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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 29 - Témoignages du 30 mai 2007


OTTAWA, le mercredi 30 mai 2007

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C- 31, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, se réunit aujourd'hui à 16 h 15 pour étudier ledit projet de loi.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles poursuit aujourd'hui son étude du projet de loi C-31. Ce projet de loi contient un vaste ensemble de mesures destinées à rehausser l'exactitude des informations électorales et à empêcher ou réduire au minimum la fraude électorale. Il propose d'améliorer la collecte de renseignements personnels sur les électeurs et l'intégration de ces renseignements au Registre national des électeurs, renseignements qui sont mis à la disposition des agents électoraux ainsi que des candidats et leurs représentants pendant les élections et entre les élections. On prévoit également exiger au palier fédéral que les électeurs présentent une pièce d'identité au bureau de vote pour pouvoir voter.

Pour faire suite au travail déjà accompli par le Comité permanent de la Chambre des communes de la procédure et des affaires de la Chambre, nous étudierons trois grands thèmes reliés entre eux : l'intégrité et l'exactitude des renseignements contenus dans le Registre national des électeurs, l'identification des électeurs dans les bureaux de scrutin et la fraude électorale.

Nous accueillons de nouveau aujourd'hui M. Marc Mayrand, le nouveau directeur général des élections du Canada. Ayant été professeur d'université et haut fonctionnaire, M. Mayrand a une longue expérience de la gestion stratégique et des changements organisationnels. Il a été surintendant des faillites pendant 10 ans avant d'être nommé au poste de directeur général des élections du Canada en 2007. M. Mayrand est accompagné de fonctionnaires d'Élections Canada, dont Mme Diane Davidson, sous-directrice générale des élections et première conseillère juridique, et M. Rennie Molnar, directeur principal, Opérations, Registre et Géographie.

Marc Mayrand, directeur général des élections du Canada, Élections Canada : Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs du comité. Je suis heureux de comparaître de nouveau devant vous pour discuter du projet de loi C-31. Mes propos d'aujourd'hui s'ajoutent à mon témoignage du 16 mai dernier, dont vous trouverez une copie annexée au document qu'on vous a remis aujourd'hui.

Je veux profiter de cette occasion pour mettre en lumière certains aspects bénéfiques du projet de loi qui ont été peu discutés jusqu'ici et pour répondre aux questions des membres du comité. Je me permettrai également de proposer quelques modifications techniques au projet de loi dans l'hypothèse où le comité envisagerait lui-même d'effectuer certains changements.

Le projet de loi C-31 a deux objectifs : d'une part, il apporte certaines améliorations importantes à l'administration du processus électoral. D'autre part, il se veut une réponse à une certaine perception voulant que le système électoral soit susceptible d'abus et qu'en conséquence, il faille resserrer les règles d'identification des électeurs.

Parmi les améliorations apportées à l'administration du processus électoral suite aux recommandations de mon prédécesseur, notons en particulier les suivantes : le projet de loi faciliterait l'obtention pour Élections Canada de certains renseignements relatifs à la citoyenneté et aux personnes décédées par l'Agence du revenu du Canada, assurant ainsi une plus grande exactitude du Registre national des électeurs. Ces modifications nous permettront entre autres d'ajouter directement de nouveaux électeurs au registre, surtout les jeunes.

Le projet de loi comporte également diverses mesures qui rendraient le vote plus accessible. Ainsi, dans les circonscriptions qui couvrent un très grand territoire, il permettrait d'établir un bureau de scrutin pour le vote par anticipation pour une seule section de vote plutôt que pour plusieurs.

De plus, les personnes handicapées pourraient demander et obtenir le jour même du scrutin, et non pas trois jours plus tôt comme c'est présentement le cas, un certificat de transfert pour voter dans un bureau de scrutin avec accès de plain-pied.

Le projet de loi modifie aussi la Loi sur l'emploi dans la fonction publique pour autoriser la prise d'un règlement permettant l'embauche de personnel temporaire pour une durée de plus de 90 jours ouvrables par année, afin de permettre à ce personnel de lui fournir l'aide nécessaire à la préparation de l'élection, la tenue et l'élaboration des rapports subséquents.

Dans l'ensemble, Élections Canada estime que ces mesures permettront d'améliorer l'exactitude des données du Registre national des électeurs ainsi que les services offerts aux électeurs.

Je voudrais aussi apporter certains éclaircissements quant à l'ajout d'un identificateur unique et permanent pour les électeurs sur les listes électorales. Je crois que cette question a déjà été soulevée ici lors d'une de vos réunions précédentes et il m'apparaît important d'apporter des précisions. Cette modification a pour but principal de faciliter l'appariement par les partis politiques des informations contenues sur leurs listes avec celles fournies par mon bureau. L'identificateur permettrait aux partis d'associer plus facilement les changements sur leurs listes aux électeurs visés.

Il est important de savoir que l'identificateur est un numéro unique et permanent généré et attribué aléatoirement par Élections Canada. D'ailleurs, nous utilisons déjà un numéro semblable à des fins internes de gestion de la base de données sur les électeurs. Le numéro ne servirait donc que pour la gestion du registre et l'appariement des données contenues dans les listes électorales. Ce numéro n'est ni le numéro d'assurance sociale, ni un numéro déjà généré à d'autres fins par d'autres organismes. De ce fait, l'ajout du numéro aux listes électorales ne paraît poser, selon moi, aucun risque supplémentaire.

Cela dit, comme je vous l'ai annoncé, j'aimerais également vous demander de considérer certaines modifications de nature plutôt technique au projet de loi.

[Français]

La première de ces modifications porte sur la date d'entrée en vigueur des dispositions qui requièrent des modifications aux systèmes informatiques. Je vous réfère, à cet égard, à l'article 42(2) du projet de loi.

Le projet de loi C-31 propose une date d'entrée en vigueur de huit mois après la sanction royale. Or, compte tenu des systèmes informatiques dont nous disposons, il faut dix mois pour effectuer ce genre de changements et faire les tests nécessaires dans le but d'assurer leur bon fonctionnement. Si des élections devaient avoir lieu plus tôt, soit avant l'expiration du délai de dix mois, il serait difficile de mettre ces dispositions en œuvre sans risque et surtout à temps pour les élections.

Afin de parer ces risques, le texte de l'article 42(2) pourrait être modifié de façon à ce que les amendements proposés, qui sont énumérés, entrent en vigueur dix mois après la sanction royale plutôt que huit mois. Encore une fois, il s'agit de nous permettre d'apporter les changements nécessaires au système informatique sans risques indus.

J'ajouterais une disposition à l'énumération contenue à l'article 42(2), soit l'alinéa i.1) de l'article 28 du projet de loi, puisqu'il nous faudra modifier nos systèmes informatiques pour pouvoir pleinement mettre en œuvre cette nouvelle disposition.

Le deuxième changement que je vous demande de considérer vise l'alinéa 162 i.1. Je vous réfère de nouveau à l'article 28 du projet de loi, à la page 13, qui traite de ce qu'on appelle communément dans le système électoral du Québec les « cartes de bingo ».

Cet alinéa prévoit la préparation, par le greffier du scrutin, d'un rapport périodique au cours des journées du scrutin indiquant le nom de tous les électeurs ayant déjà exercé leur droit de vote. Cette information facilite le travail des candidats et de leurs équipes car ils essaient de « faire sortir le vote » en identifiant de manière simple qui a déjà voté et qui ne l'a pas fait. Le concept vient du système électoral du Québec où on parle des « cartes de bingo », un rapport à remplir par le personnel électoral. Il s'agit d'une feuille contenant les numéros 1 à 500. Le travailleur électoral poinçonne sur cette carte le numéro de séquence apparaissant sur la liste électorale qu'on retrouve à côté du nom de l'électeur lorsque celui-ci a voté.

En considérant la mise en œuvre de cette disposition, nous avons noté quelques difficultés opérationnelles qu'il serait avantageux de corriger pour mieux refléter ce qui se fait au Québec et alléger la fonction. Ainsi, lors des journées de vote par anticipation, nous proposons que les données sur les électeurs ayant déjà exercé leur droit de vote ne nous soient fournies qu'une fois, soit en fin de journée, et non à toutes les 30 minutes comme c'est le cas le jour du scrutin. Cette façon de procéder serait conforme à ce qui se fait au Québec.

Par ailleurs, on ne divulguerait pas le nom des électeurs qui s'inscrivent le jour du scrutin et dont le nom ne figure pas sur la liste électorale. L'ajout de leur nom de façon manuscrite est un fardeau inutile, puisque cette information ne servira pas aux candidats.

Nous recommandons de clarifier une ambiguïté dans le texte anglais disant que, le jour du scrutin, la « carte de bingo » ne soit fournie qu'à des intervalles d'au moins 30 minutes, pour préciser qu'il n'est pas possible de requérir les « cartes de bingo » pour une période de moins de 30 minutes.

Ces amendements mineurs demeurent importants. Ils permettront de réduire la charge de travail du personnel électoral et de ne pas gêner outre mesure la fluidité du vote. Ces amendements répondent de façon satisfaisante aux besoins des candidats visant à repérer à temps leurs supporters qui n'auraient pas encore voté.

Nous avons préparé un texte pour chacune de ces deux modifications. Il nous fera plaisir de vous en remettre une copie. Mes collègues et moi sommes maintenant à votre disposition pour répondre aux questions.

[Traduction]

Le président : Pourrions-nous avoir des exemplaires de ces amendements afin que nous puissions y jeter un coup d'œil pendant la période de questions? Merci beaucoup de votre exposé.

Je trouve intéressant ce concept de « carte de bingo » dont vous avez parlé. Est-ce que cela se ferait de façon électronique? Autrement dit, les candidats ou membres des partis politiques qui seraient dans leurs bureaux, à des kilomètres des bureaux de scrutin, pourraient-ils avoir cette carte sur leur ordinateur qui leur indiquerait qui a voté ou devraient-ils se rendre au bureau de scrutin pour prendre la carte de bingo?

M. Mayrand : Cette pratique ne deviendra pas monnaie courante dans un avenir immédiat ou rapproché, cela, c'est certain. On envisage cependant de faire comme au Québec où des cartes sont remplies et remises toutes les 30 minutes aux représentants des candidats qui veulent les avoir.

Le président : Avez-vous pensé à faire cela par voie électronique?

M. Mayrand : Nous examinons actuellement la possibilité de renouveler notre vieille technologie et nous allons certainement nous pencher sur les initiatives qui pourraient améliorer les services aux électeurs et aux candidats pendant tout le processus électoral, mais je n'ai pas d'échéance à cet égard pour l'instant.

Le sénateur Baker : Vous avez dit que le numéro d'assurance sociale ne servira pas d'identificateur et vous avez conclu que l'utilisation de cet identificateur ne présente aucun problème relatif à la vie privée. Je vous signale que, dans ses remarques à notre comité, la commissaire à la vie privée a déclaré qu'elle serait très inquiète si on se servait du numéro d'assurance sociale à cette fin. Elle a aussi dit qu'on pourrait employer un autre identificateur, mais que cela poserait quand même un problème. Vous avez donc une opinion différente de celle de la commissaire à la vie privée quand vous affirmez que cela ne violerait pas la vie privée. Je tenais à vous le signaler. Peut-être pourrez-vous en toucher quelques mots un peu plus tard.

Ma principale question porte sur une réponse que vous avez donnée à une question que vous a posée le sénateur Rivest lors de votre dernière comparution. Je n'ai pas la traduction en anglais de ce que vous avez dit, mais je paraphraserai le français. Le sénateur Rivest se demandait si toutes les mesures prévues par ce projet de loi étaient nécessaires et si la nécessité de complexifier le système d'identification des électeurs avait été prouvée. Essentiellement, vous avez répondu qu'on a l'impression qu'il est relativement facile de manipuler le vote. Vous avez ajouté que toutes les plaintes reçues à ce sujet avaient été examinées.

Vous avez aussi dit avoir mené des études dans certaines circonscriptions. Par exemple, récemment, vous avez publié un rapport sur la circonscription de Trinity—Spadina où il y avait eu des allégations de violation de la loi électorale. Vous avez dit qu'après avoir examiné la situation des 11 000 électeurs qui figuraient sur la liste électorale, il n'y avait qu'un seul électeur qui avait peut-être voté deux fois. Vous aviez mené dans cette circonscription une étude très approfondie et vous avez aussi enquêté dans d'autres circonscriptions, mais dans aucun des deux cas n'avez-vous pu prouver qu'il y avait eu fraude.

Ma question est la suivante : dans Trinity—Spadina, 11 000 personnes se sont inscrites sur la liste électorale le jour même du scrutin. Vous avez enquêté sur chacune de ces personnes et avez constaté qu'une seule aurait pu avoir voté deux fois. Vous avez examiné toutes les autres plaintes portant sur d'autres sujets. Si ce projet de loi-ci est adopté, si nous adoptons de nouvelles dispositions législatives restrictives stipulant qu'en l'absence des documents d'identification nécessaires, une seule personne peut faire prêter serment à quelqu'un et ainsi lui permettre de voter, qu'arrivera-t-il aux 11 000 électeurs qui avaient le droit de vote le jour du scrutin dans cette circonscription? Vous modifiez les règles du tout au tout. Avez-vous réfléchi à ce qu'il adviendrait de ces 11 000 électeurs, peut-être en grande partie des étudiants, après l'adoption de ce projet de loi?

M. Mayrand : Oui. L'étude dont vous faites mention portait sur l'inscription des électeurs le jour du scrutin lors de la dernière élection. La loi actuelle est très différente de celle du Québec à cet égard, mais, au palier fédéral, elle permet aux électeurs de s'inscrire sur la liste électorale le jour du scrutin. Ceux qui ne figurent pas dans le registre ou qui ne se sont pas fait inscrire sur la liste électorale peuvent toujours s'inscrire le jour du scrutin. Ils doivent faire la preuve de leur identité et de leur lieu de résidence pour ce faire. Comme cela se fait au bureau de vote, c'est là qu'on les renvoie pour le vote comme tel.

Le projet de loi C-31 modifie les règles à ce chapitre, mais je pense que la plupart des intéressés dans Trinity—Spadina auraient pu présenter deux pièces d'identité et ainsi voter. Je le répète, l'étude en question ne portait pas sur la procédure de vote, mais sur l'inscription le jour du scrutin. Par conséquent, oui, le projet de loi C-31 modifie les règles à cet égard mais, en dernière analyse, aux termes de l'ancienne loi et aux termes de la loi modifiée, les électeurs auraient pu voter en prouvant leur identité.

Le sénateur Baker : Est-ce qu'une carte d'identité de l'université avec photo serait acceptée?

M. Mayrand : Oui.

Le sénateur Baker : Donnez-moi un exemple d'une autre pièce d'identité.

M. Mayrand : Une lettre de l'administrateur de la résidence où habite l'étudiant attestant le lieu de résidence de celui-ci serait une autre pièce d'identité qu'on accepterait.

Le sénateur Baker : Et un affidavit?

M. Mayrand : En vertu du régime actuel, on accepterait un affidavit comme pièce d'identité.

Le sénateur Baker : Vous avez donné comme exemple une lettre de l'administrateur de la résidence où habite l'étudiant. L'administrateur de la résidence devrait-il être inscrit au bureau de scrutin?

M. Mayrand : Non, il n'aurait pas à se présenter au bureau du scrutin ou à être inscrit. L'agent communautaire aurait identifié ces personnes et les étudiants auraient été adressés à ceux qui peuvent attester leur lieu de résidence.

Le sénateur Baker : Vous avez dit que la plupart d'entre eux n'auraient pas de problème. La plupart d'entre eux, ce serait 5 501 électeurs. Moi, je m'inquiète des autres 5 499. Qu'en pensez-vous?

M. Mayrand : « La plupart » peut représenter plus que la simple majorité, mais je ne me prononcerai pas.

Le sénateur Baker : Il est quand même possible que deux ou trois mille personnes n'aient pas pu voter.

M. Mayrand : Je n'ai pas de preuve reposant sur des faits qui confirmerait votre déclaration.

Le sénateur Baker : Croyez-vous qu'on devrait procéder à une étude avant d'apporter des changements si radicaux à cette loi? Il me semble que l'objet de notre loi devrait être de faciliter le vote et non pas de l'empêcher. À l'heure actuelle, des gens se plaignent qu'ils ne peuvent voter bien qu'ils vivent tout près du bureau de scrutin. Je suis sûr que vous avez reçu des plaintes de ce genre. Les gens sont au bureau toute la journée, loin du bureau du scrutin et doivent aller voter à la fin de la journée, ce qui suscite des plaintes. Après l'adoption de ce projet de loi, il pourrait y avoir encore beaucoup de gens dans cette situation. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que vous resserrez les règles? Je sais que vous ne voulez pas le reconnaître, mais je vous pose la question quand même.

M. Mayrand : Il m'incombe à moi d'administrer la loi telle qu'elle est approuvée par le Parlement. Comme je l'ai dit lors de ma dernière comparution, le projet de loi C-31 représente un changement considérable. Avec ce projet de loi, nous délaissons le système dans le cadre duquel nous faisons confiance aux électeurs, nous leur permettons de se présenter au bureau de scrutin et de décliner leur identité et nous leur permettons de voter s'ils sont inscrits.

Le sénateur Baker : Vous avez dit n'avoir trouvé aucune preuve de fraude. Vous avez enquêté. Or, l'un des objets de ce texte législatif, l'un des principes qui le sous-tend, selon les comités, est de prévenir la fraude. Mais vous avez affirmé qu'il n'y avait pas eu de fraude.

M. Mayrand : Nous n'avons trouvé aucune preuve de fraude quand nous avons enquêté. Encore une fois, il s'agit de la perception qu'on a des règles qui régissent le vote.

Le sénateur Baker : Croyez-vous que nous devrions adopter des lois pour apaiser de fausses inquiétudes ou corriger les fausses perceptions et empêcher des gens de voter?

M. Mayrand : Je n'irais pas jusque-là, évidemment.

Le sénateur Baker : Je vois. Je viens de remarquer que notre principal témoin, selon ce qu'indique la jurisprudence, a témoigné devant les tribunaux dans 57 affaires. Il a fait un travail magnifique. Je comprends pourquoi.

[Français]

Le sénateur Nolin : Merci à vous trois de vous prêter à cet examen détaillé du projet de loi. J'aimerais attirer votre attention sur les articles 11 et 12 du projet de loi qui font référence à l'article 81 de la loi. Ma question porte sur le fait d'avoir accès, dans le cas de l'article 11, à un immeuble d'appartements ou d'habitations en copropriété et, dans le cas de l'article 12, d'un bâtiment, terrain, voie publique ou autre lieu ouvert gratuitement au public. Il y a une longue description de lieux considérés ouverts au public.

Dans le cas l'article 81(2) et de l'article 81(1), une exception est mentionnée. Elle permettrait aux tenanciers, aux gérants ou aux propriétaires de l'immeuble en question de refuser l'accès. Dans le cas d'un immeuble à appartements, si le fait de permettre les activités de campagne visées à ce paragraphepeut mettre en danger la santé physique ou affective des résidents de l'immeuble et, dans le cas de l'article 2 de l'article 81(1), si les activités de campagne sont incompatibles avec la sécurité publique ou à la fonction ou à la destination principale du lieu.

Comme vous le savez, monsieur le directeur général, en campagne électorale, tout se fait assez rapidement. La période électorale est assez courte. Qui va arbitrer la décision de refuser l'accès à un électeur?

M. Mayrand : Comme on peut le constater, la loi est silencieuse à ce sujet.

Le sénateur Nolin : Je vais poser ma question différemment. Quel genre d'instructions donnerez-vous au personnel électoral ou aux directeurs de scrutin?

M. Mayrand : Dans l'hypothèse où un candidat veut faire de la sollicitation auprès de résidants d'un immeuble et que l'administrateur de l'immeuble refuse l'accès sans raison valable, le candidat devra faire valoir son droit d'accès pour exercer ses activités. Si le refus persiste, je présume que le candidat a différents choix, dont celui de contacter le directeur de scrutin pour lui demander d'intervenir et de faire comprendre les dispositions de la loi aux parties en litige.

Après avoir écouté l'explication de l'administrateur de l'immeuble, le candidat verra s'il y a lieu d'insister ou non. Et je m'attends à ce qu'il mette en garde l'administrateur de l'immeuble à propos des dispositions qui créent des infractions à la loi, dans le cas où le refus est exercé sans motifs raisonnables. Plusieurs scénarios sont possibles.

Le sénateur Rivest : Vous savez que des communautés religieuses interdisent l'accès aux lieux de culte.

Le sénateur Nolin : Justement, j'aimerais attirer l'attention des collègues sur la question religieuse. À l'article 81(1), lorsqu'on examine l'élaboration non limitative des types d'usage de lieux, on y voit un lieu à usage religieux. Cela signifie que le législateur prévoit qu'un candidat peut faire campagne dans un lieu à usage religieux.

Nous constatons l'amplitude de cet amendement. L'arbitrage de ces exceptions sera très ténu, pour ne pas dire à peu près impossible. Je comprends que personne ne veut aller faire campagne dans un cloître, mais à la limite, il pourrait le faire. Il faut dire qu'un cloître n'est pas un lieu public. Serait-ce la façon d'interpréter cette modification à la loi?

M. Mayrand : J'aurais tendance à interpréter l'article comme voulant privilégier l'accès aux endroits ouverts au public en général.

Le sénateur Nolin : Tels les églises?

M. Mayrand : Je pensais davantage au parvis de l'église. Je dois vous avouer que dans le cas où un candidat insisterait pour faire des activités électorales à l'intérieur d'un lieu de culte, j'aurais de la difficulté à soutenir ses efforts.

Le sénateur Nolin : Donc, le premier réflexe des administrateurs de la campagne d'un candidat serait de s'en remettre au directeur de scrutin?

M. Mayrand : Oui, et si le directeur de scrutin a besoin d'appui, il peut consulter Élections Canada.

Le sénateur Nolin : Ma prochaine question concerne l'article 18(2) qui fait référence à l'article 107 de la loi. On voit qu'il existe deux types de liste électorale, une liste qui sert aux scrutateurs-greffiers présents aux tables de scrutin et une autre liste qui est distribuée aux candidats et aux partis politiques. Ai-je raison jusqu'ici?

M. Mayrand : Oui, absolument.

Le sénateur Nolin : Avec le projet de loi C-31, dois-je comprendre que le sexe de l'électeur est déjà indiqué sur la liste électorale remise au personnel électoral, mais il ne fait pas partie des informations contenues de la liste électorale remise aux candidats?

M. Mayrand : Oui.

Le sénateur Nolin : Cela ne poserait pas de problèmes administratifs ou informatiques si on ajoutait la date de naissance de l'électeur sur la liste remise au personnel électoral aux tables de scrutin. Comme on omet déjà le sexe, on omettrait la date de naissance sur la liste qu'on distribue aux candidats et aux partis politiques. Est-ce que cela causerait un problème majeur?

M. Mayrand : Non. Ce serait possible de le faire.

Le sénateur Nolin : Puisqu'il existe deux sortes de liste, il est possible qu'on s'en aille dans cette direction.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : Je m'intéresse particulièrement à l'identificateur unique, mais plus j'y réfléchis, moins je comprends. Les électeurs connaîtront-ils leur identificateur unique?

M. Mayrand : À l'avenir, l'identificateur unique n'apparaîtra que sur la liste des électeurs.

Le sénateur Fraser : Ce qui m'inquiète, c'est qu'Élections Canada ne transmettra rien d'autre que l'identificateur unique aux candidats. Je n'ai pas d'objection à ce que vous donniez un numéro aux électeurs pour vos fins administratives internes si les électeurs ne connaissent pas ce numéro. Je présume que c'est un numéro.

M. Mayrand : Oui.

Le sénateur Fraser : Cependant, je n'aime pas l'idée qu'on donne un numéro à une personne et qu'on transmette ensuite ce numéro aux candidats, aux représentants des candidats et à d'autres sans que l'intéressé sache quel est ce numéro.

Ma question est semblable à celle qu'a posée le sénateur Nolin sur le sexe et la date de naissance. Est-il nécessaire de donner l'identificateur au candidat? Est-ce que l'identificateur ne pourrait pas simplement rester à l'usage d'Élections Canada? À quoi sert-il de transmettre l'identificateur au candidat?

M. Mayrand : Nous ne transmettons pas leur numéro aux électeurs, mais s'ils souhaitent le connaître, nous le leur donnons. Je le répète, ce numéro sert à des fins limitées.

Nous envisageons de donner le numéro aux candidats car nous croyons que cela leur permettrait de mieux gérer leurs listes. À l'heure actuelle, chaque année, Élections Canada dresse la liste des partis politiques qui ont leur propre base de données. Il nous arrive d'avoir de cinq à dix Jean Tremblay sur une liste. Nous ne transmettons pas la date de naissance, ce qui fait qu'il peut être difficile de déterminer quel Jean Tremblay habite à quelle adresse. Par conséquent, l'identificateur unique permettra aux partis de se doter de listes internes plus précises et d'éviter les doubles entrées. Je crois savoir que les partis politiques se servent des listes électorales chaque année pour déterminer qui a déménagé, et cetera, et sans identificateur unique, il est difficile de gérer ce genre de bases de données.

Le sénateur Fraser : Je suis tout à fait pour l'idée de faciliter la vie des partis politiques qui veulent mener leur campagne de manière compétente et, entre autres choses, ne pas harceler les électeurs en leur téléphonant de façon répétée parce qu'ils figurent trois ou quatre fois sur une liste. Je comprends ce raisonnement. Toutefois, j'ai été frappée par le témoignage de la commissaire à la vie privée et d'autres qui ont souligné l'ampleur de l'usurpation d'identité. Je doute qu'un numéro électoral en soi fasse l'objet de nombreux vols, mais c'est un élément qui ajoute à la plausibilité des autres informations sur l'identité d'une personne.

Les listes électroniques pourraient se retrouver entre les mains de personnes malhonnêtes. Comme il a déjà été établi par notre comité, dans les bureaux de campagne locaux, on aime bien pouvoir compter sur des volontaires, mais ceux- ci arrivent parfois d'on ne sait où. On tient à ce que les bénévoles aient l'impression d'être mis à contribution et de faire partie du système. Toutefois, il est difficile de maîtriser ce genre de situation parfaitement. Si quelqu'un usurpe l'identité d'un autre et a déjà des détails, le fait d'avoir le numéro d'électeur ne peut que l'aider.

J'ignore encore si je suis contre cette idée; peut-être me faut-il y réfléchir davantage. Voilà pourquoi j'aimerais que vous m'en disiez plus long. Ce que j'ai entendu jusqu'à présent a déclenché bien des signaux d'alarme dans mon esprit.

M. Mayrand : Premièrement, nous ne donnons pas de nouvelles informations à ceux qui reçoivent les listes électorales. Pour ce faire, il faudrait apporter d'autres modifications à la loi. Ceux qui reçoivent les listes électorales ne reçoivent que les informations qui figurent sur la liste. Autrement dit, ces informations sont déjà transmises. L'identificateur leur permettra simplement de mieux gérer leurs listes où figurent déjà les noms et les adresses. L'identificateur ne permettrait pas d'établir des liens outre ceux qui existent déjà.

Deuxièmement, comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, je vois mal qui à part Élections Canada jugera l'identificateur utile. Élections Canada n'a pas de liens avec quelque autre organisation que ce soit. Notre base de données ne sera reliée à aucune autre. Voilà pourquoi j'estime qu'il n'y a pas de risque de violer la vie privée. Je le répète, ces informations sont déjà transmises aux partis politiques. Elles leur sont transmises une fois par année et plus souvent pendant la période électorale. De plus, les partis politiques ne peuvent en faire qu'un usage restreint. Ces informations leur permettent de mieux gérer leurs listes et, je l'espère, de relever les lacunes de leurs propres listes, ce qui est un autre avantage.

Le sénateur Fraser : Puisque vous en faites mention, laissez-moi vous poser la question suivante, très rapidement : dans quelle mesure votre liste actuelle est-elle inexacte?

M. Mayrand : Notre étude de la qualité a démontré que 92 p. 100 des électeurs figurent sur notre liste. En d'autres termes, 92 p. 100 de ceux qui ont le droit de vote et qui devraient figurer sur la liste figurent sur notre liste. C'est un taux d'exactitude d'environ 85 p. 100. Il y a donc moyen de faire mieux, et nous sommes d'avis que ce projet de loi contribuera à rehausser le taux de précision, surtout en ce qui concerne les personnes décédées dont le nom n'est pas toujours retiré de la liste dans les meilleurs délais.

Le sénateur Fraser : J'ai l'impression que le taux de participation est plus élevé que ne l'indiquent les listes en raison de ces inexactitudes.

M. Mayrand : Certaines des modifications prévues au projet de loi nous aideront à nous attaquer à ce problème.

Le président : Chers collègues, le sénateur Stratton a une question complémentaire sur l'identificateur. Je dois toutefois vous signaler que nous entendrons d'autres témoins dans 30 minutes et que j'ai encore plusieurs noms sur ma liste d'intervenants.

Le sénateur Stratton : Je sais que je vieillis, mais je me souviens des feuilles de bingo d'il y a 25 ou 30 ans. Nous avions une méthode pour l'identification des électeurs aussi. L'électeur se présentait au bureau de scrutin. Moi, j'étais le représentant du candidat à l'extérieur et celui qui travaillait à l'intérieur m'apportait la liste des électeurs, car il en avait toujours un deuxième exemplaire, et il me montrait les noms. Je les cochais ensuite sur la feuille de bingo. Puis, nous rentrions au quartier général pour faire des appels.

La procédure prévue au projet de loi simplifie les choses. L'identificateur est nécessaire. À l'heure actuelle, je crois savoir qu'on peut voter deux ou trois fois en allant d'un bureau de scrutin à un autre. L'identification de l'électeur et les feuilles de bingo sont du passé. Je crois que nous le reconnaissons tous ou que nous devrions le reconnaître.

M. Mayrand : La carte de bingo qui sera remise au bureau de scrutin portera un numéro de séquence et tous les électeurs figurant sur la liste auront un numéro de séquence. Ces numéros seront inscrits sur la carte et seront cochés au fur et à mesure que chacun votera.

[Français]

Le sénateur Joyal : Bienvenue, monsieur Mayrand. Ma première question fait suite à la lettre que je vous ai fait parvenir en date du 17 mai, c'est-à-dire le lendemain de votre comparution, au cours de laquelle je n'avais pas eu l'occasion de vous questionner puisque j'avais cédé mon droit de parole au sénateur Watt.

Je vous ai expliqué ma préoccupation dans une lettre que je vous ai fait parvenir au sujet de l'article 5, à la page 9, de l'article 21, 143(5), qui stipule :

[Traduction]

Il est interdit à un électeur de répondre de plus d'un électeur à une élection.

[Français]

Et, en français :

Il est interdit à un électeur de répondre de plus d'un électeur à une élection.

Dans la lettre que je vous ai fait parvenir, je vous expliquais qu'il m'apparaissait que cette prohibition allait au-delà de la limite raisonnable de l'article 1 de la Charte puisqu'elle pouvait avoir pour conséquence d'empêcher les personnes de voter sur une base discriminatoire.

J'expliquais les raisons pour lesquelles il m'apparaissait que dans certaines circonstances, une personne en autorité devait pouvoir confirmer l'adresse d'une autre personne, soit un étudiant, soit un bénéficiaire d'une maison d'accueil, soit un concierge d'une maison d'appartements, qui connaît bien les deux locataires qui occupent l'appartement X ou Y, qui sont conjoints, et cetera.

Vous m'avez téléphoné hier pour répondre à mes préoccupations. J'aimerais que pour faciliter notre compréhension de cet article, compte tenu des pouvoirs que vous avez en fonction de l'alinéa 143(2)b), c'est-à-dire de déterminer quels sont les documents utiles ou admissibles pour identifier une personne, vous nous donniez votre interprétation de cet article qui n'irait pas au-delà de la limite raisonnable que l'article 1 de la Charte nous commande de respecter lorsqu'on veut priver quelqu'un de son droit de vote.

M. Mayrand : J'aurais peut-être deux ou trois clarifications. La première est que l'article 143(5) va s'appliquer à l'exercice du droit de vote. Il y avait déjà un article similaire à 161 qui avait le même effet en matière d'inscription le jour du vote. Donc, la règle voulant qu'un répondant ne puisse répondre de plus d'une personne existait déjà en matière d'inscription le jour du scrutin.

Mon autre remarque en matière de répondant est qu'il faut que ce dernier soit sur les lieux du scrutin et soit inscrit dans la même section de vote, ce qui est quand même assez contraignant. Ce qui est possible pour les situations auxquelles vous référiez, c'est précisément d'utiliser l'alinéa 143(2)b) permettant au directeur général des élections d'autoriser des pièces d'identité autres que celles prévues dans le texte de l'alinéa a). À cet égard, nous avons déjà soumis une liste de pièces aux fins de consultation.

Le sénateur Joyal : Vous parlez de cette liste?

M. Mayrand : Effectivement et nous l'avons distribuée aux membres du comité, aux membres du comité à la Chambre des communes ainsi qu'aux représentants des partis politiques afin qu'ils nous fassent parvenir leurs commentaires.

On a référé à quelques occasions aux attestations des administrateurs de résidences, d'abris ou de banques alimentaires. Ces personnes pourraient être autorisées à faire une déclaration de résidence qui constituerait une des pièces d'identité autorisées en vertu de l'article (2)b).

Évidemment, les électeurs qui utilisent ces pièces devraient en produire une autre, un permis de conduire, une carte d'assurance-santé, une carte d'étudiants ou une autre des cartes énoncées dans la liste. Je pense qu'avec une combinaison de ces outils, l'esprit de la loi et de la Charte des droits et libertés serait respecté.

Le sénateur Joyal : Si je comprends bien ce que vous proposez de faire, c'est d'ajouter à la liste que vous nous avez produite, selon l'article 143(2)b), que vous aviez envoyée au président du comité de la Chambre des communes, M. Garry Goodyear, en date du mois de mars 2007. Vous êtes disposé à ajouter les documents d'attestation de résidence ou de fréquentation d'un service public quelconque qui permettrait de confirmer le statut de répondant pour plus d'une personne.

M. Mayrand : En fait, on est loin du régime de répondant. C'est vraiment une attestation de résidence dans ces cas. Ce n'est pas tout à fait la même nature qu'un répondant. C'est véritablement une pièce qui atteste de la résidence.

Le sénateur Joyal : Ou de la fréquentation...

M. Mayrand : Dans le cas des sans-abri, la disposition prévoit que la fréquentation établit la résidence. Les personnes responsables de la banque alimentaire ou de l'institution en question pourraient attester que ces personnes résident effectivement à l'adresse de l'institution.

Le sénateur Joyal : Est-ce qu'un concierge dans un immeuble à appartements pourrait attester des locataires d'un immeuble, stipulant qu'ils résident dans cet édifice X ou Y, sur la rue X ou Y. La plupart du temps, ils voteraient eux- mêmes dans ce district électoral.

M. Mayrand : Il faudrait réfléchir à cet aspect parce que cela élargit beaucoup la notion. Le voisin pourrait-il attester que son voisin réside...

Le sénateur Joyal : Je parle du concierge d'un immeuble.

M. Mayrand : Le concierge qui n'est pas un administrateur de l'immeuble, cela dépend des circonstances. Ma préférence serait d'avoir une personne qui serait responsable de l'administration de l'immeuble pour produire cette attestation.

Le sénateur Joyal : Donc le gérant qui s'occupe de l'entretien de l'immeuble ou un des représentants de l'entreprise qui assure la gestion de l'immeuble?

M. Mayrand : Oui, nous préparerions des lettres à cet effet.

[Traduction]

Le président : Avant de permettre de poser votre deuxième question, je signale que quatre sénateurs n'ont pas encore eu la parole. Le sénateur Milne a une question complémentaire à la première des trois questions du sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal : Il n'a pas terminé sa réponse. Je sais que le sénateur Milne veut lui poser une question, mais M. Mayrand voudrait finir sa réponse.

[Français]

M. Mayrand : Nous préparerions des formulaires d'attestation à cet égard qui seraient signés par ces personnes responsables des édifices.

[Traduction]

Le sénateur Milne : Ma question porte sur la disposition qui dit : « Il est interdit à un électeur de répondre de plus d'un électeur à une élection. ». Est-ce que cela signifie que la mère de deux ou trois enfants qui ont atteint l'âge de voter depuis les dernières élections et qui ne figurent pas sur la liste ne pourrait répondre que de l'un d'eux?

M. Mayrand : Oui, je le crains.

Le président : Ce n'est toutefois pas l'un de vos amendements.

M. Mayrand : Je suis malheureusement dans la même situation.

Le sénateur Milne : Quelle solution proposez-vous?

M. Mayrand : Je m'inspire de l'expérience du Québec. Au Québec, on permet aux membres d'une même famille de répondre les uns des autres.

Le sénateur Milne : La mère que j'ai donnée en exemple devrait faire venir avec elle son mari et son beau-père?

M. Mayrand : Un autre changement apporté à la loi par ce projet de loi resserre encore plus cette règle. Vous ne pouvez répondre de plus d'une personne et, en outre, la personne dont vous avez répondu ne peut à son tour répondre d'une autre.

Le sénateur Milne : Ça, cela me semble raisonnable, mais je trouve problématique la situation de la mère qui se présente avec ses jumeaux et qui ne peut répondre que de l'un d'eux.

M. Mayrand : En effet, et le fils ne pourrait répondre de sa sœur, en vertu du nouveau régime.

Le président : Le sénateur Milne a posé sa question complémentaire. Il nous reste 10 minutes et quatre sénateurs qui ne sont pas encore intervenus. Le sénateur Joyal a encore deux questions à poser.

Le sénateur Joyal : À la page 2, article 5, le nouveau paragraphe 45(1) dit :

Au plus tard le 15 novembre de chaque année, le directeur général des élections envoie au député de chaque circonscription et, sur demande, à chaque parti enregistré y ayant soutenu un candidat lors de la dernière élection, une copie sous forme électronique [...]

Ma question porte sur l'interprétation de « envoie au député [...] une copie sous forme électronique », parce qu'à la page 7, à l'article 18, le paragraphe (3) dit :

Le directeur du scrutin remet aussi à chacun des candidats deux copies, dont une sous forme électronique [...]

Dans la première disposition, on dit « envoie » et dans l'autre, « remet ». J'ai donc une question pour vous de nature juridique : une fois que vous avez envoyé ou remis la liste électronique, celle-ci appartient-elle au parti ou au candidat ou reste-t-elle la propriété du directeur général des élections? Je vous donne un exemple : un passeport vous est envoyé par les autorités gouvernementales, mais vous pouvez avoir à le rendre car il ne vous appartient pas. Le passeport canadien appartient au gouvernement du Canada. Certains de vos homologues des provinces nous ont dit que quand le directeur général des élections d'une province remet une copie de la liste électorale, on lui donne la vieille liste en retour.

Étant donné que le document électronique contient de plus en plus de données personnelles, comme le propose le projet de loi, il me semble qu'on devrait s'interroger sur le statut de la liste électronique comme bien public. Cela peut apparaître comme une subtilité juridique, mais la façon dont un parti ou un candidat traite cette liste a d'importantes conséquences. Si nous prenons de plus en plus de risques pouvant mener à l'usurpation d'identité et à des subterfuges criminels, qui ne sont pas exceptionnels dans notre monde actuel, nous devons déterminer le statut de cette liste. J'ai tenté de le faire en lisant le projet de loi, mais je n'ai trouvé que les dispositions stipulant que la liste sera envoyée ou remise par Élections Canada. Y a-t-il quoi que ce soit qui indique que le directeur général des élections restera propriétaire de la liste des électeurs?

Le président : Monsieur Mayrand, voulez-vous répondre?

M. Mayrand : Je dois faire deux distinctions. Il est vrai que nous recueillons toutes les listes utilisées par le personnel électoral pendant la campagne. Pour autant que je sache, je ne crois toutefois pas que nous recueillons les listes des partis politiques. Je ne crois pas que nous nous déclarons propriétaires de ces listes quand nous les envoyons puisqu'un exemplaire de la liste est envoyé aux divers partis. Toutefois, l'usage qu'on peut faire de la liste fait l'objet de restrictions énoncées dans la Loi électorale du Canada. La liste ne doit servir qu'aux fins établies par la loi.

Le sénateur Joyal : Comme on l'a dit à maintes reprises, l'article 56 de la loi rend l'usage de la liste à mauvais escient punissable d'une amende pouvant aller jusqu'à 1 000 $, alors que l'article 500, qui établit les peines, prévoit dans certains cas 25 000 $. Cela nuirait-il au fonctionnement de votre bureau ou à vos activités si l'usage détourné de la liste électorale était passible non plus d'une peine de 1 000 $ mais d'une peine de 25 000 $?

M. Mayrand : Pour moi, certainement pas, puisque c'est une question de confiance dans nos électeurs et dans notre système électoral. Il faut montrer que ces questions sont prises très au sérieux et qu'un mauvais usage des listes donnera lieu à de graves conséquences. Je ne vois pas de côté négatif.

Le président : Merci. Sénateur Joyal, vous avez eu droit à 15 minutes, et j'ai encore quatre sénateurs qui n'ont pas eu la possibilité de poser une question. Il ne reste que cinq minutes. Avec votre permission, je donnerai la parole à d'autres sénateurs, pour qu'ils aient eux aussi l'occasion de parler.

Le sénateur Joyal : Volontiers.

Le président : Le sénateur Milne, notre vice-présidente, n'a pas encore eu l'occasion de poser de questions.

Le sénateur Milne : Je vais poser ma question rapidement, parce que je veux m'assurer que le sénateur Ringuette aura aussi l'occasion de le faire.

Je crois comprendre que l'article 6 vous donnerait la possibilité de demander et de conserver le numéro de permis de conduire des électeurs de tout le pays. Est-ce vrai?

M. Mayrand : Oui.

Le sénateur Milne : Pourquoi auriez-vous besoin de ce renseignement, alors que vous avez tous les autres, y compris la date de naissance? Mes questions se rapportent au vol d'identité et à la possibilité accrue de vol d'identité du fait que ces renseignements supplémentaires sont recueillis.

Parlons de l'article 9. La date de naissance n'est pas recueillie par vous, elle sera plutôt partagée avec les directeurs généraux des élections des groupes provinciaux du pays. Est-ce que ces groupes provinciaux ont exprimé des préoccupations quant à leur capacité de protéger ces renseignements et d'en préserver la confidentialité?

M. Mayrand : Ils sont en général assujettis à des contraintes serrées ou à un cadre concernant la protection des renseignements personnels.

Le sénateur Milne : Oui, mais nous savons tous comment les pirates informatiques peuvent pénétrer dans les systèmes informatiques et en extraire des renseignements avec facilité. Ils arrivent même à entrer dans les réseaux informatiques militaires et policiers. Je suis très préoccupée par l'augmentation des probabilités de vol d'identité et de renseignements personnels comme la date de naissance, le numéro de permis de conduire ou le numéro de téléphone. Que vous faut-il d'autre?

M. Mayrand : Le permis de conduire permet de mieux comparer les renseignements qui proviennent de près de 35 sources. Pour vérifier qu'il s'agit bien de la bonne personne, à la bonne adresse, sur notre liste, il faut pouvoir établir la corrélation entre les renseignements.

Je tiens aussi à signaler que nous n'avons jamais eu de défaillance du système de sécurité.

Le sénateur Milne : Pas encore, évidemment, puisque vous n'avez pas encore recueilli tous ces renseignements.

M. Mayrand : Nous avons depuis longtemps les dates de naissance.

Le sénateur Milne : La date de naissance ou l'année de naissance?

M. Mayrand : Nous recevons depuis longtemps des renseignements des services d'immatriculations automobiles du pays. Il n'y a pas eu de violation de la sécurité à Élections Canada ni dans un des organismes électoraux provinciaux.

Le sénateur Mitchell : Peut-être, mais vous allez maintenant publier ces renseignements.

Le sénateur Fraser : Ils ne publieront pas le numéro de permis de conduire.

Le sénateur Milne : Ils publieront la date de naissance.

M. Mayrand : Le projet de loi C-31 le prévoit, mais nous ne publierons certainement pas le numéro de permis de conduire ni tout autre renseignement qui n'est pas précisé dans la loi.

Le sénateur Milne : Est-ce que la date de naissance sera publiée?

M. Mayrand : Oui.

Le sénateur Milne : Et si on apportait une modification au projet de loi visant à supprimer la date de naissance? Vous aurez tout de même le permis de conduire et le numéro d'identificateur personnel de chaque électeur. Vous faut-il vraiment la date de naissance?

M. Mayrand : Oui, c'est nécessaire. C'est encore le meilleur moyen d'identifier deux personnes qui portent le même nom.

Je le répète, nous avons déjà la date de naissance. Le projet de loi C-31 prévoit maintenant que la date de naissance sera fournie au candidat, mais nous l'avons déjà à l'interne. Nous nous en servons pour préserver l'exactitude des listes électorales, mais jusqu'ici, nous ne l'avons communiquée à personne. Le projet de loi C-31 permettrait la communication de ce renseignement.

Le sénateur Milne : Oui, précisément. Je m'arrête ici, même si j'ai d'autres questions.

Le président : Honorables sénateurs, j'aimerais que les trois autres sénateurs qui attendent depuis longtemps l'occasion de poser des questions puissent le faire. Vous plaît-il de prolonger la séance, même si nos autres témoins sont déjà là?

Des voix : Oui.

Le sénateur Bryden : Je cède ma place au sénateur Ringuette.

Le sénateur Ringuette : J'ai fait une recherche sur l'histoire des élections au Canada. Pour les 140 années de notre démocratie, la moyenne pour une campagne électorale est de 54 jours. C'est un peu moins de deux mois. C'est la moyenne. Il y a des élections qui ont duré 80 jours, mais c'était à l'époque où les transports n'étaient pas ce qu'ils sont aujourd'hui. Actuellement, en vertu de ce projet de loi, vous pourriez embaucher des travailleurs occasionnels jusqu'à concurrence de 90 jours de travail. C'est l'équivalent de 18 semaines, ou quatre mois et demi. Dans notre histoire, les campagnes électorales ont duré moins de deux mois et vous demandez de pouvoir embaucher des travailleurs occasionnels pour plus de quatre mois et demi. Comment pouvez-vous le justifier?

M. Mayrand : Le travail commence bien avant que la campagne électorale soit lancée. Il y a beaucoup de travail préparatoire, avant que débute la campagne électorale. Il y a aussi le travail à faire après l'élection. Ainsi, de nombreux rapports doivent être produits sur le processus électoral. Ce travail peut à lui seul prendre près de six mois. Nous ne gardons pas tous les travailleurs pour l'ensemble de la période, mais il faut pouvoir rapporter le matériel envoyé dans les 308 circonscriptions du pays. Il faut présenter tous les rapports et nous assurer que nous pouvons rendre des comptes pour tous les documents remplis pendant la période électorale. Voilà qui explique pourquoi il nous faut du temps avant et après les jours de l'élection.

Le sénateur Ringuette : S'agit-il de quatre mois et demi par année civile? Dans la loi actuelle, non modifiée par ce projet de loi, vous avez déjà 90 jours ouvrables. Vous avez 90 jours ouvrables, soit quatre mois et demi, dans une année civile. Par exemple, si une campagne électorale a lieu en octobre, comme on propose actuellement de ternir des élections à date fixe à la fin octobre, pour préparer une élection en octobre, vous pouvez embaucher des travailleurs en août ou à la fin juillet, pour la même année civile, mais ils peuvent rester à votre service jusqu'à l'année civile suivante, pour janvier, février, mars et avril. N'est-ce pas suffisant? Nous avons maintenant des élections à date fixe.

M. Mayrand : Oui, mais nous avons un gouvernement minoritaire. Cela fait partie des difficultés. Nous devons être prêts à tenir une élection à tout moment. Je pense que personne n'accepterait que nous ne soyons pas prêts, quand les élections seront déclenchées.

Le sénateur Ringuette : Combien de jours ouvrables suffiraient?

M. Mayrand : Nous envisageons six mois. Cela ne signifie pas que c'est ce qu'il nous faudrait chaque fois, mais il faut garder la capacité d'avoir des travailleurs pendant des élections, jusqu'à six mois, sans interruption.

Le sénateur Ringuette : Il vous faut 120 jours?

M. Mayrand : Non, plus près de 165 jours.

Diane R. Davidson, sous-directrice générale des élections et première conseillère juridique, Élections Canada : Jusqu'à 165 jours.

M. Mayrand : Vous calculez les jours ouvrables.

Le sénateur Ringuette : Je calcule en fonction de l'amendement que je déposerai. Merci beaucoup.

Le sénateur Prud'homme : Comme je ne suis pas membre du comité, je vous remercie de me permettre de poser une question. Ce sujet m'intéresse beaucoup, depuis très longtemps. J'en viens directement au fait, sans perdre de temps. C'est si important pour moi que s'il n'y avait pas d'amendement, j'envisagerais d'en présenter un en troisième lecture, ou de renvoyer le projet de loi pour que l'amendement puisse être fait. Je ne m'attends pas à ce que cela soit adopté.

[Français]

Le processus électoral a toujours été pour moi une fascination. Mais plus j'examine et plus je discute avec les fonctionnaires, plus je me rends compte que nous allons créer un immense problème en publiant la date de naissance. Je vais m'en tenir strictement à cet aspect.

C'est ce qui m'ennuie le plus, ce sont les abus possible et abus il y aura. Il y aura abus des gens qui vont se présenter simplement pour n'avoir que la liste électorale. Cela ne coûte pas tellement cher pour avoir une liste massive. Je pense à des agents d'immeubles qui m'ont dit : quel instrument extraordinaire que d'avoir la date. Je pense à tous ces gens du télémarketing qui pourront savoir exactement quels sont les gens qui ont plus de 65 ans ou plus de 60 ans. C'est un électorat très fragile. Un des premiers devoirs des sénateurs est de protéger les gens les plus fragiles. Après avoir suivi le processus depuis le début, j'ai fait dix campagnes électorales pour moi-même et combien d'autres pour mes amis. J'ai constaté une évolution.

[Traduction]

À mon point de vue, la responsabilité s'arrête ici.

[Français]

Il ne devrait pas y avoir de date de naissance. On peut toujours vivre avec le reste du projet de loi. Mais je suggérerais à mes collègues d'amender ce petit aspect du projet de loi, si c'est possible, puisque tous les autres renseignements, vous les avez déjà. Mais la date de naissance, je vous assure, va vous créer des problèmes et je vais vous en nommer un et je vais conclure.

D'abord je m'étais opposé à ce qu'on puisse s'inscrire le jour de l'élection, j'ai perdu. Mais j'ai trouvé que ce n'était pas si mal, sauf dans certains endroits où les gens ne s'inscrivent pas. Ils préfèrent attendre le jour de l'élection et s'il fait beau, ils vont s'inscrire en se disant : mon nom ne paraîtra pas nulle part. S'il ne fait pas beau, ils ne s'inscrivent pas.

Nous allons peut-être encourager des gens à ne pas répondre à l'Agence du revenu du Canada où on donne la permission de donner son nom. Comment considérer ma demande? Je n'ai pas besoin d'une réponse aujourd'hui mais je veux dire vigoureusement que plus je discute cette question, plus je me rends compte que nous allons créer énormément de problèmes.

M. Mayrand : Il y a deux aspects particuliers. Il faut faire une distinction entre le registre national des électeurs et la liste électorale. Le registre national des électeurs doit comporter la date, sinon il va perdre rapidement son utilité. Quant à la liste électorale, la proposition originale de mon prédécesseur était d'inscrire l'année de naissance, non pas la date, uniquement sur les listes destinées aux travailleurs électoraux pour leur permettre de bien identifier les gens. Maintenant, je pense que les amendements apportés au projet de loi original sont inspirés de la Loi électorale du Québec qui publie les dates de naissance. Je m'en remets à la sagesse des parlementaires.

Le sénateur Prud'homme : C'est justement parce que je sais qu'abus il y a. C'est exactement pour cela que je souhaiterais que nous ne tombions point dans ce piège. Il y a abus. Il y a des gens qui abusent énormément de la liste électorale du Québec sur ce sujet.

M. Mayrand : Je pense qu'avec le numéro d'identification unique, le problème auquel font face les candidats des partis politiques va diminuer considérablement parce qu'ils auront ce numéro qui n'est pas la date de naissance. C'est un numéro qui permettra de colliger la liste d'une façon plus efficace que maintenant.

[Traduction]

Le président : Monsieur Mayrand, au nom du comité, je vous remercie infiniment d'avoir comparu de nouveau au sujet du projet de loi C-31, ainsi que vos collaborateurs. Nous allons prendre en considération votre témoignage au moment de l'étude article par article du projet de loi. Nous apprécions que vous ayez pris le temps de rédiger certains amendements. Nous les étudierons soigneusement et le comité décidera le moment venu ce qu'il veut en faire.

Je suis ravi d'accueillir notre prochain groupe de témoins, représentant la Commission de la fonction publique du Canada. Nous allons entendre Mme Maria Barrados, qui est présidente de la CFP depuis 2003-2004. Auparavant, elle a été vérificatrice générale adjointe au Bureau du vérificateur général du Canada, où elle a acquis une solide expérience de la vérification, de l'évaluation et de l'analyse statistique, mettant à profit ses connaissances de sociologue. Elle est accompagnée de Mme Linda Gobeil, vice-présidente principale, et de Mme Marie-Claude Turgeon, avocate générale par intérim.

[Français]

Maria Barrados, présidente, Commission de la fonction publique du Canada : Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître au Comité afin de discuter du projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et, plus particulièrement, l'article 40 du projet de loi modifiant l'article 22(2) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et l'article 41 qui modifie l'article 50(2) de ladite loi.

Se joignent à moi aujourd'hui, de la Commission de la fonction publique du Canada, Mme Linda Gobeil, vice- présidente principale, Direction générale des politiques et Mme Marie-Claude Turgeon, avocate générale par intérim.

La Commission de la fonction publique du Canada est un organisme indépendant qui relève du Parlement. Elle est responsable de la protection de l'intégrité du système de dotation dans la fonction publique fédérale, de même que de l'impartialité politique des fonctionnaires sur le plan politique.

De plus, la CFP recrute des Canadiennes et des Canadiens qualifiés provenant de partout au pays. La CFP a le pouvoir d'embaucher ou de faire des nominations internes et externes à la fonction publique. Ce pouvoir est délégué aux administrateurs généraux des ministères et organismes fédéraux qui exercent ce pouvoir tout en respectant le cadre de nomination, les règlements et les lignes directrices de la CFP et qui doivent lui rendre des comptes.

[Traduction]

Les pouvoirs exercés par la CFP lui sont conférés par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique de 2003, qui régit l'embauche dans la fonction publique fédérale. La loi stipule que l'emploi occasionnel est limité à 90 jours ouvrables au cours d'une année civile dans toute organisation. L'emploi occasionnel n'est pas assujetti aux dispositions de la loi, y compris celles concernant le mérite. La proposition de modification confierait à la CFP le pouvoir discrétionnaire de prolonger, par voie de règlement, la période d'emploi des travailleurs occasionnels.

L'article 40 du projet de loi porte sur l'emploi occasionnel. J'ai présenté un tableau comparatif qui fait état des principales caractéristiques des types d'emploi dans la fonction publique fédérale. Veuillez noter que les marchés de service d'aide temporaire ne relèvent pas de notre compétence.

L'exercice par la Commission du pouvoir de prolonger la période d'emploi occasionnel dans un ministère ou un organisme donné serait fondé sur un examen méthodique de la demande de l'organisation concernée. Ce pouvoir ne pourrait être invoqué que par voie de règlement. L'obligation de prendre un règlement avant de procéder à une prolongation de la période limite de 90 jours assurerait la transparence de l'exercice des pouvoirs de la Commission. Le Parlement peut examiner le contenu d'un règlement par l'entremise du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation et je suis toujours disponible pour répondre aux questions sur l'utilisation de ce pouvoir de réglementation.

Advenant la modification de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, la Commission utiliserait ce pouvoir discrétionnaire pour prendre un règlement uniquement dans une situation exceptionnelle. Conformément au processus réglementaire, la CFP serait appelée à établir les critères. Nous proposons donc ce qui suit : que les prolongations soient accordées uniquement dans les situations où une organisation, qui cherche à maintenir son effectif de travailleurs occasionnels pour une période qui s'étend au-delà de 90 jours, démontre que ce maximum de 90 jours nuit à la capacité de l'organisation de s'acquitter de ses obligations légales et qu'aucune autre option de dotation ne convient.

La CFP reconnaît que l'embauche de travailleurs occasionnels offre aux gestionnaires une solution rapide pour doter un poste vacant. Toutefois, l'emploi occasionnel ne doit en aucun cas être utilisé pour remplacer l'embauche permanente. Les ministères et organismes doivent recourir à des stratégies d'embauche qui respectent les besoins actuels et futurs en matière de ressources humaines. Nous ne sommes pas disposés à accepter une prolongation résultant de l'absence d'une bonne planification des ressources humaines ou pour des raisons de commodité à court terme.

Permettez-moi d'utiliser le cas particulier d'Élections Canada pour illustrer mon propos. Le directeur général des élections détermine qu'il a besoin, pour au moins 165 jours, de travailleurs occasionnels affectés à la préparation et à la tenue d'une élection ainsi qu'à la production des rapports pertinents. Le moment des élections peut être imprévisible. Le besoin est immédiat et les employés doivent accomplir des tâches bien précises.

En réponse à cette demande, nous avons examiné en détail le travail à exécuter par les employés occasionnels, leur formation et la période au cours de laquelle leurs services sont requis. Nous reconnaissons que la limite de 90 jours entraîne certaines difficultés sur le plan du recrutement et du maintien en poste du personnel électoral compétent et peut nuire au déroulement efficace des processus électoraux. Dans ce cas particulier, une prolongation par voie de règlement visant ces travailleurs occasionnels permettrait à Élections Canada de mieux s'acquitter de son mandat législatif.

Nous ne prévoyons pas un recours fréquent à une telle disposition. D'autres situations exceptionnelles pourraient se présenter comme celle des préposés au recensement à Statistique Canada ou des projets ou services de première importance qui se fondent sur des travailleurs occasionnels, qui doivent être prolongés pour de courtes périodes. Un ministère pourrait demander de maintenir en poste au-delà de la période de 90 jours une personne possédant des qualifications particulières, par exemple un grand spécialiste faisant face à une situation d'urgence. Sans cette disposition, cela ne serait pas possible.

Le fait d'accorder à la commission le pouvoir réglementaire de prolonger la période d'emploi occasionnel plutôt qu'à l'organisation particulière concernée permet d'exercer ce pouvoir de façon cohérente et indépendante. Nous l'utiliserions en nous appuyant sur une connaissance approfondie de la dotation dans l'ensemble de la fonction publique. Nous nous assurerions que tout exercice de ce pouvoir serait conforme au mandat que nous avons de protéger l'intégrité du système de nomination.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci de cet exposé clair et concis. Je vais commencer la période des questions avec le porte-parole de l'opposition, le sénateur Baker.

Le sénateur Baker : J'ai deux courtes questions, et le sénateur Ringuette a ensuite des questions spécifiques.

Dans votre exposé vous avez dit : « Nous proposons ce qui suit », et ensuite vous avez parlé des restrictions que vous appliqueriez sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Préféreriez-vous que ces lignes directrices soient inscrites dans la loi elle-même?

Mme Barrados : Non, la proposition consiste à donner à la CFP le pouvoir de prolonger par voie de règlement, et pour cela il s'agirait d'établir certains critères. Il s'agirait là des critères qui seraient énoncés dans le règlement d'application.

Le sénateur Baker : Vous dites que les critères ne devraient pas être inscrits dans la loi, et donc vous auriez totalement carte blanche pour fixer les critères.

Mme Barrados : Mon interprétation du mécanisme réglementaire — et j'ai des juristes de part et d'autre qui connaissent ces choses mieux que moi —, c'est que le règlement est un prolongement de la loi. Ce n'est pas seulement une politique, c'est un mécanisme légal qui découle de la loi et qui est soumis à l'examen d'un comité parlementaire.

Le sénateur Baker : La jurisprudence des deux juristes remonte à 1988 relativement à ces questions. Je suis d'accord avec vous et je ne vais pas contester leurs qualifications.

Madame Barrados, vous avez dit : « Nous avons étudié en détail le travail à exécuter par les employés occasionnels, leur formation et la période au cours de laquelle leurs services sont requis. » Vous avez examiné cela dans le cadre de la loi actuelle, je présume. Avez-vous examiné ces aspects du point de vue des besoins de ce service après l'adoption du projet de loi C-31?

Mme Barrados : Nous avons examiné cela dans le contexte du projet de loi C-31; nous avons examiné la pratique antérieure et les exigences imposées par le projet de loi C-31.

Le directeur général des élections m'a écrit et m'a demandé un chiffre plus élevé. Nous avons eu de nombreux entretiens. Nous avons passé en revue les divers éléments mis en jeu par ce genre de travail et nous avons convenu que 165 jours serait un chiffre raisonnable.

Le sénateur Baker : Vous avez convenu que 165 serait un chiffre raisonnable et vous avez dit qu'on a demandé un chiffre plus élevé.

Mme Barrados : Oui.

Le sénateur Baker : Pourriez-vous nous dire quel était ce chiffre supérieur?

Mme Barrados : Je crois que c'était 185.

Le sénateur Baker : À la page 4 de votre exposé, vous indiquez que le travail ne serait pas possible sans cette disposition. Je présume que vous convenez avec le sénateur Ringuette que, si nous avons une loi fixant la date des élections au mois d'octobre, vous pourriez engager quelqu'un sous le régime de la loi actuelle pour la période d'octobre à mars de l'année suivante et donner quand même six mois.

Mme Barrados : Si vous aviez une date fixe, cela écarterait un des gros problèmes. Mais je crois savoir que nous n'aurons toujours pas des dates fixes. Il subsiste la possibilité de référendums et de gouvernements minoritaires. Si nous avions une date fixe et que nous la connaissions d'avance, nous pourrions utiliser le mécanisme de la nomination pour une durée déterminée. Mais sans une date fixe, connue d'avance, cela devient une option coûteuse.

Le sénateur Baker : Est-ce que ce remaniement créerait, pour vous et votre commission, un rôle nouveau qui n'existe pas dans la loi actuelle lorsque des circonstances similaires se présentent? Autrement dit, est-ce que la commission entrerait en territoire inconnu avec cette nouvelle loi?

Mme Barrados : Non. De fait, c'est tout le contraire. La loi actuelle donne déjà à la commission le droit d'exonérer des organisations relevant d'elle des dispositions de la loi. Une disposition très claire nous permet de rendre des ordonnances d'exclusion de façon à exclure de l'application de toute disposition de la loi les organisations relevant de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Nous faisons cela pour autoriser la dotation non impérative. Cela se fait dans certaines situations opérationnelles. Nous avons également des pouvoirs réglementaires en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

En ce qui concerne les employés occasionnels, notre première réaction, franchement, a été que la structure actuelle de la loi nous donne tous les mécanismes voulus pour exonérer Élections Canada de cette disposition de la loi. Bien entendu, nous manions avec beaucoup de prudence tous ces pouvoirs. Nous avons fait examiner la question par des juristes, qui ont vérifié auprès du ministère de la Justice, lequel a répondu non, que ce n'était pas très clair car la disposition relative à l'emploi occasionnel exclut les applications de la loi. L'idée était que l'on ne doit pas exclure le mérite; mais, de la manière dont c'était structuré, cela exclut également tous ces autres pouvoirs. L'avis juridique que l'on m'a donné était qu'il fallait se montrer prudent car il n'était pas réellement clair que nous avions ces mêmes pouvoirs d'exonération pour cette disposition particulière concernant l'emploi occasionnel.

Puisque j'avais en même temps la requête du directeur général des élections et puisque le projet de loi C-31 était introduit, nous avons décidé qu'il valait mieux obtenir cette clarification. Nous demandons donc en substance une clarification qui nous donnera plus de flexibilité quant à l'application de cette disposition particulière, flexibilité que nous n'avons pas dans son cas précis alors que nous l'avons dans le reste de la loi.

Le sénateur Baker : Vous voulez être autorisés à passer par la porte de devant alors que vous aviez peut-être la permission de passer par la porte de derrière.

Mme Barrados : Je crois qu'il ne faut jamais user de détours. J'aime bien l'analogie. Depuis que je suis à la commission, j'ai toujours voulu n'utiliser que l'emploi occasionnel plutôt que tous ces autres artifices avec les autres exclusions pour accomplir la même chose. Si le travail semble être occasionnel, il faut le présenter comme tel et ne pas emprunter de détours.

Le sénateur Bryden : Je regarde le libellé de l'article 40 du projet de loi. La formulation y est très large. Elle permet de « prolonger la période prévue au paragraphe 50(2) pour tout poste, toute personne ou catégorie de postes ou de personnes ». Je crois savoir ce qu'est un poste et je sais ce qu'est une personne. Mais qu'est-ce qu'une catégorie de postes?

Mme Barrados : Je vais demander à Mme Turgeon de vous répondre.

Marie-Claude Turgeon, avocate générale par intérim, Commission de la fonction publique du Canada : Par catégorie de postes, on entend un groupe professionnel. Vous pouvez réglementer en fonction d'un groupe de soutien administratif ou d'un autre groupe.

Le sénateur Bryden : Dans votre exposé, vous avez dit préférer procéder à l'embauche en fonction du principe du mérite, notamment. J'ai toutefois constaté dans le rapport annuel 2004-2005 de la commission qu'environ 65 p. 100 des personnes embauchées comme employé permanent par la fonction publique fédérale cette année-là provenaient d'un bassin d'employés temporaires.

C'est inférieur à 50 p. 100 pour le recours à la méthode régulière. Qu'est-ce qui nous empêche d'y voir une expansion de votre capacité de recourir à des postes temporaires en plus grand nombre que jamais auparavant? L'ampleur est certainement encore beaucoup plus grande pour les élections, et rien ici me dit que cela ne s'applique qu'à Élections Canada.

Mme Barrados : Les dispositions de la loi sont très claires quant au type de processus, et le principe du mérite doit s'appliquer, de même que les principes d'accès, de transparence et de représentativité.

Sans amendement, la loi exclut les occasionnels de toutes ces dispositions, et le principe du mérite n'a pas à être appliqué. Cela signifie qu'un occasionnel peut être embauché sans que le principe du mérite soit respecté et sans qu'il soit considéré comme un fonctionnaire. Les occasionnels n'ont donc pas les mêmes droits que les fonctionnaires. Ils n'ont pas le droit de participer à des concours internes comme les employés nommés pour une période déterminée, par exemple. Dans les rapports précédents, on faisait référence à des personnes embauchées pour de courtes périodes, mais qui, en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, sont devenues des employés permanents. Nous parlons maintenant de personnes qui sont exclues de l'application de la loi. En effet, la loi exclut le travailleur occasionnel. Le principe du mérite ou de la représentativité ne tient plus. Vous embauchez ces personnes et les affectez à des tâches données, pour de courtes périodes; ce ne sont pas des fonctionnaires. Il y a une limite de 90 jours.

Le reste de la loi et toutes ses dispositions donnent à la commission de grands pouvoirs d'exclusion, de manière qu'elle puisse exclure l'application de certaines dispositions, au cas par cas. Toutefois, la structure de la loi est telle que je ne peux me prévaloir de ces pouvoirs d'exclusion dans le cas des travailleurs occasionnels, d'après ce qu'on me dit. Voilà pourquoi nous avons demandé que ce pouvoir d'exclusion s'applique aussi à cette section.

Est-ce que cela élargit le mandat de la commission? Oui. Est-ce que je pense qu'on recourrait beaucoup à cette disposition? Non, je ne pense pas. Il y aurait un examen rigoureux. Nous proposons que cela se fasse seulement par voie réglementaire, afin que ce ne soit ni facile, ni courant. Il y aurait un examen.

Le sénateur Bryden : Un règlement n'est pas aussi permanent qu'une loi. Il est bien plus facile de modifier un règlement qu'une loi.

Mme Barrados : Vous avez raison.

Le sénateur Bryden : Pour l'instant, pour ce qui touche le système électoral, la loi prévoit des restrictions quant à la durée de l'emploi occasionnel. Ce n'est pas dans ce projet de loi. Vous avez parlé du comité d'examen des règlements qui veille à ce que vous ne fassiez rien qui aille au-delà de ce qui est permis. Ce ne sont que des mots. Je fais partie de ce comité, et nous nous penchons sur des dossiers qui ont 10 et 15 ans. Les avocats de la commission ou des ministères s'échangent régulièrement de la correspondance. Même quand on ne doute pas du fait que le règlement va au-delà de ce qui est permis par la loi, rien ne se règle facilement. Mais je cesse maintenant de pérorer.

Si la bonne façon de procéder est ce qui est prévu pour la commission, comment se fait-il que 65 p. 100 des embauches d'une année sortent du personnel temporaire? On m'a dit qu'on se fait embaucher comme employé occasionnel, deux ou trois fois, que l'on obtient une nomination temporaire; et je suppose qu'ensuite, pour se porter candidat à un poste permanent, il faut avoir cette qualification ou l'équivalent. Le sous-ministre déclare : « Vous faites ce travail depuis trois ans, vous devez ainsi avoir l'équivalent. Vous êtes embauché ». Est-ce à peu près cela?

Mme Barrados : Oui, c'est assez cela. C'est une de mes grosses préoccupations. Cela ne touche pas ce cas particulier, franchement, mais c'est un gros problème. Le sénateur Andreychuk dit que cela touche à l'équité en matière d'emploi parce que, avec un tel système, on tend à prendre les gens qui sont à proximité. Comme le disait le sénateur Ringuette, cela ne facilite pas la représentativité de tout le pays. Cela ne joue pas en faveur de l'équité en matière d'emploi. Cela m'inquiète beaucoup. J'ai l'intention de revenir là-dessus dans mon rapport annuel. Ce n'est toutefois pas directement lié à ce problème.

Les employés occasionnels sont totalement exclus de la loi, si bien qu'ils ne sont pas favorisés. Ce sont les employés pour une période déterminée qui le sont. Les occasionnels, dans le système que nous avons, sont des employés qui sont là pour quelque chose de précis, à court terme. Il y en a quelques-uns qui passent à la fonction publique. Je ne dis pas que cela ne se produit pas, mais ils doivent passer par le premier processus de présélection. Le gros problème, c'est la transition entre les postes pour une période déterminée et ceux pour une période indéterminée.

Le sénateur Joyal : Lorsque vous dites qu'ils sont exclus des nominations au mérite, dois-je comprendre par là que, pour ce qui est de tous les autres objectifs de recrutement de la Commission de la fonction publique, tels que la participation des minorités visibles, l'accès des femmes à des emplois importants et l'accès des autres minorités, dois-je comprendre, dis-je, que tous ceux qui sont dans ces catégories n'ont pas la possibilité d'être occasionnels et d'acquérir une première expérience professionnelle qui pourrait les rendre admissibles à un emploi ultérieur?

Mme Barrados : La loi est ainsi faite que les dispositions de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique ne s'appliquent pas aux employés occasionnels. C'est le même problème : je n'ai plus de pouvoir discrétionnaire à ce sujet. Je l'ai pour tous les autres articles de la loi.

Le sénateur Milne : Ma question est également reliée à celle du sénateur Bryden. Dois-je conclure de votre exposé que vous êtes en faveur des articles 40 et 41 de ce projet de loi? Ils vous satisfont?

Mme Barrados : Oui, si ce sont les bons numéros.

Le sénateur Milne : Vous en avez convenu suite aux négociations que vous avez eues avec le directeur général des élections qui ont abouti à ce que la durée maximum d'emploi pour les employés occasionnels soit de 165 jours plutôt que de 185 comme il le souhaitait.

Mme Barrados : Je suggère que nous indiquions les 165 jours dans le règlement et non pas dans la loi, mais que celle- ci soit plus souple car, en cas de changement, en cas de date fixe, il pourrait être nécessaire de raccourcir cette période. Les circonstances peuvent évoluer.

Je conviens que 165 jours est une période raisonnable pendant laquelle on pourrait recourir à un employé occasionnel. Je conviens aussi que la meilleure façon d'embaucher ces employés, c'est de le faire à titre d'employé occasionnel.

Le sénateur Milne : Je ne vois toutefois rien dans ce projet de loi, comme on l'a dit très clairement, qui stipule un maximum de 165 jours : moins peut-être mais pas plus. Nous savons ce qu'il advient des règlements. On risque de se réveiller dans 10 ans et constater qu'il y a toujours des problèmes parce que, dans le règlement, cela a été fixé à 185 jours. Je me préoccupe beaucoup qu'il n'y ait pas de maximum ici.

Mme Barrados : Nous avons un pouvoir discrétionnaire important sur une bonne partie de la loi. L'histoire de la commission remonte loin. Nous allons célébrer notre 100e anniversaire de pouvoirs discrétionnaires exercés prudemment.

Les sénateurs peuvent considérer le processus réglementaire de leur point de vue mais, du mien, c'est un processus que nous ne prenons pas du tout à la légère. J'ai une commission. Ses examens et ses décisions doivent être étayés. Nous avons un processus interne d'examen de la réglementation, dont je suis entièrement responsable. C'est un processus beaucoup plus rigoureux qu'une politique générale.

Je préférerais ne pas avoir un autre chiffre à cause du problème que je rencontre maintenant avec les 90 jours. C'est finalement une décision qui doit être prise.

Nous avons exercé prudemment la latitude que nous donne la loi, et je crois pouvoir dire que nous en ferions autant dans le cas de cet article.

Le sénateur Milne : Quelle est votre intervention dans la rédaction des règlements?

Mme Barrados : Cela relève exclusivement de nous, et nous soumettons ensuite ces règlements au processus d'examen de la réglementation.

Le sénateur Ringuette : Madame Barrados, c'est toujours un plaisir de s'entretenir avec vous. J'admire beaucoup ce que vous avez fait depuis que vous êtes à ce poste.

Dans votre exposé, vous avez beaucoup parlé d'organismes et de demandes de prolongation qui ne sont accordées que lorsque ces organismes cherchent à garder des occasionnels plus de 90 jours. Cela touche à l'article 41 de ce projet de loi qui s'applique à tout ministère ou organisme.

Le jeudi 10 mai, le ministre Van Loan a comparu devant le comité, accompagné de Matthew King, secrétaire adjoint, Législation et planification parlementaire, de Natasha Kim, conseillère principale en politiques, Législation et planification parlementaire, l'un et l'autre du Bureau du Conseil privé et de Raymond MacCallum, avocat, Section des droits de la personne du ministère de la Justice. Comme je ne suis pas membre régulier de ce comité, je lis attentivement la transcription des délibérations. Le sénateur Milne a demandé au ministre Van Loan et à M. King pourquoi les articles 40 et 41 étaient dans le projet de loi C-31. Mme Kim, du Bureau du Conseil privé, a répondu qu'il s'agissait du fonctionnement et de l'administration des élections. M. King a ajouté que cet amendement — les articles 40 et 41 — donnerait au directeur général des élections le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour prolonger quelqu'un sur une période de 90 jours. La durée réelle serait prolongée en vertu du règlement, en partie pour s'assurer que c'est limité à ceux qui travaillent aux élections.

Le Bureau du Conseil privé estimait donc que ces dispositions ciblaient spécifiquement ceux qui travaillent aux élections. Êtes-vous du même avis?

Mme Barrados : Le pouvoir discrétionnaire est donnée à la Commission de la fonction publique et c'est à celle-ci de déterminer si elle veut autoriser cela ou non. Je corrigerai quelque chose dans ce que vous avez dit, si j'ai bien compris les commentaires que vous avez rapportés. Il ne s'agit pas de donner le pouvoir discrétionnaire directement au directeur général des élections.

Pour ce qui est de cibler les employés d'Élections Canada, la disposition est plus large. La première application claire concernerait à première vue le directeur général des élections. Je me suis interrogée sur d'autres applications possibles, mais je n'en vois pas précisément dans les 18 prochains mois. Cela s'applique donc clairement tout d'abord au directeur général des élections.

Le sénateur Ringuette : Vous faudra-t-il rédiger un règlement avant cela?

Mme Barrados : Bien sûr. Il faudrait un règlement dans chaque circonstance.

Le sénateur Joyal : Est-ce que cela s'applique à chaque organisme gouvernemental?

Mme Barrados : Oui. Il existe des principes généraux, que nous devons appliquer à chacun des organismes qui les revendiquent.

Le sénateur Nolin : C'est donc une réponse positive.

Le sénateur Milne : Les autres ministères pourraient s'en prévaloir à l'avenir.

Mme Barrados : Non, la commission est la seule à pouvoir les invoquer.

Le président : Mais cela ne concerne pas uniquement la Loi électorale du Canada.

Mme Barrados : La disposition peut être utilisée dans d'autres circonstances, mais seule la commission est habilitée à l'invoquer.

Le sénateur Nolin : De plus, il faut un règlement spécifique pour chaque demande.

Mme Barrados : Oui.

Le sénateur Ringuette : D'après ce que nous avons vu en matière de délégation de pouvoir et de demandes, le projet de loi couvre largement l'ensemble des organismes et ministères. Lors de ma dernière vérification, 23 p. 100 seulement des ministères et organismes fédéraux avaient déposé un plan documenté de gestion des ressources humaines, conformément aux dispositions de la loi.

Le mercredi 16 mai, M. Gary Corbett, vice-président de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada a comparu devant le comité. Il a contesté ces deux dispositions après avoir énoncé le point de vue de l'Institut professionnel de la fonction publique dans les termes suivants :

En permettant d'embaucher plus d'employés occasionnels au sein de la fonction publique fédérale, le projet de loi C-31 s'attaque à l'intégrité même du régime de dotation. Autrement dit, si la même rigueur ne s'applique pas à l'embauche d'occasionnels comme à celle d'employés permanents, c'est un moyen de contourner la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, particulièrement en ce qui concerne le mérite.

Vous avez dit le contraire.

Sachant que, conformément au paragraphe 15(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, le pouvoir de nommer un travailleur occasionnel a été délégué par la Commission de la fonction publique aux sous-ministres et, par leur intermédiaire, au niveau le plus bas possible de la fonction publique, avez-vous une idée des répercussions de ces deux nouvelles dispositions sur l'ensemble de la dotation dans la fonction publique?

Mme Barrados : Je pense que l'effet de ces deux dispositions devrait être minime, parce qu'elles se rapportent à une disposition existante de la loi selon laquelle les travailleurs occasionnels ne sont pas assujettis à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. C'est ce qui mécontente l'Institut professionnel de la fonction publique, mais la disposition existe déjà. La loi impose actuellement une limite de 90 jours ouvrables. La loi antérieure prévoyait une période de 125 jours civils. La disposition était mal appliquée et mal utilisée, mais la durée de la période n'a pas changé, puisque dans un cas, ce sont des jours civils, et dans l'autre, des jours ouvrables.

Cette disposition s'applique dans les circonstances où l'organisme est dans l'impossibilité de travailler autrement. C'est un compromis pour lui permettre d'exécuter son mandat, mais les services où le cas peut se produire ne sont pas très nombreux. Par conséquent, les conséquences de la disposition sur la fonction publique sont minimes. L'absence d'un tel pouvoir aurait des conséquences beaucoup plus graves. Elle nous obligerait à faire preuve d'une plus grande créativité pour trouver des voies de contournement, à défaut de quoi, il nous en coûterait très cher puisque tous ces travailleurs devraient devenir des fonctionnaires, et ce n'est pas ce que nous souhaitons pour les occasionnels qui s'occupent des élections ou des données du recensement. Vous serez heureuse d'apprendre, madame le sénateur, que la planification est bien meilleure qu'il n'y paraît.

Le sénateur Ringuette : Je l'espère, car nous parlons de cette question depuis très longtemps.

Mme Barrados : Nous sommes en train de compiler les chiffres sur la planification, mais ils ne sont pas encore prêts et vous pouvez continuer à poser des questions. Je vous remercie de vous renseigner à ce sujet, mais la situation s'est considérablement améliorée.

En ce qui concerne la délégation de pouvoir, les circonstances qui l'entourent figurent dans la loi. Mon rôle consiste à veiller aussi scrupuleusement que possible à la bonne application de la loi au nom du Parlement et à faire part à ce dernier de l'évolution de la situation. Voilà la structure de la loi. Le droit de recruter des employés occasionnels fait partie de la délégation de pouvoir, mais il s'accompagne de toutes les restrictions que nous imposons, mais qui sont maintenant en nombre limité à cause de la structure même de la loi.

Le président : Le sénateur Milne a une question supplémentaire concernant ce que vous venez de dire.

Le sénateur Milne Madame Barrados, est-ce que vous prévoyez que Statistique Canada demandera une extension de la période au-delà de 90 jours pour ses occasionnels lors du recensement de 2011?

Mme Barrados : Peut-être, mais Statistique Canada utilise déjà le décret d'exclusion. Nous lui accordons un décret d'exclusion en vertu d'autres dispositions de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. En fonction des résultats des autres politiques, cette forme d'exclusion pourrait être préférable à celles qui s'appliquent actuellement. Le directeur général des élections était soumis aux formes d'exclusion qui figurent dans la Loi électorale du Canada. J'ai soumis la question à tous les autres avocats, et ils en ont conclu que l'exclusion n'était pas utilisée correctement.

Le sénateur Ringuette : J'ai déjà eu un problème avec toute cette question de délégation de pouvoir dans le recrutement. Toutes les semaines, je consulte la banque d'emplois du site web. J'ai constaté qu'à l'évidence les critères d'emploi varient. À leur lecture, on constate que le candidat a déjà été choisi et que c'est une simple formalité. De surcroit, le critère géographique est évidemment fondamental.

La disposition sur la délégation de pouvoir s'étend désormais aux travailleurs occasionnels au-delà des 90 jours ouvrables. Il s'agit d'Élections Canada qui prétend avoir besoin d'occasionnels. Pourquoi le projet de loi ne vise-t-il pas exclusivement les employés occasionnels d'Élections Canada? Pourquoi avez-vous ajouté les mots « dans un même ministère ou autre administration »? Cette formulation est trop vaste. Il n'y a aucune mesure de contrôle et quelle que soit la question que nous posons, on nous oppose toutes sortes de prétextes.

Mme Barrados : J'aurais pu vous parler des risques que j'ai constatés dans la loi. Sauf tout le respect dû à mes collègues, on m'a donné le conseil suivant : « Il est risqué d'utiliser les pouvoirs actuels d'exclusion, parce qu'ils sont trop vastes pour l'ensemble des dispositions de la loi. » Je n'ai pas trouvé ce conseil opportun. S'il existe un risque et qu'on se demande si l'on peut agir ou non, je pense qu'il ne faut pas agir, étant donné la nature des pouvoirs extraordinaires conférés à la Commission de la fonction publique. Je veille à ce que nous exercions correctement ces pouvoirs. Il y avait d'autres formes d'exclusion et de mesures que nous pouvions imposer. Cela ne me semblait pas opportun. On m'a dit qu'il était préférable d'en faire une disposition conforme au reste de la loi sans être plus spécifique, car si les dispositions sont trop spécifiques, on se heurte à des problèmes lorsque les circonstances changent, car on ne peut pas modifier la loi facilement ni rapidement.

Puis-je faire un autre commentaire sur le sujet favori du sénateur Ringuette? Nous déployons beaucoup d'efforts en ce qui concerne la zone de sélection.

Oui, mais 55 p. 100 de l'ensemble des emplois du gouvernement fédéral ne sont toujours pas couverts.

Mme Barrados : C'est quand même préférable aux 19 p. 100 d'autrefois. Nous sommes en progrès. Je reste préoccupée des offres d'emploi trop limitatives. Si j'ai des preuves, j'interviens. Il me faut des preuves, car cela m'oblige à priver certaines personnes de leur emploi.

Senator Nolin : Si vous consultez chaque semaine les offres d'emploi et que vous constatez l'apparition d'une tendance, vous allez vous y opposer, n'est-ce pas? Si vous avez des preuves, allez-vous exercer vos pouvoirs pour faire en sorte que cela ne se produise plus?

Mme Barrados : Si j'ai des preuves, nous allons faire enquête et nous pouvons priver certaines personnes de leur emploi.

Le sénateur Joyal : Pouvez-vous nous indiquer les ministères et organismes gouvernementaux qui emploient actuellement des employés occasionnels?

Mme Barrados : Ils le font tous, je crois.

Le sénateur Joyal : Ils le font tous?

Mme Barrados : Oui.

Le sénateur Joyal : Je pensais que le procédé se limitait à Statistique Canada et à Élections Canada. Il y a eu une élection tous les trois ou quatre ans, et l'organisme n'a pas besoin d'entretenir un bassin permanent d'employés. Statistique Canada fait le recensement, et nous comprenons donc que vous ayez soudain besoin d'un groupe de collaborateurs.

Il me semble que, si le recours aux travailleurs occasionnels constitue une modalité prévue de recrutement, c'est l'indication de l'existence d'un problème.

Mme Barrados : J'ai une préoccupation concernant le recours aux travailleurs occasionnels, indépendamment de la limite des 90 jours. Les commentaires sur Statistique Canada et Élections Canada concernent le problème que pose la limite des 90 jours.

J'ai une préoccupation quant à la façon dont on utilise les travailleurs occasionnels dans la fonction publique. J'ai demandé à mes analystes statistiques de localiser ces travailleurs, de voir comment ils étaient utilisés et de chercher ce que la Commission de la fonction publique pouvait faire à leur sujet. La structure de la loi ne nous donne guère de pouvoir pour nous occuper des travailleurs occasionnels.

Le principe du recours aux travailleurs occasionnels est bon : il peut y avoir des circonstances où on a besoin de trouver rapidement des travailleurs pour une tâche précise. La fonction publique est un gros organisme, une machine énorme. Elle exécute de nombreux programmes. Les gestionnaires doivent être en mesure de trouver rapidement des employés pour leur confier un travail spécifique, mais en principe, ils arrivent rapidement puis ils s'en vont. C'est le fondement même de la souplesse qu'offrent les travailleurs saisonniers.

Je me préoccupe du fait qu'on se serve désormais d'une autre façon des occasionnels. Nous étudions la question, parce la modernisation de la fonction publique à laquelle nous venons de procéder visait à donner plus de souplesse à la loi utilisée par les gestionnaires, l'orientation venant du Parlement, qui indique aux gestionnaires comment procéder conformément à la loi, sans essayer de la contourner. Et nous avons des gens comme madame le sénateur Ringuette qui veille au grain.

Le sénateur Joyal : Je peux envisager une situation dans laquelle le Parlement adopte un programme gouvernemental qui n'existait pas auparavant et qui doit être rapidement mis en œuvre. Parlons d'un programme énergétique, par exemple. Il me semble qu'au-delà des circonstances exceptionnelles de cette nature, dans un régime où l'emploi occasionnel devient une caractéristique constante, on pourrait résoudre la difficulté en s'inspirant du secteur privé, en fixant un objectif de limitation du recrutement des employés permanents et en appliquant aux employés occasionnels les critères de recrutement liés au mérite, aux minorités visibles, aux femmes, aux Autochtones, aux personnes handicapées, et cetera. Évidemment, c'est plus compliqué que de recruter quelqu'un qu'on connaît d'avance. Le gestionnaire veut quelqu'un qu'il connaît et ne veut pas s'embarrasser du reste. Les occasionnels sont engagés pour 90 jours ou 165 jours, et 165 jours, c'est 33 semaines, alors que 185 jours, c'est 37 semaines, soit les deux tiers de l'année, et ensuite on leur dit : « Ne vous inquiétez pas, on vous rappellera l'année prochaine. »

Comme vous l'avez dit, il semble y avoir une tendance. Ce n'est pas exactement l'objectif de la loi ni l'objectif poursuivi par le gouvernement dans ses pratiques d'emploi. Encore une fois, je voudrais que l'on augmente la participation de toutes les catégories de Canadiens, qui devraient avoir une meilleure chance d'accéder à la fonction publique pour y acquérir de l'expérience ou pour y faire carrière.

Mme Barrados : Je suis bien d'accord avec vous. Je pense que le greffier du conseil privé l'est aussi, de même que le groupe consultatif du premier ministre.

Dans le secteur public, nous sommes dans une situation particulière à cause des changements démographiques. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une crise, mais nous devons néanmoins la gérer avec soin.

Le sénateur Joyal : Les baby boomers vont prendre leur retraite.

Mme Barrados : Oui, ils prennent leur retraite, ce qui nous donne une occasion extraordinaire de renouvellement, mais il faut que nous agissions intelligemment. Nous devons recruter et embaucher directement. Nous ne devons pas miser outre mesure sur l'emploi occasionnel comme mode d'intégration. Nous ne devons non plus miser outre mesure sur le recours à la sous-traitance, qui m'inquiète également et dont j'essaie de m'occuper. C'est une autre façon de contourner la loi. On peut recourir à un sous-traitant, mais en fait, on établit avec lui une relation d'employeur à employé. On évite ainsi toute la législation et la réglementation applicable en matière d'emploi, notamment en ce qui concerne les langues officielles, la représentativité, et cetera.

Le président : On évite aussi le régime des soins médicaux et le régime de retraite.

Mme Barrados : Oui.

Le sénateur Joyal : Quel est le pourcentage des employés occasionnels par rapport à celui des employés temporaires?

Mme Barrados : Les postes permanents représentent environ de 87 à 88 p. 100 de la fonction publique. Les 12 p. 100 restants sont des emplois à durée déterminée et des emplois occasionnels. Je ne sais pas exactement quelles sont leurs proportions respectives. Ils représentent environ 12 p. 100 de la fonction publique, ce qui n'est pas mauvais pour un organisme de cette taille. C'est un chiffre qui me semble raisonnable. S'il s'agit d'emplois ponctuels, comme ceux des travailleurs d'élection, il n'y a pas de problème, à mon sens. Cependant, il y en a un si c'est pour certaines personnes l'occasion d'acquérir des connaissances particulières sur la façon de rédiger une description de fonctions ou d'obtenir un emploi. C'est l'opposé du principe que nous voulons faire prévaloir.

Le sénateur Joyal : Avez-vous pris des mesures pour empêcher de faire de l'emploi occasionnel une façon déguisée de contourner la loi et de redonner régulièrement un emploi aux mêmes personnes? Si ce n'est déjà fait, quelle formule ou mesure pourriez-vous définir pour veiller à ce que le système ne soit pas contourné, étant donné que vous nous demandez maintenant de permettre à un ministère de recruter qui il veut pour 185 jours et de refaire la même chose chaque année par la suite?

Mme Barrados : C'est un pouvoir discrétionnaire qui doit être exercé avec le même soin que tous les autres pouvoirs discrétionnaires conférés par la loi. Je ne pense pas que cela modifie le problème que j'ai constaté. Il s'agit d'une situation unique dans la mesure où l'on confère aux gestionnaires un pouvoir discrétionnaire plus vaste qu'ils devront exercer avec soin, au même titre que tous les autres.

En ce qui concerne ce que nous faisons de cette main-d'œuvre et de cette dynamique apparue dans la fonction publique, le défi consiste tout d'abord pour moi à mieux comprendre le problème. Vous posez de très bonnes questions et je vous donne de très bonnes réponses. Qui sont ces employés? Comment sont-ils recrutés? À quels niveaux? S'agit-il de professionnels ou d'agents de soutien administratif? Qui est engagé comme travailleur occasionnel? Voilà les premières questions. Sont-ils concentrés dans certains ministères? Que leur arrive-t-il par la suite? Celui qui a occupé un emploi occasionnel va-t-il réapparaître ailleurs plus tard dans la fonction publique? Nous procédons actuellement à ce genre d'analyse, que nous espérons pouvoir intégrer à mon rapport annuel, l'automne prochain. C'est très compliqué, car la seule base de données véritablement fiable dont nous disposions est celle de la paie, qui est difficile à manœuvrer. Je pense que certains emplois occasionnels sont justifiés, mais ils ne le sont pas tous.

Je me demande alors ce que nous pourrons faire à cet égard. Je suis peut-être sérieusement limitée, mais je veux certainement être prête pour l'examen quinquennal de la loi. Si je crois vraiment qu'il y a une crise, je serai obligée de m'adresser au Parlement plus rapidement.

Le sénateur Fraser : Je suppose que cette question serait incluse dans l'examen quinquennal?

Mme Barrados : Oui. Elle porte sur la loi au complet.

Le sénateur Fraser : Je m'intéresse au critère que vous avez proposé pour l'exercice du pouvoir, particulièrement l'idée qu'il faut montrer que la limite de 90 jours empêche l'organisme de remplir ses obligations d'origine législative. La première fois que j'ai vu cela, ça m'a paru très bon. Je pensais d'abord à Élections Canada, puisque ce projet de loi cerne ostensiblement les élections, et les obligations législatives de cet organisme sont assez claires. Toutefois, il y a bon nombre d'autres ministères et organismes pour lesquels c'est beaucoup moins clair. Par exemple, les ministères de la Défense et du Patrimoine canadien ont de vastes champs de responsabilité qui peuvent être interprétés de diverses manières. Pouvez-vous nous fournir des interprétations, des lignes directrices ou autre chose pour nous aider à comprendre de quelle manière l'expression « obligations d'origine législative » pourrait être interprétée?

Mme Barrados : Pour moi, c'est assez clair. Il y a une tâche qui doit être accomplie en vertu d'une loi, comme une élection ou un recensement. Dans tous les autres cas, pour que nous nous y intéressions, il faut qu'il y ait une situation d'urgence. Ils ont une responsabilité en cas d'urgence. Sinon, je dirais : « Vous avez toute la planification et tous les mécanismes en matière de ressources humaines à votre disposition; utilisez-les. » Donc, je ne pense pas que ce sera utilisé très souvent. Je pense que ce sera exceptionnel. Toutes les autres exclusions prévues dans la loi, nous les accordons au compte-gouttes. Nous ne leur en accordons pas beaucoup.

Le sénateur Fraser : Cependant, notre tâche est de penser à l'avenir. Vous êtes très respectée en raison de l'intégrité de votre approche à l'égard de la fonction publique. En tout cas, tout ce que vous nous avez dit ici aujourd'hui justifie à mes yeux cette réputation. Supposons, de manière tout à fait hypothétique, qu'un futur gouvernement, la Coalition libérale-conservatrice-démocrate, ait pour philosophie de s'attaquer aux syndicats. La première chose qu'il ferait serait de nommer, dans votre poste, un successeur qui partagerait cette philosophie. Il serait très facile d'élargir à volonté l'application de ce règlement, n'est-ce pas? Les travailleurs occasionnels ne sont pas protégés par des syndicats et des conventions collectives. À part une longue tradition et votre engagement personnel, quelles sont les protections?

Mme Barrados : Je vais demander à Mme Gobeil de parler des syndicats. Je suis nommée par le Parlement, et si la volonté du Parlement est de s'engager sur cette voie et de nommer quelqu'un qui a les idées dont vous parlez, il leur serait tout aussi facile de modifier la loi. La solution est de ne pas compter sur une seule disposition. Il faut passer par le système de nomination. Il n'y a que le Parlement qui peut renvoyer les membres de la commission. On peut démettre les membres de leurs fonctions et leur nommer des remplaçants, ou on peut modifier la loi.

Je pense qu'il y a bien d'autres protections. Avez-vous quelque chose à ajouter, madame Gobeil?

Linda Gobeil, vice-présidente principale, Direction générale des politiques, Commission de la fonction publique du Canada : Vous avez tout à fait raison de dire que ces personnes ne font pas partie d'une unité de négociations et qu'elles ne sont donc pas représentées. Par conséquent, ce genre d'abus est toujours possible. Pour ce qui est des protections dont nous parlions cet après-midi, il est difficile de les leur fournir. Vous avez un comité qui examine la réglementation. Je pense que ce serait très difficile à faire.

Mme Barrados : On peut changer la loi, si on le veut vraiment. Si on veut apporter une modification importante au régime, on change la loi. On n'aurait pas recours à une petite disposition de la loi.

Le sénateur Fraser : Je vais trahir mon ignorance, mais est-ce que les conventions collectives contiennent des dispositions qui limitent le nombre de travailleurs occasionnels qui peuvent être embauchés?

Mme Barrados : Non. D'autres pays ont des différentes dispositions sur les méthodes de recrutement et le nombre de personnes qui peuvent être recrutées à l'interne et à l'externe. Nous n'avons pas de dispositions de ce genre.

L'autre moyen d'éviter les conventions collectives, c'est de ne pas autoriser certains groupes à se syndiquer. Il y a plusieurs moyens de faire cela aussi.

Le sénateur Fraser : Vous pouvez rendre la GRC responsable de Patrimoine Canadien.

Mme Barrados : Vous pouvez en faire tous des gestionnaires.

Le sénateur Ringuette : Ma question est très courte et elle n'a peut-être pas de réponse. Vous avez mentionné que vous pensiez faire un suivi du recours à la base de données de la paye pour examiner la situation actuelle des occasionnels. Malheureusement, vous n'aurez pas une image complète, car bon nombre de ces personnes sont embauchées par des organismes qui obtiennent un contrat. Les entrepreneurs paient ces employés. Donc, le nom de la personne recrutée par une tierce partie à titre de travailleur occasionnel ne figure pas sur la liste de paye.

C'est un peu comme le jeu du chat et de la souris. D'après moi, les articles 40 et 41 élargissent ce jeu.

Le président : J'aimerais demander à l'ancienne vérificatrice, Mme Barrados, si elle peut retracer d'où vient un employé en regardant son chèque de paye.

Mme Barrados : Je peux le retracer s'il reçoit un chèque de paye du gouvernement du Canada. L'observation au sujet des contrats avec les organismes est absolument juste. Je ne peux pas les retracer par un chèque de paye du gouvernement du Canada, mais je peux les retracer au moyen du contrat. Nous examinons cette possibilité.

Toutefois, cela n'a rien à voir avec les travailleurs occasionnels ni avec ces dispositions.

Le sénateur Nolin : Ça n'a rien à voir avec les articles 40 et 41?

Mme Barrados : Non. Vous n'avez pas besoin de ces dispositions pour faire ce genre de travail. Vous le faites tout simplement.

Le sénateur Baker : Je crois savoir que les employés nommés pour une période déterminée sont recrutés pour des périodes de six mois ou moins. Est-ce que les employés nommés pour une période déterminée par les ministères, que ce soit en hiver ou à d'autres moments, sont considérés comme des employés à plein temps et ont les mêmes avantages sociaux qu'un fonctionnaire?

Mme Barrados : Un employé nommé pour une période déterminée est un employé à plein temps et, selon la politique du gouvernement, après trois ans ils deviennent des employés permanents à la condition qu'il n'y ait pas d'interruption dans cette période.

Le sénateur Baker : Cela se produit après trois ans de travail ininterrompu?

Mme Barrados : Oui.

Le sénateur Baker : Nous allons porter cette période à 165 jours ouvrables pendant une année civile, ce qui représente huit mois et cinq jours.

Mme Barrados : Cela ne s'applique pas du tout à eux.

Le sénateur Baker : Je sais. Cependant, si une personne est embauchée en mai et qu'une nouvelle année civile commence à la fin de décembre, cela fait 16 mois et 10 jours en vertu de la nouvelle loi. Y aura-t-il de nombreux appels? Vous êtes experte en matière d'appels. L'an dernier, vous occupiez le dernier palier d'appel en matière de ressources humaines. Il existe une jurisprudence. Pensez-vous que le fait de l'élargir autant créera des problèmes? Est-ce que les syndicats diront : « Vous vous servez de nous pour embaucher un employé occasionnel pour des périodes d'un an et demi? »

Mme Barrados : Non. Notre intention est d'utiliser ces dispositions dans des circonstances exceptionnelles, comme lorsque Élections Canada recourait dans le passé aux décrets d'exclusion prévus dans la loi. Statistique Canada y a également recours.

Lorsque je pense à ce qui se faisait dans le passé, cela me rend un peu mal à l'aise. Je pourrais probablement le faire, mais je ne pense pas que ce soit la bonne façon de procéder. Je préférerais que ce soit régularisé et clair.

Le sénateur Joyal : Pourriez-vous utiliser la réglementation pour rappeler aux ministères et aux organismes le principe général de la politique d'embauche du gouvernement fédéral en ce qui concerne les minorités visibles, les langues officielles, et cetera? Ne pourriez-vous pas dire : « Vous ne faites pas partie du système, mais en tant que gouvernement, nous avons néanmoins des responsabilités morales envers la société; nous voulons toujours donner à ces personnes la chance de devenir fonctionnaires? »

Il me semble qu'il y a un écart entre faire ce qui vous plaît et ne pas profiter de l'occasion pour embaucher quelqu'un en vue d'atteindre ces objectifs, alors qu'il y a des employés qui partagent des bureaux et des locaux avec d'autres qui seront assujettis à ces critères, et il me semble que nous pourrions rapprocher ces deux extrêmes.

Mme Barrados : C'est Mme Turgeon qui a le dernier mot là-dessus. J'ai l'impression qu'à l'heure actuelle je ne peux pas, mais si vous adoptez ce projet de loi, vous m'aurez donné quelques moyens de plus. Est-ce exact, madame Turgeon?

Mme Turgeon : Vous parlez d'imposer des conditions à des occasionnels. Comme madame le sénateur Ringuette le disait tout à l'heure, les ministères n'ont pas le pouvoir d'utiliser des occasionnels à moins que la Commission de la fonction publique ne le lui permette. La commission peut toujours annuler cette délégation si elle constate qu'elle est mal utilisée.

Comme l'article 50 sur les travailleurs occasionnels mentionne qu'aucune autre disposition de la loi ne s'applique à eux, nous allons devoir déterminer de quelle manière nous pouvons imposer les conditions de la délégation. Jusqu'à présent, nous n'avons pas imposé de conditions aux ministères à qui on a délégué ce pouvoir, mais c'est certainement quelque chose que nous pouvons examiner.

Nous avons un pouvoir de vérification très large, que nous utilisons pour nous assurer que les ministères se servent de ces pouvoirs aux fins pour lesquelles ils leur ont été délégués.

Mme Barrados : J'aimerais définir plus clairement le problème. J'ai des préoccupations. Je ne sais pas dans quelle mesure nous pouvons imposer des conditions à la délégation de pouvoir alors que c'est exclu. Nous constaterons peut- être, lors de l'examen quinquennal, que c'est un gros problème.

Le sénateur Joyal : Je vous demanderais d'examiner la question. Comme je le disais, c'est une question que devrait se poser naturellement n'importe quelle administration gouvernementale lorsqu'elle embauche quelqu'un, même à titre occasionnel ou temporaire. Vous ne pouvez pas faire cela en oubliant tout le reste alors que ces personnes travailleront parfois au sein d'unités où il y aura d'autres employés qui seront assujettis à d'autres objectifs que la société canadienne et le gouvernement essaient d'atteindre dans toute la mesure du possible.

Le sénateur Andreychuk : Sénateur Joyal, je connais la réponse. Madame le sénateur Fraser est devenu vice- présidente du Comité des droits de la personne. Nous étudions l'équité en matière d'emploi. Ce serait bien d'obtenir que les personnes qui relèvent de la Commission de la fonction publique respectent les règles, les lignes directrices et les cibles d'équité en matière d'emploi qui ont été établies.

Je pense que, si nous pouvons créer cette culture, alors les contrats à court terme devraient en être le reflet. Lorsque nous avons inclus cela dans le rapport, dont je recommande à tous la lecture, nous ne demandions pas de nouvelles lois ou de nouveaux règlements. Il faut que les attitudes changent. Je pense que Mme Barrados fait des efforts et que des gains ont été réalisés, mais nous avons dit dans notre rapport qu'il devait y avoir des conséquences aux échelons les plus élevés. Si un ministère ne prend pas ces cibles au sérieux, il faut qu'il y ait des conséquences, qui pourraient toucher la rémunération et les primes.

Si nous pouvons travailler sur le noyau de la Commission de la fonction publique, les employés occasionnels arriveront dans une culture qui est très sensible à l'équité en matière d'emploi, aux minorités, et cetera. C'est bien de parler des entrepreneurs et de leur imposer des conditions, mais faisons d'abord le ménage chez nous.

Le président : Des lignes directrices du Conseil du Trésor auraient aussi une certaine influence, comme la règle du un sur cinq, qui est la politique que le gouvernement du Canada a annoncée pour ses employés.

Le sénateur Nolin : Je voudrais être sûr de comprendre, est-ce que la règle des 90 jours existe déjà?

Mme Barrados : Oui.

Le sénateur Nolin : Lorsqu'une personne atteint la limite de 90 jours de travail, elle peut aller travailler pour un autre organisme fédéral. Est-ce ainsi que le système fonctionne?

Mme Barrados : Oui.

[Français]

Le sénateur Nolin : Je lis dans ce tableau le texte suivant :

La durée d'emploi ne peut excéder 90 jours ouvrables au cours d'une année civile dans une organisation donnée.

Mme Turgeon : L'article se lit comme suit :

L'employé occasionnel ne peut être nommé pour une période dépassant 90 jours ouvrables par année civile dans un même ministère ou autre administration.

Le sénateur Nolin : Ah! Ou autre...

Mme Turgeon : Ma compréhension de ce libellé particulier est donc que l'on ne peut dépasser les 90 jours dans l'ensemble de la fonction publique.

Le sénateur Nolin : Il faudrait peut-être corriger le texte du petit tableau, parce que lorsque vous dites « dans une organisation donnée », le mot « organisation » s'applique à toute la structure fédérale, si je comprends bien ce que vous nous indiquez.

Mme Turgeon : Oui, parce qu'on dit « dans un même ministère ou autre». Selon moi, les mots «ou autre» sont cumulatifs; c'est 90 jours au total.

Le sénateur Nolin : L'article 41 est donc beaucoup plus explicite maintenant. La lecture du projet de loi est beaucoup plus claire, mais vous y ajoutez l'exemption réglementaire. C'est ce que je comprends.

Mme Turgeon : Oui.

Le sénateur Nolin : Autrement dit, tout dépendant de la flexibilité, le critère des 90 jours au total existe toujours pour toute la structure fédérale, mais il y a un pouvoir réglementaire, avec tout ce qu'il comporte de contrôle et de rapport, incluant le comité mixte du Parlement qui examine la réglementation.

Mme Turgeon : Ce pouvoir réglementaire s'appliquerait de façon exceptionnelle.

Le sénateur Nolin : Ce serait à vous de le décider?

Mme Turgeon : Oui, au cas par cas.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : Madame Barrados, j'ai entendu votre interprétation du texte français, mais lorsque je regarde l'anglais, ça ne me semble pas aussi clair que vous le laissez entendre. Cela mérite d'être examiné.

J'aimerais enchaîner sur ce que le sénateur Joyal disait au sujet de l'équité en matière d'emploi. Je comprends les difficultés juridiques, mais je vous demanderais de vous rappeler, à tout le moins lorsque vous parlez de catégories d'employés, qu'un des critères utilisés serait l'effort déployé par le ministère ou d'autres organismes pour respecter les objectifs d'équité en matière d'emploi lorsqu'ils font du recrutement.

Mme Barrados : Je suis d'accord.

Le président : Madame Barrados, au nom du comité, je vous remercie d'être venue aujourd'hui comme vous l'avez déjà fait devant de nombreux comités du Sénat, où vous avez la réputation d'être quelqu'un qui fait du bon travail. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir ici aujourd'hui.

Honorables sénateurs, la prochaine séance de notre comité est prévue pour demain. Comme vous le savez, le directeur général des élections nous a fourni des amendements aujourd'hui, et je vous demanderais d'examiner ces documents. Si vous avez des amendements à proposer, je vous rappelle de les apporter demain en 20 exemplaires pour les membres du personnel et le comité afin de faciliter le déroulement de la réunion.

La séance est levée.


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