Baker référait à un jugement que la cour a porté sur une cause en particulier et où une section a été jugée inconstitutionnelle. Cela arrive régulièrement que des sections de la loi sont jugés inconstitutionnelles, et sur lesquelles je ne me suis pas attardé.
Le sénateur Joyal : Prenons l'exemple des petits partis politiques. Vous avez peut-être eu l'occasion de prendre connaissance du témoignage des petits partis politiques que nous avons entendus, il y a maintenant dix jours. Certains ont fait valoir l'impact négatif qu'allaient avoir pour eux des dispositions actuelles du projet de loi C-2, eu égard à la réduction au montant de 1 000 $ de contribution.
Madame Vézina a tantôt démontré, lorsqu'elle a fait une analyse d'impact, un impact négatif pour les petits partis politiques d'environ 160 000 $. Les allégations que les petits partis ou les représentants de plusieurs petits partis ont fait à ce comité il y a deux semaines, selon lesquelles ils allaient subir un impact négatif de l'application de cette réduction, sont donc réelles. Ceci dans le contexte où l'on joint à cet impact négatif le fait que le projet de loi C-24 ne leur permet pas d'avoir accès au financement public s'ils n'ont pas atteint un pourcentage de 2 p. 100 au niveau national ou de 5 p. 100 au niveau local. Ils sont alors doublement frappés par les applications du projet de loi C-2. Par conséquent, leur conclusion suggérant de contester la constitutionalité de cette loi est réelle.
M. Kingsley : J'imagine que cette conclusion est réelle. Il faut se rappeler aussi qu'ils ont déjà porté devant les tribunaux la question des seuils de 2 p. 100 et de 5 p. 100. La Cour suprême a déjà manifesté son attachement, si je peux le nommer ainsi, aux petits partis. On verra comment il en sera décidé.
Si jamais, par le truchement des cours, il y avait jugement en faveur des petits partis pour réduire à néant les seuils, il y aurait quelque 200 000 $ par année qui leur seraient fournis par le truchement du 1,75 $ indexé que je remets aux partis chaque année, en fonction des votes lors du dernier scrutin. Ce serait donc un ajout de fonds annuellement et pas seulement pour une campagne.
Puisqu'on parle également de mes recommandations, j'aimerais vous parler d'une recommandation que j'ai faite visant à allouer un temps d'antenne gratuit, durant les heures de grande écoute, de 60 minutes par radio et télédiffuseur, qui serait également réparti durant le temps de grande écoute entre tous les partis enregistrés. Celui-ci aurait une valeur marchande de 500 000 $ pour chaque parti qui en profiterait.
Je sais que le gouvernement est en train de considérer cette recommandation puisque le comité parlementaire de la Chambre des communes a dit qu'il était en faveur de la mise en œuvre d'une telle recommandation. Je le mentionne car cela a un impact sur le financement de tous les partis évidemment, puisque 500 000 $ c'est beaucoup d'argent, et ceci à chaque élection.
Le sénateur Joyal : Avez-vous souligné ou transmis au ministère de la Justice Canada le fait que les petits partis politiques seraient affectés par le projet de loi C-2, eu égard à la réduction du financement et que cela pourrait éventuellement être un élément important dans la prise en considération de la constitutionnalité ou du respect de la Charte d'autres dispositions de la Loi électorale du Canada?
M. Kingsley : Comme vous le savez, le directeur général des élections relate au gouvernement par le truchement du ministre désigné à cette fin.
Le sénateur Joyal : C'est le président du Conseil privé.
M. Kingsley : C'est le leader à la Chambre. C'est par le truchement de celui-ci que je transmets régulièrement ce genre de renseignement au gouvernement.
Le sénateur Joyal : Pour être plus précis, avez-vous transmis au leader du gouvernement en Chambre un renseignement soulignant que la réduction de 5 000 $ à 1 000 $ pour le financement des petits partis politiques pouvait avoir un impact négatif sur les partis politiques — je parle d'un renseignement qui aurait été constaté par les études de chiffres que vous avez faites — et que, par conséquent, cela pourrait se répercuter sur la constitutionnalité d'autres dispositions de la Loi électorale du Canada?
M. Kingsley : Les renseignements que j'ai partagés sont de nature semblable à celle des renseignements que je vais partager avec le comité; c'est-à-dire l'impact sur les partis si le monde demeurait statique en fonction du projet de loi. C'est le même genre de renseignements que je vais vous transmettre ici.
Le sénateur Joyal : Vous ne tirez donc pas de conclusion définitive sur la constitutionnalité des modifications qui sont proposées eu égard à votre pratique ou à votre expérience de la loi électorale et des décisions antérieures des tribunaux?
M. Kingsley : Je ne l'ai pas fait dans ce cas-ci.
Le sénateur Joyal : Et dans le cas de la prolongation de la période de dix ans pour porter des accusations, l'avez-vous fait?
M. Kingsley : Non, parce que j'ai pensé que c'était constitutionnel.
Le sénateur Joyal : Vous avez présumé que c'était constitutionnel?
M. Kingsley : Je l'ai pensé, je l'ai présumé et je l'espère.
Le sénateur Joyal : On verra ce que les tribunaux pourront en dire. Comme vous le savez, ce n'est pas à vous que je le répéterai, souvent des projets de loi qui sont référés à ce présent comité nous sont référés avec une certification du ministère de la Justice Canada et nous sommes préoccupés par leur impact, eu égard à la Charte. Il s'avère, à l'occasion, que malheureusement les tribunaux en arrivent à d'autres conclusions.
Par conséquent, c'est notre devoir à ce comité de nous demander quels sont les raisons profondes où les allégations qui soutiennent la conclusion de constitutionnalité.
Vous pouvez présumer vous-mêmes que le projet de loi est constitutionnel, puisqu'il est assujetti à la certification du ministère de la Justice Canada. Mais pour nous, ce n'est pas suffisant.
Nous devons aller au-delà de la certification pour voir, eu égard aux implications pratiques que vous-mêmes êtes en mesure d'évaluer, si le projet de loi respecte la Charte ou ne la respecte pas, comme mon collègue le sénateur Baker l'a fait eu égard à la prolongation du temps ou encore les partis politiques eu égard à l'impact négatif dont ils subissent les effets dans une modification comme celle-là.
M. Kingsley : J'ai toujours reconnu que vous jouiez très bien votre rôle à ce comité, sous la férule du sénateur Milne précédemment et sous celle du sénateur Oliver présentement. Je reconnais que c'est votre rôle et je n'ai aucune difficulté avec cela. C'est pour cela que je m'apprête toujours à répondre à vos questions de façon honnête.
[Traduction]
Le sénateur Campbell : Je suis un peu confus en ce qui concerne le montant des contributions et la période visée. Supposons que je donne 1 000 $ à un parti politique et encore 995 $ pour participer au congrès. Si ce projet de loi entre en vigueur, est-ce que je serai autorisé à faire une autre contribution de 1 000 $?
M. Kingsley : Non.
Le sénateur Campbell : Pourquoi?
M. Kingsley : Parce que la nouvelle limite est de 1 000 $.
Le sénateur Campbell : La nouvelle limite s'appliquera dès que la loi sera promulguée. Est-ce exact?
M. Kingsley : Mais vous avez déjà fait un don pendant l'année civile.
Le sénateur Campbell : Il y a quelque chose que je ne comprends pas, parce que nous avons parlé du fait que la loi ne pouvait pas être rétroactive et pourtant, elle va l'être cette année-là. En ce moment, je peux donner 5 000 $ par année civile. C'est bien cela?
M. Kingsley : Oui, vous pouvez donner 5 000 $, plus 400 $ compte tenu de l'indexation.
Le sénateur Campbell : Je respecte les règles actuelles, mais soudainement, une nouvelle loi entre en vigueur. Cette nouvelle loi ne s'applique-t-elle pas à partir de cette date? Je ne comprends pas l'idée de rétroactivité. D'une part, vous me dites que c'est tant pis que j'ai déjà donné au cours de cette année et d'autre part, vous me dites qu'il n'y a pas de rétroactivité. J'ai fait une contribution conformément aux règles existantes, mais la nouvelle règle entre soudainement en vigueur. Je ne comprends pas pourquoi je ne peux pas donner 1 000 $ de plus, conformément aux nouvelles règles, si ce système n'est pas rétroactif.
M. Kingsley : Je comprends pourquoi il peut y avoir de la confusion, mais c'est ma meilleure interprétation du projet de loi tel que je le lis. Je pense que c'est la différence entre « rétroactif » et « rétrospectif ». La loi va s'appliquer à l'année en cours, de sorte que l'on ne pourra pas verser plus de 1 000 $ pendant l'année, mais si vous avez déjà fait une contribution quand la loi vous permettait de verser 5 400 $, vous pouvez l'avoir déjà versée. À partir de cette date, lorsque la loi va entrer en vigueur au pays, vous ne pourrez plus dépasser le seuil de 1 000 $ pour la totalité de l'année. Vous ne pourrez pas contribuer au-delà des 5 400 $ ou des 4 400 $ que vous avez déjà donnés. C'est la façon dont nous interprétons le projet de loi, c'est la façon dont tout le monde qui participe à cette étude interprète la loi.
Le sénateur Campbell : Je suis bien triste de ne pas être allé à l'école de droit.
M. Kingsley : Je suis aussi triste que vous, monsieur. Je ne suis jamais allé à l'école de droit non plus.
Le sénateur Milne : Supposons que j'ai donné 4 400 $ au Parti libéral du Canada cette année. Supposons ensuite que le projet de loi C-2 est adopté et que je participe au congrès, donc que je verse 995 $ au Parti libéral du Canada parce que j'ai le droit d'y aller en tant qu'ancienne déléguée officielle. Vous me dites maintenant que je ne peux pas y aller.
M. Kingsley : Si vous avez déjà donné 5 400 $, non, vous ne pouvez pas y aller.
Le sénateur Milne : Et si j'ai donné 4 400 $?
M. Kingsley : Vous pouvez y aller si vous payez avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-2, mais vous ne pourrez pas y aller si vous payez plus tard. Ce n'est pas de ma faute. Je ne dis pas que je suis d'accord. Ce sont les dispositions du projet de loi.
Le sénateur Campbell : Vous ne pouvez pas en recevoir le blâme.
M. Kingsley : Ce n'est pas à moi de le faire.
Le sénateur Milne : C'est une impasse, un « catch-99 », comme on dit en anglais, ou comme le sénateur Stratton l'a souligné, un « catch-995 ».
Le sénateur Stratton : Oui, il faut inclure le coût de votre congrès.
Le sénateur Milne : C'est une lacune dans ce projet de loi, à mon avis, parce qu'il ne devrait pas entrer en vigueur avant le début de l'année civile suivante.
M. Kingsley : C'est évidemment le type de chose dont ce comité devra juger.
Le sénateur Day : Premièrement, au nom de nous tous qui sommes ici, j'aimerais féliciter M. Corbett de sa nomination au poste de commissaire aux élections fédérales. Je félicite aussi M. Kingsley d'avoir choisi un ancien de l'école de droit de l'Université Queen's. Je pense que c'est un excellent choix. Monsieur Corbett, nous voulions vous présenter le sénateur Baker plus tôt. Nous sommes ravis que vous puissiez vivre cette expérience.
M. Corbett : J'en suis très heureux.
Le sénateur Day : Au sujet des frais de participation aux congrès, j'aimerais avoir une précision. Le fait qu'un parti politique X réalise ou non un profit après toutes les dépenses d'un congrès change-t-il votre interprétation de cet article pour déterminer si l'on devrait les considérer comme des dépenses politiques?
M. Kingsley : Comme une personne plus célèbre que moi l'a déjà dit : le profit n'a rien à voir là-dedans.
Le sénateur Day : Nous avez-vous dit quelles pourraient être les sanctions applicables à un parti politique qui contrevient au règlement pour un congrès?
M. Kingsley : Non. Je vais vérifier tout de suite pour voir si nous pouvons vous répondre avant la fin de la séance; sinon, nous allons devoir vous répondre ultérieurement.
Le sénateur Day : J'ai quelques autres questions. Certains d'entre nous pourraient vouloir savoir s'il y a des sanctions et en quoi elles pourraient consister.
Chacun d'entre nous a eu l'occasion de faire l'éloge et d'être très fier du rôle de votre ministère dans l'administration de la Loi électorale du Canada. Cette loi est extrêmement importante pour le Canada; il est important que vous restiez très indépendants, et c'est le cas. Dans d'autres parties du monde, on prend ce modèle en exemple. Monsieur Kingsley, vous êtes un haut fonctionnaire du Parlement. Le Parlement doit adopter une résolution (et il s'agit de tout le Parlement et non seulement du parti politique qui se trouve au pouvoir) pour que vous soyez nommé et vous ne pouvez être démis de vos fonctions que par résolution du Parlement, ce qui vous donne cette indépendance importante.
M. Kingsley : C'est exact.
Le sénateur Day : Par conséquent, toutes les personnes que vous nommez, y compris le commissaire, travaillent avec la même indépendance non partisane, parce qu'il est extrêmement important que le public ait confiance en votre indépendance et en l'intégrité de votre bureau.
Prenons le nouveau poste proposé pour la gestion des poursuites, soit le poste de directeur des poursuites pénales. Avez-vous eu l'occasion de voir comment ce directeur sera nommé?
M. Kingsley : Je crois que c'est défini dans le projet de loi.
Le sénateur Day : Saviez-vous que le projet de loi C-2, qui n'a pas encore été adopté et qui pourrait être modifié, dicte que le procureur général, un ministre du gouvernement au pouvoir, choisit la liste des personnes parmi lesquelles cette personne sera choisie? Ce petit comité qui est établi choisit trois personnes parmi une liste de dix. Il y a un risque très réel d'interférence politique dans le choix du directeur des poursuites pénales. Cette personne est la plus haut placée pour déterminer s'il y aura poursuite et intenter cette poursuite en vertu de la loi établie en 1927 qui prescrit l'indépendance de votre ministère.
Cela vous rend-il mal à l'aise?
M. Kingsley : Pas plus que je ne l'ai déjà dit au sénateur Milne aujourd'hui, monsieur.
Le sénateur Day : Je ne vois pas d'objection à ce que vous le disiez deux fois.
M. Kingsley : Avec toute la subtilité dont je suis capable, je pense l'avoir déjà fait.
Le président : C'est l'avocat en lui. Il veut que ce soit consigné au compte rendu.
Le sénateur Day : Je voulais vous demander une précision sur un point parce que je n'étais pas certain d'une chose. Dans vos observations, vous avez gentiment laissé entendre que le comité pourrait vouloir s'assurer que la protection prévue à l'article 540 de la Loi électorale du Canada interdit expressément l'accès aux documents électoraux actuellement. Je n'étais pas certain de ce que vous vouliez dire par « documents électoraux ».
M. Kingsley : Il y a notamment les bulletins de vote.
Le sénateur Milne : Le public aurait accès à la boîte de scrutin?
M. Kingsley : Pas pendant l'élection, mais après. Si des personnes voulaient voir le contenu des urnes plusieurs années après une élection, il pourrait en faire la demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Selon la structure de ce projet de loi, si les recommandations présentées ici ne se concrétisent pas, le public gagnera l'accès à ces documents.
Le sénateur Day : Tous ces formulaires qui sont remplis, les bulletins de vote par anticipation et les documents des agents, tous ces renseignements deviendront accessibles si nous ne suivons pas votre recommandation de maintenir cette disposition?
M. Kingsley : Tout à fait. En ce moment, ces documents sont tous accessibles sur ordonnance d'un juge lorsqu'une élection est contestée. Ces documents seront accessibles, selon la façon dont cette loi se lit actuellement, si l'on ne suit pas la recommandation que j'ai faite. C'est mon interprétation du projet de loi sous sa forme actuelle.
Le sénateur Day : Nous vous sommes reconnaissants de porter ce fait à notre attention. Il y a tellement de choses dans ce projet de loi, que nous avons peut-être regardées trop vite.
Il y a plusieurs dispositions de la Loi électorale du Canada qui prescrivent des mécanismes d'accès. Cette loi existe depuis longtemps. J'aimerais bien l'examiner de nouveau du point de vue de l'intégrité pour en vérifier l'impartialité, la neutralité.
Nous avez-vous recommandé que la Loi sur l'accès à l'information s'applique et nous avez-vous dit qu'il n'y avait pas suffisamment de documents accessibles en vertu de cette loi-ci, de la Loi électorale du Canada?
M. Kingsley : Un moment donné, comme toute l'idée d'élargir l'accès à l'information en vertu de la Loi électorale du Canada circule depuis quelques années, nous avons formulé une recommandation assez publique, et c'est avec plaisir que je vous le rappelle. Nous pouvons même en faire parvenir des exemplaires au comité. Nous avons pris la Loi électorale du Canada elle-même et avons recommandé d'y ajouter quelques articles sur des documents qui devraient être accessibles en vertu de la Loi électorale du Canada à notre avis, en plus de ceux qui le sont déjà. Autrement dit, nous avons agi conformément aux dispositions de la loi intitulée Loi électorale du Canda pour éviter qu'une tierce personne doive intervenir pour autoriser l'accès à certains documents. C'est ce que nous avons recommandé à l'ancien gouvernement, nous le recommandons depuis des années. C'était une façon de faire, et l'autre vous est présentée ici. Encore une fois, c'est pour le bien public et pour élargir l'accès à l'information. En suivant la recommandation que j'ai faite, je pense que nous réussissons à créer un mécanisme équitable.
Le sénateur Day : Toutefois, nous pourrions parvenir au même résultat de la façon que vous avez recommandée, soit par l'administration, par vous, de la Loi électorale du Canada. Vous êtes un haut fonctionnaire du Parlement qui administre la Loi électorale du Canada. S'il faut élargir l'accès à l'information, nous pourrions le faire par modification de la Loi électorale du Canada.
M. Kingsley : C'est exactement ce que je me disais. C'est la raison pour laquelle j'ai fait une série de recommandations en ce sens par le passé.
Le sénateur Day : À la place, nous avons des règles de divulgation parmi les dispositions sur l'accès à l'information contenues dans la Loi électorale du Canada, et le commissaire à l'information administre une autre Loi sur l'accès à l'information, mais il pourrait y avoir des conflits comme ceux que vous portez à notre attention à la lumière de l'article 540.
M. Kingsley : Exactement.
Le sénateur Day : Y a-t-il d'autres modifications dont vous ne nous avez pas parlé ce matin et qui pourraient être bénéfiques à votre avis?
Le président : Monsieur Day, puis-je me permettre de vous interrompre? Il y a deux sénateurs qui auraient des questions à poser dans la lignée de votre dernière question.
Le sénateur Day : Je n'y vois pas d'objection.
Le sénateur Milne : Si je comprends bien cette disposition sur l'accès aux bulletins de vote, même, n'importe qui pourrait demander l'accès aux bulletins de vote tant d'années plus tard dans une circonscription. Cela comprend également l'accès au vote militaire dans cette circonscription. Ce peut être une circonscription où il y a un très petit pourcentage de soldats. Cela s'approche dangereusement de l'identification des électeurs.
M. Kingsley : C'est un effet possible. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai fait la recommandation que j'ai faite.
Le sénateur Milne : C'est très grave.
Le sénateur Joyal : J'aimerais présenter la chose sous l'angle constitutionnel. L'article 3 de la Charte des droits et libertés, qui porte sur les droits démocratiques, reconnaît le caractère secret du vote. Tout citoyen est en droit de voter secrètement. Si l'on adopte un amendement qui a pour conséquence inintentionnelle de compromettre le caractère secret du vote, c'est un problème très grave. Avez-vous évalué l'incidence de ce changement à vos façons de faire sur le caractère secret du vote?
M. Kingsley : Bien entendu, nous avons tenu compte de toute l'incidence possible, sans entrer dans tous les petits détails, et c'est pourquoi j'ai fait la recommandation que j'ai faite, monsieur le sénateur. Je ne peux pas vous dire comment nous avons évalué cette incidence précise. J'en suis venu à la conclusion que l'accès aux bulletins de vote n'était pas, en soi, une bonne idée, à moins qu'un juge ne l'ordonne ou que ce soit la conclusion d'un examen que j'ai commandé pour déterminer si l'on pouvait améliorer la loi. Un autre article m'y donne accès en tant que directeur général des élections. Nous ne nous sommes pas demandé si ces dispositions avaient une incidence constitutionnelle. La perspective que vous apportez nous porte évidemment à appuyer encore plus la position que j'ai prise à la lumière des modifications, y compris celles à l'annexe II, aux articles de la loi qui portent sur le nombre de documents qui sont qualifiés de documents électoraux.
Le sénateur Joyal : Autrement dit, elles pourraient avoir des incidences du point de vue de la Charte pour ce qui est du droit des citoyens de garder leur vote secret.
M. Kingsley : En gros, oui. Les cas où cette éventualité pourrait se réaliser ne sont pas très nombreux, mais nous devons nous préoccuper du cas de la personne que cela toucherait.
Le sénateur Joyal : C'est la Charte.
M. Kingsley : Nous devons nous préoccuper de cette personne. C'est pourquoi, sans entrer dans tous les détails de cet article, j'ai fait la recommandation que j'ai faite.
Le sénateur Stratton : J'ai une autre question. Les fonctionnaires du Conseil du Trésor affirment que les dispositions actuelles de la Loi sur l'accès à l'information empêcheraient la divulgation des bulletins de vote, parce qu'il s'agit de renseignements personnels.
Le sénateur Day : Savez-vous de quel article il s'agit?
Le sénateur Stratton : C'est la réponse des fonctionnaires du Conseil du Trésor.
Le sénateur Day : Savez-vous de quel article il s'agit?
Le sénateur Stratton : Je dis simplement qu'il s'agit d'un article de la Loi sur l'accès à l'information. Je n'en ai pas le no.
Le président : Le commissaire à l'information va comparaître devant ce comité un peu plus tard.
Le sénateur Day : Peut-être devrions-nous attendre d'avoir plus de détails.
Le sénateur Stratton : Avant de sauter au plafond à propos de cette question, nous devons l'examiner d'un peu plus près. Je crois que cette protection existe déjà. On vient de me dire de quel article il s'agit, c'est l'article 19 de la Loi sur l'accès à l'information. Nous devons analyser un peu plus la situation.
M. Kingsley : Je dois aussi vous dire que ce n'était pas le fondement de ma recommandation. C'est l'accès aux documents électoraux en soi qui m'inquiète et que je déplore. Mon inquiétude ne vient pas de la question de savoir si le caractère secret du vote serait compromis.
Le président : Merci de cette précision.
Le sénateur Day : Madame Davidson, vous deviez nous dire si vous avez de l'information sur les sanctions applicables à la non-déclaration des dépenses de congrès.
Diane R. Davidson, sous-directrice générale des élections et première conseillère juridique, Élections Canada : La responsabilité de les déclarer incombe à l'agent principal, et la non-déclaration des contributions reçues, le cas échéant, expose les contrevenants à une peine maximale de 5 000 $ ou de cinq ans d'emprisonnement. C'est la peine maximale. Il y a beaucoup de dispositions qui pourraient être examinées dans cette loi, comme celles sur les donateurs, s'ils ont agi en connaissance de cause, et cetera Je mets ici l'accent sur la non-déclaration.
Le sénateur Baker : Je rappellerais simplement au témoin que dans les affaires les plus récentes, ce n'est pas seulement l'agent officiel qui a été accusé, mais également le candidat. Dans l'affaire que j'ai mentionnée il y a quelques instants, le fait de savoir ce qui était arrivé, que cela faisait partie des transactions, entrait en ligne de compte. Cela ne touche pas seulement la personne responsable de l'argent.
Le sénateur Day : Il fallait déterminer si la personne faisait partie de la conspiration.
Le sénateur Baker : Oui, on vise la personne. Ce sont d'assez bonnes dispositions.
Le sénateur Day : J'ai deux autres petites questions, si vous me les permettez.
Pour commencer, avez-vous calculé la durée moyenne des enquêtes et de la préparation de rapports sur des questions comme la non-déclaration de certaines dépenses?
M. Kingsley : Nous ne l'avons pas encore calculée. Il faudrait que je revoie le dossier pour déterminer s'il y a une durée normale qu'on peut établir. Le commissaire et moi avons convenu d'établir des lignes directrices pour que les règles soient bien claires. Je sais que vous pensez à un cas en particulier, mais ces lignes directrices seront établies dans un avenir rapproché, sur la base de son expérience et de notre entente. Pour le moment, je ne peux pas vous en dire plus. Je n'ai pas encore d'information.
Le sénateur Day : Monsieur Kingsley, vous allez comprendre notre empressement à déterminer s'il faut modifier le projet de loi que nous sommes en train d'étudier. Il semble y avoir une dissidence claire quant à son interprétation. S'il faut adopter un amendement, c'est le temps de le faire pendant que nous examinons le projet de loi. C'est pourquoi je vous demande quand, si vous meniez enquête, nous pourrions nous attendre à une décision qui nous guiderait.
M. Kingsley : Nous ne voyons pas la nécessité de modifier la loi.
Le sénateur Day : Nous serons plus en mesure d'en juger lorsque nous connaîtrons votre décision, monsieur. C'est notre travail.
M. Kingsley : Ma décision ne sera pas nécessairement pertinente. Tout va dépendre des facteurs. Je ne veux pas entrer plus dans les détails. Tout ce que je vais dire au comité, c'est que le Bureau du directeur général des élections ne voit pas la nécessité d'amender le projet de loi au sujet des frais de participation à des congrès pour l'instant.
Le sénateur Day : Vous estimez que c'est assez clair, n'est-ce pas?
M. Kingsley : En effet. Je l'ai expliqué directement dans mes notes, ici.
Le sénateur Day : C'est vrai.
Vous nous avez beaucoup aidés grâce à votre recommandation de modifier l'article 540 de la Loi électorale du Canada. Avez-vous d'autres recommandations pouvant avoir une incidence sur l'une des questions abordées dans le projet de loi C-2 à nous faire?
M. Kingsley : S'il y en avait, je vous les aurais présentées. S'il fallait apporter d'autres changements, je vous l'aurais dit aussi. Autrement, je ne ferais pas mon travail à ma satisfaction.
Le sénateur Baker : J'aimerais féliciter M. Kingsley pour son excellent personnel et pour la nomination de M. Corbett, un excellent ajout à son personnel. J'aimerais vous poser une question sur M. Corbett.
Il est écrit dans le projet de loi à l'étude que si le commissaire a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction à cette loi a été commise, il renvoie l'affaire au DPP. Si le DPP décide d'engager des poursuites, il est écrit que le commissaire fait déposer une dénonciation sous serment, ce qui correspond, comme tout le monde le sait, à un affidavit. L'affidavit commencera comme suit : « Je jure solennellement que j'ai des motifs raisonnables et probables de croire [...] »
Y a-t-il une différence entre des motifs « raisonnables » et des motifs « raisonnables et probables », selon la grande expérience de M. Corbett comme procureur?
M. Corbett : Non, il n'y a pas de différence. Si l'on prend l'ancienne loi anglaise, au début, on utilisait le mot anglais en développement et le mot d'origine française comme par exemple « reasonable and probable grounds » et « to have and to hold », toutes sortes d'expressions en droit. Il a fallu du temps pour en arriver là, mais en droit pénal, on ne dit plus que « reasonable grounds » ou « motifs raisonnables ».
Le sénateur Baker : Cela met les choses au clair : excellente réponse.
Le sénateur Campbell : On utilise encore « to have and to hold ».
M. Corbett : Surtout si l'on est payé au mot! Avoir des « motifs raisonnables » signifie en droit de se fonder sur une probabilité crédible. On a des preuves et on a fait une évaluation qui semblent authentiques.
Le sénateur Baker : La seule raison pour laquelle je posais cette question, c'était pour que M. Corbett admette qu'il part du fait qu'il doit avoir des motifs raisonnables pour porter des accusations et pourtant, il doit s'en remettre au DPP, qui décide ensuite s'il fera déposer une dénonciation sous serment. Est-ce exact, monsieur Corbett?
M. Corbett : C'est exactement cela.
Le sénateur Zimmer : Monsieur Kingsley, j'aimerais avoir une précision. J'ai posé une question, tout comme les sénateurs Milne et Campbell, mais je pense avoir entendu une réponse différente. Voici ma question : si une personne fait le don maximal avant un congrès, c'est-à-dire qu'elle verse 5 400 $ pour un an, que la loi entre en vigueur ensuite, puis que la personne participe au congrès sous le régime de la nouvelle loi — pas de l'ancienne — et qu'elle verse 1 000 $ de plus pour y participer, cette personne aura-t-elle donné 6 400 $ cette année-là?
M. Kingsley : Oui, monsieur.
Le sénateur Zimmer : Les deux lois seront donc interreliées; autrement dit, la nouvelle loi n'annulera pas l'ancienne, n'est-ce pas?
M. Kingsley : Elle n'annulera pas la contribution versée en vertu de l'ancienne loi. Celle-ci doit être prise en compte.
Le sénateur Zimmer : Pour cette année-là.
M. Kingsley : Cependant, on ne peut pas en tenir compte au sens où rétroactivement, on pourrait dire à une personne : « Vous avez donné 5 400 $, la nouvelle limite est de 1 000 $, vous êtes donc coupable d'infraction parce que la loi a changé. » On ne peut pas le faire, mais les sommes versées jusqu'à cette date seront prises en compte. Selon ma vision des choses, il y aura une continuité entre les deux lois, si celle-ci est adoptée et entre en vigueur avant le 31 décembre 2006.
Le sénateur Zimmer : Si elle entre en vigueur au début de l'année, l'ancienne loi ne sera pas touchée.
M. Kingsley : Si elle entre en vigueur exactement le 1er janvier, non.
Le sénateur Stratton : J'aimerais revenir à ce qui nous attend. Je suis très inquiet de vos prédictions. J'étais en République du Congo pendant la première élection au pays depuis plus de 40 ans. Ce fut une expérience fabuleuse. Il y avait 33 candidats à la présidence et dans une circonscription, il y avait 250 candidats à un poste à la Chambre des représentants qu'on trouve là-bas. Il était extraordinaire de les voir évoluer dans cette élection, compte tenu que c'était leur première depuis plus de 40 ans.
Transposons cette situation à celle du Canada : si l'on optait pour la représentation proportionnelle ou la suppression d'un seuil, on assisterait à la prolifération des petits partis. Au Congo, où il y a eu 250 candidats dans une circonscription et 33 candidats à la présidence, on sait qu'avec le temps, il y aura moins de partis, parce que les plus petits partis vont s'unir pour accéder au pouvoir, comme ils le voudraient tous.
Au Canada, si l'on éliminait ce seuil, d'après ce que nous ont dit les représentants des petits partis qui ont témoigné devant ce comité — nous avons par exemple rencontré des gens du Parti communiste du Canada, du Parti marxiste- léniniste du Canada, du Parti Vert du Canada et de l'Animal Alliance Environment Voters Party of Canada, entre autres —, il pourrait y avoir jusqu'à quinze partis représentés. Pourtant, lorsqu'on fait les calculs, on se rend compte qu'on a déjà cinq ou six très petits partis en plus des grands partis. Ce chiffre est de huit ou neuf déjà.
Je me demande ce qui va arriver au débat à l'avenir si l'on élimine le seuil existant, comme cela risque d'arriver. Qu'allons-nous faire pour répartir également le temps devant les médias? À votre avis, comment pourrions-nous gérer ce type de situation?
M. Kingsley : Pour commencer, il y a actuellement quinze partis enregistrés, et ce chiffre n'a pas changé depuis plusieurs années. Les modifications apportées à la loi, comme je l'ai déjà dit, n'ont pas mené à la prolifération des partis, malgré les avantages associés au statut de parti, probablement en raison de certains fardeaux qui demeurent pour qu'un parti devienne un parti.
Par exemple, il faut tenir compte du mécanisme d'enregistrement, qui exige 250 signatures authentiques d'électeurs. Les partis sont tenus de faire rapport ponctuellement de leurs finances à Élections Canada. De plus, le chef du parti doit fournir une attestation au directeur général des élections sur la constitution du parti et les obligations qui s'appliquent pour qu'il soit un véritable parti politique. Il y a aussi un mécanisme de radiation, qui peut faire l'objet de poursuites devant les tribunaux, par l'intermédiaire du commissaire, si le directeur général des élections est informé qu'un parti n'est plus véritablement un parti.
Il y a des mesures de sécurité intégrées dans le système, qui visent à nous protéger contre ce type de choses. Je pousserais même l'audace jusqu'à dire, grâce à notre expérience internationale, que le manque d'expérience politique d'autres pays leur coûte très cher lorsqu'ils tentent d'accéder à la démocratie. Ce n'est pas le cas ici. Nous avons l'avantage de vivre en démocratie depuis longtemps, depuis la création du pays en fait.
Nous avons déjà craint qu'une nouvelle situation n'engendre la prolifération des partis, mais cela n'a pas été le cas. J'ai confiance que ce ne serait pas le cas non plus si les tribunaux décidaient de modifier les seuils actuels de 2 et de 5 p. 100 de façon à donner accès à ces partis au versement de 1,75 $ indexé par vote. Il ne s'agit pas d'une somme renversante, puisqu'ils se partageraient environ 200 000 $ chaque année. Je doute que ce soit un grand incitatif. Si nous constatons qu'il y a quoi que ce soit d'étrange qui se produit, évidemment, nous examinerons la situation attentivement. Malgré le fait que ces sommes sont peu élevées, ce sont des deniers publics.
Le président : Monsieur Kingsley, c'est une séance fort intéressante de notre étude sur le projet de loi C-2 qui tire à sa fin. En ma qualité de président, je n'ai habituellement pas la chance de poser des questions, mais pour conclure, j'aimerais vous en poser une seule.
Le témoin qui vous a précédé aujourd'hui nous a dit, en réponse à des questions de divers sénateurs, qu'il ne pouvait pas nous répondre, mais que nous devrions poser ces questions à M. Kingsley et à son équipe de direction. Il a laissé plusieurs questions en suspens.
Il a parlé du traitement des prêts qui sont consentis mais qui ne sont pas remboursés dans un délai raisonnable. Quels sont vos règles, vos usages et vos lignes directrices à cet égard?
M. Kingsley : Mes collègues pourront me corriger, mais si je me rappelle bien, un prêt qui n'est pas remboursé devient une contribution. Par conséquent, si l'on dépasse le plafond et que le prêt n'est pas remboursé, la personne est considérée avoir fait une contribution illégale et s'expose à une poursuite.
Le sénateur Joyal : Au bout de combien de temps?
M. Kingsley : Il y a des exceptions, comme les tentatives authentiques de remboursement, entre autres. Cependant, une décision doit être prise.
Mme Vézina : Pour ajouter à ce que M. Kingsley a dit, la loi prévoit quelques exceptions, et Mme Davidson est en train de les vérifier. Si une personne signe une entente ayant force obligatoire afin de rembourser la somme due, que cette entente prévoit des modalités de paiement et qu'il s'agit d'une transaction commerciale, autrement dit qu'elle porte intérêt et qu'il s'agit d'une condition normale qu'appliquerait n'importe quel créditeur dans des circonstances comparables, alors ce prêt, s'il est remboursé selon les modalités de cette entente, ne sera pas réputé constituer une contribution. Il équivaudrait alors à une créance ou une facture impayée d'un fournisseur. Si le délai est de 60 jours ouvrables et qu'on le respecte, cette somme ne sera pas considérée comme une contribution.
Il existe une disposition déterminative selon laquelle un prêt ou une créance impayé est réputé constituer une contribution s'il n'est pas remboursé 18 mois après avoir été consenti.
Encore une fois, il y a des exceptions, dont celles-ci : il y a une entente de remboursement ayant force obligatoire; il y a un litige en cours à ce sujet; l'affaire est devant les tribunaux; la créance a été annulée conformément aux règles comptables normales d'un créditeur. Il y a une autre condition, mais je ne m'en souviens pas.
Le président : Monsieur Kingsley, au nom de tout le comité, je vous remercie infiniment d'avoir répondu avec tant de franchise aux diverses questions que vous ont posées les sénateurs. Vous nous avez beaucoup aidés dans la poursuite de notre étude du projet de loi C-2.
M. Kingsley : Monsieur le président, j'aimerais vous remercier, vous ainsi que les autres membres du comité. C'est toujours un plaisir pour moi de travailler devant votre comité.
Le président : Merci.
La séance est levée.