Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 18 - Témoignages du 5 décembre 2006
OTTAWA, le mardi le 5 décembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit ce jour à 13 h 45 pour examiner la motion ainsi que le message de la Chambre des communes daté du 21 novembre 2006, concernant le projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation.
Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, la séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles est ouverte. Selon notre ordre de renvoi d'aujourd'hui, nous examinons la motion de l'honorable sénateur LeBreton relative au message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation. Cette loi est plus couramment appelée la loi fédérale sur la responsabilité. Un amendement apporté à cette motion au Sénat faisait référence au message qu'avait transmis la Chambre des communes à notre comité ainsi qu'à la date du 7 décembre 2006 pour la remise du rapport, qui est jeudi prochain.
Permettez-moi de faire un bref historique de ce projet de loi. Il a été lu en première lecture à la Chambre des communes le 11 avril 2006 et a été adopté par cette Chambre le 21 juin. Il a été lu en première lecture au Sénat le 22 juin et a été renvoyé au comité le 27 juin, le jour auquel nous avons commencé nos audiences. Sur une période de plusieurs mois, le comité a entendu plus de 160 témoins et consacré plus de 100 heures à l'étude de ce projet de loi. Dans notre rapport déposé le 26 octobre, le comité recommandait 156 amendements au projet de loi. D'autres amendements ont été apportés à l'étape du rapport et en troisième lecture.
Pour ce qui est du message émanant de la Chambre des communes, il convient de rappeler que dans le message, les numéros des amendements font référence aux amendements adoptés par le Sénat, à quelque étape que ce soit. C'est un point sur lequel le sénateur Day a insisté à plusieurs reprises. Comme je l'ai déclaré dans notre quatrième rapport, notre comité a apporté 156 amendements au projet de loi C-2. Deux amendements supplémentaires ont été introduits dans le rapport en troisième lecture. Par conséquent, le message émanant de la Chambre des communes porte sur 158 amendements.
Dans son message, la Chambre des communes déclare accepter les amendements du Sénat portant les numéros 1, 3, 13, 16, 17, 21, 26, 27, 32, 33, 55e)(i), 63, 64, 66, 67, 70, 72 à 79, 81, 82, 84, 86, 87, 91, 93, 95, 97, 99, 103 à 106, 111, 112, 114, 117, 122, 124 à 127, 135, 144, 146, 152, 156 et 158. Par conséquent, honorables sénateurs, ces amendements ne font plus l'objet de discussion. Ils ont été adoptés.
La Chambre des communes a rejeté les amendements 2, 4 à 12, 14, 15, 18 à 20, 22 à 25, 28, 30, 31, 34 to 54, 55a) à d), 55e) (ii) à (viii), 56 à 62, 65, 68, 69, 71, 80, 83, 85, 88 à 90, 92, 94, 96, 100 à 102, 107 à 110, 113, 115, 116, 118 à 121, 123, 128 à 134, 136 à 143, 145, 147 à 151, 154, 155 et 157. Dans sa motion, le sénateur LeBreton demande que le Sénat n'insiste pas pour que ces amendements soient adoptés.
Enfin, la Chambre des communes a souscrit aux principes énoncés dans certaines parties des amendements 29, 98 et 153 mais a proposé une formulation révisée de ces amendements. Dans sa motion, le sénateur LeBreton invite le Sénat à souscrire aux amendements de la Chambre des communes.
Honorables sénateurs, notre tâche consiste à préparer et à adopter un rapport qui recommanderait au Sénat d'adopter le texte du message qui sera renvoyé à la Chambre des communes en réponse à son message du 21 novembre 2006.
Nous allons entendre aujourd'hui deux séries de témoins au sujet de notre ordre de renvoi.
Demain, nous examinerons notre rapport. J'aimerais exposer brièvement le cadre de ces délibérations. Honorables sénateurs, comme vous le savez, le Règlement nous autorise à siéger à huis clos pour discuter des projets de rapports, si nous estimons que cela est nécessaire. Néanmoins, à moins que les membres du comité soient d'avis contraire, je pense que nous devrions tenir en public la discussion générale que nous aurons demain.
Conformément à la pratique et à la procédure parlementaires, nous pouvons prendre trois décisions à l'égard de chacun des amendements. Nous pouvons accepter la proposition présentée par la Chambre des communes, nous pouvons la rejeter en insistant pour conserver l'amendement original présenté par le Sénat ou nous pouvons présenter la même formulation alternative de façon à prendre en compte nos préoccupations à l'égard d'un article donné.
Étant donné que nous devons présenter notre rapport à la Chambre jeudi prochain au plus tard, je pense que nous devrions être prêts à finaliser nos décisions demain pour que le personnel du comité puisse élaborer un rapport demain soir. Ainsi, lorsque nous nous réunirons demain, nous pourrons procéder sans délai à une discussion portant sur les questions de fond. Nous pourrons soit examiner chaque amendement séparément soit regrouper les amendements qui portent sur le même sujet. Nous pourrons ensuite nous réunir jeudi matin pour adopter le projet de rapport.
Honorables sénateurs, je propose également qu'étant donné qu'un certain nombre de sénateurs souhaitent participer à la discussion, nous limitions demain nos commentaires à cinq minutes, pour le premier tour au moins. Tout le monde pourra ainsi prendre la parole. Nous connaissons bien ces questions; nous en avons débattu de façon approfondie et le débat d'aujourd'hui ne porte pas tant sur le fond de ces questions mais que la réponse que nous avons reçue de l'autre endroit.
Honorables sénateurs, j'aimerais maintenant vous présenter les représentants de la Commission canadienne du blé. Nous accueillons M. Ken Ritter, le président du conseil d'administration, et M. Jim McLandress, avocat-conseil.
Les honorables sénateurs savent que la Commission canadienne du blé est un organisme contrôlé par les agriculteurs qui commercialise le blé et l'orge produits par les agriculteurs de l'Ouest du Canada. Son siège est à Winnipeg, au Manitoba. C'est le premier vendeur de blé et d'orge au monde, puisqu'il détient plus de 20 p. 100 du marché international.
Ken Ritter, président du conseil d'administration, Commission canadienne du blé : Merci, monsieur le président. Comme vous l'avez mentionné, mon collègue Jim McLandress est l'avocat-conseil de la Commission canadienne du blé. Je m'appelle Ken Ritter; je suis le président du conseil d'administration de la Commission canadienne du blé. J'exploite une ferme dans la région de Kindersley dans l'ouest de la Saskatchewan et je remplis mon troisième mandat de représentant élu des agriculteurs de mon district.
Le 20 septembre, la Commission canadienne du blé a comparu devant ce même comité pour demander que son nom soit supprimé de la liste des entités visées par l'expression « autres institutions fédérales » auxquelles s'applique la Loi sur l'accès à l'information. Notre argument à l'époque, et qui est toujours le même aujourd'hui, était que la commission n'est pas une agence gouvernementale, qu'elle a déjà adopté une politique en matière d'information et que l'ajouter à cette liste ne ferait qu'alourdir inutilement les coûts de fonctionnement de la Commission canadienne du blé, coûts qui sont entièrement assumés par les agriculteurs.
Dans le cas où la commission ne serait pas supprimée de cette liste, nous demandions à l'époque que la Commission canadienne du blé bénéficie au moins du même genre de protection que celle qui est accordée à quatre autres organisations énumérées dans le projet de paragraphe 18.1(1) de la Loi sur l'accès à l'information, à savoir la Société canadienne des postes, Exportation et Développement Canada, l'Office d'investissement des régimes de pension du secteur public et VIA Rail Canada.
La Commission canadienne du blé souhaite exprimer au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles sa reconnaissance pour avoir proposé d'apporter à la Loi sur l'accès à l'information des amendements qui répondent à nos préoccupations. Nous espérions que le projet de loi modifié serait adopté par la Chambre des communes et que cette question serait ainsi réglée; malheureusement, cela n'a pas été le cas. La Chambre des communes a réinscrit la Commission canadienne du blé sur la liste des autres institutions fédérales et elle se retrouve aujourd'hui à peu près dans la même position que celle qu'elle occupait lorsque je vous ai parlé en septembre. Nous estimons toujours que la commission ne devrait pas être visée par la Loi sur l'accès à l'information, mais nous comprenons qu'il faut tenir compte de la situation politique. Compte tenu de cette situation, nous estimons qu'il y aurait lieu maintenant de modifier le projet de loi de façon à accorder à la commission la protection supplémentaire à laquelle j'ai fait référence il y a un instant. Tout comme la Commission canadienne du blé, la Société canadienne des postes, Exportation et Développement Canada, l'Office d'investissement des régimes de pension du secteur public et VIA Rail Canada exercent tous principalement des activités commerciales et la divulgation ou le risque d'avoir à divulguer des renseignements commerciaux sensibles pourrait compromettre la position commerciale de ces organismes.
Cependant, le projet de paragraphe 18.1(1) accordera à ces entités une protection supplémentaire pour les renseignements sensibles. Plus précisément, lorsque l'information contient des secrets commerciaux ou des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques, il suffit que l'entité démontre qu'elle a toujours traité ce type de renseignements comme confidentiels. Elle ne sera pas tenue de démontrer que l'information a ou peut avoir une valeur importante. C'est une réserve qui peut jouer un grand rôle, parce que, même si l'information en question est manifestement une information sensible sur le plan commercial, il pourrait être impossible d'établir, selon les normes exigées par la LAI, que l'information en question a, par sa nature même, une valeur importante.
La Commission canadienne du blé se trouve dans une situation semblable. Elle effectue tous les jours des centaines d'opérations commerciales sensibles. Considérée isolément, l'information relative à une de ces opérations pourrait ne pas être considérée comme ayant une valeur importante. Regroupées, ces informations pourraient toutefois mettre en danger la capacité de la Commission canadienne du blé d'agir efficacement pour le compte des agriculteurs. Par conséquent, si la Commission canadienne du blé est assujettie à la Loi sur l'accès à l'information, elle demande d'être ajoutée à la liste des organismes protégés actuellement aux termes du projet de paragraphe 18.1(1).
Il convient également de noter que le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a présenté une demande semblable dans une lettre datée du 19 septembre 2006. Une copie de cette lettre a été transmise au président du Conseil du Trésor.
Je tiens une fois de plus à remercier les membres du comité de l'attention qu'ils ont accordée à cette question. J'espère sincèrement que la demande que présente aujourd'hui la commission va non seulement bénéficier de votre appui et de celui de l'ensemble du Sénat, mais également se traduire par un projet de loi qui pourra être adopté par la Chambre des communes.
Le sénateur Baker : J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins, en particulier à M. McLandress. Une des premières affaires rapportées dont il s'est occupé portait sur le code de la route et a été entendue par la Cour du Banc de la Reine du Manitoba il y a une quinzaine d'années. On pourrait dire qu'il se bat encore pour avoir un bon code de la route.
Comme le président l'a fait remarquer, la Commission canadienne du blé est un organisme de commercialisation contrôlé par les agriculteurs. La commission est mentionnée dans divers jugements du Tribunal de la concurrence, dans des affaires où elle était partie, ayant parfois été obligée de lutter pour obtenir le statut d'intervenante. Dans une affaire récente, le tribunal a déclaré : « Toutes les recettes provenant des ventes effectuées par la commission sont retournées, après déduction des coûts de fonctionnement, à près de 70 000 producteurs céréaliers qui relèvent de la commission ».
Monsieur McLandress, pourquoi est-il si difficile de convaincre les gens que la commission n'est pas, et n'est pas depuis très longtemps, une agence gouvernementale, que vous oeuvrez dans un marché hautement compétitif et que vous êtes constamment obligé de le montrer devant les tribunaux administratifs et au cours des discussions que vous avez avec le Bureau de la concurrence? Pourquoi certaines personnes ont-elles autant de mal à comprendre que vous n'êtes pas un organisme gouvernemental?
Jim McLandress, avocat-conseil, Commission canadienne du blé : Merci pour vos commentaires, sénateur Baker.
Il est toujours difficile de parler pour d'autres personnes. Comme vous l'avez dit, la Commission canadienne du blé est régulièrement en contact avec le Bureau de la concurrence et avec l'Office des transports du Canada. Cela nous oblige à fournir beaucoup d'explications au départ et c'est pourquoi vous allez constater que nous répétons très fréquemment ce genre de formule. La fusion d'Agricore United nous a obligés pour la première fois à nous adresser au Bureau de la concurrence. Selon les règles, nous étions obligés d'intervenir, ce qui veut dire que nous avons dû expliquer la nature de notre organisme et notre mission. Je ne peux pas parler pour l'Office des transports du Canada, mais c'est un organisme avec lequel nous entretenons des relations depuis longtemps et qui connaît bien qui nous sommes et qui comprend également notre rôle.
D'une certain façon, le plus difficile n'est pas de convaincre ces agences que nous ne sommes pas une agence du gouvernement. La loi indique clairement que nous ne le sommes pas, mais nous sommes toujours en train de nous opposer à Ottawa sur ce point.
Le sénateur Baker : Je crois savoir que vous avez obtenu le statut d'intervenant, le droit de contre-interroger les témoins et d'autres choses.
M. McLandress : Dans l'instance devant le Bureau de la concurrence, nous avions le statut d'intervenant. Nous avons participé à diverses instances devant le bureau. Nous travaillons en étroite collaboration avec le tribunal et avons participé activement à ses travaux, qui se poursuivent encore.
Le sénateur Baker : Vous avez toujours eu beaucoup de réussite devant les tribunaux, du moins en ce qui concerne les décisions rapportées.
M. McLandress : Nous n'avons encore jamais perdu.
Le sénateur Baker : Vous avez abordé cette question d'un point de vue général, mais pourquoi pensez-vous que le gouvernement du Canada et la Chambre des communes croient encore que la commission est une agence gouvernementale? Auriez-vous quelques conseils juridiques à fournir aux personnes qui siègent dans l'autre endroit?
M. McLandress : Je leur dirais de lire la loi. Je ne veux pas paraître cavalier, mais cela me paraît clair. La législation est claire; la loi est claire. Je ne peux pas expliquer les raisons politiques pour lesquelles ce débat a lieu, mais il est évident qu'il y a un débat. Ce n'est pas à moi de parler des aspects politiques de cette question; M. Ritter est probablement mieux placé que moi pour expliquer les aspects politiques de ce débat. Cependant, d'un point de vue purement juridique, il n'y a pour moi aucun doute : nous ne sommes pas une agence du gouvernement du Canada. Nous ne sommes pas une émanation du gouvernement; notre rôle ne consiste pas à mettre en œuvre une politique gouvernementale. C'est ce que dit la loi.
Le sénateur Milne : Il me semble que, depuis quelque temps, le gouvernement essaie délibérément d'affaiblir la Commission canadienne du blé. Parmi les 15 membres de votre conseil, combien ont été remplacés récemment?
M. Ritter : Le mandat de Lynne Pearson, une administratrice, a expiré au mois de juin, de sorte qu'un remplaçant a été nommé deux ou trois mois plus tard. Une autre administratrice de Calgary a démissionné; elle a maintenant été remplacée. Un troisième administrateur a reçu une lettre le 29 novembre semblable à celle qu'a reçue notre président- directeur général, lettre qui, pour l'essentiel, demandait une réponse.
Le sénateur Milne : La lettre demandait une réponse à quelle question?
M. Ritter : Une réponse expliquant pourquoi la nomination effectuée par décret ne devait pas être révoquée.
M. McLandress : Ce poste n'a pas encore été comblé. Il nous manque un administrateur.
Le sénateur Milne : Il vous manque un administrateur en ce moment, mais deux des trois administrateurs nommés par le gouvernement ont été récemment remplacés.
La Commission canadienne du blé est mentionnée dans le projet de loi C-2; des membres du conseil sont remplacés. La liste des électeurs a été d'après moi modifiée irrégulièrement en supprimant près de 16 000 électeurs. Le président a reçu une lettre l'informant qu'il était sur le point d'être révoqué.
Je comprends très mal que la commission soit visée par le projet de loi C-2, ce qui me paraît illégal. À mon avis, c'est une autre façon d'affaiblir la position de la Commission canadienne du blé.
Y a-t-il eu d'autres décisions visant à affaiblir la commission? Vous a-t-on empêché de parler? Pouvez-vous dire ce que vous voulez en ce moment?
M. Ritter : J'aimerais préciser une chose, madame le sénateur. Tous les postes ont été comblés. Glen Findlay de la province du Manitoba est le dernier à avoir été nommé. Bruce Johnson a été nommé pour représenter la Saskatchewan et Ken Motiuk pour représenter l'Alberta. Ce sont là les trois nominations les plus récentes.
Ce n'est un secret pour personne que nous avons demandé le contrôle judiciaire des instructions données par décret. La presse en a fréquemment parlé comme d'une ordonnance d'interdiction partielle; nous pensons que cette expression est justifiée.
La loi énonce que la direction et l'administration des affaires de la commission sont assurées par le conseil d'administration; cela est très clair. Un autre article parle du pouvoir du ministre de donner des instructions à la commission. Lorsqu'il existe des divergences d'opinions au sujet de la portée des pouvoirs d'une commission de ce genre, il paraît tout à fait raisonnable et équitable de demander à un tribunal de se prononcer. Le gouvernement est habitué à ce genre de choses.
M. McLandress : Cela est tout à fait exact. La décision de contester les mesures prises par le gouvernement du Canada n'a pas été facile à prendre, dans ces circonstances. Ce n'est pas une décision qui a été prise à la légère. Nous en sommes arrivés à un point où nous avons du mal à effectuer notre travail.
C'est une société qui a un chiffre d'affaires de 4 à 6 milliards de dollars, c'est un des principaux organismes de commercialisation, et nous avons besoin de certitude. Comme le dit M. Ritter, il faut que les choses soient précisées clairement.
Le sénateur Milne : Combien de membres de votre conseil d'administration sont nommés par le gouvernement? Je pensais qu'il y en avait trois.
M. McLandress : Il y a quatre administrateurs nommés directement par le gouverneur en conseil. Le cinquième, le président-directeur général, est nommé par le gouvernement. Cette nomination est effectuée en consultation avec la commission et uniquement après que celle-ci ait fixé sa rémunération. Dans ce sens, cela reflète le compromis classique entre le roi qui prend la décision et le Parlement qui accorde les fonds. C'est une collaboration forcée.
Le sénateur Milne : À votre connaissance, depuis la création de la Commission canadienne du blé, est-il déjà arrivé dans l'histoire du Canada qu'un gouvernement tente d'interdire aux membres de la commission de parler publiquement?
M. McLandress : Certainement pas à ma connaissance, mais n'oubliez pas que jusqu'à la fin de 1998, c'était les commissaires nommés par le gouvernement qui dirigeaient la commission, en fait, tous les commissaires nommés par le gouvernement. Le contrôle de la commission est passé aux agriculteurs à la suite des changements dans la gouvernance qui sont entrés en vigueur le 1er janvier 1999. Depuis lors, il est vrai qu'aucune mesure n'a été prise en ce sens.
Le sénateur Milne : Est-ce que la loi précise que vous n'êtes pas une émanation du gouvernement, que vous n'êtes pas un organisme gouvernemental?
M. McLandress : La loi énonce expressément que la commission n'est pas un mandataire de Sa Majesté ni une société d'État.
Le sénateur Milne : Merci.
Le sénateur Hays : Je crois qu'il faut aborder les aspects politiques de cette question si l'on veut vraiment comprendre la situation. Il est clair que le gouvernement au pouvoir s'est engagé à modifier la commission et à lui retirer son rôle de guichet unique en matière de commercialisation du blé. C'est un engagement qu'il a pris pendant la campagne électorale. On s'attendrait normalement à ce qu'une telle mesure soit prise à la suite d'un plébiscite auprès des agriculteurs, ce que prévoit la loi. On pourrait également présenter un projet de loi au Parlement, qui ferait l'objet d'une première, d'une deuxième et d'une troisième lecture. Ce processus permettrait la participation des intéressés par l'intermédiaire des parlementaires. Un plébiscite auprès des producteurs donnerait à ces derniers la possibilité de faire connaître leurs points de vue. On pourrait également envisager que 10 des 15 membres élus de la commission, qui méritent, à mon avis, toute notre confiance, se fassent les porte-parole des producteurs au sujet de l'évolution de la commission.
Ce qui se passe, c'est que le gouvernement tente d'en arriver à ses fins en utilisant d'autres moyens, ce qui me surprend, et qu'il essaie de détruire la commission. Je ne suis pas certain d'avoir bien compris cet aspect. J'aimerais avoir vos commentaires.
En remplaçant les administrateurs nommés ainsi que le président-directeur général, le gouvernement prend une mesure qui va influencer l'intégrité de la commission et la continuité de son action. Ces mesures vont fragiliser la commission par rapport à ses concurrents, ces derniers pourront obtenir des renseignements qui vont compromettre la position concurrentielle de la commission, et tout cela va nuire à sa capacité de défendre les producteurs.
Quant aux aspects politiques de ces mesures, il me semble que le gouvernement a choisi la pire façon de procéder. Les gens qui vont payer le prix de ces décisions, l es gens qui vont vraiment souffrir à cause du processus choisi par le gouvernement pour atteindre ses objectifs, ce sont les producteurs qui sont les clients de la commission. En la fragilisant, en brouillant les responsabilités du président-directeur général et au sein de la commission, le gouvernement tente de lui faire avaler une pilule empoisonnée. Les gens qui vont souffrir des conséquences de cette pilule empoisonnée sont les gens qui seront obligés de vendre à un prix moindre les céréales confiées à la commission. Ma conclusion est-elle juste?
M. Ritter : Sénateur Hays, vous feriez un excellent journaliste. Vous posez des questions tellement faciles.
Permettez-moi de vous répondre ainsi : les dirigeants de la Commission canadienne du blé estiment qu'ils ne doivent pas se mêler de politique nationale. Il existe une instance qui a le pouvoir d'apporter des changements à la Loi sur la Commission canadienne du blé, et c'est la Chambre des communes. Il y a une loi qui prévoit la façon dont ces changements peuvent être introduits. Nous, les administrateurs, appliquons la loi, telle qu'elle est rédigée actuellement. Je suis un des 10 administrateurs. Nous nous présentons aux élections dans notre district. Les agriculteurs nous élisent, s'ils le désirent. Les agriculteurs connaissent notre point de vue sur les orientations de la commission et savent comment nous agissons. Depuis bientôt huit ans, nous avons apporté un certain nombre de changements à la façon dont les choses se font à la commission. Nous tenons compte des souhaits des agriculteurs. Si nous ne le faisons pas, nous ne serons jamais réélus.
Voilà ce que je peux vous dire, sénateur : ce qui se passe en ce moment n'est pas bon pour la commission. En fin de compte, le chef de l'organisation, du côté administration de l'organisation, est le président-directeur général. Naturellement, lorsqu'on reçoit une lettre de ce genre, cela suscite de vives réactions au sein de l'administration et du personnel.
Nous invitons le ministre à reconsidérer la décision qu'il semble avoir prise et à autoriser le conseil d'administration à choisir M. Measner. Le conseil d'administration examine tous les ans si le président-directeur général respecte non seulement toutes les dispositions de la loi, mais également les orientations stratégiques que lui fournit le conseil d'administration. C'est ce que nous souhaitons qu'il se passe.
Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous ne voulons pas être une patate chaude. Nous estimons que notre loi prévoit clairement la façon dont nous devons agir et fonctionner et ce n'est pas le processus choisi par le gouvernement. Nous ne voulons pas intervenir au Parlement parce que ce n'est pas notre place et il n'est pas normal que nous nous retrouvions là.
Le sénateur Hays : Vous semblez être ici et là. Le rapport intitulé « The Canadian Wheat Board in an Open Market : The Impact of Removing the Single-desk Selling Powers » (La Commission canadienne du blé dans un marché ouvert : Les répercussions de la suppression de ses pouvoirs monopolistiques) est une réponse au rapport d'un groupe de travail mis sur pied par le ministre du gouvernement. M. Murray Fulton, de l'Université de la Saskatchewan, l'a rédigée. On peut lire ceci :
La présente étude a pour but d'explorer les répercussions de la suppression des pouvoirs monopolistiques de la Commission canadienne du blé. La principale conclusion de l'étude est qu'il sera très difficile, voire impossible, que la Commission survive en tant qu'organisme. Ainsi, contrairement à ce qui ressort du récent rapport du groupe de travail, la conséquence la plus probable que va entraîner la suppression des pouvoirs monopolistiques de la Commission est sa disparition.
Êtes-vous d'accord avec cela?
M. Ritter : Tout à fait; la commission a examiné le rapport du groupe de travail et elle a estimé que, selon les recommandations de ce groupe de travail, la position commerciale de la commission serait gravement compromise et celle-ci serait sérieusement affaiblie. J'ai déclaré à la presse que si l'on présentait ce plan d'affaires à un banquier pour demander un prêt important de façon à devenir un acteur mondial sur le marché des céréales, le banquier se moquerait de vous. J'ai noté avec beaucoup d'intérêt que le ministre Strahl n'a pas adopté le rapport. Il a mentionné que ce rapport ne visait qu'à l'informer et à le conseiller, et j'espère que cela n'ira pas plus loin.
Le sénateur Hays : Si la commission, telle qu'elle est structurée actuellement, ne bénéficiait pas de l'avantage que représente la vente à guichet unique pour le blé et l'orge, pourrait-elle alors évoluer et devenir un organisme viable qui offrirait un autre mécanisme de commercialisation aux producteurs? Auriez-vous besoin de capitaux ou d'une structure différente?
M. Ritter : Je crains de ne pouvoir répondre à cette question parce que je risquerais d'aller à l'encontre du décret.
Le sénateur Hays : Je vais conclure en faisant un commentaire sur la viabilité de votre structure actuelle et sur l'influence qu'a eue sur le moral du personnel la décision du gouvernement d'introduire les changements dont j'ai eu connaissance. J'ai peut-être mal lu les nouvelles et je vous demande de me corriger si c'est le cas. D'après ces nouvelles, le seul but de ces mesures est de retirer à la commission sa fonction de vente à guichet unique et de remettre en question sa viabilité. Les conséquences de ces mesures vont se faire sentir sur les divers comptes que vous apurez tous les ans, qu'il y ait eu des acomptes à la livraison ou non, et des contrats ou non. Je mentionne cette question de l'accès à l'information parce qu'un concurrent, par un moyen ou un autre, pourrait obtenir des renseignements spéciaux indiquant que ces acomptes vont être moins avantageux pour les producteurs qui ont recours aux services de la commission et qui sont obligés de le faire, tant que celle-ci conservera sa fonction de vente à guichet unique.
M. McLandress : Je garde à l'esprit les préoccupations exprimées par M. Ritter, mais je vais vous donner mon opinion sur cette question. J'ai suivi de près toutes les affaires commerciales récentes et participé aux instances du Bureau de la concurrence, de sorte que j'ai un point de vue objectif et équitable de la situation. Je peux vous fournir mon opinion et vous communiquer ce qui me paraît être de simples éléments d'information. J'espère que j'éviterai ainsi tout conflit avec les instructions.
Si j'ai bien compris votre question, vous posez des questions sur la viabilité de la solution proposée par le rapport du groupe de travail, et ce qui se passera s'il n'y a plus de guichet de vente unique. À mon avis, si l'on supprime la vente à guichet unique et si l'on s'engage dans la voie proposée dans le rapport du groupe de travail, dans le meilleur des cas, la commission deviendra une très petite société céréalière. Sans parler du commentaire très juste qu'a fait M. Ritter au sujet de l'intérêt que pourrait avoir une banque à prêter de l'argent à une entreprise de taille aussi modeste, il faut se poser la question suivante : l'Ouest du Canada a-t-il vraiment besoin d'une autre très petite société céréalière?
Si l'on considère la situation mondiale, le Boston Consulting Group a effectué une étude qui montre que quatre sociétés contrôlent 73 p. 100 du commerce mondial des céréales. Ce pourcentage a augmenté de 5 p. 100 au cours des années qui ont précédé l'étude. Ces quatre sociétés, ou du moins un sous-groupe important de celles-ci, ont fait récemment des commentaires sur la suppression possible de la commission australienne du blé, et il n'est pas surprenant que ces commentaires soient favorables à sa disparition.
À moins que nous ne soyons comme par magie immunisés contre les forces du marché mondial, je ne vois pas pourquoi ces quatre grands acteurs ne pourraient pas absorber l'industrie céréalière de l'Ouest du Canada. Cela serait tout à fait logique sur le plan économique.
Cela reviendrait à demander à une très petite société céréalière, ce que deviendrait la Commission canadienne du blé, d'essayer de survivre dans cet environnement. Là encore, à mon avis, cela défie toute logique. C'est franchement incroyable. Elle ne pourra survivre, elle ne pourra ajouter de la valeur.
Le sénateur Day : Messieurs, merci d'être ici. Pour le compte rendu, j'aimerais que vous m'expliquiez à nouveau la façon dont tout cela est arrivé, parce que cela pourrait, je crois, nous aider à mieux comprendre la situation. Vous avez déjà comparu devant le comité et je vous ai demandé si vous aviez comparu devant la Chambre des communes avant que le projet de loi nous soit renvoyé. Pourriez-vous nous dire si vous avez comparu, et sinon, pourquoi pas?
M. McLandress : La commission n'était pas mentionnée dans la version originale du projet de loi, tel qu'il était formulé au départ et tel qu'il a été présenté à la Chambre. La commission n'était pas mentionnée. Inutile de dire que nous avons suivi cette mesure législative mais sans nous y intéresser particulièrement. À un moment donné, la commission a été introduite, par voie d'amendement, devant la Chambre, et c'est ainsi que la commission a été mêlée à ces débats. Là encore, cela s'est fait sans consultation, et nous nous sommes retrouvés dans la situation dont je vous parle. Cela nous a finalement amenés à comparaître le 20 septembre devant le comité du Sénat et ensuite devant la Chambre. Le projet de loi a été présenté à nouveau et à ma connaissance, sans consultation. Cet amendement a tout simplement été ajouté. Je ne sais pas très bien qui l'a présenté cette fois-ci.
Le sénateur Day : Savez-vous qui l'avait présenté la première fois?
M. McLandress : Je pense que c'était M. Pat Martin, NPD, de Winnipeg.
Le sénateur Day : Est-ce que M. Martin vous a consultés avant de proposer un amendement au projet de loi original du gouvernement fédéral, le projet de loi C-2, dans le but d'inclure la Commission canadienne du blé?
M. McLandress : À ma connaissance, non.
Le sénateur Day : Avez-vous eu des discussions avec le NPD, qui a proposé cet amendement, avec M. Martin ou avec le gouvernement qui a maintenu la référence à la Commission canadienne du blé dans le projet de loi C-2?
M. McLandress : Certainement, depuis lors, oui, nous avons eu des discussions. Je n'ai pas lu le compte rendu, mais je pense que M. Martin était à la Chambre et s'est opposé à l'inclusion de la commission; après avoir examiné la question de façon détaillée, il s'est déclaré contre l'inclusion.
Le sénateur Day : Son inclusion?
M. McLandress : Oui. C'est après que le projet de loi soit revenu du Sénat et renvoyé à la Chambre.
Le sénateur Day : Je crois que nous comprenons ce qui est arrivé. Il a inséré cet amendement, nous avons essayé de le retirer pour vous — « nous » étant le Sénat —, le projet de loi a été renvoyé à la Chambre des communes et il nous revient maintenant, et vous êtes encore visé par le projet de loi. Vous savez que nous sommes sensibles à vos arguments.
Si vous vous reportez aux pages 126 et 127 du projet de loi C-2, vous pouvez voir qu'un bon nombre d'institutions fédérales et de fondations très variées ont été assujetties à la Loi sur l'accès à l'information. Si vous revenez à l'article que vous avez mentionné, le projet d'article 18.1 est une de ces dispositions. Pratiquement toutes les institutions qui ont été ajoutées font l'objet d'une réserve selon le genre d'activités qu'elles exercent. Il n'y a rien pour vous de ce genre.
M. McLandress : Exact.
Le sénateur Day : Un amendement propose qu'en cas de modification du mandat de la commission, le ministre examine l'opportunité de maintenir l'inclusion de celle-ci à l'article 1.
M. McLandress : Exact.
Le sénateur Day : Cela ne vous enthousiasme pas beaucoup; cela ne vous aide pas?
M. Ritter : Pas beaucoup, effectivement.
M. McLandress : Je ne me sens pas très enthousiaste en ce moment.
Le sénateur Day : Il y a également une disposition de cette loi qui prévoit que le gouvernement nous fera connaître à l'avenir les règles applicables à l'ajout d'une institution à l'annexe 1, à titre d'autres institutions fédérales. Cependant, nous n'avons pas ces règles et nous ne pouvons donc pas voir si elles s'appliquent à votre organisme.
M. McLandress : Exact.
Le sénateur Day : C'est là une autre difficulté. Nous reconnaissons avec vous que vous ne correspondez pas à la notion habituelle d'institution fédérale. C'est la terminologie qui est utilisée ici, « autres institutions fédérales ».
Vous dites que vous n'êtes pas un mandataire de la Couronne et nous le comprenons. C'est un critère que nous appliquons. Vous avez été constitué par une loi indépendante qui est le chapitre C-12 des Lois révisées du Canada, une loi fédérale qui crée la Loi sur la Commission canadienne du blé et, par conséquent, la Commission canadienne du blé; est-ce bien exact?
M. McLandress : Exact.
Le sénateur Day : Y a-t-il eu des discussions en vue de modifier cette loi pour que la commission soit réputée constituer une institution fédérale et, donc, assujettie à la Loi sur l'accès à l'information?
M. McLandress : Non, le seul changement proposé qui concerne la commission est la modification corrélative à laquelle vous venez de faire référence et qui propose de modifier la Loi sur la Commission canadienne du blé. Dans le cas où le mandat de la Commission canadienne du blé changerait, le gouvernement examinerait l'opportunité de l'inclusion. C'est le seul amendement proposé qui concerne la commission.
Le sénateur Day : On a rappelé à tous les membres de votre conseil d'administration qu'ils ne devaient pas exercer leurs attributions, ni défendre et appuyer la commission, l'institution envers laquelle ils se sont engagés, est-ce bien exact?
M. McLandress : Selon les termes exacts des instructions, que je ne vais pas citer mot à mot, il est interdit à la commission de dépenser des fonds, directement ou indirectement, dans le but de promouvoir la conservation de ses pouvoirs monopolistiques. Le problème vient de l'interprétation que le ministre et ses collaborateurs semblent vouloir donner à ces instructions. Tout ce que nous faisons, à cause de la nature de notre organisme, revient indirectement à faire des commentaires sur le guichet unique — c'est l'aspect essentiel de notre mandat. En fait, cela veut dire que nous ne pouvons pas communiquer avec qui que ce soit parce qu'évidemment, la commission ne communique pas elle- même; elle rémunère des gens pour le faire.
Le sénateur Day : Expliquez-moi comment les membres du conseil d'administration ont pris connaissance de ces instructions?
M. McLandress : La commission a reçu ces instructions en fin d'après-midi le vendredi de la longue fin de semaine de l'Action de grâce.
Le sénateur Day : De qui venaient-elles?
M. McLandress : Du chef du cabinet du ministre.
M. Ritter : Elles m'étaient adressées, en qualité de président de la commission, pour que je les mette en œuvre.
Le sénateur Day : Cela vient du chef du cabinet du ministre juste avant une longue fin de semaine, pour vous dire que le conseil d'administration ne doit plus rien dire.
M. Ritter : Pour mettre en œuvre les instructions, oui.
Le sénateur Day : Avez-vous communiqué par la suite avec qui que ce soit qui ait un peu plus d'autorité que le chef de cabinet du ministre?
M. McLandress : Pour être juste, je dois préciser qu'il ne faisait que joindre le décret.
Le sénateur Day : C'est donc un décret que vous avez reçu?
Le président : Permettez-moi de vous interrompre pour vous dire que vous êtes trois à parler en même temps. Si nous voulons obtenir un compte rendu de ce qui se dit, il faudrait qu'une seule personne pose la question et qu'une seule personne y réponde, parce que j'aimerais connaître la réponse.
Le sénateur Day : C'est une situation tellement choquante, monsieur le président, que tout le monde parlait en même temps.
Le président : J'aimerais entendre la réponse. J'aimerais demander à M. McLandress de nous répéter sa réponse, parce que j'aimerais l'entendre.
M. McLandress : Nous avons reçu la télécopie le vendredi après-midi. C'était une lettre à laquelle était joint le décret — excusez-moi, je ne me souviens pas du numéro exact. Le décret était daté du 5 octobre et signé par le gouverneur en conseil.
Le sénateur Day : Pourriez-vous envoyer à notre greffier une copie de ce décret?
M. McLandress : Certainement, nous pouvons le faire.
Le sénateur Day : Nous examinerons avec plaisir ce document. J'aimerais que vous nous confirmiez les préoccupations qui vous ont poussé à venir ici, parce que vous ne bénéficiez ni de l'exception, ni de la protection de l'article 18.2 du projet de loi C-2. Vous craignez, si j'ai bien compris, que vos concurrents puissent obtenir des renseignements commerciaux et concernant votre organisme en présentant une demande d'accès à l'information. Cela risquerait de vous placer dans une situation défavorable, et pourrait donc nuire aux agriculteurs.
M. McLandress : Oui, parce que nous sommes premièrement et essentiellement des vendeurs de céréales, comme l'a dit M. Ritter. Nous concluons par téléphone des centaines de transactions; nous vendons des millions de tonnes de céréales tous les ans. Toutes ces transactions s'accompagnent de conversations commerciales extrêmement sensibles. Comment donner une valeur précise à tous ces éléments d'information? Mais regroupés, oui, avec tout ce qui touche notre plan de commercialisation pour l'année prochaine, cela constitue bien évidemment des renseignements commerciaux extrêmement sensibles.
Vous parliez du critère qui pourrait être utilisé; il faut reconnaître que nous fonctionnons dans un vide juridique puisqu'il n'y a pas de norme qui permette de déterminer si une institution doit être assujettie ou non à cette loi. Comme M. Ritter l'a fait remarquer, ce sont les agriculteurs qui assument la totalité des coûts de l'organisme. Le seul moment où nous utilisons des fonds publics, c'est lorsque la garantie des acomptes à la livraison est mise en œuvre. Dans ce sens, le gouvernement joue le rôle d'un banquier; c'est la caution de l'acompte à la livraison que nous versons aux producteurs. S'il y a un déficit, la garantie est exercée. Bien évidemment, cela donne lieu à la rédaction de nombreux documents administratifs, qui peuvent tous être demandés déjà en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Ce sont les seuls fonds publics qui nous sont transmis et cela est extrêmement rare.
Le sénateur Day : Ma dernière question porte sur la solution que vous proposez. Vous préféreriez que la commission ne soit pas du tout mentionnée dans le projet de loi C-2, puisque dans la proposition originale du gouvernement, vous n'étiez pas mentionné. Cependant, maintenant que M. Martin a introduit la commission dans le projet de loi C-2, vous dites qu'à tout le moins, si le Sénat ne réussit pas à vous exclure du projet de loi, vous aimeriez figurer sous l'article 18.1 qui se trouve à la page 119.
Je tiens simplement à confirmer que vous traitez tous les renseignements qui vous préoccupent comme des secrets industriels, des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques qui appartiennent à votre institution qu'elle a toujours traités comme étant de nature confidentielle.
M. McLandress : Oui.
Le sénateur Day : Si vous étiez inclus dans cette disposition, vous penseriez être protégé, est-ce bien exact?
M. McLandress : Nous aurions la meilleure protection que nous pouvons raisonnablement espérer. Nous préférerions ne pas être visé par ce projet de loi, mais si nous devons l'être, cela semble la façon la plus logique de répondre à nos préoccupations.
Le sénateur Day : Les autres institutions fédérales avec lesquelles vous seriez regroupé sont la Société canadienne des postes, Exportation et Développement Canada, l'Office d'investissement des régimes de pension du secteur public et VIA Rail Canada.
M. McLandress : C'est exact.
Le président : Honorables sénateurs, nous avons pris huit minutes de retard et il y a encore sur la liste des sénateurs qui n'ont pas eu la possibilité de poser leurs questions. De plus, les représentants du Commissariat à l'information du Canada, nos prochains témoins, sont ici. Puis-je, avec votre permission, prolonger cette séance de 10 minutes pour donner aux sénateurs la possibilité d'intervenir? Êtes-vous d'accord?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Ringuette : Je viens du Nouveau-Brunswick, mais pendant toute ma carrière, j'ai gardé des liens étroits avec notre communauté agricole. Je dois dire que dans l'Est du Canada, on vous envie à cause de l'excellent travail que vous faites et parce que vous avez réussi à devenir un organisme très important pour les agriculteurs de l'Ouest du Canada. Oui, c'est en partie à cause des volumes de production, mais je dois reconnaître que les agriculteurs de l'Est du Canada envient beaucoup la façon dont la Commission canadienne du blé est structurée et aussi le succès que vous avez apporté à la communauté agricole de l'Ouest du Canada.
À mon avis, vous n'êtes pas un monopole parce que vous ne vous occupez pas de tous les producteurs céréaliers du Canada. Vous n'êtes pas une institution fédérale. J'ai été très surpris de constater que l'amendement que notre comité a proposé, tout comme l'amendement que nous avions proposé selon lequel le Centre national des Arts ne serait pas assujetti à la Loi sur l'accès à l'information, n'a pas été accepté.
Le gouvernement actuel, qui est en minorité à la Chambre des communes, a accepté que le Centre national des Arts ne soit pas assujetti à la Loi sur l'accès à l'information à cause des donateurs. J'approuve cette décision mais cet argument fait pâle figure comparé aux activités commerciales qu'exerce la Commission canadienne du blé. Si vous êtes visé par la Loi sur l'accès à l'information, tous vos dossiers et toutes vos données concernant tous les agriculteurs seront accessibles à tous. À mon avis, cela constitue une violation de la confidentialité des transactions commerciales et une violation de vos droits.
Que pensez-vous du fait que le gouvernement actuel accepte de soustraire le Centre national des Arts à la Loi sur l'accès à l'information alors que ce n'est pas une institution fédérale? Vous n'êtes pas une institution fédérale, même si vous êtes principalement financé par le gouvernement.
La Commission canadienne du blé fait un travail fantastique et pourtant, le gouvernement persiste à prendre des mesures qui lui sont très préjudiciables. Que pensez-vous de la situation?
M. Ritter : Voilà une autre question à laquelle il est facile de répondre. Dans les Prairies, la Commission canadienne du blé suscite de vives passions politiques. Nous estimons que nous ne devrions pas être visé par le projet de loi C-2. La loi révisée et modifiée qui a été introduite en 1998 est celle qui nous régit et la réalité est qu'elle confie au conseil d'administration la gestion et le contrôle de l'organisme et, de façon très concrète, nous ne devrions pas être visé par le projet de loi. Comme je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, si cela n'est pas possible, alors nous devrions au moins bénéficier de la protection du paragraphe 18.1(1), comme ces autres organismes de nature quasi commerciale. Nos activités sont exclusivement commerciales mais il faudrait au moins nous placer dans cette catégorie.
Le sénateur Joyal : Je vais être bref. J'ai une question technique très importante à vous poser. Vous affirmez qu'un article de votre loi constitutive énonce que vous n'êtes pas un mandataire de la Couronne ni une société d'État. Pourriez-vous me donner la formulation exacte de cet article, s'il vous plaît?
M. McLandress : Si vous me donnez une minute, je pourrais vous la citer mot à mot.
Le sénateur Joyal : Je cherche en fait à savoir si vous êtes une institution fédérale.
M. McLandress : La loi dit, et cela est presque mot à mot, que la commission n'est ni un mandataire de Sa Majesté, ni une société d'État au sens de la Loi sur la gestion des finances publiques. C'est très proche de la définition.
Le sénateur Joyal : Si je suis un citoyen privé et que je veuille vous poursuivre en responsabilité, vais-je vous poursuivre devant la Cour fédérale selon la procédure qui s'applique aux citoyens qui poursuivent une agence gouvernementale ou une société d'État, ou vais-je m'adresser à un tribunal de common law qui siège dans la ville où vous avez votre siège social?
M. McLandress : Vous allez me poursuivre devant le tribunal approprié.
Le sénateur Joyal : Serait-ce devant un tribunal de common law ou devant la Cour fédérale?
M. McLandress : Par exemple, si vous habitez en Saskatchewan, vous intenteriez votre action devant la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan. Il y a certains cas où il serait approprié de saisir la Cour fédérale. Cela dépend. Bien évidemment, s'il s'agit d'un litige contractuel auquel la commission est partie, vous pourriez saisir le tribunal provincial qui vous convient le mieux.
Le sénateur Joyal : Là encore, comme vous le savez fort bien puisque vous êtes avocat, lorsqu'on poursuit la Couronne en responsabilité, il faut suivre une procédure spéciale et notamment, donner avis au procureur général. Lorsque je mets en jeu la responsabilité d'une société d'État ou d'une agence de la Couronne, je suis assujetti à un régime juridique spécial pour ce qui est de la procédure et du tribunal à qui je dois m'adresser pour obtenir des dommages-intérêts.
Je vous repose la même question : si je vous poursuis en responsabilité, devrais-je le faire devant la Cour fédérale ou devant le tribunal de common law du lieu où s'est produit l'accident ou du lieu où le préjudice a été causé?
M. McLandress : Il faudrait poursuivre la Commission canadienne du blé devant les tribunaux de common law habituels. Le seul cas dans lequel il serait approprié de s'adresser à la Cour fédérale, et même dans ce cas, sans toutes les restrictions dont vous avez parlé, serait un litige qui concernerait une décision prise par la commission à l'égard des licences d'exportation. Nous avons le pouvoir d'attribuer des licences d'exportation et ces décisions peuvent être révisées par la Cour fédérale. Dans ce cas, il faudrait procéder aux termes de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale. C'est à peu près le seul domaine. Autrement, il faudrait poursuivre la commission en vertu des règles de la common law devant le tribunal provincial qui vous convient le mieux.
Le sénateur Joyal : C'est un aspect important parce qu'il s'agit là d'un des facteurs déterminants qui serait pris en compte par une cour de justice pour savoir si vous êtes un organisme gouvernemental ou non. Si vous êtes un organisme gouvernemental, un citoyen devrait s'adresser à la Cour fédérale et non pas à un tribunal de common law. C'est le processus normal, sauf si la loi constitutive contient une exception particulière. Habituellement, un tribunal de common law serait saisi d'un tel litige si vous soutenez que vous n'êtes pas une institution gouvernementale en vous fondant sur l'article de votre loi constitutive qui énonce que vous n'êtes ni un mandataire de Sa Majesté ni une société d'État pour les fins de la loi. Le fait que votre loi constitutive contienne cette disposition vous exclut du régime juridique qui s'applique aux sociétés d'État et aux agences gouvernementales. Si vous étiez poursuivi, vous devriez plaider que vous n'êtes pas une agence gouvernementale pour ce qui est de votre statut juridique. C'est un aspect important si nous décidons de ne pas vous inclure de la même façon que les autres institutions fédérales énumérées dans la loi, et pourtant, le gouvernement prétend que vous êtes une institution fédérale, d'après le message que nous avons reçu de la Chambre des communes. Ce message énonce clairement que les amendements 120, 121 et 123 s'appliquent à vous, à titre d'institution fédérale.
M. McLandress : Vous avez tout à fait raison. Il n'y a pas de disposition spéciale en matière d'avis. Il n'est pas obligatoire d'aviser le procureur général que vous avez l'intention de poursuivre la Commission canadienne du blé.
Le sénateur Joyal : Le gouvernement intervient dans vos activités uniquement à titre de caution accessoire jusqu'à un certain plafond ou jusqu'à un certain niveau de responsabilité financière, n'est-ce pas?
M. McLandress : Du point de vue financier, oui, il y a les dispositions en matière de nomination dont nous avons parlé au sujet du conseil d'administration. Ce sont là les liens que nous avons avec le gouvernement. Nous ne sommes pas toutefois une institution que l'on ne peut poursuivre qu'en donnant avis au procureur général et en respectant toutes les contraintes procédurales. Ces étapes ne sont pas obligatoires pour quelqu'un qui veut poursuivre la commission.
Le sénateur Joyal : Si l'on veut appliquer le principe que c'est celui qui paie qui commande, j'aimerais savoir qui paie dans votre cas. Est-ce que ce sont les agriculteurs?
M. McLandress : Oui, c'est exact.
Le sénateur Joyal : C'est uniquement en qualité de caution accessoire que le gouvernement du Canada intervient dans vos opérations financières.
M. McLandress : C'est exact.
Le sénateur Joyal : Le gouvernement nomme uniquement un tiers des membres de votre conseil d'administration.
M. McLandress : En fait, un peu moins d'un tiers. Le gouvernement nomme quatre administrateurs sur cinq, et le cinquième, le président et directeur général, n'est pas une nomination qui relève uniquement de lui. Il y a cette collaboration forcée dont nous avons parlé et selon laquelle le conseil doit en fait accepter le candidat proposé. Le conseil doit être consulté au sujet du candidat et des conditions et doit approuver la rémunération avant que la nomination soit recommandée. Ce dernier poste est comblé d'un commun accord.
Le sénateur Joyal : Y a-t-il d'autres facteurs dont nous devrions tenir compte pour déterminer votre statut?
M. McLandress : Je crois que vous et le sénateur avez abordé tous les facteurs pertinents.
Le président : Sénateur Joyal, la Commission canadienne du blé est assez populaire en ce moment à Ottawa et les témoins ont un autre rendez-vous dans un autre édifice dans neuf minutes.
Le sénateur Mitchell : Il est clair que le gouvernement veut ouvrir la Commission canadienne du blé à la concurrence, tout en exigeant que vous soyez assujettis à la Loi sur l'accès à l'information. Cela vous empêchera d'être compétitifs parce que vos concurrents vont obtenir des renseignements qui vont les aider à vous faire concurrence. Il est très possible que le gouvernement ne veuille pas ouvrir ce domaine à la concurrence; il est possible que le gouvernement veuille carrément vous supprimer.
Le gouvernement a-t-il mentionné que, s'il voulait assujettir la commission à la Loi sur l'information, il exigerait également que Cargill, ADM et tous vos principaux concurrents soient également assujettis à la loi? Cela uniformiserait certainement les règles du jeu.
M. McLandress : Je n'ai pas entendu cela et je ne voudrais pas être le représentant du gouvernement qui leur transmettrait ce message.
Le sénateur Stratton : Le débat porte principalement sur la Loi sur l'accès à l'information. Le gouvernement soutient que vous êtes un organisme commercial et que les renseignements commerciaux sensibles ne seraient pas divulgués. Qui déciderait de divulguer ces renseignements si vous étiez assujettis à la Loi sur l'accès à l'information?
M. McLandress : Cela dépend de la façon dont cela serait appliqué. Si les textes ne sont pas changés, il faudrait appliquer le critère de la valeur importante.
Le sénateur Stratton : Qui en décide?
M. McLandress : La commission examinerait cet aspect. Sa décision pourrait ensuite faire l'objet d'un appel dans le cadre du régime de protection des renseignements personnels.
Le sénateur Stratton : Est-ce principalement la commission qui détermine s'il y a lieu de divulguer l'information demandée? En appel, est-ce que la décision serait soumise au commissaire à la protection de la vie privée?
M. McLandress : C'est ce que je crois.
Le sénateur Stratton : Serait-ce vous qui prendrait la décision initiale?
M. McLandress : Ce serait nous au départ, même s'il existe des règles qui limitent les documents que l'on peut qualifier de confidentiels.
Le sénateur Stratton : Je le comprends; cependant, au départ, c'est vous qui prenez la décision?
M. McLandress : Oui.
Le sénateur Stratton : Est-ce que les coûts administratifs de votre agence s'élèvent à près de 70 millions de dollars par an environ?
M. McLandress : Oui, entre 60 et 70 millions, à peu près.
Le sénateur Stratton : Pensez-vous que les agriculteurs devraient connaître ces chiffres?
M. McLandress : Je serais tout à fait d'accord pour leur communiquer ces chiffres. N'oublions pas que la commission a déjà adopté une politique en matière d'accès à l'information. Le principe de base qui est appliqué depuis que le conseil d'administration est élu est que les agriculteurs ont droit à cette information. Nous sommes très ouverts avec les agriculteurs; par contre, nous ne souhaitons pas fournir ces renseignements à qui que ce soit d'autre. Si les agriculteurs demandent de l'information sur les dépenses et sur la comptabilité, alors cette information leur est transmise. Évidemment, nous ne fournissons pas des renseignements privés à d'autres personnes.
Le sénateur Stratton : Aux termes de la Loi sur l'accès à l'information, exerceriez-vous un contrôle sur les renseignements fournis aux agriculteurs, ainsi que sur le genre de renseignements qui pourraient être fournis au sujet des frais administratifs de 70 millions de dollars?
M. McLandress : Il y a toutefois une différence très nette. Selon le régime actuel dans lequel le conseil d'administration a adopté une politique en matière d'information, le principe est que les agriculteurs doivent obtenir tous les renseignements que nous possédons, pourvu qu'il ne s'agisse pas de renseignements commerciaux sensibles. Cela est justifié.
Le sénateur Stratton : C'est là où je voulais en venir.
M. McLandress : Si nous passons à un régime d'accès à l'information, nous ne serons plus seulement obligés de fournir cette information aux agriculteurs, qui sont les intéressés et ceux envers qui nous sommes responsables et comptables, mais nous devrons maintenant les fournir à tout citoyen canadien qui la demande. N'importe quel citoyen canadien peut déposer une demande et, en fait, il n'est même pas nécessaire d'être citoyen canadien; un non-Canadien peut demander à un citoyen canadien de présenter une demande d'information.
Le sénateur Stratton : Cela pourrait-il se faire par l'intermédiaire d'un agriculteur, pour ce qui est de l'information concernant ces dépenses de 70 millions de dollars?
M. McLandress : En théorie, cela pourrait se faire par l'intermédiaire d'un agriculteur. Cependant, si la personne qui demande l'information est un agriculteur, nous n'allons pas chercher à savoir quels sont les motifs qui le poussent à faire cette demande.
Le sénateur Stratton : Cette information pourrait être obtenue par l'intermédiaire d'un agriculteur, donc.
M. McLandress : Oui.
Le sénateur Stratton : Pour ce qui est du plébiscite au sujet de l'orge, pourriez-vous nous expliquer comment cela se passerait? Le sénateur Milne a fait allusion à ce sujet et vous avez répondu que 16 000 agriculteurs avaient été rayés de la liste. Je vais vous exposer ma façon de voir les choses et vous me direz si je me trompe.
Les 16 000 agriculteurs qui ont été rayés de la liste sont des agriculteurs qui n'avaient pas vendu de produits depuis deux ans. S'il y a une exception pour cause de maladie ou autre, l'agriculteur peut affirmer qu'il n'a pas réussi à produire de céréales pendant plus de deux ans, pour certaines raisons, et il doit alors être ajouté à la liste. Est-ce bien exact jusqu'ici?
M. McLandress : Une précision; le plébiscite au sujet de l'orge dont vous avez parlé n'a pas encore eu lieu. Les règles et le processus sont distincts. Les 16 000 électeurs dont vous parlez concernaient l'élection des administrateurs de la Commission canadienne du blé qui vient d'avoir lieu.
Le sénateur Stratton : Ne peut-on pas dire que, pour l'essentiel, les mêmes règles s'appliqueraient probablement à un plébiscite?
M. McLandress : Oui, si l'on tient pour acquis qu'elles s'appliqueraient à un plébiscite. Le principal problème que pose cette question des 16 000 électeurs vient du fait que cela s'est fait en plein milieu de la campagne électorale. La période électorale commençait le 1er septembre, je crois, et les premières listes de confirmation des électeurs avaient déjà été publiées et l'information avait déjà été transmise. Cela s'est fait en plein milieu du processus. C'est là la principale difficulté. Il est toujours possible de modifier les choses lorsqu'on a suffisamment de temps pour le faire.
Le sénateur Stratton : Je me demande en fait si un agriculteur, qui n'a pas produit de céréales depuis cinq ou dix ans et dont le nom figure encore sur la liste, a encore le droit de voter. C'est là la question, n'est-ce pas?
M. McLandress : Je pense qu'il serait préférable que M. Ritter réponde à cette question. Toute la question de l'élaboration de la liste des électeurs et des conditions à remplir pour voter a déjà fait l'objet d'une étude approfondie, et la Commission canadienne du blé a présenté ses commentaires à ce sujet. Personne n'affirme que la liste des électeurs est parfaite. J'aimerais bien que ce soit le cas, mais la réalité est différente.
Le sénateur Stratton : Au Manitoba, il y avait un guichet unique pour la vente du porc et on a assisté à une lutte très vive, semblable à celle-ci. La province du Manitoba a libéralisé le marché de la viande de porc et personne n'a rien dit. Cela a été un grand succès, le fait de libéraliser la vente de la viande de porc plutôt que de la vendre par un guichet unique.
Ce problème ne va pas disparaître. Vous le savez et nous l'avons déjà dit dans cette salle. Ce problème ne va pas disparaître. C'est comme une dent malade; à court terme, il est possible de régler ces questions, le nouveau gouvernement ne sera pas d'accord et l'opposition ne sera pas d'accord; c'est le rôle du gouvernement. À long terme, ce marché sera libéralisé. Vous savez que c'est ce qui va se passer. Progressivement, ce marché va être libéralisé.
Ne pensez-vous pas que c'est ce qui va arriver? Vous avez vu que le gouvernement précédent a proposé que 10 membres du conseil d'administration soient élus. Cela représente en fait la première étape d'une évolution.
Nous nous sommes rendus dans différentes régions à propos du projet de loi C-4. Je me souviens que le sénateur Hays faisait partie de ce groupe et c'est la conclusion à laquelle nous en sommes arrivés. C'est un processus évolutif. Le ministre de l'Agriculture de l'époque l'a reconnu. C'est un processus en évolution. Quels sont vos commentaires sur ce sujet?
M. Ritter : Voilà le commentaire que j'aimerais faire à ce sujet, sénateur : premièrement, pour ce qui est de la dent malade, il est facile de mettre un plombage sur une dent. Je dirais tout simplement que la loi précise que c'est aux agriculteurs de décider de la nature du mandat de la commission. C'est un processus très simple; les administrateurs sont élus par les agriculteurs et nous connaîtrons les résultats dimanche soir ou lundi dans la moitié de nos districts et nous saurons comment les gens ont en fait voté; il faut donc attendre les résultats.
Deuxièmement, la loi contient une disposition en matière de plébiscite. Si les agriculteurs de l'Ouest du Canada veulent changer d'idée au sujet de la loi, nous n'allons pas les en empêcher. Cependant, ce n'est pas ce qu'ils ont dit, monsieur. Ils ont dit en fait quelque chose de très différent et d'opposé à ce que vous dites.
Le sénateur Stratton : Je comprends cela. Il y a quand même le fait que les agriculteurs de l'Ontario et du Québec qui produisent du blé ne veulent pas d'une commission du blé.
M. Ritter : Sénateur, les agriculteurs ontariens ont pris eux-mêmes cette décision.
Le sénateur Stratton : Je le comprends.
Quelle est la somme que la Commission canadienne du blé a reçue du gouvernement fédéral, n'était-ce pas autour de 85 millions de dollars?
M. McLandress : Il y a eu un déficit il y a quelques années, dans des circonstances inhabituelles, pour ce qui est des ajustements en cours de campagne versés en automne qui ont entraîné un déficit, et la mise en œuvre de la garantie des acomptes à la livraison dont j'ai parlé, pour un montant de 80 à 85 millions, ou quelque chose du genre.
À titre d'information, je vous signale que la Commission canadienne du blé n'a connu que 13 déficits au cours de ses 75 ans d'existence. Cela couvre tous les comptes de mise en commun, de sorte que cela ne correspond pas seulement à 13 ans. Dans certains cas, et habituellement lorsqu'il y avait des déficits, ces déficits concernaient plusieurs comptes de mise en commun.
M. Ritter : Puis-je répondre à cette question? Il faut comprendre comment fonctionnent les acomptes à la livraison et les ajustements en cours de campagne. La commission ne se contente pas de verser de l'argent. Nous présentons des analyses au ministère des Finances et nous lui disons que ce sont là les données qui proviennent du marché. La caution a examiné les données de façon indépendante et en est arrivée à la même conclusion.
Le sénateur Stratton : Je n'ai pas dit que vous aviez trafiqué la comptabilité. Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. Ritter : La caution en est arrivée à la même conclusion mais cette année-là, le marché s'est déplacé vers le sud, et c'est ce qui est arrivé. Il s'est écoulé 13 ans entre les deux derniers déficits et le précédent, et j'ai calculé un jour qu'on avait vendu près de 180 000 tonnes de blé entre-temps. Si l'on répartit ce montant de 85 millions de dollars sur ce volume de blé, on constate que cela fait un chiffre très faible.
Le sénateur Stratton : Si le gouvernement a agi comme un banquier, lui avez-vous remboursé cet argent?
Le sénateur Mitchell : Qui aurait assumé cette perte si la Commission canadienne du blé n'avait pas été là? Cela aurait été les agriculteurs, n'est-ce pas?
M. Ritter : Oui.
Le sénateur Stratton : Les agriculteurs et le gouvernement du Canada.
La Commission canadienne du blé figure dans les Comptes publics du Canada 2005-2006, dans le tableau 9.4. Elle figure sous la catégorie « Prêts, investissements et avances » dans les comptes publics. Elle semble bien être, d'après moi, une institution fédérale, puisqu'elle figure dans les comptes publics. Le gouvernement cautionne les agriculteurs. Si ces derniers enregistrent une perte, le gouvernement les paient quand même. Le gouvernement nomme quatre ou cinq membres du conseil d'administration, dépendant de la façon dont on présente la chose.
M. McLandress : Le gouvernement a déjà accordé des garanties aux grandes sociétés d'aéronautique du Canada. Cela ne voulait pas dire pour autant qu'elles étaient des institutions fédérales.
Le sénateur Milne : Comment est élaborée votre liste d'électeurs? Lorsqu'ils ont supprimé 16 000 membres de cette liste, ils les ont supprimés parce que ces agriculteurs n'avaient pas vendu de céréales par l'intermédiaire de la commission au cours des deux dernières années, n'est-ce pas? Était-ce en 2005-2006?
M. McLandress : En fait, la commission élabore une liste initiale des électeurs en se fondant sur nos producteurs. Ceux que l'on a finalement décidé de rayer de la liste étaient ceux qui n'avaient pas livré de céréales au cours de cette campagne ou au cours des campagnes précédentes de 2005-2006 et de 2006-2007.
Le sénateur Milne : Cela veut dire que vous ne savez pas vraiment s'ils vont produire des céréales cette année, de sorte qu'ils perdent une des deux années qui est prise en compte selon ce critère. Si je me souviens bien, on m'a dit que 2005 avait été une très mauvaise année pour les céréaliers de l'Ouest et qu'une bonne partie des céréales n'étaient pas de qualité suffisante pour pouvoir être vendues par la commission. Est-ce bien exact?
M. McLandress : Dans certaines régions, ce n'a pas été une bonne année. Il est vrai que nous avons connu de nombreuses difficultés.
Le sénateur Milne : Ces 16 000 électeurs étaient probablement des agriculteurs qui avaient cultivé des céréales pendant ces deux années mais qui ont été supprimés par la commission pour ces deux raisons?
M. McLandress : Je ne peux pas vous en parler précisément. Il y a eu effectivement des difficultés. Il y avait un mécanisme qui leur permettait de se réinscrire sur la liste. Je crois savoir que ce mécanisme a été utilisé. Aux dernières nouvelles, je crois que 1 000 électeurs sur les 16 000 ont utilisé ce mécanisme. Il est donc difficile de savoir ce qu'il en est exactement.
Le président : Monsieur Ritter et monsieur McLandress, vous êtes restés avec nous 37 minutes de plus et avez subi un barrage de questions. Je vous remercie beaucoup. Nous avons apprécié vos commentaires sur cette question importante. Je suis désolé que vous soyez en retard pour votre prochaine réunion.
M. McLandress : Merci, monsieur le président.
Le président : Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentants du Commissariat à l'information du Canada. Le Commissariat à l'information fait enquête sur les plaintes que déposent les personnes qui estiment que les droits que leur confère la Loi sur l'accès à l'information, la loi canadienne en matière de liberté de l'information, n'ont pas été respectés. Le commissaire à l'information, un ombudsman indépendant nommé par le Parlement, possède de larges pouvoirs d'enquête. Il fait de la médiation entre les auteurs de demandes d'information qui n'ont pas été satisfaites et les institutions fédérales. J'ai le plaisir d'accueillir Alan Leadbeater, sous-commissaire à l'information, Daniel Brunet, directeur, Services juridiques, Nadine Gendron, avocate, et J.G.D. Dupuis, directeur général, Enquêtes et révisions.
[Français]
Le comité tient à vous remercier de votre présence. Je vous cède maintenant la parole et, par la suite, nous passerons à une période de questions et de discussion qui sera très utile pour les membres du comité.
[Traduction]
Alan Leadbeater, sous-commissaire à l'information, Commissariat à l'information du Canada : Je vous remercie de m'avoir invité à me présenter devant vous une deuxième fois afin de vous assister dans vos délibérations sur le projet de loi C-2, et plus particulièrement dans votre examen du message que la Chambre des communes vous a envoyé le 21 novembre et qui informait les sénateurs de la position prise par la Chambre sur les amendements au projet de loi C-2 adoptés par le Sénat le 9 novembre.
De tels échanges de messages entre les deux Chambres du Parlement sont rares. C'est un événement intéressant. Il signale l'existence de divergences d'opinions importantes en matière de politique. Le dernier témoin l'a très bien montré.
Il y a un sujet général sur lequel les Chambres ont des opinions différentes, à savoir les articles qui traitent des changements apportés au droit d'accès du public aux dossiers des institutions fédérales. Nous allons vous fournir aujourd'hui des conseils que nous vous donnons à titre de mandataires du Parlement, indépendants du gouvernement. Nous allons essayer d'éviter le plus possible les aspects politiques de cette question. Nous allons simplement vous donner notre point de vue dans le but de vous aider à garantir que le projet de loi C-2 renforce la responsabilisation du gouvernement par la transparence et non le contraire.
Le 6 novembre 2006, j'ai fourni au comité une évaluation des amendements au projet de loi C-2 proposés par ce comité et rapportés au Sénat le 26 octobre 2006. Le contenu de l'évaluation et les exemples cités au cours de ma comparution du 20 septembre 2006 exposaient nos différents points de vue que je ne vais pas répéter aujourd'hui dans ma déclaration liminaire. Vous trouverez à l'onglet b du document que j'ai distribué une copie de cette évaluation.
Cependant, afin de vous aider à mieux cerner notre position, je propose d'examiner les 15 amendements sur lesquels la Chambre des communes est en désaccord avec le Sénat. Pour neuf de ces amendements, le Commissariat à l'information adopte la position du Sénat mais pour les six autres, il préfère celle de la Chambre des communes. Le commissariat appuie les amendements 92, 113a), 113b), 118, 119, 139, 140, 142 et 143 présentés par le Sénat.
Le président : À quel onglet de votre document devrions-nous nous référer?
M. Leadbeater : La déclaration elle-même se trouve à l'onglet a et l'onglet c contient le document ou le tableau des différents amendements et de notre point de vue sur eux.
Les six amendements du Sénat que le commissariat n'appuie pas sont les amendements 115a), 115b), 116, 120, 121 et 123.
Dans un cas, nous nous posons certaines questions, même si la Chambre des communes et le Sénat s'entendent sur ces amendements, mais, monsieur le président, je vais suivre la directive que vous avez donnée au début de la séance, dans laquelle vous indiquiez que ces aspects ne seront pas discutés aujourd'hui.
Comme je l'ai mentionné, le tableau qui se trouve à l'onglet c montre que les dispositions du projet de loi C-2 que j'aimerais aborder, ainsi que la justification présentée pour chacune des dispositions mentionnées dans le message de la Chambre des communes au Sénat ainsi que les points sur lesquels l'opinion du Commissariat à l'information du Canada diffère de celle de la Chambre des communes.
J'ai également ajouté à l'onglet d quelques renseignements qui expliquent pourquoi nous approuvons les amendements 139, 140, 142 et 143 apportés par le Sénat et qui concernent les dénonciateurs. Je suis disposé à passer en revue le tableau de l'onglet c ou je peux vous le laisser lire et répondre à vos questions. Je m'en remets à vous.
Le président : Je vous invite à le présenter brièvement pour que nous puissions nous faire une idée.
M. Leadbeater : L'onglet c contient les dispositions pour lesquelles le Commissariat à l'information est en accord avec le Sénat.
Le président : C'est l'amendement 92 qui porte sur l'article 89.
M. Leadbeater : L'amendement 92, c'est exact. La Chambre des communes n'a pas accepté cet amendement parce qu'elle pensait que son entrée en vigueur soulèverait quelques problèmes techniques. Nous pensons toujours que la formulation de 16.1 telle que proposée par le Sénat reflète une approche plus rationnelle, en particulier, compte tenu du fait que toutes les institutions vont bénéficier d'une période d'entrée en vigueur d'au moins un an, comme c'était le cas lorsque de nouvelles institutions ont été ajoutées au moment où la loi est entrée en vigueur la première fois.
Vous remarquerez que la loi contient une disposition d'entrée en vigueur qui permet au gouverneur en conseil de fixer une telle période. L'argument selon lequel la formulation que vous avez proposée pour l'article 16.1 ne pouvait être utilisé à cause des questions reliées à l'entrée en vigueur est une préoccupation à laquelle il a déjà été répondu et la formulation de l'amendement que vous proposez est élégante et évite de répéter les mêmes articles dans deux endroits différents de la loi.
Pour ce qui est de l'alinéa 113a), nous approuvons l'amendement proposé par le Sénat pour la même raison, et je ne vais pas la répéter. Il y a donc l'article 92 et l'alinéa 113a). Désolé, pour l'alinéa 113a), la Chambre n'accepte pas la proposition du Sénat voulant que tous les mandataires du Parlement soient traités de la même façon. La Chambre des communes avait accordé à deux des mandataires du Parlement une zone de confidentialité élargie. Nous acceptons la version du Sénat. Il n'existe aucune raison légitime d'accorder à deux de ces cinq institutions, qui ont toutes des pouvoirs d'enquête, de vérification consultative, une zone de confidentialité plus large.
Comme je l'ai déclaré au cours de ma dernière comparution ici, pourquoi, par exemple, devrait-on soustraire le rôle d'enquête du vérificateur général de façon permanente et définitive au principe de la responsabilisation par la transparence?
Je pense aujourd'hui au commissaire de la GRC qui a comparu devant le comité de la Chambre. Il est à la tête d'une agence d'investigation qui a besoin d'une zone de confidentialité étendue, mais il arrive que ses investigations fassent l'objet d'une enquête et elle doit donc faire preuve de transparence, lorsque les circonstances le justifient. Il me paraît impossible d'affirmer que le commissaire aux langues officielles ou le vérificateur général a besoin d'une zone de confidentialité plus étendue que celle dont bénéficie la GRC.
Pour ce qui est de l'amendement 118, le Commissariat à l'information reconnaît avec le Sénat que les documents de travail se rapportant à une vérification doivent être visés par la Loi sur l'accès à l'information une fois la vérification terminée, tout comme les rapports préliminaires, à certaines exceptions près. Je vous rappelle que la loi prévoit certaines exceptions dans le but de protéger les renseignements commerciaux sensibles, les renseignements personnels des citoyens — des dénonciateurs, par exemple — ainsi que les avis et les recommandations présentés au gouvernement. Sous réserve de ces exceptions, je ne pense pas que le vérificateur général ou un autre témoin vous ait démontré qu'il était nécessaire de préserver à jamais le secret de ces documents. Le juge Gomery a rejeté cet argument.
Vous vous souviendrez qu'au cours de l'enquête sur les commandites, le fait que le public ait pu avoir accès aux rapports de vérification préliminaires et aux documents de travail a permis de faire le jour sur cette situation, qui a par la suite débouché sur l'examen de la vérificatrice générale et sur l'enquête judiciaire tenue postérieurement.
Pour ce qui est de l'amendement 119, nous souscrivons à l'approche adoptée par le Sénat; c'est le principe de la primauté de l'intérêt public. La Chambre s'est inquiétée du fait que cet amendement accorderait indirectement au commissaire à l'information le pouvoir d'ordonner la communication de certains documents, puisque dans le cas où il ferait enquête sur une plainte portant sur le refus de divulguer des documents, il aurait accès à ces documents et quelqu'un pourrait ensuite demander au commissaire de les lui transmettre; celui-ci pourrait le faire s'il décidait que cela était dans l'intérêt public.
Le président : Pourriez-vous passer aux points sur lesquels vous êtes en désaccord? Je ne pense pas que nous allons vraiment débattre des sujets sur lesquels nous sommes d'accord, mais il y en aura peut-être un sur les points sur lesquels vous n'êtes pas d'accord.
M. Leadbeater : La section qui traite des points de désaccord se trouve à la page 7. Le Sénat a ajouté la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable au paragraphe 18.1(1), à titre d'institution ayant besoin d'une protection spéciale, à savoir que tous les renseignements qu'elle a traités de façon constante comme étant de nature confidentielle sont maintenant visés par une exception. Nous avons soutenu, comme vous vous en souvenez, qu'il n'était pas souhaitable d'adopter toutes ces exceptions spéciales, en faisant remarquer que la loi actuelle accordait déjà une protection largement suffisante et qu'il incombait aux institutions en question de démontrer que la divulgation des renseignements demandés causerait un préjudice commercial. Nous avons exprimé la même préoccupation au sujet de la Fondation canadienne pour l'appui technologique au développement durable.
L'amendement 116 proposé porte sur le même sujet, le responsable de la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable. Cet amendement crée un type d'exception obligatoire et permanente. Comme nous l'avons déjà mentionné, il n'est jamais justifié de préserver le secret d'un document dans toutes circonstances et à jamais. Nous convenons avec la Chambre que cette exception est beaucoup trop large.
Je tiens à vous rappeler que nous n'avons pas adopté cette position parce que nous pensions qu'il y avait lieu de divulguer ce genre d'information. Nous pensons que cette information est déjà protégée par les articles de la loi actuelle, et que c'est à l'institution de démontrer que l'information demandée répond aux critères prévus par la loi. Les exceptions permanentes qui ne sont pas assorties d'un fardeau obligatoire ne répondent pas à l'objectif général de responsabilisation.
Le président : Pourriez-vous passer à la page 10, à l'amendement 121?
Le sénateur Milne : Je préfère les examiner un à la fois.
Le président : Très bien.
M. Leadbeater : Je m'en remets à vous, monsieur le président. Comment voulez-vous que je poursuive?
Le sénateur Milne : L'amendement 120.
M. Leadbeater : Nous sommes en désaccord avec le Sénat au sujet de l'amendement 120. Je crois que le Sénat a soutenu que la loi ne devait pas avoir d'effet rétroactif et que, par conséquent, l'information qui a été créée avant l'adoption de la loi ne devrait pas être assujettie à un droit d'accès.
Premièrement, il n'est pas exact sur le plan technique d'affirmer que la loi a un effet rétroactif. Il y aurait effet rétroactif si les institutions étaient tenues de répondre aux demandes d'accès faites avant l'entrée en vigueur de la loi. Cet amendement énonce simplement qu'à la date de l'entrée en vigueur de la loi, celle-ci vise tous les documents en la possession d'une institution. C'est l'approche qui a été adoptée pour toutes les institutions au moment où la loi est entrée en vigueur et c'est l'approche qui a été adoptée pour toutes les sociétés d'État que vous avez ajoutées à la loi. Affirmer que les fondations et les mandataires du Parlement doivent bénéficier d'un traitement spécial, que tous les dossiers qu'ils ont créés avant cette entrée en vigueur ne sont pas visés par le droit d'accès n'est pas conforme à la politique qui vise à renforcer la responsabilisation des institutions gouvernementales. Cela soulève la question de savoir pourquoi toute l'information créée par les fondations depuis leur création serait soustraite à l'examen de la population, à la différence de l'information créée après la date d'entrée en vigueur de cette loi.
L'amendement 121 concerne la Commission du blé. La commission n'est pas d'accord avec l'amendement du Sénat. La Commission canadienne du blé a un mandat national qui a des répercussions importantes sur les Canadiens et l'économie canadienne. Elle bénéficie de 6 milliards d'emprunts garantis par le Canada. Cinq des membres de son conseil d'administration sont nommés par le gouvernement du Canada. Nous recevons constamment des appels émanant de citoyens qui nous demandent pourquoi ils ne peuvent obtenir des renseignements concernant l'administration de la Commission canadienne du blé.
Je vous rappelle que notre position n'est pas fondée sur le fait que nous estimons que les renseignements sensibles que possède la commission du blé devraient être divulgués, et ces renseignements ne le seraient pas. La loi contient des exceptions très efficaces qui éviteraient cette divulgation. La loi s'applique déjà à des offices de commercialisation du poisson et à des autorités portuaires. Le Commission canadienne des grains et la Commission canadienne du lait sont déjà visées par cette loi. Les gouvernements adoptent divers mécanismes pour exercer leurs fonctions d'intérêt public dans les domaines de leur compétence. L'objectif de ce projet de loi sur la responsabilité était de viser les institutions, quelle que soit la forme sous laquelle elles exercent des fonctions publiques, qui ne relevaient pas des structures ministérielles traditionnelles.
La Commission du blé reconnaît qu'elle a une obligation de transparence envers le public. Elle a adopté sa propre politique en matière d'information, qui est affichée sur son site web. Tous les renseignements qu'elle souhaite ne pas divulguer sont déjà visés par les exceptions de la Loi sur l'accès à l'information. Et pourtant, vous constaterez que ses directives en matière d'accès à l'information exigent que l'auteur d'une demande justifie pourquoi il veut obtenir les renseignements demandés. Cela va tout à fait à l'encontre de l'objectif de transparence et d'ouverture qui est au cœur de la politique du régime d'accès à l'information.
La réponse à l'argument selon lequel il n'est pas nécessaire que la commission soit visée par la Loi sur l'accès à l'information puisqu'elle a déjà adopté une politique est que cette politique n'existe que parce que la Commission canadienne du blé le veut bien. Cette politique n'accorde aucun droit.
Pour ce qui est de l'amendement 123, le Commissariat à l'information du Canada ne souscrit pas à l'amendement du Sénat pour la même raison. C'est simplement la disposition qui prévoit la révision de cette décision en cas de changement du mandat. Elle se justifierait si l'on envisageait de modifier ce mandat.
Le président : L'amendement 117 traite du Centre national des Arts.
M. Leadbeater : Nous sommes en désaccord à la fois avec la Chambre des communes et avec le Sénat. Je pensais que vous ne vouliez pas entendre de commentaires sur cette disposition. Est-ce exact?
Le sénateur Day : La Chambre des communes a accepté cet amendement.
M. Leadbeater : Si je pouvais passer à un ou deux amendements qui nous intéressent particulièrement.
Le président : Pourriez-vous nous donner la page et le numéro d'article?
M. Leadbeater : Oui. Je vous renvoie à la page 3, amendements 139, 140, 142 et 143. Tous ces amendements concernent les dénonciations.
Vous vous souvenez que vous avez entendu le témoignage du commissaire à l'intégrité du secteur public au cours du premier examen. Il soutenait que le projet de loi C-2 imposait une zone de confidentialité trop vaste dans le cas des dénonciations. C'est pourquoi vous avez proposé un amendement qui visait uniquement à protéger l'identité des dénonciateurs et de ceux qui collaborent aux enquêtes. La Chambre n'a pas appuyé cet amendement.
Je vous invite vivement à demeurer fermes sur votre position. Pour vous aider à comprendre les raisons pour lesquelles je ne saisis pas très bien ce que la Chambre veut faire, j'ai inclus certaines citations dans l'onglet d, à titre de référence,
J'ai inclus deux déclarations faites par le secrétaire parlementaire du ministre qui a parrainé le projet de loi, qui peuvent vous aider à comprendre quelle était l'intention du ministre au sujet des articles concernant les dénonciateurs. La première déclaration est le compte rendu de la comparution du 10 mai devant le comité législatif au sujet du projet de loi C-2. Si vous regardez les passages indiqués dans la marge des pages 7 et 12, vous verrez que M. Poilievre parle de la zone de confidentialité que doit accorder la loi relative aux dénonciateurs.
Je vais simplement vous lire le passage de la page 7. Il énonce ceci :
Pour ce qui est de l'accès à l'information, il faudrait indiquer expressément qu'aucun document quel qu'il soit ne pourra être exempté de consultation par les citoyens. Tous les documents, chaque document individuel concernant un scandale potentiel, seront accessibles au ministère. Donc, vous pourrez adresser votre demande d'accès à l'information au ministère, comme vous auriez pu le faire même sans cette loi. Nous avons supprimé toutes les exemptions prévues par l'ancien projet de loi C-11. Les exemptions s'appliquent uniquement durant les enquêtes menées par le bureau du commissaire pour que le travail d'enquête ne soit pas constamment interrompu par des demandes d'information et pour protéger suffisamment les dénonciateurs contre les risques de représailles.
À la page 12, M. Poilievre intervient encore une fois. Le M. Cutler auquel il fait référence est le dénonciateur à l'origine du scandale des commandites. Il déclare :
Merci, monsieur Cutler, pour tout le travail que vous-même et les dénonciateurs comme Joanna ont accompli pour cette cause au cours des années.
Pour ce qui est de la Loi sur l'accès à l'information, M. Martin a soulevé ce problème, en faisant une comparaison avec la clause 55 du projet de loi C-11.
Vous vous souvenez que la clause 55 préservait le secret pendant cinq ans sur les renseignements fournis par les dénonciateurs.
La clause 55 aurait permis aux ministères de garder confidentielle pendant de nombreuses années toute information concernant une dénonciation. L'article par lequel on l'a remplacée élimine carrément cette exemption. Chacun pourra consulter facilement tous les renseignements correspondants en vertu de la Loi sur l'accès à l'information si la loi sur l'imputabilité est adoptée, sauf pour la divulgation elle-même, c'est-à-dire les renseignements produits et remis par les dénonciateurs au commissaire. Donc, il n'y a pas de nouvelles exemptions dans la loi sur l'imputabilité pour le gouvernement ou pour aucun de ses organes.
Je vois déjà que vous décompressez et vous avez l'air plus détendu à présent que vous savez cela, parce que c'est un aspect très important et je suis content que vous l'ayez compris.
De plus, le commissaire lui-même pourra refuser de fournir des informations demandées sur son enquête. Mais ce sont les mêmes exemptions qui s'appliquent à n'importe quel organisme d'enquête. On trouve les mêmes exceptions pour toutes sortes d'autres organismes enquêteurs. Par conséquent, la loi sur l'imputabilité ne contient pas de nouvelles exemptions.
Je tenais à vous rassurer, parce que je sais que la question de M. Martin vous a beaucoup troublé. Donc, êtes- vous satisfait de voir que la clause 55 du défunt projet de loi libéral a été entièrement éliminée?
M. Cutler répond :
Si la clause 55 a sauté et si la diffusion de l'information est facilitée, je suis très satisfait.
Nous savons que la clause 55 n'a pas disparu. La clause 55 est renforcée.
Je ne comprends pas très bien ce que le gouvernement souhaite accomplir en adoptant cette disposition. Je pense que le Sénat a raison. L'amendement du Sénat propose une bonne interprétation des paroles prononcées par le secrétaire parlementaire du ministre, ce qui n'est pas le cas de la proposition de la Chambre.
Si vous regardez dans le même onglet, le document suivant, vous verrez un discours qu'a prononcé M. Poilievre le 21 novembre, il y a tout juste deux semaines. À la page 11, il y a une indication dans la marge. Il a déclaré ceci au sujet du projet de loi C-2 :
Enfin, le projet de loi supprime deux clauses de confidentialité que contenait le projet de loi libéral précédent — et c'est de cela dont je voulais vous parler au sujet des renseignements personnels.
Le projet de loi précédent, qui a été adopté par le dernier Parlement, [le projet de loi] C-11, contenait une clause qui aurait permis de garder secrets pendant une période maximale de cinq ans les renseignements concernant les divulgations faites par un dénonciateur. Le but était apparemment de préserver l'anonymat du dénonciateur.
Nous ne pensons pas, tout comme les syndicats du secteur public ou les dénonciateurs qui ont témoigné devant un comité, que dans la plupart des cas la confidentialité serait probablement respectée. En outre, nous pensons que la population a le droit de connaître les renseignements se rapportant à une divulgation.
Notre projet de loi crée donc une exception à la Loi sur l'accès à l'information pour ce qui est de la divulgation elle-même. Elle vise les mots que contient la divulgation faite par le dénonciateur. Il n'est pas possible d'y avoir accès avec la LAI. Mais tous les documents reliés à cette divulgation et qui démontrent sa véracité ou sa fausseté, tous ces renseignements pourront être communiqués aux termes de la Loi sur l'accès à l'information. C'est l'équilibre que nous avons recherché, et d'une façon générale, nous avons obtenu le soutien des dénonciateurs à ce sujet.
Si vous voulez comparer le libellé, je vous invite à regarder la dernière section de l'onglet. J'ai reproduit côte à côte le projet de loi C-11, qui constitue la partie de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles qui a été adoptée antérieurement. Elle est modifiée par le projet de loi C-2.
Je vous invite à examiner la page 2 de l'article 55. Cette disposition énonce ce qui sera maintenant protégé grâce à ce projet de loi. L'article 16.5 énonce :
Le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser de communiquer les documents qui contiennent des renseignements créés en vue de faire une divulgation au titre de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles ou dans le cadre d'une enquête menée sur une divulgation [...]
Vous pouvez constater qu'avec ces dispositions, il est obligatoire à tout jamais, sans aucune limite de temps, de protéger tous les documents créés en vue de faire une divulgation ou dans le cadre d'une enquête menée sur une divulgation.
Cette disposition est beaucoup plus large que les déclarations que je vous ai lues. Les déclarations que je vous ai lues reflètent, d'après moi, ce que vous ont dit le commissaire à l'intégrité et les dénonciateurs, à savoir qu'ils souhaitent que leur identité soit protégée. C'est l'effet qu'a votre amendement.
Nous sommes tout à fait en faveur de votre amendement; il est essentiel qu'il soit adopté si l'on veut préserver la responsabilisation et la transparence lorsqu'il s'agit d'actes répréhensibles commis par le gouvernement.
Le sénateur Milne : Quel est le numéro de cet amendement?
M. Leadbeater : Si vous regardez à l'onglet c, page 3, ce sont les amendements 139, 140, 142 et 143.
Le sénateur Day : Une précision, monsieur le président. Les amendements 139, 142 et 143 portent tous sur une question qui concerne M. Poilievre, devant la Chambre des communes. M. Poilievre, le secrétaire parlementaire du ministre responsable de ce projet de loi qui intervenait, a exagéré et, je ne voudrais pas dire « a trompé volontairement » parce que je ne sais pas s'il l'a fait volontairement, mais il a dit que certaines choses étaient faites alors qu'elles ne l'étaient pas. Tous ces articles concernent ce commentaire, est-ce bien exact?
M. Leadbeater : C'est exact.
Le sénateur Day : Merci. J'examinerai tout cela un peu plus tard mais je suis content que vous ayez attiré notre attention sur ce point.
M. Leadbeater : J'avais commencé à faire quelques commentaires sur la primauté de l'intérêt public et je ne pense pas que j'avais terminé.
Pour ce qui est de l'amendement 119, la Loi sur l'accès à l'information contient un mécanisme qui régit la façon dont le commissaire doit traiter les plaintes. Si le commissaire estime qu'un gouvernement est trop opaque et que l'information en question doit être divulguée alors que l'institution gouvernementale s'y refuse, il a le droit de s'adresser à la Cour fédérale et celle-ci peut ordonner la divulgation de l'information demandée.
Je ne pense pas que la possibilité qu'a soulevée la Chambre, à savoir que le commissaire pourrait invoquer la primauté de l'intérêt public et divulguer l'information demandée sans suivre la procédure prévue par la loi, soit réaliste. Je ne pense pas qu'il soit jamais dans l'intérêt public que le commissaire à l'information aille à l'encontre du mécanisme prévu par sa loi constitutive et divulgue de l'information sans s'adresser à la Cour fédérale. C'est pourquoi nous ne souscrivons pas aux arguments présentés par la Chambre des communes au sujet de la primauté de l'intérêt public.
Le sénateur Milne : M. Leadbeater a à peu près répondu à toutes mes questions. J'étais tellement attentive à ce qu'il disait que je n'ai pas eu le temps de regarder les sujets qui m'intéressaient.
Un des points importants est le fait que vous n'êtes pas d'accord avec notre amendement au sujet de la Commission canadienne du blé. Étiez-vous ici lorsque les représentants de la Commission canadienne du blé était ici?
M. Leadbeater : Oui.
Le sénateur Milne : Pourquoi ont-ils tort, et ont-ils vraiment tort, parce que je ne pense pas qu'ils aient tort?
M. Leadbeater : La grande question est de savoir ce qu'est une institution fédérale aux fins de la Loi sur l'accès à l'information. Je ne pense pas qu'il existe un ensemble de critères. Nous avons proposé d'inclure dans le projet de loi un série de critères pour que cette décision ne soit pas laissée au gouvernement. Il y aurait des facteurs comme le pouvoir de nomination des membres du conseil d'administration, le financement, le fait que l'institution exerce une activité dans un domaine de compétence fédérale qui touche l'intérêt public en matière de santé publique, de sécurité publique ou de gestion de l'économie.
Quant à savoir si la Commission canadienne du blé serait visée par la définition d'institution fédérale, cela dépend de la définition retenue. Cette commission serait visée par la définition que nous proposons.
Les gouvernements ont tendance à confier des fonctions publiques à toutes sortes d'entités. À une époque, la Commission canadienne du blé exerçait des fonctions qui étaient beaucoup plus proches du gouvernement, même si par la suite elle est devenue plus indépendante. Mais cela n'a pas changé la fonction. Les gouvernements cessent d'exercer des fonctions pour de nombreuses raisons, parfois parce qu'il est dans l'intérêt public que ces fonctions soient exercées par un organisme indépendant, parfois c'est tout simplement pour diluer la responsabilité politique.
Par exemple, pendant des années au Canada, le contrôle du trafic aérien relevait du ministère des Transports et toutes ces activités étaient assujetties à la Loi sur l'accès à l'information. Par la suite, le gouvernement a confié cette fonction à une autre entité, NAV CANADA, une entreprise privée. Cela n'a pas changé le fait qu'il s'agissait d'une activité monopolistique dans un domaine touchant la sécurité publique. C'est un domaine important pour le public canadien et il serait peut-être souhaitable que la définition d'institution fédérale soit suffisamment large pour viser une telle entité. La Société canadienne du sang se trouve dans une situation comparable.
Lorsqu'on passe en revue les centaines d'institutions qui sont visées par la Loi sur l'accès à l'information, on constate que la plupart d'entre elles ne sont pas des institutions fédérales traditionnelles mais qu'elles jouent un rôle important dans la société canadienne dans des domaines de compétence fédérale qui exigent qu'il y ait transparence et donc, responsabilisation. C'est là, je crois, la principale question. Il ne s'agit pas de savoir si ces institutions relèvent d'un ministre. Nous ne relevons pas d'un ministre, mais la Chambre a voulu que nous soyons assujettis à la Loi sur l'accès à l'information. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes se trouve dans une situation comparable.
C'est une réponse un peu longue mais c'est la raison pour laquelle nous estimons que la Commission canadienne du blé devrait être assujettie à cette loi.
Le sénateur Milne : Ne serait-il donc pas préférable de revenir au libellé initial du projet de loi C-2 qui ne mentionnait pas la Commission canadienne du blé? C'est la façon dont le projet de loi était rédigé au départ et cet amendement a été inséré par un député NPD de la Chambre des communes au moment de l'examen article par article. Il semble qu'aujourd'hui, le député NPD ait compris la situation et pense que cet amendement ne devrait pas figurer dans le projet de loi, mais le gouvernement refuse de le supprimer.
Je crois savoir qu'un comité de l'autre endroit a été chargé d'examiner ces questions et il serait peut-être préférable que le projet de loi ne mentionne pas la commission, comme cela était prévu initialement, et laisser ce comité examiner cette question.
M. Leadbeater : C'est une position tout à fait légitime. Il me paraît regrettable qu'il ne soit pas procédé à un examen global de la réforme de l'accès à l'information. J'approuve les modifications mineures qui sont apportées ici par rapport à ce qui se fera dans l'autre endroit.
J'aimerais simplement dire que la question du guichet unique, qui est une question politique, n'a absolument rien à voir avec l'assujettissement de la commission à la Loi sur l'accès à l'information. Il n'est pas exact de dire que le fait d'assujettir la commission à la Loi sur l'accès à l'information compromettra sa capacité de fonctionner comme un organisme commercial. Il y en a beaucoup qui fonctionnent et qui sont visés par la Loi sur l'accès à l'information; la Monnaie, par exemple.
La loi contient déjà des exceptions soigneusement formulées et destinées à protéger ce genre d'information. Au Canada, toutes les grandes entreprises réglementées fournissent des données sensibles aux organismes de régulation; la loi protège ces données lorsqu'elles sont remises aux organismes de régulation. Je sais que les représentants de la Commission canadienne du blé ont exprimé leurs préoccupations parce que, à l'origine, ils pensent que le fait d'être assujettis à la Loi sur l'accès à l'information les empêchera de mettre en œuvre leur mandat de façon efficace. Je vous dis que c'est tout à fait faux.
Le sénateur Milne : Vous donnez la Monnaie comme exemple, mais la Monnaie n'est pas vraiment en concurrence directe avec de grandes sociétés américaines.
M. Leadbeater : Elle subit en tout cas une vive concurrence de la part d'entreprises mondiales qui travaillent dans le même secteur.
Le sénateur Milne : Oui, mais ces entreprises ne vendent pas exactement le même produit, parce que personne d'autre ne vend des pièces de monnaie canadiennes.
M. Leadbeater : Il y a d'autres sociétés dans le monde qui seraient heureuses de fabriquer les pièces de monnaie canadiennes. Si la Monnaie ne faisait pas une offre intéressante, ces sociétés seraient heureuses de les fabriquer pour nous. Il y a d'autres offices de commercialisation, l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce, qui sont déjà visés par cette loi. Vous proposez d'inclure dans cette loi Énergie atomique du Canada limitée. C'est une entreprise qui est en concurrence avec d'autres. Elle sera assujettie à cette loi.
Le sénateur Cowan : J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit il y a un moment, et je crois comprendre que c'est pour cette raison — nous regardons à la page 7, où se trouve la référence à la Société canadienne des postes, à Exportation et Développement Canada, à l'Office d'investissement des régimes de pension du secteur public et à VIA Rail — que vous soutenez que ces organismes n'ont pas besoin de ce genre d'exception générale et qu'ils sont déjà suffisamment protégés par les exceptions que prévoit la Loi sur l'accès à l'information.
M. Leadbeater : Exactement, parce que si vous lisez cette exception, vous constatez que, grâce à elle, ces institutions pourront désormais et à jamais préserver la confidentialité des documents qu'elles ont toujours traités de façon confidentielle. Je me demande alors pourquoi on veut les assujettir à la Loi sur l'accès à l'information.
Le sénateur Cowan : Je crois que vous exposez cela clairement dans le commentaire que vous faites dans la section des explications, lorsque vous dites que cette exception supplémentaire n'est aucunement justifiée.
M. Leadbeater : Exactement.
Le sénateur Ringuette : Je m'intéresse aux commentaires que vous avez faits lorsque vous avez dit que la Commission canadienne du blé était un monopole; ce n'est pas un monopole. Pour être un monopole, il faudrait être le seul fournisseur d'un produit sur tout le territoire canadien.
M. Leadbeater : Je n'ai pas utilisé le mot « monopole », monsieur le sénateur.
Le sénateur Ringuette : Vous avez déclaré que la commission du blé exerçait des « activités monopolistiques ». Ce sont là les mots que vous avez utilisés.
M. Leadbeater : Pas au sujet de la Commission canadienne du blé, je parlais de la Monnaie; et je dirais que la Société canadienne des postes exerce aussi certaines activités monopolistiques. Pour ce qui est de la Commission canadienne du blé, elle constitue un guichet de vente unique, ce qui constitue une façon de structurer le marché et lui accorde un pouvoir important sur un secteur de l'économie canadienne.
Le sénateur Ringuette : La commission n'exerce pas un contrôle exclusif sur un produit fabriqué au Canada et destiné à la consommation interne ou à l'exportation.
M. Leadbeater : Vous avez peut-être raison, parce que cela ne touche pas mon argument. Mon argument n'a rien à voir avec la façon dont la commission du blé exerce ses activités.
Le sénateur Ringuette : Pouvez-vous me donner la liste des citoyens canadiens privés ou des sociétés privées qui sont assujettis à votre loi, tel que vous l'administrez et malgré le projet de loi C-2?
M. Leadbeater : Aucun citoyen privé n'est assujetti à la loi.
Le sénateur Ringuette : Et aucune société privée?
M. Leadbeater : Je ne sais pas très bien ce que vous entendez par société privée. La liste des institutions visées par la loi figure dans une annexe à la Loi sur l'accès à l'information. Cette liste comprend des institutions de forme, de structure et de taille très différentes — des offices, des commissions, des tribunaux, des offices de commercialisation.
Le sénateur Ringuette : Vous savez très bien ce que je veux dire par société privée.
M. Leadbeater : Les sociétés privées cotées ...
Le sénateur Ringuette : Bell Canada n'est pas assujettie à ...
M. Leadbeater : Non, c'est une société cotée en bourse.
Le sénateur Ringuette : C'est exact. Il n'y en a aucune qui soit assujettie à votre loi.
M. Leadbeater : Non.
Le sénateur Ringuette : Alors pourquoi la Commission canadienne du blé devrait-elle l'être? La Commission du blé n'est pas une monopole. Ce n'est pas une société d'État. Ce n'est pas une agence du gouvernement, alors pourquoi devrait-elle être visée par la loi?
M. Leadbeater : Je pense que j'ai fourni mes raisons; nous pensons qu'elle devrait l'être parce que cette commission bénéficie d'une garantie de la Couronne qui s'élève à l'heure actuelle à 6 milliards de dollars. La Couronne fédérale a le pouvoir de nommer cinq membres de son conseil d'administration. Elle s'occupe d'un secteur d'activité qui a un effet important sur l'économie canadienne.
Le sénateur Ringuette : L'Agence de la pomme de terre du Nouveau-Brunswick offre des garanties semblables pour aider les agriculteurs du Nouveau-Brunswick — qui sont semblables aux agriculteurs de l'Île-du-Prince-Édouard, des producteurs de pommes de terre — à exporter leurs produits et pour préserver cette culture. Il n'y a pas de monopole ni d'agence de la Couronne. De plus, la Monnaie n'est pas une monopole; c'est un monopole canadien qui subit la concurrence internationale et il faut être sûr de bien comprendre la différence.
Vous avez effectivement dit, monsieur, que la Commission canadienne du blé exerçait une « activité monopolistique » dans votre déclaration et je ne suis pas d'accord avec vous. Je suis en total désaccord avec vous, de sorte que nous allons être d'accord pour dire que nous ne sommes pas d'accord.
M. Leadbeater : Puis-je répondre à une de vos affirmations? Je ne suis pas sûr que l'Agence de la pomme de terre du Nouveau-Brunswick soit assujettie à la Loi sur l'accès à l'information du Nouveau-Brunswick. Je n'en suis pas sûr, mais ...
Le sénateur Ringuette : Non, elle ne l'est pas, et ce n'est pas non plus une société d'État provinciale. Elle appartient aux intéressés, tout comme la Commission canadienne du blé appartient aux intéressés. L'Agence de la pomme de terre du Nouveau-Brunswick bénéficie de garanties du gouvernement pour aider les agriculteurs à planter leurs pommes de terre au printemps et pour faire le pont entre le moment où ils plantent jusqu'en septembre ou au début octobre, l'époque de la récolte.
M. Leadbeater : J'imagine qu'il y a des gens au Nouveau-Brunswick qui aimeraient savoir ce que fait cette agence et que d'autres ne s'en soucient pas.
Le sénateur Ringuette : Les intéressés savent ce qui se passe. Ils tiennent des assemblées annuelles; ils ont des règles et ainsi de suite. Quoi qu'il en soit, je vous remercie.
Le sénateur Baker : J'aimerais bien comprendre votre position, parce que nous venons d'entendre les représentants de la Commission canadienne du blé, et j'ai compris que vous aviez dit que vos deux principaux arguments était que le gouvernement nommait quatre ou cinq personnes sur un conseil d'administration de 15 membres. Les agriculteurs en élisent 10, mais parce que le gouvernement a le pouvoir de nommer quatre ou cinq membres du conseil d'administration et parce qu'il accorde une caution à l'agence elle-même, et parce que celle-ci exerce une fonction d'intérêt public, alors ses documents devraient être divulgués.
Ai-je exposé correctement vos trois principaux arguments?
M. Leadbeater : Le pouvoir de nomination, les implications financières pour le gouvernement et l'effet sur l'économie publique, oui.
Le sénateur Joyal : D'après quelle loi?
M. Leadbeater : Excusez-moi?
Le sénateur Joyal : Sur quel article de quelle loi repose cette conclusion?
M. Leadbeater : Qu'il y a un pouvoir de nomination?
Le sénateur Joyal : Non, vous en arrivez à la conclusion — excusez-moi, sénateur Baker ...
Le sénateur Baker : Je vous laisse la parole.
Le sénateur Joyal : C'est ma première question, je vous rendrai donc plus tard de mon temps. Vous avez conclu qu'il s'agissait d'une institution fédérale et vous avez dit il y a un moment, au sujet de la Commission canadienne du blé, « cela dépend de la définition d'institution fédérale que l'on applique ». Ce sont là vos termes exacts.
Pour que notre conclusion sur ce qui constitue ou non une institution fédérale ne soit pas arbitraire, veuillez me dire quelle est la loi qui définit ce qu'est une institution fédérale aux fins de la Loi sur l'accès à l'information.
M. Leadbeater : Cette notion est définie dans la Loi sur l'accès à l'information de la façon suivante : une institution fédérale est une institution qui est énumérée dans l'annexe de la loi. Nous examinons en ce moment la question de savoir si cette commission devrait figurer dans l'annexe à la loi. Cette loi ne contient aucun critère et je suis 100 p. 100 d'accord avec vous pour dire qu'il devrait y en avoir. Nous avons proposé des critères. Cependant, ces critères ne font pas partie de cette loi.
Le sénateur Joyal : À qui avez-vous présenté cette proposition?
M. Leadbeater : Nous l'avons présentée au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique sous la forme d'un projet de loi sur la transparence du gouvernement, que nous avons présenté comme un moyen général de modifier et de renforcer la Loi sur l'accès à l'information. Nous avons invité le comité, lorsque nous avons comparu devant vous, à ne pas adopter la disposition du projet de loi C-2 qui confie au conseil des ministres la prérogative de définir ces institutions et d'en faire une prérogative du Parlement en insérant une disposition en ce sens dans la loi. Le comité a déjà accepté de confier cette prérogative au cabinet, mais ce n'est pas une des dispositions que j'ai commentées aujourd'hui.
Vous avez raison — on pourrait réfléchir longtemps à une telle définition, mais en fin de compte, nous pensons que c'est le Parlement qui devrait la formuler.
Le sénateur Joyal : Je le comprends. Voilà qui a éclairci cette question. Je vous prie de m'excusez, sénateur Baker, mais je crois que cela a été utile pour notre discussion.
Le président : C'était une précision utile.
Le sénateur Baker : Oui, j'en conviens. Vous avez donné quelques exemples de ces trois facteurs. J'ai immédiatement pensé au fait que le gouvernement intervenait souvent dans les activités des sociétés. Je pense au cas où le gouvernement apporte une aide financière d'urgence à l'industrie de la pêche. Comme vous vous en souvenez, c'est ce qui s'est produit avec la Compagnie nationale des produits de la mer Ltée. Le gouvernement avait nommé un certain nombre de membres du conseil d'administration, parce qu'il avait accordé un prêt d'urgence à cette société.
Pensez-vous qu'une société privée dont certains membres du conseil d'administration sont nommés par le gouvernement, parce que celui-ci agit à titre de caution pour cette société, devrait être assujettie à l'obligation de divulguer ses documents?
M. Leadbeater : Sans avoir d'autres détails, ma première réaction serait de dire non, parce qu'elle ne répond pas aux critères proposés pour la définition d'institution fédérale.
Le sénateur Baker : Et pourquoi? Le critère de la garantie financière accordée par le gouvernement est rempli, tout comme celui de la nomination des membres du conseil d'administration par le gouvernement. Je suppose que c'est le troisième élément de votre norme de contrôle qui manque. Le troisième élément est d'une grande importance et vous diriez qu'il manque dans l'exemple que j'ai donné ci-dessus.
M. Leadbeater : Oui, et l'un des éléments de la définition que nous avons proposé dans la loi sur la transparence du gouvernement est que le gouverneur en conseil soit tenu de compléter l'annexe et d'assujettir à la loi, a) tous les ministères et ministères d'État du gouvernement du Canada, b) tous les organismes financés en tout ou en partie par des crédits du Parlement, c) tous les organismes qui sont des filiales à 100 p. 100 du gouvernement du Canada ou dans lesquels celui-ci est majoritaire, d) tous les organismes énumérés à l'annexe 1.1, 1.2 et 1.3 de la Loi sur la gestion des finances publiques — les sociétés d'État et autres et e) tous les organismes qui exercent leurs fonctions ou fournissent des services dans des domaines de compétence fédérale d'intérêt public reliés à la santé, à la sécurité ou à l'environnement.
Le sénateur Baker : L'élément d'intérêt public manque dans l'exemple que je vous ai donné même si le gouvernement du Canada nomme un certain nombre de membres du conseil d'administration et garantit la viabilité financière de l'organisme.
M. Leadbeater : Oui.
Le sénateur Baker : Vous avez utilisé plus tôt l'exemple de NAV CANADA lorsque vous avez parlé du genre d'organisme qui devrait également assumer une obligation de divulgation.
M. Leadbeater : Oui.
Le sénateur Baker : Cependant, NAV CANADA ne ressemble pas à la Commission canadienne du blé dans la mesure où cet organisme n'a pas besoin de la même protection.
M. Leadbeater : On pourrait donner beaucoup d'exemples différents et complexes. Il n'y a aucun autre organisme qui ressemble exactement à la commission du blé. La Société canadienne d'hypothèques et de logement fait face à une concurrence relativement vive dans un secteur commercial et possède des renseignements très sensibles, et elle est visée par cette loi.
Le sénateur Baker : Vous avez parlé à titre d'exemple des offices de commercialisation du poisson. Le seul office de commercialisation du poisson que je connaisse au Canada est l'Office de commercialisation du poisson d'eau douce et c'est une société d'État.
M. Leadbeater : Je dis qu'il ne suffit pas de regarder la forme juridique de l'institution, parce que cela ne constitue qu'un élément parmi d'autres.
Le sénateur Baker : Je constate qu'aucun des organismes que vous avez cités à titre d'exemple ne soulevait le genre de considérations que soulève la Commission canadienne du blé. Votre hypothèse de base est que tout ce qui doit être protégé est de toute façon déjà protégé. Pourquoi demandez-vous un amendement pour protéger vos enquêtes et vos vérifications?
M. Leadbeater : Ce n'est pas ce que nous faisons.
Le sénateur Baker : Non? Vous n'approuvez pas certains amendements que nous avons apportés pour renforcer votre protection et que la Chambre a rejetés?
M. Leadbeater : Non; nous pensons que la loi protège déjà suffisamment nos activités et celles des autres mandataires du Parlement. Si le gouvernement voulait accorder des exceptions spéciales aux mandataires du gouvernement, alors il devrait renforcer la protection à deux d'entre elles : le vérificateur général et le commissaire aux langues officielles. Nous disons que les mêmes règles devraient s'appliquer à tous ces organismes — non pas les règles qui renforcent la confidentialité mais celles qui renforcent la transparence.
Le sénateur Baker : Vous n'approuvez pas l'amendement 113a).
M. Leadbeater : Nous approuvons l'amendement du Sénat 113a).
Le sénateur Baker : Cela comprend le Commissariat à l'information.
M. Leadbeater : Cela comprend le commissaire au lobbying.
Le sénateur Baker : Il comprend le commissaire à l'information.
M. Leadbeater : Cela était déjà prévu dans la version de la Chambre des communes.
Le sénateur Baker : Approuvez-vous l'inclusion du commissaire à l'information?
M. Leadbeater : Oui.
Le sénateur Baker : Pourquoi approuvez-vous cet amendement?
M. Leadbeater : Nous avons le pouvoir d'ordonner que des documents nous soient remis. Si les institutions fédérales pensaient que nous pourrions être ensuite obligés de les divulguer, elles seraient plus réticentes à collaborer pleinement à nos enquêtes. Si nous n'avions pas une exception pour les documents obtenus au cours d'une enquête, alors les institutions fédérales craindraient que nous les divulguions. Nous n'approuvions pas cet amendement, mais les institutions fédérales nous ont dit que si elles devaient être visées par la Loi sur l'accès à l'information, alors il fallait nous interdire de divulguer les documents qu'elles nous fournissaient.
Oui, nous sommes disposés à accepter cet amendement, si les institutions fédérales se sentent ainsi plus à l'aise. Cependant, nous n'avons pas demandé cet amendement, et nous serions satisfaits s'il était supprimé.
Le sénateur Baker : Vous ne pensez pas qu'il soit nécessaire?
M. Leadbeater : Non.
Le sénateur Baker : Vous n'approuvez pas le 113a).
M. Leadbeater : Eh bien, il y avait plusieurs choses que nous n'approuvions pas lorsque nous avons comparu devant le comité la première fois. Nous n'allons pas discuter des points sur lesquels nous avons déjà perdu. Nous sommes toutefois disposés à vivre avec l'exception relative au commissaire à l'information qui vise à protéger les renseignements que nous obtenons des autres ministères au cours de nos enquêtes.
Le sénateur Baker : Je comprends votre raisonnement. Je me demande pourquoi vous ne comprenez pas le raisonnement de la Commission canadienne du blé parce qu'elle ne ressemble à aucun autre organisme et qu'elle n'est pas sur le même pied que les organismes que vous avez mentionnés à titre d'exemples il y a quelques instants. Pourquoi n'admettez-vous pas que le cas de la commission est également un cas particulier?
M. Leadbeater : Je vous répondrais ainsi : pensez-vous que les renseignements que possède la Commission canadienne du blé sont plus sensibles que ceux que détient la Banque du Canada?
Le sénateur Baker : Je n'en sais rien. Qu'en pensez-vous?
M. Leadbeater : Pensez-vous que ces renseignements sont plus sensibles que ceux possède le Service canadien du renseignement de sécurité?
Le fait est que le Parlement a soigneusement formulé les exceptions prévues initialement. La loi contient ces exceptions pour protéger tous les renseignements sensibles qui font partie des catégories suivantes : sécurité nationale, renseignements commerciaux, renseignements personnels, protection des conseils, ce genre de choses.
Si vous allez sur le site web de la Commission du blé, vous trouverez une liste des renseignements qu'elle ne divulgue pas, notamment les renseignements personnels concernant les agriculteurs et les employés. Il y a déjà une exception dans la loi; elle est obligatoire pour les renseignements personnels. La liste continue en mentionnant les renseignements commerciaux ou stratégiques sensibles, il y a une disposition dans la loi; les conseils ou recommandations présentés au gouvernement, il y a une disposition dans la loi; les renseignements visés par le secret professionnel de l'avocat ou du contentieux, il y a une disposition dans la loi; les renseignements qui, s'ils étaient communiqués, causeraient un préjudice à l'exercice efficace de fonctions commerciales, il y a une disposition dans la loi et c'est l'article 18. Ce sont les catégories de renseignements que la commission déclare ne pas vouloir divulguer. Tout cela est protégé par la loi.
Le sénateur Baker : Oui.
M. Leadbeater : Il ne s'agit pas d'imposer à la Commission canadienne du blé un régime radicalement nouveau, mais la différence est que désormais, les gens auront le droit d'avoir accès à ces renseignements, et ce ne sera pas un privilège pour eux. C'est la différence.
Le sénateur Baker : Il n'est donc pas nécessaire de protéger qui que ce soit, même pas vous?
M. Leadbeater : C'est la raison pour laquelle nous nous sommes opposés à toutes ces exceptions spéciales qui figuraient dans le projet de loi C-2 lorsque nous avons comparu pour la première fois devant vous; nous nous sommes opposés à la disposition particulière dont nous sommes en train de parler, l'article 18.1. Nous pensons que ces dispositions imposent des zones de confidentialité générale sans que l'organisme concerné soit jamais tenu de démontrer qu'il subirait un préjudice en cas de divulgation.
Le sénateur Joyal : J'ajouterais simplement à votre dernière réponse que la commission du blé ne serait pas visée par la définition que vous proposez dans la loi sur la transparence que vous avez déposée au Parlement. C'est ainsi que je lis les différentes catégories d'institutions que vous énumérez. Cela veut peut-être dire qu'il serait souhaitable de réviser ces définitions, mais si je me base sur ce que vous nous avez dit, la commission du blé ne fait pas partie des catégories d'institutions que vous décrivez dans le projet de loi que vous proposez.
M. Leadbeater : Je reconnais avec vous qu'il serait bon que la définition d'institution fédérale soit examinée dans le cadre du processus législatif. Je regrette que le contenu de cette partie du projet de loi C-2 sera sans doute décidé dans les couloirs du BCP.
Le sénateur Joyal : La seule question que je voulais poser concerne la page 2 de la liste des amendements que vous approuvez.
M. Leadbeater : Oui.
Le sénateur Joyal : Vous ne souscrivez pas aux explications fournies par la Chambre des communes au sujet de l'amendement 118, le fameux article 150.
La vérificatrice générale a été tout à fait catégorique lorsqu'elle a déclaré qu'elle savait ce qu'elle faisait, que vous ne saviez pas ce qu'était une vérification et que c'était à elle de décider ce qui serait divulgué ou non.
Je ne suis pas en mesure de contester le fait que la vérificatrice générale est la mieux placée pour prendre ce genre de décision. La seule chose qui me préoccupe au sujet de cet amendement est que personne ne m'a jamais prouvé que le régime antérieur nuisait à l'exécution du mandat du vérificateur général. Personne n'a réussi à nous prouver, ne serait- ce que dans un seul cas, que la publication d'un projet de vérification ou d'un document de travail causerait un préjudice, parce que je sais que c'est la situation actuelle, ces documents sont actuellement divulgués. Nous fermons la porte aujourd'hui à cette possibilité. Nous faisons marche arrière, si j'ai bien compris.
M. Leadbeater : C'est exact.
Le sénateur Joyal : Personne n'a réussi à nous prouver qu'en préservant la situation actuelle, le vérificateur général aurait plus de difficulté à exécuter son mandat. La vérificatrice générale a abordé la chose d'une autre façon. Elle a demandé de supprimer cette divulgation parce que sinon, son bureau éprouverait plus de difficulté à exercer son mandat à cause de l'effet paralysant qu'aurait cette divulgation. Eh bien, cet effet paralysant existe depuis 50 ans ou à peu près, depuis la création du poste de vérificateur général.
M. Leadbeater : Oui.
Le sénateur Joyal : Y a-t-il d'autres arguments que nous ne connaissons pas et que nous devrions connaître pour décider s'il faut conserver cet amendement ou nous rendre aux arguments de la vérificatrice générale?
M. Leadbeater : On a essayé d'opposer cet argument au juge Gomery et celui-ci l'a rejeté. Il a déclaré qu'il était essentiel que les projets de rapports soient divulgués, de façon à obliger les institutions fédérales à rendre des comptes par le biais de la transparence.
Il en est arrivé à cette conclusion parce que les preuves dont il disposait montraient que les projets de rapports qui critiquaient vivement les programmes du gouvernement étaient ensuite affaiblis, modifiés et devenaient de plus en plus positifs à mesure qu'ils suivaient le processus d'approbation. Si l'on divulguait uniquement les rapports définitifs, alors la façon dont a été découvert le problème, les interventions extérieures dans le processus de vérification, tout cela, nous ne le saurions jamais.
Il a été soutenu devant le juge Gomery que les vérificateurs se refuseraient à préparer des documents de travail appropriés s'ils pensaient qu'ils seraient divulgués et que les vérificateurs seraient entravés dans leurs vérifications; cet argument a été réfuté par les 23 ans d'histoire de cette institution. Le régime actuel a été utilisé pendant 23 ans; les vérificateurs sont des professionnels qui préparent des documents de travail de façon professionnelle, et s'ils ne le font pas, cela sera découvert lorsqu'ils seront divulgués par la suite.
Le système actuel vise à assurer la qualité des opérations de vérification, et non le contraire. C'est la position qu'a adoptée le juge Gomery et c'est la nôtre depuis 23 ans. Cela renforce la qualité des opérations de vérification, il y a moins de sous-entendus et de commentaires dénués de fondement dans les opérations de vérification et, dans l'ensemble, cela a grandement renforcé la responsabilisation des institutions fédérales.
Le sénateur Day : La vérificatrice générale ne veut pas les documents de vérification interne soient divulgués. Je vous rappelle qu'il s'agit de l'article 16.1, à la page 118 du projet de loi C-2. La vérificatrice générale veut bénéficier d'une exception, tout comme le commissaire aux langues officielles. La vérificatrice générale a déclaré que son ministère ne pourrait pas exercer ses fonctions de vérification de façon appropriée parce qu'elle n'obtiendrait pas les renseignements demandés, que les ministères ne collaboreraient pas avec elle s'ils pensaient que ce qu'ils disaient pourrait être visé par la Loi sur l'accès à l'information.
Elle demandait une exception générale comme vous vous en souvenez, et nous avons modifié cela. Pour ce qui est du commissaire aux langues officielles, il craignait que les personnes qui se plaignaient du fait qu'il n'y avait pas de français dans certains domaines ne se plaindraient plus si elles pensaient que leurs noms risquaient d'être divulgués. Que pensez-vous qu'Air Canada va faire si cette compagnie apprend que quelqu'un se plaint et qu'il y a quelqu'un sur les vols du vendredi après-midi à destination de Calgary qui se plaint toujours qu'il n'y a pas suffisamment de français dans cet avion?
Ce sont là des préoccupations légitimes et j'aimerais que vous me disiez comment nous pouvons y répondre si nous ne pouvons pas faire adopter les amendements que nous avons présentés et que la Chambre des communes a rejetés. Dites-moi ce que nous pouvons faire pour rassurer la vérificatrice et le commissaire aux langues officielles.
M. Leadbeater : Je vais vous répondre ainsi : si le comité a vraiment été convaincu par la vérificatrice générale et par le commissaire aux langues officielles que les gens cesseront de déposer des plaintes et que ces organismes ne pourront pas faire leur travail correctement, alors il faudrait que vous nous donniez, à nous le commissaire à l'information et le commissaire à la vie privée et au commissaire au lobbying le même traitement, parce que nous faisons le même travail. Nous recevons des plaintes, nous effectuons des enquêtes; nous demandons des renseignements; nous interrogeons des témoins.
Dans l'exposé précédent que j'ai présenté au comité, j'ai mentionné que le commissaire aux langues officielles avait invoqué cet argument devant la Cour suprême du Canada. « Cour suprême, nous ne pourrons pas faire notre travail si nous devons fournir des renseignements aux termes de la Loi sur la protection des renseignements personnels » parce qu'ils sont assujettis à cette loi à l'heure actuelle. « Pour protéger nos enquêtes à l'avenir, il faut que tout cela reste secret. » La Cour suprême a répondu qu'elle ne pouvait retenir cet argument. Elle leur a dit qu'il n'avait pas démontré qu'il rencontrerait de telles difficultés. Cela fait des années que le commissariat effectue ce travail et il n'a pas démontré qu'il ne pouvait pas l'exécuter correctement.
Nous pensons que les mandataires du Parlement doivent eux aussi rendre des comptes sur la façon dont ils exécutent leur travail et sur la qualité de leur travail, à un moment donné, et cet amendement précise que c'est après que les enquêtes sont terminées qu'il faut qu'il y ait une certaine transparence.
Le sénateur Day : Je pense que l'amendement parle de deux ans.
M. Leadbeater : Je pense que quelqu'un voudra certainement, à un moment donné, écrire l'histoire de la vérification que la vérificatrice générale a effectuée sur la question des commandites. Il serait important que cela se fasse. Si cet amendement est adopté, cette histoire ne sera jamais écrite.
Le sénateur Day : La vérificatrice générale a mentionné qu'après 16 ans, elle envoie tous les documents à Bibliothèque et Archives et que vous pouvez vous adresser aux Archives pour obtenir cette information.
M. Leadbeater : L'archiviste sera également tenu de préserver le secret de ces document. C'est une exception obligatoire. C'est une vérificatrice générale extraordinaire. Notre pays a beaucoup de chance de l'avoir.
Le sénateur Day : D'accord.
M. Leadbeater : Il ne faut pas rédiger les lois en partant du principe que ceux qui dirigent les institutions sont des saints. Il faut écrire les lois en sachant que ces institutions seront dirigées par des êtres humains. C'est pourquoi nous avons adopté le principe de la responsabilisation par la transparence. À un moment donné, il pourrait y avoir un vérificateur général qui se contenterait d'approuver tout ce que fait le gouvernement. Ne serait-il pas souhaitable de pouvoir le constater en ayant accès à un certain moment aux documents et en examinant les vérifications?
Il est temps que les mandataires du Parlement vivent dans la réalité comme tout le monde. Si la GRC et le SCRS et les autres organismes d'enquête canadiens peuvent fonctionner grâce à l'exception fondée sur l'existence d'un préjudice et prévu par la loi, alors nous pouvons certainement le faire aussi.
Le sénateur Day : J'ai mentionné la question des deux ans, cela se trouve à la page 120, article 150 du projet de loi C- 2. Nous avons proposé d'introduire un amendement après l'article 22. La disposition fait une différence entre les vérifications internes du gouvernement et les documents de travail se rapportant à une vérification; ces derniers documents ne figurent pas dans la deuxième partie. On peut lire : « toutefois, le gouvernement ne peut [...] refuser ».
Pensez-vous qu'il existe une raison logique pour que l'on fasse une exception pour la vérification interne d'une institution fédérale, pour le rapport préliminaire d'une vérification interne ou pour les documents de travail qui ont été créés à cette occasion, et le reste? Il y a deux choses différentes et si l'on examine la deuxième partie, on peut lire que, cependant, une fois la vérification terminée, ou dans les deux ans de son achèvement, une partie de ces documents peut être divulguée une fois le rapport final publié. On ne parle plus des documents de travail reliés à la vérification ou si la disposition le fait, je ne vois pas où elle en traite. Elle mentionne uniquement la moitié de ces documents. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi la Loi sur l'accès à l'information s'applique uniquement à une partie de ces documents? Quel est le motif général qui justifie que les documents de travail reliés à une vérification demeurent confidentiels à jamais?
M. Leadbeater : Je pense que la personne qui a proposé cet amendement, la vérificatrice générale, estimait que les vérificateurs internes avaient besoin d'une zone de confidentialité pour pouvoir faire leur travail efficacement. Comme je l'ai mentionné dans ma réponse précédente, c'est un argument que n'accepte pas mon bureau, tout comme l'a fait le juge Gomery.
Le sénateur Day : Il ne s'agit pas simplement du vérificateur général. Il s'agit des vérifications internes de toutes les institutions fédérales.
M. Leadbeater : La vérificatrice générale a présenté cette disposition au comité. C'est tout ce que je voulais dire.
Le sénateur Day : Vous n'êtes pas d'un grand secours sur ce point.
À la page 123, vous parlez d'Énergie atomique du Canada limitée et vous mentionnez l'article 68.2 de votre projet de loi. C'est l'article 159 du projet de loi C-2. Vous dites qu'à l'heure actuelle, Énergie atomique du Canada limitée est assujettie à la Loi sur l'accès à l'information, mais voyez ce que dit cette disposition :
La présente loi ne s'applique pas aux renseignements qui relèvent d'Énergie atomique du Canada, limitée, à l'exception de ceux qui ont trait :
a) à son administration ou à son exploitation :
Seuls ces deux aspects sont visés. C'était là un des arguments de la Commission canadienne du blé; ce projet d'article est acceptable dans certains cas mais sur d'autres points, la Commission canadienne du blé doit bénéficier d'une protection plus étendue.
La plupart des articles proposés visent de nouvelles institutions, mais ils créent en même temps des exceptions. J'ai cru comprendre que vous pensiez que ces exceptions n'étaient pas nécessaires. Nous voulons que ces organismes en bénéficient, mais ils n'ont pas besoin de ces exceptions parce que la loi actuelle en contient déjà suffisamment.
M. Leadbeater : C'est exact.
Le sénateur Day : C'est votre position?
M. Leadbeater : C'est ma position, oui.
Le sénateur Day : C'est bien ce que je pensais que vous disiez. J'essaie de trouver le moyen de protéger cette information. Pour en revenir au commissaire aux langues officielles, comment pouvons-nous protéger le nom du plaignant? Les renseignements personnels sont protégés et je présume que c'est aux termes de l'article 19 de la loi actuelle; est-ce bien exact?
M. Leadbeater : C'est exact.
Le sénateur Day : Cet article fait référence à l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. J'ai passé mon temps à feuilleter toutes ces différentes lois pour essayer de voir ce qui était protégé, et je n'ai pas réussi à voir comment l'article 3 pouvait protéger le nom de la personne qui se plaint. Il s'agit bien là d'un plaignant. Expliquez-moi comment le nom de cette personne est protégé aux termes de l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui est ensuite incorporé dans l'article 19 de votre loi. Je pense que c'est là une partie du problème. Personne n'aime avoir à examiner toutes ces choses lorsqu'il s'agit de les appliquer à un problème particulier.
M. Leadbeater : J'ai la définition de « renseignements personnels » tirée de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Le sénateur Day : Oui, moi aussi.
M. Leadbeater : On peut lire que « renseignements personnels » comprend les renseignements, quels que soient leur forme et leur support, concernant un individu identifiable, notamment, et si on passe à l'alinéa i), son nom lorsque celui-ci est mentionné avec d'autres renseignements personnels.
Le sénateur Day : Lorsqu'il est mentionné avec d'autres renseignements personnels.
M. Leadbeater : Avec le nom du plaignant, vous obtenez le nom et le fait qu'il a déposé une plainte. Exact?
Le sénateur Day : La question est de savoir qui a porté plainte?
M. Leadbeater : Oui. Il y a deux éléments d'information : le nom et le fait que la personne a porté plainte.
Le sénateur Day : Supposez que l'organisme se contente de divulguer le nom sans ajouter aucune autre information.
M. Leadbeater : C'est implicite dans la question.
Le sénateur Day : Si le commissaire aux langues officielles pensait comme vous, il ne s'inquièterait pas de cet amendement au projet de loi C-2. Il pense manifestement qu'il demeure un doute au sujet du nom d'une personne, surtout lorsqu'il est associé à d'autres renseignements personnels.
M. Leadbeater : Voilà comment je vais vous répondre : le commissaire aux langues officielles est assujetti à la Loi sur la protection des renseignements personnels depuis 1983. Le commissaire aux langues officielles devrait certainement pouvoir citer un cas où le commissaire a été obligé de divulguer le nom d'un plaignant.
Le sénateur Day : Il ne vous pas cité un de ces cas.
M. Leadbeater : Non.
Le sénateur Day : Il ne m'a pas cité un de ces cas.
M. Leadbeater : Je pense qu'il est clair qu'il s'agit là de renseignements personnels.
Le sénateur Day : Exactement.
M. Leadbeater : C'est une exception obligatoire.
Le sénateur Day : Je vais poser ma dernière question. La série d'amendements suivante — 139, 140, 142 et 143 — concerne la question sur laquelle vous avez attiré notre attention au sujet de l'article 55 et de M. Poilievre, le secrétaire parlementaire du ministre responsable du projet de loi.
Vous appuyez ce qu'a fait le Sénat. Vous mentionnez ici qu'il s'agit là des recommandations présentées par le commissaire à l'intégrité du secteur public et que vous les appuyez. Deux mandataires du Parlement appuient les amendements que nous avons proposés et qui ont été rejetés par le gouvernement.
M. Leadbeater : Je pense que M. Poilievre vous appuie également, si vous lisez ce qu'il a dit.
Le sénateur Day : Je comprends ce que vous voulez dire. C'est à l'onglet d de votre document et nous lirons cela avec intérêt.
Ma dernière question concerne la rétroactivité. Cela nous amène à débattre de la différence qui existe entre une loi rétroactive et une loi rétrospective, ce qui n'est pas très convaincant. Le projet de loi risque de s'appliquer à des renseignements qui ont été fournis à une institution fédérale qui n'était pas assujettie à la Loi sur l'accès à l'information. Supposons que je communique des renseignements commerciaux à un organisme à qui je demande un prêt. Cela pourrait être des renseignements commerciaux très sensibles et non pas des renseignements techniques. Il pourrait s'agir d'un plan d'affaires pour démarrer une nouvelle entreprise, destiné à Exportation et Développement Canada ou à un certain nombre d'organismes gouvernementaux qui s'occupent des entreprises. Supposons que je demande un prêt. Si je savais, au moment où je communique avec cette institution fédérale, que l'information fournie pourrait être divulguée à des tiers aux termes de la Loi sur l'accès à l'information, je ne l'aurais peut-être pas communiquée ou je l'aurais peut-être communiquée différemment. C'est là notre préoccupation.
Pour l'avenir, il n'y a pas de problème parce que tout le monde sait quelles seront les règles applicables pour l'avenir. Nous nous intéressons aux nouvelles règles qui s'appliquent rétrospectivement. C'est l'aspect de ce projet qui nous inquiète.
Lorsque la Loi sur l'accès à l'information est entrée en vigueur, l'application des nouvelles règles a été retardée considérablement de façon à permettre aux institutions de s'y adapter. Aucune période d'adaptation n'est prévue pour cet élargissement. Voilà ce qui me préoccupe. Aimeriez-vous réexaminer votre réponse en tenant compte de notre préoccupation?
M. Leadbeater : J'aimerais répondre à votre question. Il est très intéressant que vous ayez pris l'exemple d'Exportation et Développement Canada. Pourquoi cet organisme ne figure-t-il pas sur cette liste? Pourquoi la Société canadienne des postes ne figure-t-elle pas sur cette liste? Pourquoi est-ce que VIA Rail n'est pas sur cette liste?
Le sénateur Day : De quelle liste parlez-vous?
M. Leadbeater : Je fais référence à la liste de l'article 68.3. Ce sont des institutions qui ont été nouvellement ajoutées.
Le sénateur Day : Ce sont de nouvelles institutions qui ont été inscrites sur cette liste et qui possèdent des renseignements sensibles qu'il conviendrait peut-être de traiter différemment. Si les gens qui communiquent avec la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable savaient que cet organisme serait assujetti à la Loi sur l'accès à l'information, ils agiraient peut-être différemment avec cet organisme. Ils ne demanderaient peut-être pas de prêt. Ils refuseraient peut-être de fournir certains renseignements techniques. Ils feraient peut-être certaines choses différemment.
M. Leadbeater : Je comprends votre argument et je vais y répondre de deux façons. Premièrement, si votre argument est fondé, pourquoi l'appliquer uniquement à ces organismes et pas à tous les organismes nouvellement ajoutés?
Le sénateur Day : Si vous proposez que cette liste soit élargie, je l'accepte.
M. Leadbeater : Deuxièmement, je dirais que les exceptions s'appliquent également de façon rétrospective. Les exceptions visent toujours tous ces renseignements. Les exceptions sont suffisamment dynamiques pour englober ces renseignements.
Le sénateur Day : Parlez-vous des exceptions actuelles de l'article 18, par exemple, dans la loi qui est en vigueur?
M. Leadbeater : Exactement.
Le sénateur Day : Nous avons essayé de créer des exceptions particulières.
M. Leadbeater : On en a ajouté un grand nombre.
Le sénateur Day : Il y en a aussi un grand nombre qui ont été rejetées par le gouvernement. Par exemple, nous avons essayé d'accorder à la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable le même type d'exception qui avait été accordé à certains autres organismes et cela a été rejeté. Mais l'argument qu'a fourni le gouvernement pour rejeter cet amendement est difficile à comprendre. Je me demandais si vous ne pourriez pas nous aider sur ce point.
M. Leadbeater : Il se trouve que je suis d'accord avec le gouvernement sur ce point, lorsqu'il dit que cela n'est absolument pas nécessaire. Ne recherchez-vous pas la responsabilisation par la transparence? N'est-ce pas là l'objectif principal de ce projet de loi? Si l'on vise la responsabilisation par la transparence, il faut que les institutions s'acquittent du fardeau d'établir qu'elles ont besoin d'une certaine zone de confidentialité avant de l'obtenir. Il ne faut pas que le Parlement leur accorde une exception générale et leur dise : « Tout ce que vous avez traité jusqu'ici de façon confidentielle sera désormais traité de la même façon pour toute l'éternité. »
Le sénateur Day : Nous voulons agir de façon équitable et tenir compte des circonstances.
Le président : Il a répondu à cette question, il faut le reconnaître, sénateur Day. Vous êtes en train de débattre avec le témoin.
Le sénateur Day : Il m'a posé une question et j'ai été obligé d'y répondre. Je n'aime pas laisser les questions sans réponses.
Le président : Laissez-moi parler pour une fois.
Le sénateur Day : Pour une fois?
Le président : Vous avez posé une question au témoin et le témoin vous a répondu. Vous n'aimez pas sa réponse mais vous n'avez pas à entamer une discussion avec lui. Les témoins sont ici pour répondre aux questions du mieux qu'ils le peuvent, et c'est ce qu'ils font. Je dois dire, pour être juste avec les témoins, qu'ils font de l'excellent travail et que nous devrions les laisser faire leur travail.
Le sénateur Day : Monsieur le président, je m'incline devant votre autorité.
Le sénateur Cowan : Je voulais prolonger la question du sénateur Day, mais je n'ose plus le faire maintenant.
Le président : Monsieur Leadbeater, au nom du comité, j'aimerais vous remercier, ainsi que vos collaborateurs, d'être venus ici et d'avoir répondu à des questions sur des sujets complexes et difficiles; vous vous êtes très bien acquittés de votre tâche.
La séance se poursuit à huis clos.