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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 17 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 28 novembre 2006

Le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 15 h 5, pour étudier la motion, ainsi que le message de la Chambre des communes, en date du 21 novembre 2006, concernant le projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures respectant les principes de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation, et pour examiner, article par article, le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, le Code criminel, la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le casier judiciaire.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, au cours de cette séance, nous aborderons la motion ainsi que le message de la Chambre des communes daté du 21 novembre 2006, concernant le projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures respectant les principes de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation. Comme vous le savez, nous n'avons pas le projet de loi actuellement devant nous, mais nous avons la motion et le message. Ce que nous n'avons pas ce soir, ce sont les parties du projet de loi qui ont été adoptées tant par la Chambre des communes que le Sénat. Nous examinons maintenant les amendements qui n'ont pas obtenu le consentement de la Chambre des communes et ceux qui ont été adoptés après qu'ils eurent été modifiés.

Ce soir, afin d'étudier certains aspects du message, nous sommes heureux d'avoir parmi nous M. Mark Audcent, légiste et conseiller parlementaire, et M. Michel Patrice, conseiller parlementaire, tous deux bien connus des membres du comité.

Honorables sénateurs, vous savez que par ordre du Sénat, nous devons faire rapport de ce projet de loi à la Chambre d'ici le 7 décembre 2006. Le comité directeur a tenu une séance ce matin afin de préparer un plan de travail visant l'étude du projet de loi C-2 et d'autres lois soumises au comité, lequel est actuellement en circulation.

Ce soir, lorsque les témoins auront présenté leur exposé et que les honorables sénateurs auront posé leurs questions, nous passerons à l'étude, article par article, du projet de loi S-3, et nous tiendrons ensuite une séance à huis clos afin d'examiner les commentaires qui nous auront été faits.

Le sénateur Andreychuk : Le comité directeur s'est réuni et vous avez dit que les membres voulaient entendre des témoins. Pourrions-nous savoir qui voulait entendre des témoins? Le comité directeur a-t-il pris position à savoir s'il acceptait ou non le message de la Chambre? Quelle est sa position à ce sujet? Je suis un peu étonné. Nous avons reçu les amendements et les changements apportés par l'autre endroit. Nous aurions pu accepter cette structure, céder aux pressions et travailler à partir de cela. Nous pouvons également apporter des modifications au message et en envoyer un autre. Le comité directeur a-t-il pris position sur le message que nous avons reçu? Qui demande d'entendre des témoins? Nous aimerions le savoir pour notre information et pour les besoins du compte rendu.

Le président : Le comité directeur n'a pas pris position sur le message. Le comité sénatorial a obtenu du Sénat la directive d'envoyer le message ici et de tenir des audiences. Chargé de ce mandat, le comité directeur s'est réuni et il a examiné les noms des témoins éventuels. Les premiers témoins qu'il a voulu entendre en relation avec le message sont les sénateurs ici présents ce soir. Le comité directeur n'a pas pris position, mais il a observé la directive du Sénat visant à organiser la tenue de ces audiences.

Le sénateur Andreychuk : Nous avions reçu ces messages ici auparavant, et nous avons discuté de ce que nous allions faire avec avant d'aller plus loin. Je présume que la décision d'appeler des témoins vient du comité directeur.

Le président : Effectivement.

Le sénateur Andreychuk : Est-ce l'un des membres qui a demandé cela? La demande a été faite au nom de l'opposition ou quoi?

Le président : Vous avez une longue expérience de ce comité alors que je n'en ai pour ainsi dire aucune. Les séances du comité directeur sont toutefois confidentielles, alors je dois faire attention à ce que je dis devant le comité.

Le sénateur Andreychuk : Je ne savais pas que les séances du comité directeur étaient confidentielles. Je croyais que vous vous réunissiez au nom du comité; nous avons le droit de savoir ce que fait le comité directeur. Vous agissez en notre nom. Je ne savais pas qu'elles étaient confidentielles. Je vais vérifier cela. C'est la première fois que j'entends dire cela. Je n'ai jamais entendu dire que les séances du comité directeur étaient confidentielles, à moins que ce ne soit pour une raison particulière.

Le sénateur Milne : Le sénateur Oliver a raison. Les séances du comité directeur sont confidentielles, mais comme j'y étais et que j'en faisais partie, je suis content de dire que les témoins ont été proposés de ce côté-ci et que nous n'en convoquons qu'un nombre minimal.

Le sénateur Day : Cela ne signifie pas que le comité ne peut décider d'en entendre d'autres.

Le sénateur Milne : C'est exact.

Le président : Je demanderais aux témoins de comparaître. Si j'ai bien compris, il n'y a qu'un exposé et c'est M. Audcent qui le fera. Par la suite, les honorables sénateurs vous poseront à tous deux des questions.

Mark A. Audcent, légiste et conseiller parlementaire, Sénat du Canada : Merci beaucoup, monsieur le président et bonsoir honorables sénateurs.

Votre mandat consiste à examiner le message de la Chambre des communes concernant les amendements du Sénat au projet de loi C-2, ainsi que le président nous l'a dit. Si je ne m'abuse, j'ai été invité à examiner avec vous les amendements concernant le conseiller sénatorial en éthique, les amendements concernant le privilège parlementaire et les amendements concernant le rôle du Sénat. Voilà pourquoi je pense avoir été invité à témoigner.

Pour ce qui est du rôle du conseiller sénatorial en éthique, la question qui vous est soumise est soit de poursuivre selon le régime actuel, c'est-à-dire d'avoir un conseiller sénatorial à l'éthique séparé du bureau du commissaire aux conflits d'intérêt ou d'accepter l'objectif exprimé dans le message de la Chambre des communes visant à regrouper ces deux bureaux, ce qui donnerait une perspective plus large aux conflits d'intérêts et aux affaires d'éthique.

À cet égard, je signale un article de la page 13 du Hill Times d'hier écrit par notre conseiller sénatorial en éthique, M. Jean T. Fournier. Dans cet article, M. Fournier parle de la situation aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie. Il fait remarquer que dans ces pays, chaque Chambre du Parlement contrôle ses propres règles en matière d'éthique, y compris son propre code, à l'instar de l'exécutif, et qu'aucun conseiller n'a de compétences sur plus d'une instance. Bien sûr, chaque pays a ses particularités. Au Canada, le gouvernement a conclu que l'intérêt du public serait mieux servi par un seul commissaire à l'éthique. M. Fournier termine son article en posant la question suivante : « Serait-il possible qu'en matière d'éthique, il serait préférable de maintenir des institutions de petite taille? » À vous de tirer vos propres conclusions.

Dans mon exposé du 6 septembre, j'ai soulevé plusieurs questions qui demeureront sur la table, tant que l'option visant un seul conseiller en éthique sera à l'étude. Nous vous soumettons ces questions à nouveau. En quoi un régime à un seul commissaire à l'éthique renforcerait-il la reddition de compte et augmenterait-il la confiance du public dans l'intégrité du gouvernement? Un seul conseiller peut-il gérer trois codes et régimes distincts qui ont été établis pour trois institutions séparées et qui entretiennent entre elles des rapports étroits, mais qui sont parfois en désaccord? Êtes-vous satisfait du mécanisme de nomination partagée? Êtes-vous satisfait du mécanisme de révocation partagée? Le Sénat et les sénateurs seront-ils mieux servis sous le nouveau régime? Si un commissaire adjoint était nommé aux affaires du Sénat, voudriez-vous vous assurer d'avoir un rôle à jouer au niveau du choix, de la nomination et de la révocation motivée de ce commissaire? Devrait-il y avoir une clause permettant au Sénat, après avoir dûment présenté un préavis, de se retirer d'un régime qui se révèle insatisfaisant? Je crois que ce sont les questions sur la table et que vous devez débattre avant d'opter pour un régime unitaire.

Je passe maintenant aux amendements concernant le privilège parlementaire. La définition classique du privilège parlementaire est définie dans l'ouvrage Erskine May's Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament à la page 69 de la 21e édition. Il dit ceci :

Le privilège parlementaire est la somme des droits particuliers à chaque Chambre, collectivement, en tant que partie constitutive de la Haute Cour qu'est le Parlement, et aux membres de chaque Chambre individuellement, faute desquels il leur serait impossible de s'acquitter de leurs fonctions. Ces droits dépassent ceux dont sont investis d'autres organismes ou particuliers. Ainsi, le privilège, bien qu'il fasse partie de la loi du pays, constitue dans une certaine mesure une exemption de l'application des lois générales.

Redlich, dans son ouvrage The Procedure of the House of Commons, 1908, volume 1, page 46, définit les privilèges de la Chambre des communes britannique comme suit :

La somme des droits fondamentaux de la Chambre et de ses membres pris individuellement vis-à-vis des prérogatives de la Couronne, de l'autorité des tribunaux ordinaires et des droits spéciaux de la Chambre des lords.

On trouve une troisième définition intéressante dans l'ouvrage de Hatsell, Precedents of Proceedings in the House of Commons, troisième édition, volume 1, à la page 1. Il définit les privilèges parlementaires comme les droits qui sont « absolument indispensables à l'exercice de ses pouvoirs ».

[Français]

En ce qui concerne notre institution, les privilèges du Sénat du Canada sont constitutionnels et solidement fondés sur la Loi constitutionnelle de 1867. En 1993, dans l'affaire New Brunswick Broadcasting Co c. la Nouvelle-Écosse (Président de l'Assemblée législative), communément appelée l'affaire Donahoe, la Cour suprême du Canada a déclaré que toute assemblée législative a des pouvoirs inhérents du seul fait de sa création.

De plus, la Loi constitutionnelle de 1867, à l'article 18, confère expressément des droits parlementaires aux Chambres du Parlement du Canada en ces termes :

Les privilèges, immunités et pouvoirs que posséderont et exerceront le Sénat et la Chambre des communes et les membres de ces corps respectifs, seront ceux prescrits de temps à autre par lois du Parlement du Canada; mais de manière à ce qu'aucune loi du Parlement du Canada définissant tels privilèges, immunités et pouvoirs ne donnera aucuns privilèges, immunités ou pouvoirs excédant ceux qui, lors de la passation de la présente loi, sont possédés et exercés par la Chambre des communes du Parlement du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et de l'Irlande et par les membres de cette Chambre.

L'article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada termine la description législative :

4. Les privilèges, immunités et pouvoirs du Sénat et de la Chambre des communes, ainsi que de leurs membres, sont les suivants :

a) d'une part, ceux que possédaient, à l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1867, la Chambre des communes du Parlement du Royaume-Uni ainsi que ses membres, dans la mesure de leur compatibilité avec cette loi;

b) d'autre part, ceux qui définissent les lois du Parlement du Canada, sous réserve qu'ils n'excèdent pas ceux que possédaient, à l'adoption de ces lois, la Chambre des communes du Parlement du Royaume-Uni et ses membres.

[Traduction]

Si vous permettez, je vais passer des formulations officielles à une plus simple expression de ce qui est en jeu, à savoir que les privilèges, les immunités et les pouvoirs du Sénat et des sénateurs sont des droits parlementaires dont vous avez besoin dans l'exercice de vos fonctions. Au cœur de vos droits parlementaires, il y a le droit de chaque sénateur d'assister aux débats, de prendre la parole et de voter et le Sénat a le droit correspondant de bénéficier de la présence, de l'opinion et du vote de chaque sénateur. Et, inextricablement liés à ces droits, il y a le droit du Sénat et de chaque sénateur à l'autonomie et à l'indépendance vis-à-vis de l'autre endroit, de l'exécutif et des tribunaux dans l'exercice de ses fonctions parlementaires.

Honorables sénateurs, vous êtes aujourd'hui les intendants du Sénat et de vos droits parlementaires. Votre responsabilité première est de répondre aux intérêts du public, mais l'une des composantes de cette responsabilité est de préserver les droits du Sénat et de protéger la capacité du Sénat de servir les Canadiens et l'intérêt public canadien par le maintien de votre autonomie et de votre autorité vis-à-vis de la Chambre des communes, vis-à-vis du pouvoir exécutif et vis-à-vis du pouvoir judiciaire. À cet égard, le règlement 43(1) du Règlement du Sénat exprime cette responsabilité dans les termes suivants :

Il incombe à chaque sénateur de préserver les privilèges du Sénat. L'atteinte aux privilèges d'un sénateur touche aux privilèges de tous les sénateurs et à la capacité du Sénat de s'acquitter de ses fonctions, telles qu'énoncées dans la Loi constitutionnelle de 1867.

Honorables sénateurs, en ce qui a trait au projet de loi C-2 et à ses impacts sur les droits parlementaires, vous avez maintenant fait preuve de diligence raisonnable. Vous vous êtes informés des dispositions du projet de loi C-2 qui ont un impact sur vos privilèges, immunités et pouvoirs et sur ceux de l'autre endroit. Vous en avez informé l'autre place et vous avez proposé des amendements au projet de loi qui protégeraient ces droits parlementaires. Vos amendements qui ont été refusés, l'ont été en connaissance de cause.

Vous êtes maintenant tenus d'évaluer si certaines ou l'ensemble des dérogations proposées à vos droits parlementaires vous paraissent acceptables. À cette fin, vous avez à votre disposition l'épreuve de proportionnalité : les avantages qui émanent des principes d'imputabilité et de transparence justifient-ils la perte de vos privilèges parlementaires?

Honorables sénateurs, la dernière série d'amendements que vous souhaiterez peut-être que j'aborde porte sur le rôle du Sénat. Vous vous souvenez du projet de loi S-8, Loi visant à préserver les principes qui définissent le rôle du Sénat tel qu'il a été établi par la Constitution du Canada, présenté à l'avant-dernière législature, par le sénateur Joyal, au cours de la première session de la 37e législature. Vous pourrez, si cela vous intéresse, examiner la pertinence de la démarche du Séant, chaque fois qu'il a réclamé un rôle qui lui a été subséquemment refusé par le gouvernement et la Chambre des communes.

Honorables sénateurs, cela met fin à mon exposé. M. Patrice et moi-même répondrons à vos questions avec plaisir. Après avoir examiné les amendements et le message engrossés, nous avons établi que l'amendement clé en ce qui concerne le conseiller sénatorial en éthique était l'amendement 54, mais une trentaine d'amendements s'y rapportent. Pour ce qui est du privilège parlementaire, nous avons pensé que les amendements 2, 6, 19, 29 et 30 pourraient vous intéresser. Enfin, en ce qui concerne le Sénat, nous avons pensé que les amendements 107, 109, 110 et 148 pourraient avoir attiré votre attention.

Le président : Merci, monsieur Audcent, pour cet excellent survol de la situation. Non seulement vous avez repris l'essentiel de ce que vous nous avez dit lors de votre dernière comparution, mais vous avez également examiné le message et ce qui s'est passé à la Chambre des communes, depuis, et vous avez reformulé la position concernant les privilèges; nous avons donc maintenant devant nous un ensemble d'options très claires que nous voudrons peut-être examiner. Je vous remercie de ces précisions.

Vous avez déjà dit auparavant et vous l'avez répété aujourd'hui, au cœur des droits parlementaires, il y a le droit de chaque sénateur d'assister aux débats, de prendre la parole et de voter. Dans le message que nous avons devant nous, nous enlève-t-on une quelconque partie de ces trois droits?

M. Audcent : Effectivement, vous en perdez une partie. L'exemple qui me vient à l'esprit, puisque vous me posez la question, est celui des ministres qui, au titre de la Loi sur les conflits d'intérêts, n'auront plus le droit de vote. Ainsi, il y aurait maintenant une loi selon laquelle telle ou telle personne n'aurait pas le droit de vote et selon laquelle la Chambre ne pourrait se prononcer sur ce vote. Je pense que les conséquences sont beaucoup plus importantes pour l'autre endroit qu'elles ne le sont ici, compte tenu du nombre de ministres à l'autre endroit par rapport au nombre de ministres ici. Bien sûr, s'il y a un ministre, il y a un impact.

Le président : Nous en avons deux maintenant.

Le sénateur Joyal : Je pense qu'il y a un autre amendement dans le message que nous avons reçu qui touche la liberté de parole. Si j'ai bien lu les amendements, c'est celui qui empêche un sénateur de soulever une question au Sénat qui aurait fait l'objet d'une plainte du commissaire à l'éthique. Je crois que c'est le paragraphe 44(5), qui dit en partie ceci :

Si un membre du Sénat [...] reçoit des informations visées au paragraphe (4), ce membre [...] ne doit pas divulguer cette information à quiconque.

Le paragraphe 44(6) prévoit notamment ceci qui suit :

[...] un membre du Sénat [...] n'a pas respecté l'obligation de confidentialité prévue au paragraphe (5), le commissaire peut soumettre le cas [...] au président du Sénat [...]

En d'autres mots, il y a nette interdiction pour un sénateur de soulever une question au Sénat aux termes de ce projet de loi qui a des incidences sur sa liberté de parole, c'est-à-dire son droit ou privilège le plus fondamental en sa qualité de sénateur ou de membre du Parlement. Le projet de loi prévoit même un recours, si un sénateur ne soulève pas la question au Sénat. À mon avis, cela porte atteinte à l'un des trois droits des sénateurs d'assister aux débats, de prendre la parole et de voter. Vous parlez du droit de vote, mais c'est de liberté de parole dont il s'agit. Je pense qu'il a même un impact plus considérable sur les privilèges du Sénat, parce que l'article 16 du Code régissant le conflit d'intérêts des sénateurs interdit déjà à un sénateur de voter sur une question qui le met en conflit d'intérêt. Nous avons déjà une restriction dans notre code sur le droit de vote des sénateurs.

Les restrictions au titre des paragraphes 44(5) et 44(6) sur le droit de parole des sénateurs n'ont aucune correspondance dans notre code actuellement. C'est une interdiction réglementaire, qui est donc justiciable. C'est une importante restriction au privilège d'un sénateur. C'est ma première question.

Ma seconde question est la suivante : savez-vous si d'autres lois canadiennes limitent la liberté de parole d'un sénateur ou d'un membre du Parlement ou si c'est la première fois que le droit de parole au Sénat ou à la Chambre des communes est officiellement restreint par une loi?

M. Audcent : Honorables sénateurs, le premier amendement que j'ai mentionné et qui touche le droit de vote comporte également une restriction sur le droit d'assister aux débats. Le sénateur Joyal a soulevé un point très important, à savoir que les interdictions sont énoncées dans une loi plutôt que dans les règlements des deux Chambres où elles pourraient être reformulées. Je reconnais ce point.

La principale question du sénateur Joyal concernant les paragraphes 44(5) et 44(6) de la loi proposée sur les conflits d'intérêt est intéressante. Une restriction est effectivement imposée sur le droit de parole des parlementaires en Chambre. Cette disposition est curieusement construite; en effet, elle semble être déclenchée lorsqu'un simple citoyen transmet des informations qui sont ensuite transmises au commissaire.

Je ne sais pas comment cela fonctionnera dans la pratique. Nous ne pouvons rien faire de plus que spéculer, et vos spéculations peuvent être aussi valables que les miennes. Dans la pratique, cette disposition peut avoir pour effet d'empêcher les gens de faire rapport au commissaire. Pourquoi prendrait-on le risque de se rendre responsable de cette interdiction? Les gens ne se présenteront tout simplement pas chez le commissaire avec leurs informations; ils s'adresseront plutôt aux médias ou à la Chambre et, de la sorte, les dispositions visées aux paragraphes (5) et (6) ne seront pas déclenchées. Le conseil qu'une personne pourrait recevoir serait de ne pas se donner la peine d'aller chez le commissaire, parce que si elle le faisait, elle risquerait aussitôt de perdre sa liberté de parole.

Le sénateur Joyal a raison : quiconque prend l'honorable décision de se présenter chez le commissaire pour lui donner des informations risque de restreindre sa liberté de parole.

Quant à sa question sur l'existence d'une loi analogue, il ne m'en vient aucune à l'esprit. De prime abord, ce qui se rapproche le plus de cette disposition, c'est la convention relative aux affaires en instance. Mais là encore, il s'agit d'une convention de la Chambre. Ce n'est pas une loi; c'est une convention adoptée par le Sénat, à l'interne.

La Chambre reconnaît qu'il vaut mieux ne pas discuter de choses qui sont débattues sur la place publique. Ce principe selon lequel il est préférable de ne pas aborder les questions qui sont à l'étude dans des forums n'est pas nouveau. C'est le fait d'intégrer ce principe dans une loi qui pose problème et, parallèlement, l'impact qu'il peut avoir et la manière dont il sera appliqué. Quelles seront les conséquences sur le comportement des sénateurs?

Le sénateur Joyal : Sur ce même point, dans votre exposé vous avez parlé du principe de la proportionnalité. En d'autres mots, vous dites que si nous acceptons cette restriction, nous en tireront des avantages, et nous devons nous poser la question à savoir si ces avantages sont supérieurs aux désavantages liés à la restriction de notre liberté d'expression? C'est, en gros, le raisonnement que vous nous avez présenté.

Ce qui me pose problème avec cet article sur la proportionnalité, c'est qu'un sénateur ne pourrait soulever telle question, alors qu'une personne qui en informe le commissaire aurait l'entière liberté d'en faire part aux médias ou à quiconque. Sa liberté de parole à ce sujet ne serait aucunement limitée, alors que le sénateur qui en aurait été informé aurait à se démener pour porter plainte au commissaire.

Quant à la convention relative aux affaires en instance, si vous essayez d'établir un parallèle, il me semble y avoir incongruité dans celle-ci. La personne qui aurait une raison quelconque de soulever la question serait le sénateur en Chambre, et la personne qui serait restreinte dans sa liberté de soulever la question serait la personne qui a déposé la plainte. Donc, le plaignant est traité équitablement.

Actuellement, l'exercice de votre profession vous oblige d'une part à empêcher un sénateur de soulever la question, mais la personne qui a porté plainte peut en parler en toute liberté. J'ai de la difficulté à concilier tout cela.

Je ne vois pas le critère de la proportionnalité, ainsi que vous l'avez souligné, comme une mesure d'acceptabilité de la restriction, simplement du fait qu'il ne s'applique qu'à la personne qui devrait être libre de soulever la question en Chambre avec la protection de la Chambre. Lorsque nous soulevons une question en Chambre, nous sommes protégés en vertu de notre privilège parlementaire.

M. Audcent : Si vous allez de l'avant avec le critère de la proportionnalité, le prix à payer est l'atteinte aux privilèges, aux immunités, aux pouvoirs et à la liberté de parole des sénateurs par son introduction dans une loi qui, de ce fait, établit un précédent. Voilà le prix à payer.

Vous dites que l'avantage obtenu est que le député du Parlement ou le sénateur ne peut parler. Toutefois, comme vous l'avez souligné, tout ce qu'il peut faire, c'est de demander à un simple citoyen d'en parler aux médias.

Le sénateur Joyal : En fait, le privilège sous enquête du commissaire ne serait pas protégé parce que n'importe qui peut se présenter aux médias et en parler n'importe quand.

M. Audcent : Effectivement.

Le sénateur Baker : C'est un point intéressant. Sans vouloir trop insister sur la question, mais je vais la poser différemment.

Il y aura infraction si le sénateur enfreint à la loi, s'il fait ce que la loi proposée stipule qu'il ne peut faire dans cette circonstance particulière. Il y aura infraction dans ce cas particulier.

S'il y a infraction, comment entrevoyez-vous le fait que le sénateur ayant enfreint cette nouvelle loi sera poursuivi ou jugé, puisque les privilèges parlementaires entreraient en ligne de compte, ainsi que l'a précisément souligné le sénateur Joyal? Comment cela se passerait-il, selon vous?

M. Audcent : Honorables sénateurs, il existe une disposition très salutaire dans la loi proposée à l'article 63, selon laquelle les contraventions à la présente loi sont soustraites à l'application de l'article 126 du Code criminel. À tout le moins, nous ne risquons pas de poursuite au criminel pour avoir enfreint une loi canadienne, ce qui est un très bon début.

Puis, il y a le paragraphe 44(6) de la loi proposée qui semble donner suite à cette disposition. Il prévoit ceci :

Dans les cas où le commissaire est d'avis que le membre du Sénat ou de la Chambre des communes n'a pas respecté l'obligation de confidentialité prévue au paragraphe (5), il peut soumettre le cas, en toute confidentialité, au président du Sénat ou de la Chambre des communes.

Donc, une disposition est prévue pour le président.

Vous savez, bien sûr, que dans les deux Chambres, les présidents ont différents mandats et différents rôles et chaque Chambre doit considérer cette disposition dans la perspective qui lui est propre. Elle ne précise pas ce que le président fera. Cela signifie qu'il devra essayer de s'entendre sur cette question avec la Chambre ou peut-être que la Chambre pourra en débattre ou fournir des directives au président sur la manière dont ces questions doivent être traitées lorsqu'elles lui sont rapportées.

De toute évidence, nous pouvons aller jusqu'à présenter un rapport au président du Sénat, mais nous ne pouvons faire davantage.

Le sénateur Baker : C'est une affaire justiciable.

Le sénateur Day : J'aimerais préciser que nous parlons de l'article 63 de la loi proposée sur les conflits d'intérêts, à la page 32.

Le sénateur Joyal : L'autre question que j'aimerais poser concerne ce que j'ai toujours considéré comme le privilège de chaque Chambre du Parlement de prendre des mesures disciplinaires à l'égard de ses membres respectifs.

Je vais lire l'article 18 de la Constitution que vous avez cité :

Les privilèges, immunités et pouvoirs que posséderont et exerceront le Sénat et la Chambre des Communes et les membres de ces corps respectifs, seront ceux prescrits de temps à autre [...]

Je n'ai jamais lu nulle part que ces privilèges, immunités et pouvoirs pouvaient être exercés conjointement. L'énoncé dit qu'ils sont « exercés par le Sénat et par la Chambre des communes ». Il est clairement précisé que les privilèges appartiennent à chaque Chambre et qu'ils sont exercés par chacune d'entre elles. Rien ne porte à croire que ces privilèges peuvent être exercés conjointement. Ils sont peut-être identiques, mais ils ne sont pas exercés ensemble.

Le privilège de prendre des mesures disciplinaires à l'égard des membres n'est-il pas le privilège de chaque Chambre et non un privilège commun? En d'autres mots, chaque Chambre a ses propres privilèges et chaque Chambre exerce ses privilèges en tant qu'institution, en sa qualité de Chambre. Je ne parle pas des sénateurs en particulier. Nous avons parlé plus tôt de la liberté de parole; nous parlions des sénateurs pris individuellement aux paragraphes 44(5) et 44(6) de la loi proposée. Toutefois, si vous fusionnez les fonctions du commissaire et du conseiller sénatorial en éthique, vous enlevez au Sénat le privilège de prendre des mesures disciplinaires à l'égard de ses membres et à la Chambre des communes le privilège de prendre des mesures disciplinaires à l'égard de ses membres, et vous mettez le tout sous une même enseigne. C'est ainsi que toutes les questions que vous avez soulevées précédemment sur les nominations, les destitutions et les révocations seront appliquées.

Théoriquement, selon la Constitution et la manière dont j'ai vu les tribunaux interpréter ces privilèges aux termes des lois et de la jurisprudence canadiennes, ceux-ci leur appartiennent en propre. En d'autres mots, ils sont la propriété de chaque Chambre indépendamment l'une de l'autre. C'est l'une des raisons pour laquelle le code d'éthique que nous avons élaboré au Sénat peut être différent à certains points de vue de celui de la Chambre des communes, parce que le rôle que nous devons exercer dans le processus législatif diffère d'une Chambre à une autre. Notre structure n'est pas identique, mais je ne veux pas entrer dans les détails.

J'aimerais que vous nous parliez de la différence fondamentale entre les deux Chambres en relation avec les privilèges essentiellement, étant donné que c'est la question qui nous intéresse ici.

Le président : Monsieur Audcent, croyez-vous qu'ils « s'excluent mutuellement », ainsi qu'on le suggère?

M. Audcent : J'ai de la difficulté avec les mots « s'excluent mutuellement », parce que c'est une formule abrégée; je vais devoir vous donner ma position de manière un peu plus exhaustive.

D'abord, je suis d'accord avec le sénateur Joyal que l'article 18 de la Constitution donne au Sénat les privilèges, immunités et pouvoirs de la Chambre des communes du Royaume-Uni et qu'elle donne à la Chambre des communes les privilèges, immunités et pouvoirs de la Chambre des communes du Royaume-Uni. En fait, le Sénat ne devait pas obtenir ces privilèges, immunités et pouvoirs de la Chambre des lords. La Chambre des communes du Royaume-Uni a accordé séparément ces privilèges, immunités et pouvoirs au Sénat et à la Chambre des communes séparément.

Ensuite, ce que cela dit, c'est que le Parlement du Canada statuera sur ce que seront ces privilèges, immunités et pouvoirs. Alors, si vous consultez la Loi sur le Parlement du Canada, vous constatez que l'article 4, qui renvoie au même thème, dit ceci :

Les privilèges, immunités et pouvoirs du Sénat et de la Chambre des communes [...]

d'une part, ceux que possédaient, à l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1867, la Chambre des communes du Parlement du Royaume-Uni [...]

Chaque Chambre exerce ses propres privilèges, immunités et pouvoirs, y compris le privilège de prendre des mesures disciplinaires à l'égard de son personnel. Chaque Chambre a le pouvoir de prendre des mesures disciplinaires. Le Sénat a le pouvoir de prendre des mesures disciplinaires à l'égard de ses membres; la Chambre des communes a le pouvoir de prendre des mesures disciplinaires sur ses membres.

Il faut donc se demander si le Sénat est en mesure de gérer cela. Il est clair que s'il gère ce pouvoir à l'interne, le problème ne se pose pas. La question est alors de déterminer ce qui se passera s'il souhaite avoir son propre code, mais qu'il est prêt à céder et à faire un compromis et instituer un poste commun avec la Chambre des communes où les deux Chambres auraient un même commissaire pour veiller à l'application des codes de la Chambre des communes et du Sénat et, selon le cas, à l'application de la Loi sur les conflits d'intérêts proposée par le premier ministre pour l'exécutif?

Je ne crois pas qu'il soit au-delà des pouvoirs du Sénat de déterminer s'il est prêt à faire cela, s'il est prêt à accepter l'adoption d'une loi à cet égard. Je crois qu'il revient au Sénat de décider d'instituer un poste commun pour les deux entités. Je pense qu'il revient à la Chambre des communes de décider de cette question également. Il est de votre ressort de déterminer si c'est une sage décision ou non. Y a-t-il dérogation à l'égard de vos privilèges? Assurément. Serait-ce une sage décision ou non? C'est à vous d'en décider.

J'aimerais revenir sur un point que j'ai soulevé dans mes deux exposés, l'un en septembre, et dans celui-ci. Je vous ai proposé de penser à la possibilité d'une porte de sortie, dans l'éventualité où cet arrangement ne fonctionnait pas bien. Je vous demanderais d'y penser.

Pour le moment, il s'agit d'un arrangement permanent. La Chambre des communes ne pourra pas le conclure sans votre approbation, parce que cela nécessitera une autre loi, et que vous ne pourrez rien conclure non plus sans son approbation. Avant d'aller de l'avant, je vous demanderais de vous poser la question à savoir si vous souhaitez considérer la possibilité d'inclure une disposition vous permettant de mettre fin à cet arrangement unilatéralement, sur une base administrative, sans devoir retourner devant aucune Chambre du Parlement, dans l'éventualité où vous considériez que, finalement, il ne sert pas vos intérêts.

Le sénateur Joyal : Sur la base du principe selon lequel la fonction disciplinaire appartient à chacune des Chambres prises individuellement dans le contexte d'une constitution similaire dans son principe à celle du Royaume-Uni, vous savez que la formule introductive « attendu que » de la Constitution prévoit que vous aurez « une constitution similaire dans son principe à celle du Royaume-Uni. »

Connaissez-vous un parlement de tradition britannique où la responsabilité des mesures disciplinaires a été fusionnée en un seul bureau?

M. Audcent : Honorables sénateurs, dans mon introduction, j'ai signalé un article du Hill Times où le conseiller sénatorial en éthique dit qu'au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Australie, chaque Chambre a son propre régime. Cette réponse n'est cependant pas complète.

Est-ce que les Chambres partagent occasionnellement leur droit de prendre des mesures disciplinaires? Eh bien oui. Par exemple, aux termes des dispositions de parjure du Code criminel, si le parjure est commis devant le Sénat, il peut y avoir poursuite devant les tribunaux. Si quelque chose tourne vraiment mal dans l'institution et qu'un parjure est commis, vous avez un pouvoir partagé et vous pouvez demander aux tribunaux d'intervenir et de poursuivre la personne qui s'est parjurée. Ces situations sont cependant très rares.

Le sénateur Joyal : Leur responsabilité ne s'arrête pas à cela. Le parjure est une infraction criminelle aux termes du Code criminel. Si un parjure était commis, nous reconnaîtrions que le Code criminel s'applique dans la procédure du Sénat ou de la Chambre des communes.

Alors, bien sûr, ce serait une infraction criminelle, et c'est pourquoi nous avons reconnu que le tribunal peut intervenir dans un tel cas, et la procédure fait également état de la possibilité d'une intervention. Le Sénat ou la Chambre des communes cède au tribunal sa responsabilité de poursuivre, en raison de la gravité de l'infraction et parce qu'elle peut entraîner une peine d'emprisonnement. Le Sénat ou la Chambre des communes peuvent dans ce cas céder leur privilège.

Toutefois, je parle ici de la responsabilité des mesures disciplinaires d'une Chambre cédées à l'autre endroit, en raison du nombre plus élevé de ses membres et de la manière dont il fonctionne dans ce contexte particulier. L'autre endroit, bien sûr, exerce sa discipline dans un contexte différent du Sénat pour des raisons évidentes. L'autre place exerce la discipline suivant le principe de gouvernement responsable, dans la mesure où les ministres sont concernés. La discipline à la Chambre des communes n'est pas du tout exercée comme au Sénat, parce que les implications diffèrent totalement de celles du Sénat. C'est pourquoi j'essaie de comprendre cela non seulement en fonction du principe de la séparation, mais en fonction de son application pratique. Il arrive parfois qu'aucune objection fondamentale ne puisse être formulée sur le principe en tant que tel, mais qu'une multitude d'implications fassent surface dans la pratique.

M. Audcent : Je ne pense pas vraiment que le présent projet de loi implique la cession complète par le Sénat de son droit d'imposer des mesures disciplinaires à ses membres. On prévoit l'adoption d'une structure administrative commune, mais l'établissement du code en lui-même demeure la responsabilité du Sénat. C'est le Sénat qui définira le code. Le but visé est d'utiliser une structure administrative commune pour la gestion des mesures disciplinaires, quels que soient les motifs de cette initiative. Bien que ne faisant pas partie du secteur disciplinaire, la Bibliothèque du Parlement est un exemple de structure administrative commune. Ce service est offert conjointement aux deux Chambres.

Les deux Chambres peuvent-elles décider en tout temps de fusionner leur structure administrative en une entité commune? Je pense que oui. Est-il sage de le faire dans un secteur qui touche les mesures disciplinaires? Est-ce pertinent d'envisager la fusion de ces services, si cette initiative touche les privilèges, les immunités et les pouvoirs? C'est à vous de décider. C'est ici qu'entre en jeu l'épreuve de proportionnalité.

Le sénateur Joyal : Avec tout le respect que je vous dois, à vous et à M. Patrice, tout un monde distingue la Bibliothèque du Parlement, dont les activités ne touchent pas les privilèges, y compris le privilège d'imposer des mesures disciplinaires. En un sens, cela n'affecte pas les privilèges du Sénat d'organiser son travail comme il l'entend. En revanche, il s'agit clairement du transfert de privilèges à un conseiller qui, par définition, relèverait de l'autre endroit pour des raisons x, y, z.

Vous avez demandé si vous étiez impliqué dans la suggestion du nom; si vous étiez impliqué dans le retrait de ce nom et si vous étiez impliqué si une motion de non-confiance était déposée à l'autre endroit. Les implications sont énormes sur le plan du fonctionnement. Je pense que le parallèle que vous avez fait avec la Bibliothèque du Parlement déborde des limites de l'article 18 de la Constitution, parce que le privilège des mesures disciplinaires est reconnu par les tribunaux et, comme vous le savez, depuis l'adoption de la Déclaration des droits de 1689, à l'article 6, si je me souviens bien. Le sénateur Baker me corrigera si je fais erreur. C'est essentiellement ce dont il s'agit.

Je pense que les deux sont totalement différents. Au chapitre de la discipline, je pense que cela porte atteinte à la capacité du Sénat d'agir comme surveillant de l'autre endroit, ainsi qu'à l'équilibre des relations entre les deux Chambres. Dans le cas de la Bibliothèque du Parlement, rien de tel n'entre en jeu. Le fait de céder notre capacité de prendre des mesures disciplinaires à l'autre endroit a un impact complètement différent en ce qui a trait au maintien de notre autonomie et de notre capacité de porter un second regard, comme la Cour suprême l'a dit au sujet du Sénat et comme chacun le reconnaît en cette enceinte. C'est le caractère de notre institution et notre rôle qui est en jeu.

C'est, en essence, pour maintenir la capacité de surveiller l'autre endroit que l'exercice des privilèges a été séparé. Dès qu'une partie cède à l'autre la capacité d'exercer ces fonctions disciplinaires, elle lui cède littéralement le terrain, ce qui, je pense, va à l'encontre du principe d'autonomie et d'indépendance du Sénat.

M. Audcent : Si vous me permettez, je vais faire le résumé de notre position commune. Comme je l'ai dit dans mon exposé, ici, en septembre, en ma qualité de légiste et conseiller parlementaire, j'ai la responsabilité d'examiner la situation sur le plan de nos privilèges, de nos immunités et de nos pouvoirs. Dans cette optique, je préfère que le Sénat ait son propre conseiller en éthique. Toutefois, je vous ai déjà souligné que d'autres intérêts doivent être pris en compte. Les intérêts du public et la manière dont le gouvernement perçoit les intérêts du public doivent être pris en compte. Il peut y avoir le facteur coût, mais on ne nous a pas fourni d'explications complètes sur les avantages de la fusion des deux bureaux de l'éthique. Je sais toutefois que vous, en tant que sénateurs, devez prendre tous ces facteurs en considération avant de prendre votre décision.

Le sénateur Day : Merci, monsieur Audcent et monsieur Patrice de votre présence. J'apprécie les épreuves de proportionnalité qui nous ont aidés à mieux comprendre.

J'aimerais revenir sur deux ou trois exemples de ces différentes catégories dont vous nous avez parlé. D'abord, les nos que vous avez donnés dans chacune des catégories, le privilège parlementaire, le conseiller sénatorial en éthique et le rôle du Sénat, ce sont les nos des amendements, n'est-ce pas?

Michel Patrice, conseiller parlementaire, Sénat du Canada : Effectivement.

Le sénateur Day : Lorsque vous appliquez cette épreuve, vous devez trouver le no de l'amendement et vous reporter à la liste pour repérer cet amendement et, à partir de ce dernier vous reporter à la loi proposée, afin de bien comprendre.

En premier lieu, pourrions-nous aborder la question du conseiller sénatorial en éthique, soit l'amendement 54 et les amendements qui s'y rapportent? Je ne vous demande pas de vous y reporter dans ce cas particulier, mais j'aimerais savoir, étant donné qu'il s'agit d'un groupe et d'un sujet en soi, si vous abordez cette question différemment de la question du privilège parlementaire?

M. Patrice : Oui, nous abordons ces questions différemment.

Le sénateur Day : Pourriez-vous m'expliquer en quoi ces questions diffèrent du privilège parlementaire? Le conseiller sénatorial en éthique a-t-il une plus grande importance ou une moins grande importance sur le plan constitutionnel?

M. Audcent : Je pense, monsieur le sénateur, que nous avons examiné la question du conseiller sénatorial en éthique individuellement, parce qu'elle comporte tout un train de mesures. L'amendement 54 est central, et 30 autres amendements s'y rapportent. Nous avons dit que c'était une série de mesures que vous nous présentiez. Pour ce qui est des amendements se rapportant au conseiller sénatorial en éthique, il est intéressant de voir que vous n'avez pas besoin de les passer en revue l'un après l'autre, parce qu'ils sont en corrélation. Si vous n'optez pas pour cette voie, vous n'aurez pas à tenir compte de tout cela, mais dans le cas contraire, vous devrez faire le travail qui n'a pas encore été effectué, c'est-à-dire, tenir compte de toutes les questions que j'ai soulevées, à savoir si vous êtes d'accord avec la fusion des deux bureaux. Quelles seront vos réponses à toutes ces questions?

Le sénateur Day : Cette épreuve, si j'ai bien compris, était celle que nous avons appliquée dans les amendements au privilège parlementaire?

M. Audcent : J'ai abordé la question du conseiller sénatorial en éthique séparément. Nous pouvons aborder cette question individuellement.

Le sénateur Day : Pouvons-nous la considérer comme faisant partie du groupe des questions portant sur le privilège parlementaire?

M. Audcent : Vous pourriez l'ajouter aux questions portant sur le privilège parlementaire. J'ai effectué des regroupements comme il me semblait naturel de le faire.

Le sénateur Day : Il ne s'agit pas simplement d'examiner une question politique et d'en peser le pour et le contre afin de déterminer si nous l'accepterons ou non. Ce que je veux dire, c'est qu'elle comporte d'autres volets qui doivent également être pris en compte.

M. Audcent : La question de privilège doit certainement être prise en compte.

M. Patrice : Effectivement, et la question entourant la fonction de conseiller sénatorial en éthique peut certainement être considérée comme une question de privilège parlementaire, puisqu'elle touche les règles régissant la conduite des membres du Sénat et, partant, les travaux du Sénat. Alors, effectivement, cette question peut être considérée comme relevant du privilège parlementaire.

Le sénateur Day : Dans le regroupement qu'on nous a remis, j'en ai encerclé un et je l'ai cherché pour réaliser par la suite qu'on en avait ajouté un autre, l'amendement 44(5). Je vous demanderais d'aller à l'amendement 30, l'article 2, page 32. Il remplace les lignes 29 et 30, à la page 32, au paragraphe 2 de l'article 64 proposé.

Nous avions proposé d'enlever les mots « sous réserve du paragraphe 6(2) et des articles 21 et 30 », et ensuite, il stipulait que nous pouvions exercer nos privilèges parlementaires, sans être assujettis à ces autres articles de la loi.

M. Audcent : C'est exact.

Le sénateur Day : Pourriez-vous nous expliquer en quoi cette question relève du privilège parlementaire?

M. Patrice : Premièrement, comme le comité a adopté un amendement visant à éliminer le paragraphe 6(2), qui vise essentiellement à interdire à un titulaire de charge publique de participer au débat et de voter, franchement, il n'y avait pas de raison à ce moment-là d'introduire au paragraphe 64(2) les mots « sous réserve du paragraphe 6(2) et des articles 21 et 30 [...] ». Les articles 21 et 30 découlent du paragraphe 6(2). L'un a trait à la récusation et l'autre à la conformité, lorsqu'un titulaire de charge publique est en conflit d'intérêt. Il stipule que l'amendement 30 et l'amendement 6 sont très étroitement interreliés ou liés.

Cela nous ramène au paragraphe 6(2) à la page 6 du projet de loi.

Le sénateur Day : Le paragraphe 64(1) a fait à lui seul l'objet de tout un débat que nous n'avons pas à aborder maintenant, à moins que vous ne le souhaitiez. Il s'agit de l'amendement fait en troisième lecture, qui a par la suite été déposé à la Chambre des communes, laquelle a ajouté le paragraphe 6(2) et les articles 21 et 30.

M. Patrice : C'est exact; le paragraphe 64(1) que je considérerais avant qu'il ne soit amendé comme un article qui valide des activités pour le compte des électeurs. Toutefois, l'autre endroit a rappliqué avec son message accompagné de l'amendement suivant : « Sous réserve du paragraphe 6(2) et des articles 21 et 30, la présente loi n'interdit pas les activités qu'exercent les titulaires de charge publique et les ex-titulaires de charge publique qui sont membres du Sénat ou de la Chambre des communes. »

Le sénateur Day : Si je comprends bien, cela signifie que les sénateurs ou les membres de la Chambre des communes peuvent jouir de tous leurs privilèges, mais qu'ils sont assujettis à certaines restrictions aux termes de la loi proposée.

M. Audcent : Elle reconnaît expressément que vous n'avez pas tous vos privilèges, que vous en perdez en vertu du paragraphe 6(2) et des articles 21 et 30; il est en votre pouvoir de faire cela. C'est un choix politique.

Le sénateur Day : Nous devrons prendre une décision à savoir si nous appliquerons l'épreuve de proportionnalité ou non, si c'est une bonne ou une mauvaise idée. Je comprends cela, je vous remercie.

Si nous pouvions examiner le rôle du Sénat, la dernière catégorie, l'amendement no 107 — je vais vous le trouver afin que vous puissiez y jeter un coup d'œil.

M. Audcent : C'est à la page 105.

Le sénateur Day : À la page 105 du projet de loi C-2. C'est l'amendement 107 — « un représentant nommé par le chef, au sénat, de chacun des partis qui y sont reconnus ». Ce que nous voulions faire ici, c'était de donner un rôle au Sénat dans une activité que la Chambre des communes, et non le Sénat, devait avoir. Est-ce exact?

M. Patrice : C'est exact — au comité de sélection qui aurait à choisir un candidat au poste de directeur des poursuites publiques.

Le sénateur Day : Nous avons reçu un commentaire à ce sujet du gouvernement. Le commentaire est le suivant :

Les amendements 107, 109 et 110 impliqueront les membres du Sénat dans le processus de nomination et de révocation du directeur des poursuites pénales. Puisque cette entité relève du pouvoir exécutif du gouvernement, l'implication du Sénat dans le processus de nomination sera inappropriée;

Telle est la réponse que nous avons obtenue. Pourquoi ne pourrions-nous pas appliquer cette réponse à la participation de la Chambre des communes également? Pouvez-vous expliquer pourquoi le processus de nomination serait approprié à la Chambre des communes, et non au Sénat?

M. Audcent : J'ai bien peur de ne pouvoir répondre à cette question, honorables sénateurs, parce que je devrais me porter à la défense de ce passage du gouvernement et à son explication.

Ce qui est intéressant à propos de votre question, monsieur le sénateur, c'est que non seulement elle s'applique au directeur des poursuites publiques, mais encore à l'amendement 148 sur la Commission des nominations publiques. Je me suis intéressé à la question, ce qui m'a amené à examiner la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

Le sénateur Day : On y trouve la même argumentation.

M. Audcent : Effectivement, c'est la même argumentation, alors ce qui est valable pour l'un est valable pour l'autre et leur raisonnement est applicable aux deux.

En examinant la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, qui est à l'origine de la Commission de la fonction publique, j'ai trouvé le passage suivant au paragraphe 4(5) : « Le gouverneur en conseil nomme les commissaires; dans le cas du président, il procède à la nomination par la commission sous le grand sceau, après approbation par résolution du Sénat et de la Chambre des communes. »

Je me suis donc demandé pourquoi le Sénat serait autorisé à adopter une résolution pour la Commission de la fonction publique et qu'il ne le serait pas pour la Commission des nominations publiques? Si c'est bon pour la Commission des nominations publiques, alors pourquoi ça ne le serait pas pour le directeur des poursuites publiques? Alors il faut revenir en arrière.

Le sénateur Day : C'est très intéressant. Je peux comprendre la réplique que nous avons eue en retour. J'essayais d'en déchiffrer le sens — et je me suis dit que je connaissais quelqu'un qui pourrait m'aider là-dessus — alors j'apprécie votre commentaire.

Le dernier amendement est celui qui se trouve au bas de la page 105 du projet de loi — l'amendement 109. Aux lignes 41 et 42 de la page 105, on peut lire à propos du commissaire : « [...] à un comité désigné ou constitué par le Parlement à cette fin ». C'est le même argument pour l'amendement 109 selon lequel le Sénat n'a rien à voir avec cela. Comment le gouvernement peut-il soutenir l'argument selon lequel le Sénat ne devrait pas s'occuper de quelque chose qui relève de l'exécutif, si cet amendement a été établi par le Parlement à cette fin?

M. Audcent : Il est très difficile de comprendre l'énoncé de l'amendement défendu au paragraphe 4(4) de la page 105. Selon cet énoncé :

La question de la nomination du candidat sélectionné est soumise à l'approbation d'un comité que le Parlement désigne ou constitue à cette fin.

Bien sûr, le Parlement ne peut s'exprimer que par l'entremise des lois. Le Parlement est composé de la Reine, du Sénat et de la Chambre des communes. Or, cela ne peut signifier que l'on doit passer une loi pour créer une commission et ainsi recevoir la recommandation aux fins d'approbation.

Pour tâcher de comprendre, je me suis reporté à la version française qui dit ceci :

[Français]

(4) Le choix du candidat est soumis à l'examen d'un comité parlementaire désigné ou établi pour la circonstance [...]

[Traduction]

Puis, je me suis dit que c'est un comité qui, de par sa nature, est parlementaire. En d'autres mots, il ne relève pas des pouvoirs exécutif ou judiciaire. Il relève du Parlement. Alors j'ai pensé que l'anglais était mal formulé, mais au moins, que je pouvais en comprendre le sens par la version française.

J'ai fait ensuite le lien avec la question de savoir si le Sénat est inclus ou non. Il me semble que si les comités de la Chambre des communes peuvent être appelés des comités parlementaires, alors les comités du Sénat peuvent également être désignés comme des comités parlementaires. Maintenant, les deux Chambres se livrent la concurrence à savoir quel comité obtiendra la recommandation en premier. Qu'adviendra-t-il alors si le procureur général se trouve être un sénateur à ce moment-là?

Le sénateur Joyal : Je ne veux pas trop insister sur cette interprétation. La version anglaise ne peut être exacte, parce qu'elle impliquerait la reine. D'après l'article 17 de la Constitution, le « Parlement [...] sera composé de la Reine, d'une Chambre haute appelée le Sénat, et de la Chambre des communes. »

Dans la version française, on peut lire « comité parlementaire ». En toute logique, nous devons nous reporter à la version anglaise pour comprendre que « parlementaire » désigne les deux Chambres, puisque le Parlement a deux Chambres. Nous devons passer de la version anglaise à la version française pour comprendre ce que cela veut dire.

Lorsque nous avons discuté de cela, nous avons pensé que nous devrions amender au moins la version anglaise comme suit : « constitué par les deux Chambres du Parlement à cette fin ». Puis, bien sûr, nous savons que ce sont les Chambres du Parlement qui parlent. Toutefois, si nous laissons cela tel quel, nous devrons passer de la version anglaise à la version française pour en comprendre le sens.

Le sénateur Day : N'oublions pas la reine dans ce chassé-croisé.

Le sénateur Joyal : Je ne pousserai pas la réflexion plus loin.

M. Audcent : Je ne suis convaincu que si l'on ne parvenait pas à interpréter le libellé de ce projet de loi, il faudrait que ce soit un comité mixte.

De toute évidence, un comité désigné ou constitué par le parlement, c'est-à-dire un comité parlementaire, serait un comité mixte. Je ne suis pas prêt à reconnaître qu'il ne s'agirait pas d'un comité établi exclusivement par la Chambre des communes, alors que c'est là qu'il aboutirait la plupart du temps. Toutefois, cela pourrait donc également être un comité désigné ou constitué par le Sénat exclusivement. Si une Chambre peut le faire, l'autre peut en faire autant.

Le président : Nous pourrions lire la version française seulement.

M. Audcent : Les deux doivent être lues conjointement.

Le sénateur Day : Avons-nous fait preuve de diligence raisonnable? Nous avons porté cet apparent conflit à l'attention du gouvernement. Nous l'avons renvoyé à la Chambre des communes. Elle a été mise au courant, la question a été examinée et on nous a écrit pour nous dire de laisser tomber. Le Sénat n'a aucun rôle à jouer parce que la question relève du pouvoir exécutif.

Même s'il y a confusion, avons-nous fait preuve de diligence raisonnable ou avons-nous une responsabilité en tant que corps législatif de faire plus que de porter la question à leur attention?

Le président : Je ne suis pas certain que ce soit le rôle du légiste.

Le sénateur Day : Il a parlé de « diligence raisonnable ». J'essaie d'en saisir tout le sens. Si vous ne pouvez pas me répondre, je ne voudrais pas que vous vous engagiez sur un terrain qui ne vous est pas familier.

M. Audcent : J'aimerais retrouver les commentaires que j'ai faits sur la diligence raisonnable. J'ai dit à propos du projet de loi C-2 et de ses impacts sur les droits parlementaires que vous avez fait preuve de diligence raisonnable. J'aimerais dresser la liste de ce que vous avez fait. Vous vous êtes informés au sujet des dispositions de ce projet de loi; votre rôle est d'étudier les projets de loi qui vous sont envoyés et qui ont un impact sur vos privilèges, immunités et pouvoirs et sur ceux de l'autre endroit. Vous en avez informé l'autre endroit; des documents écrits ont été portés à leur attention au sujet de ces dispositions particulières. Vous avez proposé des amendements au projet de loi qui protégeraient les droits parlementaires que vous considériez pertinents.

En ce sens, je pense que vous avez fait preuve de diligence raisonnable. Vous avez étudié le projet de loi, examiné ses dispositions et vous en avez discuté.

Le sénateur Day : Est-ce que le fait de porter à leur attention que leur réponse est insignifiante peut faire partie de l'exercice de diligence raisonnable?

M. Audcent : Je vais laisser aux hommes politiques le soin de répondre à cette question.

Le sénateur Day : J'aimerais toutes les passer en revue. Je pense que vous trouverez cela dans chacune de celles-ci, mais j'en ai pris trois au hasard.

Le sénateur Andreychuk : J'aimerais revenir à la question de savoir s'il est préférable d'avoir un seul bureau de l'éthique ou d'en avoir deux.

Il semble que nos codes ne soient pas les mêmes. Nous sommes guidés par nos privilèges parlementaires respectifs, ceux du Sénat et ceux de la Chambre des communes. Notre méthodologie consiste à utiliser une seule personne.

La question est de savoir si une personne peut porter deux chapeaux comme on dit dans le langage courant. N'aura- t-on pas ainsi plus tendance à confondre les deux? L'un est-il plus lourd que l'autre, ainsi qu'une personne l'a fait remarquer? En d'autres termes, la Chambre compte plus de 300 membres et il y a une centaine de sénateurs de ce côté- ci. Y aura-t-il plus d'activités de l'autre côté et, de ce fait, cela n'obscurcira-t-il pas notre manière de voir les choses de ce côté-ci du Parlement?

Selon moi, nous avons le choix d'accepter ou non cette politique. Cette personne, si elle fait correctement son travail, pourrait en réalité s'acquitter de ses obligations envers le Sénat et envers la Chambre, tout en maintenant les deux entités séparées.

J'ai l'impression toutefois qu'elle finira inévitablement par confondre les deux bureaux sur le plan administratif, ce qui ne serait à l'avantage de ni l'une ni l'autre des Chambres.

M. Audcent : Honorables sénateurs, je crois que nous avons vraiment fait le tour de la question. Vous avez circonscrit le problème, vous avez constaté que ce projet de loi touche l'infrastructure, vous vous êtes demandé qui sera responsable de gérer ce bureau. Je crois que nous avons bien étudié la question.

Je pense qu'en prochaine étape, il vous faudra analyser deux choses : les privilèges auxquels vous devrez renoncer et les problèmes administratifs que ce projet de loi sous-tend. Si je pense aux privilèges auxquels il vous faudra renoncer, l'un touchera évidemment la révocation de votre personnel. Je suis à votre service à titre amovible. Vous n'avez pas besoin de la permission de la Chambre des communes pour me remercier. Aux termes de la loi proposée, les deux Chambres auraient leur mot à dire.

Les deux Chambres seraient responsables des nominations. Vous devriez partager votre pouvoir discrétionnaire de choisir et de révoquer une personne. Je considérerais tout cela comme faisant partie de vos privilèges. Voilà ce qu'il en est au niveau constitutionnel.

Puis, vous avez soulevé une autre série de questions. Comment cela fonctionnera-t-il sur le terrain, sur le plan administratif? Il y a plus de 300 membres à la Chambre des communes, quelque 2 000 fonctionnaires et environ 105 sénateurs qui se battent pour occuper l'avant-scène. Dans les audiences précédentes, quelqu'un a demandé si chaque sénateur aurait l'occasion de rencontrer et de parler à ce commissaire à l'éthique sur une base régulière. Obtiendrez- vous les services personnels qui vous sont offerts actuellement?

Je vous ai également demandé si vous réalisiez que vous n'obtiendrez vraisemblablement pas ce service et qu'un sous-groupe sera éventuellement créé — un commissaire adjoint pour la Chambre des communes, le Sénat et l'exécutif. Ensuite, je vous ai demandé si, dans l'éventualité où vous optiez pour un bureau commun, vous réalisiez qu'il y aura un assistant pour le Sénat et que c'est cette personne que vous allez rencontrer, et je vous ai demandé si vous vouliez le droit exclusif de nommer et de révoquer cet adjoint? Ce dernier sera très important pour vous.

Voilà les questions que vous devez vous poser avant d'opter pour un bureau commun.

Le sénateur Andreychuk : Je ne vois pas en quoi nous nous éloignons du code qui sera sous la responsabilité des sénateurs. Tout le problème vient du fait qu'un seul bureau essaie de gérer deux concepts; l'un propre à la Chambre, et le nôtre. Comment cela fonctionnera-t-il dans la pratique?

L'élément central ici, c'est que la personne embauchée aura certains pouvoirs. La loi proposée le stipule. Certaines personnes, — les juges, notamment — doivent s'acquitter de telle ou telle fonction et effacer tout ce qu'elles ont en tête au titre de cette fonction et passer à autre chose. Si vous entendez quelque chose à huis clos et que vous concluez que c'est inadmissible, vous pouvez donner suite à cette affaire. Les gens sont capables de faire la distinction s'ils ont reçu une formation professionnelle à cet effet et s'ils ont une solide compréhension de leur rôle.

En principe, on ne peut dire qu'il est difficile de confier ces deux fonctions à une même personne. Il est possible, lorsque le coup d'envoi aura été donné, que les choses soient trop complexes ou difficiles pour maintenir ces deux fonctions séparées, sauf en ce qui concerne la dérogation que vous avez signalée.

M. Audcent : Je ne mettais pas en cause la capacité d'un commissaire à l'éthique doté d'une solide formation de s'acquitter de ces fonctions. J'ai passé en revue la charge de travail et le pouvoir de délégation, parce que les responsabilités sont nombreuses. Je n'ai pas dit qu'il est inconcevable qu'une seule personne puisse s'acquitter de la responsabilité des trois codes. Je pense que vous avez raison. Les gens peuvent avoir plusieurs cordes à leur arc, je suis bien d'accord avec cela.

Le président : Même M. Fournier à qui on a demandé s'il avait rencontré les 105 sénateurs depuis qu'il occupait ses fonctions, soit depuis un an et demi, a dit devant le comité qu'il ne lui en restait que sept ou huit à rencontrer. Ce n'est pas qu'il n'a pas eu le temps. Il ne l'a tout simplement pas fait. Rencontrer les gens n'a rien de magique. Cela fait presque deux ans.

Le sénateur Baker : Pour revenir au porte-parole de ce côté-ci, je pense que votre réponse à sa question au sujet de la diligence raisonnable et du sens que vous lui donnez le dérange un peu. Comme vous le savez, la diligence raisonnable est un moyen de défense complet du common law et ce n'est pas, ainsi que le président vient de le dire, un simple voir- dire à ce stade-ci.

Nous pouvons nous poser la question. Nous ne pouvons faire partiellement preuve de diligence; nous ne pouvons faire preuve de diligence une fois sur quatre. Je présume que vous considérez que nous avons fait preuve de diligence jusqu'à présent, que nous avons examiné le projet de loi et que vous ne prévoyez pas que nous ferons diligence raisonnable au-delà de ce moment particulier, n'est-ce pas?

M. Audcent : Honorables sénateurs, il est évident que le débat n'est pas clos. Nous sommes en cours de processus et je n'ai certainement pas l'intention d'orienter la suite des choses.

Ce que j'ai voulu dire, c'est que je pense que les sénateurs ont une responsabilité et que ces responsabilités consistent à étudier la loi qui est proposée et de l'apprendre, et je considère que c'est ce que vous avez fait. Votre responsabilité est de faire des efforts pour présenter les meilleures suggestions possibles et je pense que vous y êtes parvenus. Je crois que vous avez signalé à l'autre côté quelles étaient vos préoccupations. On ne vous a pas répondu « Nous ne le savions pas ». Bien sûr, le processus n'est pas encore terminé. Vous élaborez les lois et vous devez prendre des décisions législatives et vous prendrez ces décisions.

Le sénateur Ringuette : Personnellement, j'ai vu les sénateurs consacrer beaucoup de temps à la conception d'un code d'éthique pour le Sénat et du questionnaire. Je parle de l'infrastructure, ainsi que vous l'avez mentionné plus tôt. Beaucoup d'énergie y a été consacré et le Sénat a fait preuve de diligence raisonnable dans la mise sur pied d'une infrastructure, de pair avec le code d'éthique et le processus s'y rapportant.

Donc, si vous avez examiné l'infrastructure actuelle, que vous connaissez, si vous avez examiné les processus, son fonctionnement, diriez-vous qu'il présente des problèmes qui appellent une solution?

M. Audcent : Honorables sénateurs, j'ai participé à ce processus et j'ai surveillé son évolution. Tout ce que je peux dire, c'est que je n'ai jamais entendu de critiques du régime actuel. Vous me corrigerez si je fais erreur, mais je n'ai jamais entendu de critique à l'effet que quelque chose ne fonctionne pas, et ce, même de la part du gouvernement. Ce que j'ai entendu, ce sont des suggestions visant à l'améliorer. Des gens nous ont dit qu'ils pensaient que ce serait encore mieux si nous avions un seul régime, mais je n'ai jamais entendu personne dire que le régime existant présentait des failles.

Le sénateur Ringuette : On dit que nous devrions avoir une seule structure administrative.

M. Audcent : C'est la position du gouvernement et de la Chambre des communes. Ils ont proposé quelque chose qui, à leur avis, servirait encore mieux l'intérêt public. Je n'ai entendu parler d'aucune critique faite à l'endroit du système qui a été établi par le conseiller sénatorial en éthique. Je pense que celui s'est très bien acquitté de sa tâche. Je pense qu'il n'y a pas eu de scandale au Sénat. Je pense que le régime est conforme à 100 p. 100. Autant que je sache, les changements proposés n'ont aucun lien avec l'idée que le régime ne fonctionne pas, mais on pense que ce projet de loi pourrait l'améliorer.

Le sénateur Ringuette : C'est l'impression qu'ils ont.

M. Audcent : C'est leur point de vue, mais c'est un choix politique.

Le sénateur Day : J'aimerais préciser une chose. J'ai en main la publication du Fascicule no 5, du mercredi 6 septembre, des Affaires juridiques et constitutionnelles. Monsieur le président, vous demandiez à M. Fournier :

Combien de sénateurs n'ont pas été rencontrés?

M. Fournier a dit ceci :

Je dirais huit ou neuf, et cela tient en grande partie au fait qu'ils n'étaient pas disponibles à ce moment-là, étant donné qu'il y a eu une campagne électorale pendant l'hiver. Ce n'était tout simplement pas pratique pour eux de me rencontrer à cette période-là. J'espère que dans le cadre du prochain examen annuel, je rencontrerai tous les sénateurs.

C'est à la page 579.

Le président : En quoi cela diffère-t-il de ce que j'ai dit?

Le sénateur Baker : Vous avez parlé de sept, je crois.

Le sénateur Day : J'essaie d'aider. Il a dit huit ou neuf. Je ne souligne pas ce passage pour montrer qu'il y a eu dérogation. Nous n'avions pas les chiffres exacts et j'ai simplement voulu apporter cette précision.

Le président : Tous les sénateurs inscrits sur ma liste ont posé leurs questions. Au nom du comité, je remercie M. Patrice et M. Audcent de leur présence. Vous avez été clairs, lucides et vous nous avez été d'une grande utilité. Vous avez répondu en votre qualité d'avocats aux points qui ont été soulevés. Ce fut un plaisir de vous avoir avec nous et nous vous en remercions beaucoup.

Honorables sénateurs, nous avons maintenant devant nous le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, le Code criminel, la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le casier judiciaire.

Aux termes du règlement 97(7.1), à moins d'une permission de ses membres présents, un comité ne peut omettre l'étude article par article d'un projet de loi.

Pouvons-nous donc passer outre à l'étude, article par article, du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, le Code criminel, la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le casier judiciaire?

Le sénateur Joyal : Monsieur le président, j'ai des réserves quant à l'article 4 qui propose d'ajouter l'article 227 à la Loi sur la défense nationale.

Les questions que nous avons se rapportaient plus précisément à la page 16, 227.16(1)(2) et la suivante, alors on propose que nous passions à l'article 5, et après celui-ci, nous pourrons poursuivre.

Le président : Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que le comité étudie, article par article, le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, le Code criminel, la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le casier judiciaire?

Des voix : D'accord.

Le président : Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 1 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 2 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 3 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 4 est-il adopté?

Une voix : Avec dissidence.

Le président : L'article 5 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 6 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 7 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Sénateur Joyal, y a-t-il des articles?

Le sénateur Joyal : Non, c'est celui que j'avais en particulier.

Le président : Les articles 7 à 53 inclusivement sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le président : Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le projet de loi est-il adopté?

Une voix : Avec dissidence.

Le président : Avec dissidence.

Honorables sénateurs, le comité souhaite-t-il discuter de l'annexion d'observations au rapport?

Le sénateur Milne : Oui.

Le président : Le comité souhaite-t-il siéger à huis clos pour discuter des observations?

Le sénateur Andreychuk : Oui, à huis clos.

Le sénateur Milne : Nous siégeons généralement à huis clos.

Le sénateur Andreychuk : Effectivement. Ainsi, nous savons qui a dit quoi. Ces comités sont censés être des comités d'observation. Je pense que nous devrions pouvoir en discuter pour ainsi en arriver à certains compromis.

Le président : Je vois qu'il y a consensus, honorables sénateurs, pour la poursuite des travaux à huis clos. Nous poursuivrons donc maintenant à huis-clos.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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