Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 10 - Témoignages du 28 septembre 2006
OTTAWA, le jeudi 28 septembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C- 2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation, se réunit aujourd'hui à 9 h 5 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, j'aimerais déclarer ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Il s'agit de notre 23e séance sur le projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation. Ce projet de loi est plus communément appelé projet de loi sur la responsabilité.
Comme le savent les sénateurs, les témoins et les membres du public ici présents ou qui nous regardent à la télévision, ce projet de loi est un élément central du programme du nouveau gouvernement et l'une des plus importantes mesures législatives dont le Parlement a été saisi au cours des dernières années. Le comité accorde à ce projet de loi l'examen approfondi, minutieux et détaillé qu'il mérite. Nous avons déjà consacré 70 heures de séance au projet de loi et entendu 108 témoins. Cette semaine, nous nous penchons sur différents aspects du projet de loi, notamment la dénonciation, les pouvoirs de vérification et l'approvisionnement.
Pour débuter cette séance sur l'approvisionnement, j'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à Ian Bennett, Jane Meyboom-Hardy, Jonathan Higdon et Joe Wild, qui nous viennent de la Direction générale des approvisionnements de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Cette direction générale offre au Canada des services d'acquisition à valeur ajoutée pertinents et rapides, en plus de divers services communs connexes.
[Français]
Le comité tient à vous remercier beaucoup de votre présence. Je vous cède maintenant la parole, et ensuite nous passerons à une période de questions et de discussion qui sera, je sais, très utile pour les membres du comité.
[Traduction]
Ian Bennett, sous-ministre adjoint intérimaire, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Direction générale des approvisionnements : Je suis ravi de vous rencontrer aujourd'hui pour discuter du projet de loi fédérale sur la responsabilité et de son incidence sur les activités du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada. Nous vous sommes reconnaissants de nous fournir l'occasion de présenter cette brève introduction avant de répondre à vos questions.
[Français]
Comme le comité l'a appris, le projet de loi C-2 aura des répercussions profondes à bien des égards, dont certaines touchent directement le mandat de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Le plus important changement vise la partie V de la loi proposée, qui vise à améliorer la responsabilité à l'égard des activités liées aux achats et les marchés du gouvernement fédéral, deux des principales activités du ministère.
[Traduction]
À titre d'organisme principal des achats du gouvernement du Canada, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada gère entre 40 000 et 60 000 transactions par année. En 2004, le ministère a fait l'acquisition de biens et des services d'une valeur d'environ 17 milliards de dollars au nom du gouvernement fédéral, de ses ministères et de ses organismes. Comme vous pouvez l'imaginer, les changements à venir dans le domaine de l'approvisionnement auront de grandes incidences sur notre ministère. Pour mettre en contexte les responsabilités et les activités fédérales en matière d'approvisionnement, je mentionne qu'en 2004, le gouvernement a attribué quelque 416 000 marchés dont environ 95 p. 100 avaient une valeur inférieure à 25 000 $.
Cependant, ce 95 p. 100 du nombre total de transactions ne représente qu'environ 5 p. 100 de la valeur totale des marchés. Pratiquement tous ces marchés de faible valeur sont gérés par les ministères eux-mêmes.
Le système d'achat fédéral est ouvert, transparent et juste. Environ 91 p. 100 de tous les marchés publics sont attribués de manière concurrentielle, et des critères stricts régissent les situations où des marchés peuvent être attribués par voie non concurrentielle. Ces critères comprennent les questions d'intérêt national, comme la sécurité et les urgences, l'existence d'un seul fournisseur en raison de droits de propriété et comme je l'ai mentionné, les marchés d'une valeur inférieure à 25 000 $.
Généralement, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada traite seulement environ 10 p. 100 du nombre total de transactions relatives aux marchés publics, mais ces transactions représentent plus de 90 p. 100 de la valeur totale des marchés et des arrangements en matière d'approvisionnement conclus par le gouvernement.
La Direction générale des approvisionnements de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada s'occupe d'abord des transactions complexes et de grande valeur au nom du gouvernement. Ensuite, elle conclut des arrangements en matière d'approvisionnement auxquels tous les ministères et organismes du gouvernement peuvent accéder et enfin, élabore des politiques et des pratiques opérationnelles sur les achats.
TPSGC ne ménage aucun effort afin d'améliorer et de moderniser ses méthodes d'achat pour accroître son efficacité et s'assurer de prendre les meilleures décisions qui soient pour le gouvernement et les contribuables. Dans le cadre d'un programme de transformation des achats plus général qui se déroule actuellement au ministère, nous adoptons une approche ministérielle — ou pangouvernementale — en matière d'achats. Nous souhaitons également réduire de moitié le temps qu'il faut pour procéder aux achats, réduire de 10 p. 100 le coût de nos achats internes et réaliser des économies de l'ordre de 2,5 milliards de dollars pour le gouvernement.
[Français]
Étant une organisation déterminée à respecter un code d'éthique sans faille dans chacune de ses activités, je peux assurer que le TPSGC accueille favorablement les réformes énoncées dans la Loi fédérale sur la responsabilité. Nous croyons que ces mesures accroîtront davantage la transparence et la responsabilité, qui sont des valeurs inhérentes à un système d'achat équitable, ouvert et accessible.
[Traduction]
La Loi fédérale sur la responsabilité donnera lieu à la création du nouveau poste de vérificateur de l'approvisionnement, dont le mandat consistera à revoir continuellement les pratiques d'approvisionnement à l'échelle du gouvernement afin d'en assurer l'équité et la transparence. Son mandat consistera aussi à recommander des améliorations au ministère visé et à examiner les plaintes des fournisseurs éventuels pour les achats de biens inférieurs à 25 000 $ et les achats de services de moins de 100 000 $. Il examinera aussi les plaintes touchant l'administration des marchés et gérera une méthode alternative de résolution des conflits lorsque ceux-ci surviennent dans le cadre des marchés.
Je tiens à signaler que le vérificateur de l'approvisionnement aura le pouvoir d'examiner des plaintes précises, mais non de recommander l'annulation d'un marché. Bien que nous voulions garantir un traitement approfondi et équitable des plaintes, nous devons assurer l'équité pour tous les soumissionnaires. Il est important de ne pas compromettre l'intégrité du processus d'approvisionnement en fonction d'une seule plainte, qu'elle soit valide ou non. De plus, on entreprend habituellement le processus d'approvisionnement en biens et services selon un échéancier déterminé. Si ce processus devait être interrompu chaque fois qu'une plainte est reçue, il serait difficile pour le gouvernement de répondre à ses besoins en approvisionnement. Le traitement d'une plainte après l'attribution du marché permettra d'effectuer un examen approfondi du processus. Si la plainte s'avérait valide, le vérificateur de l'approvisionnement pourrait, si les circonstances le justifient, recommander des mesures de réparation pour le soumissionnaire. S'il s'agissait d'un problème systémique découlant d'une lacune dans les pratiques d'approvisionnement, le vérificateur de l'approvisionnement pourrait formuler une recommandation en vue de corriger la situation.
Notre objectif est de veiller à l'amélioration continue des pratiques d'approvisionnement du gouvernement. Le vérificateur de l'approvisionnement, qui sera désigné par le gouverneur en conseil, présentera un rapport annuel au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada. Le ministre veillera à ce que l'on dépose le rapport au Parlement.
Dans le cadre du programme de responsabilité, le gouvernement adoptera également un code de conduite pour l'approvisionnement. Ce nouveau code viendra consolider les mesures actuelles touchant les conflits d'intérêts et la prévention de la corruption de façon à prononcer un énoncé global et transparent des attentes exprimées à l'égard des employés et des fournisseurs du gouvernement. On ajoutera également à tous les marchés des dispositions relatives à l'intégrité afin d'exprimer clairement les obligations des entrepreneurs en vertu du Code criminel, de la Loi sur la concurrence et de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, qui consistent, entre autres, à ne pas verser, offrir, demander ou accepter des pots-de-vin; à ne pas recourir à la collusion pour obtenir un marché; à bannir les honoraires conditionnels et à divulguer le montant des commissions et des dépenses versées dans le cadre du marché.
Une pierre angulaire du Plan d'action sur la responsabilité fédérale est la promesse du gouvernement de faire en sorte que la réforme au niveau des approvisionnements ne vienne miner le caractère concurrentiel des petites entreprises de toutes les régions du Canada qui souhaitent obtenir des marchés du gouvernement fédéral. Le Bureau des petites et moyennes entreprises de TPSGC joue un rôle de chef de file pour s'assurer que les entreprises se voient offrir des possibilités équitables de se mesurer à la concurrence, et ce, peu importe leur taille et l'endroit où elles se trouvent.
[Français]
On ne doit pas sous-estimer l'importance de ces efforts. Les petits fournisseurs qui comptent moins de 500 employés contribuent de manière essentielle à l'économie et permettent de satisfaire aux exigences du gouvernement d'une manière novatrice et efficace pour une vaste gamme de biens et de service.
Les petites et moyennes entreprises sont responsables de 43 p. 100 de PIB canadien, d'une grande part de la croissance économique de notre pays, sans compter qu'on y occupe 66 p. 100 de tous les emplois de l'économie et on leur doit 75 p. 100 de la croissance nette du nombre d'emplois. Il est dans le meilleur intérêt des contribuables et des économies régionales à la grandeur du pays de préserver le caractère concurrentiel de ces entreprises qui sont des fournisseurs fiables pour le gouvernement du Canada. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada s'engage à simplifier ses processus pour que ce secteur puisse accéder plus facilement aux marchés publics.
[Traduction]
Les offres à commandes principales et régionales pour les fournitures de bureaux qu'a récemment accordées TPSGC montrent que le ministère facilite l'accès des petites entreprises aux marchés de l'État. Dans le cadre de processus, les marchés accordés aux PME ont augmenté de 150 p. 100 par rapport aux demandes de soumissions antérieures, qui sont passées de 22 à 55. D'ailleurs, le nombre d'entreprises autochtones sous contrat avec le gouvernement fédéral a augmenté aussi.
Dans le but de renforcer davantage nos efforts dans ce domaine, le ministre a récemment annoncé la mise sur pied de six nouveaux bureaux régionaux du Bureau des petites et moyennes entreprises. Ces bureaux offriront un soutien aux PME en plus de leur faciliter l'accès aux marchés publics : en entretenant le dialogue avec les petits fournisseurs à la grandeur du pays dans le but de cerner leurs préoccupations et d'élaborer des solutions possibles; en offrant de l'information et une formation aux PME dans toutes les régions du pays, et ce, avec l'aide des associations industrielles; en modifiant les approches et les politiques d'achat dans le cadre du système d'approvisionnement de façon à permettre aux PME de contribuer de façon plus efficace au respect des exigences gouvernementales touchant les biens et services.
Les aspects du projet de loi C-2 que j'ai abordés aujourd'hui visent à assurer que le processus d'approvisionnement soit libre, équitable et transparent et que les fournisseurs puissent, pour la première fois, exprimer leurs préoccupations en s'adressant à un vérificateur de l'approvisionnement qui bénéficie d'un mandat juridique permettant d'y remédier. Voilà des mesures positives qui complèteront les initiatives en cours à TPSGC.
Le président : Je vous remercie de cet aperçu vaste, détaillé et instructif. Vous avez abordé de nombreuses questions en quelques minutes à peine.
Vous avez dit que pour la première fois, les gens pourraient s'adresser à un vérificateur de l'approvisionnement. Quel recours avaient-ils avant que le projet de loi C-2 n'introduise le concept d'un vérificateur de l'approvisionnement? Où les gens pouvaient-ils aller?
M. Bennett : Il y avait diverses options qui s'offraient aux personnes mécontentes d'une transaction d'achat fédérale. Plus particulièrement, le Tribunal canadien du commerce extérieur, le TCCE, avait le mandat d'entendre toutes les plaintes concernant des transactions d'une certaine valeur et surtout des transactions découlant d'un accord commercial. De plus, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada avait son propre mécanisme de résolution des conflits, et les fonctionnaires se faisaient un devoir de traiter attentivement toutes les préoccupations exprimées par les fournisseurs. Enfin, dès qu'il y avait des allégations d'actes répréhensibles, nous effectuions un suivi grâce à nos programmes de vérification ou à l'information fournie pas les fournisseurs. Nous offrions ces mécanismes aux fournisseurs qui voyaient des problèmes dans le système d'approvisionnement fédéral, mais le rôle du vérificateur fédéral de l'approvisionnement va combler un certain vide. Il va être habilité à examiner les transactions qui se trouvent sous les seuils du TCCE, par exemple, ce qui va fournir un mécanisme consolidé et visible permettant aux fournisseurs d'exprimer leurs préoccupations et de porter plainte.
Le sénateur Mitchell : Monsieur Bennett, je vous remercie de cet exposé très instructif.
L'un des très rares éléments forts de ce projet de loi, c'est l'importance qu'il accorde aux petites et moyennes entreprises en particulier. Je viens de l'Alberta et je vous dirais que dans l'Ouest, et probablement dans l'Est aussi, on met beaucoup l'accent dans l'économie sur les petites et moyennes entreprises. Il arrive souvent qu'en raison des limites de taille, elles sont exclues des marchés qui pourraient les aider à croître, à se diversifier et à bâtir une économie régionale. C'est une bonne chose.
Cela dit, je constate une grande ironie d'un bout à l'autre du projet de loi et certainement dans ce cas-ci. Je sais que vous ne pouvez pas prendre position politiquement, mais je le peux. Je ne peux pas m'en empêcher. Ce projet de loi vient d'un gouvernement conservateur qui semble se fonder sur l'idée qu'il y a toujours trop de présence gouvernementale et que le gouvernement devrait être moins présent. Comme c'est si souvent le cas en politique, il y a des contradictions inhérentes comme celles-ci. C'est certainement le cas ici, parce que la profonde redondance de cet effort est évidente. Vous l'avez expliqué très bien, en réponse à la question du président : toutes les fonctions que ce projet de loi est censé permettre d'assumer le sont déjà. Peut-être comble-t-il un vide en raison de ces seuils, mais l'on pourrait simplement changer les seuils des groupes qui s'en occupent déjà pour résoudre le problème.
Pour vérifier ce qui se passe, nous avons un vérificateur ou une vérificatrice générale, des vérificateurs internes, de nouveaux contrôleurs, ce comité du Sénat, les comités des comptes publics, les comités de la Chambre, les structures de gestion, et cetera. Le gouvernement examine déjà l'approvisionnement de multiples façons. Il y a une question évidente qui se pose : pourquoi cette redondance de fonctions est-elle nécessaire? Ne pourrait-on pas trouver un moyen plus efficace pour combler le vide que vous avez mentionné?
M. Bennett : Monsieur le président, c'est une question très détaillée, et je vais essayer d'aborder quelques-uns de ses éléments principaux. Pour ce qui est du seuil et de la possibilité de l'abaisser, il y a toute une législation composé d'accords commerciaux internationaux qui le régit. De même, on espère que le vérificateur fédéral de l'approvisionnement pourrait régler certains problèmes. Évidemment, les démarches nécessaires pour présenter une affaire devant le TCCE sont énormes parce qu'il y a beaucoup de protocoles à respecter, entre autres. Cela s'applique également à l'accès pour les petites et moyennes entreprises qui sont aux prises avec un problème qui ne mériterait peut- être pas de faire l'objet de toute une démarche quasi judiciaire, mais qui pourraient vouloir porter plainte.
Pour ce qui est de la vérificatrice générale, qui a comparu devant le comité hier, selon mon expérience de fonctionnaire, monsieur le président, la vérificatrice générale a tendance à examiner la mise en oeuvre des programmes, la gestion financière et l'optimisation des ressources. Il est clair que dans le cadre de ses responsabilités, la vérificatrice générale évalue certains aspects des marchés qui touchent la mise en œuvre des programmes. De façon générale, la vérificatrice générale n'examine pas les problèmes horizontaux, systémiques, liés à l'approvisionnement opérationnel.
Le président : Elle l'a dit hier elle aussi.
M. Bennett : Un bon exemple serait celui du programme des armes à feu. Elle s'est exprimée sur certains aspects contractuels de ce programme, mais s'est penchée surtout sur des questions plus larges comme les mesures de rendement. Ces rôles sont complémentaires.
Pour ce qui est des vérificateurs internes, on parle à raison du renforcement de la fonction de contrôleur au gouvernement. Comme les sénateurs peuvent l'imaginer, la gestion financière du gouvernement est extrêmement complexe et elle est liée à l'approvisionnement. Pensez à l'ampleur de la transaction compte tenu de la valeur des ressources visées par l'approvisionnement, à la multitude d'interventions des quelque 130 ministères et organismes fédéraux et des milliers de fournisseurs. Personnellement, je ne suis pas certain que la fonction de contrôleur, bien qu'elle soit clairement en phase avec la fonction d'approvisionnement au gouvernement, laisse à son titulaire assez de temps et d'énergie pour se concentrer sur les problèmes de l'approvisionnement. Il y a des poids et des contrepoids qui existent, mais il s'agit d'un effort pour les renforcer.
Le sénateur Mitchell : Dans votre réponse, vous avez mentionné un certain nombre de choses dont j'aimerais que vous nous parliez davantage. Vous avez dit que le vérificateur fédéral de l'approvisionnement pourrait mener à bien certaines initiatives qui profiteraient aux PME et qui manquent peut-être actuellement. Pourquoi cela ne ferait-il pas partie du mandat évident du Bureau des petites et moyennes entreprises, qui existe déjà? S'il a un mandat mais qu'il ne s'en acquitte pas comme il faut, pourquoi n'y a-t-il pas un gestionnaire qui intervient pour corriger la situation? S'il s'en acquitte adéquatement, mais pas aussi bien qu'il le pourrait, le vérificateur de l'approvisionnement recevra-t-il une partie de son budget pour éviter une double dépense?
M. Bennett : Monsieur le président, en réponse à ces questions, le BPME analyse les obstacles systémiques qui empêchent les PME de prendre part aux marchés publics. Il déploie beaucoup d'efforts pour trouver les moyens de simplifier nos processus, de même que pour améliorer nos méthodes de formation et d'information des PME, pour qu'elles soient au courant des débouchés fédéraux et de la façon d'accéder aux systèmes. L'essentiel de mon observation, c'est que ce groupe en a clairement le mandat. Les PME peuvent lui soumettre ce que je considérerais comme des problèmes stratégiques généralisés qui constituent des obstacles. Ce bureau se pose des questions comme : nos méthodes sont-elles trop complexes? Y a-t-il des conditions dans nos documents de marché qui constituent des obstacles pour les PME?
Monsieur le président, lorsque je parlais du rôle du vérificateur de l'approvisionnement par rapport aux PME, je faisais surtout allusion aux plaintes sur des transactions de faible valeur et au règlement de ces plaintes. Le groupe du BPME qui relève de moi n'a pas le mandat d'entendre et de traiter une plainte propre à une transaction lorsque les responsables d'une PME n'ont pas l'impression d'avoir pu prendre pleinement et équitablement part à une transaction.
Nous voulons être certains que le BPME de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, TPSGC, y compris les bureaux régionaux responsables de la communication à échelle locale, soit financé et entièrement fonctionnel. Nous allons veiller à ce que ces rôles soient harmonisés, à ce qu'il n'y ait ni chevauchement ni double emploi et que le budget soit équilibré en conséquence. TPSGC y fera très attention.
Le sénateur Mitchell : Si j'étais ministre de TPSGC, j'aimerais vous avoir comme sous-ministre, parce que vous appuyez ce qu'ils font et que vous les défendez bien. Je ne suis pas convaincu. Votre argument, c'est que le BPME n'est pas investi de ce mandat. Je l'accepte, bien que j'estime qu'avec un peu d'initiative de gestion, il aurait pu se l'approprier. Ce serait préférable à la création d'une autre couche bureaucratique, d'une autre distraction qui nous empêche de faire ce qu'il faut. Il est incroyable que le gouvernement ne soit pas déjà complètement paralysé, s'il ne l'est pas. Pourquoi ne dites-vous pas simplement au ministre que vous n'avez pas besoin de cette couche de plus parce qu'il existe déjà un groupe ayant les compétences voulues. De cette façon, vous ne sépareriez pas ce rôle et vous auriez la synergie ainsi que l'élan nécessaires parce que tout serait concentré au même endroit. Si ce bureau ne peut pas relever le problème, alors nous devons élargir son mandat et il ne nous en coûterait pas si cher. En fait, il vous serait utile d'obtenir ce milliard de dollars que vous essayez d'acquérir.
M. Bennett : Votre observation me permet de mentionner deux éléments clés. Premièrement, le Bureau des petites et moyennes entreprises de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada est tout nouveau. Son rôle par rapport aux autres transactions d'approvisionnement à l'échelle du gouvernement doit être renforcé. Je vous ai donné une idée de la portée du mandat de TPSGC et de la valeur des achats que nous faisons. C'est notre ligne de mire, parce que nous maîtrisons ces processus. Le mandat du vérificateur fédéral de l'approvisionnement différera du nôtre en ce qu'il examinera toutes les transactions de tous les ministères. Bien qu'il relève du ministre de TPSGC et qu'il fasse rapport à la Chambre, son mandat englobe les transactions des autres ministères qui touchent les PME. Ce serait un élargissement du mandat actuel.
Deuxièmement, compte tenu de tous les aspects juridiques, je ne voudrais pas que la compétence de résolution des problèmes soit indépendante du ministère. Le Bureau des petites et moyennes entreprises me fait rapport, et je fais rapport à un sous-ministre. Le vérificateur fédéral de l'approvisionnement doit être indépendant du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Le vérificateur, qui serait désigné par le gouverneur en conseil, ferait rapport directement au ministre et présenterait un rapport au Parlement. Bien qu'il doive y avoir de la synergie et de la complémentarité, il faut préserver l'indépendance.
Le sénateur Mitchell : Cela soulève quelques questions que j'aimerais analyser, mais j'aimerais revenir à la double dépense budgétaire.
Dans l'une de vos réponses, vous avez indiqué que la vérificatrice générale effectuait probablement cette tâche en partie, mais pas complètement, parce qu'apparemment, il y a le concept intéressant des problèmes horizontaux et systémiques. Cependant, je crois que la vérificatrice générale examinerait les détails horizontaux et systémiques si elle constatait un problème. Elle ne semble pas particulièrement timide à cet égard.
Je le répète, voudriez-vous que nous prenions une partie de l'argent du budget de la vérificatrice générale et que nous le transférions au bureau de l'approvisionnement? N'allons-nous pas simplement reproduire les mêmes fonctions pour les deux?
M. Bennett : Monsieur le président, je ne pourrais jamais oser m'exprimer sur le budget des hauts fonctionnaires du Parlement. J'ai parlé en général des examens que j'ai vus et qui ont été produits par la vérificatrice générale. Il ne fait aucun doute que la vérificatrice générale a le pouvoir et le mandat de vérifier l'optimisation des ressources investies dans l'approvisionnement à l'échelle du gouvernement, mais elle n'est pas habilitée à recevoir ni à traiter des plaintes sur des transactions particulières. Cela ne fait pas partie de ses fonctions.
Je reviens à l'élément fondamental. Il y a divers mécanismes de surveillance, poids et contrepoids dans le système d'approvisionnement fédéral. Nous voulons nous assurer qu'ils sont interreliés et complémentaires et non qu'ils se répètent.
Le sénateur Mitchell : Vous avez soulevé la question de l'indépendance, qui est très importante, bien entendu. Pour fonctionner efficacement de la façon dont il est structuré, ce groupe doit être indépendant. Je trouve intéressant — M. Wild a comparu devant nous il y a quelque temps et a fait valoir le même argument que vous — que le vérificateur fasse rapport au ministre des Travaux publics, parce que le vérificateur de l'approvisionnement n'est pas un haut fonctionnaire du Parlement et qu'il est indépendant en ce sens qu'il fait rapport directement au ministre.
Cela me semble absolument illogique compte tenu du débat que nous avons eu il y a quelque temps. Le rapport direct au ministre est peut-être exactement le problème; on ne craignait pas du tout l'influence politique. Cela ne se conjugue-t-il pas au fait qu'il s'agit d'une nomination par le gouverneur en conseil, une nomination qui sera presque purement politique ou certainement empreinte de politique? Le problème n'est-il pas multiplié aussi par le fait que le Cabinet du premier ministre pourra exclure les ministères, les devoirs et les fonctions qu'il veut du mandat du vérificateur de l'approvisionnement?
M. Bennett : Je peux peut-être préciser certaines choses et inviter M. Wild à y ajouter son opinion. D'abord, ce vérificateur ferait rapport au ministre surtout pour contribuer à l'optimisation du budget. J'entends par là que cette fonction s'inscrirait dans le cadre administratif d'un ministère, qui lui fournirait l'infrastructure d'appui. Le vérificateur de l'approvisionnement recevrait beaucoup d'informations de certains secteurs opérationnels du ministère et serait très lié à eux. Je reviens à ce qu'on a dit sur les petites et moyennes entreprises.
Je ne parlerai pas de la dimension politique. Cependant, l'un des contrepoids importants que prévoit le projet de loi, c'est le dépôt du rapport du vérificateur de l'approvisionnement au Parlement. Ainsi, les plaintes déposées, leur traitement et l'examen des problèmes systémiques que j'ai mentionnés auront de la visibilité. C'est le contrepoids nécessaire pour assurer une pleine reddition de comptes sur les activités de cette fonction importante.
Peut-être M. Wild voudrait-il ajouter quelque chose à cette réponse.
Le président : Il nous reste vingt minutes. Je tiens à ce que tous les sénateurs aient l'occasion de s'exprimer, parce qu'il s'agit d'un groupe de témoins important. Je vais garder du temps au second tour, s'il y en a un.
Joe Wild, avocat-conseil, Service juridique du Portefeuille Conseil du Trésor, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada : Au sujet de l'indépendance, il y a aussi toute une série de choix techniques à faire, si l'on veut, sur la façon dont on veut structurer cette fonction pour qu'elle s'exerce avec autant d'indépendance. Ce sont des choix. On peut choisir le modèle des hauts fonctionnaires du Parlement selon lequel le titulaire, bien qu'il fasse partie de l'exécutif sur le plan administratif, fasse rapport de façon complètement indépendante de l'exécutif sur l'exercice de son mandat. Il y a des hauts fonctionnaires du Parlement qui sont complètement extérieurs à l'exécutif et font partie de la branche législative du gouvernement en ce sens qu'ils font partie des institutions du Parlement.
Il y a également des moyens de créer de l'indépendance, mais au sein de l'exécutif. Dans ce cas particulier, il s'agit d'une fonction principalement exercée au sein du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada, de même que dans les autres ministères en ce qui concerne l'approvisionnement, mais qui est surtout exercée par des fonctionnaires. On assure l'indépendance du vérificateur de l'approvisionnement en l'obligeant à faire rapport directement au ministre, qui a ensuite la responsabilité de présenter des rapports au Parlement et bien sûr, qui est tenu pleinement responsable envers le Parlement de ce qui se passe au ministère.
C'est la forme d'indépendance qu'on voulait atteindre, on voulait que la reddition de comptes ne se fasse pas par le sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, selon le modèle de l'administrateur des comptes, qui doit s'assurer que l'approvisionnement à TPSGC se fait en bonne et due forme. Le vérificateur ne fera pas partie de ce système, de sorte qu'il pourra surveiller ce qui se passe et faire rapport directement au ministre, qui à son tour, est évidemment responsable envers le Parlement pour tout ce qui se passe dans le cadre de ces fonctions.
Le sénateur Cowan : Au sujet de ce que vous venez de dire, il me semble y avoir un conflit direct entre la soi-disant indépendance de cette personne et son rapport au ministre, qui est une personne politique. Il s'agit d'une nomination politique, et cette personne fait rapport directement à une autre personne politique au ministère. Ce projet de loi introduit aussi le concept de l'administrateur des comptes, qui serait probablement le sous-ministre. Il semble y avoir un conflit inhérent ici, et de la confusion, parce que je crains qu'on superpose des vérificateurs qui se vérifient mutuellement, comme le déplorait le sénateur Mitchell.
M. Wild : Ce n'est pas le modèle classique pour cette fonction, qui s'apparenterait probablement plus à celle d'un ombudsman qui reçoit des plaintes du public conformément aux paramètres prescrits dans la loi et qui traite ces plaintes en formulant des recommandations au ministre, des recommandations qui culminent dans un rapport que le vérificateur présente au Parlement chaque année par l'intermédiaire du ministre. Il faut toutefois souligner que ce rapport ne permet pas au ministre de changer les conclusions et recommandations faites par le vérificateur de l'approvisionnement. Ce n'est pas un modèle nouveau, parce qu'il y a déjà dans le système des ombudsmans qui font rapport d'une façon semblable. On en trouve un bon exemple au sein des Forces canadiennes.
Ce modèle n'est pas étranger, c'est une façon de le rendre indépendant de la bureaucratie, compte tenu que c'est la bureaucratie qui administre et met en œuvre les initiatives d'approvisionnement. Comme je l'ai mentionné, bien qu'il fasse rapport au ministre, il n'y a rien dans la loi qui donne au ministre le pouvoir de donner des consignes au vérificateur de l'approvisionnement ou de l'orienter. Son mandat est plutôt établi dans la loi, et l'on pourrait adopter un règlement qui le préciserait davantage.
Le sénateur Zimmer : Pour compléter ce que les sénateurs Cowan et Mitchell ont dit, le vérificateur de l'approvisionnement a le pouvoir d'examiner les plaintes particulières, mais non de recommander l'annulation d'un marché. Pourquoi pas? Ce n'est qu'une recommandation.
M. Bennett : Il y a un élément fondamental. Il y a beaucoup transactions qui s'effectuent dans l'ensemble du système d'approvisionnement. Par exemple, lorsque des fournisseurs soumettent une offre, ils doivent satisfaire à certaines exigences, comme de prévoir une assurance ou s'il s'agit d'un service, de mettre en place des équipes de gestion.
Il y a clairement des exigences opérationnelles concernant la livraison du bien ou la prestation du service. Nous avons la conviction que si quelqu'un porte plainte en cours de route, tout l'appareil va grincer et les transactions vont être interrompues. Je pense que c'est une question d'équité fondamentale envers les autres personnes qui font des offres.
Le rôle du vérificateur de l'approvisionnement sera d'examiner ces plaintes, de les évaluer et d'apporter les correctifs pertinents. Cependant, bien que nous ayons réfléchi attentivement aux conséquences d'interrompre le processus à mi- chemin, compte tenu du volume de transactions et de l'équité fondamentale que nous devons à tous les soumissionnaires, nous nous sommes dit que c'était le meilleur équilibre.
Le sénateur Mitchell : Il a été écrit dans un éditorial du Edmonton Journal il y a peu de temps que mardi a été un très mauvais jour pour quiconque croyait la promesse de Stephen Harper d'une nouvelle ère en politique canadienne, celle d'un gouvernement juste, honnête et responsable. L'éditorialiste faisait allusion à la décision de Stephen Harper d'utiliser son pouvoir discrétionnaire pour soustraire du processus d'approvisionnement normal l'allocation de contrats d'approvisionnement de milliards de dollars pour la défense aérospatiale pour qu'il puisse prendre lui-même ces décisions. Il disait aussi qu'il était évident qu'il avait succombé à une amnésie collective fascinante ou que ce n'était que pur cynisme et ruse politique.
Le premier ministre peut-il en décider comme il vient de le faire, puis utiliser ses pouvoirs pour dire que le vérificateur de l'approvisionnement ne pourra pas vérifier ce processus d'approvisionnement pour des marchés dont la valeur pourrait atteindre huit milliards de dollars? Serait-ce possible?
M. Bennett : Je vais demander à M. Wild s'il veut compléter ma réponse, mais je vais commencer par vous dire que compte tenu de la valeur de ces transactions, l'affaire serait entendue par les grands tribunaux quasi-judiciaires. Ces transactions ne pourraient pas être examinées par le vérificateur de l'approvisionnement. Il y a des mesures de contrepoids appropriées qui existent.
S'il y avait des problèmes systémiques sous-jacents à ce type de transaction, la vérificatrice fédérale pourrait les examiner. Cependant, si un grand fournisseur était mécontent de cette transaction, il y a des tribunaux bien constitués qui sont là pour entendre les contestations des grandes transactions de plus de 100 000 $. Ces transactions feraient partie de leur mandat.
Ensuite, pour ce qui est de l'équité, de l'ouverture du processus et de la publication des exigences, il y a des règles normalisées et de routine. Même pour les grands processus d'approvisionnement, nous tenons compte d'un certain nombre de facteurs critiques, et le ministère étudie très attentivement quelles sont les exigences opérationnelles, qui sont les fournisseurs et quel serait le meilleur moyen d'assurer un processus d'approvisionnement équitable et ouvert. Dans ce cas-ci, ils travailleraient avec le ministère de la Défense nationale. Le suivi de ce type de transaction est une chose que le ministère fait bien.
Le sénateur Mitchell : Sans l'aide d'un vérificateur de l'approvisionnement en ce moment?
M. Bennett : Je le répète, les contestations de ces grandes transactions seraient entendues par d'autres tribunaux.
M. Wild : La seule chose que j'ai à ajouter concerne la dernière observation sur le droit du premier ministre de décider que le vérificateur de l'approvisionnement n'examinera pas un ministère en particulier ou une transaction particulière. Supposons un instant qu'il s'agisse d'une transaction s'inscrivant dans le mandat du vérificateur de l'approvisionnement (c'est-à-dire que la transaction se situe sous le seuil prescrit, qu'un fournisseur a porté plainte devant le TCCE ou qu'il s'agit d'une plainte plus générale qui n'a pas été déposée par un fournisseur en particulier); dans ces circonstances, la seule façon dont on peut modifier les devoirs et les fonctions du vérificateur de l'approvisionnement et restreindre ses fonctions et ses devoirs concernant des ministères en particulier est de faire adopter un règlement. C'est la fonction du gouverneur en conseil. Il faudrait alors suivre tout le processus réglementaire, soit la prépublication habituelle dans la Gazette du Canada, les consultations et bien entendu, l'examen par le comité mixte du Sénat et de la Chambre d'examen de la réglementation.
Le sénateur Andreychuk : Nous avons entendu qu'il y avait divers mécanismes de responsabilisation dans le système, et c'en est un de plus. Le sénateur Mitchell parle de couches bureaucratiques, je parle plutôt de différences dans les besoins de gestion. Croyez-vous qu'il y a de la redondance ou que chaque mécanisme a une fonction différente?
M. Bennett : Je pense que chacun d'eux a un mandat précis dans un champ de responsabilité bien circonscrit. Il est clair que la coordination de ces diverses fonctions est importante. Cependant, compte tenu du nombre de transactions dans le monde de l'approvisionnement, il est très positif de mettre en place une fonction comme celle-ci et d'essayer de comprendre comment elle peut être complémentaire à d'autres initiatives.
Le sénateur Andreychuk : Étant donné qu'il s'agit d'un système public plutôt que d'entreprises privées très complexes, y a-t-il des systèmes comparables dans les grandes entreprises? Autrement dit, ces méthodes sont-elles propres au domaine public ou les retrouve-t-on au sein des grandes entreprises ou de groupes d'entreprises?
M. Bennett : C'est une excellente question, mais je n'ai pas fait de recherches pour déterminer s'il existe des fonctions comparables dans le secteur privé. Je vous dirais, exactement comme il a été mentionné, que les attentes à l'égard de la transparence, de l'équité, de l'ouverture et de la diligence sont beaucoup plus sévères dans le secteur public fédéral. Je ne peux vous donner de réponse définitive autre qu'une réponse très générale.
M. Wild : Pour vous donner un exemple concret qui me vient à l'esprit en réponse à cette question, dans l'industrie bancaire, il y a des institutions qui ont créé une fonction d'ombudsman pour que les gens puissent porter plainte s'ils ont un problème avec la banque. Bien entendu, elle s'ajoute à tous les processus normaux dont n'importe quelle grande entreprise se dote pour assurer une bonne vérification interne, comme d'un comité de vérification au sein de son conseil d'administration pour surveiller la fonction de vérification interne et la fonction de contrôle. Il y a des exemples où des entreprises du secteur privé se sont dotées de ce qui se veut un véhicule de relations publiques, dans une certaine mesure, mais qui correspond beaucoup à la fonction d'ombudsman, pour que les gens aient l'impression d'avoir un autre recours s'ils n'aboutissent nulle part simplement en parlant de leur problème avec le gérant de la banque.
Le sénateur Andreychuk : Je vais poursuivre sur quelque chose que le sénateur Mitchell a dit, puisqu'il a ouvert la voie. Le mot « indépendance » peut mener à confusion car il donne l'impression qu'il est indépendant de tous et a l'autonomie traditionnelle de l'ombudsman, et ainsi de suite. Vous dites qu'il est indépendant du ministère. Est-ce pour cette raison qu'il y a des problèmes?
M. Bennett : Je reviens aux propos concernant l'équilibre des pouvoirs au niveau des pratiques de gestion du ministère — par exemple, un agent financier principal qui a un mandat clair, qui vérifie les comités, et cetera. Cependant, les citoyens et les fournisseurs canadiens ne savent pas où s'adresser pour déposer des plaintes, car en un tel organisme n'est pas visible au sein du ministère et devrait être mis en place à partir de quelque chose qui existe.
Je voudrais aussi mentionner que cette fonction n'est pas vraiment unique, non seulement ce qui concerne le ministère de la Défense nationale, mais aussi dans d'autres domaines, comme le rôle prescrit à Transports Canada pour recevoir les plaintes concernant Air Canada.
À mon avis, c'est un modèle qui peut fonctionner de façon indépendante. Cependant, pour répondre à la question, les problèmes n'ont pas été perçus forcément comme existant seulement et exclusivement au sein de TPSGC. Comme je l'ai dit, il y a des centaines de milliers de transactions annuelles qui se font à l'extérieur de TPSGC. Le vérificateur des approvisionnements du gouvernement fédéral aurait l'autorité d'examiner ce genre de transactions. Ce n'est pas seulement dans les compétences d'un ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada dans la gestion d'un grand département, mais plus celle d'un ministre responsable des approvisionnements du gouvernement fédéral.
Le sénateur Andreychuk : Quand je l'ai examiné et les documents que nous avons reçus, pour la première fois, je pensais que c'était cela l'argument; qu'il fallait vraiment revenir à la responsabilité ministérielle. Si quelqu'un est autonome, le ministère est donc libre de poursuivre ses travaux. Il est nécessaire d'avoir quelqu'un pour surveiller l'ensemble et s'assurer que c'est, premièrement, porté à l'attention du ministre, deuxièmement à celle du Parlement, afin que l'on en s'occupe au niveau approprié. Il me semble qu'il renforcerait le ministère plutôt que de l'affaiblir. Je voulais m'assurer que cette disposition concernant le fonctionnaire chargé des approvisionnements était la bonne.
M. Bennett : Je crois que c'est tout à fait correct. Le ministère y est favorable. Nous considérons que c'est un complément. Comme je l'ai dit tout à l'heure, le fait de faire rapport au Parlement et la diligence de divulguer les décisions prises concernant certains cas soulevés, les questions qui ont été examinées, je pense que c'est très important en termes d'indépendance et de surveillance.
Le sénateur Andreychuk : Nous comprenons que les petites et moyennes entreprises doivent affronter des obstacles. Pouvez-vous nous en indiquer quelques-uns, particulièrement en ce qui concerne les nouvelles entreprises autochtones, que nous devrions examiner à votre avis?
M. Bennett : Je pourrais peut-être commencer par un très bref aperçu sur la façon dont nous essayons d'aider les entreprises autochtones.
Aujourd'hui, nous avons, en vertu des ententes commerciales et de nos pratiques, une disposition de marchés réservés autochtones que nous considérons dans tous les cas. Les marchés réservés autochtones sont pratiquement des processus parallèles dans lesquels nous établissons des arrangements en matière d'approvisionnement concurrentiels avec des entreprises autochtones. Elles ne font pas concurrence directe avec les fournisseurs principaux. Des ministères qui veulent, par exemple, acheter des fournitures ou du mobilier de bureau chez leurs entreprises autochtones, pourront utiliser ces arrangements en matière d'approvisionnement et ces possibilités.
Nous préparons de nouvelles stratégies pour chaque marchandise que nous examinons. Nous consultons des fournisseurs, y compris les Autochtones et les PME; la grande majorité des entreprises autochtones sont des petites et moyennes entreprises. Nous examinons les obstacles qui leur font face. Nous étudions des possibilités de partenariat plus larges avec des fournisseurs dans la chaîne d'approvisionnement. Je veux dire conclure un contrat avec un fabricant. Cependant, nous mettons en place une structure pour s'assurer qu'il y ait un service après-vente local et régional. Dans le cadre de ce processus, nous demandons qu'ils considèrent l'intégration des entreprises autochtones dans la chaîne de distribution — c'est un créneau dans lequel elles excellent — et une partie de ce travail, la mise en œuvre, la distribution, et cetera, devrait passer par les entreprises autochtones.
Ma réponse est à deux volets. Nous avons une gamme d'outils et de processus pour élargir l'accès des entreprises autochtones; nous cherchons à les améliorer encore plus. Nous collaborons aussi étroitement avec nos collègues du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nous considérons aussi cela dans le cadre non seulement des ententes d'approvisionnement horizontal mises en place par le gouvernement, mais aussi dans le cadre de certains de nos principaux contrats touchant les Premières nations et les Autochtones dans le domaine des soins de la santé, et cetera. Nous examinons de façon précise ces possibilités.
Le sénateur Ringuette : Vous avez mentionné le programme de transformation des approvisionnements et toutes les efficacités incorporées au niveau du temps et du coût des approvisionnements. Ce n'est pas nouveau. Cela ne fait pas partie du projet de loi C-2. C'est un processus qui existe au sein de votre ministère depuis au moins deux ans. Vous avez mentionné toutes sortes de problèmes que vous voulez résoudre pour être efficace et je vous en félicite.
Avec le vérificateur des approvisionnements qui serait au sein du ministère — nous parlerons de l'autonomie tout à l'heure — comme le propose le projet de loi C-2, vous avez dû calculer le nombre d'années-personnes nécessaire pour que ce mandat soit efficace pour le bureau et le personnel du vérificateur des approvisionnements. Si cette personne doit bien faire son travail pour surveiller 417 000 contrats annuellement, il faut un nombre considérable d'employés. Avez-vous évalué le nombre d'années-personnes nécessaire pour faire ce travail?
M. Bennett : Ma réponse ne sera que préliminaire. Évidemment, le mandat et la portée seront délimités par les règlements. L'évaluation initiale des coûts d'exploitation annuels — en incluant les années-personnes — pourrait s'élever à 4,5 millions de dollars par an. Il y aura quelques coûts au départ, mais ils seront très minimes. L'évaluation — je rappelle que c'est préliminaire — des coûts permanents, une fois qu'ils seront établis, est de l'ordre de 4 millions à 4,5 millions de dollars. Au sein du gouvernement, cela équivaut, cela dépend de la manière dont le mandat est acquitté, à un bureau d'environ 10 à 20 personnes. Bien sûr, nous en sommes au tout début. C'est le nombre que j'ai vu.
Le sénateur Ringuette : Ce n'est pas une grande somme. Si je tiens compte du nombre d'années-personnes, de l'exploitation du bureau, de l'installation de nouveaux bureaux, des frais de bureau et des frais du vérificateur, je trouve que votre évaluation est faible. Toutefois, je pense que le comité des finances examinera cela plus tard.
Le président : Voulez-vous répondre au sujet de votre faible évaluation?
M. Bennett : C'est une évaluation. Elle est ni faible ni élevée. C'est la meilleure évaluation que nous avons pour le moment.
Le sénateur Ringuette : Elle dépend du résultat du projet de loi C-2.
M. Bennet : Oui, mais il est vrai, que dès que cette fonction est établie et selon le volume de plaintes déposées, il faudra l'examiner. Pour le moment, je peux dire que nous sommes arrivés à ces chiffres en étudiant l'effet, surtout en ce qui concerne l'installation et le fonctionnement du bureau.
Le sénateur Ringuette : Croyez-vous qu'il soit raisonnable de donner deux mandats à ce bureau, un à l'ombudsman et un au vérificateur, car les deux ne sont pas compatibles au niveau de l'efficacité? L'ombudsman s'occupera des plaintes provenant de l'industrie. Or, le vérificateur a une mission tout à fait différente au niveau de la responsabilité.
En toute franchise, je peux comprendre qu'il y ait au sein de TPSGC un bureau de l'ombudsman pour s'occuper du processus de l'examen des plaintes pour les fournisseurs. Cependant, nous cherchons une responsabilité au sein du gouvernement pour vérifier les contrats et cela ne concerne pas seulement les 40 à 60 000 contrats au sein de votre ministère. Ils ne représentent que 10 p. 100 du processus des approvisionnements. Votre mandat comporte aussi des recommandations aux autres ministères sur la façon d'effectuer leurs approvisionnements. Je ne peux pas accepter que quelqu'un ait la responsabilité d'un ombudsman pour examiner les plaintes de tous les fournisseurs du gouvernement et vérifier en même temps des contrats.
Le président : Monsieur Bennett, voulez-vous dire quelque chose sur ce double rôle?
M. Bennett : Oui et j'essaierai d'être très bref par respect pour le temps de parole du sénateur et peut-être que M. Wild voudra ajouter quelque chose.
Le rôle de l'ombudsman comporte, ce que j'appellerai, une fonction qui est presque de la vérification. La combinaison donnera une indication des problèmes systémiques. Bien sûr, si les plaintes sont récurrentes et si des questions apparaissent au niveau des processus, il y a une synergie, et cela a été pris en compte dans l'étude.
Le président : Le sénateur a toutefois soulevé un bon point. Existe-t-il ailleurs au sein du gouvernement du Canada ce double rôle qu'elle décrit?
M. Bennett : Je voudrais apporter des précisions, si vous me le permettez, monsieur le président, car cela touche le cœur même de la question. Cette fonction ne sera pas une pratique du genre d'un échantillonnage au hasard de contrats du gouvernement fédéral ou de transactions réelles. Il y a des mécanismes de vérification et je demanderai à M. Wild d'en parler. Le sentiment fort, c'est que le vérificateur examinera les transactions particulières qui apparaîtront; il aura le pouvoir de vérifier ce type de transactions.
Le sénateur Ringuette : Ce n'est pas vraiment un vérificateur. Sa fonction principale n'est pas de vérifier.
M. Wild : Le titre « vérificateur des approvisionnements » pourrait être un peu trompeur car il mène à penser au vérificateur général ou au vérificateur interne d'un ministère et ce n'est pas exactement son rôle. Je devrais dire que le rôle est double dans le sens qu'une partie de ce rôle concerne les plaintes.
L'autre aspect, c'est la révision des pratiques, mais la révision des pratiques pour évaluer l'équité, l'ouverture de la transparence. Ce n'est pas nécessairement une vérification visant à déterminer si une transaction particulière d'un contrat a été faite selon un processus approprié ou non. Il s'agit plus d'examiner les systèmes. C'est pour complémenter le fait que le vérificateur des approvisionnements pourrait recevoir des plaintes qui peuvent suggérer que des petits fournisseurs répètent qu'ils sont exclus des appels d'offres visant la fourniture de crayons à tous les ministères du gouvernement. Ainsi, le vérificateur des approvisionnements va s'intéresser à ce problème et cherchera des pratiques plus génériques au sein du gouvernement et prendra une décision. L'étiquette et la terminologie employées posent le risque qu'ils soient perçus différemment par différentes personnes. Je ne vais pas qualifié ce poste au vrai sens du mot et dire que c'est une fonction de vérification.
Le sénateur Ringuette : Ce n'en est pas une.
M. Wild : Ce qui est important ici, c'est que ce doit être complémentaire et combler une lacune où l'accent serait mis plus sur cet aspect de l'ombudsman que peut-être sur une fonction de vérification absolue.
Le sénateur Ringuette : Vous convenez que le poste devrait s'appeler « ombudsman des approvisionnements » et que, afin de satisfaire le public, le gouvernement et les exigences parlementaires relatives à une plus grande responsabilité, toute la structure du vérificateur des approvisionnements devrait être indépendante au sein du bureau du vérificateur général. Il existe déjà une structure de vérification, il y a déjà un peu d'expérience en vérification des approvisionnements. Les citoyens canadiens auraient donc un vrai vérificateur des approvisionnements qui serait indépendant et le ministère aurait un ombudsman. Le rôle d'un ombudsman inclut, monsieur Wild, la révision de certains contrats qui ont fait l'objet de plaintes. Cela fait partie du mandat de l'ombudsman.
Le président : Monsieur Wild, voulez-vous répondre?
M. Wild : Il est un peu difficile de répondre. Tout ce que je peux dire, c'est que le projet de loi a défini le mandat et j'ai essayé d'expliquer la façon dont nous interprétons ce mandat. Le titre que l'on devrait donner à ce poste dépend dans une certaine mesure de la perception de chacun.
Le sénateur Ringuette : Il doit être clair.
M. Wild : Comme je l'ai expliqué, nous pensons que c'est l'intention du mandat. C'est ce qui est décrit dans le projet de loi. Il n'y a pas grand-chose que je puisse ajouter.
Le sénateur Zimmer : Merci de votre déclaration de ce matin. Comme le sénateur Ringuette l'a dit, c'est un élément important de la loi. Le sénateur Andreychuk a soulevé la question des entreprises autochtones. Avez-vous une idée du pourcentage d'entreprises autochtones qui soumissionnent dans ce domaine et de leur taux de réussite?
M. Bennett : Je n'ai pas ces renseignements à portée de la main. Nous faisons le suivi des marchés avec les entreprises autochtones et je pourrais vous communiquer ces renseignements.
Le président : Je vous remercie de communiquer ces renseignements au greffier.
M. Bennett : Oui.
Le sénateur Zimmer : Je sais que les plaintes portent sur beaucoup de sujets, mais brièvement, les plus courantes sont, ne pas avoir l'offre, le prix, dire que c'est injuste, exclusion, et cetera. En plus de cela, recevez-vous d'autres plaintes bizarres qui sortent de l'ordinaire?
M. Bennett : Aucune qui sort de l'ordinaire. Nous divulguons tout ce qui concerne les réponses aux appels d'offres et l'évaluation des critères techniques. Nous pouvons donner beaucoup de directives. Nous estimons avoir trouvé l'équilibre pour ce qui est de garantir le rendement. Nous examinons la qualité du produit et l'expertise de l'entreprise. Elles voudront savoir comment nous avons évalué leur réponse par rapport aux critères techniques. C'est généralement une approche à deux étapes. Autrement dit, nous examinons les critères techniques et nous nous assurons que l'entreprise qui recevra le contrat est qualifiée et qu'elle a le produit ou le service pour s'acquitter des responsabilités, ensuite nous examinons le prix. Bien sûr, nous ne divulguons pas des informations commerciales confidentielles, mais nous faisons un compte-rendu complet de l'évaluation technique. Nous affichons les attributions et la valeur du contrat, donc c'est très ouvert et très équitable, et tous les fournisseurs peuvent connaître le résultat du processus.
Le sénateur Zimmer : Quand vous répondez et communiquez ces renseignements après les plaintes, je suppose que le nombre de recours est très faible ou presque minime?
M. Bennett : C'est exact. De toutes les transactions faites au cours des sept dernières années, généralement en moyenne 50 cas sont envoyés au TCCE chaque année et environ 20 p. 100 de ces 50 cas sont jugés valides. La réponse à la question c'est qu'il s'agit, pour le moment, d'une très infime partie de toutes les transactions faites par le gouvernement.
Le sénateur Cowan : J'ai deux points. Premièrement, il semble, d'après votre discussion avec le sénateur Ringuette, qu'il s'agit vraiment de quelqu'un qui est essentiellement un ombudsman et nous ferions mieux de l'appeler ainsi. Si la personne est vraiment un vérificateur et que vous essayez d'avoir ce qui est, en fait, une fonction de vérification indépendante, alors il serait approprié que cette personne fasse rapport au Bureau de la vérificatrice générale et pas un ministre. Si ce doit être un peu plus qu'une simple fonction d'ombudsman, ce serait approprié.
Le deuxième point concerne la nécessité de la fonction. M. Arthur Kroeger a comparu devant le comité le 28 juin 2006 et il a déclaré :
[...] Il y a certainement eu énormément de controverse au sujet de l'approvisionnement ces dernières années avec l'affaire des commandites. Dans cette affaire, là encore, ce qui s'est passé c'est que les règles en matière d'approvisionnement ont été contournées. Ce n'était pas que les règles et que le système n'étaient pas efficaces. La vérificatrice générale a dit que Travaux publics et Services gouvernementaux avait un régime sophistiqué et efficace de gestion de l'approvisionnement. Il s'agit également d'un régime très transparent. Travaux publics ne fait pas très souvent l'objet de demandes en vertu de la Loi sur l'accès à l'information car presque tout ce que n'importe qui voudrait savoir est déjà public. Cela remonte à des réformes apportées il y a environ 20 ans. Encore une fois, je me demande bien quel travail ferait le vérificateur de l'approvisionnement. Il est toujours possible de trouver à un nouveau fonctionnaire quelque chose à faire, mais la question est de savoir si cela est suffisamment important pour mériter la création d'un autre poste et peut-être d'un autre ensemble d'exigences.
Voici ma question : en tant que fonctionnaire expérimenté, pouvez-vous nous dire exactement ce que vous n'avez pas pu faire jusqu'à présent? Quelle faute, quel méfait ou quelle démarche inconvenante n'avez-vous pas pu découvrir ou empêcher et que la mise en place d'un nouveau bureau appelé « vérificateur de l'approvisionnement » permettrait de découvrir ou d'empêcher?
M. Bennett : Je réponds en commençant par ce qu'à dit la vérificatrice générale, nous avons un système de freins et contrepoids très sophistiqué avec la transparence que j'ai mentionnée tout à l'heure.
Le sénateur Cowan : Oui, vous avez un tel système en place.
M. Bennett : Est-ce que l'investissement proposé de 4,5 à 5 millions de dollars permettra aux fournisseurs de présenter des transactions peu coûteuses et d'écouter leurs doléances? Au niveau de l'attribution des contrats, de l'analyse des appels d'offre et de la surveillance des contrats conclus, notre système de freins et contrepoids est rigoureux et résistera à un examen approfondi. En tenant compte des questions de politique opérationnelle du système fédéral d'approvisionnement, je crois qu'il vaut la peine d'investir une environ 5 millions de dollars.
Le sénateur Joyal : Monsieur Bennett, ma question porte sur l'interprétation de l'alinéa 22.1(3)a) proposé à la page 203 du projet de loi à la suite des questions posées par le sénateur Ringuette. Je cite :
22.1(3) Le vérificateur de l'approvisionnement exerce les attributions ci-après conformément aux règlements :
a) examiner les pratiques d'acquisition du matériel et de services des ministères pour en évaluer l'équité, l'ouverture et la transparence, et présenter, le cas échéant, au ministre en cause des recommandations...
La vérificatrice générale a comparu hier devant le comité. Vous avez peut-être lu son témoignage. Elle a dit clairement en réponse à une question du sénateur Day que l'initiative de vérification prise par le vérificateur général vise le rendement, ce qui n'est pas la pratique de TPSGC pour l'acquisition du matériel. Le vérificateur général prépare aussi des vérifications de l'optimisation des ressources et des vérifications des états financiers. J'essaie de comprendre les fonctions du vérificateur de l'approvisionnement proposé. Est-ce que ce poste laissera au vérificateur général le soin de s'occuper des secteurs importants du rendement, des qualifications de l'optimisation des ressources et des vérifications des états financiers? Est-ce que les fonctions de ce poste se limiteront aux vérifications concernant l'approvisionnement du matériel et des services? De telles références seraient alors éliminées de la vérification de rendement faite par le vérificateur général. Essentiellement, l'examen des pratiques est conforme à vos lignes directrices car les ministères ne peuvent pas acheter ce qu'ils veulent quand ils veulent. Les ministères doivent se conformer strictement aux lignes directrices et de TPSGC et c'est votre ministère qui coordonne toutes les activités du gouvernement liées à l'approvisionnement. Donc, le nouveau vérificateur de l'approvisionnement examinera les pratiques et les lignes directrices de TPSGC et la façon dont elles sont mises en œuvre mais seulement au plan de l'équité, de l'ouverture à de la transparence. Ce mandat est très limité.
M. Bennett : Le rôle du vérificateur général n'inclut pas seulement les trois secteurs identifiés mais aussi l'examen de la passation des marchés qui entre dans le cadre de la vérification de l'optimisation des ressources et de l'exécution de programmes. J'ai mentionné l'examen du registre des armes à feu, mais il y a beaucoup d'autres secteurs où l'exécution de programmes peut faire l'objet d'un examen de la part du vérificateur général. Le vérificateur général reliera tous les éléments nécessaires pour mener à bien l'exécution de programmes, y compris la fonction de passation des marchés.
En ce qui concerne les rôles et les responsabilités, cela revient à s'assurer qu'ils sont complémentaires sans dédoublement ni redondance. La portée et le mandat du vérificateur de l'approvisionnement fédéral proposé, tels qu'ils sont définis, correspondent bien à la capacité d'écouter et d'examiner les plaintes, les politiques opérationnelles — dont vous avez parlé — et les problèmes systémiques. La portée du mandat est appropriée et complémente les autres rôles et responsabilités.
Le sénateur Joyal : Donc, TPSGC a la vérification interne qui serait la responsabilité du ministre conformément au projet de loi, le comité de vérification externe et les vérifications du vérificateur général et aura aussi une nouvelle vérification de l'approvisionnement. Cela représente au moins quatre paliers de bureaucratie pour contrôler l'approvisionnement et les services d'un ministère.
Le président : M. Bennett a répondu à cette question posée le sénateur Mitchell avant que ne vous n'arriviez, sénateur. Monsieur Bennett, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Bennett : Le système a été quelquefois qualifié de « paliers de bureaucratie » bien et que ce ne soit pas exactement cela à mon avis. Je vois plutôt les responsabilités comme étant l'une au-dessus de l'autre, mais comme l'examen du travail des autres tout en comportant des responsabilités et des obligations de rendre compte complémentaires et reliées entre elles. Je ne pense pas que le comité croit que ces personnes examineront le travail des autres car ce n'est pas du tout l'objectif. L'objectif est d'avoir quelqu'un pour examiner des mandats et des responsabilités particuliers afin de s'assurer de l'expertise et de la complémentarité des personnes assumant ces mandats et ces responsabilités.
Le sénateur Mitchell : Si ce n'est pas aussi important qu'un palier, nous ajoutons tout de même quelque chose. Monsieur Bennett, vous avez très bien défendu cette initiative et bien expliqué de quelle façon cette fonction sera différente de toute autre fonction existante ou de quelle façon le rôle comblera une lacune du système actuel. Je vous en félicite.
Cependant, j'ai le sentiment que vous êtes trop dur avec votre ministère et je crois que le ministère est en fait connu pour sa transparence, la preuve en est qu'il y a très peu de demandes d'accès à l'information. Vous avez vous-même dit qu'il est reconnu pour sa compétence, son efficacité et son efficience car il reçoit — je répète vos propres mots — un nombre infime de plaintes si l'on tient compte des 416 000 contrats conclus.
Je crois que vous avez fait un excellent travail et j'ai la conviction que cette évaluation de 4,5 à 5 millions de dollars — et ce sera plus que cela — est un engagement du gouvernement conservateur pour régler un problème, qui n'existe pas, dans un but purement politique à grand frais pour les Canadiens et les Canadiennes.
Cela dit, si c'est plus important que je ne le pense et qu'il est évident qu'il faut trouver une solution maintenant, votre ministère n'a-t-il jamais constaté que c'était un problème? N'a-t-il jamais recommandé qu'il fallait le résoudre de cette façon et si non, pourquoi pas? Fallait-il simplement que vous attendiez qu'un groupe politique externe qui n'a pratiquement pas d'expérience au gouvernement, ni dans le fonctionnement d'un ministère ni d'une entreprise aussi complexe vous dise ce qu'il faut faire alors que vous auriez pu chercher vous-mêmes la solution à un problème que vous et vos professionnels — ceux qui ont clairement fait un bon travail — n'aviez pas déterminé qu'il devait être résolu?
M. Bennett : Il est difficile de répondre à cette question peut-être pas pour la raison à laquelle vous pensez. J'ai occupé les fonctions de ministre adjoint intérimaire pour les approvisionnements le mois de décembre dernier. Donc, au plan des antécédents et de l'évolution, je ne peux pas me prononcer sur ce que l'on pensait avant cette date.
Je pense qu'afin que le ministère — je suis très touché par les mots aimables qui ont été dits — saisisse le genre de questions soulevées, nous avions un mode de règlement extrajudiciaire des conflits, et cetera, et nous avons collaboré très étroitement avec le TCCE pour écouter et répondre à ces plaintes. Cependant, nous estimons qu'il y a certaines questions opérationnelles et systémiques qui ne sont pas de grandes questions de politique gouvernementale. Comment fonctionne le gouvernement au niveau des politiques opérationnelles? J'estime que ce sont des domaines, d'un régime déjà fort, qui pourraient être améliorées.
Le président : Merci, monsieur Bennett.
Honorables sénateurs, je voudrais en votre nom, remercier M. Bennett, M. Higdon, M. Wild et Mme Meyboom- Hardy d'être venus aujourd'hui et d'avoir répondu à des questions difficiles sur une série de dispositions majeures de l'important projet de loi C-2.
Honorables sénateurs, M. Wild reviendra avec d'autres groupes, il y aura donc une autre occasion de poser des questions. Nous nous sommes entendus pour procéder rapidement et j'aimerais que l'on passe au prochain groupe de témoins le plus vite possible.
Toujours en ce qui concerne l'approvisionnement, j'ai le plaisir d'accueillir en la personne de Toby Sanger le Syndicat canadien de la fonction publique qui représente plus d'un demi-million de membres au Canada. Nous accueillons aussi le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes représenté par Evert Hoogers.
Nous avons aussi Canadian Advanced Technology Alliance qui s'est engagé à améliorer la compétitivité au niveau international de ses membres — dont 80 p. 100 sont aujourd'hui des exportateurs actifs — représentés par M. Joanne Stanley et Alex Beraskow. Je vous souhaite la bienvenue.
Toby Sanger, économiste principal, Syndicat canadien de la fonction publique : Je remercie les sénateurs et le personnel du comité de nous avoir invités à parler aujourd'hui au sujet de ce très important projet de loi. Notre président national vous prie de l'excuser pour son absence, mais il fait une déclaration devant le Comité des finances de la Chambre des communes.
Comme le président vient de le dire, nous représentons plus d'un demi-million de membres, principalement des travailleurs dans les soins de santé, l'enseignement, les services sociaux, les transports et les secteurs municipaux. Nous avons très peu de membres au niveau du gouvernement fédéral. Nous n'avons pas le même intérêt direct par rapport à ce projet de loi que nos membres des syndicats de la fonction publique.
Nous nous intéressons au projet de loi car nous voulons une bonne politique gouvernementale dans le domaine législation. Ce projet de loi peut servir d'exemple à d'autres projets de loi sur la responsabilité au Canada et il est très important que cela se fasse bien.
Je suis un économiste et certainement pas un avocat ni un spécialiste du domaine législatif. Je suis intimidé par le nombre d'experts sur le plan juridique que je vois assis autour de cette table. Le projet de loi C-2 est une mesure législative importante et compliquée qui amène beaucoup de progrès positifs dans beaucoup de domaines, particulièrement en tenant compte du peu de temps qu'il a fallu pour la rédiger. Les amendements proposés par la Chambre des communes ont amélioré encore plus le projet de loi, mais il faut encore apporter d'autres améliorations. Je voudrais féliciter les sénateurs et le personnel pour tout le travail qu'ils ont effectué à ce sujet.
Je pense que le manque de transparence, de contrôle et de responsabilité au niveau des contrats étaient au cœur des récents scandales de dépenses du gouvernement : le soi-disant Adscam et les quelques 100 millions de dollars de passation des marchés au ministère de la Défense nationale.
Le projet de loi contient des trous béants qui pourraient avoir les effets suivants : d'autres détournements de fonds publics à cause du manque de transparence et de surveillance de la passation des contrats; un effet corrosif sur le financement des organismes sans but lucratif, qui seront soumis à des règles de responsabilité exhaustives, tandis que les contrats avec les entreprises à but lucratif sont exclus de nombreuses dispositions — nous venons d'entendre ce matin que le vérificateur à l'approvisionnement n'est pas vraiment un poste de vérification; et la réduction de l'obligation de rendre compte des dépenses publiques pendant que les gestionnaires détournent des fonds vers des contrats privés et des ententes de financement, ils peuvent éviter ces clauses de responsabilité.
Des règles plus strictes incluses dans le projet de loi C-2 élargiront et accroîtront l'obligation de rendre compte à presque tous les domaines de dépenses publiques, sauf pour les contrats privés. J'ai en particulier délimité quatre domaines. La Loi fédérale sur la responsabilité contient les importantes échappatoires qui suivent : elle ne prévoit pas suffisamment d'obligations de communication de renseignements sur les grands contrats gouvernementaux; elle ne tient pas compte des recommandations du commissaire à l'information sur la communication de détails concernant les contrats gouvernementaux avec des tiers et ne respecte même pas les principes établis par les tribunaux sur ces renseignements; elle exclut les contrats de biens et de services de l'examen du vérificateur général; elle ne permet pas aux citoyens individuels de déposer des plaintes auprès du vérificateur de l'approvisionnement proposé.
Je peux revenir plus en détail sur ces points, si vous le voulez.
Le président : Je vous en prie.
M. Sanger : D'abord, en ce qui concerne une plus grande de communication de renseignements sur les contrats gouvernementaux, nous avons été heureux de constater que la Chambre des communes a tenu compte de l'une de nos recommandations et inclut un amendement exigeant la communication proactive de tous les détails de base des contrats de plus de 10 000 $. Cette politique est en vigueur au gouvernement depuis mars 2004, mais n'avait été enchâssée dans aucune loi ni aucun règlement et aurait pu être annulée à n'importe quel moment.
Fait intéressant, la politique a été mise en œuvre notamment pour réduire le coût de la conformité aux demandes d'accès à l'information pour le gouvernement. Pour accroître cela, nous pensons que la loi devrait exiger que de plus amples détails soient fournis pour les marchés d'une valeur de plus de 100 000 $. L'information de base relativement courante dans la plupart des contrats devrait être aussi divulguée.
Deuxièmement, mettre en œuvre les propositions soumises par le Commissaire à l'information pour assurer que certains détails des contrats ne soient pas exclus de la portée de la Loi sur l'accès à l'information. L'article 20 de la Loi sur l'accès à l'information prévoit une exception obligatoire pour les renseignements relatifs à un tiers assortie de conditions qui peuvent être appliquées largement. Le Commissaire à l'information a recommandé que cette exception ne serve pas à exempter les détails de certains contrats de la portée de la loi. La pratique actuelle et la jurisprudence ont établi le principe qu'on ne peut pas raisonnablement s'attendre à aucune confidentialité relativement à une soumission retenue, une fois que le contrat a été adjugé.
Troisièmement, conférer au vérificateur général le pouvoir de faire enquête sur toutes les entreprises qui reçoivent des fonds du gouvernement, que ce soit par un accord de financement ou par un contrat. Le projet de loi C-2 permettrait au vérificateur général d'analyser les documents des bénéficiaires de fonds du gouvernement fédéral, mais exclut le financement fourni dans le cadre de contrats pour des biens et services.
Il s'agit d'une échappatoire majeure qui empêcherait le vérificateur général d'examiner les dossiers et les comptes d'entreprises qui ont un contrat pour un bien ou un service avec le gouvernement. Le vérificateur général ne pourrait examiner les documents que du côté du gouvernement, cela pose un problème surtout en cas de falsification des documents.
Ce matin, nous avons entendu M. Wild et le ministre adjoint dire que des bonnes procédures sont en place. Cependant, avant de lancer une enquête criminelle, je pense qu'il est approprié que le vérificateur général ait ce pouvoir — des mécanismes de contrôle peuvent être mis en place — pour examiner les contrats et les documents financiers des organisations bénéficiaires.
Ce qui me préoccupe, en particulier, c'est qu'il pourrait avoir un effet extrêmement corrosif sur le financement public des organismes sans but lucratif, d'autant plus que les gestionnaires de la fonction publique peuvent aisément éviter la norme la plus sévère de vérification et de reddition de comptes tout simplement en faisant plutôt affaire avec une entreprise privée. Je pense qu'en outre le financement versé au vérificateur général devrait être augmenté pour l'aider à exercer ces capacités additionnelles.
Quatrièmement, permettre à tous les citoyens de déposer des plaintes auprès du vérificateur de l'approvisionnement. L'actuel projet de loi C-2 ne permet qu'aux seuls fournisseurs canadiens, selon la définition de la Loi de mise en œuvre de l'Accord sur le commerce intérieur, le droit de déposer des plaintes. La restriction est alambiquée. Il est en fait difficile d'en avoir la définition. Il semble que cette restriction n'a pas de raison d'être dans le projet de loi. Le projet de loi devrait permettre à tous les Canadiens, et non seulement aux entreprises, de déposer des plaintes. La suggestion que nous avons ici permet de faire cela facilement.
Ce ne sont pas des changements difficiles ou compliqués à faire, mais ils auraient un effet positif et d'une grande portée. Ils permettraient d'économiser de l'argent dans certains domaines. Plus important encore, ils feraient du projet de loi C-2 une loi sur la responsabilité globale et équitable dans laquelle les Canadiens auront confiance et dont ils seraient fiers.
Evert Hoogers, représentant syndical national, Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes : Au nom de nos 54 000 membres, je vous remercie de nous donner l'occasion de présenter notre point de vue sur le projet de loi C-2. Je vous prie aussi d'excuser l'absence de notre présidente nationale, Deborah Bourque qui n'a pas pu venir aujourd'hui.
Je traiterai des dispositions portant sur la sous-traitance et l'approvisionnement, ainsi que sur l'accès à l'information. Ce que je vais dire est un résumé du document qui vous a été remis.
Comme vous le savez, au lendemain de la publication du rapport de la vérificatrice générale en 2002, le cabinet Deloitte & Touche à découvert que la Société canadienne des postes n'avait pas respecté ses politiques d'impartition et d'approvisionnement dans 355 des 599 cas passés en revue. En avril 2005, notre présidente nationale a écrit à M. Gordon Feeney, président du conseil d'administration de la société canadienne des postes, pour lui demander ce que le conseil d'administration faisait pour régler ce problème. Il a répondu dans une lettre que, par suite des conclusions de Deloitte & Touche, le conseil d'administration de la Société canadienne des postes avait chargé la direction de revoir ses politiques. Il s'est également déclaré satisfait des mesures prises.
Nous ne sommes pas aussi satisfaits que M. Feeney des mesures prises, parce que nous en ignorons totalement la nature. M. Feeney ne s'étant pas donné la peine de les préciser. Jusqu'à maintenant, nous ne pouvons d'aucune façon connaître les mesures exactes prises par la Société canadienne des postes pour régler ses problèmes en matière de répartition et d'approvisionnement.
Monsieur Feeney ne nous a fourni aucun renseignement à ce sujet lorsque nous lui en avons demandé, et nous avons été incapables d'obtenir cette information aux termes de la Loi sur l'accès à l'information, parce que la Société canadienne des postes bénéficie d'une exemption. Ce que nous savons par contre, c'est que la Société canadienne des postes à une prédisposition à utiliser la sous-traitance parce qu'elle présume que cette formule permet de fournir de meilleurs services, à moindre coût. Or, des projets pilotent évalués par des organismes indépendants et notre vaste connaissance des services postaux nous donnent à penser que ce n'est pas toujours le cas.
Par conséquent, nous aimerions que le comité rédige des dispositions faisant en sorte que les sociétés d'État qui souhaitent recourir à l'impartition soient tenues d'effectuer une évaluation normalisée comparant les avantages financiers, sociaux, économiques et environnementaux de la sous-traitance par rapport au travail effectué à l'interne.
Nous aimerions aussi que le comité rédigé des dispositions qui fassent en sorte que les sociétés d'État soient tenues d'effectuer une évaluation similaire lorsque du travail est effectivement confié à la sous-traitance.
Dans ce cas, l'évaluation devrait comparer les avantages financiers, sociaux, économiques et environnementaux qu'offre un entrepreneur par rapport à un autre. Nous estimons que ce processus permettrait d'éviter l'utilisation de contrats à des fins politiques.
Nous croyons également que les sociétés d'État devraient prendre en considération tous ces facteurs parce qu'elles sont des sociétés publiques, et non des sociétés privées ayant des objectifs strictement commerciaux.
J'aimerais également exprimer des préoccupations au sujet de certaines des dispositions sur l'accès à l'information du projet de loi C-2 qui ont une incidence sur la Société canadienne des postes. Le STTP souhaite vivement que les nouvelles dispositions sur l'accès à l'information améliorent la transparence à la Société canadienne des postes, en particulier en ce qui concerne la sous-traitance et l'attribution des contrats d'approvisionnement, et relativement au service postal public en général.
Tout d'abord, nous sommes très heureux que la Société canadienne des postes soit dorénavant assujettie à la Loi sur l'accès à l'information. Cependant, le syndicat éprouve de sérieuses réserves quant à la disposition 147 de la partie 3 qui ajoute les sous-paragraphes 18.1(1) et 18.1(2).
Nous estimons que les exemptions options proposées au sous-paragraphe 18.1(1) sont trop étendues. Aux exemptions liées aux intérêts économiques normaux comme les secrets industriels ou les renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques, le gouvernement en a ajouté une concernant les renseignements qui sont traités de façon constante comme étant de nature confidentielle.
Les renseignements essentiels que la Société canadienne des postes traite comme étant de nature confidentielle comprennent l'examen de son réseau national. Elle a annoncé la fermeture d'un établissement de traitement du courrier à Québec et a fermé environ 50 bureaux de postes ruraux depuis 2001 en dépit d'un moratoire sur la fermeture de bureaux de poste en milieu rural et dans les petites villes.
La Société canadienne des postes est une société publique, et la population a le droit de savoir ce qu'elle prépare. Malheureusement elle a refusé jusqu'à maintenant de divulguer son plan d'ensemble pour le réseau, et il nous a été impossible d'obtenir ce plan en invoquant la Loi sur l'accès à l'information. Si le sous-paragraphe 18.1(1) inclut les renseignements qui sont traités de façon constante comme étant de nature confidentielle, il nous sera difficile d'obtenir ce type de renseignements, même si la Société canadienne des postes est assujettie à la Loi sur l'accès à l'information.
Nous sommes également préoccupés par le sous-paragraphe 18.1(2) qui décrit les exceptions aux nouvelles exemptions. Il s'agit d'une disposition très étrange à notre avis. Pourquoi aurions-nous besoin d'une exemption pour un document qui porte sur l'administration de l'institution? Pourquoi aurions-nous besoin d'une exception spéciale pour un document qui porte sur une activité de la Société canadienne des postes entièrement financée sur des crédits votés par le Parlement? Je suis sûr que nous obtenons déjà la plupart de ces renseignements. Il semble que tout, à l'exception de ces deux types de documents, peut être considéré comme des renseignements qui sont traités de façon constante comme étant de nature confidentielle.
Nous voudrions que ce comité modifie le projet de loi C-2 afin qu'il soit établi très clairement que Postes Canada doit fournir toute l'information requise sauf dans le cas d'exemptions très précises touchant les renseignements de nature délicate du point de vue commercial. Nous convenons qu'il est nécessaire d'accroître la transparence à Postes Canada, mais nous sommes également d'avis que notre société publique des postes doit être mise à l'abri des demandes abusives de compétiteurs qui souhaitent obtenir des renseignements sans aucune justification, notamment quant aux plans de Postes Canada pour soutenir la concurrence des entreprises de messagerie. Ces firmes souhaitent s'accaparer une plus grande partie du chiffre d'affaires de Postes Canada, mais ne veulent rien savoir de ses obligations en matière de service universel. Notre syndicat recommande donc la suppression du paragraphe 18.1(2) proposé et la modification du paragraphe 18.1(1) qui se lirait comme suit :
Le responsable d'une institution fédérale doit fournir toute l'information demandée en vertu de la présence loi, mais peut refuser de communiquer des documents qui contiennent des secrets industriels ou des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques qui appartiennent à [...]
Suivre les paragraphes a) à d).
Pour que la Société canadienne des postes n'abuse pas de cette disposition, nous suggérons que les termes « secrets industriels, renseignements financiers, commerciaux, scientifiques et techniques » soient définis de la manière la plus restrictive possible. Je constate une erreur à ce sujet dans le document que nous vous avons remis.
Nous aimerions aussi que ces renseignements fassent l'objet d'un examen indépendant de la part du Commissaire à l'information.
Si, pour une raison ou une autre, le comité estimait ne pas pouvoir souscrire à notre recommandation, nous le prierions de supprimer tout au moins l'exemption concernant les renseignements « qui sont traités de façon constante comme étant de nature confidentielle ».
Nous exhortons aussi le comité de rejeter toute proposition que pourrait présenter la Société canadienne des postes en vue de restreindre davantage l'accès à l'information, comme la proposition faite au Comité législatif chargé du projet de loi C-2 concernant son service de la sécurité et des enquêtes. Postes Canada a demandé à ce comité de faire de son service de la sécurité des enquêtes un « organisme d'enquête déterminé par règlement » aux termes du paragraphe 16(1) de la Loi sur l'accès à l'information. Nous sommes d'avis qu'exempter le service de la sécurité et des enquêtes de la Société canadienne des postes ne servirait les intérêts de personne.
Nous sommes également préoccupés par les commentaires du Commissaire à l'information selon lesquels le projet de loi ne ferait qu'empirer le processus d'accès à l'information. Nous craignons que le gouvernement n'ait créé un processus distinct plus lent pour la mise en œuvre des nombreuses réformes en confiant à un autre comité le document de travail Renforcer la Loi sur l'accès à l'information. Quiconque a déjà eu à invoquer les dispositions de la Loi sur l'accès de l'information sait qu'il est urgent de l'améliorer.
Je peux maintenant répondre à toutes vos questions.
Joanne Stanley, vice-présidente, Canadian Advanced Technology Alliance : Nous allons vous présenter un exposé conjoint. Merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui. C'est toujours un honneur et un plaisir de représenter la CATAAlliance.
En ma qualité de vice-présidente, je veux prendre un instant pour décrire notre association, nos membres et notre mission. Je laisserai ensuite la parole à M. Alex Beraskow. Il est président et directeur général de la firme IT-Net et membre du comité du conseil d'administration de CATAAlliance; il a participé activement à titre de conseiller à notre campagne concernant les approvisionnements.
CATAAlliance est la principale association canadienne regroupant des entreprises technologiques. Notre association réunit près de 500 firmes du secteur de la technologie, ce qui représente plusieurs milliers de personnes; 80 pour 100 des entreprises membres sont actives sur les marchés d'exportation.
Les membres de CATAAlliance partagent l'objectif de contribuer à la croissance commerciale de toutes les firmes représentées. Nous voulons tous que les entreprises technologiques se développent et se démarquent sur les marchés mondiaux. Nous nous employons en priorité à offrir des services administratifs à nos membres et à les appuyer dans leurs relations avec les gouvernements. Nous offrons également des services de recherche et une voie d'accès au gouvernement fédéral pour nos membres.
Notre mission est de favoriser la croissance des entreprises sur les marchés mondiaux, ce qui doit passer par l'innovation et les partenariats stratégiques entre firmes canadiennes. Notre conseil d'administration est formé de gens de divers horizons possédant une vaste expertise dans le secteur de la technologie. Il s'agit de l'un des réseaux de pairs les plus forts et les plus puissants au Canada. Les réputés Terry Matthews, Frank Stronack et Alex Beraskow font notamment partie de notre conseil.
Les directeurs de notre conseil agissent comme chefs de file pour des campagnes entreprises par CATAAlliance dans différents domaines : gestion de la chaîne logistique, approvisionnements, impartition, recrutement et formation, crédits d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental, et développement des marchés internationaux.
Nous représentons un très large éventail d'entreprises technologiques, de manufacturiers, de concepteurs de logiciel et d'application, de fournisseurs de services et de petites, moyennes et grandes entreprises tributaires de la technologie. Notre organisation-cadre comporte un certain nombre de divisions représentant des groupes technologiques ciblés. Je pourrais vous en nommer quelques-uns : Association canadienne des fournisseurs Internet, forum CATA WIT (les femmes et la technologie), Innovation Management Association of Canada et Commonwealth Advantage. Nous avons également une association chinoise, qui a des ramifications jusqu'en Chine. Nous sommes aussi très présents au Québec où nous représentons les entreprises technologiques de langue française.
Après ce survol de notre association, je vais laisser la parole à M. Beraskow qui vous entretiendra plus précisément de nos points de vue sur les questions touchant la responsabilité et les approvisionnements.
Alex Beraskow, membre du conseil d'administration, Canadian Advanced Technology Alliance : Merci beaucoup. Il ne fait aucun doute que nous nous réjouissons de voir le gouvernement du Canada s'intéresser à la question des approvisionnements parce qu'il s'agit, selon nous, de l'une des composantes essentielles du processus de responsabilisation.
Du point de vue de notre association, de nos membres et de notre industrie, la responsabilisation peut être définie de façon très précise ou de manière beaucoup plus large. Nous jugeons très intéressant que vous ayez choisi d'adopter une définition plus large pour la rédaction de ce projet de loi, comme pour sa révision. Nous estimons que c'est la bonne façon de procéder.
Il est important de noter dès le départ que CATAAlliance représente une industrie en pleine expansion, mais que les choses n'ont pas toujours été aussi roses. C'est une situation particulièrement préoccupante pour moi, tant comme membre de l'alliance, que comme dirigeant d'une firme d'experts-conseils très prospère.
Nous avons l'intime conviction que les activités d'approvisionnement du gouvernement du Canada devraient s'ancrer dans une stratégie industrielle pangouvernementale apte à exploiter la notion d'une chaîne de valeur afin d'optimiser l'utilisation des fonds publics. Plus précisément, les approvisionnements du gouvernement du Canada ne devraient pas se faire suivant une approche de type Wal-Mart. Le gouvernement du Canada ne devrait pas être le Wal- Mart du secteur public.
Pour ce qui est de la chaîne de valeur globale, voilà plus de deux ans que CATAAlliance sonde le point de vue de ses membres pour les mobiliser autour de certains dossiers clés. Nous convenons tous que la réussite et la prospérité de la nation canadienne dépendent de sa capacité de s'appuyer sur un secteur fondé sur les connaissances. C'est en grande partie cet aspect-là que nous représentons.
Notre point de vue s'articule en grande partie autour de la vision d'un gouvernement fédéral qui utiliserait les activités d'approvisionnement du secteur public de manière stratégique afin de créer des conditions favorables à la croissance de l'économie canadienne. Nous sommes convaincus que les 18,5 milliards de dollars que le gouvernement fédéral dépense pour ses approvisionnements en biens et services devraient être investis de façon stratégique pour assurer le développement des firmes canadiennes. Il est vraiment important pour les contribuables que le gouvernement agisse en bon citoyen et se serve de son pouvoir d'achat énorme pas uniquement pour toujours obtenir les coûts les plus bas possibles.
Nous avons des observations à formuler sur plusieurs aspects. Tout d'abord, nous aimerions obtenir des éclaircissements sur la notion d'influence. Ainsi, si le président d'une entreprise appelle un sous-ministre adjoint ou une sous-ministre pour discuter d'une idée ou d'une approche novatrice pouvant être de nature exclusive, comment les choses se passent-elles? Comme je ne suis pas avocat, je n'arrive pas à bien comprendre comment on traite une telle situation.
Nous recommandons également qu'avant la mise en œuvre de la loi proposée, on adopte une approche uniforme pour la gestion du changement, notamment au chapitre de la communication et de la formation. Pour une partie d'entre nous qui sommes habitués à développer des technologies et qui n'avons aucune formation juridique, contrairement à certains des distingués membres du Sénat ici présents, il peut être difficile de voir clair dans cette loi.
Nous sommes d'accord avec la nomination d'un vérificateur de l'approvisionnement. C'est une mesure que CATAAlliance a recommandée il y a environ six mois et nous croyons que c'est un pas dans bonne direction. Nous avons des opinions bien arrêtées au sujet du processus d'approvisionnement. Il est actuellement beaucoup trop complexe; il y aurait lieu d'en accroître la transparence et d'améliorer la reddition de comptes.
Il devrait y avoir une volonté de créer une chaîne d'approvisionnement de façon à optimiser l'effet de chaque dollar dépensé. Les 18,5 milliards de dollars pourraient générer une activité économique beaucoup plus intense. Par exemple, lorsque le gouvernement du Canada fait l'acquisition d'un bien ou d'un service en particulier, il s'efforce toujours de conserver les droits de propriété intellectuelle. Il y a quelque 30 000 personnes qui élaborent des solutions informatiques, mais je n'ai jamais entendu parler d'aucun produit développé par le gouvernement du Canada ou de droits d'auteur qu'il se serait appropriés grâce à ces dépenses de 2 milliards de dollars.
Pour vous citer un exemple, le ministère de la Justice ne voulait pas nous accorder les droits de propriété intellectuelle pour un logiciel que nous avions conçu en commun. Je soutenais à ce moment-là que ces gens devraient s'occuper des questions juridiques alors que je prendrais en charge le développement du logiciel. Quand il est question de droit, je ne me débrouille pas très bien. Je suppose que l'inverse est également vrai.
Le président : Pourquoi ne veulent-ils pas vous accorder les droits de propriété intellectuelle?
M. Beraskow : Simplement pour le principe. C'est un exemple.
On vit une situation bien particulière au sein de l'ensemble de l'industrie des services professionnels en informatique actuellement. Il y a, selon moi, un manque énorme de responsabilisation. On compte environ 30 000 fonctionnaires qui élaborent des systèmes et en assurent l'entretien. Si on pense au niveau de responsabilisation, il n'y a jamais moyen de savoir où se situent les projets, comment ils progressent et s'ils sont ou non en retard. En fait, le gouvernement du Canada achète des intrants, plutôt que des extrants; c'est une situation qui préoccupe grandement notre industrie.
J'aimerais beaucoup vous en faire la démonstration à l'aide d'un exemple. On peut acheter un sac de 10 kilos de farine à 7,50 $ chez Loblaws. Une tarte coûte peut-être 15,00 $, selon qu'on la prend à la pâtisserie, dans une boulangerie ou ailleurs. Le gouvernement du Canada veut absolument acheter le sac de farine parce que c'est moins coûteux. Nous sommes d'avis que le gouvernement pourrait tirer une meilleure valeur de son processus d'approvisionnement s'il s'employait à acheter des extrants, plutôt que des intrants; à acheter des résultats, plutôt que du temps et du service, comme il le fait actuellement. Dans le processus d'approvisionnement, le gouvernement devrait être un acheteur et non un concepteur.
On entend souvent d'autres personnes dire que le processus d'approvisionnement devrait être simplifié. À l'heure actuelle, il faut être un avocat bien malin pour pouvoir donner suite à certaines mesures d'approvisionnement. Quant au coût des approvisionnements, je pourrais certes vous tenir en haleine pendant des heures avec des histoires où les choses ont mal tourné.
Nous tenons aussi à favoriser une véritable concurrence dans le processus des approvisionnements. Pour ce faire, nous préconisons quelques mesures très précises. Il faut notamment une divulgation complète de l'information. Pour l'instant, on pourrait qualifier au mieux de variable le degré de renseignements accessibles sur les différents processus d'approvisionnement. Tout dépend de l'agent en charge, de ce qu'il veut bien divulguer, de l'identité des titulaires, et cetera. Encore là, pour des dépenses de 1 milliard à 2 milliards de dollars, un processus qui dépend des antécédents d'une personne n'est pas bénéfique pour l'industrie.
Il règne également une certaine confusion — et cela est valable pour toutes les formes d'influence, qu'on la définisse de façon étroite ou plus large — quant à l'obligation pour les hauts fonctionnaires d'accepter de rencontrer quelqu'un. Si, en ma qualité de président de IT-Net, j'appelle un sous-ministre adjoint, est-il tenu de me rencontrer ou peut-il simplement me répondre qu'il a trop de travail ou qu'il ne parle pas aux gens de l'industrie? Ce sont certes des situations que nous pouvons constater. Toute cette approche de marketing n'est pas considérée de manière uniforme. Certains hauts fonctionnaires répondent simplement qu'ils ne veulent pas nous parler.
Certaines personnes plus cyniques ou critiques que je puis l'être en soupçonnent d'autres de divulguer davantage d'information; est-ce une approche appliquée de manière uniforme? Pour le processus d'approvisionnement gouvernemental, les lignes directrices devraient être claires. Je peux comprendre qu'un sous-ministre adjoint ne veuille pas parler aux représentants de chacune des entreprises de toute la planète, mais il existe d'autres façons de communiquer l'information.
Pour ce qui est de la reddition de comptes, nous sommes favorables à la publication des contrats sur le Web dans un endroit unique. C'est une technologie très simple à mettre en place. Il existe déjà MERX, le système d'appels d'offres électroniques du gouvernement qui affiche tous les contrats soumis à ce processus. Je ne crois pas nécessaire que d'autres comités se penchent sur la question. Notre industrie est suffisamment solide et efficiente pour pouvoir donner suite à toute mesure législative prise en ce sens. Il ne serait pas difficile d'afficher sur le Web tous les contrats, sans égard à leur valeur.
Les comptes publics qui sont déposés aujourd'hui m'embêtent un peu. C'est que dans mon secteur de services professionnels en informatique, il y a des fonds comptabilisés de quelque 800 millions de dollars pour lesquels nous savons quelles firmes ont obtenu les contrats. Pour une autre somme d'environ 800 millions à 1 milliard de dollars, nous ignorons à quelles entreprises les contrats ont été accordés parce qu'ils échappent au radar fixé à hauteur de 100 000 $. Ce sont les sommes en cause. Dans les faits, selon le montant de la transaction, il est possible que nous ne sachions pas comment sont utilisés les fonds publics pour la majorité des contrats. Je répète qu'il ne serait pourtant pas difficile de d'afficher sur le Web tous les contrats octroyés.
Je souligne également qu'une grande organisation, la GRC, ne tient absolument aucun registre des entreprises auxquelles elle accorde des contrats. Encore là, ce sont des renseignements qui devraient être directement accessibles. Je crois que les dépenses en question se situent entre 30 millions de dollars et 50 millions de dollars, mais je ne connais pas le montant exact. Là aussi, on devrait rendre publique l'information sur les entreprises qui obtiennent les contrats.
Nous sommes favorables à la nomination d'un vérificateur de l'approvisionnement. Nous avons également discuté de la possibilité de mettre sur pied un comité pour l'équité en matière d'approvisionnement qui serait constitué d'un représentant chacun pour l'industrie, le gouvernement du Canada et le client, et chargé en fait de rédiger une lettre de recommandations.
Nous pouvons discuter de quelques-unes des questions liées au processus. Nous sommes heureux de pouvoir parler des avantages d'une chaîne de valeur pour l'industrie et de l'effet multiplicateur, de telle sorte que chaque dollar dépensé par le gouvernement du Canada permette d'en obtenir deux ou trois en termes de valeur.
Si je reviens à cette notion des 30 000 fonctionnaires qui s'occupent des systèmes informatiques, pourriez-vous imaginer l'ampleur de la propriété intellectuelle qui pourrait être accumulée si l'on comptait, supposons, sur 100 entreprises employant 1 000 personnes chacune, ou ne serait-ce même que 100 personnes chacune. Pouvez-vous imaginer dans quelle mesure nous pourrions prospérer et sur combien d'entreprises comme Cognos, Systemhouse, FreeBalance et autres Common Gateway Interface (CGI) nous pourrions compter pour créer de la richesse économique?
Le président : Merci beaucoup. Les trois excellents exposés que nous venons d'entendre traitaient de questions comme l'approvisionnement, l'accès à l'information, le lobbying et la transparence administrative, ce qui donne beaucoup de matière à réflexion pour les honorables sénateurs.
Le sénateur Cowan : Ma première question s'adresse à M. Sanger. Lorsque nous avons demandé à la vérificatrice générale si ses pouvoirs devaient être élargis pour s'appliquer également aux contrats, elle nous a répondu, comme il se doit, que c'est le Parlement qui établit son mandat et qu'elle fait ce que le Parlement lui dit de faire. Pouvez-vous nous indiquer pour quelle raison vous estimez qu'elle devrait également pouvoir s'intéresser aux sommes dépensées dans le cadre de contrats?
M. Sanger : Le projet de loi C-2, dans sa forme actuelle, propose d'étendre son mandat d'une manière générale aux ententes de financement.
Le sénateur Cowan : Pas aux contrats, cependant.
M. Sanger : Tout à fait, pas aux contrats. Je crois, par souci d'équité, ainsi que dans une volonté de responsabilisation, que les pouvoirs de la vérificatrice générale devraient être étendus pour s'appliquer aux contrats. On peut présumer qu'un gestionnaire de la fonction publique qui a le choix entre la conclusion d'une entente de financement avec un bénéficiaire ou l'établissement d'un contrat avec une entreprise privée, lequel n'est pas soumis au même niveau de vérification ou de responsabilisation, pourrait choisir d'éviter les risques en octroyant ces fonds dans le cadre d'un contrat.
Le sénateur Cowan : Pouvez-vous voir une raison d'intérêt public qui justifie une telle distinction?
M. Sanger : Absolument aucune. De fait, il existe plutôt d'excellentes raisons d'intérêt public pour traiter ces deux composantes de la même manière, d'autant plus que nous avons entendu ce matin M. Wild et M. Bennett nous dire que le vérificateur de l'approvisionnement n'est pas vraiment un vérificateur. Il s'agit plutôt d'un protecteur du citoyen. Il est possible que le vérificateur de l'approvisionnement ait un rôle particulier à jouer, mais j'estime qu'il est inéquitable, dans le contexte de la responsabilisation accrue proposée dans ce projet de loi, que la porte se ferme devant vous lorsqu'il s'agit d'un contrat.
Je suis tout à fait d'accord avec les arguments soulevés ici par nos amis. Je faisais montre de prudence sur l'autre question quant à la nécessité de rendre publics davantage de détails sur les contrats de plus de 100 000 $. Je serais d'accord pour que tous les contrats soient rendus publics.
Le sénateur Cowan : Êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'il ne semble y avoir aucune raison valable du point de vue de l'intérêt public pour limiter la capacité de porter plainte des gens considérés comme des fournisseurs canadiens et que tout citoyen s'estimant lésé d'une manière ou d'une autre quant au processus d'approvisionnement devrait pouvoir porter plainte devant le protecteur ou le vérificateur?
M. Sanger : Tout à fait. Je ne vois pas pour quelle raison les plaintes se limitent à la définition fournie dans l'entente sur le commerce intérieur. Je ne pense pas qu'il y aurait un grand nombre de plaintes fallacieuses, et ces plaintes-là peuvent être traitées de toute manière.
Le sénateur Cowan : Monsieur Hoogers, vous avez indiqué que Postes Canada ne se conformait pas à ces politiques en matière d'approvisionnement et d'attribution de contrats. Avons-nous vraiment besoin de nouvelles politiques et de nouvelles règles ou devrions-nous simplement mieux faire appliquer celles qui existent déjà? Pour reprendre les paroles du juge Gomery, nos difficultés ne sont pas attribuables à l'absence de règles, mais à notre incapacité à les faire respecter. Croyez-vous que c'est la même chose pour la Société canadienne des postes?
M. Hoogers : Certainement. Il faut également se demander s'il existe d'autres façons d'assurer le respect des règles lorsqu'un processus d'évaluation normalisé n'est pas en place.
Le sénateur Cowan : Ma deuxième question concerne l'exclusion des renseignements qui ont été traditionnellement ou constamment considérés comme confidentiels et je suis d'accord avec vous pour dire que cela peut varier d'une organisation à une autre et que l'application pourrait en être élargie. Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?
M. Hoogers : Je pense que cela se passe d'explication. Le champ d'application est beaucoup trop large. Je crois que la tradition d'exclusion, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, a permis à Postes Canada de maintenir le secret ou le manque de transparence dans un large éventail de dossiers en raison de l'inclusion de cette expression dans la loi.
Le sénateur Cowan : Ma troisième question, et la dernière s'adressant à vous, concerne le service de la sécurité et des enquêtes de la Société canadienne des postes. Je n'en avais pas entendu parler auparavant et vous nous avez fourni des renseignements à ce sujet. Avez-vous quelque chose à ajouter à votre mémoire écrit?
M. Hoogers : Le service de la sécurité et des enquêtes de Postes Canada est une source de préoccupation pour nous depuis bien des années. Une enquête approfondie nous a permis de conclure que ce service s'était montré en de maintes occasions extrêmement intrusif, surtout pour ce qui est des relations de travail et de la surveillance des activistes syndicaux. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé écrit, cette affirmation est confirmée dans un ouvrage intitulé Covert Entry où Andrew Mitrovica décrit en détail les activités passées du service des enquêtes de Postes Canada, des activités menées en toute impunité.
Le sénateur Cowan : Vous dites que votre organisation a demandé la nomination d'un vérificateur de l'approvisionnement ou la création d'un tel poste. On nous a fait savoir aujourd'hui, et de façon très claire, qu'il s'agissait d'un protecteur du citoyen, plutôt que d'un vérificateur. Quel type d'intervenant ou quel type de poste avez- vous préconisé ou recommandé?
Pour gagner du temps, pourriez-vous tout simplement nous parler des mécanismes de reddition de comptes que vous envisagez? Cette personne relève du ministre. J'ai fait valoir auprès d'un témoin précédent que si cette personne est véritablement un vérificateur et si elle doit être vraiment indépendante, peut-être devrait-elle relever de la vérificatrice générale, plutôt que du ministre politique. Pouvez-vous nous faire part de vos commentaires sur ces deux points?
M. Beraskow : Nous estimons très important de reconnaître, d'abord et avant tout, que nous vivons à l'ère du Web. Si la télé d'État estime qu'elle constitue le cinquième pouvoir, on pourrait facilement faire valoir que le Web est le sixième pouvoir en raison de sa capacité de diffuser l'information. Le rôle du vérificateur de l'approvisionnement peut être très vaste. Il pourrait servir de boîte postale pour le regroupement de tous les dossiers. Nous estimons que si les contrats sont éventuellement rendus publics sur le Web, la responsabilisation et la transparence seront optimales et cela pourrait servir de point de référence. Je m'inquiète toujours du fait que le processus de vérification est très complexe avec la nécessité de produire des rapports; nous ne voulons surtout pas ralentir le tout.
Le sénateur Cowan : Vous parlez bien du processus d'approvisionnement.
M. Beraskow : Oui, et à l'heure actuelle absolument tous les aspects de la prestation des programmes aux Canadiens comportent des éléments liés à la technologie de l'information. On ne peut plus rien faire aujourd'hui — qu'il s'agisse de la construction d'une route ou d'un édifice — sans que l'informatique n'entre en jeu d'une manière ou d'une autre. Il est impossible de transmettre une émission de télé ou d'offrir des services de sécurité; la technologie de l'information est toujours présente. Il est très important de ne pas ralentir le processus. Il est essentiel de ne pas ajouter de ralentisseurs, d'obstacles ou de contrôles supplémentaires, parce qu'il va de soi, selon ce qu'on me dit, qu'il y aura toujours des gens qui vont contourner les règles, qui vont dépasser les limites, qu'il soit 4 heures du matin ou peu importe. Il est primordial de laisser une piste de vérification, des empreintes digitales si je puis dire, de manière à ce que ces gens puissent être arrêtés et poursuivis. C'est tout cela qu'il faut considérer.
Parmi les spécialistes de la vérification, on parle de la différence entre les contrôles de détection et de prévention. Les contrôles de prévention visent à empêcher quelqu'un de faire quelque chose; les contrôles de détection permettent de laisser des empreintes de manière à pouvoir attraper le coupable et faire le nécessaire. Le vérificateur de l'approvisionnement a pour rôle, qu'il agisse ou non comme protecteur du citoyen, de recueillir des renseignements tout au moins, voire de formuler des recommandations, à l'intention du Parlement ou du sous-ministre.
Le sénateur Ringuette : Je me souviens que le bureau du vérificateur général avait souligné il y a quelques années — une question d'intérêt pour votre industrie — un grand éparpillement au sein des différents ministères quant à l'acquisition d'expertise en informatique, à la programmation, au service à la clientèle, notamment. On avait alors vérifié cet aspect de l'approvisionnement dans l'ensemble du gouvernement et formulé des recommandations bien précises. On recommandait notamment la création d'un poste de superviseur pour la technologie de l'information dans l'ensemble du gouvernement de manière à assurer une valeur ajoutée pour les sommes investies dans l'acquisition de services et une certaine forme de normalisation de la fonction informatique au sein du gouvernement.
M. Beraskow : C'est un problème très délicat, sénateur, parce que nous voulons faire montre d'innovation et de créativité. Cela signifie également que nous ne voulons pas attendre deux ans, car notre impatience collective intervient et nous ne pouvons tout simplement pas rester inactifs. Nous parlons d'un cycle de vie technologique qui dure probablement trois ans. Il faudrait compter entre un et trois ans pour que des questions du genre figurent dans le plan de vérification et jusqu'à trois années pour que le processus de vérification fasse son chemin. Dans l'intervalle, nous aurions traversé un cycle technologique complet et le monde aurait changé considérablement.
Le sénateur Andreychuk : Monsieur Sanger, si je comprends bien, vous êtes favorable au projet de loi sur la responsabilité, mais vous estimez qu'il devrait aller plus loin, en précisant notamment que les dispositions contractuelles devraient être visées. Est-ce que cela résume bien votre position?
M. Sanger : Je dois admettre que je n'ai pas pris connaissance de l'ensemble du projet de loi. Je ne peux pas dire que je suis favorable au projet de loi dans sa forme actuelle; il comporte d'importantes lacunes. Je crois qu'il nous permet de réaliser des progrès dans certains secteurs, mais c'est un texte législatif très vaste. Je veux louer le travail des légistes qui l'on rédigé aussi rapidement, mais ils disposaient de très peu de temps pour préparer une loi aussi vaste et d'une aussi grande portée. Je crois donc qu'elle comporte des lacunes très importantes.
Le sénateur Andreychuk : Vous avez parlé de lacunes graves relativement aux contrats. Y a-t-il d'autres éléments qui ressortent de ce projet de loi pour vous? L'exclusion des contrats vous pose problème. Quelles autres dispositions du projet de loi pourraient vous causer des difficultés?
M. Sanger : Je dois avouer que je ne suis pas un expert en ce qui concerne ce projet de loi. Mes opinions sur les autres parties du projet de loi seraient dignes d'un amateur, pour le mieux. J'ai traité de quatre parties différentes pour lesquelles des modifications s'imposent selon moi. Je conviens que le gouvernement devrait aller plus loin, comme nos amis ici présents l'ont laissé entendre, et rendre publics tous les contrats. Il serait facile de le faire.
Le sénateur Andreychuk : Dois-je comprendre que vous appréciez l'orientation donnée en matière de responsabilisation notamment, mais que certains articles précis de la loi vous causent des préoccupations et vous jugez que nous devrions nous y attarder davantage ou surveiller les choses de plus près dans la poursuite de l'élaboration de nouveaux systèmes?
M. Sanger : Il se passe quelque chose d'intéressant ici. Les témoins convoqués représentent les syndicats et les entreprises et nous sommes tous favorables à une responsabilisation et une transparence accrues dans ce projet de loi, mais nous y constatons de très importantes lacunes. Nous pouvons diverger d'opinion quant à l'efficacité relative du secteur public ou du secteur privé pour réaliser certaines fonctions, mais nous voulons tous plus de transparence et une meilleure reddition de comptes. À mon point de vue, ce projet de loi ne produit pas les résultats escomptés dans ces domaines-là.
Le sénateur Andreychuk : Vous l'examinez de façon indépendante, et nous devrons voir comment il fonctionne dans le contexte d'autres mesures.
Monsieur Hoogers, vous brossez un tableau plutôt sombre de Postes Canada. Croyez-vous que ce projet de loi sur la responsabilité est le mécanisme qui convient pour régler ces problèmes, ou s'agit-il seulement d'un élément des difficultés permanentes qui doivent être réglées à la Société canadienne des postes? Puis-je résumer les choses de cette manière? Mon évaluation est-elle juste?
M. Hoogers : Je ne dirais pas que j'ai une image sombre de Postes Canada. Je ne crois pas que c'est une société complètement perdue ou irrécupérable. Elle offre un service important à la population canadienne et a su le faire de façon de plus en plus efficiente à bien des égards. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de difficultés; je vous en ai d'ailleurs déjà entretenu. Je ne voudrais surtout pas qu'on puisse penser que je m'en prends d'une façon ou d'une autre au mandat de service public de la Société canadienne des postes. Ce n'est pas le cas. J'estime que ce mandat est extrêmement important.
Je pense que les dirigeants de Postes Canada ont trop souvent tendance à considérer uniquement son mandat commercial. J'aimerais que ses dirigeants examinent les choses dans une perspective beaucoup plus large. Postes Canada est une société d'État qui a un mandat d'intérêt public et qui est souvent appelée à servir l'intérêt public, et pas uniquement à maximiser ses profits.
Pour ce qui est des problèmes que nous avons mentionnés relativement à l'approvisionnement et aux contrats, ils sont en partie attribuables à l'apparition depuis un certain nombre d'années d'une culture que j'associerais au secteur privé quant à la rémunération considérable accordée au PDG et aux importants avantages concédés au fil du temps, comme nous avons tous pu le constater dans le rapport de 2003 de la vérificatrice générale. Il s'agit de choses que nous pouvons régler. Je ne soutiens d'aucune façon que Postes Canada est une institution irrécupérable.
Le sénateur Andreychuk : Je m'interroge au sujet d'une des modifications que vous proposez concernant la concurrence. Vous dites que la concurrence devrait être définie de manière plus étroite et vous intégrez notamment des notions comme les secrets commerciaux. Croyez-vous que la concurrence peut aller plus loin que les questions que vous avez soulevées? Vous pouvez en apprendre beaucoup d'une entreprise en examinant son style de gestion et une partie de ses activités. Vous pouvez obtenir un avantage concurrentiel en allant plus loin que les simples secrets commerciaux et les autres éléments identifiés.
M. Hoogers : Je pense que le libellé que j'ai proposé précédemment est approprié et permet de protéger Postes Canada contre les entreprises souhaitant obtenir abusivement un avantage commercial sans s'acquitter d'aucune des obligations de service universel qui incombent à la Société canadienne des postes. Je m'inquiète surtout de la disposition qui a été ajoutée concernant l'expression dont j'ai fait mention tout à l'heure : « qui sont traités de façon constante comme étant de nature confidentielle ». Cela cause véritablement un problème, parce qu'à peu près toute l'information a été traitée comme étant de nature confidentielle par la Société canadienne des postes. Va-t-on invoquer cette disposition en réponse à toutes les demandes d'accès à l'information?
Le sénateur Andreychuk : Voilà où je voulais en venir. Peut-être les dirigeants actuels font-ils erreur en traitant toute l'information de cette manière. Je ne sais pas s'ils ont raison ou non et je ne suis pas en position pour me prononcer à ce sujet. Cependant, vous préconisez l'autre extrême en définissant la concurrence de manière trop étroite. Autrement dit, vous ne pourrez plus protéger quoi que ce soit si la définition est si stricte qu'elle se limite aux seuls secrets commerciaux. Je soutiens que les cloisons ne sont pas étanches et que vous pouvez en apprendre beaucoup de vos compétiteurs en observant leurs activités, plutôt qu'en vous emparant de leurs secrets commerciaux.
M. Hoogers : Peut-être devrons-nous convenir de notre désaccord à ce sujet, parce que j'estime qu'il est aussi important de protéger l'intérêt public de Postes Canada. Cela ne peut se faire sans la transparence et il faut donc que la Société canadienne des postes devienne une organisation plus transparente quant à son mandat de service public.
Le sénateur Andreychuk : Nous sommes d'accord là-dessus.
Monsieur Beraskow, vous avez soulevé de nombreux points intéressants concernant la technologie de l'information, ce qui semble nous amener à considérer le gouvernement dans une optique différente. Bon nombre des sujets que vous avez abordés dépassent la portée et l'intention du projet de loi C-2. Y a-t-il d'autres tribunes où vous pourrez faire valoir vos arguments concernant la technologie de l'information au sein du gouvernement?
M. Beraskow : Je n'en connais aucune. Si je reviens un peu à ce que j'ai dit, je pense que l'informatique entre en jeu dans absolument tous les processus administratifs. Il est difficile de dire où la responsabilisation s'arrête vraiment. Par exemple, pour toutes ces questions de surveillance administrative et de reddition de comptes, j'aimerais encourager le comité à regarder plus loin et à se montrer davantage novateur, plutôt que d'utiliser des processus et des structures qui existent peut-être depuis 10 ou 20 ans. Pour moi, cela revient essentiellement à couler du nouveau béton dans de vieux moules. Plus ça change, plus c'est pareil.
Mais pour répondre directement à votre question, je ne connais aucune tribune pour ce faire. Notre industrie évolue très rapidement et ce rythme ne cesse de s'accélérer. Nous devons réagir vite. Nous ne voulons pas être ralentis. Il ne faut pas qu'on nous ralentisse. Du point de vue des approvisionnements, sénateur, il est essentiel de maximiser les avantages qu'on en tire et de veiller à ce que tous doivent rendre des comptes au gouvernement quant à l'utilisation qui en est faite et au soutien aux firmes canadiennes efficaces. Nous devrions établir de nouvelles entreprises canadiennes, plutôt que de nous tourner vers Wal-Mart pour obtenir le prix le plus bas.
Le sénateur Mitchell : Je pense qu'on peut dire sans crainte de se tromper que vous êtes tous les deux convaincus que la responsabilisation doit être améliorée. Je crois que vous divergez d'opinion avec le sénateur Andreychuk, qui est du côté du gouvernement, du fait que vous ne pensez pas, tout comme nous, que ce projet de loi ait quoi que ce soit à voir avec l'amélioration de la responsabilisation, surtout en ce qui a trait à l'accès aux contrats.
Je vous ai prêté une oreille attentive lorsque vous avez parlé de l'ouverture des contrats au secteur privé et j'ai été très déçu parce que la réponse est toujours la même : cela va ruiner la concurrence. J'ai repris espoir lorsque CATAAlliance a indiqué que cela ne lui faisait pas peur. C'est toujours un moment remarquable et historique lorsque deux points de vue divergents s'entrechoquent ainsi. Je me demande si les représentants de CATAAlliance pourraient nous expliquer en quoi ils ne voient aucune difficulté à l'ouverture des contrats au secteur privé. Peut-être pourrez-vous ainsi répondre plus directement à la préoccupation du sénateur Andreychuk.
M. Beraskow : Nous sommes toujours heureux d'avoir autant de concurrence que possible. C'est ce qui stimule l'innovation. C'est à la base de toute la notion de chaîne de valeurs. C'est notre façon de faire les choses, sans référence à Darwin ou à qui que ce soit d'autre. Il s'agit d'une composante fondamentale de notre industrie. C'est ce qui nous permet de vivre et de prospérer. Non seulement souhaitons-nous le plus de concurrence possible, mais nous insistons pour que cela se produise.
Ce que nous voulons vraiment, ce sont des règles du jeu équitables pour tous et je ne suis pas certain que le processus d'approvisionnement, avec toutes ses complexités, offre ce niveau de responsabilisation et d'orientation vers les résultats. Comment mesurons-nous la farine? L'achetons-nous au poids? Tout le débat est expurgé de bon nombre des extrants.
Le sénateur Mitchell : Comme vous l'avez suggéré, les 4 à 5 millions de dollars qui sont utilisés pour le poste de vérificateur de l'approvisionnement pourraient servir à créer des équipes de l'industrie permettant d'apporter une solution canadienne lorsque des possibilités de consolider la chaîne de valeurs globale se présentent. Sans vouloir vous prêter des propos, ces sommes seraient ainsi utilisées de manière plus productive parce que ce n'est pas le vérificateur qui va améliorer le processus de responsabilisation.
M. Beraskow : Je veux insister sur cette importante question. Est-il préférable de stimuler l'innovation en s'appuyant sur 30 000 fonctionnaires ou encore sur une puissance économique regroupant 1 000 entreprises employant 100 personnes chacune? Il est question ici de notre nature concurrentielle qui nous sert à tous de carburant, que ce soit sur le terrain de golf, lorsqu'on fait la cuisine ou quoi que ce soit.
Le sénateur Mitchell : J'ai passé de nombreuses années dans l'opposition au sein de la législature albertaine. Je me suis toujours demandé pourquoi le gouvernement ne structurait pas son processus d'appels d'offres de manière à vraiment favoriser le développement des petites entreprises, qui pourraient constituer un engin encore plus puissant pour la croissance de l'économie albertaine. On nous a indiqué tout à l'heure qu'environ 95 p. 100 des contrats accordés par le gouvernement à l'échelle nationale étaient d'une valeur inférieure à 25 000 $. Est-ce l'importance de ces contrats qui posent un problème ou est-ce simplement qu'on n'insiste pas ou pas suffisamment sur ce concept de contenu canadien?
M. Beraskow : Il y a trois questions en cause. Premièrement, sans dire expressément que la taille est importante, je ferais valoir que le coût de la transaction mine les efforts de l'industrie en raison de sa complexité, alors même que ces transactions de moindre valeur devraient être conclues plus rapidement.
Deuxièmement, il est de plus en plus important dans le processus d'approvisionnement et de responsabilisation des sous-ministres qu'ils orientent leurs dépenses sur les résultats, et non sur l'acquisition des différentes composantes d'un résultat. Si nous pensions uniquement à l'aspect faible coût du processus d'approvisionnement, nous nous contenterions de manger des hot dogs et des fèves au lard trois fois par jour. Dans les faits, il faut s'assurer de faire entrer en jeu cette composante de valeur.
Troisièmement, fait tout aussi important, il existe un Bureau des petites et moyennes entreprises, mais il n'y en a pas pour faire la promotion de l'industrie canadienne.
Le sénateur Mitchell : Il faut s'attendre qu'un gouvernement conservateur réagisse à ce genre de proposition en soutenant qu'elle exige une « intervention » trop soutenue et pourrait forcer le gouvernement à choisir des gagnants et des perdants. Vous ne dites toutefois pas que le gouvernement interviendrait de cette manière et jouerait un tel rôle. Vous faites plutôt valoir que nous pourrions mettre en place des processus, comme les équipes de l'industrie, pour favoriser l'amélioration de la chaîne de valeurs globale ou exiger des soumissionnaires pour les contrats gouvernementaux qu'ils démontrent simplement en quoi leur proposition aidera les entreprises canadiennes. Vous ne préconisez pas une intervention directe.
M. Beraskow : Il y a différentes façons d'y parvenir. Il faut au minimum qu'une proposition puisse être soumise à un haut fonctionnaire du gouvernement pour l'élaboration d'une solution. Il s'agit de mettre l'accent sur les résultats et de favoriser l'innovation. Nous devrions être en mesure de préparer le tout et de laisser aux hauts fonctionnaires le soin de déterminer la valeur de ce contenu canadien. Que pouvons-nous présenter de manière à ce qu'une telle décision puisse être prise?
Le sénateur Mitchell : Ce n'est pas simplement une question de coût, mais de coût en fonction de la valeur.
M. Beraskow : C'est exact. Se concentrer sur les résultats, plutôt que sur les intrants.
Le sénateur Zimmer : Lorsque je prends l'avion, je pense toujours au plus bas soumissionnaire, comme le sénateur Mitchell l'a mentionné. Qui a construit cet avion?
Croyez-vous que si l'on accorde le contrat au plus bas soumissionnaire, on met trop l'accent sur le prix et les soumissions, alors même qu'il y a une réglementation à observer. Et lorsque le plus bas soumissionnaire obtient son contrat, il ne s'occupe pas des règlements à respecter et il s'en tire parce que personne ne fait le suivi.
M. Beraskow : À la lumière de mon expérience de quelques années dans cette industrie, je constate qu'il y a probablement différents éléments qui interviennent avant, pendant et après l'ensemble du processus d'approvisionnement. Notre industrie regroupe peut-être 400 ou 1 000 entreprises. Est-ce que tout le monde respecte les règles? Bien sûr que non. On se livre à certains stratagèmes. On crée effectivement un genre de cercle vicieux lorsque TPSGC essaie d'établir de plus en plus de règles pour contrôler le processus, pour le réduire ou le faire monter d'un cran, et l'industrie réagit en conséquence.
Il arrive qu'on manque la cible. Par exemple, est-ce que quelqu'un qui a 15 ans d'expérience vaut plus que quelqu'un qui n'en a que cinq? C'est difficile, parce qu'il y a d'autres facteurs à tenir en compte, comme le où et le comment. TPSGC prend le rôle consistant à tout diriger par des spécifications, ce qui fait augmenter le coût des activités. Cette augmentation a des répercussions dans tout le cycle, avant, pendant et après. On peut se concentrer sur les résultats et laisser l'industrie empocher une marge de profit valable sans essayer de la diminuer encore. Nous avons une économie de marché. Pourquoi est-ce que le gouvernement insiste pour faire encore plus baisser les prix et risquer la qualité, qui en sera affectée? Il faut couper quelque part, et on ne peut pas réinvestir dans notre industrie. Il y a bien d'autres répercussions sérieuses dans tout le processus d'approvisionnement, et personne n'en est tenu responsable.
Le sénateur Joyal : Ma première question s'adresse à M. Hoogers. Nous avons entendu le témoignage du chef de la direction de la Société canadienne des postes au début de la semaine. Est-ce que vous avez eu la chance de lire son témoignage, sur la question que vous avez soulevée de l'interprétation de l'article 18.1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels qui est proposé, qui permettrait à la Société canadienne des postes de refuser de communiquer des documents qui contiennent des renseignements « qui sont traités par elle de façon constante comme étant de nature confidentielle »? Est-ce que vous avez lu ce témoignage?
M. Hoogers : On m'en a parlé, mais je ne l'ai pas lu.
Le sénateur Joyal : Je m'inquiète des répercussions de la phrase « traités de façon constante comme étant de nature confidentielle. » C'est un peu tautologique. Jusqu'à maintenant, la Société canadienne des postes n'avait jamais rien communiqué, sauf son rapport annuel. Les mots « traités par elle de façon confidentielle » lui permettent de continuer comme avant.
M. Hoogers : C'est précisément ce que je dis, sénateur.
Le sénateur Joyal : J'ai écouté vos commentaires et ceux du chef de la direction de la Société des postes. Dans le fond, nous cherchons à protéger la position concurrentielle de la Société canadienne des postes, ce qui est dans l'intérêt également du syndicat, des administrateurs et des gestionnaires de la Société.
Au sujet des renseignements qu'ils pourraient refuser de communiquer, je vois à la troisième page de votre exposé que vous parlez de l'article 18.1 qui est proposé. Je supprimerais la dernière partie sur les renseignements « qui sont traités par elle de façon constante comme étant de nature confidentielle » pour la remplacer par « dont on pourrait raisonnablement craindre que la divulgation ait une incidence négative sur sa position concurrentielle ».
Qu'est-ce que cela ferait? Tout d'abord, au lieu de faire allusion à la pratique administrative, le critère serait le maintien de la position concurrentielle de la Société canadienne des postes, de Développement des exportations Canada, de VIA Rail, et cetera, parce que nous savons que ces compagnies sont confrontées à des rivales du secteur privé.
Avec un tel critère, nous laissons aux administrateurs la tâche d'administrer et d'évaluer l'incidence sur la position concurrentielle de la Société canadienne des postes. C'est là où nous voulons en venir, comme vous le disiez en réponse à la question du sénateur Andreychuk. D'un autre côté, nous favorisons une plus grande ouverture puisque, certainement, des renseignements qui ont été traités de façon confidentielle peuvent être communiqués sans avoir de répercussions sur la position concurrentielle de la Société canadienne des postes, ce qui est le véritable critère.
Est-ce que vous vous satisferiez d'un critère qui exprimerait plus ou moins cet aspect?
M. Hoogers : Je ne pense pas pouvoir ainsi, au pied levé, parler au nom du syndicat. Il est certain que la formulation est meilleure que celle, ambiguë, de cet article que contient le projet de loi, mais je m'en remets aux sénateurs quant au moyen de régler ce problème.
Le sénateur Joyal : Nous ne voulons pas faire de tort à la Société des postes. Nous nous entendons, autour de cette table, sur ce point. Je ne voudrais pas parler au nom du gouvernement, mais il est certain que dans cette initiative, nous ne voulons pas faire de tort à la Société canadienne des postes parce que nous savons qu'elle affronte une concurrence acharnée dans bien des secteurs d'activités, parfois de la part de compagnies américaines. Je n'ai pas besoin de les nommer. D'un autre côté, nous voulons favoriser l'ouverture, ce qui est juste, et un principe auquel vous souscrivez. Il nous faut établir une espèce de critère pour protéger la Société canadienne des postes.
Ma deuxième question concerne l'interprétation, au bas de la page 4 de votre exposé, quand vous parlez du paragraphe 18.1(2). À la page 4, vous citez cet article du projet de loi disant que la Société canadienne des postes ne devrait pas refuser de communiquer des renseignements se rapportant à :
b) toute activité de la Société canadienne des postes entièrement financée sur des crédits votés par le Parlement.
Pourriez-vous me donner des exemples d'initiatives qu'a prises la Société canadienne des postes et qui sont entièrement financées sur des crédits votés par le Parlement?
M. Hoogers : La seule à laquelle je puisse penser est celle du privilège de franchise postale du courrier pour les non- voyants et pour le courrier parlementaire qu'envoient les députés et sénateurs à l'ensemble de la population. Je n'en connais pas d'autres.
C'est la formulation qui me gêne. Parce qu'ensuite, au paragraphe 18.1(1), cela semble être une exception à la phrase qui nous pose problème, c'est-à-dire « qui sont traités de façon constante comme étant de nature confidentielle. » Nous savons que les renseignements visés par ce paragraphe nous sont probablement accessibles de toute façon. C'est ce qui nous préoccupe.
Le sénateur Joyal : Alors ce que vous dites, c'est que c'est redondant?
M. Hoogers : C'est redondant, et cela semble orienter, si on veut, la manière d'interpréter le sous-paragraphe qui précède, et c'est un gros problème.
Le sénateur Joyal : Pourriez-vous réfléchir à ma proposition, et m'écrire pour me dire si votre syndicat la juge acceptable, de façon générale? Je sais que vous ne pouvez pas nous donner tout de suite de réponse définitive, mais il serait juste de vous donner la possibilité de répondre.
Ma dernière question s'adresse à M. Beraskow. Je vous ai écouté attentivement, et en même temps, je lisais l'article 22.1 proposé des modifications à la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, à la page 203. L'article 22.1 définit les modalités et directives s'appliquant au vérificateur de l'approvisionnement.
Vous avez dit dans votre présentation que vous souhaitez un rôle élargi pour le vérificateur de l'approvisionnement. Si vous comparez le contenu du projet de loi à ce que vous nous demandez, j'aimerais connaître vos réactions et vos commentaires sur une modification proposée au paragraphe (3) de l'article 22.1, qui est actuellement libellé comme suit :
Le vérificateur de l'approvisionnement exerce les attributions ci-après conformément au règlement :
a) examiner les pratiques d'acquisition de matériel et de services des ministères pour en évaluer l'équité, l'ouverture et la transparence, et présenter, le cas échéant, aux ministres en cause des recommandations pour les améliorer;
Ici, j'ajouterais :
et en accroître les retombées pour l'économie canadienne.
M. Hoogers : C'est très bien.
Le sénateur Joyal : J'ai essayé de formuler en trois mots ce que vous avez tenté d'exprimer en bien des mots. L'ajout à la modification ne se rapporte pas seulement aux pratiques d'achat, mais aussi à leurs retombées pour l'économie canadienne.
M. Beraskow : Ce n'est pas que le processus, mais aussi certains résultats.
Le sénateur Joyal : Exactement : vous vous préoccupez du résultat. Tandis que vous parliez, je me suis demandé si le vérificateur général du Canada est responsable des résultats? En avoir pour son argent, ce n'est pas exactement la même chose. En avoir pour son argent, c'est recevoir quelque chose d'une valeur comparable à ce que l'on paie. Vous vous préoccupiez plus de la capacité générale de l'approvisionnement du gouvernement de stimuler la créativité et d'accroître les avantages qu'offre notre société ou notre pays dans son ensemble.
M. Beraskow : C'est tout à fait cela. Il est certain que nous l'appuierions.
Le sénateur Joyal : Cet ajout semble englober ce que vous nous avez demandé ce matin.
M. Beraskow : C'est très bien, merci.
Le sénateur Stratton : Je suis sensible à vos préoccupations au sujet de l'approvisionnement, parce que j'ai été pendant des années consultant pour le gouvernement du Canada. C'était un processus des plus frustrants, mais il a évolué. Il a évolué sous le gouvernement Mulroney, qui a complètement aboli le patronage et nous avons adopté un processus compétitif qui est encore en vigueur aujourd'hui.
Je suis sensible à ce que vous essayez de faire, mais que signifie le commentaire du sénateur Joyal, « retombées pour l'économie canadienne »? C'est un peu général.
Quand vous parlez de « retombées pour l'économie canadienne », voudriez-vous vous assurer que cette formulation ne provoque pas de levée soudaine de drapeaux en rapport avec les ententes de l'ALENA, parce que cela ouvrirait cette porte sur quelque chose de plus spécifique et réduirait la portée du processus d'appel d'offres? Est-ce que vous ne préféreriez pas un processus avec l'agent d'approvisionnement? C'est là, selon moi, la clé dans cette affaire : collaborer avec cette personne pour nous assurer de pouvoir concrétiser ce qu'on veut faire.
Dans la loi, je ne vois pas comment on peut correctement définir ce qu'il faut concrétiser. C'est plutôt un processus, ce n'est pas si simple.
M. Beraskow : Le plus difficile, c'est que pour déterminer la responsabilité en matière d'approvisionnement, les transactions se font si vite qu'on n'a pas forcément le temps. Ma compagnie peut, en une journée, avoir 30 ou 50 propositions à émettre. Ce n'est que nous. Alors nous n'avons pas le temps, pas plus que l'agent d'approvisionnement à l'autre bout.
Je suis d'accord avec ce que dit le sénateur Joyal, parce qu'il est important, d'une perspective de politique publique, de définir les critères de ce qui est important pour nous tous en tant que Canadiens et de ce dont nous devrions assumer la responsabilité. Plus précisément, il est parfois difficile de dire avec précision comment mesurer les choses. Parlons de la théorie de ce qu'est l'amour. Je dirais que tout le monde, depuis 10 000 ans, essaie de décrire ce que c'est. On ne sait pas : on ne peut pas mettre le doigt dessus, mais on a une bonne idée de ce que c'est.
Là où je veux en venir, c'est que nous avons une bonne idée de ce que ce sont les retombées économiques, mais elles seraient difficiles à décrire parce que cela pourrait aboutir à un document de 200 pages et une joute entre avocats sur le sens des mots. Un bon énoncé général de politique qui dit « retombées économiques pour l'économie canadienne » nous orienterait dans le bon sens.
Le sénateur Stratton : Ce que je me demande, bien que ce soit une très jolie formulation, c'est si cette approche aura vraiment de l'effet.
M. Beraskow : Dans la négative, nous nous retrouverons ici dans un an.
Le sénateur Stratton : Nous verrons bien.
La question suivante s'adresse à vous tous parce qu'elle concerne l'accès à l'information, et c'est le sujet dont nous traitons depuis le début de cette démarche. J'ai lu dans le Toronto Sun d'aujourd'hui ce qui suit, que j'en donne une traduction libre :
La vérificatrice générale du Canada s'est portée à la défense du projet de loi central du gouvernement, sur l'imputabilité, hier, alors que le Sénat dominé par le Parti libéral en fait un examen minutieux.
En passant, je terminerai en disant que nous avons eu jusqu'ici 22 réunions. Nous avons entendu au total 108 témoins. Nous nous sommes réunis, au total, pendant 71 heures et 39 minutes, sans compter les suspensions de séance.
C'est pour le compte rendu. Je suis sûr que notre président nous rendra compte lundi d'où nous en serons la semaine prochaine.
Quoi qu'il en soit, je poursuis :
Sheila Fraser a paré à la critique du commissaire à l'information, John Reid, selon qui la Loi fédérale sur l'imputabilité est régressive parce qu'elle bloque l'accès du public aux projets de rapport de vérification interne et aux documents de travail des vérifications.
Voici ce que dit Mme Fraser :
« Avec tout le respect que je lui dois, sa position reflète un manque fondamental d'entendement de la fonction de vérification », a déclaré Mme Fraser devant le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles.
M. Reid soutient que les documents qu'ont obtenus les journalistes et qui ont mis au jour des aspects préliminaires du scandale des commandites, sous le gouvernement libéral antérieur, n'auraient jamais été portés sur la scène publique si la loi que propose le Parti conservateur avait déjà été en vigueur.
Mais Mme Fraser conteste la déclaration de M. Reid et affirme que l'article initial qui a mis en mouvement les rouages des vérifications du programme des commandites aurait quand même été écrit.
Les lois actuelles sur l'accès à l'information ont déjà donné lieu...
Et c'est le clou de tout cela :
[...] à des situations où des rapports de vérification interne sont donnés oralement, et ainsi au bout du compte, le public n'aura pas du tout accès [...]
Elle dit « le public n'aura pas du tout accès » parce qu'ils ne mettront rien sur papier à cause de la Loi sur l'accès à l'information. C'est le problème.
La question que j'ai à vous poser, c'est si la vérificatrice dit cela, comment ferez-vous face à ce problème si vous ouvrez soudainement tout à l'accès à l'information? C'est le facteur critique de ce dont elle parle.
Le président : Monsieur Sanger, est-ce que c'est vous qui allez répondre à la question?
M. Sanger : Non.
M. Beraskow : Je ne suis pas très sûr de pouvoir rien dire de valable sur le sujet, parce que pour nous le plus grand problème c'est que, sans vouloir radoter et trop ressembler à ma mère, j'aimerais favoriser la croissance industrielle. J'essaie de créer un avenir sans avoir à m'inquiéter du passé.
Le sénateur Stratton : C'est exactement ce que nous essayons de faire, que le processus d'approvisionnement du gouvernement, dans votre cas, soit ouvert, responsable et transparent, et c'est là où veut en venir Mme Fraser. Si nous resserrons ou ouvrons l'accès à l'information de façon généralisée, les rapports seront présentés oralement et non plus par écrit. Ce problème est absolument fondamental.
M. Beraskow : Je n'ai rien à ajouter, de sage ou non.
M. Sanger : Nous avons eu ce matin une discussion productive au sujet des moyens d'améliorer la loi, sans trop parler de ce que le projet de loi fait avancer les choses ou non. Nous nous entendons sur les moyens de l'améliorer, et je pense que le Sénat a fait un excellent travail avec l'étude qu'il a faite du sujet.
En ce qui concerne les rapports de vérification et s'ils sont restreints, je suppose que la loi peut être modifiée — je ne sais pas exactement comment — pour ne pas faire de pas en arrière sur ce plan.
Le sénateur Andreychuk : J'aimerais avoir une précision. Le sénateur Joyal, je pense, a proposé une modification, et ce serait bon d'avoir cette modification.
Le sénateur Joyal : Je ne propose pas de modification en tant que telle.
Le sénateur Andreychuk : J'aimerais bien qu'on la propose, parce que je pense qu'elle serait utile dans nos travaux.
Aussi, je voulais demander à M. Beraskow une précision. En réponse aux questions du sénateur Joyal, je crois, il a dit être d'accord avec la modification du sénateur Joyal, mais il a poursuivi en disant que — je ne peux pas me rappeler exactement en quels termes, parce que j'ai perdu le fil — le sénateur Joyal ne propose pas que les retombées économiques pour le Canada soient le seul enjeu de notre politique publique, alors si nous allons dans ce sens, l'approvisionnement, c'est plus que des retombées économiques pour le Canada. Est-ce que vous êtes d'accord que la politique publique, c'est plus que les retombées économiques?
M. Beraskow : C'est vrai. C'est un élément parmi d'autres, mais il est important.
Le sénateur Andreychuk : D'accord. Je le comprends. Je vous remercie.
Le président : Au nom du comité, je tiens à vous remercier infiniment tous les quatre d'être venus aujourd'hui. Vos présentations ont été excellentes, informatives et, comme je l'ai dit au début, elles ont porté sur plusieurs questions, comme le lobbying, l'approvisionnement et l'accès à l'information, auxquelles nous réfléchissons profondément depuis plusieurs semaines. Votre apport nous a été très utile.
Honorables sénateurs, nous revenons maintenant sur notre thème de la dénonciation. Nous allons entendre l'Alliance de la fonction publique du Canada, qui a plus de 150 000 membres dans tout le pays. Nous accueillons John Gordon et Edith Bramwell. Ils sont accompagnés de Michèle Demers et Jamie Dunn, de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, le plus grand syndicat multiprofessionnel du Canada, qui représente quelque 48 500 professionnels employés par la fonction publique fédérale et certaines administrations provinciales et territoriales.
Avant de vous laisser la parole, j'aimerais présenter mes excuses à M. Gordon et à Mme Bramwell, pour les problèmes d'horaire que nous avons éprouvés. Je vous remercie d'être revenus. Nous sommes impatients d'entendre votre présentation.
[Français]
Michèle Demers, présidente, Institut professionnel de la fonction publique du Canada : Monsieur le président, je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui. Je suis présidente de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada et un de nos négociateurs Jamie Dunn m'accompagne.
À titre de projet de loi omnibus, la Loi sur la responsabilité est vaste et complexe, et elle aura beaucoup de répercussions. Par conséquent, elle doit être analysée à fond et avec prudence. Les Canadiens et les employés de la fonction publique n'en méritent pas moins. C'est dans cet esprit que l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada présente les observations et les recommandations suivantes :
[Traduction]
Le principal point d'intérêt de l'institut relativement au projet de loi C-2 doit être les modifications au régime législatif pour la protection des dénonciateurs. Nous sommes très heureux de voir la Chambre des communes adopter les modifications que nous proposons visant le retrait de l'article prévoyant des récompenses. Ce retrait est tout à fait en accord avec les vues de nos membres et enlève une barrière à l'intégrité du processus de divulgation.
Cependant, il reste des motifs d'inquiétude, car nous nous interrogeons sur l'effet qu'aura ce projet de loi sur nos membres.
Bien que nous appuyions de nombreux changements apportés, nous tenons à faire remarquer que le projet de loi C- 11, la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, qui a reçu la Sanction royale l'année dernière, n'est toujours pas proclamé et est sans effet. Nous avons lutté pour obtenir ces protections pendant plus de 15 ans, et nous avons vu amorcer et abandonner de nombreuses initiatives à la faveur du flux des politiques. Si le projet de loi C-11 avait été promulgué, au moins nos membres auraient été protégés.
Dans les documents que nous avons remis au comité, que vous avez devant vous, nous avons décrit les aspects nécessitant des modifications pour améliorer ce projet de loi. J'en parlerai brièvement pour laisser plus de temps à vos questions. Vous trouverez le libellé de ces modifications dans notre mémoire.
Le premier élément est le manque d'un rôle clairement défini pour les agents négociateurs.
[Français]
Le projet de loi C-2 n'a pas corrigé une lacune dont nous avons fait état dans toutes les lois précédentes au sujet de la dénonciation soit l'absence d'un rôle explicite pour les agents négociateurs.
Bien que ces dernières participeront à la consultation lors de l'élaboration du code de déontologie, comme le prévoit le paragraphe 5(3) du projet de loi C-11, ils n'ont aucun rôle explicite à jouer en vertu de cette loi en ce qui a trait aux divulgations, si ce n'est la représentation générale.
L'enjeu est très simple. Les agents négociateurs ne sont pas des représentants génériques des employés, mais ils se retrouvent sous un parapluie législatif qui en fait des partenaires en la matière. Ils ont l'obligation législative de protéger les employés dans le cadre d'une vaste gamme de circonstances et un devoir d'agir avec diligence et impartialité. Ils doivent être consultés en cas de changement organisationnel dans la fonction publique.
Ces obligations ont élargi le rôle des agents négociateurs et tissé ce rôle avec l'environnement de travail des fonctionnaires. Nous sommes des partenaires avec la gestion devant la loi lorsqu'il est question de la vie de nos membres au travail. Il est tout à fait normal de reconnaître explicitement cette relation dans le projet de loi C-2. Il faut reconnaître cette situation pour être en mesure d'en profiter pleinement lorsque vient le temps de résoudre ces problèmes et, qui plus est, de protéger les dénonciateurs tout au long du processus de divulgation alors qu'ils sont très vulnérables.
[Traduction]
La deuxième chose dont nous aimerions parler, c'est la création d'un tribunal pour la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles. Dans le projet de loi C-11, ce rôle avait été confié à la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Du point de vue de l'Institut, on ne voit pas pourquoi il est nécessaire de créer ce nouvel organe, composé de juges actuels et à la retraite de la Cour supérieure. Il est clair que la Commission des relations de travail dans la fonction publique possède déjà la structure et l'expertise nécessaires pour traiter les plaintes en matière de représailles. De plus, c'est un forum que connaissent très bien le gouvernement et les agents négociateurs, et elle a l'expérience des pratiques et des normes de la Loi sur le travail. Elle a aussi un service de médiation, dont il est fait mention dans le projet de loi C-2.
Le gouvernement a défendu la création de ce nouvel organe en prétextant que les fonctionnaires méritent d'avoir le choix, pour présenter leur plainte en matière de représailles, de passer par le processus de grief, et par conséquent par la CRPFP, ou par ce nouveau tribunal. L'Institut est d'avis que ce n'est pas un véritable choix. Seul le tribunal est habilité à octroyer une indemnité pour la douleur et les souffrances, jusqu'à concurrence de 10 000 $. Si le gouvernement veut véritablement créer un processus spécial pour traiter les plaintes en matière de représailles, il peut s'inspirer du modèle de la Commission canadienne des droits de la personne, bien que le tribunal soit bien loin de jouir des pouvoirs de la Commission, qui peut octroyer jusqu'à 20 000 $ d'indemnisations, et 20 000 $ de plus en cas de discrimination intentionnelle ou négligente.
Force est d'admettre qu'en vertu de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, la Commission des relations de travail dans la fonction publique et les agents négociateurs ont pour mission de traiter les plaintes concernant les droits de la personne. La tendance à soumettre les questions liées à l'emploi aux parties en conflit est basée sur des dispositions législatives et la jurisprudence un peu partout au pays, et dans les plus hauts tribunaux. En ce sens, la disposition visant le tribunal que décrit ce projet de loi est régressive. Nous décrivons dans notre mémoire plusieurs autres problèmes que pose le tribunal. Vous en trouverez la liste à la septième page de notre document.
Lorsqu'on évalue la nécessité pour ce nouvel organe, il faut se demander comment ce nouveau processus pourra mieux aider les dénonciateurs qui ont eu à faire face à des représailles et à encourager la divulgation d'actes répréhensibles, ce qui en soi est un service public. En conclusion de l'analyse, c'est qu'il n'y parvient pas, mais qu'il ajoute plutôt un autre niveau de complexité au processus de divulgation et de protection. Quelle que soit la justification de ce nouveau tribunal, ce ne peut être une raison pour retarder la protection des dénonciateurs.
[Français]
Le dernier point que j'aimerais aborder est l'accès à un conseiller juridique. Advenant que le gouvernement insiste sur la mise sur pied d'un tel tribunal, nous ne ferions plus affaires strictement en matière de relations de travail.
Le projet de loi C-2 stipule à l'article 203, nouveau paragraphe 25.1, que le commissaire peut permettre l'accès à un conseiller juridique pour des conseils seulement. Des conseils ne constituent pas une représentation. Les limites générales de 1 500 $ et de 3 000 $ pour des conseils juridiques dans des circonstances exceptionnelles le reflètent bien.
Les employés de la fonction publique syndiqués peuvent recevoir l'appui de leur agent négociateur. Les employés non syndiqués ne jouissent pas d'un tel appui. Étant donné que des politiciens et des hauts fonctionnaires pourraient être impliqués dans une divulgation et bénéficier d'un appui direct ou indirect d'un conseiller juridique du gouvernement, les dénonciateurs devront-ils affronter seuls les manœuvres et les accusations juridiques? Il est absolument essentiel que les employés puissent bénéficier d'une représentation entière et complète. Sinon, cela équivaut tout simplement à mettre une étiquette de prix sur la responsabilité.
Il est certain que le coût de la représentation juridique pour les dénonciateurs serait beaucoup moindre que les millions perdus dans les scandales et engloutis dans les enquêtes par la suite. Par conséquent, l'Institut recommande que la représentation juridique — pas tout simplement les conseils — soit incluse dans les ressources offertes aux employés impliqués dans la divulgation d'actes répréhensibles et que les limites de 1 500 $ et de 3 000 $ soient modifiées en conséquence.
[Traduction]
Pour terminer, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada lutte depuis 15 ans pour la protection de ses membres. Nous avons assisté à l'avènement et l'abandon de nombreuses initiatives de protection des dénonciateurs, au hasard des politiques. Le projet de loi C-2 n'est pas parfait. Les préoccupations que nous exprimons au sujet du tribunal en font foi. Les sommes réservées pour le tribunal seraient mieux utilisées si elles servaient à des mesures visant à offrir aux dénonciateurs accès à une représentation pour les aider dans un processus ardu et intimidant. L'imputabilité serait bien mieux servie si on se concentrait sur ces éléments de base.
Le président : Merci beaucoup. M. Gordon et Mme Bramwell sont les suivants.
John Gordon, président national, Alliance de la fonction publique du Canada : L'Alliance de la fonction publique du Canada tient à remercier les membres du comité sénatorial de lui donner l'occasion d'exposer ses vues sur le projet de loi C-2. Ce texte législatif aura des répercussions sur la vie professionnelle de dizaines de milliers de membres de notre syndicat qui travaillent à la fonction publique fédérale. Voilà plus de trois décennies que l'AFPC réclame une loi qui encadre, défend et protège les travailleuses et travailleurs du secteur public qui veulent dénoncer des actes répréhensibles. Nous avons présenté des mémoires détaillés et saisi toutes les occasions possibles pour encourager le gouvernement à mieux protéger les travailleuses et les travailleurs du secteur public qui veulent servir les intérêts du public en dénonçant de tels actes.
Bien que le projet de loi C-2 vise à modifier plusieurs mesures législatives, dont les règles relatives aux conflits d'intérêts, le financement des élections, l'adjudication des contrats gouvernementaux et la dénonciation d'actes répréhensibles, nous nous concentrerons aujourd'hui sur ce dernier point.
Le projet de loi comporte de nombreuses lacunes, notamment celles qui touchent la protection contre les représailles et l'équité procédurale pour les membres qui ont fait l'objet de mesures disciplinaires. En particulier, l'AFPC constate que les modifications apportées par le gouvernement au projet de loi C-11, une initiative louable, ne vont pas assez loin et ne règlent pas les problèmes que nous avons soulevés.
Au sujet du tribunal pour la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, nous soutenons depuis longtemps que nos membres devraient avoir le droit de poursuivre une démarche relative à la dénonciation en vertu de leur convention collective. Nous avons d'ailleurs négocié l'intégration de dispositions sur la protection des dénonciateurs à certaines de nos conventions.
Le tribunal indépendant que propose le projet de loi C-2 exerce des fonctions dont s'acquittent déjà des commissions des relations de travail. Il est peu probable que ce tribunal s'avère aussi compétent pour régler les questions de relations de travail que ces organismes auxquels se reportent constamment les tribunaux. Pourtant, le projet de loi C-2 exige que le tribunal s'occupe de questions délicates concernant les mesures disciplinaires et les représailles au travail. Nous doutons de la nécessité de créer un nouveau tribunal pour traiter de problèmes dont s'occupent déjà d'autres conseils.
Au sujet des souffrances et douleurs, le montant accordé par le tribunal ne peut dépasser 10 000 $, alors que la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit un plafond de 20 000 $.
Par ailleurs, en ce qui a trait aux conditions d'emploi, le projet de loi ne prévoit aucune mesure systémique ou ordonnance, sauf une compensation monétaire, ce qui nous préoccupe également. La seule exception à cet égard est le pouvoir d'ordonner la réintégration. Or, à notre avis, le tribunal ne pourra pas s'acquitter de son mandat s'il ne peut ordonner aux ministères de changer leurs pratiques et la structure de leurs rapports hiérarchiques.
Le pouvoir du tribunal d'adjuger des dommages-intérêts plutôt que d'ordonner la réintégration « s'il estime que le lien de confiance qui existait entre les parties ne peut être rétabli » préoccupe vivement l'AFPC. À notre avis, les personnes qui signalent des actes répréhensibles en dépit de représailles ne devraient jamais avoir à payer le prix de leur gagne-pain. Il est approprié que le tribunal adjuge des dommages-intérêts à un dénonciateur qui en fait la demande au lieu de l'obliger à réintégrer son poste. Toutefois, seul le dénonciateur doit avoir le droit de présenter une telle demande.
Qu'adviendra-t-il si le tribunal juge que les gestes posés ne constituent pas des représailles, mais qu'ils peuvent clairement faire l'objet d'un grief en tant que violation présumée de la convention collective? D'une part, il faut déterminer comment les compétences du tribunal et des commissions des relations de travail se chevauchent. D'autre part, il faut accorder des pouvoirs afin que les dénonciateurs aient accès à la réintégration provisoire lorsqu'ils dénoncent des actes répréhensibles.
Enfin, nous sommes alarmés par le nouveau pouvoir exclusif conféré au tribunal par l'article 201, paragraphe 21.8(4), en vertu duquel il peut ordonner des mesures disciplinaires contre toute personne ayant exercé des représailles. Désormais, nos membres ne pourront plus soumettre ces sanctions à l'examen des conseils du travail, un droit qu'ils avaient pourtant acquis depuis longtemps. Ces dispositions conviennent peut-être pour les fonctionnaires non syndiqués, mais elles privent nos membres d'un droit fondamental inhérent à leur statut d'employés syndiqués. Les tribunaux ont indiqué à maintes reprises que les conseils du travail et les arbitres étaient les mieux placés pour évaluer les facteurs énoncés à l'article 201, paragraphe 21.8(2). Cette tâche incomberait désormais au tribunal.
Le droit de déposer un grief par suite de l'imposition de mesures disciplinaires est fondamental dans tout milieu syndical. Par le passé, nous avons vu des travailleuses et des travailleurs porter le blâme pour des actes répréhensibles commis par des gestionnaires. La procédure de règlement de griefs a toujours été le recours de ces victimes indirectes. Les conseils des relations de travail doivent continuer de passer en revue tous les griefs déposés contre les mesures disciplinaires. L'absence de dispositions à cet égard dans le projet de loi prive nos membres de droits fondamentaux qui garantissent l'équité en milieu de travail. Parmi ces droits on retrouve le droit à un avis suffisant, le droit d'être entendu et le droit à un examen par une tierce partie indépendante.
En ce qui concerne les motifs raisonnables, le droit de déposer une plainte ne devrait pas être assorti de l'obligation d'avoir des « motifs raisonnables de croire ». En permettant au commissaire de refuser de traiter une plainte qui n'est pas déposée de bonne foi, on trace la voie aux objections préliminaires inutiles. D'ailleurs, le syndicat s'était vivement opposé à une disposition semblable prévue dans le projet de loi C-11. Une telle disposition ouvre la porte aux tactiques dilatoires et porte l'attention sur le dénonciateur plutôt que sur le fautif. Rien ne permet de croire que le Bureau de l'intégrité de la fonction publique doit adopter une telle approche.
Cette approche a d'ailleurs été ouvertement critiquée en Grande-Bretagne dans le Shipman Inquiry report. À notre avis, le fait d'examiner l'objet de la plainte permet de déterminer convenablement le bien-fondé de celle-ci.
L'exercice des représailles n'est plus défini comme un acte répréhensible. Aux termes des deux projets de loi sur la dénonciation, les projets de loi C-25 et C-11, l'exercice de représailles constituait un acte répréhensible. Le paragraphe 197(2) du projet de loi C-2 vient modifier l'article 8 du projet de loi C-11, la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles en supprimant l'alinéa f), lequel assimile à l'exercice de représailles aux actes répréhensibles. Une telle modification est en contradiction flagrante avec les objectifs du projet de loi C-2.
Enfin, il faut rappeler que l'AFPC a, par le passé, reproché que les textes de loi ne visaient pas l'ensemble des fonctionnaires fédéraux. En effet, l'AFPC s'est dite particulièrement inquiète que le personnel des Forces canadiennes, du Centre de la sécurité des télécommunications et du Service canadien du renseignement de sécurité soit entièrement exempté des dispositions législatives. Le projet de loi C-2 maintient une exemption qui, à notre avis, est inutile.
En ce qui concerne le commissaire à l'intégrité de la fonction publique, aux termes du projet de loi C-2, le commissaire doit refuser de communiquer les documents qui contiennent des renseignements créés ou obtenus par lui ou pour son compte dans le cadre d'une enquête. Par « renseignements obtenus », on entend la totalité de l'information que reçoit le Commissaire durant une enquête. En dérobant cette information au regard du public, le Parti conservateur fait fi de l'objet de la loi. Cette disposition va carrément à l'encontre de son engagement d'exiger que les renseignements donnés par les dénonciateurs soient rapidement divulgués au public, sauf si la sécurité nationale ou la sécurité de personnes est en jeu.
J'aimerais demander aux membres du comité de réfléchir aux recommandations que nous avons faites, et d'en tenir compte dans la poursuite de vos travaux.
Le président : Auriez-vous une ou deux recommandations à souligner pour les honorables sénateurs?
M. Gordon : Tout d'abord, en ce qui concerne le tribunal de protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, au sujet de l'indemnité au lieu de la réintégration, sous le paragraphe 21.7(1) qui est proposé, nous proposons de remplacer « s'il estime que le lien de confiance qui existait entre les partis ne peut être rétabli » par « à la demande du plaignant ». Le plaignant devrait être le principal facteur de cette décision.
Deuxièmement, en ce qui concerne les commissions du travail comparativement au tribunal, nous estimons que dans un environnement syndiqué, nous avons des conventions collectives et la protection devrait continuer de relever des commissions du travail pour nos membres. Nous pouvons comprendre qu'il faille créer quelque chose pour les personnes qui ne sont pas représentées. Cela doit être pris en compte.
Le président : Merci. Vous savez probablement que plusieurs témoins ont parlé de la dénonciation et des problèmes que posent les représailles, parce qu'elles peuvent prendre tellement de formes. Peut-être que par nos questions, nous pourrons en apprendre plus là-dessus.
Le sénateur Cowan : Madame Demers, au sujet de la reconnaissance du rôle des agents négociateurs, savez-vous si ce rôle est reconnu par d'autres lois sur la dénonciation dans d'autres pays?
Mme Demers : Très franchement, je ne sais pas. Peut-être M. Dunn le saurait-il? Je sais que le rôle des agents négociateurs dans le contexte des relations de travail est clairement défini et c'est ce que nous souhaitons faire reconnaître par le biais du processus concernant la dénonciation.
Le sénateur Cowan : Il nous serait utile que vous puissiez nous donner quelques renseignements, ce que vous avez, d'après vos recherches, à savoir si d'autres compétences reconnaissent ou non ce rôle spécifiquement, d'une manière ou d'une autre.
Vous avez traité, je pense, dans vos deux présentations, de la pertinence ou non d'avoir un nouveau tribunal ou si la Commission des relations de travail actuelle suffit, et vous êtes tous les deux d'avis qu'un nouveau tribunal n'est pas nécessaire. Nous avons entendu un argument contraire, selon lequel la commission du travail se concentre spécifiquement sur les relations entre employeurs et employés. Bien des problèmes qui surgiraient dans le contexte de la dénonciation, si je peux le dire ainsi, débordent de la relation employeur-employé, et c'est ce qui justifie la création d'un nouveau tribunal dont le point de mire est différent et peut-être plus large, moins spécialisé. Qu'en pensez-vous?
Mme Demers : Quelle que soit la teneur de la dénonciation, ce serait dans le contexte du milieu de travail d'une personne, de connaissances, de méthodes de travail ou d'achats ou autres choses dont l'employé prend connaissance dans le cadre de son rôle de fonctionnaire. Je ne pense pas qu'il soit bon de distinguer ce contexte de celui des relations au jour le jour entre l'employeur et l'employé.
Le sénateur Cowan : À votre avis, alors, il n'y aurait pas de situation visée par la loi sur la dénonciation qui ne pourrait être correctement réglée dans le contexte d'une relation employeur-employé. C'est bien cela?
Jamie Dunn, négociateur, Institut professionnel de la fonction publique du Canada : Si je peux ajouter quelque chose, depuis la décision Weber, les syndicats se sont mis à représenter des membres pour toutes sortes de choses dont on pourrait dire qu'elles font partie de la relation de travail employeur-employé. C'est le contexte législatif et la jurisprudence du Canada avec lequel nous composons; on nous a confié une lourde tâche, une tâche que nous acceptons et dont nous nous efforçons de nous acquitter, qui englobe tout. De fait, si un employé devait porter quelque chose devant les tribunaux, le juge le renverrait en disant « ceci ne relève pas de moi si vous êtes syndiqué ». C'est arrivé à maintes reprises partout au Canada. C'est le contexte au Canada dans la loi, la jurisprudence et la pratique. Nous traitons tout ce qui se rapporte à l'environnement de travail, quand il y a un syndicat qui représente l'employé, puis l'employeur.
Ceci revient à votre première question, à savoir où d'autre cette relation est explicite dans la protection offerte. Le modèle canadien, à la suite de deux ou trois tentatives, est très hybride. Mme Demers et moi-même avons rencontré un employeur, à la fin d'août, qui nous a demandé : « Pouvons-nous vous parler de régimes relatifs à la dénonciation? » Cet employeur proactif du secteur public avait mis un processus en place. Il nous a dit : « Nous avons besoin de votre aide. Les employés viennent nous voir avec toutes sortes de questions. Ils viennent se plaindre de questions de dotation, de leur mobilier de bureau, de tout, et ils appellent cela des actes répréhensibles. Vous avez un réseau d'intendants. Pouvez-vous nous aider à les orienter vers le bon processus et leur expliquer en quoi consiste le processus de divulgation, et ce qu'il entend? » C'est le meilleur exemple que je puisse vous donner pour illustrer pourquoi il est absolument essentiel que les syndicats participent à chaque étape, pour faire que le processus soit réel et fonctionnel, et qu'il soit intégré à tout l'environnement des relations de travail, plutôt que d'être mal orienté et trop lourd.
Le sénateur Cowan : Cela fait ressortir ce que disait M. Gordon, soit que cette loi ne reconnaît pas comme elle le devrait la distinction entre les employés syndiqués et non syndiqués.
J'aimerais passer à l'autre sujet, et peut-être voudrez-vous tous les deux en parler, soit celui de l'accès à des conseillers juridiques. Il ne s'agit pas que de recevoir des conseils, mais d'avoir une représentation véritable. Est-ce que cela suffirait si les plafonds étaient éliminés et l'octroi de fonds d'assistance était à la discrétion du tribunal ou de la commission?
Mme Demers : Ce serait certainement mieux que de fixer un plafond, parce que chaque cas est différent de l'autre. Nous, à l'Institut, avons dépensé des centaines de milliers de dollars en représentation d'une ou deux personnes dans des dossiers de dénonciation. Qu'est-ce que 3 000 $? Sur quoi est fondé l'octroi de 1 500 $? Il n'y a pas de point de référence.
Le sénateur Cowan : Ceux d'entre nous qui sommes avocats voyons dans les frais juridiques un investissement plutôt qu'un coût.
Mme Demers : Cela donne droit à 15 minutes, ou quelque chose du genre.
Le président : Le sénateur Cowan n'a pas répondu.
Mme Demers : Je l'ai remarqué.
Le sénateur Cowan : Monsieur Gordon, pourriez-vous nous en dire plus sur la manière dont le projet de loi pourrait- être resserré pour régler la question de la distinction entre les employés syndiqués et non syndiqués? Je pense que vous dites que, à partir du moment où il y a reconnaissance du rôle des agents négociateurs, il y a protection et représentation des employés syndiqués, mais les employés non syndiqués sont souvent abandonnés à leur sort. Si on laissait la commission ou le tribunal octroyer une indemnité à sa discrétion, sans fixer de plafond, est-ce que cela règlerait le problème?
M. Gordon : Je suis d'accord avec Mme Demers au sujet des limites. Il ne devrait pas y avoir de plafond. Nous comparons cela avec ce qui est dans la Loi sur les droits de la personne.
Du point de vue syndical, nous aimons négocier et c'est à nous, alors, de nous assurer que nos membres reçoivent ce que nous avons négocié pour eux. La dénonciation et les représailles devraient suivre exactement le même modèle. Nous reconnaissons que ce n'est pas tout le monde qui est syndiqué, et il faudrait qu'il y ait un processus accessible aux travailleurs non syndiqués pour régler leurs problèmes. Peut-être le tribunal est-il une solution. Je ne peux parler qu'au nom de nos gens. Nos membres sont beaucoup plus à l'aise en sachant qu'ils peuvent être représentés par notre avocat au syndicat plutôt que de devoir amorcer un processus dans lequel ils ne peuvent pas présenter eux-mêmes leurs arguments, ni convoquer des témoins.
Il pourrait y avoir un système de deux processus, l'un pour les travailleurs syndiqués qui sont représentés et l'un pour ceux qui ne le sont pas, y compris les gestionnaires, parce que personne qui décide de dénoncer des actes répréhensibles du gouvernement n'est à l'abri des représailles. Je pense que c'est exactement ce dont vous parlez ici.
Edith Bramwell, conseilleire juridique, Alliance de la fonction publique du Canada : Je pense que la distinction est subtile entre la proposition que nous faisons et celle qui est présentée au nom de l'Institut professionnel de la fonction publique. L'APFPC s'objecte fermement au concept de tribunal en tant que tel. Je ne suis pas sûre que nous partagions tout à fait cette objection. Le tribunal aurait un rôle très utile, et s'acquitterait de ce rôle plus efficacement, et de manière plus conforme au format traditionnel des relations de travail au Canada s'il n'usurpait pas le rôle de la Commission des relations de travail en matière disciplinaire. C'est notre principale objection. Certaines situations complexes touchent des fonctionnaires qui pourraient, dans la pleine mesure de cette loi qui est proposée et qui a une très vaste portée, concerner des non-fonctionnaires qui font des allégations d'actes répréhensibles. Certaines de ces situations, selon moi, relèveraient plus des fonctions de ce tribunal qui se concentrerait sur la dénonciation.
Notre préoccupation bien spécifique est pour les membres que nous représentons — un membre qui pourrait, peut- être, devenir à tort un bouc émissaire, faire l'objet de mesures disciplinaires injustes, lesquelles pourraient déborder de l'ordre de mesures appropriées dans les circonstances. Peut-être une suspension serait-elle appropriée, mais pas le renvoi, par exemple. Nous voudrions nous assurer que quelle que soit la mesure disciplinaire que le tribunal juge appropriée, elle puisse être révisée par la Commission des relations de travail, de la même manière que les mesures disciplinaires imposées par un chef adjoint peuvent être révisées par la Commission des relations de travail. C'est une préoccupation spécifique et étroite, et je pense qu'elle revient à ce dont vous parliez, sur les capacités de ce tribunal de se pencher sur des situations de dénonciation dans leur intégralité. Nous sommes d'accord que c'est positif.
Quant au rôle du syndicat, comme M. Gordon l'a indiqué, nous préférons de loin négocier, surtout étant donné la décision Weber, tout ce qui touche nos droits de représentation plutôt qu'on nous impose quoi que ce soit par voie législative. En tant que syndicat, nous négocions au nom des personnes que nous représentons.
Je veux faire valoir un dernier point au sujet de la représentation juridique et du coût qui y est associé. Vous ne serez pas étonnés de m'entendre dire que nous souhaitons l'élimination des plafonds. Ce qui nous préoccupe également, c'est la subtilité du libellé de cet article, qui prévoit une rémunération pour des conseils. On ne comprend pas clairement que c'est la représentation juridique comme telle qui est rémunérée. Pour que ce soit bien compris, il faudrait parler de représentation juridique ou de services d'un avocat.
Le président : Vous faites valoir un bon point.
Le sénateur Cowan : Quoi qu'il en soit, ces limites ne sont pas élevées.
Mme Bramwell : En effet, 3 000 $, c'est peu. On n'obtient pas beaucoup de services pour cette somme.
Le sénateur Cowan : Quant à savoir qui devrait pouvoir dénoncer et quelle protection devrait être offerte aux dénonciateurs, cette disposition impose des restrictions. N'importe qui peut fournir des renseignements, mais seulement certains groupes bénéficient d'une protection. Êtes-vous d'avis que cette protection devrait être offerte à quiconque fournit de l'information, c'est-à-dire n'importe quel dénonciateur?
Mme Demers : Me demandez-vous si n'importe quel citoyen canadien peut dénoncer des faits? C'est là que vous voulez en venir. Mes commentaires concernent la protection des dénonciateurs au sein de la fonction publique ou de la fonction publique élargie.
Le sénateur Cowan : Quelle est votre opinion? Je sais pour quelle raison vous êtes ici — pour parler de la représentation — mais dites-moi pourquoi il devrait y avoir une telle restriction?
Mme Demers : Je crois que toute personne qui pourrait avoir la capacité de dénoncer des faits devrait être directement informée des procédures afin d'éviter que ceux qui s'opposent aux décisions du gouvernement cherchent sans cesse à dénoncer des actes. J'hésite à étendre la protection, car on risquerait de diminuer l'efficacité du système.
Le sénateur Cowan : Monsieur Gordon, êtes-vous d'accord?
M. Gordon : Nous sommes en train d'examiner ce qui se passe lorsque nos membres prennent connaissance d'informations concernant un acte répréhensible durant leur emploi à la fonction publique. S'ils suivent les procédures habituelles, mais que cela ne donne rien, ils veulent aller plus loin. C'est là qu'ils risquent des représailles, que nous voulons justement éviter. Je ne sais pas comment on peut y parvenir. Il faut penser aussi qu'il y a des gens qui ne sont pas nécessairement employés par la fonction publique, car ils sont des sous-traitants du secteur privé. Dans leur cas, les représailles seraient de nature différente.
Le sénateur Cowan : La protection devrait être offerte aux personnes qui ont des motifs raisonnables de croire que la plainte qu'elles ont déposée est justifiée. Il ne faudrait pas, il me semble, supprimer cette obligation d'avoir des motifs raisonnables. Qu'avez-vous à dire là-dessus? Vous avez écrit dans votre mémoire qu'une personne devrait pouvoir présenter une plainte sans avoir des motifs raisonnables de croire qu'elle est justifiée.
M. Gordon : Nous croyons que lorsqu'une personne va jusqu'à rendre public un acte répréhensible, elle doit vraiment avoir de très bonnes raisons de porter une accusation, et elle le fait parce qu'elle souhaite qu'une enquête soit menée. C'est l'objectif même de la divulgation. Dans la plupart des cas, quelques démarches ont été effectuées avant d'en arriver là, mais elles n'ont rien donné. En général, la personne se sent forcée de rendre public l'acte répréhensible. Les fonctionnaires sont aussi des contribuables et lorsqu'ils constatent que l'argent tiré des impôts est gaspillé, ils veulent que cela se sache. Il y a de nombreuses raisons qui motivent les gens à parler, mais je crois que toute personne qui dépose une plainte estime qu'il y a un problème qui doit être réglé.
Le sénateur Cowan : Pourquoi ne devrait-on pas préciser dans le projet de loi que la plainte doit être déposée de bonne foi et avec des motifs raisonnables?
Mme Bramwell : Il existe un aspect juridique à cela. Dans presque chaque mesure législative, on assume que la personne agira de bonne foi. Autrement dit, les mots ne sont pas toujours écrits comme tels. Si on supprime le terme « de bonne foi », cela ne signifie pas qu'on permet à quelqu'un de divulguer quoi que ce soit de mauvaise foi. Cela veut plutôt dire que nous avons éliminé une raison de s'opposer à la plainte. La présence de ces mots dans la loi serait perçue peut-être comme un fardeau supplémentaire. Cela donnerait certes à penser que le but était de fournir un motif pour s'opposer à une plainte, c'est-à-dire faire valoir que la déclaration a été faite de mauvaise foi. Cela est d'autant plus vrai que, plus loin dans le projet de loi, à l'article 19.2, on précise que l'acte répréhensible doit avoir été divulgué de bonne foi. Cette obligation est indiquée à deux reprises, et je dois dire que si j'étais l'avocat qui défend l'auteur de l'acte répréhensible, je serais tentée d'utiliser cette obligation en ma faveur. Ce serait là pour moi une façon de m'en prendre au dénonciateur, soit en déclarant qu'il doit prouver sa bonne foi, ce qui est difficile à faire.
J'aimerais commenter sur l'expérience d'autres pays en ce qui a trait à l'obligation de dénoncer un acte répréhensible de bonne foi. Je pense notamment à la commission Shipman portant sur les nombreux cas de personnes qui ont été tuées par leur médecin. Il fallait avoir une bonne raison de porter plainte et il fallait le faire de bonne foi. Les gens qui ont témoigné devant la commission ont affirmé qu'ils étaient au courant de cette obligation et qu'ils n'étaient pas certains de la respecter, car ce qu'ils savaient pouvait se révéler être qu'une rumeur. Même si la situation semblait grave, ils n'étaient pas certains si cela était suffisant pour justifier leur plainte.
Il existe un problème technique d'ordre juridique, si je puis m'exprimer ainsi, et il y a aussi l'incidence que cela peut avoir sur une personne qui nourrit de sérieux doutes, mais qui n'est pas certaine de respecter l'obligation.
Le sénateur Cowan : Je prends bonne note de votre commentaire. Exiger que quelqu'un agisse de bonne foi ne semble pas être un lourd fardeau.
Mme Bramwell : La jurisprudence canadienne fait état d'une présomption à cet égard.
Le sénateur Ringuette : Monsieur Gordon, vous avez déclaré que vous participez depuis de nombreuses années à la négociation de la disposition de la convention collective visant les dénonciateurs. Pouvez-vous fournir au greffier du comité des exemples de formulations qui seront employées dans la convention collective de l'AFPC?
M. Gordon : Oui, bien sûr.
Le sénateur Ringuette : À la page 3 de votre mémoire, vous dites qu'en vertu du paragraphe 21.8(4) du projet de loi, le tribunal a le pouvoir exclusif d'imposer des sanctions disciplinaires contre toute personne ayant exercé des représailles, et que, par conséquent, vos membres perdent ainsi le droit acquis depuis longtemps de soumettre les sanctions à l'examen d'un conseil des relations de travail. J'ai lu ce paragraphe à la page 155 du projet de loi, et j'ai constaté qu'il interdit d'avoir recours au grief comme mécanisme d'appel. Toutefois, cette mesure législative permet toujours d'appeler d'une décision rendue par le tribunal.
Il faudrait que je lise votre convention collective pour en savoir davantage. Ensuite, vous affirmez que les facteurs que le tribunal doit prendre en compte, qui sont énoncés à l'article 201, sont tous des facteurs qu'un conseil des relations de travail ou un arbitre sont mieux à même d'évaluer; c'est ce qu'ont affirmé les tribunaux à maintes reprises. Ils diraient d'ailleurs qu'une personne devrait signaler le problème au conseil des relations de travail ou à un arbitre. Toutefois, si la loi prévoit des moyens de faire appel, alors je ne comprends pas que vous affirmiez que vos membres seraient privés du droit d'en appeler d'une décision. Pouvez-vous être plus clair à ce sujet?
M. Gordon : Nous participons à la négociation des conventions collectives et nous élaborons les dispositions concernant la dénonciation. Une fois les dispositions établies, nous sommes en mesure d'aider les membres qui veulent déposer un grief selon la procédure normale, ce qui peut impliquer de s'adresser aux conseils des relations de travail. Nous croyons que cette disposition du projet de loi ne nous permettra plus de le faire. Et ce n'est pas ce que nous voulons. Nous avons la responsabilité de négocier les droits de nos membres et de les protéger lorsque c'est nécessaire. Et c'est par l'entremise des conseils des relations de travail que nous le faisons.
Le sénateur Ringuette : Hier, un représentant d'un autre syndicat a affirmé que, même si ce n'était pas énoncé explicitement dans la convention collective, il appuierait un employé dont le cas serait examiné par le tribunal. Essentiellement, il n'est pas nécessaire d'avoir déposé un grief pour s'adresser au tribunal. J'ose espérer qu'un employé ne serait pas forcé de déposer un grief pour que vous l'aidiez au cours du processus d'examen par le tribunal.
Mme Bramwell : Non, je ne crois pas que nous envisagions un élément aussi technique.
Ce qui nous préoccupe précisément, c'est ce qui arrive à une personne à laquelle le tribunal impose des sanctions disciplinaires pour avoir exercé des représailles. J'ai très bien entendu votre commentaire au sujet du fait que la personne peut en appeler de la décision auprès de la Cour fédérale. Je ne crois pas qu'il s'agisse là d'un droit d'appel. Il s'agit plutôt là d'un droit de présenter une demande de contrôle judiciaire.
Dans le cas d'un contrôle judiciaire, un juge peut seulement examiner les preuves qui avaient été versées au dossier étudié par le tribunal. Il n'est aucunement possible de présenter de nouvelles preuves.
En vertu de la Loi sur les cours fédérales, une demande de contrôle judiciaire peut être présentée uniquement à la suite d'une ordonnance d'une nouvelle audience délivrée lorsqu'il est clair que le tribunal a fondé sa décision sur une conclusion de fait déraisonnable.
C'est considérablement différent lorsqu'un conseil des relations du travail ou un arbitre examine des faits ayant mené à des sanctions disciplinaires. Ils peuvent ordonner la production de documents, assigner des témoins à comparaître et examiner des faits qui sont présentés pour la première fois.
Il est fondamental qu'un employé syndiqué ait le droit de faire revoir la sanction disciplinaire qu'il a reçue, qui peut parfois consister en la cessation de son emploi, ce qui est considérée comme la peine capitale en droit du travail. Nous sommes d'avis que d'enlever à certains employés ce droit vient perturber le fragile équilibre sur lequel reposent les relations de travail dans la fonction publique. Il s'agit d'une question importante et fondamentale.
Je ne dirais certes pas, par contre, que nous estimons qu'il est nécessaire qu'un syndiqué dépose à la fois une plainte et un grief. Si cela préoccupe le comité, je peux lui dire qu'il n'est pas question de cela.
Le sénateur Ringuette : Dans le projet de loi, on parle précisément du processus de grief en vertu des conventions collectives.
Mme Bramwell : À quel article faites-vous référence?
Le sénateur Ringuette : Le paragraphe 21.8(4) n'empêche pas le syndicat d'aider ses membres au cours du processus. On dit seulement que cela ne peut pas se faire par l'entremise d'un grief.
Mme Bramwell : Il est indiqué qu'il est impossible de déposer un grief pour contester des sanctions disciplinaires. Cela nous préoccupe grandement. Les facteurs dont le tribunal doit tenir compte pour déterminer les sanctions disciplinaires sont énoncés au paragraphe 21.8(2). Au sujet de ces facteurs, les juges des cours provinciales et de la Cour fédérale ont toujours déclaré ceci : « Nous croyons que les conseils des relations de travail et les arbitres sont mieux placés pour régler ces questions. Nous nous en remettons à leur jugement, à moins que leur décision soit tellement erronée qu'elle doit être annulée. » Cela nous inquiète.
Le sénateur Joyal : En ce qui a trait à l'article visant la constitution du tribunal, j'ai remarqué que tous les membres doivent être des juges de la Cour fédérale ou d'une cour supérieure provinciale. L'article suivant établit les procédures, et celui qui suit porte sur les demandes du commissaire. Le processus est tellement judiciarisé qu'il en fait un tribunal de droit commun.
Par ce projet de loi, on laisse à un tribunal le soin de décider, dans des cas touchant les relations de travail, des sanctions disciplinaires, qu'il s'agisse de la cessation de l'emploi ou de toute autre mesure que je considère être un moyen de mettre quelqu'un à l'écart. Pourtant, ce qu'on a toujours cherché à faire valoir, c'est que les conseils des relations de travail connaissent beaucoup mieux la culture du travail. Je ne crois pas que nous obtiendrons les mêmes résultats au bout du compte.
À moins que je me trompe, je crois que les conseils des relations de travail se composent non seulement de juges ou d'anciens juges, mais aussi de spécialistes des relations de travail. Le processus tient compte de la souplesse que procure la négociation, comme on l'a mentionné. Bien entendu, il s'agit toujours d'un affrontement entre deux parties qui font chacune valoir leur propre interprétation d'une situation, mais cela se déroule davantage dans le contexte de la réalité du travail. Comme vous l'avez mentionné, les tribunaux ont admis qu'il s'agit de questions liées aux relations de travail.
Nous sommes en train de sortir de ce domaine pour entrer dans le milieu des tribunaux. À moins que les juges nommés à ce tribunal soient des spécialistes des relations de travail ou qu'ils aient l'expérience de ce milieu, cela vient intégrer un élément bizarre dans le système, ce qui peut ne pas être avantageux pour l'employé. C'est lui qui cherche à obtenir réparation; ce n'est pas le contraire. Ce n'est pas l'administration qui intente des poursuites contre un employé pour obtenir des dommages-intérêts parce que cette personne a mal agi. C'est l'inverse.
Avez-vous analysé le système que nous voulons mettre en place ainsi que ses répercussions dans le contexte des relations de travail?
Mme Bramwell : Vous évaluez là le système en question avec perspicacité. Les conseils des relations de travail, comme vous l'avez souligné à juste titre, se composent de spécialistes. Souvent, ils sont nommés par le syndicat et la partie patronale. Ils connaissent très bien la structure de la fonction publique fédérale, qui est complexe et qui nécessite de l'expérience. Il est possible d'acquérir la connaissance, bien entendu, mais l'idéal serait qu'à tout le moins quelques- uns des membres du tribunal aient l'expérience des relations de travail sur le plan syndical et patronal et en plus qu'ils connaissent les caractéristiques d'un gouvernement qui est bien ou mal organisé.
Je crois que le projet de loi présente une lacune puisqu'il ne permet pas au tribunal d'élaborer des mesures systémiques, dont parle M. Gordon dans son mémoire. Pour pouvoir apporter de véritables changements, le tribunal doit avoir la connaissance nécessaire pour comprendre d'où proviennent les problèmes systémiques, et la loi doit lui conférer le pouvoir d'y remédier. Pour l'instant, il n'existe aucune disposition à cet égard.
J'ai beaucoup de respect pour les juges. Je suis certaine que certains seraient en mesure d'analyser les rouages du gouvernement fédéral, mais habituellement les juges ne sont pas des spécialistes de ce domaine.
Le sénateur Joyal : C'est pourquoi je m'inquiète du fait qu'on précise dans le projet de loi que tous les membres du tribunal doivent être des juges de la Cour fédérale ou d'une cour supérieure d'une province. Je crois qu'il vaudrait mieux que les membres soient des spécialistes de certains domaines, à l'exclusion du président du tribunal, qui sera toujours un juge. Il y aura une hiérarchie. Le président du tribunal pourrait ordonner qu'une question en particulier soit traitée par un spécialiste d'un domaine quelconque. Il peut y avoir des dossiers plus complexes que d'autres. Je ne crois pas que cette disposition permettrait de procurer au système la souplesse nécessaire pour régler les situations en perturbant le moins possible les relations de travail.
Mme Demers : Je dois dire tout simplement que la dénonciation se fait après mûre réflexion. C'est une décision très sérieuse qui cause beaucoup d'appréhension. Il faut que le système qui vise à protéger les dénonciateurs soit simple et bien connu.
Je ne veux pas non plus sous-estimer la connaissance et les capacités des juges, actuels et retraités. Cependant, le manque de connaissance du domaine et des processus ainsi que le peu de recours dont dispose une personne confrontée à une cessation d'emploi ne rendent pas ce processus simple. Cela en fait plutôt un processus complexe et intimidant qui n'incite pas les personnes à dénoncer des actes répréhensibles.
M. Dunn : Lorsque nous avons comparu devant le comité de la Chambre, il a été réitéré que le tribunal était une question de choix. Je suis obligé de dire que les employés ont choisi comment ils veulent être représentés en milieu de travail. Ils ont voté pour l'accréditation. Nous négocions leurs conditions d'emploi dans le cadre des négociations collectives. Cela suppose un énorme processus législatif. Les employés peuvent régulièrement faire le choix de nous garder ou non comme représentants.
L'idée selon laquelle ils ont un fil à la patte dans ce processus et que le gouvernement doit leur donner une échappatoire en leur permettant d'être entendus par des juges ne reflète pas le fait que nous sommes là parce qu'ils nous ont choisis et que nous devons les servir, sans quoi ils modifieront leur choix.
Ceci étant dit, il est important de dire qu'à l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, nombre de nos membres, à titre de professionnels, sont superviseurs et risquent donc d'être accusés, à tort ou à raison, d'exercer des représailles. Ce qui nous inquiète vraiment, c'est que ce soit le tribunal qui décide des mesures disciplinaires et que nous devions faire face à une demande de contrôle judiciaire simplement pour évaluer ces sanctions disciplinaires. L'évaluation des sanctions disciplinaires est un élément important des relations de travail parce qu'il y a de nombreuses façons de faire valoir son point de vue, de le modifier et de conserver son emploi. Le gouvernement a dit clairement qu'il prenait les choses au sérieux, comme il se doit. Toutefois, où sont les freins et contrepoids dans ce processus disciplinaire?
Le régime des relations de travail existe depuis près d'un siècle. C'est un régime sophistiqué qui a toujours fonctionné en marge de la common law et des tribunaux, particulièrement en raison des subtilités et des spécificités propres à son contexte.
Le sénateur Mitchell : Je m'intéresse beaucoup au lien qui existe entre le tribunal, les dispositions connexes et votre processus de négociation collective, et à l'éventuelle incidence négative — explicite ou implicite — de ce projet de loi là- dessus. Il me semble qu'il y a deux éléments en cause. D'un côté, il y a la possibilité que vous soyez exclus de votre procédure de règlement des griefs, et de l'autre, le fait que les membres du tribunal seront nommés exclusivement par le gouvernement, par l'entremise du gouverneur en conseil.
Le gouvernement a-t-il consulté l'une ou l'autre de vos organisations à ce sujet? Non. Il ne l'a pas fait, d'aucune façon et en aucune circonstance, en collaboration avec vous? Non.
Si quelqu'un dépose un grief en vertu de la convention collective, est-ce qu'il peut s'attendre à obtenir une aide juridique, ou est-ce le syndicat qui couvre les frais?
M. Gordon : Le syndicat prélève des cotisations auprès de ses membres et, en échange, il assure leur représentation devant n'importe quelle instance.
Le sénateur Mitchell : Je suppose que vous allez dire que vous pourriez aussi le faire dans le cadre du processus judiciaire. Si vous n'êtes pas un syndicat, cela n'aide en rien. Je ne vous contredis pas.
Mme Demers : Tout comme l'Alliance de la Fonction publique du Canada, nous offrons une vaste gamme de services de représentation à nos membres. Beaucoup de nos agents des relations de travail ne sont pas avocats. Je ne crois pas qu'ils pourraient représenter qui que ce soit devant un tribunal judiciaire. Nous avons également des avocats, mais les lois du travail n'exigent pas que ce soient uniquement les avocats qui s'en chargent.
Le sénateur Mitchell : Ce processus pourrait donc coûter beaucoup plus cher.
Mme Demers : Absolument.
Le sénateur Mitchell : Pouvez-vous me confirmer que dans la plupart des cas, sinon tous, le syndicat ou le plaignant a son mot à dire sur la composition du conseil des relations de travail. Cela ne leur est pas imposé comme ce serait le cas avec ce processus judiciaire, n'est-ce pas? Normalement, chaque partie doit choisir quelqu'un. À moins que vous ne vouliez parler des conseils habituels?
M. Gordon : Lorsque la Commission des relations de travail dans la fonction publique veut faire des remplacements, par exemple, nous pouvons soumettre des noms. Normalement, la partie syndicale proposera des personnes qui comprennent bien nos enjeux. Mais c'est le gouvernement, en dernier lieu, qui décide. C'est la même chose pour le Conseil canadien des relations industrielles.
Mme Bramwell : Normalement, dans le secteur privé, les parties syndicale et patronale s'entendent sur le choix des arbitres qui sont nommés et payés par le secteur privé. Cela ne se passe pas ainsi devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Vous n'avez aucun mot à dire sur les personnes choisies. Vous n'avez ni la capacité ni les motifs pour vous y opposer.
Heureusement, comme l'a indiqué M. Gordon, on veut maintenant s'assurer que les membres de la Commission des relations de travail dans la fonction publique sont nommés sur proposition de l'unité de négociation et de l'employeur.
Le sénateur Mitchell : Il y a donc une différence.
Le président : Le sénateur Day n'est pas ici aujourd'hui, mais s'il y était, je suis certain qu'il aurait posé une série de questions à propos des dommages-intérêts généraux prévus dans ce projet de loi. Dans votre exposé, vous avez dit qu'en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la limite des dommages-intérêts généraux s'élève à 20 000 $ alors que celle prévue dans le projet de loi C-2 est de 10 000 $. J'aimerais entendre les deux groupes à ce sujet, parce que le sénateur Day a affirmé que dans certains cas récents de la Cour suprême du Canada, on avait versé des indemnités nettement supérieures à 10 000 ou 20 000 $.
Mme Demers : On ne devrait pas fixer de limite pour la représentation ou l'aide juridique parce que chaque cas est très différent et devrait être considéré séparément. Par exemple, les mesures de réparation ne devraient pas être les mêmes pour une personne qui a tout perdu et dont la réputation a été ruinée à la suite d'une dénonciation que pour une personne ayant été suspendue pour une semaine.
Il n'y a pas de chiffre magique, que ce soit 10 000, 20 000, 50 000 ou encore 100 000 $. Le montant devrait être évalué en fonction des dommages subis.
M. Gordon : Nous avons simplement fait la comparaison et nous nous sommes demandé d'où provenait le montant figurant dans le projet de loi. Pourquoi est-il question de 10 000 $, alors que la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit une indemnité de 20 000 $?
Cependant, je pense comme Mme Demers. Lorsqu'une personne dénonce un écart de conduite qui devrait faire l'objet d'une enquête et, par le fait même, devient victime de représailles, perd son gagne-pain, sa réputation et subit des préjudices moraux, on devrait admettre que la vie de cette personne a été détruite et lui accorder une juste compensation pour les souffrances et les douleurs qu'elle a endurées. Il ne devrait pas y avoir de plafond fixé au préalable.
Le président : Merci beaucoup. L'information que nous avons reçue aujourd'hui nous a été très utile.
La séance est levée.