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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 20 - Témoignages du 1er février 2007


OTTAWA, le jeudi 1er février 2007

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C- 16, Loi modifiant la Loi électorale du Canada, s'est réuni ce jour à 10 h 45 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Lorna Milne (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente : Nous poursuivons l'étude du projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi électorale du Canada. C'est la troisième séance que le comité consacre à ce projet de loi. Nous avons entendu jusqu'ici le ministre et des représentants du gouvernement et avons eu hier soir une réunion riche en information avec M. Jean-Pierre Kingsley, au cours de laquelle il nous a annoncé quel serait son nouveau poste.

L'objet de ce projet de loi est simple. Il modifie la Loi électorale du Canada pour introduire des élections à date fixe au niveau fédéral au Canada. Il énonce que, sous réserve d'une dissolution anticipée du Parlement, les élections générales ont lieu le troisième lundi d'octobre de la quatrième année civile qui suit le jour du scrutin de la dernière élection générale, la première élection générale suivant l'entrée en vigueur du projet de loi devant avoir lieu le lundi 19 octobre 2009.

Notre témoin suivant joue un rôle essentiel dans le bon fonctionnement du système électoral en Colombie- Britannique. Harry Neufeld a prêté le serment d'office en qualité de directeur général des élections de la Colombie- Britannique le 7 novembre 2002. Il apporte 20 ans d'expérience dans l'administration des élections au poste de directeur général des élections.

Avant sa nomination, M. Neufeld a occupé des postes supérieurs dans trois organismes chargés d'administrer des élections : Elections B.C., les Nations Unies et Élections Canada.

De plus, il a travaillé en qualité de consultant en matière d'administration des élections auprès de la Commission royale canadienne sur la réforme électorale et auprès de divers organismes internationaux et électoraux dans le monde entier.

Comme la loi l'exige, il a récemment été nommé membre de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Colombie-Britannique, qui va déposer en février 2008 son rapport final sur les changements proposés aux limites des circonscriptions électorales.

La Colombie-Britannique est la seule province ou territoire canadien qui ait connu un cycle d'élections à date fixe.

Harry Neufeld, directeur général des élections, Elections BC : C'est un honneur pour moi de témoigner devant vous au sujet au sujet des élections à date fixe. Comme vous le savez, la Colombie-Britannique est une des trois provinces et territoire qui ont adopté une loi prévoyant des élections à date fixe, bien qu'elle soit la seule province à avoir administré un cycle complet d'élections de cette façon.

Je vous parlerai de cette expérience et des grandes leçons que nous avons tirées de l'adoption d'élections à date fixe, tant sur le plan administratif que sur celui de l'équité envers nos clients, c'est-à-dire les électeurs et les partis politiques. Je répondrai avec plaisir à vos questions après ma déclaration d'ouverture.

Au sujet de l'administration des élections en Colombie-Britannique, il faut savoir que nous comptons actuellement 40 partis politiques provinciaux enregistrés et qu'il y a à l'assemblée provinciale 79 sièges à pourvoir. Aux élections de 2005, 25 partis politiques ont présenté des candidats pour un total de 412 (ce qui comprend 28 candidats indépendants ou sans affiliation).

Aux termes de la Loi constitutionnelle de la Colombie-Britannique, les élections doivent avoir lieu le deuxième mardi de mai dans la quatrième année civile suivant le jour de l'élection générale précédente, étant entendu que le lieutenant-gouverneur conserve la prérogative de proroger ou de dissoudre l'assemblée législative quand bon lui semble.

Le projet de loi C-16 est semblable dans la mesure où il prévoit des élections à date fixe tous les quatre ans, sauf circonstances extraordinaires.

Mon bureau a administré ses premières élections à date fixe le 17 mai 2005.

D'une part, on croyait que la date faciliterait l'administration des élections et économiserait de l'argent à la province.

D'autre part, vu que la Loi constitutionnelle avait été modifiée sans que le soient les dispositions de la Loi électorale en matière de financement électoral, on craignait que la date fixe n'entraîne des infractions aux règles régissant les dépenses électorales.

Je peux vous assurer avec certitude que la date fixe facilite l'administration électorale. Nous avons pu mieux nous préparer. Le fait de connaître à l'avance la date des élections nous a donné le temps de louer des locaux, de repérer et d'obtenir de meilleurs bureaux de scrutin, de raffiner nos méthodes d'embauche et d'engager le meilleur personnel possible pour les bureaux de circonscription et les bureaux de scrutin.

Nous avons pu également offrir un programme de formation plus complet à nos agents de circonscription, qui sont l'équivalent provincial des directeurs du scrutin fédéraux.

À toutes les étapes du processus administratif, de la mise à jour et de l'impression de la multitude de formulaires et de guides nécessaires, au stockage et à l'expédition du matériel électoral, nous avons augmenté notre efficience.

Il nous a également été possible de planifier et d'exécuter une campagne de publicité complète et intégrée pour informer les électeurs du jour des élections et des divers moyens dont ils pouvaient exercer leur droit de vote. Tout cela, joint à des bureaux de scrutin accessibles et commodément situés et à un personnel électoral bien formé, a facilité la vie des électeurs britanno-colombiens.

En Colombie-Britannique, comme ailleurs au Canada et dans le monde, la participation électorale est en baisse. Plusieurs facteurs influant sur le taux de participation, je ne dirais pas sans réserve qu'une date fixe à elle seule le pousse à la hausse. Mais la tenue d'élections à date fixe nous a permis de mieux rejoindre et motiver les électeurs.

Cependant, les économies prévues par certains ne sont pas concrétisées. Certains frais électoraux particulièrement lourds, comme les salaires des employés et des agents temporaires, restent inchangés, que les élections aient lieu à date fixe ou non. Nous avons réalisé des économies sur la publicité parce que nous avons pu louer longtemps à l'avance du temps d'antenne à la radio et à la télévision et négocier de meilleurs tarifs avec certains fournisseurs. Ce qu'il faut retenir, c'est que les élections à date fixe ne sont pas nécessairement plus économiques mais elles rendent l'administration plus efficiente et, chose plus importante, se traduisent par un service de meilleure qualité aux électeurs.

Je sais que votre comité discute de la possibilité de synchroniser les dates d'élections, vu qu'un certain nombre de provinces ont choisi de tenir leurs élections en octobre. Cependant, les dates d'élections risqueraient alors de se recouper, ce qui dérouterait les électeurs et causerait des difficultés aux autorités électorales dans leur quête de bureaux de scrutin, d'agents électoraux et ainsi de suite. Il y a là sans doute un problème, compte tenu du nombre limité de bureaux de scrutin et d'agents électoraux disponibles.

Mais pour la Colombie-Britannique, ce problème ne se pose guère puisque nos élections générales ont lieu en mai et non en octobre. Cependant, du point de vue d'un administrateur, mieux vaut, tout bien pesé, tenir des élections à date fixe et s'accommoder d'éventuels recoupements que d'avoir à se tenir perpétuellement en état d'alerte dans un climat d'incertitude.

J'ai parlé tout à l'heure d'éventuelles infractions aux règles régissant les dépenses électorales. En Colombie- Britannique, la Loi électorale oblige les parties à déclarer les dépenses qu'elles engagent pendant la campagne électorale, en tenant compte de certains plafonds. Ces plafonds et cette période se calculent, selon la loi, à partir de la date de délivrance du bref d'élection. Les dépenses engagées hors campagne électorale ne sont pas assujetties aux plafonds légaux, mais elles doivent être déclarées dans le rapport financier annuel des partis. Certains commentateurs s'attendaient à ce que les partis contournent les plafonds légaux en engageant de grosses dépenses avant la délivrant des brefs.

Rien de tel ne semble s'être produit en Colombie-Britannique. Les dépenses des partis ont légèrement augmenté aux élections de 2005 mais les partis ont également reçu plus de contributions.

Comme les électeurs sont moins enclins à s'intéresser aux campagnes de publicité quand il n'y a pas d'élections en vue, un parti politique n'a pas intérêt à engager de telles dépenses. Les dépenses engagées par les partis avant les élections n'ont pas été supérieures à ce qu'elles étaient pour les élections précédentes.

Les sénateurs doivent aussi savoir que les élections à date fixe ne changent pas le comportement humain. Aux dernières élections, près de 10 p. 100 des 412 candidats ont attendu jusqu'au jour de clôture des candidatures — parfois même, jusqu'à la dernière minute —, pour déposer leur acte de candidature et ce, en dépit d'amples préavis et d'un mécanisme législatif appelé candidature permanente, qui permet d'officialiser les candidatures, du moins en partie, avant la délivrance du bref d'élections.

En tant que directeur général des élections, j'ai pour mission de veiller à la bonne marche de la démocratie en Colombie-Britannique grâce à une administration juste et impartiale de la loi électorale provinciale. En Colombie- Britannique, nous avons constaté que la tenue d'élections à date fixe rendait l'administration électorale plus efficiente, ce qui constitue un net avantage pour tous nos clients, mais surtout pour les électeurs, dans la mesure où il est possible de les sensibiliser à l'exercice de leur droit de vote.

La vice-présidente : Merci, monsieur Neufeld. Les élections à date fixe ont-elles soulevé en Colombie-Britannique des questions constitutionnelles?

M. Neufeld : Cette loi a été introduite à la suite de la modification de la Loi constitutionnelle. À ma connaissance, il n'y a pas eu de contestation. Il n'y a pas eu de controverse au sujet du pouvoir légal d'opérer ce changement. D'une façon générale, cette modification a suscité certaines discussions. On a parlé à un moment donné de déplacer la date, mais dans le discours du Trône du 12 septembre 2005, le premier qui ait été prononcé après les élections à date fixe, le gouvernement a clairement indiqué que cette date serait maintenue et que les élections subséquentes auraient lieu tous les quatre ans, le deuxième mardi de mai.

Il n'y a pas eu de gouvernement minoritaire en Colombie-Britannique. En fait, le gouvernement qui a présenté ce projet de loi disposait d'une majorité importante de 77 sièges sur 79.

La vice-présidente : Comment pensez-vous que cela fonctionnerait dans une situation minoritaire? Il est sans doute plus probable que des situations de gouvernement minoritaire se produisent au palier fédéral, étant donné que nous avons, à l'heure actuelle, quatre partis viables.

M. Neufeld : Voilà une question intéressante. Il y a, en Colombie-Britannique, plus de partis politiques enregistrés qu'il y en a dans tout le reste du pays. Cependant, cette situation n'a pas entraîné une fragmentation du vote.

Franchement, le projet de loi relatif à des élections à date fixe, tel qu'il a été adopté en Colombie-Britannique et sous la forme du projet de loi C-16, préserve le statu quo. Il est possible de déclencher des élections lorsque, à la suite d'un vote de confiance ou d'une autre situation — dans notre cas, le lieutenant-gouverneur et au palier fédéral, le gouverneur général — reconnaît que des élections sont nécessaires.

Le sénateur Jaffer : Vous avez mentionné que vous n'êtes pas obligés de vous tenir en permanence prêts à tenir des élections. Cela ne s'applique pas en ce moment en Colombie-Britannique, mais en cas de vote de non-confiance, vous pourriez ne pas être prêts à tenir des élections.

Doit-on prévoir une préparation permanente? Pour le moment, vous n'en avez sans doute pas besoin, étant donné que le gouvernement est largement majoritaire.

M. Neufeld : La question de savoir quelle partie des fonds publics doit être utilisée pour être prêts à tenir des élections est importante pour un directeur général des élections. J'ai pris une décision délibérée. Aucun agent de circonscription n'a été nommé pour le moment et mon bureau a le pouvoir de le faire. Leur nomination expire six mois après une élection.

La Chambre est partagée 46 à 33 et il n'y a que deux partis qui sont représentés à l'assemblée législative de la Colombie-Britannique à l'heure actuelle. C'est une majorité importante. Il n'est pas opportun de dépenser des fonds publics pour nommer et former, pour le moment, des agents de circonscription.

Nous sommes en train de procéder à une nouvelle délimitation des circonscriptions électorales. Les circonscriptions vont probablement être modifiées. Je vais donc attendre la publication de notre rapport préliminaire — je peux dire « notre » rapport puisque je suis membre de cette commission — à la mi-août.

Mon personnel préparera la nomination des agents de circonscription en fonction des délimitations préliminaires des circonscriptions à l'automne prochain. Les limites seront finalisées au printemps prochain, et nous déclencherons probablement à ce moment-là le processus officiel de nomination des agents de circonscription et de leurs adjoints. La formation commencera au printemps prochain, et un an plus tard, ils administreront des élections. Les élections auront lieu le 12 mai 2009.

Si la majorité était plus faible, le scénario serait probablement différent. Tous les agents de circonscription seraient probablement déjà nommés et j'aurais un entrepôt plein de trousses d'élection prêtes à être distribuées rapidement.

Tout directeur général des élections au Canada doit prendre ce genre de décision lorsqu'il n'y a pas de majorité importante ni d'élections à date fixe.

Le sénateur Jaffer : Le 12 mai est la date fixée; mais si un congé religieux ou autre tombait ce jour-là, auriez-vous votre mot à dire pour faire changer la date?

M. Neufeld : La loi ne prévoit aucunement ce cas-là. La loi d'interprétation s'appliquerait si ce congé était prévu par cette loi.

Je présume donc qu'avant de choisir cette date, on a vérifié si cette date risquait d'être un jour férié pour une raison culturelle, religieuse ou autre.

À ma connaissance, nous avons examiné cinq élections et nous n'avons pas constaté de conflit.

Le sénateur Jaffer : Une précision, il est possible que nous utilisions des termes différents pour parler de congé. Cela pourrait ne pas être un congé légal mais un congé religieux. Cette possibilité est-elle couverte par votre loi?

M. Neufeld : Non. Franchement, en Colombie-Britannique, le public dispose de nombreuses options pour voter un jour autre que le jour du vote général en cas de conflit : les électeurs peuvent voter dans le bureau d'un agent de circonscription entre le jour de la délivrance du bref et la veille du jour du scrutin; nous avons le vote anticipé du mercredi au samedi de la semaine précédant les élections. Il est également possible de demander de voter par correspondance.

Le projet de loi qui a introduit les élections à date fixe en Colombie-Britannique était extrêmement bref; il ne contenait que quelques paragraphes. Il modifiait uniquement la Loi constitutionnelle. Il ne modifiait pas la Loi électorale ni d'autres lois susceptibles d'être touchées par cette modification.

Le sénateur Jaffer : Dans ce projet de loi, étant donné que c'est un mécanisme relativement nouveau, avez-vous prévu l'examen de la date fixée? Vous avez tenu des élections à une date fixe. Est-ce bien exact?

M. Neufeld : Cela fait partie de la Loi constitutionnelle et je pense que le gouvernement au pouvoir pourrait décider de modifier ces dispositions. La notion d'élections à date fixe est très populaire en Colombie-Britannique et un gouvernement, quel qu'il soit, devrait être prudent avant de supprimer ou de modifier cet aspect.

Les dispositions ne prévoient pas d'examen. Avant les élections, on avait parlé d'examen et des éditoriaux avaient paru dans les journaux au sujet de la possibilité de modifier la date après les élections mais cela a été abandonné à la suite des déclarations faites dans le discours du Trône qui a suivi les élections.

Le sénateur Joyal : Ma première question touche le taux de participation des électeurs. Dans la dernière phrase de votre exposé, vous dites que cela « constitue un net avantage pour tous nos clients », et je comprends que sur le plan administratif, lorsqu'on connaît au départ cette date, on peut mieux planifier la location de bureaux, la formation des agents électoraux et le reste. Je ne conteste pas du tout cela.

Vous dites que cela offre également l'avantage de pouvoir sensibiliser à l'avance les électeurs à la date des élections. Est-ce que cela se traduit par une participation plus forte des électeurs parce qu'ils savent à l'avance qu'il y aura des élections dans trois, six mois ou un an et qu'ils s'arrangent pour pouvoir aller voter? Avez-vous pu mesurer cela?

Je sais qu'il est difficile de mesurer toutes les variables qui peuvent inciter les électeurs à aller voter en masse plutôt qu'à se désintéresser du vote à cause des programmes électoraux et des questions abordées au cours de la campagne. Je sais que ce sont là des facteurs importants qui influencent le vote. Pour ce qui est du fait de savoir à l'avance la date des élections, avez-vous réussi à mesurer cet aspect?

M. Neufeld : C'est une question importante et intéressante. Je ne pense pas que le seul fait d'avoir une date fixe a renversé la tendance des cinq élections précédentes au cours desquelles la participation des électeurs avait diminué, mais nous avons amélioré le taux de participation des personnes ayant le droit de voter — non pas des électeurs inscrits mais des personnes ayant le droit de voter — de 3 p. 100 entre 2001 et 2005. Ce pourcentage diminuait constamment depuis les années 80. En 1983, 70 p. 100 des personnes ayant le droit de vote en Colombie-Britannique avaient voté; en 2001, 55 p. 100 d'entre elles avaient voté. Ce chiffre diminuait à chaque élection. Lorsque j'ai été nommé à mon poste en 2002, je craignais vraiment que la participation tombe à moins de 50 p. 100, comme cela s'était produit en Alberta. Je ne sais pas pourquoi ce seuil de 50 p. 100 me motive. C'est peut-être parce que je pense qu'il est essentiel pour la viabilité de notre démocratie électorale qu'une majorité simple des personnes ayant le droit de voter participe aux élections.

Malgré les nombreuses contraintes budgétaires — la Colombie-Britannique passait à l'époque par une étape de rationalisation et de réduction des dépenses et mon bureau a été touché, comme tous les autres bureaux d'origine législative — nous avons lancé une campagne très agressive pour essayer de rejoindre les électeurs qui ne participaient pas habituellement autant que les autres secteurs de la société. Nous avions des travailleurs sur le terrain et avions ciblé certaines annonces. Nous avons réussi à renverser la tendance. Au cours des cinq dernières élections, le nombre des électeurs, exprimé en pourcentage des personnes ayant le droit de vote, diminuait régulièrement, mais nous avons réussi à le faire passer de 55 à 58 p. 100. Ce n'est toujours pas un résultat extraordinaire.

Est-ce parce que la date des élections est désormais fixe? Il est impossible de l'affirmer mais nous connaissions la date, d'autres organisations qui voulaient inciter les jeunes à voter connaissaient également la date des élections, et ces organisations ont pu rejoindre les jeunes électeurs et les aider à s'inscrire, tout en suscitant de l'intérêt pour la participation aux élections.

Le sénateur Joyal : Voilà sur quoi je base mon raisonnement sur cette question : il n'y a pas un pays au monde où les dates des élections soient plus fixes qu'aux États-Unis; il y a le Congrès, le Sénat et les élections présidentielles. Les élections ont lieu tous les deux ans pour le Congrès, tous les six ans pour le Sénat et tous les quatre ans pour le président. Il n'y a pas une démocratie au monde où le niveau de participation des électeurs soit plus faible qu'aux États- Unis. Il est inférieur à 50 p. 100 ou très proche de ce pourcentage. Lorsqu'on analyse la composition de ce 50 p. 100, on constate qu'il y a des secteurs entiers de la population qui ne se donnent pas la peine de voter. Lorsque nous répartissons ce 50 p. 100, nous savons où sont concentrés les électeurs. Je ne fais pas un lien direct entre le fait que la date des élections soit fixe et le niveau de participation.

Votre réponse comporte des aspects auxquels je serais tenté de souscrire. Par exemple, si les élections ont lieu à la mi- octobre, comme le propose le projet de loi C-16, les jeunes qui fréquentent l'école ou l'université seront un public captif. Si les élections ont lieu à la fin du mois de mai ou au début de juin, la plupart d'entre eux seront déjà partis. L'inscription des jeunes fait problème parce qu'ils se déplacent et ne s'inscrivent pas toujours à l'adresse de leurs parents. Vous connaissez ce problème mieux que moi, puisque vous êtes un spécialiste de l'administration des élections.

Il y a tellement de facteurs qui peuvent influencer le niveau de participation, comme celui que vous avez signalé au sujet de la publicité ciblant les jeunes. Si le système scolaire ne prépare pas les jeunes à participer aux élections en leur faisant comprendre que c'est leur devoir de citoyen le plus important; si personne ne leur dit que c'est une responsabilité qu'ils doivent prendre au sérieux, ce sera alors au directeur général des élections provincial ou fédéral d'éduquer la nouvelle génération. Il y a tant de facteurs, à mon avis, qu'il est difficile d'établir un lien direct entre les élections à date fixe et le niveau de participation. La participation des personnes ayant le droit de vote dans les pays qui ont adopté le système des élections à date fixe depuis des années ne débouche pas toujours sur des taux élevés de participation.

M. Neufeld : C'est une question plus vaste que celle qui consiste uniquement à changer les règles au sujet de la date des élections et les aspects administratifs. Après les élections, nous avons fait une étude pour essayer de savoir pourquoi les gens ne votaient pas. Elle se trouve sur notre site web. Nous avons demandé à Statistique C.-B. de faire un sondage à l'échelle de la province, et cet organisme a construit un bon échantillon de personnes qui n'avaient pas voté et leur a posé une série de questions bien structurées.

D'une façon générale, la moitié de ces personnes n'avaient pas voté parce qu'elles ne croyaient plus au processus électoral, aux politiciens, aux partis politiques et à la façon dont fonctionne la politique. Ce n'est certainement pas en changeant les lois régissant le déroulement des élections, le moment où elles ont lieu ou leur fréquence que nous inciterons ces gens à voter.

Il y avait un autre groupe assez important — en fait, c'était surprenant — qui a tout simplement oublié. Ces personnes voulaient voter mais elles ne l'ont pas fait. Elles avaient d'autres choses à faire. Il y a beaucoup de sujets de distraction dans la vie moderne. Ces personnes se sentaient coupables mais elles ont admis qu'elles n'avaient pas voté.

Un pourcentage assez faible des répondants — si je me souviens bien, il était de 10 p. 100 — pensaient que le système était mal conçu. Ils ne savaient pas s'ils étaient inscrits. Ils pensaient que ce serait compliqué d'aller voter sans être inscrit. Ils ne connaissaient pas les règles. Ils ne savaient pas qui étaient les candidats et n'avaient pas suffisamment d'information pour prendre une décision éclairée et ils estimaient qu'on aurait dû leur fournir davantage d'information. Ils ne savaient pas où aller voter ou le bureau de vote était trop éloigné et d'accès peu pratique. Ils ne voulaient pas se donner la peine de se déplacer.

Le groupe le plus important est celui des personnes qui ne croient plus dans la politique et il faut faire quelque chose. La responsabilité en incombe en partie aux bureaux comme le mien. Vous avez raison de dire qu'il faut également avoir recours à des processus d'éducation civique bien adaptés, qui explique clairement à nos jeunes ce qu'est la participation démocratique, dans le cadre du système scolaire. Le vote n'est qu'une des façons de participer à la démocratie. Je pense que c'est la cause première qu'il faudrait vraiment étudier.

Le sénateur Joyal : Il y a une autre question, c'est le référendum en Colombie-Britannique. Si je me souviens bien, vous avez une loi sur les référendums qui invite le gouvernement à consulter la population avant d'autoriser un changement à la Constitution canadienne.

M. Neufeld : Oui. C'est une mesure législative très modeste. C'est un de mes sujets favoris lorsque je m'ennuie dans une réunion mondaine.

Le sénateur Joyal : Nous pouvons vous servir quelque chose, si vous voulez.

M. Neufeld : Cela s'appelle le Constitutional Amendment Approval Act (Loi sur l'approbation des amendements constitutionnels) et je suis impressionné de constater que vous connaissez cette disposition, sénateur. Il est exact qu'en Colombie-Britannique, si l'on veut modifier la Constitution canadienne, la loi exige que l'on tienne un référendum sur la modification constitutionnelle en question. Nous n'en avons encore jamais eu et la seule question constitutionnelle qui avait été soulevée à l'époque était l'entente selon laquelle Élections Canada s'occuperait de ce référendum.

Nous avons eu des référendums sur d'autres sujets. Nous avons eu aux dernières élections un référendum et nous aurons un référendum sur le même sujet, au moment des prochaines élections, sur la question de la réforme électorale. L'assemblée des citoyens a recommandé un système de vote unique transférable. Les résultats du référendum ont manqué de très peu deux seuils, dont l'un était une majorité renforcée. Il fallait que le nouveau système obtienne 60 p. 100 du vote populaire dans 60 p. 100 des circonscriptions pour ce référendum. Quatre-vingt-dix-sept pour cent des circonscriptions étaient en faveur d'adopter la question mise aux voix mais seulement 57,69 p. 100 du vote populaire était en faveur du nouveau système.

Le sénateur Joyal : Vous allez donc reposer la question une autre fois?

M. Neufeld : La prochaine fois, la question sera posée en utilisant les circonscriptions électorales du nouveau système. Ces circonscriptions seront beaucoup plus vastes parce qu'elles prévoient l'élection de plusieurs députés. C'est une question qui a été discutée au cours du débat qui a précédé le référendum.

L'autre aspect est que le gouvernement s'est engagé à financer, avec des fonds publics, les groupes en faveur de la réforme et contre la réforme de façon à encourager la participation. Les politiciens seront également incités à participer à ce débat. La dernière fois, il semble que la population ait tacitement accepté que la question devait être tranchée par les électeurs et non pas par les politiciens. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas eu beaucoup de débats.

On s'attend à ce que la prochaine fois, il y ait non seulement un débat encouragé par l'attribution de fonds publics à divers groupes, en faveur de la réforme ou contre, mais également un débat auquel participeraient les membres de l'assemblée législative.

Le sénateur Joyal : Je ne voudrais pas être impoli envers vous puisque vous êtes notre invité, mais je viens du Québec et je constate que le « non » qui a été opposé au premier référendum n'est pas une réponse définitive; vous allez tenir un autre référendum, comme nous l'avons fait au Québec. Nous en avons eu deux et il y a des gens qui estiment que nous devrions en tenir un troisième sur cette question. C'est un commentaire à part. Je ne vous demande pas d'y répondre.

M. Neufeld : Merci.

Le sénateur Joyal : Comment gérez-vous le conflit entre les dates de référendum et l'obligation de tenir des élections à date fixe aux termes de la loi de la Colombie-Britannique?

M. Neufeld : Nous avons constaté qu'il était vraiment très économique de combiner un référendum avec des élections; les électeurs acceptent facilement de voter une seconde fois. Le niveau de participation est très élevé par rapport à ce qu'il serait si l'on tenait le référendum à une autre date.

Après le dernier référendum et les résultats très proches du double critère exigé, le gouvernement a pensé au départ qu'il faudrait tenir un référendum combiné à des élections municipales. Les élections municipales se tiennent, je crois, le deuxième samedi du mois de novembre, tous les trois ans, en Colombie-Britannique. L'idée était de tenir en même temps le référendum sur la réforme électorale et les élections municipales.

Mon bureau a finalement réussi à convaincre le gouvernement que ce ne serait pas un emploi judicieux de fonds publics. Cela aurait coûté plus cher qu'un référendum tenu isolément pour le simple fait que les règles relatives au vote et aux électeurs sont différentes, les limites des municipalités et des circonscriptions électorales sont différentes et il y aurait eu une vive concurrence pour louer des bureaux de scrutin et embaucher des agents d'élections. Il aurait fallu en fait mettre sur pied conjointement deux systèmes et deux événements. C'est pourquoi il a été décidé de reporter le référendum aux prochaines élections.

Avant cette décision, on avait pensé que ce serait les électeurs qui décideraient et que le système qu'ils auraient retenu aurait été utilisé au mois de mai suivant. Je peux vous avouer que je suis grandement soulagé que cela ne se soit pas passé comme cela parce que j'aurais dû être prêt à tenir des élections selon deux systèmes électoraux différents, ce qui aurait représenté un gros défi.

En cas de conflit entre un référendum et des élections, la tendance sera — en Colombie-Britannique, du moins — de les tenir ensemble. Cette façon de procéder permet de réaliser des économies considérables. On a évalué à 25 millions de dollars le coût d'un référendum isolé en Colombie-Britannique; si on l'ajoute à des élections, ce coût serait probablement inférieur à 2 millions de dollars.

Le sénateur Joyal : Voilà une différence importante. Avez-vous le même pouvoir que le directeur général des élections au palier fédéral de recommander le report des élections dans une situation qui empêcherait les électeurs de voter, comme une catastrophe naturelle, une situation tout à fait inhabituelle?

M. Neufeld : Oui. Il y a un article de la Loi électorale de la Colombie-Britannique qui m'autorise à rendre une ordonnance modifiant les dispositions administratives lorsqu'il existe des circonstances extraordinaires.

Cela ne s'est pas produit depuis que ces dispositions ont été adoptées; il n'y a pas eu de catastrophe naturelle, par exemple, qui aurait retardé le vote dans l'ensemble de la province. Je crois toutefois qu'il y a déjà eu un report à cause des conditions climatiques dans le cas d'élections partielles. Cela est prévu par la Loi électorale.

Le sénateur Joyal : Cependant, jusqu'ici, vous n'avez pas utilisé cette disposition.

M. Neufeld : Pas personnellement.

Le sénateur Di Nino : Vous êtes notre expert en résidence au Canada pour ce qui est des élections à date fixe. Nous sommes heureux que vous soyez venu ici nous en parler.

J'aimerais revenir sur la question qu'a soulevée le sénateur Joyal au sujet de la participation des électeurs.

La question a été soulevée, et elle continuera à l'être, parce qu'elle touche un des avantages attendus. Vous avez mentionné que, par rapport aux élections précédentes, la participation des électeurs avait augmenté de 3 p. 100. Vous nous avez également informés du fait que depuis un certain nombre d'élections, la participation des électeurs diminuait.

J'ai été frappé par un commentaire qu'a fait votre collègue, la directrice générale adjointe des élections, Linda Johnson, lorsqu'elle a comparu devant un comité de l'autre endroit. J'aimerais savoir si vous avez des commentaires à faire à ce sujet. Je la cite :

L'augmentation du taux de participation que nous avons constatée était principalement chez les jeunes, il a augmenté beaucoup, et nous en étions très heureux [...]

Il me semble que premièrement, une augmentation de 3 p. 100 par rapport aux élections précédentes est un excellent résultat. J'ai également été encouragé par les commentaires de votre collègue et je me demande si vous aviez d'autres explications ou commentaires à faire au sujet des raisons précises qui ont amené les jeunes à participer davantage aux dernières élections.

M. Neufeld : Nous avons mesuré la participation des différents groupes d'âge pour les élections de 2001 et ensuite pour celles de 2005. Vingt-cinq pour cent environ des jeunes de 18 à 24 ans qui avaient le droit de voter ont voté en 2001 et 35,27 p. 100 l'ont fait en 2005. J'attribue ce résultat en partie aux efforts déployés par mon bureau, en partie aux efforts des médias et en partie, à des organisations comme Rock the Vote, qui ont été très actives. Nous avons essayé d'encourager les électeurs à s'inscrire.

Nous avons essayé de rejoindre ce secteur de la population, en tenant compte en particulier de l'aspect qu'a soulevé le sénateur Joyal, à savoir le fait que les étudiants quittent les établissements postsecondaires au printemps. Ce n'est pas le lieu où ils votent mais cela ne veut pas dire qu'ils n'aient pas le droit de le faire. Cela veut simplement dire qu'ils vont peut-être voter dans une autre circonscription dans laquelle ils se sont installés ou qu'ils retournent à l'endroit où ils vivaient avant de faire leurs études.

Nous avons introduit l'inscription en ligne des électeurs — nous sommes la première province et territoire au Canada, à ce que je sais — où l'on peut s'inscrire en ligne en se rendant sur notre site web. Il faut toutefois, et nous l'avons prévu par règlement, communiquer à mon bureau deux éléments qui demeurent secrets. Le premier est la date de naissance et le second est soit les six derniers chiffres du numéro d'assurance sociale, soit le numéro du permis de conduire. Si l'électeur refuse de communiquer ces renseignements, il doit alors s'inscrire selon d'autres modalités. Cela nous permet d'éviter les inscriptions en double. Cela règle le cas des personnes qui déménagent ou des personnes qui s'inscrivent deux fois, puisqu'ainsi elles figurent une seule fois sur notre liste à leur adresse la plus récente. Cela supprime la possibilité de fraude massive. Nous avons longuement discuté de ces aspects avec notre commissaire à la vie privée. Nous ne rendons pas publics les deux éléments secrets qui nous sont confiés et nous avons pris grand soin de protéger ces renseignements dans notre système, mais c'est un aspect important des mécanismes que nous avons utilisés.

Je pense que la combinaison de tous ces facteurs a donné d'excellents résultats. Nous savons que, statistiquement, les électeurs inscrits votent en beaucoup plus grand nombre que ceux qui ne sont pas inscrits. Il faut par contre veiller à ce qu'ils s'inscrivent à l'adresse où ils vivent actuellement, et non pas à l'adresse où ils vivaient il y a six mois ou six ans. Nous leur envoyons une carte qui les informe du jour du vote, de l'adresse du bureau de scrutin où ils doivent aller voter et du fait que, s'ils ne peuvent voter ce jour-là, il y a d'autres options comme le vote par anticipation, le vote anticipé, le vote par correspondance, entre autres. Lorsque nous envoyons cette carte à un électeur, il est extrêmement probable que celui-ci ira voter. C'est la raison pour laquelle nous avons eu beaucoup de succès.

Je dirais cependant qu'il n'y a pas de quoi être très fier du fait que 35 p. 100 des jeunes ayant le droit de vote aient effectivement voté, parce qu'il est très important que ce secteur de la population participe aux élections, mais c'est tout de même une amélioration.

Le sénateur Di Nino : Je pense, et je suis sûr que tous mes collègues sont d'accord avec moi, qu'il y a lieu de vous féliciter. La participation est passée de 25 à 35 p. 100, ce qui représente une augmentation importante. Voilà un excellent résultat. J'imagine que cela fait partie du commentaire que vous avez fait lorsque vous avez parlé d'une administration électorale plus efficace, ce que vous permettent des élections à date fixe et qui constitue un des avantages que vous avez mentionnés. Vous devriez être très fier de ce que vous avez fait. C'est une excellente idée et je l'ai notée pour que nous l'utilisions plus tard.

J'aimerais savoir si tous les partis politiques ont été consultés au moment de l'élaboration de ce projet de loi, que ce soit avec ce mécanisme ou d'autres.

M. Neufeld : Je n'ai pas tous les détails, mais je peux vous dire ce que je sais. C'était une promesse politique qui avait été faite au cours de la campagne électorale de 2001 et le parti qui avait fait cette promesse a formé le gouvernement et présenté ce projet de loi avec les tout premiers projets de loi qu'il a déposés à la Chambre. Je suis certain que les seuls débats qu'il a suscités ont eu lieu devant la Chambre. Je ne pense pas qu'il y ait eu des consultations en comité. Pour autant que je sache, mon bureau — et cela s'est produit avant que je prenne mes fonctions — n'a pas été consulté. C'était une promesse politique qui a été concrétisée par le nouveau gouvernement qui en avait fait une priorité.

Le sénateur Di Nino : À votre connaissance, est-ce que tous les partis politiques étaient en faveur de cette mesure? S'y opposaient-ils? Y a-t-il vraiment eu une opposition ou étaient-ils tous à peu près d'accord?

M. Neufeld : D'après mon souvenir, il n'y a eu aucune opposition de la part du public, des médias ou de la Chambre.

Le sénateur Di Nino : Très bien. Une des questions qui a été soulevée concerne le pouvoir qu'a le directeur général des élections de recommander le report de la date prévue pour les élections lorsqu'il estime qu'elle ne convient pas à cette fin. On a soulevé certaines questions associées aux critères à appliquer pour prendre une telle décision et au sujet de la portée de ce pouvoir. Le projet de paragraphe 56.2(1) du projet de loi C-16 énonce :

S'il est d'avis que le lundi qui serait normalement le jour du scrutin en application du paragraphe 56.1(2) ne convient pas à cette fin, notamment parce qu'il coïncide avec un jour revêtant une importance culturelle ou religieuse ou avec la tenue d'une élection provinciale ou municipale, le directeur général des élections peut choisir un autre jour, conformément au paragraphe (4), qu'il recommande au gouverneur en conseil de fixer comme jour du scrutin.

À votre avis, est-ce que cela vous donnerait, si vous étiez dans ce poste, une latitude suffisante pour tenir compte de ce genre de circonstances qui vous paraîtraient suffisamment importantes, dans votre cas, sur le plan provincial, et dans le cas du Directeur général des élections du Canada, sur le plan fédéral, pour présenter une telle recommandation?

La formulation de cette disposition vous permettrait-elle de proposer en toute confiance au gouverneur en conseil un changement de date?

M. Neufeld : J'ai fait un peu de recherche sur cette question parce que je prévoyais qu'on me la poserait, d'après les témoignages que j'avais lus lorsque j'ai appris lundi matin qu'on voulait ma présence.

Le sénateur Di Nino : Lorsque vous avez été invité.

M. Neufeld : Le mois d'octobre est un mois très rempli pour les élections à date fixe au Canada. Au palier fédéral, vous proposez le troisième lundi d'octobre. Les Territoires du Nord-Ouest ont retenu le premier lundi d'octobre. Terre- Neuve-et-Labrador ont fixé le deuxième mardi d'octobre. En Ontario, c'est le premier jeudi d'octobre et la Colombie- Britannique a heureusement choisi le deuxième mardi du mois de mai. Je pense qu'un certain nombre d'autres provinces et territoires examinent à l'heure actuelle la possibilité de tenir leurs élections à date fixe et je pense qu'elles devraient penser au printemps ou à un autre moment de l'automne, si elles veulent tenir des élections en automne.

Je me souviens très bien qu'au début de ma carrière, j'ai participé à une élection partielle dans une circonscription électorale de l'île de Vancouver; il y avait en même temps des élections fédérales et une élection municipale. Cela était plus facile pour les électeurs que pour les administrateurs électoraux. Les électeurs savaient pour qui ils votaient et ils s'en sont très bien sortis. Tout le monde ne votait pas le même jour. Il votait à différents moments du même mois. Les administrateurs d'élections ont eu, par contre, un peu de mal à trouver des agents électoraux, et à les familiariser avec des règles différentes de celles qu'ils venaient juste d'apprendre. La plupart des responsables électoraux ont pensé que c'était une situation intéressante parce qu'il y avait un grand nombre de travailleurs électoraux qui souhaitaient gagner de l'argent au moment des élections. C'est pourquoi le fait d'avoir trois élections les unes après les autres n'était pas une mauvaise chose de leur point de vue. Cependant, les gens qui essayaient de trouver des locaux pour les bureaux de vote, des meubles, des bureaux, ont fait face à de grandes difficultés.

Personnellement, je pense que ce projet de loi est tout à fait acceptable. Si j'ai bien compris, il permet de reporter au lendemain le jour du scrutin, s'il y avait un conflit avec un congé religieux culturel ou s'il survenait un événement important; il pourrait également être reporté d'une semaine et on le saurait plusieurs mois à l'avance. Si des élections étaient déclenchées dans une autre province ou territoire et s'il y avait conflit avec des élections à date fixe, c'est la province ou le territoire qui ne prévoit pas des élections à date fixe qui éprouverait des difficultés. Ce n'est pas celle qui a des dates fixes, parce que cette province serait déjà prête à tenir des élections.

Je conçois que l'on envisage la possibilité que des élections se recoupent au mois d'octobre, mais le projet de loi est suffisamment souple pour pouvoir être mis en oeuvre. Je peux vous dire très franchement que les administrateurs électoraux seront à même de résoudre ce genre de problème au cas où des élections se tiendraient au cours de périodes qui se chevauchent.

Le sénateur Stratton : La raison d'être des élections à date fixe, à mon avis, est une raison politique. On voulait retirer au premier ministre la possibilité de choisir le moment le plus opportun pour tenir des élections. Le but était manifestement de renforcer la confiance des électeurs et la crédibilité des élections en montrant qu'en adoptant une date fixe pour les élections, le premier ministre ne bénéficierait pas d'un avantage indu. Est-ce ce que vous pensez?

M. Neufeld : Je pense que cette affirmation est exacte.

Le sénateur Stratton : C'est une vérité fondamentale qui s'applique à l'ensemble du pays. Les élections à date fixe ne constituent qu'une première étape vers une réforme électorale. C'est le sentiment que j'ai. Cela fait, cela pourrait déboucher, ou débouchera, je l'espère, parce que j'en suis partisan, sur un système de représentation proportionnelle. Pensez-vous que c'est également ce qui se passera en Colombie-Britannique? Serait-ce logiquement la prochaine mesure à prendre pour renforcer la crédibilité du processus auprès des électeurs?

M. Neufeld : Je ne pense pas que l'on puisse dire que les élections à date fixe annoncent une réforme électorale de nature plus fondamentale, c'est-à-dire un mécanisme permettant de traduire en sièges le nombre des votes. Je ne pense pas que cela l'interdise.

En Colombie-Britannique, l'autre grande promesse était l'assemblée de citoyens sur la réforme électorale. C'était deux volets de la réforme électorale qui ont ainsi été joints. Dans l'esprit du public, il n'y avait toutefois aucun lien entre les deux. C'est une théorie intéressante que j'entends pour la première fois.

Le sénateur Stratton : Il est intéressant de constater que les deux étaient joints. Il n'y a pas eu une première mesure et ensuite, une autre un peu plus tard.

M. Neufeld : Exact.

Le sénateur Bryden : Votre loi électorale prévoit-elle encore un mandat inférieur à cinq ans? Je ne devrais pas vous faire dire des choses, ni en faire dire à la loi parce que je n'ai pas lue.

Selon notre Loi constitutionnelle, le mandat des députés ne peut être supérieur à cinq ans. Est-ce la situation qui prévaut en Colombie-Britannique?

M. Neufeld : La Constitution canadienne l'emporte. Au palier provincial, il n'y a pas d'autre constitution que la Loi constitutionnelle et elle peut être modifiée par une simple loi. La Loi constitutionnelle prévoit que les élections doivent avoir lieu tous les quatre ans mais tout comme avec le projet de loi C-16, cela n'empêche pas le lieutenant-gouverneur d'exercer ses pouvoirs et de dissoudre l'assemblée législative avant l'expiration de ce mandat. Je pense que la Constitution canadienne l'emporterait s'il survenait des circonstances extraordinaires qui exigeaient que l'assemblée législative siège au-delà de quatre ans, mais la Loi constitutionnelle ne mentionne aucunement un mandat de cinq ans. Je pourrais vous la lire.

Le sénateur Bryden : Désolé, mais je veux m'assurer que nous parlons de la même chose; auparavant, le mandat était de quatre ans.

M. Neufeld : Elle mentionnait simplement la façon dont on pouvait déclencher des élections. Cette loi prévoit que les élections ont lieu de façon périodique et traite des questions touchant le bref et le reste.

Le sénateur Bryden : Est-ce que la loi parle uniquement de la façon de déclencher les élections? Que disait-elle auparavant?

M. Neufeld : Elle décrivait le mécanisme qui permettait au lieutenant-gouverneur de demander au directeur général des élections de délivrer des brefs, mais elle ne mentionnait aucunement la durée du mandat.

Le sénateur Bryden : L'assemblée législative aurait donc pu siéger pendant 10 ans?

M. Neufeld : Non, parce que cela aurait été contraire à la Constitution canadienne. La Loi constitutionnelle est subordonnée à la Constitution du Canada.

Le sénateur Bryden : C'est une question qui a été soulevée par ce comité; faut-il adopter une modification constitutionnelle pour faire passer à quatre ans la durée du mandat?

M. Neufeld : Je ne suis pas spécialiste de cette question.

Le sénateur Bryden : Je pensais que vous aviez peut-être une autre position de repli, mais c'est vraiment la Constitution du Canada qui régit en fin de compte ce genre de situation.

M. Neufeld : D'après ce que je comprends.

Le sénateur Bryden : Vous avez dit que les trois dernières assemblées législatives avaient siégé jusqu'à la fin de leur mandat, cinq ans, et que la raison pour laquelle elles avaient dû cesser de siéger était la Constitution du Canada.

M. Neufeld : Exactement. Depuis que la Colombie-Britannique s'est jointe à la Confédération, il s'est écoulé en moyenne trois ans et huit mois entre chaque élection.

Le sénateur Bryden : Je vais faire là un simple commentaire. Certains d'entre nous estiment qu'en choisissant un mandat de quatre ans, en choisissant une date fixe, cela modifie la période maximale du mandat. Pour procéder correctement, le gouvernement du Canada sera peut-être obligé de procéder à une modification constitutionnelle.

L'autre question est le pouvoir qu'a le gouvernement de déclencher des élections avant l'expiration de la période de quatre ans. Nous avons tendance à considérer qu'il s'agit d'un cas où le gouvernement essaie de créer une situation défavorable, ou une situation qui amènerait la population à exiger la tenue d'élections. Il y a toutefois d'autres cas où les gouvernements ont eu une possibilité unique de prendre une mesure qu'une bonne partie de la population souhaitait mais qu'avec leur élection, ces gouvernements n'ont pas eu le mandat de prendre cette mesure.

À titre d'exemple, si un gouvernement avait besoin d'un mandat, non pas pour satisfaire une majorité importante qu'il pourrait lui-même contrôler mais pour convaincre la population qu'il veut réellement respecter le mandat que lui avait donné la population, comment ce gouvernement pourrait-il régler une telle situation au cours de la troisième année de son mandat?

M. Neufeld : Je pense que les membres du comité ont beaucoup plus d'expérience que moi de la politique électorale et de la façon dont ces décisions se prennent. Je peux vous dire qu'en Colombie-Britannique, l'idée qu'un gouvernement puisse déclencher les élections avant la date fixée — il a été question à un moment donné de le faire parce que cela était nécessaire, possible, avantageux, choses que l'on dit en politique — serait inacceptable pour la population. On ne peut fixer une date et ensuite, changer d'idée et déclencher des élections. Je pense qu'il y aurait un prix politique à payer, mais je ne suis pas spécialiste dans ce domaine. Je ne peux prétendre pouvoir vous expliquer en détail tout ce qui est possible. Je peux uniquement vous dire, du point de vue d'un administrateur, qu'une fois la date fixée par la loi, je pense qu'il est obligatoire de respecter cette date.

Le sénateur Bryden : Toujours sur cette question, il n'y a pas très longtemps, le gouvernement Mulroney a décidé de conclure un accord de libre-échange et il était clair que la population ne lui avait pas donné le mandat de le faire. En fait, le mandat qu'il avait reçu était tout à fait contraire. Il existait à ce moment une opportunité. Le gouvernement jouissait d'une majorité importante et il aurait pu mettre en œuvre cet accord même si la population ne lui avait pas donné le mandat de conclure une entente aussi importante lorsqu'elle l'avait élu. La réaction du Sénat a été tellement vive, même si je dois dire que cela n'a pas été forcément un de nos meilleurs moments, que le gouvernement a été obligé de consulter la population. Le gouvernement a obtenu une forte majorité et a réalisé son projet.

En Colombie-Britannique, il n'y a pas d'autre Chambre capable de bloquer un projet de loi. A-t-il été envisagé que, dans une situation de ce genre, le premier ministre puisse s'adresser au lieutenant-gouverneur pour qu'il déclenche des élections, parce qu'il serait opportun de prendre une mesure très importante mais pour laquelle il n'a pas obtenu de mandat?

M. Neufeld : Je dirais que, dans le cas dont vous parlez, le premier ministre parlerait avec le lieutenant-gouverneur du paragraphe 23(1) de la Loi constitutionnelle qui énonce :

Le lieutenant-gouverneur peut, par proclamation au nom de Sa Majesté, proroger ou dissoudre l'Assemblée législative lorsqu'il l'estime approprié.

C'est donc encore une possibilité. Il pourrait arriver que, face à une décision extrêmement importante pour la population, le gouvernement estime qu'il a besoin d'un mandat clair pour mettre en œuvre la solution qu'il préconise. Il n'y a rien dans la législation de la Colombie-Britannique qui l'interdise et je ne pense pas que le projet de loi C-16 l'interdise non plus.

Le sénateur Fraser : Ma question se rapporte à la question qu'a posée le sénateur Joyal au sujet de la participation électorale et à sa remarque, selon laquelle aux États-Unis, pays où la plupart des élections se tiennent à date fixe, les taux de participation ne sont habituellement pas très élevés.

Comme vous l'avez mentionné, il existe de nombreuses variables. Je suis sûre que vous connaissez beaucoup mieux que moi les systèmes électoraux. Je sais que les différents États administrent leurs propres élections, comme le font nos provinces, et que par conséquent les pratiques ne sont pas uniformes; j'aimerais néanmoins savoir s'ils s'efforcent, comme nous le faisons au palier fédéral et comme cela se fait au palier provincial, de rejoindre les électeurs potentiels, de les inciter à s'inscrire, de leur faciliter la tâche et de leur expliquer comment faire. J'ai l'impression qu'ils ne le font pas autant que nous. Cette impression est-elle exacte?

M. Neufeld : Je dirais qu'elle est, d'une façon générale, exacte. L'inscription des électeurs repose sur des principes différents. Aux États-Unis, on considère que c'est aux citoyens de s'inscrire. Au Canada, on pense généralement que c'est à l'État d'amener les citoyens à s'inscrire, qu'il est obligé de leur faciliter le travail et de leur donner des moyens faciles à utiliser pour s'inscrire et pour voter. L'administration électorale américaine n'accorde pas la même importance à ce principe.

Les deux systèmes sont très différents et il existe de nombreux facteurs qui expliquent le fait que les taux de participation soient plus faibles aux États-Unis qu'au Canada. Il faut toutefois mentionner que nous nous dirigeons dans leur direction.

Le sénateur Fraser : Je ne veux pas dire que tout dépend d'une seule variable, mais il me semble que c'est là un élément qui explique les différences que nous constatons sur le plan de la participation électorale.

M. Neufeld : Absolument.

La vice-présidente : Existe-t-il, en Colombie-Britannique, des limites sur la publicité que peut faire le gouvernement provincial avant ou pendant une période électorale?

M. Neufeld : Il n'y a pas de limite légale, mais avant l'adoption en 2005 des élections à date fixe, le gouvernement avait décidé de limiter volontairement le genre de publicité autorisé, à savoir la publicité relative aux questions de santé, les offres d'emploi et les questions reliées aux nécessités de l'administration de la province et à la sécurité publique.

Cette limite volontaire entrait en vigueur 90 jours avant la délivrance des brefs. Cette limite a été en général très bien respectée, tant par les bureaux gouvernementaux que par les médias, et elle a été très bien acceptée par la population.

La vice-présidente : Je pense que vous appuierez ce que M. Kingsley nous a dit hier soir. Il a déclaré que les politiques du Conseil du Trésor interdisaient certains types de publicité gouvernementale pendant la campagne électorale, et il proposait que cette interdiction entre en vigueur quatre semaines avant le déclenchement des élections.

M. Neufeld : Si la Colombie-Britannique peut servir d'exemple, cette période pourrait même être encore allongée.

La vice-présidente : N'y a-t-il pas le risque qu'un gouvernement utilise des fonds publics pour commencer sa campagne électorale avant que le bref soit délivré parce qu'il connaît le moment où seront déclenchées les prochaines élections? Certains craignent que cela désavantage les partis de l'opposition. Cela désavantagerait grandement les petits partis. Que pensez-vous de cette question?

M. Neufeld : Comme je l'ai mentionné dans mes remarques d'ouverture, c'était effectivement un sujet de préoccupation en Colombie-Britannique. Nous avons suivi cet aspect de très près et nous n'avons pas constaté que cela faisait problème. Cela ne veut pas dire que cela ne pourrait pas le devenir. C'est peut-être un aspect qui devrait faire l'objet d'un examen si le gouvernement ne souhaite pas introduire immédiatement des mesures législatives à ce sujet.

Je comprends cette préoccupation. En Colombie-Britannique, nous avons tenu nos premières élections à date fixe et cette possibilité ne s'est pas vraiment concrétisée. Les dépenses électorales des différents partis, y compris celles des principaux partis, au cours des élections de 2005, n'étaient pas, proportionnellement, supérieures à celles des deux élections précédentes.

Le sénateur Jaffer : Pour ce qui est de la participation électorale, comme vous l'avez mentionné, il y avait le facteur supplémentaire du plébiscite sur le vote unique transférable pour lequel on exigeait un certain taux de participation. Pensez-vous que cela ait joué un rôle dans l'augmentation de la participation que vous avez constatée?

M. Neufeld : Eh bien, je l'espère. Je ne pense pas que cela ait joué en fait un grand rôle. C'était une situation unique puisque c'était la première fois que les gens pouvaient voter uniquement au référendum et non pas aux élections. Il y avait des gens qui souhaitaient depuis longtemps avoir la possibilité de refuser officiellement de voter. Environ 60 000 personnes n'ont pas voté au référendum mais ont voté aux élections. Les chiffres correspondant aux élections sont plus élevés que ceux du référendum. C'était sur environ 1,75 million de suffrages exprimés.

La vice-présidente : Merci, monsieur Neufeld, d'être venu de si loin avec un préavis aussi court et de nous avoir présenté un excellent exposé.

Nous avons ici M. Henry Milner, chercheur invité à Université de Montréal et à l'Institut de recherche en politiques publiques, ou IRPP. M. Milner est également professeur invité à l'Université d'Umeå en Suède. En 2004-2005, il occupait la chaire des études canadiennes à la Sorbonne. En 2005-2006, il était titulaire de la chaire Fulbright Canada- U.S. à la SUNY à Plattsburgh. Il a été professeur invité dans les universités de la Finlande, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande.

Parmi les livres récents de M. Milner, mentionnons : Civic Literacy : How informed Citizens Make Democracy Work, 2002; Social Democracy and Rational Choice : The Scandinavian Experience and Beyond, 1994; et Sweden : Social Democracy in Practice, 1989. Il a édité deux livres sur la réforme électorale : Making Every Vote Count : Reappraising Canada's Electoral System, 1999; et Steps toward Making Every Vote Count : Electoral System Reform in Canada and its Provinces, 2004. Il est le coéditeur de Inroads, la revue canadienne d'opinion et de politiques.

Henry Milner, chercheur invité, Chaire de recherche du Canada en études électorales, Département de science politique, Université de Montréal, à titre personnel : Je vous remercie. J'ai hâte d'entamer une discussion avec les membres du comité. J'ai examiné le compte rendu des questions que vous avez posées au ministre et je suis convaincu que vous aurez des observations très intéressantes à présenter.

Vous ne serez sans doute pas surpris si je vous dis que je suis en faveur de l'idée d'avoir des élections à date fixe. En fait, je dirais que cette version du projet de loi est trop prudente mais que ce projet représente certainement un pas dans la bonne direction.

Je ne suis pas constitutionnaliste, ni avocat et j'espère donc que nous ne passerons pas trop de temps sur ces aspects, qui, je le sais, vous intéressent. Je tiens à souligner pourquoi l'adoption d'élections à date fixe ne peut qu'améliorer nos institutions démocratiques.

Certains d'entre vous savent peut-être que j'ai publié avec l'IRPP, il y a près d'un an, une étude sur les élections à date fixe, dans laquelle je comparais la situation au Canada et dans les provinces avec celle d'autres pays. Je fais de la recherche comparative, comme vous le pouvez le constater. J'ai enseigné et fait de la recherche dans de nombreux pays. C'est ma façon d'étudier les choses.

La principale remarque, qui est assez évidente mais mal connue, même chez les spécialistes de la science politique, est que les élections à date fixe sont en fait un mécanisme normal, même dans les régimes parlementaires.

Nous avons tendance à penser que les élections à date fixe sont synonymes de régime présidentiel ou mixte, comme celui des États-Unis, et que, par leur nature, les régimes parlementaires doivent nécessairement donner au gouvernement le pouvoir de déclencher des élections lorsqu'il l'estime approprié. En fait, ce n'est pas le cas. De nombreux régimes parlementaires fonctionnent avec des élections à date fixe et fonctionnent même très bien. Même les régimes parlementaires inspirés de celui de l'Angleterre, comme ceux de certaines provinces de l'Australie, aujourd'hui de certaines provinces canadiennes, et les nouvelles assemblées de l'Écosse et du pays de Galles, fonctionnent extrêmement bien avec des élections à date fixe, même avec des systèmes multipartites qui ne donnent pas lieu à l'élection de gouvernements majoritaires. Par exemple, en Écosse, l'assemblée écossaise.

Comme vous le savez peut-être si vous avez lu mes écrits, je suis en faveur d'autres réformes démocratiques, comme l'adoption d'un système électoral proportionnel compatible avec des élections à date fixe. Si nous avions le temps, je pourrais vous en parler, mais nous parlons aujourd'hui des élections à date fixe dans le contexte du système électoral actuel, qui n'est pas proportionnel.

Mon point de vue est celui de l'électeur. Cette affirmation peut paraître un peu naïve, mais il est bon de le mentionner à des gens qui passent leur temps dans l'édifice du Parlement et de leur dire que les élections sont d'abord et avant tout pour la population, pour les électeurs, pour le citoyen, et secondairement seulement, pour les politiciens. Les politiciens ont pour rôle de prendre des décisions et d'agir entre les élections, mais pour l'activité électorale concrète, le but essentiel devrait être d'aider les citoyens dans leur rôle d'électeur et de choisir le moment du déclenchement des élections qui convient le mieux aux citoyens.

C'est le point essentiel. On passe souvent à côté dans les discussions qui portent sur les stratégies des gouvernements et ce qu'il faut faire dans tel cas ou dans tel autre, et ainsi de suite. Il faut bien sûr discuter de points techniques mais il ne faut pas oublier l'intérêt des citoyens.

Si vous vous posez cette question, il me semble que la réponse est évidente. Les citoyens aimeraient savoir quand auront lieu les prochaines élections. C'est vraiment très simple. Les gens veulent savoir quand ils seront appelés à voter. Cela facilite le travail des gens qui informent les citoyens, comme les journalistes. Je m'intéresse beaucoup à la participation des jeunes à la politique et je pense que les élections à date fixe aident beaucoup les professeurs qui enseignent l'instruction civique parce qu'ils peuvent organiser des activités et des événements, inviter des conférenciers qui vont parler des élections à venir et ils savent quand ces élections auront lieu. De plus, cela aide aussi les gens qui font partie des groupes qui travaillent sur des simulations au cours desquelles les jeunes étudiants des écoles secondaires votent au même moment que les électeurs. Cela est beaucoup difficile à planifier si ces personnes ne connaissent pas le moment où auront lieu les élections.

Le fait de connaître la date des prochaines élections aide de multiples façons les citoyens et ceux qui essaient d'aider les citoyens à participer à la vie politique. Je dirais également que cela facilite le recrutement des candidats. Je pense que cela est particulièrement vrai dans le cas des femmes. Si l'on essaie de combiner le fait de poser sa candidature et les répercussions que cela aura sur sa façon de vivre, il me semble que cela aidera les partis politiques dans leur recherche de candidats s'ils peuvent dire à quelle date les élections auront lieu plutôt que de dire aux candidats éventuels qu'elles pourront avoir lieu entre maintenant et cinq après les dernières élections. Il est beaucoup plus facile de cette façon d'organiser sa vie et d'être en mesure, à un moment donné, de poser sa candidature.

Cela facilite donc le recrutement des candidats. Il est également facile de choisir le moment des élections qui convient le mieux à certains groupes. On peut choisir une date qui convienne aux étudiants et aux gens qui passent l'hiver dans le sud, par exemple; ce sont là des avantages marginaux mais combinés, il faut admettre que ce mécanisme est très important du point de vue de la démocratie et du point de vue de la participation des citoyens.

Pour ce qui est des problèmes, le seul que je puisse concevoir, au-delà des questions gouvernementales techniques — et bien évidemment, nous parlerons de ces aspects au cours de la période des questions — est de savoir si cela ne risque pas d'allonger la durée de la campagne électorale. Sachant que les élections auront lieu, disons, en octobre de l'année prochaine, les politiciens ne risquent-ils pas de vouloir s'y préparer dès maintenant?

Je dirais que c'est principalement une question empirique. Ce n'est pas ce qui s'est produit dans les pays que j'ai étudiés. Bien sûr, cela se produit aux États-Unis, comme nous le savons. Ils ont en fait démarré leur campagne présidentielle ces jours-ci, près de deux ans avant la date des élections, mais leurs institutions sont complètement différentes, y compris les primaires. Pour autant que je sache — je ne vis pas en Ontario mais la plupart d'entre vous y vivent —, la campagne électorale n'a pas encore commencé en Ontario, même s'il y aura des élections au début du mois d'octobre.

Je me trompe peut-être. Je lis le Globe and Mail tous les jours mais à part cette lecture, je ne connais pas bien la scène politique ontarienne. Je n'ai toutefois pas l'impression que la situation en Ontario soit différente aujourd'hui de ce qu'elle serait, si au lieu de tenir les prochaines élections en octobre au jour fixé, elles l'étaient au cours de la quatrième année du mandat du gouvernement et si les gens devaient faire des hypothèses pour savoir si elles auront lieu au printemps, à l'automne ou au printemps suivant. Je me trompe peut-être, mais je ne pense pas qu'il y ait, à l'heure actuelle, davantage d'activités préélectorales en Ontario qu'il y en aurait avec l'ancien système.

Je n'ai pas entendu l'exposé de M. Neufeld. Je ne sais pas si vous lui avez posé cette question au sujet des dernières élections qui ont eu lieu en Colombie-Britannique, à une date fixe, et si vous lui avez demandé si la campagne électorale avait commencé plus tôt qu'elle ne l'aurait fait autrement.

L'impression que je retire des pays que j'ai étudiés est que ce n'est pas ce qui se passe, mais il est difficile de le vérifier parce que nous ne savons pas ce qui se serait passé si les élections n'étaient pas tenues à date fixe.

En Suède, où je passe une bonne partie de mon temps, comme cela a été mentionné, les élections ont lieu à la mi- septembre. Pour l'essentiel, la campagne électorale commence quand les gens reviennent de leurs vacances d'été, en août. C'est fait simplement; c'est une tradition. C'est ce que j'appelle la saison de la politique et les gens y sont habitués. C'est à ce moment-là que cela se produit. Il y a certains événements, des événements organisés par les partis et d'autres. Je pense qu'on pourrait avoir quelque chose d'équivalent au Canada.

Le seul domaine qui a été mentionné dans les questions était de savoir ce qui se passerait dans le cas de votre institution, qui est différente de celles des provinces. Supposons qu'un gouvernement ait un conflit avec le Sénat — le Sénat refuse d'adopter une mesure législative très importante qui a été adoptée par la Chambre — le gouvernement pourrait-il déclencher des élections? Selon le droit actuel, qui n'interdit aucunement une telle décision, la réponse serait oui. La façon dont la loi est formulée n'empêche pas le déclenchement d'élections. Le droit ne contient aucune règle qui empêcherait le gouvernement de dire au gouverneur général : « Regardez, nous ne pouvons pas gouverner; je vous demande de déclencher des élections, vous avez le pouvoir de le faire. » Ce serait au gouvernement de justifier sa décision devant la population.

Avec la formulation actuelle de la loi, cela ne poserait pas de problème, mais je l'aurais formulée de façon beaucoup plus restrictive. J'aurais rédigé une disposition qui autoriserait des élections anticipées « seulement en cas de vote de non-confiance » ou quelque chose à cet effet. Je ne suis pas constitutionnaliste ni avocat, alors ne me demandez pas d'être plus précis, mais j'énonce simplement un principe fondamental selon lequel le gouvernement ne doit pouvoir déclencher des élections anticipées qu'en cas de vote de non-confiance. S'il faut pour y parvenir modifier la Constitution, qu'on le fasse. C'est une institution purement fédérale, de sorte qu'il ne serait pas nécessaire que les provinces interviennent et, en fin de compte, ce ne serait pas une modification importante.

Le gouvernement voulait éviter toutes ces complications, c'est pourquoi je pense qu'il a adopté un premier article malheureux. La loi aurait dû dire ceci : « Les prochaines élections auront lieu en octobre » — ou à un autre moment — « et chaque élection normale subséquente aura lieu le quatrième lundi » ou un autre jour. Ce projet de loi énonce toutefois qu'il n'a pas pour effet de porter atteinte aux pouvoirs du gouverneur général. Comme la première phrase de ce projet de loi laisse entendre qu'il n'apporte aucun changement véritable, il est donc difficile d'affirmer que ce projet de loi change quoi que ce soit. C'est une loi inutilement prudente.

Si l'on examine ce que font les autres pays, on constate que c'est le principe fondamental qui est appliqué, à savoir que le seul cas dans lequel il peut y avoir des élections anticipées, c'est lorsque le gouvernement a perdu la confiance de la Chambre des communes. Au Canada, je sais qu'il y a un débat sur la question de savoir quel est le genre de loi qui peut donner lieu à un vote de confiance. Là encore, je pense qu'il existe un moyen de le savoir. Le gouvernement doit dire aux députés : « Si vous retirez votre confiance au gouvernement, passez un vote de non-confiance, et si vous ne pouvez pas le faire, nous ne considérerons pas qu'il s'agit d'un vote de non-confiance. » Cela fonctionne extrêmement bien de cette façon dans de nombreux pays, et cela évite de jouer à des jeux et de dire : « Si nous rejetons cette mesure, cela veut dire que le gouvernement n'a plus la confiance du Parlement ».

Voici comment je règlerais cette question, et dans ce cas-là, pour ce qui est du Sénat, nous devrions peut-être nous demander s'il conviendrait d'accorder au Sénat un droit de veto. Un organisme nommé devrait-il avoir un droit de veto ou ne devrions-nous pas nous inspirer de la Chambre des lords, dont le vote a un effet suspensif mais pas impératif? Bien entendu, si le Sénat était élu, alors il y a toute une autre série de facteurs que l'on pourrait examiner.

J'ai essayé d'aborder les divers points qui ont été soulevés, mais je tiens à souligner le point essentiel suivant, à savoir que du point de vue de la démocratie électorale, la tenue d'élections à date fixe est une bonne idée.

La dernière remarque que j'aimerais faire est qu'un citoyen ordinaire dirait, je crois, à un membre du parti au pouvoir « Si vous n'êtes pas en faveur de cette loi, c'est parce que vous aimez pouvoir déclencher les élections lorsque cela vous convient, pour des raisons partisanes ». Un politicien devrait être en mesure de justifier sa décision ou devrait être capable de dire non. Si c'est bien là la raison pour laquelle les politiciens ne veulent pas adopter les élections à date fixe, alors ils auront du mal à expliquer aux citoyens ordinaires que le premier ministre ou le gouvernement souhaite continuer à déclencher des élections lorsque cela leur convient. Dans un certain sens, le fardeau de la preuve incombe aux élus, en particulier à ceux qui détiennent le pouvoir ou à ceux qui espèrent le détenir un jour; c'est à eux de justifier leur décision devant les citoyens.

La vice-présidente : Merci, monsieur.

Certains se demandent si le gouvernement, connaissant d'avance la date des prochaines élections, ne serait pas tenté d'utiliser des fonds publics pour faire une publicité favorable au gouvernement bien avant qu'ait commencé la campagne électorale. Le projet de loi ne devrait-il pas contenir quelques dispositions visant à empêcher ce genre de choses?

M. Milner : C'est une bonne idée. Cela ne change pas énormément la situation. Si nous regardons ce qui se passe dans les pays démocratiques qui n'ont pas adopté des élections à date fixe, on constate que le Canada constitue un peu une exception ces temps-ci parce que nous semblons élire des gouvernements minoritaires à répétition. Cependant, dans les pays où il y a des gouvernements majoritaires — et, au cours de certaines périodes, c'était le cas ici —, il existe une entente générale voulant que les élections aient lieu régulièrement. Par exemple, en Grande-Bretagne, les quatre dernières élections ont eu lieu au quatrième printemps. Au Québec, nous avons eu régulièrement des élections pratiquement tous les quatre ans au printemps. Il existe dans la plupart des cas une présomption voulant que les élections aient lieu de façon régulière. C'est la raison pour laquelle, dans la situation actuelle, les gouvernements pourraient être tout aussi tentés de dépenser leur budget de publicité à des fins partisanes. Je reconnais que ce serait probablement une bonne idée de limiter ces dépenses mais je ne sais pas à quel genre de loi vous pensez exactement. De façon générale, il faut que ce genre d'interdiction prenne la forme d'une règle générale. Si l'intérêt d'une telle interdiction se fait sentir davantage avec cette loi, c'est une bonne raison pour commencer à y réfléchir, mais je ne pense absolument pas qu'il faille reporter l'adoption de ce projet de loi parce que les protections actuelles ne sont pas suffisantes.

La vice-présidente : M. Kingsley a signalé hier soir que les politiques actuelles du Conseil du Trésor interdisaient certains genres de publicité gouvernementale pendant la campagne électorale et il a proposé que cette interdiction vise également la période de quatre semaines précédant le déclenchement des élections.

Le témoin de la Colombie-Britannique nous a dit que cette période était de 90 jours dans cette province. Il a même déclaré qu'il serait souhaitable de la prolonger. Que pensez-vous d'une solution de ce genre? Cela ne figure pas dans le projet de loi. C'est une politique du Conseil du Trésor.

M. Milner : Si vous ne savez pas à quel moment commence la campagne électorale, s'agit-il du moment où vous ne pouvez plus revenir en arrière?

La vice-présidente : Je dis qu'avec des élections à date fixe, on connaît cette date.

M. Milner : La politique actuelle vise uniquement la campagne électorale. Est-ce bien ce que vous dites?

La vice-présidente : Oui.

M. Milner : Cela me semble un amendement intéressant. Par contre, je ne voudrais pas que cela ait pour effet de retarder inutilement le projet de loi. J'inviterais le gouvernement à s'engager à adopter un deuxième projet de loi ayant cet effet. Là encore, ce sont des questions techniques qu'il ne m'appartient pas d'aborder. C'est une préoccupation utile et s'il est possible d'ajouter cette interdiction à titre d'amendement amical susceptible d'être accepté par le gouvernement, alors il ne faut pas hésiter, mais il ne faudrait pas que cela empêche d'adopter ce projet de loi.

La vice-présidente : Avez-vous constaté, dans les pays où vous avez travaillé et étudié, que la période au cours de laquelle les parlementaires font campagne a été allongée à cause de la tenue d'élections à date fixe, de sorte qu'ils sont constamment en campagne électorale?

M. Milner : Comme je l'ai dit, les pays qui ont adopté des élections à date fixe l'ont fait il y a des années. Je ne sais pas si vous avez posé la question à M. Neufeld. A-t-il constaté un changement en Colombie-Britannique?

La vice-présidente : Il a dit que non.

M. Milner : Il a dit que non et j'ai le sentiment que la situation qui existe actuellement en Ontario n'est pas différente de ce qu'elle serait s'il n'y avait pas de date fixe. C'est tout ce que nous pouvons faire.

Je dirais que les pays qui ont adopté des élections à date fixe ne ressemblent pas aux États-Unis. On ne retrouve pas dans ces pays ce genre de campagne électorale pratiquement permanente. Voilà ce que je peux vous dire.

La vice-présidente : Merci, monsieur. J'ai deux sénateurs sur la liste, mais avant de leur donner la parole, j'aimerais simplement signaler que nous ne sommes que deux à venir de l'Ontario, de sorte que nous sommes en minorité ici.

[Français]

Le sénateur Joyal : Je vous écoutais énumérer les avantages, selon vos réflexions, qu'il y avait de rattaché à l'idée d'une élection à date fixe, à savoir qu'il est plus facile de recruter des femmes et que les citoyens savent davantage quelle est la date qu'ils auront à voter. Comment se fait-il que les États-Unis, qui ont un système d'élection à date fixe depuis 220 ans maintenant, et le Royaume-Uni, qui ont des élections à dates flexibles depuis quelque 300 années, qu'il y a plus de femmes au Parlement de Westminster qu'il y en a au Congrès ou au Sénat américain? Comment expliquez-vous que la participation des citoyens en Grande-Bretagne est beaucoup plus élevée dans différentes couches de la société qu'elle ne l'est aux États-Unis où le vote tend à être concentré dans les classes moyennes et supérieures et que de grands secteurs de la population ont des taux de participation très faibles?

Je ne fais pas de conclusions aussi directes, complètes et globales que celles que vous faites lorsqu'on compare les deux systèmes en action sur une très longue période. À mon avis, pour pouvoir vraiment observer les tendances, il faut le faire sur une certaine période et non pas sur les segments d'élections de deux, trois ou quatre ans. Il faut quand même regarder la tendance électorale sur une très longue période. Comment expliquez-vous qu'on ne retrouve pas dans le système américain tous ces avantages que vous décrivez et on les retrouve, à un certain niveau certainement, dans des pays dont les élections sont à dates flexibles?

M. Milner : Concernant la participation des femmes, je pourrais vous montrer facilement que les États-Unis c'est l'exception parmi les pays avec élection à date fixe comme les pays scandinaves et l'Allemagne où, en général, la participation des femmes à l'assemblée est plus forte que dans les pays comme la Grande-Bretagne ou le Canada où les élections sont à date fixe. C'est lié surtout au système proportionnel et pour moi, en ce qui concerne la participation des femmes, on ne peut pas utiliser de tels chiffres d'un côté ou de l'autre.

Tout ce que je dis, c'est que dans une situation concrète, il sera plus facile de recruter des femmes. Cela ne veut pas dire qu'on va aller de 20 p. 100 à 40 p. 100, mais dans une situation marginale, cela pourrait avoir un effet. Donc on ne peut pas utiliser les chiffres globaux pour cela, mais dans la réalité, c'est assez clair.

En ce qui a trait à la participation au vote, il faut d'abord dire que maintenant la participation chez les Américains et les Britanniques est plus ou moins semblable, car le déclin était très fort en Grande-Bretagne, comme au Canada, et aux États-Unis au moins lors des dernières élections où la participation au vote a montée. Dans les deux cas, on est aux alentours de 60 p. 100. Il ne faut pas oublier que les Américains donnent leurs chiffres sur tous les citoyens de 18 ans et plus et pas seulement sur ceux qui sont enregistrés ou donc éligibles à voter. Quand on fait la comparaison, on voit que la participation aux États-Unis maintenant, est au même niveau à peu près qu'en Grande-Bretagne et au Canada. C'est dommage, parce que cela veut dire que la chute a été assez forte chez nous.

Deuxièmement, la raison pour laquelle la participation est assez faible aux États-Unis n'a rien à voir avec les élections à date fixe. Je pense que si les élections n'étaient pas à date fixe aux États-Unis, le vote serait même plus bas. La raison pour laquelle la participation au vote est très faible aux État-Unis pour les élections législatives et même présidentielles, c'est qu'on ne fait pas d'efforts, sauf dans les endroits où les parties ont une chance de gagner et ceux qui ne sont pas gagnés d'avance. Donc tous les efforts sont concentrés dans une minorité d'États ou de sièges.

Le système américain, à cause du système électoral et présidentiel, fait en sorte que la majorité des citoyens, dans une élection, ne sont même pas visités. Prenons l'exemple des dernières élections aux États-Unis, qui étaient très contestées dans la plupart des États, ni les démocrates ni les républicains n'ont acheté de la publicité. Ils n'ont pas dépensé un sou de publicité parce qu'ils savaient déjà que l'État était ou gagné ou perdu d'avance. Ils ont tout investi dans les 17 ou 18 États, qui n'étaient ni bleus ni rouges mais partagés où ils ont investi des millions et des millions dans ces États, donc ces gens ont beaucoup écouté, mais dans les autres États, les gens n'ont rien écouté.

Dans le cas de la Chambre des représentants, ce n'est que dans dix à 15 p. 100 des États, au maximum, où il y a vraiment une compétition. Dans la grande majorité, se sont des sièges gagnés d'avance soit par les républicains soit par les démocrates. Donc les électeurs n'ont pas beaucoup d'intérêt à voter et les partis ne font aucun effort pour aller les chercher parce que cela ne donne rien. Ils investissent toutes leurs ressources dans les comtés où il y a de la compétition.

La dernière fois les démocrates ont fait une différence. Monsieur Dean a dit qu'il fallait quand même travailler dans certains cas pour bâtir une présence pour l'avenir. Mais la grande majorité des investissements étaient faits dans les districts ou dans les États compétitifs. C'est ce qui explique le faible taux de participation aux États-Unis. S'ils le veulent, il leur est facile de faire en sorte que le taux de participation augmente. Cela n'a rien à voir avec les élections à date fixe; ils doivent garder le statu quo.

Au niveau présidentiel, ils doivent abolir le collège électoral et alors chaque vote aura un effet. À la Chambre des représentants, ils doivent changer la loi pour permettre aux juges et aux directeurs d'élections non partisans de définir les frontières des districts au lieu de laisser cela aux politiciens. Ils le font pour s'assurer que ceux qui sont candidats seront réélus. Si on veut discuter du système américain, il y a des changements à faire, mais cela n'a rien à voir avec des élections à date fixe.

Le sénateur Joyal : C'est ce que je pense. Je crois que vous attribuez des mérites aux élections à date fixe qui n'existent pas. En particulier, j'aimerais revenir sur la question des femmes. Les pays que vous avez mentionné, dont les pays scandinaves ont tous des systèmes proportionnels alternés sur le plan des sexes.

M. Milner : Pas nécessairement.

Le sénateur Joyal : C'est les partis qui font la différence. Pourquoi? Parce que les partis, lorsqu'ils choisissent un candidat, doivent faire l'alternance sur les listes. C'est ce qui a amené les pays scandinaves, en particulier, à atteindre des niveaux aussi élevés de participation presque paritaire des femmes. Est-ce la Finlande qui a le taux le plus élevé de participation des femmes?

M. Milner : Non, c'est la Suède.

Le sénateur Joyal : Ce sont des variations de un ou deux points au-delà de 40 p. 100. Le cas de la France est un bon exemple d'un pays qui a des élections à date fixe. À la présidence, évidemment, nous l'avons su la semaine dernière de manière assez évidente et de la même façon au niveau des municipalités et des collectivités locales et pourtant la France a légiféré formellement pour obliger les partis politiques à présenter 50 p. 100 de femmes à défaut de quoi, ils doivent payer des amendes. Donc il y a des facteurs qui, à mon avis, sont beaucoup plus déterminants pour l'augmentation de la participation des femmes que les élections à date fixe.

M. Milner : On est d'accord là-dessus.

Le sénateur Joyal : Permettez-moi de douter de votre affirmation selon laquelle cela aidera à recruter des femmes. J'ai été impliqué dans le choix des candidats pour le Québec au niveau fédéral depuis 1971 lors de toutes les élections fédérales et dans plusieurs élections complémentaires, puisque j'assume une responsabilité à l'intérieur des structures du parti dans lequel je milite. Et chaque fois que j'ai eu à convaincre une candidate potentielle de se présenter, je n'ai jamais eu comme objection la date des élections. Les facteurs pour lesquelles une femme détermine de se présenter n'ont absolument rien à voir avec le fait que l'élection aura lieu à date fixe au mois de mai, comme en Colombie- Britannique ou au mois d'octobre, comme nous le proposons ici.

Comme vous et M. Neufeld l'avez dit, les gens savent — et vous êtes du Québec et l'avez vécu comme moi — que dans la quatrième année d'un mandat on sait qu'il va y avoir une élection en général. Dépassé la quatrième année, il y a des risques énormes sur le plan électoral. Donc, il y a un phénomène de rajustement quasi automatique. On le voit au Québec actuellement. Je ne crois pas que votre affirmation sur la participation des femmes en politique soit juste.

M. Milner : Je suis d'accord que le mode de scrutin est beaucoup plus important. Mais il serait intéressant de poser la question.

Le sénateur Joyal : Et la culture des partis politiques.

M. Milner : Absolument. Mais la culture est liée à cela. Si on faisait un sondage parmi les femmes impliquées dans la vie politique, à tous les niveaux, à savoir si cela les aiderait de connaître la date des prochaines élections.

À mon avis, probablement qu'un certain nombre dirait peut-être que ça les aiderait. Mais c'est marginal; je ne veux pas trop miser sur cela.

Le sénateur Joyal : Je le crois également. Ma deuxième question concerne la restriction que vous suggérez aux pouvoirs du gouverneur général ou j'imagine d'un lieutenant-gouverneur de refuser la dissolution ou d'octroyer la dissolution sur la base d'un vote de confiance.

Je crois que notre système a une flexibilité qu'il faut garder. Je crois que le projet de loi à cet égard, le paragraphe 56.1 est opportun. Évidemment, si on veut le changer, comme vous le savez, il faut amender l'article 41 de la Constitution, parce que nous touchons aux pouvoirs du gouverneur général ou du lieutenant-gouverneur, car l'article 41 dit très bien que si on change les pouvoirs du lieutenant-gouverneur ou d'un gouverneur général, il faut amender la Constitution. Et là, on changerait les pouvoirs du gouverneur général. Ce n'est donc pas une modification que l'on peut faire seulement au Parlement canadien, mais cela doit être fait par l'ensemble de la population canadienne, comme l'indique le paragraphe 41.1.

[Traduction]

Si je peux vous lire ce passage :

Toute modification de la Constitution du Canada portant sur les questions suivantes se fait par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisé par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province :

a) la charge de Reine, celle de gouverneur général et celle de lieutenant-gouverneur;

[Français]

Donc si une province voulait, par exemple, la Colombie-Britannique, limiter la discrétion du gouverneur général, même dans cette seule province, il faudrait qu'il y ait une concurrence de toutes les provinces.

[Traduction]

M. Milner : C'est regrettable, à mon avis, mais je m'étais trompé.

Le sénateur Joyal : Il y a beaucoup de choses qui sont regrettables mais qui ont été très utiles à notre pays.

Il faut être réaliste à propos du droit en vigueur et de la façon dont on peut le modifier. Il y a des lois que nous pouvons modifier, comme la loi électorale. C'est ce qui est proposé avec ce projet de loi. Je ne pense pas toutefois que cela puisse se faire aussi facilement que nous le souhaiterions, en particulier lorsqu'il s'agit de définir ce qu'est une motion de confiance. Comme vous le savez, c'est une question qu'il est difficile de définir sur le plan constitutionnel, même si, comme vous l'avez mentionné, il serait peut-être bon de définir ce qu'est la confiance, comme il serait bon de définir ce qu'est une convention constitutionnelle. Cela fait partie de la réalité juridique du pays et ce n'est pas facile à faire, en particulier lorsqu'on examine la loi électorale.

Il est important de bien circonscrire la portée du projet de loi, qui consiste essentiellement à encadrer la prérogative du premier ministre et à préciser le contexte dans lequel il conserve cette prérogative. C'est essentiellement l'équilibre qu'on nous invite à établir avec ce projet de loi. Vous pensez qu'il faudrait limiter cette prérogative de façon plus stricte que l'envisage l'article 56.1 du projet de loi. Je ne suis toutefois pas certain que cela renforcerait la démocratie et la participation des citoyens, si le gouvernement au pouvoir estimait nécessaire de consulter la population au sujet d'une question qui doit faire l'objet d'une décision, si la démocratie exigeait que le gouvernement reçoive un mandat à ce sujet de la part des électeurs. C'est là un objectif légitime sur le plan démocratique, le souci de consulter les citoyens et de leur demander leur opinion sur le mandat qu'ils veulent attribuer au gouvernement pour ce qui est de la mise en œuvre du libre-échange, par exemple, décision qui risque de modifier profondément les règles du jeu.

Je ne vois pas pourquoi il ne serait pas compatible avec les principes démocratiques que les électeurs puissent être invités, à un moment donné, à se prononcer dans un cas où la question revêt une telle importance que ces électeurs devraient pouvoir exprimer leur opinion à ce sujet. Je ne vois pas là de contradiction.

M. Milner : Premièrement, de nombreux pays s'en passent; et deuxièmement, c'est le but des référendums. Si la question est tellement importante qu'il faut consulter la population, alors nous pouvons tenir un référendum. Lorsqu'il s'agit d'élections, il n'est pas exact d'affirmer que nous consultons la population, parce que les gens se prononcent sur de nombreux sujets lorsqu'ils votent à des élections. Ils craignent à juste titre que cela ne soit qu'une façon détournée pour le gouvernement de se faire réélire en demandant son avis à la population sur une question populaire et assurer ainsi sa réélection.

Lorsqu'il est nécessaire de vraiment consulter la population sans attendre jusqu'aux prochaines élections, alors il y a le mécanisme du référendum. Il ne me paraît pas justifié d'accorder au gouvernement le pouvoir discrétionnaire de déclencher des élections au moment qu'il choisit en cas de circonstances spéciales, parce que cela entraîne toutes les conséquences négatives que j'ai décrites. Tous ces pays qui tiennent leurs élections régulièrement tous les quatre ans à date fixe semblent très bien se débrouiller. Je crois que nous allons voir ce mécanisme adopté par les États australiens et les provinces canadiennes. Il me semble que cela fonctionne bien. Nous aurions peut-être dû tenir un référendum sur le libre-échange.

Le sénateur Joyal : Les référendums et les élections sont deux choses différentes. Dans un référendum, on demande à la population de répondre par oui ou par non à une certaine question. Il peut arriver que ceux qui répondent oui n'aient pas la même allégeance politique que ceux qui disent non.

M. Milner : Comment peut-on être sûr que les élections donnent vraiment au gouvernement le mandat de faire ce qu'il dit vouloir faire?

Le sénateur Joyal : Le gouvernement fait sa campagne en fonction d'un programme.

M. Milner : Cela ne suffit pas.

Le sénateur Joyal : Je pense que les élections de 1988 ont principalement porté sur l'Accord de libre-échange.

M. Milner : Quel pourcentage des suffrages les conservateurs ont-ils obtenu?

Le sénateur Joyal : Ils ont gagné avec une majorité de députés assez importante.

M. Milner : Non. Ils avaient une pluralité et non pas une majorité. La majorité des électeurs ont voté pour des partis qui étaient contre l'Accord de libre-échange.

Le sénateur Joyal : Oui, mais les électeurs ont donné à un certain parti le mandat de mettre en œuvre une entente, alors qu'un référendum sert uniquement à consulter la population. C'est un mécanisme complètement différent.

M. Milner : Absolument, mais vous dites que nous combinons les deux.

Le sénateur Joyal : Il est possible de combiner les deux dans une élection. C'est ce que le témoin qui vous a précédé a déclaré, à savoir que, lorsqu'on combine un référendum et des élections, on obtient une réponse à une question et qu'ensuite une équipe est chargée de mettre en œuvre le résultat du référendum, alors qu'avec des élections, on pose les deux questions en même temps.

M. Milner : Auquel cas personne ne sait exactement ce que veut dire la réponse.

Le sénateur Joyal : Lorsqu'un gouvernement est élu sur une question qui se trouve au cœur de son programme électoral, nous savons exactement ce que le gouvernement s'engage à faire et le Sénat sait exactement ce qu'il aura à faire puisque la majorité des électeurs a exprimé son opinion sur ladite question.

M. Milner : Je devrais vous rappeler que les élections de 1988 ont eu lieu en fait quatre ans après les élections précédentes. Cela aurait parfaitement concordé avec un mandat d'une durée de quatre ans. Il n'était donc pas nécessaire de tenir des élections spéciales à ce moment-là.

Même si vous avez raison, il y aura certaines situations dans lesquelles le gouvernement ne pourra attendre les élections suivantes pour se prononcer sur une question particulière. Il faut étirer le sens des mots pour pouvoir affirmer que c'est un cas dans lequel des élections spéciales sont justifiées.

Le sénateur Joyal : Je sais que cette situation pourrait fort bien se produire très rarement. Les élections de 1988 ont eu lieu il y a longtemps, il y a près de 20 ans, ce qui montre que cela ne se produit pas souvent. Cependant, il est possible qu'une telle situation se reproduise et le système est suffisamment souple pour s'en accommoder. D'après moi, la souplesse qui caractérise le système actuel n'est pas contraire à la préservation des règles démocratiques, même dans le contexte d'élections à date fixe.

M. Milner : Ma conclusion est différente. Pour moi, c'est un aspect assez mineur comparé à tous les arguments qui militent en faveur de cette possibilité rare qui pourrait se produire un jour et pour laquelle on pourrait probablement avoir recours à un référendum.

Le sénateur Di Nino : Premièrement, j'aimerais faire un commentaire, puisque mon collègue a déclaré qu'il n'avait pas eu connaissance du fait que des candidates potentielles ne s'étaient pas présentées en raison de l'incertitude de la date des élections. J'ai probablement la même ancienneté que mon collègue ici et je peux lui assurer, et mentionner pour le compte rendu, que j'ai connu de nombreux cas ces dernières années — je ne parle pas de douzaines de cas — dans lesquels l'incertitude de la date des élections a amené de bonnes candidates à renoncer à se présenter.

J'aimerais revenir à votre principale remarque. Vous avez présenté ce matin un exposé avec beaucoup d'éloquence et de dynamisme, mais vous l'étiez davantage encore lorsque vous avez comparu dans l'autre endroit, qui a, je le signale en passant, adopté ce projet de loi avec l'appui de tous les partis. D'après ce que je sais, aucun parti ne s'est opposé à ce projet de loi dans l'autre endroit. Ce sont eux, bien plus que nous, qui auront à vivre avec ce projet de loi.

J'ai été frappé par vos commentaires très directs au sujet du fait que nous nous intéressons trop aux préoccupations des députés et pas suffisamment à celles de la population, qui est composée d'électeurs certes, mais davantage encore, de citoyens.

J'aimerais préciser une remarque que vous avez faite au cours de votre témoignage à l'autre endroit, lorsque vous avez dit que le gouvernement pouvait manipuler le système grâce aux politiciens. Ce n'est pas une citation exacte de vos paroles.

Je pense que vous avez essayé d'insinuer qu'avec des élections à date fixe, la possibilité de manipuler les élections pour avantager un parti politique et certains politiciens est en fait la véritable raison d'être de ce mécanisme. Je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit. J'aimerais que vous répétiez ici, pour notre gouverne, ce que vous avez dit et que vous nous présentiez des commentaires à ce sujet.

M. Milner : Cela me paraît assez évident. C'est ce que pense la population, y compris les chroniqueurs des journaux. Ils font couler des flots d'encre en spéculant sur les motifs qui poussent un gouvernement donné à déclencher des élections rapidement ou à les reporter.

J'ai ensuite dit, dans mon exposé, qu'il était beaucoup plus facile d'administrer les ministères, d'administrer les comités parlementaires et tout le reste lorsqu'on connaissait la date des prochaines élections. Cela permet de mieux organiser le travail et cela est beaucoup plus efficace. Les directeurs généraux des élections seraient très heureux que l'on adopte un tel mécanisme parce qu'il facilite beaucoup leur vie et, par conséquent, renforce la démocratie.

Les gouvernements agissent de façon rationnelle. Si le premier ministre a le droit de choisir la date des élections et qu'il reçoit des renseignements grâce à des sondages, à des groupes de discussion et le reste, il va en tenir compte. Il est absurde de penser qu'il n'en tiendra pas compte. Les partis écarteraient un chef qui leur dirait : « Je ne tiendrai aucun compte des intérêts du parti lorsque je choisirai la date des élections ». Les membres du parti lui diraient : « Dehors! ».

Le fait est que les institutions privilégient certaines façons de procéder. Lorsque nous modifions les institutions, nous modifions ces façons de procéder. Cela n'a rien à voir avec les personnes concernées. C'est la nature. Les gens sont suffisamment intelligents pour le savoir. Si vous donnez aux politiciens la possibilité de choisir la date des élections de façon à servir les intérêts de leur parti, ils le feront, et les gens vont commencer à émettre des hypothèses, et les citoyens ordinaires, qui sont déjà cyniques, vont devenir encore plus cyniques. Ils vont dire : « Nous savons bien comment ça se passe ».

Si je n'ai pas repris ce commentaire aujourd'hui, c'était parce qu'il me semblait évident. Il est possible que pour vous qui siégez ici, cela ne soit pas évident, mais je pense que cela est évident là-bas.

Le sénateur Di Nino : Les avantages qu'un tel système offre aux personnes qui l'administrent ont été présentés de façon éloquente par le directeur général des élections et également par M. Neufeld, ce matin, de la Colombie- Britannique.

Une des préoccupations qui a été exprimée, en particulier par ceux qui s'opposent au projet de loi, est le fait que le premier ministre conserve toujours la possibilité de manipuler le système. Je me demande si vous pouviez faire un commentaire à ce sujet.

M. Milner : Avec la loi?

Le sénateur Di Nino : Oui.

M. Milner : Eh bien, c'est une des raisons, et je pense que M. Neufeld l'a également dit, pour lesquelles l'opinion publique, bien informée et motivée, jouera un rôle essentiel.

En Colombie-Britannique, c'est ce qui se passe. Lorsqu'il y a un gouvernement minoritaire, en particulier dans notre système électoral dans lequel les partis ne collaborent pas, la situation est différente. Cependant, avec un gouvernement majoritaire, comme c'est le cas en Ontario et en Colombie-Britannique — et cela a toujours été comme cela —, les gens vont s'habituer à dire : « C'est le moment où vont avoir lieu les prochaines élections ». Si le gouvernement décide de sa propre initiative, et non pas parce qu'il y est contraint par d'autres acteurs, de modifier cela, il va devoir en payer le prix sur le plan politique. C'est ce qui se passera, je l'espère, avec ce projet de loi. C'est une attente réaliste. Cela dépend en partie du gouvernement, de votre parti, qui devrait publiquement souligner l'importance de ce projet de loi, ne pas le considérer comme une simple modification technique, mais qui devrait dire : « Non, en adoptant ce projet de loi, nous avons vraiment renforcé la démocratie ». Et en essayant vraiment de diffuser largement dans la population la nouvelle de cette mesure. Cela est plus difficile à faire lorsque le gouvernement est minoritaire parce que les gens ne s'attendent pas vraiment à ce que le gouvernement reste au pouvoir jusqu'à la date fixée pour les prochaines élections.

La vice-présidente : Octobre 2009.

M. Milner : Dans un sens, avec un gouvernement minoritaire, il est difficile de susciter l'intérêt de la population pour ce genre de choses. Cela n'aurait pas tout à fait l'effet souhaité. Cependant, à long terme, si nous modifions notre système électoral, il pourra fonctionner même avec un gouvernement minoritaire. Il y aura une collaboration structurée entre deux partis ou plus qui vont s'entendre pour gouverner ensemble jusqu'à la date des prochaines élections.

C'est ce qui se passe dans à peu près tous les pays que j'ai décrits. Ils ont des élections à date fixe, ils forment des coalitions, grâce auxquelles un gouvernement minoritaire gouverne avec l'accord de petits partis. Il est très rare qu'ils procèdent à des élections anticipées, ou du moins, cela est relativement rare. Même avec un gouvernement minoritaire, si nous avions un système électoral différent, cela fonctionnerait. Je suis optimiste mais je ne pense tout de même pas que cela se produira au cours des prochaines années.

Il est vrai que cette loi aura un effet relativement limité si nous continuons à avoir des gouvernements minoritaires. Mais c'est la réalité. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas une bonne idée; cela veut simplement dire que ce système doit fonctionner dans la réalité.

Le sénateur Di Nino : Vous admettez toutefois que le public s'attendrait normalement à ce que cette loi soit respectée.

M. Milner : Je l'espère. Je sais que ce n'est pas facile dans ce genre de situations, mais le gouvernement devrait faire tout son possible pour dire : « Nous allons essayer de gouverner jusqu'à cette date. Nous avons adopté ce projet de loi et nous nous engageons à essayer de gouverner, même si nous sommes en minorité. Nous ne ferons rien, si nous pouvons l'éviter, pour déclencher des élections avant cette date-là. » Le gouvernement serait-il cru, si l'on tient compte du passé et du contexte? Il faut aller dans cette direction. La prochaine fois que nous aurons un gouvernement majoritaire, j'espère que ce gouvernement dira : « Nous allons faire en sorte que, conformément à la loi, les prochaines élections aient lieu à cette date et nous ferons tout ce que nous pourrons pour la respecter ». J'espère que c'est ce qui se produira. En particulier, comme vous l'avez mentionné, si ce projet de loi est adopté à l'unanimité et avec l'appui de tous les partis de la Chambre; c'est à eux qu'il incombe de respecter leur parole puisqu'ils ont adopté ce projet de loi.

Le sénateur Di Nino : Il y a un autre point qui a fait l'objet de longues discussions, c'est celui de la possibilité qu'aurait le directeur général des élections de modifier la date des élections si, pour une raison ou une autre, il estimait que la date fixée par la loi était inappropriée ou s'il était impossible de tenir les élections — pour une autre raison qu'une catastrophe. Cela figure dans différentes lois. Pensez-vous que le paragraphe 56.2(1) est suffisamment souple et tient compte des situations qui pourraient se produire et est-ce que le directeur général des élections dispose de la latitude dont il a besoin pour présenter une recommandation?

M. Milner : Mon impression est que ce projet de loi a été rédigé en tenant compte de ce qui se fait ailleurs et que les rédacteurs se sont dits : « Cela semble fonctionner ». De nombreux pays tiennent leurs élections à date fixe depuis des années en respectant certaines règles, et cela fonctionne bien. Je pense que c'est ainsi que la date a été choisie. Je n'ai pas participé à ce travail; je ne peux donc pas parler au nom du gouvernement, mais mon impression est que les rédacteurs ont examiné cette question, envisagé diverses possibilités et qu'ils se sont dits que cela devrait fonctionner. Je ne suis pas dans une position qui me permette de leur reprocher de ne pas avoir tenu compte de certaines possibilités.

La vice-présidente : Il n'y a pas d'autres questions? Je vous remercie, monsieur, d'être venu de Montréal et de nous avoir accordé un peu de votre temps précieux.

La séance est levée.


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