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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 20 - Témoignages du 31 janvier 2007


OTTAWA, le mercredi 31 janvier 2007

Le Comité sénatorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 heures, pour étudier le projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi électorale du Canada, dont il a été saisi.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, notre comité poursuit son étude du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi électorale du Canada. Nous avons commencé à en faire l'examen vers la fin de l'année dernière et avons entendu les témoignages du ministre alors en poste et des fonctionnaires.

L'objectif de ce projet de loi est très simple. Ce dernier modifie la Loi électorale du Canada pour instaurer un régime d'élections à date fixe au fédéral. Il prévoit que, sous réserve d'une dissolution préalable du Parlement, des élections générales doivent se tenir le troisième lundi d'octobre de la quatrième année civile suivant le jour des dernières élections générales, ce qui signifie que les premières élections générales après l'entrée en vigueur du projet de loi se tiendraient le lundi 19 octobre 2009.

Notre prochain témoin est bien connu des membres du comité, et il occupe un rôle central pour veiller au bon fonctionnement de notre système électoral. Il s'agit de Jean-Pierre Kingsley, nommé directeur général des élections en février 1990. Depuis, M. Kingsley a assumé la responsabilité d'organiser tous les scrutins, y compris le référendum fédéral de 1992, les élections générales de 1993, 1997, 2000, 2004 et 2006 et les nombreuses élections partielles.

Jean-Pierre Kingsley a instauré des changements importants au sein d'Élections Canada, en plus d'orchestrer et d'implanter des réformes électorales majeures. Ses réalisations ont contribué à la renommée d'Élections Canada comme chef de file mondial en matière de gestion électorale. Après 17 ans à la tête de l'organisme, M. Kingsley a annoncé qu'il partirait le 17 février. Aujourd'hui, nous avons l'honneur de pouvoir bénéficier de ses connaissances et de son expérience.

M. Kingsley est accompagné de fonctionnaires du Bureau du directeur général des élections, soit de Mme Diane R. Davidson, sous-directrice générale des élections et première conseillère juridique, et de M. Rennie Molnar, directeur principal des Opérations, du Registre et de la Géographie.

[Français]

Le comité tient à vous remercier pour votre présence. Je vous cède maintenant la parole et nous passerons ensuite à une période de questions et de discussions qui sera, je sais, très utile pour les membres du comité.

[Traduction]

Honorables sénateurs, vous remarquerez qu'il reste encore quelques caméras de télévision ici. Un peu plus tôt, on a filmé le directeur général des élections. Avec la permission du comité directeur, nous autorisons la SRC à rester quelques minutes de plus pour enregistrer la première partie de l'allocution de M. Kingsley.

Jean-Pierre Kingsley, directeur général des élections, Élections Canada : Votre présentation m'a touché. Je pense que je risque d'être envahi par l'émotion aujourd'hui, car d'après les renseignements que j'ai obtenus, ce sera probablement ma dernière comparution devant un comité du Sénat ou de la Chambre des communes. Pour autant que je sache, cette comparution est ma dernière; par conséquent, c'est un moment chargé d'émotions.

En ce qui concerne les changements apportés par Élections Canada, il est important de rappeler qu'ils ont d'abord été entérinés par la Chambre des communes et le Sénat avant d'êtres implantés par mon Bureau. Ils ont parfois été effectués à la suite de mes recommandations, et je dois dire que j'en suis fier.

J'ai été sensible à vos propos concernant le Bureau du directeur général des élections et la façon dont il a été administré, ainsi que par ce que les sénateurs m'ont dit avant le début de la séance. J'ai toujours apprécié de pouvoir comparaître devant de nombreux comités sénatoriaux. J'ai témoigné à maintes reprises devant le vôtre, alors que le sénateur Milne en assumait la présidence, tout comme vous-même, bien sûr, monsieur le président, depuis un certain temps.

Je vais maintenant vous livrer mon allocution. Je parlerai en français, puis en anglais. Nous passerons ensuite à la période de questions et réponses — du moins, j'espère que nous saurons vous répondre. J'aimerais également vous remercier d'avoir nommé les fonctionnaires qui m'accompagnent aujourd'hui.

[Français]

Le projet de loi C-16 faciliterait à bien des égards les efforts de planification et d'administration électorale d'Élections Canada. Lorsque j'ai comparu devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes, le 13 juin et le 26 septembre 2006, je lui ai remis un sommaire de ces avantages. J'en ai apporté d'autres copies pour vous, et je crois qu'elles ont été distribuées juste au début de cette présentation.

Des spécialistes se sont déjà prononcés devant le comité au sujet de la constitutionnalité du projet de loi. Je me concentrerai donc sur le point de vue de l'administration électorale. À l'heure actuelle, mon bureau se prépare graduellement aux élections générales par l'établissement de dates régulières et de préparation au scrutin, c'est-à-dire que nous établissons des dates butoirs de façon cyclique. Évidemment, la fréquence de ces dates est plus élevée lorsque le gouvernement est minoritaire, ce qui est la situation actuellement.

Par conséquent, dans le contexte d'un gouvernement majoritaire, la tenue des élections à une date fixée par la loi permettrait à Élections Canada de se préparer aux élections générales selon un cycle quadriennal plus certain, que compléterait des plans d'urgence au cas où une élection générale serait tenue à une autre date. Il faut se rappeler que cela demeure toujours une possibilité en fonction de la constitutionnalité des dispositions de la Constitution du Canada.

Sur le plan opérationnel, les avantages de la tenue des élections à date fixe ne s'arrêtent évidemment pas là. Par exemple, les bureaux des directeurs de scrutin pourraient être prêts à ouvrir dès la délivrance des brefs. L'équipement des communications serait installé et les employés seraient déjà formés. Lorsqu'on parle d'équipement des communications, on parle évidemment des ordinateurs qui jouent un grand rôle dans l'organisation de chaque bureau de directeur de scrutin.

De même, mon bureau pourrait plus facilement trouver et louer à l'avance des lieux de scrutin pratiques pour les électeurs et entièrement accessibles. Si nous le jugions nécessaire, les directeurs de scrutin pourraient également effectuer des mises à jour ciblées du registre national des électeurs en collaboration étroite avec les députés, les partis politiques et les associations de circonscription, et ce un mois avant la date du déclenchement.

C'était d'ailleurs une des propositions de mon rapport de recommandations que j'ai fait précédemment. La liste électorale préliminaire remise aux candidats serait ainsi encore plus à jour dès le début de l'élection et nécessiterait moins de révisions au cours des semaines suivantes.

Avec le système actuel, un des problèmes est que la liste préliminaire n'a pas bénéficié des dernières mises à jour. De cette façon, des mises à jour seraient effectuées avant le déclenchement de l'élection et cela permettrait aux candidats et candidates d'avoir une liste plus à jour pour effectuer le porte-à-porte qui fait partie des traditions canadiennes importantes.

Les élections à date fixe auraient aussi des avantages pour nos activités de rayonnement, d'éducation des électeurs et de publicité que nous pourrions mettre en œuvre plus efficacement avant et pendant les élections générales.

[Traduction]

Toujours sur les plans opérationnel et logistique, l'automne, et particulièrement le mois d'octobre, est un bon moment de l'année pour tenir des élections générales. D'après mon expérience, c'est peut-être même le meilleur moment ou, en bon français, le « moins pire ».

À l'heure actuelle, il est difficile de prévoir à quel point les campagnes électorales seront modifiées par l'établissement d'élections à date fixe. D'autres États, cependant, peuvent servir d'exemple. Lors de ma comparution devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, j'ai signalé que le Conseil du Trésor, par voie de politique, interdit déjà certains types de publicité gouvernementale pendant la période électorale. Dans mes observations préliminaires et dans les discussions subséquentes, je me suis demandé s'il n'y avait pas lieu que l'interdiction s'applique également aux quatre semaines précédant la délivrance du bref électoral, de même qu'aux partis politiques — ce qui reviendrait à interdire la publicité quatre semaines avant la délivrance du bref, lorsqu'on connaît la date des élections. Je crois que des membres du comité ont soulevé brièvement la question lors de la comparution du ministre Nicholson.

En dernier lieu, j'aimerais souligner que le projet de loi C-16 prévoit que le directeur général des élections recommande que les élections aient lieu à un autre moment que le troisième lundi d'octobre, s'il est d'avis que ce jour « ne convient pas à cette fin, notamment parce qu'il coïncide avec un jour revêtant une importance culturelle ou religieuse ». Selon le libellé actuel du paragraphe, il incomberait au directeur général des élections de déterminer ce qu'est un jour revêtant une importance culturelle ou religieuse. Bien sûr, le gouverneur en conseil devrait approuver cette recommandation, le cas échéant.

Depuis 2005, La Loi électorale de l'Ontario comprend une disposition similaire. Le personnel de mon bureau a demandé aux fonctionnaires d'Élections Ontario de quelle manière ils ont traité ce libellé dans la loi qu'ils sont chargés d'administrer. Ceux-ci ont d'abord consulté un grand nombre de groupes religieux ou culturels de la province afin de déterminer quels jours revêtaient pour eux une importance culturelle ou religieuse. Élections Ontario a ensuite entrepris de définir, en contexte, les termes « religion », « culture », et « importance », et de déterminer la signification de l'expression elle-même, c'est-à-dire « jours revêtant une importance culturelle ou religieuse » — afin d'aider le directeur général des élections de la province à prendre une décision.

Nous pouvons certainement nous inspirer du travail accompli par l'Ontario. Toutefois, Élections Canada devra élaborer ses propres critères, étant donné la grande diversité de notre grand pays. Nous accorderons une attention particulière aux recommandations des parlementaires quant à la signification de ces termes.

Monsieur le président, nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions des membres du comité.

Le président : Merci beaucoup de ce tour d'horizon.

Le sénateur Milne : Monsieur Kingsley, je crois qu'en 1992, la Commission Lortie a déclaré que le type de système préconisé dans ce projet de loi ne fonctionnerait pas, car le gouvernement pourrait toujours orchestrer sa propre défaite et ainsi contourner l'échéance de quatre ans. Le commissaire était également d'avis que la proposition d'élections à date fixe posait plusieurs problèmes de taille; c'est pourquoi la Commission Lortie s'était prononcée contre l'adoption de ce type de système.

Lorsque vous avez comparu devant le comité de la Chambre des communes, vous avez déclaré qu'on ne vous avait pas consulté lors de la rédaction de ce projet de loi. Est-ce exact?

M. Kingsley : Oui.

Le sénateur Milne : Vous-même ou des membres de votre personnel avez-vous été consultés par la Commission Lortie pendant que celle-ci préparait son rapport?

M. Kingsley : En 1990-1991?

Le sénateur Milne : En 1992.

M. Kingsley : Oui. Le rapport a été publié en mars 1992, si je me souviens bien. Franchement, je n'arrive pas à me rappeler si je me suis prononcé au sujet de cette recommandation à l'époque, ni si M. Lortie a abordé, à un certain moment, la question de son opportunité avec moi ou mon bureau. Mais cela a très bien pu être le cas. C'était il y a 17 ans, et c'est la première fois qu'on me pose la question. Il faudrait que je consulte mes notes.

Le sénateur Milne : Savez-vous si le gouvernement a examiné le rapport de la Commission Lortie lorsqu'il travaillait à la rédaction de ce projet de loi?

M. Kingsley : Non, je l'ignore.

Le sénateur Milne : Ne trouvez-vous pas étrange qu'à ce moment-là, on n'ait pas tenu compte d'un rapport ayant nécessité 900 séances d'information, 500 présentations publiques et deux années de travail?

M. Kingsley : Je le répète; j'ignore ce que le gouvernement a pris en considération ou pas.

Le sénateur Milne : Ce projet de loi m'indispose. De toute évidence, vous pensez qu'il pourrait vous faciliter la tâche, et c'est certainement le cas. Mais moi, je vois les choses d'un point de vue politique. Vous avez dit que cette mesure législative vous permettrait de déplacer d'au plus sept jours la date de tenue d'un scrutin si elle pose problème. Que feriez-vous dans le cas d'un rite religieux comme le ramadan, qui a lieu chaque année à une date différente et qui dure un mois?

M. Kingsley : C'est pour cela que j'ai indiqué que le Parlement pourrait formuler une orientation, des recommandations ou autre quant à la signification de ces termes. Le terme « culturel », à mon sens, pourrait être encore plus difficile à interpréter que « religion ». Qu'est-ce qu'un événement culturel? Jusqu'à quel point son importance justifie-t-elle qu'on recommande de déplacer la date des élections? Franchement, tous les groupes culturels pensent que les jours importants à leurs yeux méritent qu'on mette de côté d'autres événements. Bien sûr, il faudrait qu'ils soumettent leurs revendications au directeur général des élections, qui déciderait s'il reconnaît l'importance d'un événement culturel. Ensuite, on formulerait, le cas échéant, une recommandation au gouverneur en conseil pour reporter les élections au lendemain ou au lundi suivant.

Le sénateur Milne : Croyez-vous que sept jours constituent une marge de manœuvre suffisante?

M. Kingsley : J'ai dit au comité que je préférais que les élections aient lieu le lendemain, car tout le monde serait prêt. Si nous devons annoncer le report d'un scrutin, on devra le faire plusieurs mois à l'avance afin que tout le monde puisse se préparer en conséquence. Pour la plupart des événements, on saura à l'avance à quoi s'en tenir; mais le ramadan, qui dépend du cycle lunaire, peut poser problème. D'un autre côté, ce serait une occasion de reconnaître l'importance de ce type d'événements religieux pour les Canadiens. C'est le bon côté de la chose.

Vous dites, sénateur, que nous semblons appuyer le projet de loi. En ma qualité de directeur général des élections, je peux témoigner de la façon dont on administre les élections. Je vois les avantages de certaines mesures, mais je ne prétends pas qu'elles régleraient tout. Il y a un problème. Même sous un gouvernement majoritaire, on doit pouvoir réagir rapidement à une situation imprévue.

Le sénateur Milne : Les gouvernements tombent.

M. Kingsley : En vertu du régime parlementaire britannique, les gouvernements majoritaires peuvent tomber. Cela s'est produit dans la plupart des pays où le régime parlementaire britannique est en vigueur depuis un certain temps. C'est même arrivé relativement récemment, en Grande-Bretagne, où ce régime a vu le jour. Le directeur général des élections doit être prêt. Les Canadiens n'accepteraient pas qu'on s'abstienne de tenir un scrutin parce qu'il ne l'est pas. Nous devons nous tenir préparés.

Le sénateur Milne : Monsieur Kingsley, lorsque le ministre a comparu devant nous en décembre, il a fait valoir que la tenue d'élections à date fixe serait susceptible d'accroître le taux de participation — je crois que c'est ainsi qu'il s'est exprimé. Lorsqu'on lui a demandé, à l'autre Chambre, si on avait fait des études corroborant cette affirmation, il n'a pu répondre. Savez-vous si des études ont été réalisées?

M. Kingsley : Je l'ignore, et je crois que le professeur Henry Milner, qui comparaîtra devant vous, a aussi témoigné en ce sens à la Chambre des communes. J'ignore s'il existe de telles études, parce qu'il est difficile d'extrapoler. Il faudrait avoir expérimenté les deux régimes électoraux pour être en mesure de déterminer s'ils ont un effet sur le taux de participation et, même dans ce cas, il faudrait aussi tenir compte des autres variables.

Ce n'est pas une recherche simple à faire, comme nous le constatons en tentant de comprendre pourquoi le taux de participation a chuté aux élections fédérales, même s'il a été assez élevé aux dernières, comme il est important de se le rappeler. Isoler tous les facteurs en cause n'est pas chose facile.

Le sénateur Milne : Lorsque vous quitterez vos fonctions, monsieur, prévoyez-vous recommander à votre successeur de continuer à encourager les jeunes Canadiens à voter, comme vous l'avez fait?

M. Kingsley : J'espère que mon successeur le verra comme une nécessité, car c'est hautement souhaitable. De nombreuses initiatives qui ont été prises doivent être maintenues. Elles sont absolument essentielles pour notre démocratie.

Le sénateur Milne : Je vais répéter, aux fins du compte rendu, ce que je vous ai dit en privé. Vous avez été un excellent directeur général des élections, de même qu'un exemple, sur la scène internationale, quant à la façon d'organiser des campagnes électorales. Vous avez fait la fierté du Canada partout dans le monde. Je vous en remercie.

M. Kingsley : Cela me touche. Merci de l'avoir déclaré publiquement.

Le sénateur Jaffer : Je joins ma voix à celles de mes collègues, les sénateurs Milne et Oliver, pour vous remercier. Comme je vous l'ai dit en privé, merci pour le travail que vous avez accompli, non seulement ici, au Canada, mais également ailleurs dans le monde. J'ai entendu des commentaires favorables lorsque j'ai été à l'étranger. Je vous en remercie également.

Je suis très préoccupée par ce projet de loi. Peut-être pouvez-vous m'aider. Nous utilisons le régime parlementaire britannique, mais nous tentons d'adopter un autre système, les élections à date fixe, qui ressemble davantage au régime de nos voisins Américains qu'au britannique. C'est un peu comme avoir le beurre et l'argent du beurre : nous aurions les deux systèmes en cas de vote de défiance. Vous devrez toujours vous tenir prêts. Dans votre document, vous décrivez les avantages de tenir des élections à date fixe, mais il pourrait y avoir un vote de défiance. C'est très bien si cela fonctionne.

En Colombie-Britannique, nous avons eu des élections à date fixe. Qu'avez-vous retenu de cet exercice?

M. Kingsley : Je pense que demain, votre comité recevra comme témoin mon bon ami Harry Neufeld, directeur général des élections de la Colombie-Britannique. Il sera davantage en mesure de vous en parler. Il est préférable qu'il le fasse lui-même, au lieu que je vous rapporte ses propos.

Le sénateur Jaffer : Nous ne voulons pas savoir ce qu'il vous a dit. Nous allons le recevoir. Croyez-vous qu'on a pu tirer des enseignements utiles de l'expérience? La Colombie-Britannique a organisé des élections de ce type seulement une fois.

M. Kingsley : L'une des choses qui sont ressorties, c'est qu'on aurait pu s'attendre à réaliser d'importantes économies, mais cela ne s'est pas concrétisé. Je peux comprendre pourquoi, mais cela signifie que si la date fixée est respectée, ce sera plus économique, étant donné qu'on doit louer des bureaux pour une période déterminée. La date des élections sera connue, de sorte que les gens ne se retrouveront pas à devoir louer des installations moins adéquates, ce qui est un problème partout au pays. Si la conjoncture du marché locatif est mauvaise, les locataires se retrouvent dans des endroits moins intéressants. Voilà quelques avantages que le régime permet.

J'ai également mentionné, dans mon allocution, que le directeur général des élections pouvait préparer une campagne publicitaire à la veille des élections. À mon avis, si l'on est en situation de gouvernement majoritaire et que celui-ci a franchi le seuil de la troisième année, il y a de 95 à 99 p. 100 de chances qu'une date soit fixée pour le scrutin, auquel cas les gens peuvent s'organiser en conséquence et atteindre les résultats optimaux dont on a dressé la liste et que j'ai mentionnés dans mon allocution. Nous parviendrions à de meilleurs résultats avec un gouvernement majoritaire et une date fixe.

Le sénateur Jaffer : Je m'intéresse à ce que vous avez dit sur les congés de nature culturelle et religieuse. Aucun de mes collègues ne sera surpris d'apprendre que j'observe le ramadan. Peut-être est-ce parce qu'il est un peu tard dans la journée, mais combien de congés de nature culturelle avons-nous actuellement? Je ne sais pas trop ce que vous voulez dire par congés de nature culturelle.

M. Kingsley : Sénateur, je vais vous répondre en vous demandant comment le Parlement définit cette notion dans le projet de loi. Ce n'est pas moi qui ai fait cette recommandation.

Le sénateur Jaffer : C'est la raison pour laquelle je vous demande votre définition.

M. Kingsley : La fête de la Saint-Jean-Baptiste, qui a lieu le 24 juin, est-elle une manifestation culturelle? Je m'excuse du jeu de mots, mais je l'ai célébrée religieusement toute ma vie, avec fierté. D'autres groupes culturels célèbrent des fêtes en octobre. Par exemple, c'est le temps des récoltes à cette époque de l'année au Canada. Certains groupes organisent des festivités à cette occasion, qui sont liées à leur patrimoine culturel. Quelle en est l'importance? À quel moment peut-on dire qu'une de ces fêtes est assez importante pour qu'il convienne de reporter le jour des élections, qui sert à exercer notre devoir démocratique c'est-à-dire à choisir nos représentants? C'est une lourde décision à prendre.

Le sénateur Jaffer : Nous avons peut-être été trop loin en parlant de congés de nature culturelle parce que les demandes vont affluer à ce sujet, mais ce n'est pas de votre ressort. Nous y reviendrons un autre jour.

Ma question n'est pas directement liée au projet de loi, mais je ne peux pas rater l'occasion de vous la poser car, comme vous l'avez dit, c'est probablement la dernière fois que je pourrai le faire. Vous avez fait de l'excellent travail auprès des jeunes électeurs. J'aimerais que vous nous parliez des néo-Canadiens, qui connaissent la plus forte croissance au pays. Que faites-vous pour les renseigner sur les élections? Dans combien de langues diffusez-vous l'information sur les élections?

M. Kingsley : À ce sujet, mon bureau publie le magazine Perspectives électorales. Le prochain numéro traite justement de tout ce que nous faisons. Pour résumer, nous publions des brochures dans plus de 30 langues pour renseigner les gens. Nous diffusons des publicités écrites et télévisuelles dans une trentaine de langues. Il n'y a pas autant de langues pour la télévision, mais nous diffusons des annonces télévisées dans toutes les autres langues que l'anglais et le français qui sont nécessaires pour rejoindre les gens. Ce n'est pas une question de langue dans leur cas, mais nous ciblons aussi les Autochtones. Nous entrons en contact avec les groupes ethnoculturels par les médias écrits, la radio et la télévision. Cela fait partie de notre rôle de rayonnement.

Le sénateur Di Nino : Je vous souhaite moi aussi la bienvenue, monsieur Kingsley. Nous avons évidemment tous eu l'occasion de travailler avec vous. Comme mes collègues, je pense que nous allons regretter votre leadership et l'excellent travail que vous avez accompli au cours des années y compris, comme le sénateur Jaffer l'a dit, votre travail sur la scène internationale, dont vous et moi avons déjà discuté.

J'aimerais revenir un instant sur le pouvoir du directeur des élections de recommander ou d'envisager de modifier la date prévue des élections qui est fixée au troisième lundi d'octobre tous les quatre ans, quand cette journée ne convient pas pour diverses raisons. Je pense que la loi permet de tenir compte de certaines valeurs qu'un grand nombre de Canadiens jugeraient suffisamment importantes pour demander ou exiger qu'on modifie la date des élections en raison du caractère particulier que cette journée revêt pour eux.

Je pense qu'il y a 20 ou 30 ans nous n'aurions pas parlé du ramadan. C'est un phénomène qui est apparu récemment chez nous à la suite de l'immigration de gens extraordinaires en provenance de nombreux pays.

À mon avis, c'est une façon de donner au directeur général des élections, et en bout de ligne au pouvoir exécutif, l'occasion de vérifier l'importance de certains moments et jours de façon à offrir assez de souplesse pour tenir compte des changements inattendus qui se produisent régulièrement dans la société. Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus?

M. Kingsley : Oui, et je souligne que vous avez parlé « d'un grand nombre de Canadiens ». Il est utile de rappeler l'intention du Parlement à ce sujet, c'est-à-dire qu'il doit s'agir d'un nombre important de Canadiens, et pas d'un groupe isolé dans une petite localité qui estime que ses célébrations sont les plus importantes de l'année. Il n'y a pas d'impact national dans ce cas.

Votre exemple est de nature religieuse. J'ai insisté sur les manifestations culturelles dont l'impact, selon moi, est plus difficile à faire comprendre et accepter quand on veut faire une recommandation au gouverneur au conseil.

Disons que les élections ont lieu à date fixe le troisième lundi d'octobre. Y a-t-il une activité culturelle qui commence ce jour-là et qui n'existait pas avant? À partir de quand cet événement est-il devenu d'importance nationale? C'est le problème que j'essaie d'expliquer.

Le sénateur Di Nino : Je comprends.

M. Kingsley : Le fait que la décision est prise par un mandataire du Parlement et non par les représentants élus est un autre problème que j'essaie de vous exposer.

Le sénateur Di Nino : C'est positif dans le sens où on a la possibilité de reconnaître que les choses évoluent et qu'on pourra tenir compte de situations ou d'événements que nous ne pouvons prévoir aujourd'hui. Pour moi ce n'est pas négatif. Je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais je me demande si vous êtes d'accord avec moi là- dessus.

M. Kingsley : Notre discussion est très éclairante parce qu'elle vient de me faire réaliser qu'étant donné que la date prévue dans la loi pour la tenue des élections est le 19 octobre, tout événement culturel tombant maintenant un 19 octobre n'est pas susceptible de faire modifier la date des élections pour le directeur général des élections. Il faudrait qu'il s'agisse de nouveaux événements culturels. Ce n'est pas mal.

Le sénateur Di Nino : Sauf si vous décidez que l'événement est suffisamment important; à ce moment-là, on modifierait la date de toute façon. La loi permet probablement au directeur général des élections de formuler des recommandations.

J'aimerais vous soumettre une observation faite par des amis sur les avantages possibles de cette mesure pour les Canadiens, dans le sens où des élections à date fixe permettraient aux gens de mieux participer au processus électoral parce qu'ils pourraient prévoir leur geste. Qu'en pensez-vous? Est-ce qu'un changement semblable a eu des répercussions du genre ailleurs dans le monde?

M. Kingsley : Je ne peux pas vous répondre parce que je n'ai assisté à la transformation d'aucun système, mis à part celui de la Colombie-Britannique, qui fait partie du régime parlementaire britannique.

Le sénateur Di Nino : Est-ce que la participation des électeurs a changé en Colombie-Britannique?

M. Kingsley : Je ne sais pas.

Quelle était votre première question encore?

Le sénateur Di Nino : Pensez-vous que des élections à date fixe vont favoriser la participation des électeurs?

M. Kingsley : Dans ma déclaration liminaire, j'ai fait remarquer que nos activités de rayonnement, d'éducation et de publicité auprès des Canadiens — pour expliquer la tenue prochaine d'élections, entre autres — seraient plus efficaces. Nous pourrions communiquer plus facilement avec les électeurs. Je pense qu'une participation accrue est possible et c'est ce à quoi j'ai fait allusion dans mes observations. Il y a des inconvénients, mais il y a aussi des avantages et c'en est un, à mon avis.

Le sénateur Di Nino : Vous énumérez de nombreux avantages dans votre document. Je veux insister sur un avantage qui est, pour moi, probablement essentiel. Depuis une dizaine d'années plus particulièrement, on a vu que les élections et leur déclenchement suscitent un certain scepticisme ou cynisme. J'imagine que le projet de loi va contribuer à atténuer sinon à dissiper ce sentiment. Si les Canadiens savent quand les élections auront lieu, et que cela n'est pas laissé à la discrétion du premier ministre, ils pourront prévoir et mieux comprendre que tous les quatre ans, à moins que le gouvernement ne perde la confiance de la Chambre, ils doivent aller voter.

Pensez-vous qu'en plus de favoriser une meilleure compréhension des choses, les élections à date fixe pourraient dissiper le scepticisme et le cynisme qui semblent avoir augmenté au cours des dernières années?

M. Kingsley : C'est difficile pour moi de me prononcer là-dessus parce que c'est un aspect plutôt politique. J'ai fait valoir d'autres avantages des élections à date fixe. Je vais laisser les politiciens juger de l'impact de cette mesure sur le scepticisme des gens.

Le sénateur Di Nino : Je veux m'assurer que, pour le directeur général des élections et ceux qui travaillent avec lui, le fait de pouvoir planifier, préparer et structurer des élections devrait favoriser une meilleure participation. Si c'est le cas, les citoyens aussi pourraient mieux planifier.

M. Kingsley : Comme le l'ai expliqué, je ne peux pas affirmer avec certitude que la participation sera accrue du fait que le directeur général des élections peut offrir un meilleur produit. C'est une extrapolation logique, mais je ne peux pas vous assurer que c'est nécessairement ce qui va arriver. Il faut aussi se rappeler que les gouvernements minoritaires ont du mal à durer quatre ans. Je crois que ce n'est jamais arrivé dans notre pays.

Le sénateur Di Nino : Ce que vous venez de dire est vrai. Ce concept suppose qu'il y a un gouvernement majoritaire et que les élections ont lieu tous les quatre ans. On ne veut assurément pas empêcher le Parlement de défaire un gouvernement et de provoquer des élections, comme cela arrive normalement quand le gouvernement est minoritaire; je suis d'accord avec vous là-dessus.

Le sénateur Fraser : Permettez-moi à mon tour, monsieur Kingsley, de vous rendre hommage. J'ai beaucoup appris au cours des séances de comité auxquelles vous avez participé. Dans les rapports que j'ai eus, en tant que sénateur, avec vous sur différentes questions, j'ai été vraiment impressionnée par votre professionnalisme, votre rigueur et la créativité avec laquelle vous avez parfois envisagé les problèmes que je pouvais vous soumettre.

Je sais que vous avez probablement déjà dû exaspérer tous les partis politiques en insistant pour que la loi et les règles soient suivies, mais je pense que vous avez réussi à faire valoir la grande intégrité de notre système électoral auprès des Canadiens. Il n'y a pas grand-chose de plus important dans une démocratie.

Pour revenir à la question des jours qui revêtent une importance religieuse ou culturelle, vous semblez ne pas trop vouloir que le directeur général des élections tranche à ce sujet et préférer qu'il soit conseillé par le Parlement. Je peux comprendre étant donné que les groupes qui vont essuyer un refus vont croire qu'il y a du favoritisme ou qu'ils sont victimes de discrimination. C'est humain.

Je comprends également que, dans un projet de loi de cette nature, on ne veuille pas énumérer de dates importantes. On risque de vraiment froisser ceux qui seraient oubliés. Par ailleurs, comme on l'a fait remarquer, la société évolue. Ce qui est d'importance nationale aujourd'hui peut ne plus l'être dans 25 ans, comme ce qui est important aujourd'hui ne l'était peut-être pas il y a 25 ans.

Que pouvons-nous faire? Pensez-vous qu'il serait utile que votre successeur puisse obtenir les conseils du Parlement, disons, six mois avant la date prévue des élections; qu'il comparaisse devant un comité parlementaire à qui il demanderait quoi faire étant donné que, cette année, la date prévue tombe le même jour que tel festival religieux ou culturel, par exemple?

M. Kingsley : C'est une excellente idée, madame le sénateur. Mon successeur devrait trouver cela d'un grand secours parce que c'est une décision difficile à prendre seul. Il est certain que le directeur général des élections a des collaborateurs qui peuvent le conseiller, mais il reste que c'est lui qui formule la recommandation. Sa décision risque de jeter l'opprobre sur sa fonction. Il serait utile qu'il puisse discuter de la situation avec un comité parlementaire, un comité sénatorial, pour avoir son point de vue. Je crois que ce serait des plus utiles pour le directeur général des élections. Je recommanderais fortement que mon successeur le fasse, même si ce n'est pas prévu dans le projet de loi. Le directeur des élections devrait demander cette rencontre pour savoir ce que les parlementaires pensent.

Le directeur général des élections pourrait aussi expliquer la situation qu'il entrevoit et demander aux gens, sur le site web, s'ils jugent que tel événement est important en fonction de certains critères qui seraient énoncés. Les parlementaires pourraient ensuite se prononcer sur ce que les Canadiens ont jugé important. Je crois que ce serait formidable. C'est ce qu'il faudrait pour que la formule fonctionne.

Le sénateur Fraser : Vous avez bien résumé les avantages des élections à date fixe, des avantages envisagés, j'imagine dans certains cas. Comme vous l'avez dit, rien n'est parfait. Tout aspect positif a son revers. Quels sont les inconvénients possibles, prévisibles d'élections à date fixe, selon vous? Je sais que vous n'aimez pas parler de considérations constitutionnelles, et ce n'est pas ce que je vous demande.

M. Kingsley : Si le gouvernement est majoritaire, les gens vont s'attendre à ce que les élections aient lieu à une date fixe. Pour le directeur général des élections et la gestion du processus, la planification est plus simple et il peut y avoir un peu de laisser-aller. Quand on a eu un premier gouvernement minoritaire, nous avons constaté que notre planification était organisée en fonction de gouvernements majoritaires. Nous n'en avions pas pris conscience avant parce que nous n'avions pas connu autre chose. C'est un risque, le directeur général des élections doit prévenir ce genre de situation et veiller à ce que les gens soient prêts si des élections sont déclenchées, même dans le cas d'un gouvernement majoritaire. S'il est minoritaire, il le serait.

J'ai parlé des problèmes qui pourraient survenir si la publicité n'est pas encadrée. On va diffuser beaucoup d'annonces la veille de la délivrance du bref. Si tout le monde le fait, d'accord. Par ailleurs, on pourrait interdire la publicité 28 jours avant la délivrance du bref, parce que qui veut faire des annonces 28 jours avant? Cela peut en intéresser certains, mais l'effet n'est pas le même. Ceux qui annoncent une voiture veulent vous la vendre tout de suite, pas 28 jours plus tard. Ils veulent une réaction immédiate. Je pense que les élections à date fixe vont changer la mentalité des gens qui planifient des élections pour les partis et les candidats. Connaître la date va changer les choses, parce que les possibilités seront les mêmes pour tous ceux qui sont bien organisés.

Évidemment, on ne peut prévoir toutes les répercussions possibles, même en observant la manière de procéder des Américains avec leurs élections à date fixe. Nous avons remarqué que leurs campagnes électorales durent longtemps parce que les primaires se tiennent très tôt; leur système est ainsi fait. Au Canada, ce n'est pas pareil. Les partis aimeraient peut-être nommer leurs candidats plus tôt, ce qui ne serait pas si mal non plus. En ce moment, il est difficile de prédire ce que ce système amènerait de fâcheux et de bénéfique. Je ne sais pas encore tout à fait quoi penser parce qu'il est difficile de prévoir toutes les conséquences. C'est la meilleure réponse que je puisse donner.

Je pense qu'il faudrait une entente pour que les lignes directrices du Conseil du Trésor sur la publicité prennent effet 28 jours plus tôt. Le gouvernement ne devrait pas faire de publicité au cours des 28 jours précédant le déclenchement des élections. Cette interdiction devrait être facile à appliquer. Il suffit d'émettre une directive comme quoi les publicités du gouvernement doivent traiter de questions essentielles et viser la sécurité ou la santé des gens. Il y a une définition dans ces lignes directrices. Il suffirait simplement de le faire plus tôt, et je pense qu'il faudrait recommander que ce soit respecté.

[Français]

Le sénateur Joyal : Nous avons tous un certain pincement au cœur, monsieur Kingsley, en vous voyant pour la dernière fois dans le rôle du directeur général des élections. Peut-être aurons-nous éventuellement le plaisir de vous recevoir à nouveau à titre de témoin pour un autre organisme prestigieux, devant ce comité ou devant d'autres comités du Sénat.

Cela dit, à la lecture de ce projet de loi qui semble relativement simple à comprendre, je constate qu'il contient beaucoup de non dit. Par exemple, à l'article 56.2 du projet de loi C-16, il est mentionné que deux situations peuvent mener au report de la date d'une élection; soit un jour de fête culturelle ou religieuse d'importance, ou encore la tenue d'une élection provinciale ou municipale.

Mais vous savez très bien que, de par votre expérience, d'autres circonstances — à mon avis tout aussi importantes — dans la vie démocratique du pays peuvent conduire à la décision de reporter une élection.

Laissez-moi vous en donner une qui me vient à l'esprit, en tant que Canadien du Québec : un gouvernement au Québec qui déciderait de faire un référendum. Par exemple, si j'interprète l'article 56.2, on parle d'une élection provinciale ou municipale, mais pas d'une consultation populaire.

On ne pourrait donc pas, théoriquement, reporter l'élection fédérale en fonction de ce projet de loi tel qu'il est rédigé si un gouvernement, dans une province, avait une consultation populaire sur une question d'importance provinciale autour de la consultation. Voilà donc un exemple qui n'est pas couvert par le projet de loi.

Je vais vous en donner un autre. Il y a quelques années, une catastrophe importante a eu lieu au Manitoba; la rivière Rouge a débordé de son lit d'une manière exceptionnelle.

[Traduction]

Bien entendu, on me dira qu'il n'y a normalement pas d'inondations en octobre, mais il pourrait y avoir d'autres cataclysmes de même importance. Je me rappelle bien qu'à ce moment-là, le Parlement débattait de la possibilité de ne pas déclencher les élections parce qu'une importante partie de la population manitobaine ne pourrait se rendre aux urnes facilement, étant donné la température et les problèmes qui en découlaient.

Il n'y a rien au sujet de ces événements, mais avec les changements que connaît le climat aujourd'hui, nous sommes ouverts à presque toutes les propositions. On a connu de tels phénomènes par le passé.

L'article 4 de la Charte canadienne des droits et libertés mentionne d'autres éventualités : la guerre, l'invasion ou l'insurrection. Dans de tels cas, l'article prévoit que le mandat d'un Parlement peut être prolongé si cette prolongation ne fait pas l'objet d'une opposition exprimée par les voix de plus du tiers des députés.

À première vue, le projet de loi semble facile à comprendre. Toutefois, lorsqu'on l'applique au contexte pratique du monde de la vie démocratique, c'est moins simple que l'on pense. S'il faut reporter la date à cause d'un événement culturel important, ne devrait-on pas aussi la reporter si une grande partie de la population ne peut aller voter ou si les citoyens d'une province sont appelés à se prononcer lors d'une consultation populaire sur une question politique fondamentale pour notre pays?

J'ai pris connaissance du projet de loi et il est facile à comprendre, mais difficile à savoir comment le mettre en pratique. Légiférer en la matière aurait pour effet d'éliminer la souplesse de notre système actuel, qui permet de faire face efficacement aux situations que j'ai évoquées. Certes, on peut dire que la décision dépend du bon vouloir du premier ministre et que cela favorise celui du moment, au détriment des autres partis politiques, et cetera. Nous avons entendu cet argument. Le système actuel présente cependant deux avantages majeurs : la souplesse permettant d'accommoder certains groupes ou ceux faisant face à des problèmes climatiques difficiles.

S'il nous faut décider d'avoir des élections à date fixe, nous devons être réalistes et penser à ces avantages.

[Français]

M. Kingsley : Concernant la question reliée aux référendums provinciaux, vous avez raison, le projet de loi ne permettrait pas au directeur général des élections de recommander qu'une date d'élections soit retardée. C'est clair et évident.

[Traduction]

Pour ce qui est de votre inquiétude à propos des désastres naturels, sachez que cet élément est régi par la loi, comme quoi le directeur général des élections a l'autorité de recommander le report d'une élection au gouverneur en conseil en cas de catastrophe naturelle. J'ai mes craintes quant au fait d'accorder autant de pouvoir discrétionnaire au directeur général des élections pour faire de telles recommandations, craintes fondées en partie sur mon expérience des élections de 1997 au Manitoba. Le directeur général des élections avait dû se rendre au Manitoba pendant les élections afin de prendre une décision. Dans ce cas, toutefois, j'ai choisi de ne pas recommander le report, puisque le processus de consultation que j'avais mené me permettait de conclure — avec les acteurs politiques des sept circonscriptions de la province touchées par l'inondation — que ce n'était pas nécessaire, compte tenu de l'évolution de la situation.

Cependant, des pressions ont été exercées par certains milieux pour qu'il y ait un délai, et que je fasse cette recommandation. Le cabinet n'était pas habilité à agir sans ma recommandation, alors il ne l'a pas fait. La participation au Manitoba a été la même que partout au Canada, alors il n'y a pas eu d'incidence, et j'en ai été heureux. Quoi qu'il en soit, la situation a révélé le type de stress qui était relié au poste.

En ce qui concerne votre troisième exemple, la guerre et l'insurrection, j'ai confirmé avec Diane Davidson qu'il semble bien que cet article ne s'applique pas à ce genre de situation. Le directeur général des élections considérerait cela comme une catastrophe, puisque les catastrophes sont définies.

En réalité, nous parlons de votre première préoccupation, un référendum. Pour les autres, le directeur général des élections peut user de sa discrétion pour prendre une décision, puisqu'il jouit de pouvoirs discrétionnaires quand il s'agit d'une situation culturelle prévue dans cette loi. Il y a pouvoir de discrétion pour les deux situations que vous avez décrites, mais pas pour les référendums.

Le sénateur Joyal : Alors ne devrions-nous pas donner ce pouvoir au directeur général des élections à l'article 56.2?

M. Kingsley : Au sujet des référendums?

Le sénateur Joyal : Oui, donner le pouvoir dont jouit actuellement le directeur général des élections de reporter une élection en partant du principe que cette loi crée l'obligation de tenir le scrutin à cette date. Le projet de loi prévoit des exceptions, mais ne devrions-nous pas inclure les référendums, pour que votre loi ne soit pas en contradiction avec celle-ci? Actuellement, le projet de loi C-16 stipule que les élections doivent avoir lieu un certain jour, avant une certaine heure, bien que le directeur général des élections a le pouvoir de reporter ces élections. Le directeur des élections a ce pouvoir, et je pense qu'il devrait le conserver.

Ne devrions-nous pas inclure les référendums au même titre qu'une journée culturelle ou une journée d'élections provinciales? De cette manière, nous saurions que le gouverneur en conseil peut prendre une décision en se fondant sur votre recommandation et, ainsi, ne pas enfreindre cette loi?

M. Kingsley : Il faudrait que je réfléchisse au libellé, mais je ne vois pas en quoi le projet de loi a une incidence sur le pouvoir du directeur général des élections prévu à l'article que j'ai indiqué, qui comprend une catastrophe naturelle, la guerre et l'insurrection. Cette disposition doit rester distincte, à mon avis, parce que cette situation peut survenir en pleine élection. Cet article peut être invoqué, tandis que la clause de ce projet de loi exigerait que soit déterminées à l'avance les dates des manifestations religieuses et culturelles, et celles des élections municipales et provinciales. S'il y a une volonté politique d'inclure les référendums, alors ils le seraient, mais les référendums seraient couverts par ce projet de loi, plutôt que de modifier l'article sur les situations imprévues.

Le sénateur Joyal : Pour nous assurer de conserver la flexibilité nécessaire, ce projet de loi devrait reconnaître l'existence de cette flexibilité dans les limites du mandat et des pouvoirs du directeur général des élections. Nous ne voulons pas susciter de doute que quelque chose ne peut se faire parce qu'il y a une date fixe d'élections, un doute que nous n'avions pas quand la date dépendait de la convention. C'est différent maintenant, et il n'y a plus de convention. En fait, l'objet de ce projet de loi est de modifier la convention et d'en faire une loi. Si nous modifions la convention et en faisons une loi, nous devons nous assurer que toute exception que comporte déjà la loi est reconnue dans la loi principale qui fixe la date des élections. C'est là où je veux en venir, en gros. Je ne voudrais pas argumenter plus longtemps là-dessus, au plan juridique, mais je pense que vous comprenez ce que je veux dire. Ce n'est pas pour supprimer cette responsabilité, mais m'assurer qu'elle est reflétée dans la loi principale qui contient la date des élections, qui deviendra le cadre de travail du directeur général des élections.

M. Kingsley : C'est cela.

Le sénateur Joyal : Mon autre question concerne la page 5 de votre document.

Le président : Puis-je poser une autre question avant que vous posiez la vôtre?

Le sénateur Joyal : Certainement.

Le président : Si on regarde le libellé de la modification au paragraphe 56.2(1), peut-être deux mots pourraient-ils régler le dilemme dont parlait le sénateur Joyal. Dans le temps, quand ils rédigeaient des lois, les rédacteurs disaient quelque chose du genre « notamment, mais non de façon limitative ». Ils ont employé le terme « notamment » dans ce projet de loi, mais il est précédé de « convient ». Il me semble que « convient à cette fin » est le principal élément de discrétion accordé au directeur général des élections, et « convenir à cette fin » est extrêmement vaste et peut couvrir toutes les situations d'urgence dont a parlé le sénateur Joyal.

Quand on voit les termes, d'abord « notamment », mais encore plus important « convient à cette fin », je suis sûr que c'est assez vaste pour englober les situations d'urgence et donner un généreux pouvoir discrétionnaire au directeur général des élections. Ne le pensez-vous pas?

M. Kingsley : Il n'y a pas de raison de ne pas en convenir, sénateur. Il m'est difficile de me prononcer dans un sens ou dans l'autre, parce que je ne comprends pas tout à fait ce qu'a dit le sénateur Joyal sur la nécessité que ce pouvoir soit inclus dans la loi principale. J'y vois un ajout qui est déjà dans la loi.

Le président : Cette formulation est pour une modification à la Loi sur les élections.

M. Kingsley : Donc, c'est pour modifier la loi.

Le président : C'est dans la loi.

M. Kingsley : Mais c'est pour modifier la loi principale.

Le président : Oui.

Le sénateur Joyal : Nous allons réfléchir à l'interprétation pouvant être donnée à ces termes qui se succèdent, dans le contexte dont j'ai parlé.

M. Kingsley : L'article 59 traite du pouvoir du directeur général des élections en cas de catastrophe, et cetera, de faire une recommandation. Ce pouvoir peut-être exercé n'importe quand pendant le processus et n'est pas lié à la nécessité de savoir en août qu'il y aura une catastrophe naturelle en octobre. Je pense que ce pouvoir devrait être révisé, à la lumière des commentaires que vous avez faits, pour déterminer s'il est nécessaire de modifier le projet de loi.

Le sénateur Joyal : Je vais étudier cela, parce que maintenant, nous avons une période fixe de trois mois. La décision doit être prise au moins trois mois avant la date fixée des élections parce que comme vous le voyez au paragraphe (5) de la même modification à l'article 56.2, il stipule :

Le décret prévu au paragraphe (3) ne peut être pris après le 1er aout de l'année pendant laquelle l'élection générale doit être tenue.

Autrement dit, tout doit être prévu ou existant au plus tard le 1er août. Pour tout ce qui se passe après 1er août — comme je le disais, prenons un référendum qui serait décidé au début de septembre — le directeur général des élections ne serait pas visé par l'article 56.2 parce que cela arriverait après.

M. Kingsley : Oui, mais d'un autre côté, si cela devait arriver, il faut se rappeler qu'il y a une législature provinciale qui prend une décision sachant qu'il y aura des élections fédérales à ce moment-là. Les deux compétences doivent se respecter mutuellement pour ce genre de choses.

Le sénateur Joyal : En principe, le comité existant devrait y veiller. Je ne veux pas citer de noms ou de situations politiques survenues dans ma propre province, mais j'ai vu prendre des initiatives, parfois, qui visaient à créer des conflits et des difficultés. Je ne voudrais pas en dire plus, mais le sénateur Di Nino a de l'expérience, et je pense qu'il saura comprendre entre les lignes ce dont je parle.

Si je peux revenir à la page 5, vous avez soulevé la question de la prolongation de l'interdiction quatre semaines avant la proclamation du décret des élections. Vous vous demandez si l'interdiction devrait être élargie pour couvrir les partis politiques.

À la lecture de ce que vous avez écrit, j'ai eu plusieurs réactions. Tout d'abord serait-ce contraire à la Charte et à la liberté d'expression? C'est une longue période; et quand on a interdit la publication du scrutin, il y a d'amples discussions et débats sur la liberté d'expression. Quatre semaines avant la proclamation du décret, c'est long, alors il faudrait qu'on règle cette question d'abord.

La deuxième chose est que vous parlez de « partis politiques ». Et si vous interdisiez aux partis politiques de faire de la publicité, mais permettiez la publicité par des tierces parties? Les tiers, bien entendu, sont couverts, maintenant, depuis le jugement de la Cour suprême du Canada au sujet d'une initiative de la National Citizens Coalition, à l'époque où M. Harper en était membre. Si nous limitons la publicité, ne devrions-nous pas envisager d'inclure la publicité par les tierces parties? Aussi, comment concilier la restriction de la publicité par des tiers avec le fait que ces tiers ont un budget limité, selon la Loi électorale?

Je comprends ce qui vous motive. Vous voulez préserver l'équilibre entre les partis. Maintenant que les petits partis et leurs droits de participer à égalité ont été reconnus — je sais que certains aspects sont encore débattus en cour, mais le principe général y est — comment conciliez-vous ceci avec le principe qu'a déclaré la Cour suprême en rapport avec la Charte et la liberté d'expression?

M. Kingsley : Ce que j'ai dit doit être vu comme quelque chose sur quoi le comité devrait se pencher, comme je l'ai dit à la Chambre, et non pas comme une recommandation. J'ai dit que le comité devrait y réfléchir; et vous avez émis un excellent argument sur la raison pour laquelle nous devrions faire attention à l'interdiction de la publicité avant le début des débats, à mon avis, en citant la Charte.

Bien entendu, si on veut envisager n'importe quel type d'étendue d'une interdiction avant une période électorale, alors on suscite cette question. Il pourrait être plus simple de laisser tomber et de voir s'il y a un problème. Ce serait plus simple que de réfléchir à savoir si cette interdiction devrait être étendue aux tierces parties, ce qui n'a jamais été envisagé. J'ai dit que j'allais demander s'ils pensent que c'est ce qui devrait se faire.

J'ai émis un avis ferme au sujet de la directive du Conseil du Trésor sur la publicité par le gouvernement, mais pas au sujet des partis politiques. Je voulais néanmoins soulever le sujet afin que le comité ait l'occasion de se pencher sur lui, et qu'il ne soit pas laissé de côté. En parlant de la Charte, votre argument est solide. Il faudrait faire attention avant de s'engager sur ce terrain piégé.

Le sénateur Joyal : Nous voyons un problème actuellement. À la façon dont je vois la situation progresser, nous avons des règles strictes qui régissent les dépenses pendant les périodes électorales. Le directeur général des élections est là, avec tous ses collaborateurs pour surveiller, vérifier et répondre aux plaintes, pour s'assurer que les règles du jeu sont appliquées équitablement pendant la période électorale.

Maintenant, nous constatons que certains partis pourraient avoir beaucoup d'argent. Ils savent que vous garderez l'œil sur eux pendant la campagne, et ils veulent trouver des moyens de dépenser cet argent. Nous pourrions constater qu'en essayant d'être équitables pendant la période électorale, nous créons, dans les mois qui précèdent la soi-disant date fixée des élections, la situation suivante.

[Français]

Les partis se délesteront des sommes qu'ils ont et se lanceront dans des campagnes massives de publicité, parce qu'ils savent qu'à partir du jour J, ils ne peuvent plus vous faire entrer en jeu pour surveiller tout le monde. Je n'ai pas d'objection à cela. Pour s'assurer que la courte période électorale soit juste pour tout le monde, on provoquera une situation où toutes les sommes seront dépensées avant.

L'objectif que l'on voulait atteindre d'un côté à créé un problème de l'autre. Vous arrivez maintenant avec une proposition qui semble nous faire réfléchir sur cette réalité.

M. Kingsley : C'est l'objectif visé par le fait d'avoir soulevé ce questionnement. Je crois qu'il serait peut-être mieux de ne pas modifier le texte de loi à cet effet, mais plutôt d'attendre de voir quel est l'effet pour une première campagne qui aurait lieu à une date fixe. Il est toujours bon d'avoir une expérience avant de faire cela. J'ai cru bon de soulever la problématique.

Évidemment, si j'avais un conseil à donner à un parti, ce serait d'attendre le samedi ou la semaine avant le début de la campagne pour faire de la publicité, si vous avez des montants qui vous brûlent les doigts.

[Traduction]

Le sénateur Bryden : Je ne veux pas m'étendre plus longuement en félicitations — ça vous montera tellement à la tête que vous ne sauriez pas trouver la porte — sauf pour dire que quand quelqu'un comme vous quitte un poste comme celui-ci, je me rends compte de l'excellence de notre système démocratique, dans sa plus grande partie, au Canada, et combien il fonctionne bien et ce depuis quelque 130 années. Notre système électoral est irréprochable. Il est ouvert, juste et compétent, et c'est grâce aux gens qui travaillent tous les jours sous votre direction et avec vous pour les guider, et pour qui cela représente beaucoup. Je vous en félicite, comme nous le faisons tous, et vous devez partir en ressentant beaucoup de satisfaction de quitter ce poste essentiel en meilleur état qu'à votre arrivée.

M. Kingsley : Je vous remercie beaucoup, sénateur.

Le sénateur Bryden : Il est très important pour nous, en tant que politiciens, qu'il n'y ait pas de situations où d'importantes décisions sont prises en fonction de ce que les trous aient été percés ou non ou si la machine a fonctionné, et que les décisions qui ont touché notre monde à notre époque sont fonction de ce qu'un parti ait la meilleure équipe d'avocats et les juges les plus sympathiques à leurs causes. Ce n'est pas ainsi dans notre pays, et cela arrive parfois, pas très loin.

Nous ne voulons pas courir le risque de tenter de simplifier, faciliter ou même, moins charitablement, copier soit nos voisins du sud ou une autre démocratie qui applique une approche différente de celle des dates fixes et qui ne fonctionne pas selon le système parlementaire britannique. Nous ne voulons pas risquer qu'il y en ait qui sautent sur la première occasion de faire une brèche dans cette fondation.

Le pire, quand on intervient à la fin, c'est que tout le monde a posé les bonnes questions. Vous avez fait remarquer qu'il y a des choses qu'il faudra examiner après que la loi ait eu la chance d'être appliquée. Y a-t-il dans la loi elle- même, pas dans ce projet de loi, une disposition d'examen régulier de cette loi par le Parlement?

M. Kingsley : Non, dans la Loi électorale, il n'y a pas d'article portant sur l'examen automatique de la loi, mais je peux vous dire que c'est probablement la loi qui a le plus souvent changé au Canada et, par conséquent, l'attention des parlementaires est souvent concentrée sur elle. Maintenant, je fais des recommandations de manière cyclique, parfois en fonction d'élection, parfois en fonction d'autres événements, qui amènent automatiquement les comités parlementaires et du Sénat à m'entendre sur ces questions. Je suis sûr que ce processus continuera, parce qu'il est devenu un aspect important du travail.

Je pense que la question fondamentale que vous posez aussi, c'est s'il devrait y avoir un examen cyclique de la loi, et s'il devrait y avoir un examen après des événements particuliers. Certains changements ont été apportés à la loi au sujet du financement, si je me souviens bien, dans le projet de loi C-24, qui exigeaient un examen de l'impact. J'ai récemment remis au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre un rapport répondant à sept questions qui m'avaient été posées sur les dispositions financières de la loi. Je leur ai écrit cette semaine et je leur ai remis le rapport, alors on peut supposer que cela fera surface. Bien évidemment, si ce comité le souhaite, je lui ferai volontiers parvenir des copies de ce rapport.

Le président : Cela nous intéresserait.

M. Kingsley : Ce sera fait à la première heure demain matin, monsieur. L'ordre sera donné ce soir-même.

Le sénateur Bryden : À l'exception des activités environnementales menées en Colombie-Britannique, et un témoin de là-bas doit venir demain — ils ne sont pas très différents de l'autre côté des montagnes — ne serait-il pas pertinent que ce comité envisage de recommander un article de révision pour ce projet de loi particulier et cette expérience qui est intégrée à notre système? Je suppose que 10 ans serait une période utile pendant laquelle les cycles se compléteraient et la plus grande partie de ce qui peut arriver arriverait. Que penseriez-vous d'un examen tous les 10 ans?

M. Kingsley : Je pense qu'il faudrait faire un examen de la loi après chacune des deux premières élections pour que les parlementaires soient satisfaits que la loi fait ce qu'elle est censée faire, plutôt que d'attendre tout ce temps. Il pourrait y avoir une réaction, quelque chose pourrait arriver lors des premières élections qui n'aurait pas été prévu ou qui pourrait fonctionner bien la première fois mais pas la deuxième. Je pense que la loi devrait faire partie de ce dont le directeur général des élections fait rapport si le problème est de nature administrative. S'il est de nature politique, le comité devrait soulever cette question au moment opportun.

Le sénateur Bryden : Dans ce cas, c'est probablement maintenant qu'il faudrait en décider. Je pense que le comité devrait envisager la possibilité d'apporter une modification stipulant qu'il faut un examen de cette loi après chaque élection. Cette disposition éliminerait l'obligation que quelqu'un demande un examen; ce serait une exigence. Vous pouvez dire ce que vous en pensez, si vous voulez.

M. Kingsley : Je pense que le comité devra en arriver à cette décision. À mon avis, c'est ce qui devrait être, que ce soit une exigence législative ou non. Je pense qu'un examen devrait se faire naturellement à cause de son importance politique. Il est évident que les parlementaires seront intéressés, comme les sénateurs, à faire cet examen.

Le sénateur Bryden : Peut-être bien, mais il peut arriver que la volonté de procéder à un examen dépende de ce qu'on arrive gagnant ou perdant, et qui y aurait avantage.

J'avais prévu d'entamer cette discussion au sujet de la modification du paragraphe 56.2(1), qui stipule que le jour des élections doit être un lundi, à moins que le directeur général des élections « est d'avis que le lundi qui serait normalement le jour du scrutin en application du paragraphe 56.1(2) ne convient pas à cette fin, notamment [...] » À l'instar de notre président, je pense que cet article n'est pas du tout limitatif et rien n'y dit que cette liste est exhaustive ou même de type ejusdem generis. S'il y avait des situations où il n'est pas du tout logique de faire ceci, alors avec cette disposition, vous pouvez probablement faire ce changement.

J'étais aussi intéressé à ce qui constituerait une journée revêtant une importance culturelle ou religieuse. Puisque le jour suggéré ici est le troisième lundi d'octobre, et le lundi 19 octobre pour 2009, les questions qui me sont venues à l'esprit c'est quand est-ce que Kitchener-Waterloo peut célébrer son Oktoberfest? Cette manifestation est d'importance culturelle. Avec une date fixe, je pense que nous pourrions nous retrouver à recevoir des demandes bizarres de report de la date et, de fait, cela pourrait finir avec un procès.

Je pense que ce qui arrivera probablement, c'est qu'avec le temps, la date du précédent deviendra, si cela fonctionne, la Journée des élections au Canada. La Journée des élections deviendra connue et les gens s'y intéresseront et ce sera en vigueur.

Si vous acceptez que l'Oktoberfest de Kitchener-Waterloo soit une manifestation revêtant une importance culturelle, la saison de la chasse à l'orignal commence à peu près à la même époque au Nouveau-Brunswick, et rien ne revêt plus d'importance culturelle au Nouveau-Brunswick.

Je voulais demander si vous pensez que la date fixe encouragera des campagnes plus longues. Je ne sais pas si c'est tout à fait vrai, mais le système, aux États-Unis, pour les élections des membres de la Chambre des représentants, les met dans une situation où ils sont toujours en campagne. Quand commence la prochaine campagne électorale? La plupart des candidats à la Chambre des représentants disent que c'est le lendemain de leur victoire aux dernières élections qu'ils commencent à recueillir des fonds, et cetera. Certains d'entre nous, au Sénat, pourrions penser que ce n'est pas une mauvaise idée, puisque les députés élus y consacrent tout leur temps, et le pouvoir législatif repose vraiment sur les sénateurs.

Est-il possible, dans votre esprit, que du fait que la date soit fixée deux ans avant les élections, un titulaire qui prévoit poser à nouveau sa candidature concentre son attention sur sa réélection aussitôt que possible, et peut-être, ne fasse pas tellement de travail de politique publique pour ses électeurs? Les membres de la Chambre des représentants ont cette réputation aux États-Unis. Ils ont des mandats décalés de deux ans.

M. Kingsley : Il est difficile de faire des hypothèses là-dessus, parce que maintenant, même avec une date qui n'est pas fixe, je suis sûr que les partis politiques projettent une certaine date et agissent en conséquence. J'ai suffisamment foi dans la nature humaine pour penser qu'il y a ce genre de projection. Cependant, comme la date n'est pas fixe, il tiendrait compte de plus de variables. Je ne sais pas si les élections à une date fixe créeront beaucoup de changements dans la stratégie de campagne à part le fait qu'ils savent quand cela va arriver. Une date fixe pour les élections supprime certains impondérables et leur permet de planifier leur stratégie peut-être mieux que quand la date n'est pas fixe, et n'est pas connue. C'est tout ce que je peux me permettre comme hypothèse.

Le sénateur Bryden : Dans une certaine mesure, c'est un acte de foi dans le bon fonctionnement des élections à date fixe. Nous n'avons pas beaucoup de données sur lesquelles nous fier, à ce que je sache, dans ce pays. Cela ne fait pas longtemps qu'existe ce genre de choses. Certains d'entre nous voyons des problèmes constitutionnels avec la période de quatre ans, mais ça ne relève pas de vous.

Je vous remercie et vous souhaite bonne chance dans vos nouvelles entreprises, et vous devez nous en tenir au courant. Je ne sais pas si vous avez envoyé des courriels, ou quoi.

M. Kingsley : Je vous le dirai avant la fin de cette réunion.

Le sénateur Di Nino : Il pose sa candidature au Sénat.

Le président : Monsieur Kingsley, il ne reste presque plus de temps, mais j'aimerais vous poser deux autres questions, si vous permettez. Après cela, le comité doit se réunir à huis clos.

Votre bureau a consacré beaucoup de temps à la préparation d'un document intitulé « Avantages de la tenue des élections à date fixe ». J'aimerais souligner aux fins du compte rendu certains des efforts qui ont été déployés pour isoler ces éléments. Par exemple, je lis dans ce document :

On peut prévoir que l'établissement d'une date fixe pour les élections générales aurait les avantages administratifs suivants, surtout dans le contexte de gouvernements stables.

Amélioration de la révision ciblée ainsi que de la couverture et de l'exactitude des listes électorales :

Le recensement ciblé pourrait débuter trois semaines avant la délivrance des brefs.

Les électeurs disposeraient d'une période plus longue pour s'inscrire ou mettre à jour leurs renseignements.

Nous disposerions d'une période plus longue pour coopérer avec les partis politiques et les associations locales aux problèmes critiques.

Le processus d'inscription des électeurs serait plus efficace et efficient.

Les directeurs du scrutin auraient le temps et la marge de manœuvre qu'il leur faut pour choisir parmi diverses méthodes d'inscription des électeurs celles adaptées à leur contexte.

Et cetera.

Ensuite, vous avez une autre section intitulée « Amélioration de l'information et de l'éducation des électeurs », dont le sénateur Di Nino a parlé. Et puis vient une autre section :

Avantages sur le plan opérationnel :

Les bureaux des directeurs du scrutin pourraient ouvrir jusqu'à un mois avant la délivrance des brefs (mi- août).

Les baux de ces bureaux pourraient être confirmés avant le début de l'élection — on n'aurait plus à louer à la dernière minute des locaux très coûteux.

Et cetera.

Ensuite, vous abordez même la question des « réductions potentielles des coûts », et j'ai trouvé cela très intéressant. Vous parlez d'« appels d'offres auprès des fournisseurs de services et de locateurs locaux » si une date fixe est connue, et de « réduction des coûts d'entreposage et de préparation de l'équipement informatique ». Vous parlez de « prestation plus près de l'élection — et non seulement une estimation hasardeuse — de la formation du personnel à Ottawa et dans les régions », d'acquisitions « et assemblage plus efficient du matériel et des fournitures, et plus besoin de reconstituer « au cas où » des stocks qui risquent de changer ». Je tiens à vous remercier, de même que votre bureau, pour avoir pris le temps de préparer ce document. Il fera partie du compte rendu, mais je tenais à en souligner certains éléments parce que je ne voudrais pas que vos efforts aient été vains, et ce document est utile au comité.

J'aimerais vous poser une autre question. La date traditionnelle à laquelle un grand nombre de personnes qui louent des logements au Québec déménagent est le 1er juillet. Cette pratique entraîne de nombreux changements d'adresse. Il y a certaines préoccupations au sujet du temps nécessaire pour que ces changements à grande échelle soient incorporés au registre national des électeurs et reflétés dans les listes des électeurs fournies aux agents du scrutin.

Est-ce qu'Élections Canada a le personnel et d'autres ressources en place pour s'assurer que les Québécois qui déménagent à cette date soient inscrits à temps pour le jour des élections? Y avez-vous songé?

M. Kingsley : Nous y avons longuement réfléchi, monsieur le président. D'ailleurs, j'ai fourni une longue réponse par écrit au comité de la Chambre sur cette question, que je peux résumer pour vous. Je peux aussi vous faire parvenir une copie de ce document.

Le président : Nous aimerions les avoir tous les deux.

M. Kingsley : Pour ce qui est des sommaires, nous conclurions des ententes avec les fournisseurs de données comme le directeur des élections du Québec, et ainsi nous recevrions les renseignements plus rapidement que maintenant, à des fins de mise à jour. Nous le ferions avec d'autres fournisseurs de données aussi, non pas seulement au Québec, même si cette province compte pour beaucoup dans cet examen.

Je pense que nos listes contiendraient deux tiers ou trois quarts des changements survenus en juillet, selon la capacité du directeur général des élections du Québec de faire le traitement de ces changements. Nous les obtiendrions en même temps, d'ailleurs, et procéderions aux mises à jour aussi rapidement que possible.

Ce serait le même processus avec une date fixe, parce que nous pourrions procéder à une rémunération ciblée, conformément à notre recommandation. Ensuite, nous recenserions d'autres changements que nous aurions pu manquer dans les secteurs de grande mobilité. En octobre, quand les étudiants déménagent, nous les ciblerions de toute façon, et ils n'auraient, officiellement, déménagé qu'en septembre. Ils ne connaîtraient leur adresse de domicile qu'en septembre. Nous les ciblerions avant les élections, et avant la rédaction des brefs, si nous en connaissons la date.

Nous remettrions à tout le monde une liste au début de la période électorale, quand la première liste doit être remise, contenant les renseignements à jour et ainsi nous augmenterions nettement les 82 à 83 p. 100 de renseignements exacts sur les 94 p. 100 des électeurs déjà inscrits sur la liste. Les candidats auraient des renseignements beaucoup plus pertinents.

La réponse, c'est oui, mais ce n'est pas à 100 p. 100. Je vous ferai parvenir une réponse par écrit, pour vous expliquer en détail comment cela fonctionne.

Le sénateur Milne : M. Kingsley a dit quelque chose qui a éveillé un point sensible chez moi.

Avez-vous des données sur l'exactitude des listes dans le passé? Par exemple, le nombre de changements qui doivent être faits le jour des élections, ou le nombre de nouvelles personnes qui demandent à être inscrites sur la liste le jour des élections? Avez-vous un moyen maintenant de supprimer des noms de la liste?

M. Kingsley : Nous avons des données exactes. J'aimerais faire parvenir au comité un document démontrant exhaustivement cette exactitude, aux plans des inscriptions le jour du scrutin, les gens qui font des mises à jour pendant la période électorale et les prévisions de données. Nous avons même une étude sur l'exactitude de nos prévisions. Je vous les communiquerai volontiers.

Le sénateur Milne : Ce qui me préoccupe, c'est l'élimination de noms de la liste. Vous savez que j'ai travaillé longtemps à des élections, et j'en ai eu assez de voir des immeubles ayant trois séries de locataires dans le même appartement : les gens qui y sont maintenant, ceux qui y étaient avant et même ceux qui l'habitaient avant cela.

Le sénateur Fraser : Ils ont tous des cartes.

Le sénateur Milne : Oui.

Rennie Molnar, directeur principal, Opérations, Registre et Géographie, Élections Canada : Nous pouvons les supprimer de la liste pendant les élections en envoyant des agents de révision à leur porte. Les agents vérifient qui est inscrit à cette adresse. S'ils ne sont plus inscrits, nous les supprimons de la liste.

En dehors de la période électorale, nous obtenons les renseignements de nos sources administratives, comme l'Agence du revenu du Canada, les permis de conduire, et cetera.

Le sénateur Milne : Je comprends bien que c'est ainsi que vous inscrivez des gens sur la liste, mais comment les supprimez-vous?

M. Molnar : C'est ainsi que nous les supprimons aussi. Par exemple, nous déplaçons des gens d'une adresse à l'autre. Bien entendu, il y a des électeurs décédés dont les renseignements nous sont transmis par les registres de statistiques vitales.

Le sénateur Joyal : Je ne peux résister à l'envie de faire un commentaire ici, puisqu'on a parlé du 1er juillet au Québec. C'est exactement ce qui illustre ce dont j'ai parlé, avec les dates conflictuelles.

La décision de mettre fin au bail, généralement dans un contexte civil, le 1er juillet, a été prise sciemment par le Parti québécois au pouvoir pour empêcher les Québécois de célébrer la fête du Canada le 1er juillet. C'est source, bien entendu, de bien de la confusion dans l'esprit de beaucoup de gens qui sont empêchés de participer aux célébrations parce qu'ils doivent déménager ce jour là. On aperçoit les gens dans les escaliers avec leurs caisses et leur remorque U- Haul de location ou autre, et ils ont bien autre chose en tête que leur appartenance au Canada.

Un gouvernement provincial qui veut — un mot me vient à l'esprit, que je n'utiliserai pas — gêner, peut le faire quand il sait à l'avance qu'il peut perturber le processus démocratique.

M. Kingsley : Tout d'abord, je tiens à remercier les sénateurs pour vos propos élogieux sur ce que j'ai pu réaliser avec mes collègues. Je pense que ces éloges leur sont aussi adressés et je veillerai à leur en faire comprendre la sincérité. J'en suis profondément touché.

Quand j'ai remis ma démission le 22 décembre, j'ai dit avoir l'intention de poursuivre mes intérêts sur la scène internationale. J'ai reçu confirmation aujourd'hui que je serai le prochain président-directeur général d'un organisme appelé International Foundation for Election System, IFES, sis à Washington, D.C. Cette organisation traite du développement démocratique, en insistant beaucoup sur le développement électoral dans le monde. C'est donc une fondation internationale. Son titre a été abrégé à IFES. Cette annonce est probablement en train d'être diffusée en ce moment même.

Je voulais vous faire moi-même part de cette nouvelle, parce que c'est la première occasion que j'ai de comparaître devant un comité parlementaire.

Le président : Nous vous remercions infiniment de vous ouvrir à nous. Le greffier vient de me dire qu'il a lu la nouvelle sur son BlackBerry.

Monsieur Kingsley, au nom du comité, je termine en vous disant combien nous apprécions votre venue aujourd'hui ici. Nous apprécions la franchise des réponses que vous avez fournies, le survol que vous avez fait et vos points de vue. Ils nous aideront dans nos délibérations continues sur ce projet de loi et sur d'autres textes de loi sur lesquels vos vues sont bien connues.

Nous vous souhaitons bonne chance dans cette prochaine phase de votre vie. Au nom de tous, encore une fois, merci pour toutes vos contributions au Canada.

Honorables sénateurs, cette séance est maintenant levée, mais nous avons une réunion à huis clos sur les activités futures du comité.

La comité poursuit ses travaux à huis clos.


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