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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 30 - Témoignages du 6 juin 2007


OTTAWA, le mercredi 6 juin 2007

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (durée du mandat des sénateurs), se réunit aujourd'hui, à 16 h 14, pour en faire l'étude article par article.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, soyez les bienvenus. Nous sommes ici aujourd'hui pour procéder à l'étude article par article du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (durée du mandat des sénateurs).

Le projet de loi S-4 a été déposé au Sénat le 30 mai 2006. Le 21 juin 2006, le Sénat a créé le Comité spécial sur la réforme du Sénat pour étudier la teneur de cette mesure législative. Le comité a entendu 26 témoins et siégé près de 30 heures, tenant des audiences publiques auxquelles ont participé de nombreux experts de renom, spécialistes des questions entourant la réforme du Sénat. Parmi ces témoins, il y a le premier ministre du Canada, qui a comparu le 7 septembre 2006 et a déclaré que ce projet de loi proposait une « réforme modeste, mais positive » du Sénat. Le comité a eu l'avantage d'utiliser tous les témoignages recueillis par le comité spécial, dont le rapport final, toutes les déclarations des experts et les mémoires déposés ainsi que les commentaires formulés par les fonctionnaires provinciaux qui ont accepté de participer à cet exercice. À ma demande, toute cette information a été distribuée aux membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles lorsque nous avons entrepris notre examen du projet de loi S-4.

Le comité a commencé à étudier la mesure législative le 21 mars 2007. Nous avons entendu 21 témoins et siégé plus de 15 heures pour recueillir les témoignages de spécialistes de partout au Canada ainsi que de quelques-uns de nos homologues britanniques. Tous les membres du Comité des affaires juridiques ont eu la possibilité de proposer des noms à ajouter sur la liste des Canadiens émérites qui ont comparu devant nous. Il en a résulté un échange bouillonnant d'idées qui ont permis aux sénateurs et à la population canadienne de connaître toutes les opinions possibles sur la place qu'occupe cette institution au sein du Parlement aujourd'hui.

Lorsqu'une mesure législative devient l'élément constitutif d'un projet de loi examiné par un comité du Sénat dans lequel une province ou un territoire a un intérêt particulier, il convient d'inviter cette province ou ce territoire à donner son point de vue devant les membres du comité, que ce soit par écrit ou oralement. C'est la raison pour laquelle le 13 mars 2007, j'ai écrit aux représentants de chaque province et territoire pour leur offrir la possibilité de s'exprimer devant nous au sujet du projet de loi S-4. Nous avons reçu des réponses de la Saskatchewan et du Nouveau-Brunswick. Ces lettres ont été remises à tous les membres du comité à titre indicatif.

Lors de notre dernière réunion concernant le projet de loi S-4, le 9 mai 2007, le comité a convenu d'envoyer une seconde lettre aux provinces pour obtenir d'autres commentaires avant le 31 mai 2007. Suite à ce troisième appel, nous avons obtenu les réponses de la Saskatchewan, de la Colombie-Britannique, du Nunavut, de l'Ontario, du Québec et, dernièrement, de Terre-Neuve-et-Labrador. M. Peter Hogg, qui n'est nullement étranger aux travaux de ce comité, a également fourni son analyse des plus récentes observations des provinces. Comme on en a discuté lors de notre dernière rencontre sur cette question, toutes les réponses ont été transmises immédiatement à l'ensemble des membres du comité.

L'article 90 du Règlement du Sénat stipule :

Qu'un comité permanent est autorisé à faire enquête et rapport sur toute question que le Sénat lui soumet de temps à autre...

Ensuite, l'article 98 dispose :

Que le comité chargé d'examiner un projet de loi doit en faire rapport au Sénat.

Je rappelle aux honorables sénateurs, dont certains ne sont pas membres réguliers de ce comité, que nous sommes parvenus à un consensus, lors de notre dernière réunion du 9 mai, afin de demander pour la deuxième fois la rétroaction des provinces et territoires. Après cela, il a été convenu que nous procéderions une bonne fois pour toutes à l'étude article par article le mercredi 6 juin 2007, soit aujourd'hui même.

Nous sommes arrivés au terme de notre enquête concernant le projet de loi S-4. Par conséquent, pour nous conformer à notre mandat et respecter l'engagement que nous avons pris le 9 mai, le moment est venu pour le comité de passer à l'étude article par article de cette mesure législative.

Tout d'abord, je tiens à rappeler aux honorables sénateurs un certain nombre de points de procédure concernant les amendements aux projets de loi. J'ai revu ces points à la dernière séance, mais certains d'entre vous n'étaient pas présents. Je demande à ceux qui les connaissent déjà d'être patients; cela ne devrait pas prendre beaucoup de temps.

Nous sommes saisis d'un projet de loi court comportant quelques articles. Toutefois, comme nous l'avons tous vu, de nombreux éléments de cette mesure législative peuvent faire l'objet de discussions.

En ce qui concerne la procédure, je tiens à rappeler aux sénateurs que lorsque l'on propose de faire plus d'un amendement à un article, la citation 697(2) de la sixième édition du Beauchesne dispose que :

Les amendements doivent être proposés suivant l'ordre des lignes du texte à modifier.

En outre, il est aussi stipulé, à la page 653 du Marleau-Montpetit, que :

Les amendements doivent être proposés dans un ordre qui suit le texte à modifier.

Par conséquent, avant que nous n'examinions un amendement à un article, je vérifierai si les sénateurs avaient l'intention de proposer un changement ayant une incidence sur une ligne précédente dans l'article en question. Si c'est le cas, ils auront la priorité. Sachez que si un sénateur s'oppose à l'adoption d'un article en entier, la procédure normale en comité n'est pas d'adopter une motion pour supprimer un article au complet, mais plutôt de voter contre le maintien de l'article dans la mesure législative. À ce propos, je vous renvois à la citation 698(6) de la sixième édition du Beauchesne, qui dit :

S'il ne vise qu'à supprimer un article, puisqu'il suffit dans ce cas de voter contre l'article en question.

Par ailleurs, à la page 656, le Marleau-Montpetit dispose également que :

Un amendement est irrecevable s'il ne vise qu'à supprimer un article, puisqu'il suffit dans ce cas de voter contre l'adoption de l'article en question.

Si les membres ont des questions concernant la procédure ou le bien-fondé de certaines interventions, ils peuvent faire un rappel au Règlement. Le président les écoutera et déterminera s'il y a eu suffisamment de discussions sur le sujet, puis il se prononcera. Le comité est, bien sûr, ultimement maître de ses travaux dans les limites fixées par le Sénat, et une décision du président peut être contestée par l'ensemble des membres.

En tant que président, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que tous les sénateurs qui souhaitent intervenir puissent le faire. À cet égard, toutefois, je sollicite votre collaboration et vous demanderais de penser à vos collègues en essayant d'être aussi brefs que possible dans la formulation de vos remarques.

Enfin, je tiens à rappeler aux honorables sénateurs que s'il y a quelque doute que ce soit concernant les résultats d'un vote par oui ou par non ou à main levée, la solution la plus simple consiste à tenir un vote par appel nominal, afin que les résultats soient clairs. C'est bien sûr le greffier qui organisera le vote. Les sénateurs savent évidemment qu'en cas d'égalité des voix, la motion sera rejetée.

Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que les délibérations de cette séance soient enregistrées et retranscrites pour être consultées par les analystes et les membres du comité?

Des voix : Oui.

Le président : Honorables sénateurs, pouvons-nous maintenant procéder à l'étude article par article du projet de loi?

Des voix : Oui.

Le sénateur Milne : Honorables sénateurs, étant donné que nos observations sont longues — et nous espérons qu'elles seront jointes au projet de loi —, nous proposons de les déposer maintenant.

Le président : Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : Oui.

Le sénateur Andreychuk : Non.

Le sénateur Tkachuk : Non.

Le sénateur Andreychuk : Nous en avons déjà parlé. Si c'est ce que nous entendons faire, je tiens à ce qu'il soit inscrit au procès-verbal que vous avez la majorité : vous pouvez nous renverser encore. Cet examen article par article semble être une répétition du projet de loi C-2 qui, en fait, avait fait l'objet de maintes observations au Sénat, mais ces observations avaient été déposées de manière informelle.

Conformément à une décision rendue par Son Honneur en 2002, lesdites observations ne font pas partie du rapport et ne devraient pas porter sur les articles du projet de loi. Ce sont simplement des questions que le comité dans son ensemble souhaite porter à l'attention du Sénat, du gouvernement ou d'un ministère. Toutefois, en aucun cas elles n'étaient censées faire l'objet d'un débat ou — disons les choses telles qu'elles sont — favoriser un parti au détriment de l'autre.

Dans le projet de loi C-2, nous sommes allés à l'encontre de cette décision. Nous avons rédigé 49 pages d'observations dans le cadre de l'étude article par article et nous avions demandé, à l'époque, qu'elles ne soient pas jointes au rapport. Nous étions en minorité, et elles ont quand même été annexées. Comme vous le savez, il n'est pas possible de présenter des rapports minoritaires.

Si c'est toujours ce que veut la majorité, c'est très étrange. Tous les autres comités — et particulièrement le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles — ont eu toutes les peines du monde à étudier les projets de loi et à les adopter. Nous nous sommes ensuite demandé s'il n'y avait pas des observations qui feraient l'unanimité. Nous en avons discuté et laissé le soin au comité directeur de les rédiger. Lorsque nous disposons de peu de temps, il arrive parfois que nous demandions au comité directeur de s'en occuper, sinon elles nous reviennent.

Cependant, peu importe que les observations viennent d'un côté ou de l'autre — j'espérais que le précédent créé avec le projet de loi C-2 ne soit qu'une aberration de façon à ce que la majorité n'impose plus sa volonté à la minorité.

Le sénateur Baker : Je me demande si le sénateur Andreychuk serait d'accord, à ce moment-là, pour que les observations, comme elle dit, soient présentées de façon non officielle, car comme l'a indiqué précisément le sénateur Milne, les membres de ce côté-ci du comité ont des observations et rien n'empêche le comité de les accepter, étant donné qu'elle vient tout juste de les proposer.

Le sénateur Milne : Comme je l'ai dit, en les déposant, nous faisons preuve de courtoisie envers les membres d'en face. Si vous ne voulez pas voir ces observations avant la fin de l'étude article par article et que nous avons des questions à leur sujet, il sera trop tard pour les donner à tout le monde. Voilà pourquoi j'aurais aimé vous les distribuer le plus tôt possible pour vous donner au moins l'occasion d'y jeter un coup d'œil.

Le sénateur Tkachuk : Si vous avez des modifications à apporter, je trouve plutôt étrange vous ayez des observations à déposer avant même que le projet de loi ne soit modifié. Si vous avez des réserves quant à cette mesure législative, vous pourriez peut-être proposer des changements à cet effet.

Le sénateur Milne : D'accord, je le ferai au moment opportun.

Le sénateur Tkachuk : Très bien.

Le président : Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que le comité procède maintenant à l'étude article par article du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (durée du mandat des sénateurs)?

Des voix : Oui.

Le président : L'étude du préambule est-elle reportée?

Des voix : Oui.

Le sénateur Milne : Qu'en est-il du titre?

Le président : L'étude du titre est-elle reportée?

Des voix : Oui.

Le président : L'étude de l'article 1, qui contient le titre abrégé, est-elle reportée?

Des voix : Oui.

Le président : L'article 2 est-il adopté?

Le sénateur Tkachuk : Oui.

Le sénateur Milne : Honorables sénateurs, j'aimerais apporter une modification à l'article 2. Je crois qu'on pourrait vous en distribuer une copie.

Le président : Pouvez-vous attendre un instant que nous l'ayons entre les mains?

Le sénateur Milne : Certainement.

Le président : Y a-t-il des copies pour tout le monde?

Le sénateur Milne : Oui; et je dois dire qu'il s'agit d'une petite modification.

Le président : Sénateur Milne, vous avez la parole.

Le sénateur Milne : Je propose que le projet de loi S-4 soit modifié, à l'article 2, page 2, par substitution, aux lignes 8 à 12, de ce qui suit :

29 (1) Sous réserve du paragraphe (2) et des autres dispositions de la présente loi, le mandat des sénateurs est de 15 ans; il ne peut être ni prolongé, ni renouvelé.

(2) Le siège d'un sénateur devient vacant lorsque celui-ci atteint l'âge de 75 ans.

(3) Malgré le paragraphe (1), mais sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le mandat du sénateur appelé au Sénat avant l'entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 2007.

Le président : Honorables sénateurs, souhaitez-vous en discuter?

Le sénateur Tkachuk : Je ne crois pas que le sénateur Milne veuille, mais peut-être pourrait-elle nous expliquer ses modifications. Sinon, nous pourrions nous réserver le droit de débattre de la question ultérieurement.

Pourquoi ne nous donneriez-vous pas des explications, sénateur Milne?

Le sénateur Milne : J'ai proposé cette modification parce que la majorité des témoins qui ont comparu devant ce comité estiment qu'un mandat de huit ans est beaucoup trop court. Ensuite, la possibilité d'avoir un mandat de 15 ans a été débattue plusieurs fois à la Chambre des lords. En outre, il était évident que toute tentative visant à renouveler un mandat ou à en prolonger la durée limiterait sérieusement l'indépendance des sénateurs, parce que ceux-ci voudraient être reconduits dans leurs fonctions.

Toujours selon les témoignages recueillis, on veut maintenir l'âge de la retraite à 75 ans. Compte tenu de la clause grand-père — et on ne pourrait pas mieux dire —, les sénateurs siégeant déjà au Sénat pourront y demeurer jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 75 ans.

Le sénateur Stratton : Si vous vous rappelez bien, au cours des délibérations entourant ce projet de loi — qui sera bientôt plus vieux que nous —, le premier ministre avait parlé d'une autre solution, au cas où nous nous opposerions au mandat de huit ans. De notre côté, nous avons indiqué qu'il accepterait d'étendre la durée du mandat à 10 ans, mais pas à 15 ans.

Le sénateur Bryden : Je n'ai pas grand-chose à dire, sinon qu'un mandat de 15 ans constitue une réduction considérable.

Le sénateur Stratton : Par rapport à 45 ans?

Le sénateur Bryden : Oui, parce qu'on se trouve à réduire de deux tiers la durée du mandat. De plus, certains témoins ont déclaré que les sénateurs siégeaient en moyenne de 12 à 14 ans. Nous voulions être conformes à la pratique.

Au Royaume-Uni, on discute beaucoup depuis 10 ans de la réforme de la Chambre des lords. Le gouvernement britannique a approuvé un mandat de 15 ans, pourvu qu'il puisse décider d'avoir une Chambre nommée ou élue. Ce qu'on nous a donné comme prétexte, c'était que le Parlement européen élisait des députés pour un mandat d'au plus cinq ans qui pouvait être reconduit trois fois. Cela correspond donc à 15 ans au total, mais à un mandat d'une durée cinq ans. Cette situation ressemble à celle de la Chambre des communes. Les députés sont nommés pour un mandat maximal de cinq ans. Nous trouvions logique d'avoir un mandat de cinq ans et, étant donné que nous sommes une Chambre de second examen objectif et que nous encourageons notamment les gens d'expérience à venir siéger, nous estimions qu'un mandat de 15 ans non renouvelable nous conférerait une certaine indépendance.

Ce qui nous préoccupait le plus, c'était qu'une durée plus courte nous amène à nous demander si le projet de loi respecte les critères du renvoi à la Chambre haute, car la Cour suprême du Canada a déclaré que la réduction de la durée d'un mandat ne devait pas nuire à l'indépendance. En faisant référence à cette décision, lorsqu'on a demandé quelle serait la durée appropriée, on nous a répondu : « donnez-nous un chiffre et nous vous répondrons ».

Par conséquent, les témoignages étaient clairs, et le sénateur Andreychuk et moi-même, comme d'autres personnes ayant assisté à presque toutes les séances, peuvent l'attester. Comme nous le savons tous, on s'inquiète du fait qu'un mandat plus court permette au premier ministre, si celui-ci avait un gouvernement majoritaire lors d'un deuxième mandat, de remplacer tous les sénateurs par d'autres qu'il nommerait lui-même.

C'est donc vous dire que le Sénat est prêt à discuter et à traiter sérieusement de la question de la réforme du Sénat, sans pour autant enfreindre les règles, c'est-à-dire sans compromettre la position du Sénat ni l'indépendance des sénateurs. C'est un peu la raison pour laquelle nous avons choisi cette durée.

Le président : Chers collègues, il y a plusieurs autres sénateurs qui souhaitent participer au débat. Toutefois, il y a ici un représentant du ministère de la Justice qui a examiné le libellé de l'amendement et qui désire le commenter. Acceptez-vous d'entendre ce qu'a à dire M. Warren Newman?

Des voix : Oui.

Le sénateur Baker : Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Est-ce que la présidence propose que nous entendions d'abord le représentant du ministère? J'imagine que ce serait la meilleure chose à faire, n'est-ce pas, avant que tout le monde n'expose ses vues là-dessus?

Le président : Il va dire quelques mots au sujet du libellé. Les sénateurs qui souhaitent prendre la parole pourront tenir compte de ses commentaires au moment de présenter leurs amendements.

Warren J. Newman, avocat général, Section du droit administratif et constitutionnel, ministère de la Justice Canada : Merci, honorables sénateurs, de votre indulgence. J'ai jeté un coup d'œil à l'amendement. Je suis ici en tant que fonctionnaire, et mes commentaires sont plutôt d'ordre technique. Je ne compte pas me prononcer sur les avantages ou les inconvénients intrinsèques que présente cet amendement.

Nous avons discuté, avec les rédacteurs, de la possibilité d'apporter des amendements de forme, car il est question ici d'une modification constitutionnelle, d'où la nécessité de s'assurer, dans les circonstances, que le libellé est le plus précis possible. Il se peut que je propose quelque chose, non pas que vous soyez obligés de l'adopter, mais je vais déposer le texte auprès du greffier.

Vous citez, dans votre motion, trois articles ou paragraphes. Nous avions proposé, à l'interne, un amendement qui disait à peu près ceci : « Sous réserve du paragraphe (2) et des articles 30 et 31 » — que vous avez remplacé par « et des autres dispositions de la présente loi », qui a une portée plus vaste — « le mandat des sénateurs nommés après l'entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 2007 » — et il faut remplacer 2006 par 2007 — « (durée du mandat des sénateurs) est de neuf ans et il n'est pas renouvelable. » — nous avons été prudents et limité la durée à neuf ans, compte tenu de ce qu'avait dit le premier ministre. Le deuxième paragraphe se lisait comme suit, « Le mandat de tout sénateur expire lorsque celui-ci atteint l'âge de 75 ans. »

La version anglaise de l'amendement est la suivante :

[Français]

Sous réserve du paragraphe 2 et des articles 30 et 31, le mandat des sénateurs nommés après l'entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 2007 (durée du mandat des sénateurs) est de neuf ans et il n'est pas renouvelable.

La deuxième disposition dit que le mandat de tout sénateur expire lorsque celui-ci atteint l'âge de 75 ans.

[Traduction]

L'amendement est essentiellement le même, sauf qu'il est plus court.

Le sénateur Baker : J'invoque le Règlement. Est-ce que M. Newman a des exemplaires de l'amendement pour que nous puissions l'examiner pendant quelques minutes? Je présume qu'il dit exactement la même chose, mais de façon différente.

M. Newman : C'est ce que je pense.

Le président : En quoi votre amendement est-il si différent de celui proposé par le sénateur Milne?

M. Newman : À mon avis, et je n'ai examiné l'amendement que très rapidement, le texte que nous proposons est plus succinct et plus clair. Le troisième paragraphe, la disposition de dérogation, qui n'est que du verbiage, a été éliminé. Dans les deux cas, le résultat est le même.

Le sénateur Stratton : Vous n'avez pas besoin du troisième paragraphe.

Le sénateur Milne : Si nous avons mentionné la Loi constitutionnelle de 2006, c'est parce que l'on précise, sur la page couverture du projet de loi, que la première lecture de celui-ci a eu lieu le 30 mai 2006.

M. Newman : C'est exact. Nous proposons également des amendements de forme au titre, au titre abrégé, ainsi de suite, pour que la date 2007 figure dans tout le texte.

Le président : Avez-vous des changements de fond à proposer à la motion du sénateur Milne que vous pouvez nous soumettre dès maintenant?

M. Newman : Non. La seule chose que je tiens à signaler, c'est que vous avez décidé de dire dans le premier paragraphe, comme l'indique votre amendement, que « Sous réserve du paragraphe (2) et des autres dispositions de la présente loi, le mandat des sénateurs est de quinze ans [...] »

Comme vous le savez, nos rédacteurs législatifs ont préféré mentionner les articles 30 et 31 parce qu'ils sont plus précis. Ils renvoient le lecteur aux dispositions pertinentes de la Loi constitutionnelle de 1867, une technique qui cadre davantage avec les règles modernes de rédaction. Encore une fois, la différence n'est pas significative. C'est tout ce que j'ai à dire sur le sujet.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Ce que vous nous proposez reflète-t-il la dernière partie du paragraphe 29(1) : « ni prolongé, ni renouvelé »?

M. Newman : Dès qu'on dit qu'il n'est pas renouvelable, on aurait pensé que...

Le sénateur Robichaud : Vous le pensez, je ne l'avais pas entendu.

M. Newman : On avait dit dans l'autre version « il n'est pas renouvelable ». On peut multiplier les façons de le dire, mais non renouvelable est non renouvelable.

Le sénateur Robichaud : Merci.

M. Newman : De rien.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Je ne vois pas l'expression « non-renewable » dans le texte.

M. Newman : On utilise plutôt les mots « not more than » en anglais.

Le sénateur Baker : Je voudrais revenir sur la différence qui existe entre les deux versions. Le sénateur Milne dit, dans sa motion, que le mandat « ne peut être ni prolongé, ni renouvelé ». On comprend qu'il ne peut être prolongé, mais votre amendement ne dit pas clairement qu'il ne peut pas être renouvelé. Vous dites que le mandat « est de neuf ans ».

Le président : La durée du mandat est de neuf ans.

Le sénateur Baker : Autrement dit, le mandat des sénateurs « est de neuf ans ». Peut-être que cela englobe l'idée qu'il ne peut être renouvelé.

Le président : Cela veut dire qu'il ne peut être ni « prolongé » ni « renouvelé ».

Le sénateur Baker : Peut-être, mais je n'en suis pas convaincu.

Le sénateur Bryden : Je crois comprendre que l'amendement a été rédigé avec l'aide des conseillers juridiques du Sénat. Je constate qu'il reprend l'original presque mot pour mot, sauf qu'il y a maintenant une disposition explicative qui figure dans le projet de loi.

Concernant l'amendement qui a été proposé, est-ce qu'il contient une ambiguïté? Est-ce qu'il y a quelque chose qui pourrait induire le lecteur en erreur? Nous ne sommes pas en train d'écrire de la poésie : nous essayons tout simplement de rédiger un texte clair. Lorsqu'il est question de législation, les rédacteurs, en tout cas les avocats, ont tendance à s'en tenir aux mots qu'ils essaient de modifier ou de corriger. L'amendement proposé par le sénateur Milne reprend presque mot pour mot le libellé de la disposition actuelle. Je n'y vois aucune ambiguïté. Outre le fait qu'il est bref, le changement que vous proposez n'ajoute rien.

Le président : Monsieur Newman, est-ce que, comme le laisse entendre le sénateur Bryden, l'amendement et le projet de loi ont été rédigés par les mêmes personnes? Est-ce que les rédacteurs sont les mêmes?

M. Newman : Non. Comme l'a indiqué le sénateur Bryden, les conseillers juridiques du Sénat ont participé à la rédaction.

Le président : Non, il parle du projet de loi initial, le S-4, dont nous sommes saisis. Les rédacteurs sur la Colline ont suivi l'évolution du projet de loi. Je vous pose la question suivante : est-ce que ce sont les mêmes personnes qui ont rédigé le projet de loi S-4 initial et l'amendement que vous proposez?

M. Newman : Oui, elles ont rédigé la motion que vous avez déposée et l'amendement de forme que nous proposons. Cet amendement n'est pas nécessairement motivé par des considérations politiques. Il propose de remplacer les lignes 8 à 15, comme le fait le vôtre. Nous avons eu plusieurs rencontres avec les rédacteurs en vue d'essayer de trouver un libellé précis. Nous avons eu des discussions à l'interne sur la façon de rendre l'amendement le plus clair possible. Je ne remets pas en question le texte qui a été soumis. Ce n'est peut-être pas de la poésie, mais nous avons un libellé qui, à nos yeux, est clair. Quoi qu'il en soit, il faut modifier la date de la Loi constitutionnelle et inscrire 2007. Nous avons pensé qu'il serait utile de fournir une autre version au comité, soit celle proposée par les rédacteurs du projet de loi S-4.

Le sénateur Fraser : Concernant les amendements de forme — et je suis en faveur de la brièveté —, sachez que dans un cas aussi important qu'un amendement à la Loi constitutionnelle, je préfère avoir un texte qui est très clair. De cette façon, la personne qui lit un passage, qu'il s'agisse d'un avocat ou de quelqu'un d'autre, n'aura aucun doute quant à l'intention visée.

Sur le fond, nous avons discuté de la durée du mandat, et il me semble qu'il y a un certain nombre de points qu'il faut prendre en compte. D'abord, comme l'a indiqué le sénateur Bryden, en vertu du projet de loi initial, un premier ministre au pouvoir pendant huit ans et deux mois, et ils sont nombreux à l'avoir été, aurait eu la possibilité de nommer tous les membres du Sénat du Canada. Or, cette institution a ceci de particulier que ses membres ont été nommés par divers premiers ministres selon des critères différents, et ne parlons même pas des considérations partisanes. Nous nous serions retrouvés, et c'est là le danger, avec un Sénat composé des membres d'un seul parti, peu importe celui-ci. À mon avis, les gens, ici, ne verraient pas cela comme une bonne chose.

Un mandat de quinze ans serait considéré comme la limite légale pour trois législatures. Je pense que dans la plupart des cas, un premier ministre ne resterait pas au pouvoir si longtemps, ce qui éliminerait ce danger.

Le président : Ce n'est pas ce que propose M. Newman.

Le sénateur Fraser : Je sais, mais j'essaie de comprendre pourquoi nous appuyons l'idée d'un mandat de quinze ans.

Le président : Certaines personnes veulent peut-être vous poser des questions au sujet de votre texte. Pouvez-vous rester encore quelques minutes?

Le sénateur Fraser : Un mandat de quinze ans, ce n'est pas, pour une Chambre dont les membres sont nommés, très long. Je regarde autour de la table, de la salle du Sénat, et je vois les sénateurs du parti ministériel. Vous êtes tous ici, et je ne sais pas quand vous avez été nommés, depuis quatorze ans, soit depuis plus longtemps que moi. J'ai travaillé avec vous tous. Je tiré profit de votre expérience, et je vais continuer de le faire. Les contributions les plus extraordinaires viennent souvent des sénateurs qui sont ici depuis longtemps.

Toutefois, nous devons respecter l'opinion des autres. Je pense qu'un mandat de quinze ans correspond sans doute à ce que le public considère comme un mandat d'une durée raisonnable. Par conséquent, je suis en faveur d'un mandat de quinze ans. J'appuie cette idée depuis longtemps.

Autre point important : d'après la proposition initiale du premier ministre, qui prévoyait un mandat renouvelable de huit ans, le sénateur dont le mandat n'était renouvelé qu'une seule fois siégerait pendant 16 ans. Nous proposons un mandat dont la durée est légèrement inférieure à ce que M. Harper lui-même était prêt à envisager. Je pense qu'il est important de garder cela en tête.

Le sénateur Andreychuk : Si je ne m'abuse, le premier ministre n'a pas parlé de renouvellement. Le projet de loi passe cette question sous silence, d'où le problème. Je tiens à préciser que j'aurais accepté un amendement distinct qui aurait proposé un mandat non renouvelable.

Personnellement, si je me fonde sur les témoignages que nous avons entendus, je pense qu'un mandat de quinze ans, c'est trop. Je n'ai rien contre un mandat de huit ans, mais j'accepterais un mandat un peu plus long si l'on arrivait à s'entendre là-dessus. D'après les témoignages recueillis, quinze ans, c'est la limite maximale. Bon nombre des documents provenant de la Chambre des lords préconisent un mandat de douze ans.

Toutefois, la Chambre des lords est différente de la nôtre, et nous en avons déjà discuté. Un mandat de dix ans serait bien. Je pensais que ce point serait négociable — quinze ans, c'est beaucoup trop long. C'est là mon opinion personnelle.

Si nous adoptons cet amendement, nous allons en quelque sorte changer la perception voulant que les gens restent ici jusqu'à l'âge de 75 ans. Une fois leur devoir accomplit, ils passeraient à autre chose. Ou peut-être pas, s'ils ont été nommés à un âge avancé, sauf qu'ils sauraient qu'ils ont tant d'années pour faire ce qu'ils doivent faire. Ils commenceraient par se familiariser avec l'endroit, s'occuperaient des dossiers qui les intéressent et sauraient pendant combien de temps ils peuvent les piloter, si je peux m'exprimer franchement.

À mon avis, quinze ans, c'est trop long. Ils vont se dire, « Je suis ici pour quinze ans. J'ai quarante ans. Que vais-je faire après cinquante-cinq ans? » Nous ne sommes pas obligés de rester ici pendant quinze ans. Nous pouvons tous démissionner, mais vous savez ce que cela veut dire. Il n'est pas facile de passer à autre chose.

Si nous voulons attirer beaucoup de gens — des points de vue différents, des points de vue minoritaires —, je pense que dix ans, voire douze, serait un bon compromis — quinze ans, c'est trop long.

J'appuie l'idée d'avoir des mandats non renouvelables. Malheureusement, cette disposition a été amalgamée au reste du texte. Je suis tout à fait contre le paragraphe 29(2). J'ai passé trop d'années à expliquer qu'il faut tenir compte des compétences des gens, non pas de leur âge. On fixe un âge minimal parce qu'on présume que la personne a atteint une certaine maturité. Les lois sur les droits de la personne en vigueur à l'échelle nationale et internationale tiennent compte des différents stades de maturité d'une personne depuis sa naissance. On peut boire, conduire, servir notre pays, voter et siéger comme sénateur à partir d'un certain âge.

Je comprends qu'on veuille imposer une limite dans le premier cas, mais supprimons celle de soixante-quinze ans. Je trouve cela irritant. Un des témoins nous a dit qu'un juge — une excellente personne qui possède des compétences uniques — a été nommé à quatre-vingt-deux ans. C'est un être exceptionnel. Je pense que nous devrions tous être jugés en fonction de nos compétences, comme c'est le cas d'autres personnes au Canada.

Je ne veux pas dire aux Canadiens, vous avez soixante-quinze ans, vous n'avez aucun rôle à jouer dans ce processus politique. Essayez de vous présenter comme député. Je n'accepte pas cela. Cela va à l'encontre des droits fondamentaux de la personne et brime aussi la dignité des personnes âgées. Inscrire cela dans la loi veut dire qu'une personne âgée de plus de soixante-ans ans ne peut être nommée.

Le sénateur Fraser : Pourquoi pas?

Le sénateur Andreychuk : Elle siègerait pendant combien d'années — trois ans, quatre ans, cinq ans? Vous avez dit que les gens doivent siéger ici pendant de longues années s'ils veulent apprendre à bien connaître l'endroit. En même temps, vous trouveriez normal qu'un premier ministre nomme des sénateurs pour un mandat de deux ans, trois ans, ou même un an — c'est le syndrome de soixante-treize. J'ai beaucoup de mal à accepter cela.

Franchement, je ne comprends pas la raison d'être de ce dernier paragraphe. Nous n'en avons jamais parlé. Nous avons toutefois parlé des droits acquis. Or, il y a ce passage étrange qui dit, « appelé au Sénat avant l'entrée en vigueur ». Nous sommes appelés au Sénat. Nous nous ne pouvons y siéger que si nous prêtons serment.

Est-il question ici de personnes qui sont appelées au Sénat, mais qui n'ont pas prêté serment, ou est-il question ici de tous les sénateurs? S'il n'est question que des sénateurs, alors ce passage est redondant. Je pensais que c'était implicite dans la loi. J'aimerais que le sénateur Milne ou le représentant du ministère de la Justice nous expliquent le pourquoi de ce paragraphe.

Le président : Monsieur Newman, est-ce que le troisième paragraphe proposé par le sénateur Milne constitue un moyen de protéger nos droits acquis?

M. Newman : Dans un sens, oui. Quand j'ai lu le paragraphe pour la première fois, je me suis d'abord demandé si nous en avions vraiment besoin. Encore une fois, je présume qu'il a été ajouté par souci de clarté. Ce paragraphe, selon moi, a pour objet de dire que le sénateur appelé au Sénat avant l'entrée en vigueur de la loi continuera d'occuper sa place. L'amendement que nous proposons fait allusion, bien entendu, au « mandat des sénateurs nommés après l'entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 2007 », ce qui nous semble plus simple, car cela indique clairement à quel moment commence le nouveau mandat. Il commence dès maintenant — c'est-à-dire après l'entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 2007 — et non pas avant l'entrée en vigueur de celle-ci.

Le sénateur Andreychuk : C'est ce que j'essaie de dire. On a l'impression que cette disposition sert nos intérêts : nous voulons protéger nos droits acquis. L'autre laisse entendre que les règles du Sénat et la Constitution vont continuer de s'appliquer, sauf pour les nouveaux venus.

Le sénateur Tkachuk : Plus je vieillis, plus je m'oppose à la discrimination en fonction de l'âge. Peut-être, en même temps, pourrions-nous adopter une disposition de droits acquis pour que ceux qui sont déjà là puissent le rester jusqu'à leur mort, mais ce serait un peu égoïste. Le but de ce projet de loi est de réformer le Sénat. Il ne faudrait pas enchaîner les petits amendements qui maintiendraient le Sénat tel quel, puisque c'est effectivement ce que font ces amendements.

Le gouvernement n'a pas sorti l'idée d'un mandat de huit ans de nulle part. Il a commencé par analyser ce qui se passait dans les autres démocraties du monde pour la seconde Chambre. Quand je rencontre des délégués du Chili et qu'ils me disent que leurs sénateurs sont élus, il me semble un peu étrange de devoir leur répondre que les nôtres sont toujours nommés.

Nous parlons souvent de la Chambre des lords, mais les lords ne sont pas payés. Je ne sais pas combien ils sont, 800 ou 900, mais c'est un système totalement différent du nôtre, qui sert un but totalement différent. La Chambre des lords n'est pas du tout semblable au Sénat au Canada.

La proposition de huit ans vise à ce que la durée du mandat des sénateurs respecte les principes de la démocratie moderne. Un mandat de 15 ans ne les respecterait pas. Je vais vous citer un extrait du rapport du comité spécial du Sénat :

[...] pratiquement aucun [témoin] n'a rejeté du revers de la main l'idée même de fixer une durée limitée, et la plupart l'ont même vivement appuyé [sic]. Ils ont souligné qu'un mandat de durée limitée aura pour effet de battre en brèche l'image, si nuisible pour le Sénat, des « emplois à vie » et de donner un souffle nouveau à l'institution grâce à l'apport constant de nouvelles idées.

L'idée que grâce à cette réforme, le Sénat ne comptera soudainement plus que des sénateurs jouissant d'un mandat de huit ans est fausse parce que nous avons tous des droits acquis. Nous allons prendre notre retraite à des moments différents. Il faudra beaucoup de temps avant que ce changement ne s'opère. Nous ne repartirons pas à zéro du jour au lendemain, et tous les sénateurs vont être nommés, parce que le changement ne sera pas immédiat. Les nominations vont se faire au fur et à mesure que des postes vont se libérer. Ainsi, il ne sera pas possible pour un premier ministre, à moins qu'il ne demeure en poste longtemps, de choisir tous les sénateurs. Le cas échéant, le premier ministre nommerait tous les sénateurs de toute façon. Cet argument ne tient pas la route.

Il y a beaucoup d'études faisant autorité sur le Sénat du Canada qui recommande la mise en œuvre de mandats à durée limitée. Le rapport de 1994 du Comité mixte spécial sur la réforme du Sénat recommandait l'adoption d'un mandat de neuf ans pour les sénateurs. Ce comité concluait aussi que si le Parlement décidait de suivre sa recommandation, la modification pourrait être faite en vertu de l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982.

D'autres études, comme le rapport de 1981 du groupe de travail sur la représentation régionale de la Canada West Foundation et le rapport de 1985 du comité spécial de l'Alberta sur la réforme du Sénat, ont recommandé toutes deux que les mandats se limitent à la durée de vie de deux législatures.

Si le Parlement adoptait un mandat de huit ans pour le Sénat du Canada, il aurait actuellement le deuxième mandat le plus long pour une seconde Chambre.

À mon avis, un mandat de 15 ans ne réformerait pas vraiment le Sénat. Ces deux amendements modifient le projet de loi radicalement, c'est-à-dire qu'ils proposent un mandat de 15 ans et y ajoutent la limite d'âge de 75 ans, avec laquelle je suis en total désaccord. Je suis d'accord avec le sénateur Andreychuk. Quand j'arrête de faire des blagues à ce sujet, je suis sérieux. Cela signifierait que les sénateurs désignés dans la fleur de l'âge, soit en fin de carrière ou après avoir fini de servir leur collectivité, à l'âge de 55 ou de 65 ans, ne seraient pas nommés pour 15 ans, comme vous semblez l'estimer nécessaire. Toutes les personnes de plus de 60 ans siégeraient moins de 15 ans.

Pour toutes ces raisons, je pense que ces amendements vident le projet de loi de son contenu et contreviennent à son esprit. Nous verrons bien ce que les députés vont dire si vous décidez d'utiliser votre majorité pour les adopter. Je pense qu'ils vont trouver ces amendements ridicules et presque risibles. Quoi qu'il en soit, continuez de les appuyer et laissez-les décider.

Je peux dire ce que je veux ici, monsieur le président. Ce sont mes opinions sur cet amendement. Bien sûr, nous sommes tous des sénateurs assez indépendants pour que je demande à chacun d'y réfléchir comme il faut et peut-être même de voter contre cet amendement.

Le président : Honorables sénateurs, dans 12 minutes, le timbre va retentir, comme vous le savez, et nous allons interrompre nos travaux pour retourner voter à la Chambre, après quoi nous allons reprendre nos travaux. Si nous en avons le temps avant de nous interrompre, j'aimerais poser quelques questions au sénateur Milne sur son amendement.

Le sénateur Baker : Je vais m'en tenir à une minute, monsieur le président. J'aimerais rappeler à l'honorable sénateur qui vient de prendre la parole que les représentants des provinces de l'Ontario, du Québec, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve-et-Labrador nous ont dit par écrit dans les six derniers jours que nous devrions laisser tomber ce projet de loi. Ces provinces représentent bien plus de 50 p. 100 de la population du pays.

Au sujet de l'amendement lui-même, monsieur le président, je félicite les rédacteurs qui comparaissent ici. Leur travail remarquable est respecté partout. Ils servent tous nos ministères et font un travail exceptionnel. Cependant, dans leur empressement de raccourcir le libellé et d'arrêter la question, je pense qu'ils ont tourné les coins ronds et que l'amendement proposé par le sénateur Milne est plus acceptable, simplement parce qu'il définit mieux les deux groupes et décrit la situation hors de tout doute.

L'article 29 actuel comporte deux paragraphes. Le premier porte sur les sénateurs qui siégeaient déjà au Sénat avant l'adoption de cet amendement, et le second, sur les nouveaux sénateurs. Il en va de même de cet amendement. La partie qui s'ajoute forme le paragraphe proposé 29(3). Si l'on compte les mots, c'est là où se trouvent les mots supplémentaires. Il mentionne le sénateur appelé au Sénat avant l'entrée en vigueur de la présente loi, puisque ce sénateur était mentionné dans l'article 29 original que nous modifions.

Comme les deux articles disent la même chose, il est préférable, comme vous le savez, monsieur le président, d'être précis dans la loi plutôt que de présumer que le paragraphe 29(2) proposé par les rédacteurs ne serait pas préférable à ce qui a déjà été proposé au paragraphe supplémentaire (3).

Le sénateur Fraser : Sur l'ordre des dispositions et le reste, je suis aussi retournée voir l'article 29. Dans sa forme actuelle, l'article 29 est bizarre. Il présente d'abord la disposition de droits acquis, sur le mandat à vie, puis la nouvelle disposition qui devait continuer de s'appliquer toutes les années subséquentes. Il me semblerait préférable de commencer par donner la nouvelle disposition, puis d'ajouter la disposition de droits acquis. De cette façon, le libellé me semblerait plus approprié.

Sur la question des limites d'âge, si nous avions un Sénat élu, il serait tout à fait convenable de ne pas prescrire de limites d'âge. Il reviendrait à la population du Canada de décider si elle veut élire une personne de 93 ans, comme les Américains le font parfois. Nous n'avons pas de Chambre élue. Nous avons une Chambre nommée, et elle risque de le rester un certain temps, je suppose. Il ne s'agit pas de dire qu'il n'y a pas de limites d'âge ailleurs. Je pense que le meilleur parallèle que nous pouvons faire est celui avec les juges. Je ne voudrais pas exagérer, mais il y a un certain parallèle à faire avec les juges, y compris avec les juges de la Cour suprême. Ils doivent prendre leur retraite à l'âge de 75 ans, pas nécessairement parce qu'ils ont perdu leurs facultés, mais simplement parce qu'avec l'âge, toute personne humaine verra probablement ses facultés diminuer tôt ou tard. L'âge de 75 ans semble constituer une bonne limite pour les juges comme pour moi. Je ne serais pas très chaude à l'idée que beaucoup de sénateurs soient nommés à l'âge de 84 ans, par exemple. Cette limite d'âge me paraît parfaitement raisonnable, rationnelle, pour un Sénat nommé, et jusqu'à maintenant, nous n'avons rien d'autre qu'un Sénat nommé.

Le sénateur Stratton : Je vais revenir à...

Le sénateur Hervieux-Payette : Il a presque 75 ans, c'est pourquoi il n'est pas pour ce changement.

Le sénateur Stratton : Ça commence à devenir personnel.

Le sénateur Andreychuk : C'est consigné au compte rendu, donc vous pouvez l'utiliser.

Le sénateur Stratton : Je voulais dire que quand j'ai entendu le premier ministre parler d'un mandat de huit ans la première fois, j'y ai réfléchi et je me suis dit que je pourrais être d'accord parce qu'une durée de huit ans me semble à peu près juste. Cependant, je pourrais prêter une oreille très attentive à des propositions de mandat de 10 ans. Selon les témoignages que nous avons entendus, la préférence va à une période de neuf à douze ans. Je pense qu'il n'y a qu'un ou deux témoins qui ont proposé 15 ans. La moyenne était de 10 ans pour la longue liste de témoins qui a comparu devant nous. Nous devons le reconnaître et écouter l'avis des experts invités de part et d'autre.

Prenons un mandat de 15 ans. Historiquement, ce n'aurait pas posé problème. Autrement dit, un gouvernement peut siéger au plus cinq ans; s'il y a trois séries de nominations aux cinq ans, on obtient 15 ans. Récemment, il y a des premiers ministres qui sont restés en poste pendant trois mandats. Cela fait 15 ans. Cependant, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Aujourd'hui, les mandats durent plutôt quatre ans, donc si l'on calcule trois fois quatre ans, on obtient 12 ans. Ce maximum pour un mandat est tout à fait logique.

Il faut donc penser à un autre compromis. Pardonnez-moi, mais je ne pense pas que le public canadien va accepter l'idée d'un mandat de 15 ans. Les gens vont nous dire que cela n'a pas de bon sens. Puis cela devient une question d'autoprotection. Nous sommes une entité fermée qui ne veut pas écouter l'opinion publique, et je pense que c'est là où nous en sommes aujourd'hui. Selon mon expérience récente, le Sénat ne devrait pas être réformé, mais éliminé, comme la Colombie-Britannique l'a affirmé dans le premier paragraphe de sa lettre : débarrassons-nous du Sénat; abolissons-le.

Je pense que c'est ce vers quoi l'opinion publique évolue. Les Canadiens sont en transition. Pardonnez-moi, mais c'est ce que j'entends. Quand je parle aux gens, c'est ce que j'entends. Je crains que cet amendement ne les pousse encore davantage dans cette voie. Je vous conseille de réfléchir à la proposition de 15 ans et d'envisager le mandat de 10 ans proposé par le gouvernement. Merci.

Le président : Madame le sénateur Milne, j'ai une question.

À la lumière de la proposition avancée par le ministère de la Justice, particulièrement pour ce qui est de l'année 2007, y a-t-il quelqu'un de votre côté qui pourrait proposer un sous-amendement technique pour remplacer l'année inscrite par 2007? Que désirez-vous?

Le sénateur Milne : Monsieur Newman, comme le projet de loi à l'étude mentionne « à l'entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 2006 (durée du mandat des sénateurs) », on peut lire sur la première page : « première lecture le 30 mai 2006 ». Je suis prête à remplacer la date par 2007 si c'est la terminologie correcte.

M. Newman : Nous sommes d'avis, mesdames et messieurs, que vous devriez faire la modification appropriée à cette proposition d'amendement avec l'aide de vos propres rédacteurs. Quand vous passerez à l'article 1, particulièrement au titre et au reste, vous pourrez les modifier en conséquence aussi, pour que les années concordent et que nous ne nous retrouvions pas avec un amendement qui a été adopté après l'année de la modification elle-même et du titre, comme c'est déjà arrivé.

Le sénateur Tkachuk : C'est un bon bilan historique. Malheureusement, il faut l'éliminer.

Le sénateur Milne : Je pense que la première lecture a eu lieu en mai 2006.

M. Newman : Oui, justement, c'était il y a longtemps.

Le sénateur Milne : C'était avant que le projet ne soit renvoyé au comité spécial. Je suis prête à faire cette modification.

Le président : Le sénateur Bryden ou le sénateur Baker pourrait le faire.

Le sénateur Baker : Je le propose.

Le sénateur Milne : Que l'on remplace la partie concernée du paragraphe 29(3) proposé de notre amendement par « la Loi constitutionnelle de 2007 (durée du mandat des sénateurs) ».

Le président : C'est l'amendement proposé par le sénateur Baker.

Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le président : Le timbre va retentir dans quelques minutes, devrions-nous interrompre nos travaux, chers collègues?

Le sénateur Baker : De combien de temps disposons-nous?

Le président : De quinze minutes.

Le sénateur Baker : Voulons-nous encore en discuter? Le vote à ce sujet ne prendra pas beaucoup de temps.

Le président : Honorables sénateurs, puis-je me permettre de ne pas lire l'amendement à la motion sur l'article 2 modifié du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (durée du mandat des sénateurs)?

Des voix : D'accord.

Le président : Y compris le sous-amendement?

Le sénateur Stratton : C'est impossible, je suis désolé. Le signal retentit. Je ne voudrais pas qu'on crie à la Chambre que nous n'avons pas eu le temps de nous rendre.

Le président : Honorables sénateurs, nous allons interrompre nos travaux le temps d'aller voter à la Chambre.

Le comité interrompt ses travaux à 17 h 16.

Le comité reprend ses travaux à 17 h 45.

Honorables sénateurs, je mets aux voix l'amendement du sénateur Milne que le projet de loi S-4 soit modifié, à l'article 2, à la page 2, par substitution, aux lignes 8 à 12, de ce qui suit :

Puis-je m'abstenir de le lire?

Des voix : Abstenez-vous.

Le sénateur Robichaud : Modifié.

Le président : Oui, l'amendement modifié pour 2007. Que tous ceux qui sont d'accord avec la motion proposée disent « pour ».

Des voix : Pour.

Le président : Y en a-t-il qui sont contre?

Des voix : Contre.

Le président : L'amendement est adopté avec dissidence. L'article 2 modifié est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté, sans dissidence. L'article 3 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté. Le préambule est-il adopté?

Le sénateur Tkachuk : L'article 3 modifié?

Le sénateur Andreychuk : Nous l'avons adopté.

Le sénateur Stratton : Attendez. Quel était le vote sur l'article 3 du projet de loi?

Le président : Adopté avec dissidence.

Le sénateur Stratton : Non, l'article 3 a été adopté.

Le président : Honorables sénateurs, le préambule est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 1, soit le titre abrégé, est-il adopté?

Le sénateur Milne : À cet endroit, devons-nous remplacer 2006 par 2007?

Le président : Quelqu'un en propose-t-il la motion?

Le sénateur Fraser : Je la propose.

Le président : Le sénateur Fraser propose que l'année 2006 soit remplacée par l'année 2007. Êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 1 modifié est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté. Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté. Le projet de loi modifié est-il adopté?

Le sénateur Milne : Je propose que le projet de loi modifié soit adopté et que la recommandation suivante soit ajoutée au rapport du comité :

Que le projet de loi modifié ne soit pas lu une troisième fois tant que la Cour suprême du Canada ne se sera pas prononcée sur sa constitutionalité.

Le président : Puis-je en avoir une copie, s'il vous plaît?

Le sénateur Milne : Bien sûr.

Le président : Les autres membres du comité pourraient-ils recevoir copie du libellé?

Le sénateur Milne : Nous n'en avons pas de copies, je m'en excuse, donc je vais la répéter :

Que le projet de loi modifié ne soit pas lu une troisième fois tant que la Cour suprême du Canada ne se sera pas prononcée sur sa constitutionalité.

Le sénateur Stratton : Est-ce un rapport? Qu'est-ce que c'est?

Le sénateur Milne : Une recommandation.

Le sénateur Stratton : C'est une recommandation, donc elle ne fait pas partie du projet de loi lui-même?

Le sénateur Milne : Non, c'est une recommandation jointe au projet de loi, au rapport.

Le sénateur Andreychuk : C'est une recommandation ajoutée au rapport sur le projet de loi modifié. Est-ce ce que vous dites, monsieur Baker?

Le sénateur Baker : Demandons à la personne qui l'a proposée.

Le sénateur Milne : C'est une recommandation annexée au rapport sur le projet de loi modifié.

Le sénateur Tkachuk : Un instant, je veux être certain de bien comprendre. Vous avez modifié le projet de loi de sorte qu'il correspond maintenant très peu à la version originale et vous recommandez que vos amendements soient étudiés par la Cour suprême. Est-ce bien cela?

Le sénateur Milne : Oui. Je propose que le projet de loi modifié ne soit pas lu une troisième fois tant que la Cour suprême du Canada ne se sera pas prononcée sur sa constitutionnalité.

Le président : Selon l'article 98 du Règlement du Sénat du Canada, lorsqu'un comité examine un projet de loi, il doit faire rapport du résultat de cet examen. Quel est donc ce résultat? Si nous recommandons que le projet de loi modifié ne soit pas lu une troisième fois, cela signifie que nous le rejetons.

Le sénateur Tkachuk : Oui.

Le sénateur Milne : Ce n'est pas cela. Il s'agit d'une motion qui vise à faire en sorte que le projet de loi modifié soit renvoyé à la Cour suprême.

Le sénateur Fraser : Monsieur le président, il est vrai qu'il s'agit d'une procédure inhabituelle, mais il faut dire qu'il s'agit d'un projet de loi inhabituel également. Nous ne sommes pas tous les jours saisis d'une modification à la Constitution du Canada. Tous les sénateurs se rappelleront que de nombreux témoins ont exprimé de sérieux doutes quant à la constitutionnalité du projet de loi S-4. Et maintenant, plusieurs provinces la contestent aussi.

Le sénateur Stratton : Plusieurs provinces ont également affirmé que nous devrions éliminer...

Le sénateur Fraser : C'est également ce que pense un certain nombre de sénateurs. Si nous allons de l'avant avec cette motion, nous ferons ainsi un effort en toute bonne foi en vue de rendre cette mesure législative conforme à la Constitution, car elle ne l'était pas à notre avis au départ. C'est notre dernier recours.

Le sénateur Tkachuk : Vous pouvez le déterminer vous-même.

Le sénateur Fraser : Non, pas du tout. Il n'y a que la Cour suprême qui soit apte à juger de la constitutionnalité. Même dans sa version modifiée, nous ne pouvons pas déterminer avec certitude si cette mesure est acceptable sur le plan constitutionnel. Un bon projet de loi émanant du Sénat doit à notre avis être conforme à la Constitution, et c'est pourquoi nous estimons que nous ne pouvons pas modifier la Constitution du Canada si de nombreuses personnes crédibles ont de sérieux doutes quant à la constitutionnalité de la modification.

Le sénateur Andreychuk : Quand vous dites qu'il s'agit d'une procédure inhabituelle, je crois que c'est même plus qu'inhabituel. J'exhorte mes collègues à bien réfléchir à ce qu'on demande au comité de faire. Le gouvernement a présenté un projet de loi et le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles doit se pencher sur sa légalité et sa constitutionnalité. Nous avons convoqué de nombreux témoins. Il appartient au comité, car c'est sa responsabilité, de déterminer si le projet de loi est conforme à la Constitution et s'il est acceptable. Si les membres du comité jugent qu'il ne l'est pas, ils peuvent voter contre cette mesure ou bien la modifier. Dans ce cas-ci, nous nous rangeons du côté des provinces, et je peux comprendre cela, mais en ce qui me concerne, sachez qu'elles ne m'ont pas persuadée. Nous avons modifié un projet de loi du gouvernement et nous en avons fait une toute nouvelle mesure pratiquement, et maintenant, nous prions la Cour suprême de nous dire si nous avons raison.

C'est étrange, parce qu'habituellement, lorsque nous avons des doutes au sujet de la constitutionnalité d'un projet de loi, il arrive que nous proposions de le renvoyer à la Cour suprême lorsqu'il s'agit d'un sujet fondamental. Je n'expliquerai pas pourquoi un projet de loi devrait être renvoyé à la Cour suprême, car là n'est pas la question. Nous avons déterminé quelles dispositions de cette mesure sont constitutionnelles parce que les membres du comité y ont apporté certains amendements, je présume, visant à faire en sorte qu'elles soient acceptables sur le plan constitutionnel. Toutefois, en faisant cette recommandation, les membres se trouvent à dire qu'ils ne sont pas absolument certains de la constitutionnalité du projet de loi et qu'ils veulent en obtenir la certitude de la part de la Cour suprême.

Je veux revenir à ce qu'a dit le sénateur Hays et à ce que nous ne cessons de répéter. Nous devons être maîtres chez nous. Pourquoi abandonner nos responsabilités, nos privilèges et nos droits en demandant à la Cour suprême de nous dire si nous avons raison? L'inverse n'existe pas. Si nous avons toujours besoin d'obtenir le sceau d'approbation de la Cour suprême, alors pourquoi notre comité existe-t-il? Pourquoi consacrons-nous du temps à cela?

Ce sont les membres du comité qui décident. Si nous voulons procéder à un renvoi constitutionnel, nous aurions dû en discuter lors de l'étude du projet de loi du gouvernement, et non pas du nôtre, ou bien proposer des amendements.

À l'étape de la troisième lecture, je ne suis pas d'avis que la Cour suprême doit intervenir. Des spécialistes de la Constitution des plus compétents m'ont convaincu que cette mesure est constitutionnelle, et j'ose espérer que d'autres feront valoir un point de vue différent, quel qu'il soit. Si, dès qu'une opinion contraire est exprimée, que ce soit par une province, un universitaire ou quiconque, nous nous en remettons à la Cour suprême, ou si les provinces affirment que chaque fois qu'il est question de modifier la Constitution, il faut prendre leur interprétation en considération, alors nous n'avons pas besoin de l'article 44 de la Constitution, qui porte sur les dispositions que le Parlement peut modifier sans qu'il soit nécessaire qu'il obtienne l'approbation des provinces.

Le sénateur Rompkey : Nous sommes considérablement dans la même position que nous étions quand il a été question de la Constitution elle-même, qui a été renvoyée à la Cour suprême parce que les provinces ne s'entendaient pas. Dans ce cas-ci, il s'agit aussi d'un projet de loi constitutionnel. Nous faisons fausse route si nous mettons dans le même sac les premiers ministres et les spécialistes de la Constitution. Le Sénat a notamment pour mandat de représenter les provinces. C'est l'une de ses raisons d'être, si je comprends bien. Les six sénateurs, dont moi-même, qui proviennent de Terre-Neuve-et-Labrador estiment qu'ils représentent une province. C'est ce que nous comprenons. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici; du moins, c'est ce que je pense. Si le premier ministre de ma province affirme qu'il a des doutes au sujet de la constitutionnalité de ce projet de loi, alors je veux que la Cour suprême rende un jugement à ce sujet. Je ne pense pas qu'on puisse mettre les premiers ministres sur le même pied que des universitaires ou des spécialistes qui comparaissent devant nous. Ils sont des dirigeants provinciaux élus en bonne et due forme, et je crois que nous avons le devoir d'écouter leurs points de vue et de demander par la suite une opinion claire et sans équivoque qui nous permettra d'être fixés.

Le sénateur Andreychuk : Je crois que nous avons entendu les premiers ministres. Nous avons évalué leurs arguments. C'est ce que j'ai fait monsieur le sénateur Rompkey. Je connais l'article 44, et je suis d'avis moi aussi que nous devrions être maîtres chez nous. Notre Constitution prévoit un certain équilibre, et j'estime que, si nous avons voix au chapitre, notre opinion à nous aussi doit compter. Leurs préoccupations ont été examinées par le Sénat, et les tribunaux ont rendu leur jugement à cet égard. J'ai bien réfléchi à ce qu'ont fait valoir les provinces. Je ne minimise pas l'importance de leur opinion.

Le sénateur Rompkey : Faites-vous abstraction des nouvelles lettres?

Le sénateur Andreychuk : Non, pas du tout. Je les ai toutes lues.

Le sénateur Tkachuk : Il y a deux points que je veux faire valoir. Pourquoi devrions-nous, en tant que Sénat, abandonner notre droit de modifier certains aspects de la Constitution? Pourquoi, en tant qu'entité fédérale, céder ce droit aux provinces? C'est exactement ce que nous devrions faire d'après ce que vous dites.

L'opinion que j'ai en tant que représentant de ma province au sujet de questions d'ordre fédéral n'est pas nécessairement celle de mon premier ministre. J'écoute ce qu'il a à dire, au même titre que n'importe qui d'autre, mais cela ne signifie pas qu'il a raison. Nous ne devons pas abandonner nos droits en pensant qu'il faut toujours voter comme le souhaite le premier ministre provincial...

Le sénateur Rompkey : Vous me faites dire ce que je n'ai pas dit.

Le sénateur Tkachuk : Je suis désolé. Qu'avez-vous dit?

Le sénateur Rompkey : Je n'ai pas dit que je devais être du même avis que lui. Il a exprimé des doutes, et nous sommes contraints de l'écouter et d'obtenir une certitude.

Le sénateur Tkachuk : Il est vrai que vous êtes peut-être contraint de l'écouter...

Le sénateur Rompkey : Mais pas nécessairement d'être d'accord avec lui.

Le sénateur Stratton : Monsieur le sénateur, votre province s'est clairement prononcée en faveur de l'abolition du Sénat. Pourquoi alors ne pas écouter les arguments à ce sujet?

Le sénateur Rompkey : Cela est faux, c'est une autre province.

Le sénateur Stratton : La Colombie-Britannique?

Le sénateur Rompkey : Oui, la Colombie-Britannique.

Le sénateur Stratton : Et le Manitoba. Ne devrions-nous pas écouter ce que cette province a à dire? C'est celle que je représente; elle voudrait qu'on abolisse le Sénat.

Le sénateur Rompkey : Alors vous devriez présenter un projet de loi visant l'abolition du Sénat, si vous le voulez.

Le sénateur Stratton : En effet.

Le sénateur Tkachuk : Je vais résumer ce que vous avez fait, pour que ce soit clair. Vous avez modifié un projet de loi du gouvernement, pour lui retirer toute sa substance. Vous avez ensuite demandé qu'on le renvoie à la Cour suprême, ce qui sera fatal pour cette mesure. Cela ne me dérange pas que vous vouliez tuer le projet de loi. Seulement, je veux que vous votiez contre cette mesure en Chambre ou en comité. Ne me faites pas perdre mon temps avec des amendements qui ont pour but de faire passer la durée du mandat de huit à quinze ans et ainsi éliminer la principale raison d'être du projet de loi, c'est-à-dire réformer le Sénat. Ne vous attendez pas ensuite à ce que j'accepte que vous utilisiez ces amendements comme excuse pour renvoyer cette loi à la Cour suprême. C'est tout à fait insensé.

Je ne peux pas croire que c'est ce qui se produit, mais c'est ce que vous souhaitez. Tout ce que vous faites a pour but de tuer le projet de loi; et je tiens à ce que le compte rendu indique que c'est ce que je pense. C'est également ce que les gens penseront à mon avis, à savoir que vous vous opposez à la réforme du Sénat et que vous êtes contre ce projet de loi. Après un an, nous nous retrouvons avec ces amendements et un renvoi à la Cour suprême, ce qui aura pour effet de faire mourir le projet de loi. C'est ce que vous voulez.

Je souhaiterais plutôt que vous preniez la parole au Sénat pour expliquer pourquoi ce projet de loi ne devrait pas être adopté et que vous votiez contre cette mesure. Les gens vous jugeront alors pour ce que vous êtes. C'est tout ce que j'ai à dire, monsieur le président.

Le président : Merci, monsieur le sénateur Tkachuk. Le prochain intervenant sur la liste est le sénateur Baker. Avant que vous ne preniez la parole, puis-je vous demander, en plus de faire vos commentaires, de parler de l'article 100 du Règlement du Sénat, qui se lit comme suit :

Si un comité chargé d'examiner un projet de loi estime qu'il n'y a pas lieu pour le Sénat de l'étudier davantage, il présente à la Chambre un rapport en ce sens, avec raisons à l'appui. Si le Sénat vote la motion portant adoption de ce rapport, le projet de loi n'apparaît plus au Feuilleton.

Autrement dit, le projet de loi est annulé, comme je l'ai dit plus tôt. Pouvez-vous nous confirmer que vous vous appuyez sur cet article-là.

Le sénateur Baker : Non, monsieur le président. Je crois qu'il serait difficile de trouver un article en particulier sur lequel nous nous appuyons. Les circonstances actuelles sont exceptionnelles et elles exigent des solutions exceptionnelles. La réponse à votre question se trouve peut-être dans l'introduction de la partie qui concerne les rapports des comités dans l'ouvrage rédigé par Erskine May.

Je comprends très bien, étant donné le genre de motion dont il est question, que même vous, qui êtes un ancien professeur de droit et connaissez bien le sujet, vous soyez un peu incertain du mécanisme qui donne lieu à cette situation particulière. Je vais vous expliquer : dans le rapport que le comité présentera au Sénat, il fera une recommandation. Nous estimons que le Sénat doit être saisi de cette recommandation et qu'elle doit faire l'objet d'un vote. C'est tout.

Si vous lisez bien la motion du sénateur Milne, vous verrez qu'il est indiqué que c'est ce que le comité recommande au Sénat. Il n'est pas précisé comment le renvoi à la Cour suprême serait fait, car, comme le savent probablement les sénateurs, la seule entité qui à mon avis peut renvoyer cette affaire à la Cour suprême est le gouvernement du Canada.

Le président : Il y en a d'autres; les provinces.

Le sénateur Baker : Les provinces ne le feront pas. Nous allons voter sur une motion qui fera l'objet d'un vote en tant que recommandation. La recommandation formulée dans cette motion fera l'objet d'un vote au Sénat et si elle est adoptée, ce projet de loi ne passera pas à l'étape de la troisième lecture. Il n'y aura pas de troisième lecture si l'affaire est renvoyée à la Cour suprême du Canada.

Le président : D'après l'article 100 du Règlement, si la motion portant adoption du rapport est adoptée, le projet de loi n'apparaît plus au Feuilleton. Nous voterions en faveur du fait que le projet de loi modifié ne passe pas à l'étape de la troisième lecture.

Le sénateur Baker : Mais monsieur le président, nous ne tuons pas le projet de loi. Nous formulons une recommandation.

Le président : Vous recommandez qu'il soit annulé ailleurs.

Le sénateur Baker : Non, si vous le formulez ainsi, monsieur le président, c'est donc dire qu'on utilise un moyen détourné pour arriver à notre fin. Si nous appliquions l'article que vous avez lu, nous rejetterions maintenant le projet de loi. Nous ne nous trouvons pas à voter contre le projet de loi; il s'agit d'un amendement à cette mesure, qui sera renvoyée au Sénat à l'étape du rapport. Dans cet amendement, il est proposé de ne pas aller de l'avant avec l'étape de la troisième lecture. Par conséquent, le président ne demanderait pas si le projet de loi devrait être lu une troisième fois.

Il s'agit d'une recommandation qui fait partie du rapport émanant du comité et dont sera saisi le Sénat. Autrement dit, il ne s'agit pas de faire mourir le projet de loi. Si nous proposions de le rejeter, la motion serait différente.

Nous répondons à la Cour suprême du Canada, qui, dans le jugement qu'elle a rendu en décembre 1979, nous demandait de lui donner un nombre. C'est la demande qu'elle a faite, monsieur le président, et vous le savez. Elle a affirmé qu'elle ne pourra pas se prononcer sur la constitutionnalité tant qu'elle n'aura pas obtenu un nombre; et ce projet de loi en propose un.

Nous affirmons qu'il ne sera pas adopté s'il propose un mandat de huit ans. Nous essayons donc à tout le moins qu'il le soit en obtenant un jugement sur un mandat de 15 ans. Nous espérons que la Cour suprême se prononcera également sur le projet de loi C-43, qui est une autre mesure dont la Chambre est saisie.

Le président : Le Sénat n'est pas saisi de ce projet de loi.

Le sénateur Baker : La Chambre des communes l'est par contre.

Le président : Vous avez répondu à ma question, monsieur le sénateur Baker.

Le sénateur Milne : Le sénateur Baker a donné une bien meilleure explication que j'aurais pu le faire. En ce qui me concerne — et je dirais en ce qui nous concerne, si je me fie aux discussions que nous avons eues — ce projet de loi, dans sa version originale, était de toute évidence non conforme à la Constitution. Nous avons fait de notre mieux pour le rendre constitutionnel, mais je dois dire honnêtement que je crois qu'il doit être renvoyé à la Cour suprême, car il s'agit d'une question qui touche le Sénat et qui aura une incidence sur le gouvernement du Canada pour toujours. J'estime que ce projet de loi porte sur un sujet d'ordre constitutionnel qui regarde les provinces, car il concerne leur représentation au Sénat.

Quelques provinces se sont prononcées clairement contre ce projet de loi, à savoir l'Ontario, le Québec et deux provinces de l'Atlantique.

Le sénateur Bryden : J'ai deux choses à dire. Dans le Renvoi sur la Chambre haute, la Cour suprême mentionne ceci :

En créant le Sénat de la manière prévue à l'Acte, il est évident qu'on voulait en faire un organisme tout à fait indépendant qui pourrait revoir avec impartialité les mesures adoptées par la Chambre des communes. On y est arrivé en disposant que les membres du Sénat seraient nommés à vie.

Les juges de la Cour suprême doivent eux aussi être « tout à fait indépendants ». Je continue à me poser des questions, et je ne suis pas le seul, car en dépit de tous les efforts déployés pour faire en sorte que cet amendement soit conforme au renvoi concernant la Chambre haute, l'effet en demeure considérable, ce qui est un important point à retenir.

La naissance de notre fédération a été le fruit de négociations entre trois provinces. Il n'y aurait pas de Confédération canadienne sans la présence d'un Sénat. Il a été conçu de cette manière pour faire contrepoids à la Chambre des communes et compenser le fait que les deux provinces les plus grandes, le Québec et l'Ontario — et elles le demeurent d'ailleurs encore aujourd'hui — sortent toujours gagnantes dans un contexte de représentation en fonction de la population. C'est la raison pour laquelle nous avons pu procéder à des nominations à l'échelon régional pour assurer une représentation équitable dans tout le pays.

De cette manière, les sénateurs représentant ces régions pouvaient défendre leurs intérêts ou ceux des provinces plus petites dans les dossiers législatifs les concernant à l'échelon fédéral. Le Sénat devait jouir également de l'indépendance suffisante pour permettre un second examen des lois adoptées à la Chambre des communes. C'étaient là les objectifs fondamentaux visés.

Le président : Ce sont les principes à la base de l'existence du Sénat : représenter les régions, protéger les minorités et servir de mécanisme de second examen objectif pour freiner les élans impétueux de la Chambre basse.

Le sénateur Bryden : Oui, et en s'acquittant de cette responsabilité de façon tout à fait indépendante. Le problème, même avec les amendements proposés, c'est que c'était probablement le mandat à vie qui offrait le maximum d'indépendance. Mais voilà que la Cour suprême a statué, lorsque l'âge de la retraite a été fixé à 75 ans, qu'il s'agissait d'une modification purement technique qui ne réduisait pas vraiment l'indépendance des sénateurs.

Cinq amendements ont été apportés en application de l'article 44. Je ne pourrais pas vous en dresser la liste, mais il s'agit dans tous les cas de modifications de nature administrative. En fait, un exemple d'une modification possible en vertu de l'article 44 a été proposé lors de son inclusion dans la Constitution. De quel type d'amendement pourrait-il s'agir? Cela pourrait être la décision de changer le quorum pour le Sénat. Ce serait un amendement en vertu de l'article 44. Le Parlement pourrait prendre une telle décision à lui seul. Les autres parties ne seraient pas touchées.

Le président : Il pourrait également s'agir de n'importe laquelle des mesures n'étant pas énumérées aux paragraphes 42(1) et 42(2) qui précisent les quatre modifications ne pouvant pas être apportées en application de l'article 44.

Le sénateur Bryden : Nous avons cependant entendu une grande quantité de témoignages indiquant que si tel était le cas, si on faisait référence uniquement à ce qui est énuméré à l'article 42, le mode de révision prévu à l'article 82 n'établit pas la distinction entre le Sénat et la Chambre des communes. Si, en vertu de l'article 44, nous pouvons changer la durée du mandat des sénateurs, nous pourrions en appliquant le même article modifier également la durée du mandat des députés de la Chambre des communes, sans consulter qui que ce soit.

Nous pourrions aussi influer sur le droit de vote en déterminant qui peut voter ou non. En fait, je crois qu'il y a quelqu'un ici qui a fait valoir que si le mandat des sénateurs était ramené à une année ou environ, ils ne pourraient plus accomplir leur travail de façon tout à fait indépendante au sein de cette institution vitale.

Il existe donc un seuil — et nous l'avons peut-être déjà franchi — à partir duquel la réduction du mandat commence à miner l'indépendance des sénateurs. Ce sont les tribunaux qui doivent trancher quant à savoir si la réduction à hauteur de 15 ans est suffisante en elle-même pour empêcher l'adoption d'un tel amendement.

J'aimerais qu'on en reste là.

Il y a un autre aspect que nous avons négligé dans toutes ces discussions, et ce sont les préoccupations de chacune des provinces. Soit dit en passant, une seule province, l'Alberta, appuie sans restriction les mesures prises ici. L'Alberta est en effet favorable aux amendements proposés en application de l'article 44. Toutes les autres provinces s'inquiètent principalement du fait que nous procédons de façon fragmentaire.

Il devrait y avoir des consultations ouvertes et honnêtes avec tous les membres de notre Confédération, et ce n'est pas ce qui s'est produit. C'est ce qui a amené la province de l'Ontario, la province de Québec, la province du Nouveau-Brunswick, la province de l'Île-du-Prince-Édouard et la province de Terre-Neuve-et-Labrador à intervenir comme nous l'avons demandé. Ces provinces ont affirmé qu'il fallait renoncer à adopter ce projet de loi. Nous précisons que nous ne savons pas si nous sommes en mesure d'arrêter le processus simplement parce que des provinces en ont fait la demande.

Le sénateur Tkachuk : Vous pouvez faire obstruction à ce projet de loi.

Le sénateur Bryden : À notre avis, ce ne serait pas la chose à faire. Nous avons examiné la question sous toutes ses coutures et nous avons maintenant tendance à recommander que l'on attende la décision de la Cour suprême avant d'adopter quoi que ce soit. Supposons que nous soyons capables de mettre en place des mesures qui pourraient être en vigueur pendant quatre ou cinq ans. La Cour suprême pourrait alors se prononcer et déclarer invalides toutes les actions entreprises depuis la nomination des sénateurs visés. On a qualifié cette situation de chaos constitutionnel; vous avez certes entendu l'expression pendant les audiences.

Nous nous efforçons de nous acquitter de notre mandat législatif et de faire notre travail à titre de représentants au sein de ce comité d'intervenants majeurs au sein de la Confédération. Je ne comprends pas pour quelle raison le gouvernement a pu croire qu'il lui était possible d'aller de l'avant sans consulter ses partenaires.

Le président : Il y a bel et bien eu des consultations. Certains témoignages nous indiquent que l'on a demandé conseil pour savoir si cette façon de faire les choses était valide du point de vue constitutionnel en application de l'article 44. Ce sont des témoignages qui ont été présentés devant notre comité.

Le sénateur Bryden : Il y a eu certains témoignages en ce sens, mais la prépondérance de la preuve produite devant notre comité serait plutôt à l'effet contraire.

Le président : Cependant, l'ensemble de la preuve considérée par notre comité comprend également les témoignages recueillis par le comité spécial.

Le sénateur Bryden : Encore là, on s'est très peu intéressé à la question de la constitutionnalité. On discutait principalement de la durée du mandat. Si les membres du Sénat ont convenu qu'ils devaient référer ce projet de loi au comité permanent spécialisé dans les questions juridiques et constitutionnelles, c'était notamment pour examiner en détail la constitutionnalité de ce projet de loi. C'est là où nous en sommes. Nous croyons que la motion présentée vise à permettre au gouvernement de soumettre le projet de loi modifié à la Cour suprême pour qu'une décision soit rendue.

La Cour suprême n'est pas tenue de donner suite à une telle requête, car elle est maître de ses propres agissements. Cependant, je ne vois pas pour quel motif on ne le ferait pas. S'ils ont raison, alors ils n'ont rien à craindre. S'ils ont tort, nous devrions le savoir dès maintenant. Ce n'est pas pour rien qu'il est difficile d'amender une Constitution. C'est une démarche qui est censée être difficile. C'est l'un des trois principaux piliers de notre Confédération.

Mais j'ai fini mon exposé théorique; je ne pourrais pas vraiment vous en dire davantage.

Le président : Au cours de votre exposé, vous avez dit ne pas savoir si j'étais présent lors de la discussion concernant le chaos. J'étais ici, et je ne sais pas si vous étiez vous-même présent lorsque des fonctionnaires du ministère de la Justice sont revenus devant le comité pour écarter cette notion de chaos. Nous l'avons clairement entendu devant notre comité également, mais vous n'y avez pas fait référence.

Une voix : C'est indiqué dans les observations.

Le président : Je n'en ai pas pris connaissance. Il y avait un envers à la médaille. Des gens du ministère de la Justice ont comparu à nouveau devant le comité pour répondre à ces allégations de chaos.

Le sénateur Bryden : J'ai vu ces commentaires et on y fait référence. Soit dit en passant, je n'étais pas d'accord.

Le président : Je m'efforce d'être objectif.

Le sénateur Bryden : Nous l'avons pris en compte.

Le sénateur Fraser : J'aurais une observation à faire et trois précisions à apporter. Je veux d'abord faire observer qu'il arrive à l'occasion à la Cour suprême du Canada de prendre des décisions radicales qui ont des répercussions majeures sur des lois adoptées suivant une procédure que les législatures concernées jugeaient valide. Certains d'entre nous se souviendront peut-être des gouvernements des législatures québécoise et manitobaine, notamment, qui ont dû reprendre le processus pour des lois adoptées au fil de plusieurs années parce que la Cour suprême les avait jugées invalides, alors même que ces législatures croyaient s'appuyer sur des bases solides. C'était donc mon observation.

Voici ma première précision. Malgré tout le respect que je dois à mon collègue, je dois souligner que le Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat s'est intéressé de près aux conséquences constitutionnelles de ce projet de loi, mais n'a pas entendu les mêmes témoins que ce comité-ci. L'ensemble des témoignages va maintenant dans un sens légèrement différent, mais le Comité sur la réforme du Sénat a bel et bien porté attention à l'aspect constitutionnel en prêtant une oreille attentive à certains témoins éminents.

Ma deuxième précision est la suivante. Pour revenir à la question de notre président concernant l'application des règles, je dirais, au meilleur de mes connaissances de la procédure, que si nous adoptons cette recommandation suivant son libellé actuel, à savoir que le projet de loi ne devrait pas être lu une troisième fois tant que la Cour suprême ne se sera pas prononcée sur sa constitutionnalité, le projet de loi ne passerait pas à l'étape de la troisième lecture et il ne figurerait plus au Feuilleton à partir de ce moment. Il ne serait toutefois pas abandonné. Si vous voulez, il serait gardé en suspens et pourrait être ramené et réinscrit à l'étape de la troisième lecture sur simple motion d'un sénateur une fois que la Cour suprême l'aurait jugé constitutionnellement valide, si telle est sa décision.

Le président : Ne faut-il pas que le Sénat adopte le rapport d'un comité parce que c'est le Sénat qui doit se prononcer, et non le comité?

Le sénateur Fraser : Oui, vous avez raison; il faut d'abord que le Sénat adopte ce rapport. Je voulais surtout faire valoir que cela ne signifie pas l'abandon de ce projet de loi.

La troisième précision fait suite aux observations formulées par le sénateur Andreychuk et le sénateur Tkachuk. Je conviens de l'importance pour le Sénat de demeurer, dans toute la mesure du possible, maître de sa propre destinée. J'y crois profondément. J'estime donc fortement souhaitable que ce projet de loi soit considéré valable en application de l'article 44. Je suis d'avis que c'est le cas, avec les amendements proposés. À cet égard, je diverge peut-être d'opinion avec certains de mes collègues, mais différents arguments peuvent être avancés. Je ne suis pas moi-même avocat, mais j'en ai entendu plusieurs se prononcer et j'ai pris connaissance d'une grande quantité de documents sur cette question. Je veux que ce projet de loi, tel que modifié, soit considéré comme acceptable en application de l'article 44 pour les motifs indiqués par le sénateur Andreychuk. Cependant, le concept a été suffisamment remis en question de façon très pointue pour que je souhaite également que les choses soient bien claires. Je ne veux pas la mort de ce projet de loi. Je ne considère pas qu'un vote en faveur de cette recommandation au comité et au Sénat se traduirait par l'abandon du projet de loi. Si je croyais que cet amendement pouvait avoir un tel résultat, je ne voterais pas en sa faveur.

Le sénateur Tkachuk : Le gouvernement pourrait soumettre le projet de loi dans sa forme initiale à la Cour suprême pour qu'elle se prononce sur sa constitutionnalité, n'est-ce pas? Il n'est pas nécessaire que l'on soumette le projet de loi, tel que modifié.

Le président : Le pouvoir exécutif peut faire comme bon lui semble. Le procureur général peut agir à sa guise pour ce type de renvoi qui peut épouser différentes formes.

Le sénateur Tkachuk : Si l'on jugeait constitutionnel le projet de loi dans sa forme originale, alors les membres de l'opposition voteraient en sa faveur. Est-ce que je me trompe?

Le sénateur Fraser : Il faudrait alors que nous nous demandions s'il s'agit d'un projet de loi valable.

Le président : Il y aurait encore la question de la durée du mandat : huit, neuf, dix ou quinze ans.

Le sénateur Tkachuk : Je voulais savoir si la lettre que vous avez reçue de...

Le président : Elle a été distribuée à tous les sénateurs.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que la lettre de Peter Hogg a été versée au dossier.

Le président : Oui, comme toutes les lettres reçues des provinces.

Le sénateur Tkachuk : Est-elle jointe en annexe au dossier?

Le sénateur Baker : Le président en a traité au début de notre réunion.

Le président : Nous avons reçu hier la lettre de Peter Hogg qui a été transmise le jour même aux membres du comité par notre greffière. Nous avons fait de même avec les lettres en provenance des provinces au fur et à mesure que nous les recevions.

Le sénateur Tkachuk : Il vaudrait mieux que je vous lise un extrait de cette lettre, à la page 2, en raison des commentaires du sénateur Bryden. Voici ce qu'écrit M. Hogg :

Les projets de loi S-4 et C-43 ont été déposés séparément et, à ce que je sache, personne du côté du parti ministériel n'a laissé entendre que l'adoption du projet de loi S-4 dépendait de l'adoption du projet de loi C-43. En effet, étant donné la situation minoritaire du gouvernement, celui-ci n'est pas en mesure, même à la Chambre des communes, de garantir que les deux projets de loi deviendront loi. Si le projet de loi S-4 est adopté et que le projet de loi C-43 ne l'est pas, il va sans dire qu'un tribunal n'aurait d'autre choix que de statuer sur la validité du projet de loi S-4 selon son propre bien-fondé. Même si les deux projets de loi étaient adoptés, il est peu probable, à mon avis, qu'un tribunal accepterait de se prononcer sur la validité du projet de loi S-4 qu'à condition qu'il fasse partie d'un ensemble de mesures législatives qui inclurait le projet de loi C-43. D'après moi, un tribunal devrait se prononcer sur la validité du projet de loi S-4, à titre de mesure imposant un mandat d'une durée déterminée aux sénateurs. Pour cette raison, je crois que le Parlement du Canada peut promulguer le projet de loi S-4 aux termes de l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Bien évidemment, comme vous le savez tous, cette lettre a été écrite en réponse aux argumentations présentées. Je ne suis pas d'accord avec vous, sénateur, lorsque vous faites valoir que la prépondérance des preuves produites permet de conclure que les grands spécialistes de la question conviennent que le projet de loi S-4 est constitutionnel. Cela ressort clairement du premier rapport et ces éléments sont inclus dans le rapport final. Vous étiez membre du comité qui a recommandé que ce projet de loi aille de l'avant.

Je voulais que cet extrait soit porté au compte rendu de manière à ce que les gens puissent s'y référer lorsqu'ils se pencheront sur la question dans plusieurs années. Je m'assure ainsi qu'ils pourront prendre connaissance des écrits de M. Hogg.

Le sénateur Bryden : J'ai une question supplémentaire concernant la lettre de M. Hogg. Il a également commenté les conclusions de la Cour suprême dans l'arrêt Compétence du Parlement relativement à la Chambre haute. Il exprimait clairement ses propres points de vue.

Voici ce qu'il a écrit :

Le Parlement fédéral a-t-il le pouvoir d'abolir le Sénat? La Cour suprême du Canada a répondu par la négative dans le Renvoi sur la Chambre haute (1979). Je crois que la réponse aurait dû être positive. Je vais essayer de vous expliquer la décision et d'en faire la critique.

Il avait tort à ce moment-là, et il est toujours dans l'erreur aujourd'hui. Il a adopté un point de vue différent de celui de la Cour suprême. Celle-ci a rendu son jugement et c'est avec cette décision que nous devons composer.

Le sénateur Stratton : Nous pouvons tenir un référendum.

Le président : Honorables sénateurs, nous nous rapprochons du moment où je déciderai de mettre la question aux voix. Il y a seulement une question qui me préoccupe. Habituellement, un projet de loi est soumis à un comité par le Sénat au moyen d'un ordre de renvoi; le comité entend des témoins et en arrive à une conclusion. Il décide ainsi de faire rapport du projet de loi, avec ou sans amendement. Nous essayons ici de procéder différemment et le sénateur Baker a qualifié la situation d'unique. On peut lire ce qui suit dans le Marleau-Montpetit à la page 659, sous la rubrique « Rapport à la Chambre » :

Le comité doit s'en tenir à l'ordre de renvoi que constitue le projet de loi et faire rapport du projet de loi à la Chambre, avec ou sans modification. Il ne peut faire rapport que du projet de loi et, par conséquent, ne peut inclure dans son rapport des recommandations de fond. À plusieurs occasions à la Chambre, le Président a déclaré irrecevable un rapport qui contenait des recommandations ou une motion portant adoption d'un tel rapport.

Je vous le signale tout bonnement, honorables sénateurs. Je ne suis pas obligé de m'en tenir à ce commentaire, mais je vous en fais part parce que j'espère que le comité agit dans le respect des ses pouvoirs en adoptant cette recommandation proposée par le sénateur Milne. Je vais vous relire la motion :

Que le projet de loi modifié soit adopté et que la recommandation suivante soit ajoutée au rapport du comité.

Que le projet de loi modifié ne soit pas lu une troisième fois tant que la Cour suprême du Canada ne se sera pas prononcée sur sa constitutionnalité.

Je n'ai pas d'opinion à émettre, mais je vous demande si vous êtes certains d'avoir le droit et le pouvoir d'agir comme cette recommandation le prévoit?

Le sénateur Rompkey : Je veux vous parler de mon expérience à la Chambre des communes à ce sujet. J'ai présidé des comités de la Chambre des communes ainsi que des comités sénatoriaux.

Le président : Je n'ai jamais siégé à la Chambre des communes.

Le sénateur Rompkey : Je sais. C'est beaucoup mieux ici. Je voulais simplement réagir au passage que vous avez cité. Je me rappelle qu'il nous est souvent arrivé d'avoir des recommandations et des rapports minoritaires de différents partis, et je crois que c'est aussi arrivé au Sénat. Il est certain qu'il y en a eu à la Chambre des communes.

Le président : Était-ce à propos d'un projet de loi ou d'un rapport?

Le sénateur Tkachuk : À propos d'un rapport, oui, mais pas d'un projet de loi.

Le sénateur Rompkey : C'est un projet de loi.

Le sénateur Andreychuk : Il est évident que les rapports minoritaires sont reconnus à la Chambre des communes, mais ils ne le sont pas au Sénat.

Le sénateur Rompkey : J'ai annexé des rapports minoritaires. Je soutiens aussi que des recommandations ont été formulées, et qu'il y en a eu au Sénat.

Le sénateur Robichaud : Oui.

Le président : D'autres sénateurs veulent-ils intervenir, ou êtes-vous prêts à ce que la question soit mise aux voix?

Le sénateur Andreychuk : Ce que vous faites contrevient au Règlement du Sénat. En effet, l'article 100 du Règlement qui traite des rapports contre un projet de loi dit :

Si un comité chargé d'examiner un projet de loi estime qu'il n'y a pas lieu pour le Sénat de l'étudier davantage, il présente à la Chambre un rapport en ce sens, avec raisons à l'appui. Si le Sénat vote la motion portant adoption de ce rapport, le projet de loi n'apparaît pas au Feuilleton.

Le paragraphe 101 qui suit traite de la signature d'un projet de loi modifié par le président.

Vous essayez de faire ce qui pourrait se produire à l'étape de la troisième lecture et je crois que vous sautez des étapes. Je vous demande ce qu'il advient du projet de loi si nous recommandons de ne pas l'étudier davantage? Nous l'avons amendé. Nous allons faire rapport du projet de loi modifié avec une recommandation qui propose de ne pas en poursuivre l'étude. Il faut respecter le Règlement du Sénat et, si j'en avais le temps, je pourrais vous expliquer comment j'entrevois la suite des choses sur le plan légal. Il faut choisir une voie ou l'autre mais pas les deux, sinon qu'arrive-t-il au projet de loi? Est-il en suspens quelque part?

Le sénateur Fraser : Oui.

Le sénateur Andreychuk : Où se retrouve-t-il? Qui peut l'étudier? Est-ce que ce serait encore le comité ou le Sénat?

Le sénateur Rompkey : À certaines reprises, le Sénat a mis en suspens des projets de loi quand il les a renvoyés à un comité avant l'étape de la deuxième lecture. Cela survient parfois. L'ordre du Sénat demande de reporter l'étude du projet de loi jusqu'à ce que le comité l'ait examiné. Le Sénat l'a fait un certain nombre de fois.

Le sénateur Tkachuk : Il demeure au Feuilleton.

Le sénateur Rompkey : Non.

Le sénateur Andreychuk : Nous avons une étape de plus de franchie. Nous avons examiné le projet de loi. Ce n'est pas seulement une question de procédure. Nous nous sommes appropriés le projet de loi. Nous avons suivi le processus et, si nous le suivons jusqu'au bout, nous sommes censés faire rapport du projet de loi modifié, ou encore nous pouvons toujours garder le projet de loi et recommander un rapport, comme nous l'avons déjà fait. Nous l'avons fait pour obtenir plus de précisions du Sénat, par exemple. Nous tentons de contourner les règles. Montrez-moi l'article du Règlement qui nous permet d'agir ainsi. Il n'existe pas.

Le sénateur Milne : Le comité ne recommande pas que le Sénat n'étudie pas le projet de loi S-4, sans plus, ce qui le ferait avorter. Nous demandons de ne pas l'étudier davantage tant qu'une autre mesure ne sera pas prise, c'est-à-dire tant que la Cour suprême ne se sera pas prononcée à son sujet.

Le sénateur Rompkey : Les mots « tant que » sont essentiels.

Le sénateur Baker : L'article 100 du Règlement donne au comité le pouvoir de faire avorter un projet de loi ou d'y mettre fin.

Le sénateur Andreychuk : Exactement.

Le sénateur Baker : Cependant, l'article 100 du Règlement dit...

Le sénateur Milne : Il ne s'applique pas à notre cas.

Le sénateur Banks : ... que, quand on le fait, il faut présenter un rapport en ce sens au Sénat. Quand on fait rapport d'une question au Sénat, le Sénat en est saisi dans un rapport.

Selon ce raisonnement, nous aurions pu, si vous voulez, rejeter le projet de loi. D'après le paragraphe 100 du Règlement, cela ferait l'objet d'un rapport présenté au Sénat. Ce que nous voulons faire, c'est présenter un rapport au Sénat, comme nous devons le faire, mais sans torpiller le projet de loi. Nous recommandons que le Sénat n'étudie pas le projet de loi à l'étape de la troisième lecture, mais qu'il le renvoie à la Cour suprême du Canada, sans expliquer comment.

Autrement dit, l'article 100 du Règlement permet au comité de donner le coup de grâce au projet de loi, en le renvoyant au Sénat. Nous ne pouvons pas agir sans faire rapport de la question au Sénat, qui devra alors l'étudier. Nous n'allons pas trop loin. Nous recommandons seulement autre chose, c'est-à-dire de ne pas faire avorter le projet de loi. Nous devons présenter un rapport au Sénat comme l'article 100 du Règlement l'indique. Ce sera alors au Sénat de prendre la décision finale.

Le sénateur Tkachuk : Mettez la question aux voix.

Le président : Honorables sénateurs, quand je vous ai demandé si le projet de loi était adopté, le sénateur Milne a proposé et je cite :

Que le projet de loi modifié soit adopté et que la recommandation suivante soit ajoutée au rapport du comité :

Que le projet de loi modifié ne soit pas lu une troisième fois tant que la Cour suprême du Canada ne se sera pas prononcée sur sa constitutionnalité.

Approuvez-vous l'amendement proposé, honorables sénateurs?

Des voix : Oui.

Le sénateur Stratton : Avec dissidence.

Le président : Avec dissidence?

Le sénateur Tkachuk : Il s'agit du rapport?

Le sénateur Stratton : Non, c'est maintenant qu'il est question du rapport.

Le président : Je parle de l'amendement.

Le sénateur Stratton : Oui, je le sais, mais nous discutons du rapport maintenant.

Le président : Oui, le projet de loi modifié est-il adopté? Adopté?

Des voix : Non.

Une voix : Avec dissidence.

Le sénateur Milne : Il y a des observations que nous aimerions ajouter au rapport.

Le président : Il en sera question après le projet de loi. Le projet de loi modifié est-il adopté?

Le sénateur Stratton : J'aimerais qu'on procède à un vote par appel nominal pour que le vote de chaque sénateur soit consigné.

Le sénateur Robichaud : Quel vote?

Le sénateur Tkachuk : Le dernier vote sur l'amendement proposé par le sénateur Milne, n'est-ce pas?

Le sénateur Milne : Oui.

Le président : Je vous pose la question : le projet de loi modifié est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le sénateur Moore : Avec les recommandations?

Le président : Elles sont incluses. C'est adopté.

Le sénateur Tkachuk : La recommandation fait-elle partie du rapport?

Le sénateur Baker : Oui. Doit-elle être adoptée maintenant?

Le président : Sénateur Moore, nous l'avons déjà adoptée.

Le sénateur Moore : Je veux m'assurer qu'elle est incluse.

Le président : Elle l'est.

Le sénateur Milne : Le projet de loi avec les amendements et les recommandations.

Le président : On a demandé un vote par appel nominal, et je vais donc demander à la greffière de procéder à ce vote.

La question est la suivante : Le projet de loi modifié est-il adopté?

Le sénateur Milne : Le projet de loi modifié avec la recommandation.

Le président : D'accord — avec la recommandation est-il adopté?

Le sénateur Tkachuk : La recommandation a été adoptée avec dissidence.

Des voix : Oui.

Le président : Voulez-vous procéder au vote par appel nominal, je vous prie? C'est le sénateur Tkachuk qui l'a demandé.

Le sénateur Robichaud : C'est le sénateur Stratton.

Le sénateur Stratton : Oui. J'aime bien le sénateur Tkachuk, mais je ne l'admire pas tant que ça.

Le sénateur Tkachuk : Nos noms se ressemblent tellement.

Le président : La greffière va procéder au vote par appel nominal.

Shaila Anwar, greffière du comité : Sénateur Oliver?

Le président : Je ne vais pas voter.

Mme Anwar : Sénateur Andreychuk?

Le sénateur Andreychuk : Non.

Mme Anwar : Sénateur Baker?

Le sénateur Baker : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Bryden?

Le sénateur Bryden : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Fraser?

Le sénateur Fraser : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Moore?

Le sénateur Moore : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Rompkey?

Le sénateur Rompkey : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Robichaud?

Le sénateur Robichaud : Oui.

Le sénateur Milne : Ne m'oubliez pas.

Mme Anwar : Sénateur Milne?

Le sénateur Milne : Adopté.

Mme Anwar : Sénateur Tkachuk?

Le sénateur Tkachuk : Non.

Mme Anwar : Sénateur Stratton?

Le sénateur Stratton : Non.

Mme Anwar : Sénateur Hervieux-Payette?

Le sénateur Stratton : Normalement, si je peux me permettre d'invoquer le Règlement...

Le président : Elle est membre d'office et elle a le droit de voter.

Le sénateur Stratton : Je comprends. Vous ne votez pas, sénateur?

Le sénateur Hervieux-Payette : Je ne veux pas déranger les membres du comité.

Le sénateur Stratton : L'usage veut que vous ne votiez pas.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je vais m'abstenir, mais vous connaissez mon opinion.

Le président : Puis-je demander à la greffière de nous faire rapport du vote par appel nominal?

Mme Anwar : La motion est adoptée par 8 voix contre 3.

Le président : La motion est adoptée.

Le sénateur Milne : Je propose que nous annexions les observations au rapport.

Le président : Avez-vous des objections à ce que je pose la question?

Le sénateur Milne : D'accord.

Le président : Il y a une façon de faire les choses.

Le comité veut-il discuter des observations à annexer au rapport?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Le président : Voulez-vous que nous mettions la question aux voix?

Le sénateur Milne : Oui, assurément.

Le président : Très bien. Nous allons procéder à un vote par appel nominal?

Le sénateur Stratton : Oui.

Le président : Les honorables sénateurs veulent-ils que les observations soient annexées au rapport?

Mme Anwar : Sénateur Andreychuk?

Le sénateur Andreychuk : Non.

Mme Anwar : Sénateur Baker?

Le sénateur Baker : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Bryden?

Le sénateur Bryden : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Fraser?

Le sénateur Fraser : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Moore?

Le sénateur Moore : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Rompkey?

Le sénateur Rompkey : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Robichaud?

Le sénateur Robichaud : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Milne?

Le sénateur Milne : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Tkachuk?

Le sénateur Tkachuk : Non.

Mme Anwar : Sénateur Stratton?

Le sénateur Stratton : Non.

Le président : Voulez-vous nous indiquer le résultat du vote, je vous prie?

Mme Anwar : La motion est adoptée par 7 voix contre 3.

Le président : La motion est adoptée.

Honorables sénateurs, l'alinéa 92(2)f) du Règlement du Sénat du Canada nous permet de siéger à huis clos pour discuter d'un projet de rapport ou d'observations. Le comité veut-il examiner les observations en public ou à huis clos?

Le sénateur Stratton : En public.

Le sénateur Tkachuk : En public.

Le président : En public, très bien.

Allons-nous distribuer des copies des observations, sénateur Milne?

Le sénateur Milne : Oui, je crois que la greffière les a dans les deux langues.

Le sénateur Andreychuk : Nous avons enfreint une règle. Quand nous avons étudié le projet de loi C-2, il y a eu 49 pages d'observations sur la teneur du projet de loi. Nous avons alors insisté pour que l'opposition ne déroge pas à la tradition parce que les observations avaient tout simplement pris beaucoup d'ampleur alors qu'elles visent habituellement à demander au gouvernement d'examiner certains aspects liés au fonctionnement et à la mise en œuvre des projets de loi. Néanmoins, on a facilité la présentation d'observations au nom du comité. Elles n'avaient jamais servi avant le projet de loi C-2 à mener une offensive contre la minorité. La majorité avait d'autres armes en son pouvoir, comme le vote, mais elle a produit des observations, ce qui s'écartait de la tradition et enfreignait les règles.

Le sénateur Baker : ... tyrannie.

Le sénateur Andreychuk : Oui, c'est la tyrannie de la majorité. Merci, sénateur Baker, de le préciser, mais j'aimerais trouver un terme plus juste.

Le sénateur Tkachuk : C'est bien dit.

Le sénateur Andreychuk : À l'époque, j'ai été consternée et déçue de ce que faisaient mes collègues et je l'ai bien fait remarquer. Par la suite, j'ai demandé au Sénat de renvoyer la question au Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. On m'a alors fait part d'une décision rendue en 2002, à laquelle nous étions toujours liés et, par conséquent, nous n'avons pas fait enquête. Les observations ne doivent pas servir à exposer l'opinion d'un seul membre ni celle de la majorité et elles ne doivent pas non plus traiter de la teneur de la question. Il n'a jamais été prévu de présenter des observations; elles sont apparues de façon improvisée.

C'est la deuxième fois, d'après mon examen rapide, qu'on fait valoir les arguments du gouvernement. Si je regarde les noms indiqués ici, il n'y a pas d'équilibre. Il s'agit des témoins qui appuient le point de vue de la majorité. J'exhorte humblement mes collègues à retirer leurs observations, dans l'intérêt de l'équité, de la justice du Sénat et de ses précédents. Vous avez les moyens d'imposer votre point de vue. Il est inutile, abusif et contraire à nos règles de menacer la minorité avec cette arme. J'implore mes collègues de ne pas refaire cela une deuxième fois. Cela détériore l'atmosphère du Sénat et nuit à nos activités.

Il y a eu des observations d'un côté comme de l'autre. Elles ont été examinées par le président et le comité de direction en vue d'obtenir le consensus. Quand il n'y a pas eu consensus, nous avons laissé tomber les observations. Vous avez tout à fait le droit de faire valoir de nouveau votre point de vue à l'étape de la troisième lecture; vous avez tout à fait le droit de le faire encore valoir au moment du rapport. Avez-vous vraiment besoin de présenter ces observations?

Le président : Le sénateur Milne, le sénateur Rompkey et le sénateur Bryden veulent intervenir.

Le sénateur Milne : Non, je ne veux pas intervenir.

Le sénateur Rompkey : Je veux parler de notre expérience concernant les observations. Je me rappelle que nous avons annexé une série complète d'observations sur l'article 17 des conditions de l'union de Terre-Neuve avec le Canada, relativement à la réforme du système scolaire de Terre-Neuve. Il y en a eu d'autres, mais ce cas me revient en mémoire. Cela s'est déjà fait.

Cependant, l'usage est établi par les précédents. Il s'agit de répéter les mêmes choses encore et encore pour en faire non seulement une habitude, mais aussi un mode de fonctionnement. Je vous le rappelle pour votre gouverne. Cela s'est déjà fait depuis mon arrivée au Sénat, soit 10 ans, parce qu'il n'y a pas encore 15 ans que je suis ici.

Le sénateur Tkachuk : Nous avons tous accepté les observations.

Le sénateur Rompkey : Non.

Le sénateur Tkachuk : Oh, oui.

Le sénateur Bryden : Il y en a que nous avons tous approuvées, mais il y en a qui ont été litigieuses, beaucoup plus que dans le cas du présent projet de loi. Il y a eu beaucoup d'observations au sujet du projet de loi sur l'aéroport Pearson.

Le sénateur Tkachuk : Il y a eu un rapport majoritaire et un rapport minoritaire.

Le sénateur Bryden : Non.

Le sénateur Tkachuk : Oui.

Le sénateur Bryden : Non, il s'agissait de l'étude que nous avons faite sur le projet de loi. Ne vous rappelez-vous pas du projet de loi sur l'aéroport Pearson?

Le sénateur Stratton : Oui.

Le sénateur Bryden : Le Sénat a produit beaucoup d'observations sur ce projet de loi. Je pense que c'est assez facile à vérifier parce que c'est consigné. Si vous voulez savoir si les observations ont déjà été utilisées pour attaquer, examinez ce cas.

Le sénateur Tkachuk : Vous savez de quoi il s'agit.

Le sénateur Baker : Pour revenir aux propos du sénateur Andreychuk, elle a dit que les mots « tyrannie de la majorité » venaient de moi, il y a un instant. En fait, ce sont ceux qu'Alexis de Tocqueville, qui a vécu dans les années 1800, a écrit dans son ouvrage De la démocratie en Amérique.

Le sénateur Andreychuk : C'est mon livre de chevet.

Le sénateur Baker : Je suis sûr qu'une fois que l'honorable sénateur Andreychuk, qui est aussi une ancienne juge, aura bien lu les observations, elle en viendra à la conclusion qu'elles sont conformes à la loi et impartiales.

Le sénateur Robichaud : Et justes.

Le sénateur Fraser : À mon avis, quand un comité examine une question aussi importante qu'une modification à la Constitution, il est raisonnable qu'il explique comment il en est arrivé aux conclusions qu'il présente. Je pense que vous allez constater en lisant les observations qu'un effort a été fait pour essayer qu'elles soient...

Le président : Équilibrées?

Le sénateur Fraser : Oui.

Le sénateur Tkachuk : S'il vous plaît.

Le sénateur Fraser : Et essayer qu'elles soient toujours de nature sérieuse et fouillée.

Le sénateur Tkachuk : S'il vous plaît.

Le sénateur Fraser : Elles ne sont pas partisanes. C'est vrai, des efforts ont été faits en ce sens.

Le sénateur Tkachuk : Nous avons participé au processus.

Le président : Je ne les ai pas encore lues, donc...

Le sénateur Tkachuk : C'est la liberté de parole.

Le sénateur Fraser : J'aimerais vraiment qu'on se borne à discuter des changements qu'on pourrait faire aux observations.

Le sénateur Stratton : Mettez la question aux voix.

Le sénateur Tkachuk : Oui.

Le sénateur Fraser : Si les membres du parti ministériel ne veulent même pas les lire, la situation se complique.

Le sénateur Tkachuk : Non, nous n'avons pas participé au processus.

Le sénateur Andreychuk : Je voudrais invoquer le Règlement ou soulever une question de privilège. Je ne peux humblement pas approuver la conclusion qui commence ainsi : « L'immense majorité des témoignages que le comité a entendus convergent vers la conclusion que la démarche [...] soulève d'importantes préoccupations sur le plan constitutionnel. » Si vous acceptiez plutôt de dire qu'il y a certaines préoccupations d'ordre constitutionnel, mais que l'immense majorité des témoignages montrent que la démarche est constitutionnelle, je pourrais donner mon accord.

Le sénateur Fraser : Je ne le crois pas.

Le sénateur Stratton : Mettez la question aux voix.

Le président : Honorables sénateurs, la question est la suivante : Le projet de loi modifié avec une recommandation et des observations est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le sénateur Stratton : J'aimerais que l'on procède à un vote par appel nominal.

Le président : Pouvez-vous le faire, s'il vous plaît?

Mme Anwar : Sénateur Andreychuk?

Le sénateur Andreychuk : Non.

Mme Anwar : Sénateur Baker?

Le sénateur Baker : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Bryden?

Le sénateur Bryden : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Fraser?

Le sénateur Fraser : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Milne?

Le sénateur Milne : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Stratton?

Le sénateur Stratton : Non.

Mme Anwar : Sénateur Moore?

Le sénateur Moore : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Rompkey?

Le sénateur Rompkey : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Robichaud?

Le sénateur Robichaud : Oui.

Mme Anwar : Sénateur Tkachuk?

Le sénateur Tkachuk : Non.

Mme Anwar : C'est 7 voix contre 4.

Le président : La motion est adoptée. Il sera fait rapport du projet de loi modifié avec les observations et les recommandations.

Y a-t-il autre chose à discuter, honorables sénateurs?

La séance est levée.


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