Aller au contenu
 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 31 - Témoignages du 13 juin 2007


OTTAWA, le mercredi 13 juin 2007

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à qui a été renvoyé le projet de loi C-18, modifiant certaines lois en matière d'identification par les empreintes génétiques, se réunit aujourd'hui, à 16 h 22, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, la séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles est ouverte. Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs, aux gens du public qui sont ici aujourd'hui et à ceux qui nous écoutent sur le Web.

Le projet de loi C-18 a été présenté à la Chambre des communes le 8 juin 2006. Il modifie le Code criminel, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et la Loi sur la défense nationale afin de faciliter l'application du projet de loi C-13, qui a reçu la sanction royale le 19 mai 2005, mais qui n'est pas entrée en vigueur, hormis quelques articles. Une des caractéristiques importantes du projet de loi C-13 est d'allonger la liste des infractions pour lesquelles une ordonnance de prélèvement d'ADN peut être rendue.

Le projet de loi C-18 modifie le Code criminel pour préciser qu'un mandat peut être exécuté pour procéder à l'arrestation d'une personne qui ne se présente pas pour un échantillonnage d'ADN, et qui commet ainsi désormais une infraction, et que tout corps policier canadien procédant à l'arrestation de cette personne peut prélever un échantillon de substance corporelle. En outre, le projet de loi ajoute aux infractions visées par les dispositions rétroactives la tentative de meurtre et le complot en vue de commettre un meurtre. Ces dispositions s'appliquent aux contrevenants déclarés coupables d'un meurtre, d'une agression sexuelle ou d'un homicide involontaire avant le 30 juin 2000, date où la loi autorisant la mise sur pied de la banque nationale de données génétiques est entrée en vigueur. D'autres dispositions du projet de loi permettront d'assurer l'application des ordonnances de prélèvement pour la banque de données génétiques même lorsque, pour des raisons logistiques, il n'est peut-être pas possible de prélever l'échantillon de substance corporelle au moment précis énoncé dans l'ordonnance.

Le projet de loi propose également un certain nombre de modifications de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques, notamment l'autorisation de détruire des échantillons lorsque le procureur général d'une province certifie que l'ordonnance a été rendue pour une infraction qui ne devait pas donner lieu à l'inclusion dans la banque de données génétiques. Ainsi, le procureur général ne sera plus obligé de présenter aux tribunaux une demande visant l'annulation de l'ordonnance.

Les modifications feront aussi en sorte que les renseignements fournis par la banque nationale de données génétiques puissent servir aux enquêtes sur toutes les infractions criminelles, et non seulement sur celles qui donnent lieu à l'inclusion dans la banque de données génétiques.

Des changements seront apportés à la Loi sur la défense nationale afin que les modifications s'appliquent au système de justice militaire.

Je suis heureux de vous présenter M. David Bird, avocat des services juridiques de la GRC, qui est ici pour répondre aux questions sur les différents aspects du projet de loi. Isabelle Trudel, officier responsable de la Banque nationale de données génétiques du Canada pour la GRC, l'accompagne. D'après ce que j'ai compris, les témoins ne vont pas déposer de mémoires ni présenter d'exposés.

David Bird, avocat, Services juridiques — GRC, ministère de la Justice du Canada : Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici, j'espère que nous allons pouvoir aider les membres du comité à comprendre les raisons qui sous- tendent les amendements proposés, qui sont à notre avis très importants. Posez-nous toutes les questions que vous avez, et nous ferons de notre mieux pour vous aider à comprendre les motifs justifiant ces amendements.

Le président : Pendant votre préparation pour la réunion d'aujourd'hui, avez-vous eu l'occasion de lire la transcription de la dernière audience, au cours de laquelle les honorables sénateurs ont posé de nombreuses questions au sujet de la destruction de certains éléments de preuve et échantillons et de certains protocoles internationaux s'appliquant à cette question?

M. Bird : Oui, j'ai lu la transcription cet après-midi.

Le président : Madame Trudel?

Isabelle Trudel, officier responsable, Banque nationale de données génétiques du Canada, Gendarmerie royale du Canada : Oui, je l'ai aussi lue cet après-midi.

Le président : Passons à la période de questions.

Le sénateur Bryden : Puisque vous avez fait vos devoirs il y a vraiment peu de temps, avez-vous des observations à formuler au sujet des discussions que nous avons tenues? Dans de nombreux cas, on a répondu à nos questions en disant : « Eh bien, M. Bird pourrait répondre à cette question. » Je n'ai pas apporté la transcription des séances avec moi, mais, monsieur Bird, que penseriez-vous de répondre à quelques-unes de ces questions?

M. Bird : Je dois m'excuser humblement, parce que je n'aurai peut-être pas toutes les réponses, mais je vais essayer de vous répondre le mieux possible. Essentiellement, je peux vous dire que je suis ici parce que la tâche m'a incombé de m'assurer que la banque de données génétiques était conforme aux dispositions de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques au moment où les responsables de cette banque ont procédé aux échanges internationaux. Le système que nous avons mis en place est conçu pour respecter les exigences de la Loi, surtout de l'article 6, exige la conclusion d'un accord international conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels et prévoit que les mécanismes de reddition de comptes qui en découlent doivent être permis par la Loi, et que le non-respect de ces mécanismes est une infraction. La conformité avec l'article 6 de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques est à mes yeux ce qu'il y a de plus important.

Le système en question est loin d'être une chose simple. Il se peut que, au fur et à mesure que l'après-midi avancera, vous compreniez mieux la complexité des décisions qui sont prises en ce qui concerne les échanges internationaux.

Le sénateur Bryden : Avons-nous l'article 6 devant nous, dans le texte du projet de loi?

M. Bird : Vous trouverez dans le texte les amendements proposés, mais je ne sais pas si l'article y figure au complet.

Le sénateur Bryden : Pouvez-vous nous dire quels sont les effets du projet de loi?

M. Bird : L'article 6 a été modifié par le chapitre 25 de l'ancien projet de loi, le projet de loi C-13, ce qui permet la transmission de plus de renseignements à l'échelle nationale, mais les échanges internationaux sont limités à un système selon lequel seuls les renseignements sur la correspondance entre un profil génétique donné et un profil de la banque peuvent être fournis à un organisme international ou un service de police étranger.

La chose la plus importante, c'est que, d'après le paragraphe 5 de l'article 6, le gouvernement du Canada ou un de ses organismes — la Banque nationale de données génétiques de la GRC — a conclu, en conformité avec l'alinéa 8(2)f) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, avec le gouvernement, l'organisation ou l'organisme étranger en question, un accord ou une entente autorisant la communication de l'information aux seules fins d'une enquête ou d'une poursuite relative à une infraction criminelle.

Il faut qu'il y ait un accord du genre. Le système que nous avons mis en place pour nous conformer à ce paragraphe, c'est un accord international intervenu entre le Bureau central d'Interpol à Ottawa et l'officier responsable de la Banque nationale de données génétiques. Cela signifie qu'Interpol ne peut utiliser les profils génétiques transmis par ses systèmes qu'aux fins d'une enquête ou d'une poursuite relative à une infraction criminelle.

En outre, lorsqu'on transmet de l'information dans le système, on y joint un avertissement qui oblige le destinataire à respecter la même exigence légale. Ainsi, au premier niveau seulement, le système oblige Interpol à respecter ces limites relatives à l'information que l'organisation reçoit aux fins de transmission; lorsque l'information est transmise, on y joint un avertissement supplémentaire qui vise directement le destinataire, lequel doit alors respecter les mêmes conditions. Selon ces conditions, l'information ne peut être utilisée qu'aux fins d'une enquête ou d'une poursuite relative à une infraction au criminel, et elle ne peut être conservée à ces fins que pour la période pendant laquelle ces fins existent. La période de conservation limite l'usage de cette information par les destinataires. Si l'information est transmise à des fins similaires, le destinataire doit respecter les mêmes conditions.

Le sénateur Bryden : Ainsi, l'information ne peut être utilisée qu'aux fins d'une poursuite relative à une infraction. S'agit-il d'une infraction précise?

M. Bird : Non, ce peut être n'importe quelle enquête ou poursuite relative à une infraction criminelle dans le pays en question. L'information peut être utilisée pour plus d'une enquête ou plus d'une poursuite. Si le destinataire n'en a plus besoin, il est tenu de la détruire.

Le sénateur Bryden : Combien de temps les destinataires peuvent-ils conserver l'information avant d'avoir à la détruire?

M. Bird : Cela dépend de la période de rétention qui s'applique à eux et du fait qu'ils aient ou non une autre raison de conserver cette information. Si une poursuite se termine et qu'ils n'ont plus besoin de l'information, ils ne doivent pas la conserver dans leur système national de données génétiques. Cependant, le fait qu'un système n'établissant pas de correspondance soit en place à l'heure actuelle signifie que nous ne leur faisons jamais parvenir de profil. Ils établissent eux-mêmes un profil à partir des éléments du lieu du crime soit par rapport à leurs échantillons de référence, dont ils savent de qui ils proviennent, et il est improbable qu'ils nous les fassent parvenir à cette fin, soit par rapport à leurs casiers judiciaires. Ils conservent ces profils, parce qu'ils les ont établis et ont effectué l'analyse dans leurs propres laboratoires judiciaires. Ils traitent ces profils en fonction de leurs propres lois et exigences légales concernant la rétention de l'information personnelle.

Le sénateur Bryden : La période pendant laquelle ils peuvent conserver un échantillon que nous leur remettons est- elle variable?

M. Bird : En fait, nous ne leur remettons jamais d'échantillons. D'après la loi actuelle, nous ne sommes pas autorisés à envoyer un échantillon provenant d'une personne inscrite au fichier des condamnés, si nous savons que l'échantillon provient d'une personne inscrite à ce fichier. Cependant, ce que nous pouvons faire, et nous le faisons, c'est envoyer à l'étranger des échantillons anonymes recueillis sur les lieux d'un crime perpétré au Canada, lorsqu'une organisation d'application de la loi du Canada nous demande d'envoyer l'échantillon dans un pays ou dans des pays précis par l'intermédiaire du système d'Interpol. Ils envoient des profils établis à partir des éléments du lieu d'un crime et ayant trait à une infraction désignée. C'est tout ce que nous sommes autorisés à conserver dans le fichier criminalistique. Ces profils ne contiennent aucun renseignement personnel. Les destinataires les comparent aux éléments du lieu d'un crime pour déterminer s'ils ont affaire à un récidiviste, ou encore à leurs échantillons de référence, dans un fichier semblable à notre fichier des condamnés. S'il y a correspondance des profils, ils nous en informent, et nous passons à l'étape suivante.

Ensuite, l'information peut être échangée par l'intermédiaire de n'importe lequel des mécanismes internationaux qui existent. Elle peut faire l'objet d'un traité avec l'Europol; elle peut faire l'objet d'une demande de traité d'aide juridique mutuelle, c'est-à-dire que nous demandons alors une ordonnance judiciaire pour que le nom de la personne concernée soit utilisé dans le cadre de la poursuite; ou encore elle peut faire l'objet d'une entente de collaboration entre les services de police lorsqu'on considère qu'il s'agit de renseignement, et qu'elle n'est utilisée qu'à cette fin — auquel cas la transmission et l'utilisation de cette information doit être confirmée dans la plupart des cas avant de pouvoir être utilisée à toute autre fin. L'information fait l'objet des règles normales qui s'appliquent à l'information détenue par les services de police. Nous ne procédons pas à l'échange d'information génétique. Seuls les renseignements provenant du dossier personnel ou du dossier d'enquête sont transmis, une fois confirmée la possibilité qu'une personne dont ils connaissent l'identité, qu'ils auront emprisonnée et dont le profil figure dans leurs banques de données ait commis une série d'infractions dans différents pays.

Le sénateur Bryden : Fournissez-vous de l'information génétique?

M. Bird : À l'heure actuelle, nous n'envoyons à l'étranger que des profils anonymes établis à partir des éléments du lieu d'un crime. Habituellement, ils ne nous font parvenir que les éléments relatifs au lieu d'un crime, mais ils peuvent nous faire parvenir tout autre profil — nous n'établissons aucune restriction. Nous leur demandons ensuite quelle en est l'utilité. S'ils nous font parvenir la description d'une personne portée disparue, et que cette description n'est pas en lien avec une enquête relative à une infraction, nous ne sommes pas autorisés à leur fournir de renseignements là- dessus. Nous ne sommes pas autorisés à leur fournir de l'information; ils ne peuvent l'utiliser qu'à des fins humanitaires. En général, tout ce que les pays s'échangent — puisqu'il n'y a aucune autre raison d'échanger d'autres types de profil — ce sont des profils établis sur le lieu d'un crime où les profils établis à partir des taches — comme on dit au Royaume-Uni et en Europe en général. Habituellement, nous n'échangeons que cette information, parce que c'est à cet égard que nous avons besoin de réponses. Nous connaissons déjà le profil des gens qui sont inscrits dans notre banque de données et qui sont des délinquants ayant déjà été condamnés; nous voulons découvrir qui a commis tel ou tel crime et nous voulons savoir s'il s'agit d'un prédateur, d'un terroriste ou d'un membre du crime organisé ayant commis une série d'infractions dans différents pays. Dans ce cas, c'est un élément de renseignement important pour les services de police.

Le président : En quoi consiste un profil établi à partir de la scène d'un crime?

M. Bird : Le profil consiste en une série de chiffres, je crois. Cela dépend de la manière dont on l'établit, à l'aide d'une trousse. Il existe différents systèmes; la plupart d'entre eux ont de cinq à huit locus communs, qui sont les mêmes pour tous les pays qui échangent de l'information. Nous avons des trousses qui comportent 13 locus, ce qui suppose une valeur de discrimination élevée. Cependant, les profils d'enquête de certaines organisations canadiennes n'ont que neuf locus. Elles déterminent les recoupements entre leur neuf locus et les 13 de nos profils, ce qui fait que nous avons certains locus en commun. Le problème, c'est que les profils établis à partir de la scène d'un crime, comme vous avez entendu d'autres témoins le dire cette semaine, ne sont pas toujours parfaits. Ils peuvent être de plus ou moins bonne qualité ou constitués d'un mélange d'éléments provenant de la victime et de l'auteur d'un acte criminel. Déterminer exactement quel est le profil peut poser certains problèmes à cause de ces mélanges. Les scientifiques des différents pays peuvent devoir se parler — c'est la raison pour laquelle nous demandons l'autorisation de produire des « correspondances moyennes », de façon à pouvoir en dire : « Nous ne savons pas s'il y a correspondance entre les éléments de votre scène de crime et le profil du délinquant dont nous disposons ou les éléments de nos scènes de crime. » Nous devons parler pour déterminer si c'est dans leurs profils qu'il manque des allèles et pour trouver les éléments communs de façon à pouvoir établir qu'un profil ne correspond pas. Si nous ne pouvons éliminer le profil, alors nous devons trouver un autre moyen de tirer une conclusion quant au nombre d'enquêtes sur lesquelles cela peut avoir des répercussions.

Le sénateur Milne : J'ai une autre question. S'il vous manque des allèles, il vous est donc plus facile d'exclure un profil.

M. Bird : Les profils ne sont pas exclus. Si nous utilisons normalement 13 locus, et que nous obtenons une correspondance pour seulement six ou sept d'entre ces locus, ainsi qu'un certain nombre de recoupements, alors il y a plusieurs correspondances possibles dans le fichier des condamnés pour une scène de crime donnée que nous devons analyser. Nous devons pouvoir déterminer s'il y a une correspondance possible avec n'importe quelle des autres. Nous leur présentons les correspondances, et ils doivent examiner les données brutes pour déterminer s'ils ont mal identifié le profil d'une victime. Lorsqu'ils l'ont établi, ils ont peut-être choisi le mauvais allèle, ce qui peut arriver. Cet allèle appartient peut-être à l'auteur d'un acte criminel, mais ils l'ont pris pour celui d'une victime. Ce sont des choses qui arrivent. L'échantillon peut tout simplement être vieux ou dégradé, et on ne peut établir à partir de celui-ci qu'un certain type de profil. Il se peut qu'il y ait tant de correspondances qu'il soit impossible de fournir toute l'information liée à ces correspondances.

Mme Trudel : Vous vous demandiez de quoi avait l'air un profil génétique. Nous avons fait parvenir une trousse d'information aux membres du comité. Si vous jetez un coup d'œil sur les diapos, vous verrez que la deuxième porte sur la Banque nationale de données génétiques. J'ai la version française devant moi, je pense que les diapos sont numérotées de la même façon. À la diapo 13, dans le haut, vous pouvez voir un schéma représentant les différentes manières de visualiser un profil génétique.

Si vous vous rappelez le dernier exposé, M. Bowen avait mentionné le fait qu'il y a des pics et des creux. C'est ce que vous voyez en haut. Pour une région particulière de l'ADN, si vous jetez un coup d'œil sur la région D5, vous pouvez voir deux pics. Voilà deux éléments d'information génétique qui ont été transmis à la personne à qui cet ADN appartient par ses parents biologiques, son père et sa mère. Voilà une manière de visualiser l'information. Aux fins d'échange, comme vous pouvez le constater, il est possible de convertir cette information en examinant la taille de cette région de l'ADN, comme vous pouvez le voir dans le deuxième tableau. Une troisième façon de visualiser cette information, c'est d'examiner ce que nous appelons en sciences les allèles. Le profil comporte deux allèles à la région D5, qui sont identifiés par les chiffres 11 et 12. C'est le genre de chiffres qui constituent le profil génétique qu'on verse au fichier des condamnés ou au fichier criminalistique. Il ne s'agit que d'une série de chiffres.

M. Bird vous expliquait qu'il est possible d'envoyer ces profils établis à partir des scènes de crime à l'étranger pour les comparer aux profils figurant dans les banques de données des autres pays, lorsqu'il y a un crime non résolu au Canada. Nous pouvons aussi recevoir des profils, c'est-à-dire une série de chiffres, d'un pays étranger, aux fins de comparaison avec notre fichier criminalistique ou notre fichier des condamnés. Les seuls profils qu'on envoie à l'heure actuelle à l'extérieur du Canada sont les profils établis à partir des scènes de crime. On n'envoie aucun échantillon recueilli sur les lieux d'un crime, que des séries de chiffres, et aucun profil de condamné à l'étranger, dans le cadre de la loi actuelle.

Le sénateur Fraser : Comme je ne suis pas une scientifique, je suis rentrée dans l'arène politique. Avec combien de pays échangeons-nous de l'information? Quels pays? Y a-t-il une liste?

Mme Trudel : J'ai la liste. Je présume qu'on vous a fait parvenir une liste, mais j'ai ce renseignement.

Le sénateur Fraser : Nous ne l'avons pas reçue, alors peut-être pourriez-vous la remettre à la greffière. Je pense qu'il s'agit d'un nombre important de pays.

M. Bird : Ce pourrait être 186 pays, soit l'ensemble des pays membres d'Interpol. C'est n'importe quel pays qui a accès à Interpol. Cependant, l'envers de la médaille, c'est qu'il n'y a pas tant de pays qui disposent d'une banque de données génétiques. La plupart des pays qui ont une banque de données substantielle et interrogeable sont des pays industrialisés du monde occidental, des pays de l'Europe et de l'Amérique. Si nous avons des raisons de croire qu'il y a un lien entre une scène de crime au Canada, une enquête dans le cadre de laquelle nous disposons de données génétiques, et une possibilité dans un pays non développé, nous pouvons demander à nos homologues de ce pays s'ils disposent de profils génétiques établis à partir d'une scène de crime. S'ils n'en ont pas, il est inutile de leur en envoyer parce qu'ils ne peuvent les comparer avec aucun élément de leur enquête. Il faut qu'on soulève un certain nombre de questions liées à l'enquête avant que nous envoyions les données génétiques à un pays non développé qui peut être concerné.

Le sénateur Stratton : Je suis curieux, parce que je suis aussi intrigué que le sénateur Fraser. Y a-t-il d'autre raisons pour lesquelles vous n'enverriez pas des données génétiques, par exemple, des enjeux liés aux droits de la personne ou à quelque chose du genre, ou est-ce que la seule chose qui détermine si vous envoyez des données génétiques, c'est la capacité des destinataires de les analyser, le fait que leur nom figure sur cette liste.

M. Bird : Les décisions sont prises dans le cadre d'un processus qui comporte plusieurs étapes. Le processus commence par l'échange de données génétiques. Le point de départ, ça peut être des empreintes digitales ou une quelconque question d'analyse judiciaire au moment où on ne sait pas nécessairement à qui on a affaire, mais où on a des raisons de croire qu'il s'agit d'un criminel ou d'une organisation internationale et qu'il a un lien à faire sur les données génétiques. La question devient la suivante : quels renseignements envoyer, mis à part les données génétiques? Si on vous envoie un profil et que celui-ci correspond à un autre profil, alors la question qui peut se poser, c'est celle de savoir quel usage on veut en faire. Est-ce que cela a posé problème dans le passé? Si vous considérez qu'on utilisait le profil à des fins autres qu'aux fins légitimes d'application de la loi, vous pouvez toujours décider de ne pas envoyer d'autres renseignements. Cependant, c'est la même décision que nous prenons en ce qui concerne toute enquête ou tout renseignement que nous avons dans nos banques de renseignements criminels ou dans nos banques de données sur les antécédents criminels. Ce n'est pas différent de toute autre forme d'échange de renseignements.

Le sénateur Fraser : J'aimerais en savoir davantage là-dessus, si c'est possible. D'après ce que j'ai compris, ce que vous avez dit et ce que nous avons entendu dire au cours d'une réunion antérieure, les seuls renseignements qui sont échangés avec d'autres pays, c'est ceux qui sont en lien avec des enquêtes criminelles. Voici ma première question : qui détermine ce qui constitue une enquête criminelle? S'agit-il d'une infraction qui constitue une infraction criminelle au Canada, ou d'une infraction qu'un autre pays juge être une infraction criminelle, par exemple, le fait de critiquer le glorieux dirigeant du pays?

M. Bird : En fait, ce serait le cas. Les gens qui demandent les renseignements doivent se plier...

Le sénateur Fraser : Qu'est-ce qui serait le cas?

M. Bird : Le fait qu'ils appliquent leur propre loi ou qu'ils procèdent à ce qu'ils jugent être une enquête criminelle. Nous ne pouvons pas exporter notre Code criminel à l'étranger et dire aux gens qu'ils ne peuvent utiliser les renseignements que pour ce qui constitue une infraction au Canada. Nous pouvons refuser de collaborer plus avant lorsque nous apprenons quel genre d'infraction fait l'objet de l'enquête.

Le sénateur Fraser : Les avocats ici présents me corrigeront, mais je crois qu'il y a des domaines — et je pense au droit de l'extradition —, dans lesquels nous parlons d'infractions qui seraient des infractions criminelles aux termes des lois canadiennes. Y a-t-il une raison propre à ce genre de procédure qui fait que nous ne pouvons considérer les choses de la même façon?

M. Bird : À un moment donné, ça peut effectivement devenir un facteur déterminant la poursuite de la collaboration. Si une demande d'extradition d'un citoyen canadien se trouvant au Canada est susceptible d'être présentée, alors nous pouvons refuser de continuer de collaborer.

Le sénateur Fraser : Je vais vous donner un exemple fictif du genre de possibilités auxquelles je songe. Disons qu'un homme de 19 ans est reconnu coupable d'entrée par effraction et qu'il paie sa dette. Ce n'était rien de grave, personne n'a été blessé. Vingt ans plus tard, il devient défenseur des droits de la personne à Cuba, au Tibet ou en Iran ou encore dans un pays quelconque où on a accès à des outils technologiques assez avancés si on décide d'en faire une priorité. L'homme en question écrit une lettre qu'il envoie aux journaux et dans laquelle il critique un ministre ou le glorieux chef d'État. La police débarque, trouve l'enveloppe et effectue une analyse génétique à partir de la salive qui se trouve dessus, si c'est possible, je crois que ce l'est, puis demande votre aide. Qu'est-ce qui va arriver?

M. Bird : C'est un exemple intéressant, parce que s'il avait un casier judiciaire lorsqu'il était adolescent...

Le sénateur Fraser : Non, j'ai dit qu'il avait 19 ans.

M. Bird : C'est donc un adulte qui a un casier judiciaire d'adulte. Il serait traité comme un adulte. Son profil génétique serait conservé dans la Banque nationale de données génétiques pour une période indéfinie, comme l'exige la loi. S'il n'est pas acquitté ou libéré sous condition, les renseignements sont conservés pour une période indéfinie.

Si un organisme étranger nous fait parvenir un profil établi à partir d'une scène de crime ou ce qu'elle considère être un profil, et que nous l'acceptons en tant qu'ensemble d'éléments d'une scène de crime, nous comparons le profil de l'homme en question aux données de la Banque nationale de données génétiques, et, s'il est possible d'établir une correspondance avec un profil de la banque, nous le faisons savoir à l'organisme étranger. C'est la seule information que nous lui transmettons jusqu'à ce que le pays étranger communique de nouveau avec nous pour nous demander de plus amples renseignements, si l'on présume que les gens de ce pays voulaient des renseignements permettant d'identifier la personne. Nous ne leur disons pas quel genre de correspondance nous avons pu établir. Nous ne faisons que leur dire qu'il y a correspondance.

Ils commencent alors l'enquête pour déterminer de quels renseignements il s'agit et les raisons pour lesquelles ces renseignements seraient transmis. À cette étape, ce ne serait pas différent s'ils faisaient parvenir des empreintes digitales. S'ils avaient découvert une empreinte digitale sur la scène du crime qui correspond au casier judiciaire de l'homme en question, nous leur poserions le même genre de questions en ce qui concerne la correspondance entre les empreintes digitales qu'en ce qui concerne les données génétiques. Est-ce que nous enverrions les renseignements au pays vu les questions liées aux droits de la personne qui peuvent se poser? Ce sont les gens qui s'occupent des casiers judiciaires à la GRC qui effectueraient cette analyse, les gens de la section des échanges internationaux. Ils se pencheraient là-dessus et détermineraient si le pays en question fait partie de ceux avec lesquels nous échangeons habituellement ce genre de renseignements, à ces fins. On tiendrait compte des mêmes choses.

Le sénateur Fraser : Y a-t-il des lignes directrices, des pratiques ou des règles que nous pourrions consulter? Ce genre de texte existe-t-il, et, le cas échéant, pourrions-nous avoir un aperçu de son contenu? Les outils technologiques sont de plus en plus répandus et de plus en plus précis, et les dangers dont nous parlons sont de plus en plus grands. Je n'accuse personne à la GRC ou ailleurs de chercher à emprisonner des dissidents politiques en Iran, mais les choses peuvent se produire, alors j'essaie de savoir quels mécanismes existent pour prévenir ce genre de choses...

M. Bird : Il faudrait peut-être que je pose la question à mes collègues pour obtenir des détails sur leurs politiques en ce qui concerne ce genre d'exemple, mais il y a une directive émise à l'époque par le Solliciteur général, qui est maintenant le ministre de la Sécurité publique, sur les échanges d'information avec les autres pays et sur le genre d'exigences qu'il faut mettre en place, sur les conseils qu'il faut demander au ministère des Affaires étrangères et sur les conseils juridiques au sujet du genre d'entente conclue. Il existe un processus qui permet de garantir que, s'il n'existe pas déjà de traités pour l'échange de ce genre d'information, les nouveaux traités font l'objet d'un examen, de façon que la GRC connaisse les risques et les problèmes potentiels dans tout pays concerné, et qui permet de garantir que nous nous fions sur les conseils du ministère des Affaires étrangères et sur les conseils juridiques concernant les fondements du traité et l'obligation de répondre aux exigences que nous définissons. Il y a ce mécanisme de protection qui a préséance sur le reste.

C'est tout ce que je peux vous dire là-dessus, et je vais devoir demander à mes collègues s'il y a quelque chose d'autre qu'ils peuvent me signaler.

Ce que je peux vous dire, c'est qu'il n'y a pas de politique définie, mis à part le fait que vous comptez maintenant sur les échanges et sur la charte d'Interpol, selon laquelle les États membres n'utilisent les renseignements échangés qu'aux fins d'une enquête ou d'une poursuite relative à une infraction criminelle, et non à des fins politiques. Les pays avec lesquels nous échangeons des renseignements par l'intermédiaire du système d'Interpol ont tous convenu de ne pas utiliser ces renseignements à des fins politiques. En même temps, on examine chacune des demandes pour déterminer si la collaboration est possible ou non; cependant, en règle générale, si les personnes qui demandent les renseignements répondent aux exigences, les renseignements leur sont fournis.

Le président : Tout à l'heure, dans votre exposé, vous avez dit que, lorsqu'un destinataire d'un pays étranger reçoit des informations génétiques, il y a certaines conditions, et vous avez dit que ces conditions doivent être respectées. Que faites-vous en cas de manquement à ces conditions dans un pays étranger? Quelle est votre méthode d'application, et quels sont vos recours?

M. Bird : D'après ce que je sais, le recours serait le refus de poursuivre la collaboration à l'avenir, et les destinataires pourraient porter plainte auprès d'Interpol.

Le président : D'après ce que vous savez, il n'y a pas d'organisme commun d'application de la loi?

M. Bird : Pas que je sache. Ce serait une question diplomatique plutôt qu'une question juridique. En même temps, la situation est susceptible de se produire si d'autres pays commencent soudainement à nous poser des questions au sujet de renseignements échangés avec eux pour d'autres fins connexes ou si nous découvrons qu'ils auront établi des correspondances avec nos profils génétiques, alors que nous présumions que ce n'était pas le cas. C'est ainsi que nous sommes susceptibles de découvrir qu'ils ne respectaient pas ces conditions.

La sanction probable serait l'ostracisme à l'échelle internationale, c'est-à-dire que tous les autres pays diraient qu'ils ne peuvent se fier à l'engagement du pays en question de n'utiliser les renseignements aux fins prévues, et ce serait un dur coup porté à ce pays, qui ne pourrait plus collaborer avec tous les autres.

Le sénateur Stratton : D'après ce que vous savez, y a-t-il eu des situations qui valident l'hypothèse selon laquelle des pays utiliseraient des données génétiques contre un militant ou des situations semblables? Des situations, par exemple, comme celle qu'a évoquée le sénateur Fraser, où vous avez transmis des données génétiques aux gens d'un pays donné qui les ont utilisées pour juger une personne coupable d'un crime qu'elle n'a pas commis. Y a-t-il des preuves de ce que d'autres pays aient mal utilisé des données génétiques? Voilà l'élément fondamental de la question.

M. Bird : Jusqu'à maintenant, je n'ai été témoin d'aucune expérience canadienne de mauvaise utilisation des données génétiques à l'échelle internationale. La plupart des échanges d'information qui ont permis d'identifier des personnes ont été effectués avec nos voisins américains ou dans le cadre d'enquêtes au Mexique ou aux États-Unis, et le problème de la mauvaise utilisation de l'information ne s'est pas posé. À l'échelle internationale, nous n'envoyons de profil de personne, mais si nous n'avons pas obtenu des renseignements concernant une correspondance établie entre des profils, en d'autres termes, l'identification demandée par d'autres pays qui ont utilisé les renseignements d'une façon illégitime quelconque, je n'en sais rien.

Mme Trudel : Je n'ai pas entendu parler de cas où il y aurait eu mauvaise utilisation des données, mais je peux vous donner quelques chiffres que nous avons sur les échanges internationaux et les résultats que nous avons obtenus, simplement pour vous donner une idée de la fréquence de ces échanges. Le 4 juin, nous avions reçu 220 demandes de recherche de la part de 27 pays. Voici la liste des pays : l'Autriche, la Belgique, la République tchèque, le Danemark, l'Allemagne, la Finlande, la France, la Georgie, la Grèce, la Hongrie, l'Irlande, l'Italie, la Jordanie, le Liechtenstein, la Moldavie, le Monténégro, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, les États-Unis — avec lesquels s'effectue la majeure partie des échanges —, l'Écosse, la Slovaquie, la Slovénie, l'Espagne, la Suède, la Suisse et la Yougoslavie. Voilà les pays qui nous font des demandes. Au 4 juin, nous avions nous-mêmes formulé 76 demandes de recherche à l'intention de d'autres pays. Il s'agit d'échantillons d'ADN prélevés sur la scène d'un crime et envoyés à l'étranger. L'ensemble de ces échanges effectués au fil des ans nous a permis d'établir trois correspondances.

La première correspondance s'est faite entre les échantillons prélevés sur des scènes d'agression sexuelle au Canada et dans l'État de New York. Les deux parties ayant été avisées de la correspondance, les enquêteurs ont pu échanger des renseignements et découvrir qu'ils avaient interviewé le même suspect. Ils se sont donc concentrés sur ce suspect et ont pu résoudre le cas.

Voici un autre exemple : nous avons établi une correspondance entre les échantillons prélevés sur la scène de crime au Canada et le profil d'un délinquant condamné aux États-Unis. Si vous voulez lire sur ce cas, je vais vous le résumer, mais le rapport annuel pour 2004-2005 de la Banque nationale de données génétiques en parle. Le cas était celui d'une Canadienne qui s'était plainte d'avoir été agressée sexuellement pendant ses vacances au Mexique. Lorsqu'elle est rentrée au Canada, un échantillon a été traité dans l'un des laboratoires judiciaires, et on a établi le profil d'un homme à partir des éléments de preuve présentés. Ce profil a été envoyé avec une demande de recherche, aux fins de comparaison avec les données d'autres bases de données. Lorsqu'on a comparé le profil avec les données d'une base de données américaines, on a obtenu une correspondance avec un délinquant condamné en Californie.

À l'époque, on ne savait pas où se trouvait le suspect. Il avait enfreint les conditions de sa libération, et, en faisant une enquête approfondie, on a pu le retrouver dans une prison du Mexique, où il se trouvait parce qu'on l'accusait d'agression sexuelle. Voilà un deuxième exemple où l'échange d'information a été très utile.

Vous trouverez le troisième exemple dans notre rapport annuel de 2002-2003. Il s'agit d'une correspondance entre un échantillon prélevé sur la scène d'un crime et obtenu des États-Unis à la suite d'une demande de recherche, et un échantillon du fichier des condamnés de la Banque nationale de données génétiques. C'était un cas d'enquête sur un meurtre et une agression sexuelle ayant eu lieu en Ohio en 2001. En 2002, pour relancer une enquête qui n'allait nulle part, les enquêteurs américains ont présenté le cas dans le cadre de l'émission America's Most Wanted. Résultat : on a indiqué à la GRC de chercher un suspect canadien. Au bout du compte, on a découvert que le suspect était emprisonné en Alberta sous un nom différent, mais l'échange d'information a permis de résoudre l'affaire. Il y a eu échange d'empreintes digitales pour s'assurer de l'identité du suspect. Celui-ci a été expulsé aux États-Unis une fois qu'il a fini de purger sa peine au Canada.

Cela vous donne une idée de la fréquence à laquelle nous recevons des demandes des autres pays, à laquelle nous envoyons des renseignements et à laquelle nous établissons des correspondances. Nous avons établi trois correspondances depuis la première demande, en 2002.

Le président : C'est très utile.

Le sénateur Joyal : Ma question a trait au rapport que la vérificatrice générale a déposé en mai 2007 et à la dernière recommandation de la page 39.

Le président : Monsieur Bird, avez-vous un exemplaire du rapport?

M. Bird : Non, je n'en ai pas, et je ne sais pas si je peux répondre à des questions au sujet des laboratoires, parce que je m'occupe de la Banque nationale de données, qui ne fait pas partie des activités des laboratoires judiciaires.

Le sénateur Joyal : Je vais lire la dernière recommandation, parce que celle-ci est liée à la question qu'a posée le sénateur Fraser. À la page 39, voici ce qu'on peut lire à la section 7.87, sous le titre « Rapports sur le rendement » :

Recommandation. La Gendarmerie royale du Canada devrait veiller à ce que les parlementaires reçoivent l'information requise pour demander des comptes au gouvernement sur le rendement de toutes les activités aux Services de laboratoire judiciaires, y compris de la formation sur les délais d'exécution et sur la mesure dans laquelle les cibles de rendement sont atteintes.

Le texte parle de « la GRC », et non d'un laboratoire ou d'un service. C'est un générique. La réponse de la GRC qui figure dans le rapport est la suivante :

La GRC souscrit à l'engagement du gouvernement en faveur de la transparence et de la reddition de comptes. Elle étudiera les mécanismes qui lui permettront de mieux faire rapport au Parlement.

La GRC souscrit à l'engagement du gouvernement en faveur de la transparence et de la reddition de comptes. Qu'envisagez-vous pour permettre aux parlementaires de demander des comptes aux Services de laboratoire judiciaires et aux autres services de la GRC qui participent à la gestion des données génétiques?

M. Bird : Mes connaissances sur ce sujet sont un peu superficielles. D'après ce que je sais, la GRC prévoit donner de l'ampleur aux rapports annuels qu'elle présente au Parlement et au Conseil du Trésor. Ceux-ci ont changé lorsque le Conseil du Trésor a adopté une politique selon laquelle ils seraient moins détaillés. Cependant, je pense que la GRC va revenir en arrière et recommencer à présenter des rapports comme ceux qu'elle présentait auparavant, de façon que le Parlement obtienne constamment les mêmes renseignements, plutôt que de devoir composer avec ce qui semblait être un changement par rapport aux renseignements qui figuraient auparavant dans les rapports.

D'après ce que je sais, cela revient à la politique du Conseil du Trésor portant sur ce qui devrait figurer dans ces rapports. La GRC va entreprendre de renforcer les rapports, de façon à les rendre semblables aux rapports qu'elle présentait auparavant, pour toujours faire état des mêmes choses de la même manière. Vous allez pouvoir prendre connaissance de comparaisons d'une année sur l'autre des mêmes éléments. C'est ainsi que j'interprète la réponse.

Le sénateur Joyal : Pouvons-nous nous attendre à obtenir, dans le prochain rapport, conformément à la recommandation de la vérificatrice générale, davantage de renseignements sur les délais d'exécution et la mesure dans laquelle les objectifs de rendement sont atteints? Le projet de loi qui nous occupe aujourd'hui, s'il est adopté, fera augmenter de façon considérable la charge de travail de vos services. Il deviendra important pour le Parlement de pouvoir évaluer la mesure dans laquelle vous atteignez les objectifs, être capable de vous charger du travail supplémentaire engendré par l'ajout d'infractions désignées à la liste, d'effectuer un contrôle de la qualité et d'appliquer le règlement administratif comme un service hautement professionnel. Pouvons-nous nous attendre à ce que, dans le rapport qui s'en vient, vous soyez en mesure d'atteindre ces objectifs au chapitre de l'information?

M. Bird : Vous me forcez à essayer de parler à la place du Commissaire adjoint, Joseph Buckle, qui est directeur des Services des sciences judiciaires et de l'identité et responsable des activités de ce service et de ce qui figure dans les rapports. D'après ce que je comprends de la réponse au rapport de la vérificatrice générale, je pense que vous pouvez vous attendre à recevoir des rapports plus détaillés et plus complets dans l'avenir. La mesure dans laquelle il va faire que cela va se produire est une chose dont je ne peux vous parler aujourd'hui, parce que je ne sais pas ce qu'il a en tête.

Le sénateur Joyal : L'information que vous a demandée le sénateur Fraser en ce qui concerne le nombre de demandes que vous recevez par année, le nombre de pays desquels vous recevez ces demandes et le genre de crime qui fait l'objet de ces demandes devrait figurer dans le rapport. Cette information aide le Parlement à suivre l'usage qu'on fait des banques de données et la manière dont l'information circule. Personne ne mettrait en doute la valeur de cette information, vu les exemples qu'a donnés Mme Trudel. Ma préoccupation a trait à la confidentialité de l'information qui est envoyée. Il y a certaines conditions à respecter avant que l'information soit diffusée.

Mme Trudel : La Banque nationale de données génétiques relève de la GRC, mais nous sommes tenus par le règlement de rédiger un rapport. Nous déposons un rapport chaque année, et c'est dans ce rapport que le genre d'information dont vous parlez pourrait figurer. Si les gens s'intéressent à cette question, nous pouvons ajouter cette information au rapport. Je pense qu'on vous a fourni des exemplaires et des adresses électroniques qui vous permettront de visiter notre site Web et de consulter tous nos rapports. Nous parlons dans ce site de nos succès, de la quantité d'échantillons que nous recevons par année, du genre d'infractions que ceux-ci concernent et du genre de pays desquels nous les recevons. Nous n'avons pas déclaré le nombre de demandes reçues d'autres pays, mais c'est une information qu'il serait facile d'ajouter à nos rapports.

Vous avez parlé de l'arriéré dans le traitement des dossiers et des délais de réponse. Je veux insister encore une fois sur le fait que cela ne pose pas problème en ce qui a trait à la Banque nationale de données génétiques. Normalement, nous recevons entre 350 et 400 échantillons provenant de délinquants condamnés par semaine, et nous traitons et téléchargeons habituellement les données dans CODIS, qui est notre base de données, dans un délai d'une semaine après réception des échantillons. En ce qui concerne le projet de loi et la capacité de la Banque nationale de données génétiques, cette dernière a été conçue pour traiter 30 000 échantillons provenant de délinquants condamnés par année. Nous recevons environ 18 000 échantillons par année, ce qui fait que nous sommes très en deçà de la pleine capacité à l'heure actuelle. Nous pourrions traiter jusqu'à 60 000 échantillons par année si nous devions le faire. La capacité est là. Comme vous l'avez mentionné, le problème, c'est de prélever les échantillons sur les scènes de crime.

Le sénateur Bryden : Si je vous ai bien compris, monsieur Bird, vous avez dit que le rapport qu'a vérifié la vérificatrice générale avait été rédigé en fonction d'un niveau modifié de reddition de comptes, le changement ayant été dicté par le Conseil du Trésor. Le rapport était moins détaillé qu'auparavant, et vous allez maintenant être en mesure de fournir de nouveau ce degré de détail. Est-ce exact?

M. Bird : D'après ce que je sais, il y a deux types de rapports différents. Il y a le genre de rapport qui doit être déposé en vertu de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et qui concerne la Banque nationale de données génétiques, et c'est un rapport à part, puis il y a le rapport sur le rendement du programme, qui est obligatoire dans le cadre du processus budgétaire de reddition de comptes au Parlement quant à la façon dont l'argent est dépensé. C'est le genre de données sur les activités des laboratoires de la GRC où s'effectue l'analyse judiciaire dont la vérificatrice générale parle, et le modèle de rapport présenté au Conseil du Trésor en conséquence de ce qui retourne aux comptes publics donne essentiellement lieu à une collecte permanente de données.

Je me rappelle le témoignage que le commissaire adjoint, M. Buckle, a présenté devant vous, selon lequel son organisation dépose des rapports devant plusieurs autorités, dans lesquels elle se penche sur les résultats et les différents éléments de l'arriéré ou du processus, de façon que ces autorités savent en tout temps comment le processus se déroule, et l'organisation s'est engagée, d'après ce que je sais, à fournir des données significatives dans les rapports annuels déposés devant le Parlement. Il est à espérer que vous allez obtenir davantage de détails.

Le sénateur Bryden : On nous a aussi dit que des ressources importantes allaient être accessibles. Je pense qu'on nous a dit que le budget à cet égard est de 10 millions de dollars. La GRC fournit sur-le-champ cinq millions de dollars de plus, et il y a de cinq à dix millions de dollars supplémentaires sur les deux prochaines années. Il va donc y avoir beaucoup plus de ressources. C'est le témoignage que nous avons reçu lorsque nous nous sommes réunis l'autre jour.

M. Bird : Pour ajouter à ce que vous avez dit, je pense qu'il va y avoir davantage de ressources, je pense que vous allez entendre dire que l'effet ne sera pas immédiat, vu qu'on devra créer la capacité. On devra offrir de la formation et créer la capacité. La capacité supplémentaire n'est pas une chose qu'on peut tout simplement ajouter. Il faut former du personnel, acheter de l'équipement, en vérifier le fonctionnement et l'installer; tout cela.

Le sénateur Trenholme Counsell : La Banque nationale de données génétiques a une capacité excédentaire à l'heure actuelle, mais les observations de la vérificatrice générale que je viens de relire concernaient les Services de laboratoire judiciaire de la GRC. Dans toutes nos discussions, nous devons être prudents et ne pas confondre les deux. Je pense, monsieur le président, que l'arriéré concerne les Services de laboratoire judiciaire — en d'autres termes, les échantillons qui arrivent des scènes de crime. Les deux organisations ont des liens étroits, mais elles remplissent des fonctions très différentes. Dans de nombreux cas, l'une mène à l'autre. Est-il exact que l'arriéré concerne non pas la Banque de données génétiques, mais plutôt les Services de laboratoire judiciaire?

M. Bird : Oui, je suis d'accord avec ce que vous avez dit, il ne s'agit pas seulement des laboratoires de la GRC. D'après ce que je sais, c'est la situation des laboratoires provinciaux qui se trouvent à Montréal et à Toronto. Ils n'arrivent pas à répondre à la demande des services de police quant à l'analyse judiciaire des données provenant des scènes de crime. La banque de données en soi est un service de police national dans le cadre duquel on prend les profils des laboratoires de Québec, de Toronto et de la GRC et on les rassemble avec un seul index aux fins de comparaison, mais il ne s'agit que d'un fournisseur de services en ce qui a trait aux profils établis. Les responsables de la banque ne sont en mesure de gérer ces profils sur les plans de la qualité et de la quantité que si les laboratoires opérationnels les leur présentent. Pour ce qui est de la Banque nationale de données de la GRC, il y a différents laboratoires qui peuvent effectuer l'analyse relative aux fichiers des condamnés, qui est un système de laboratoire à part qui établit ses profils et les verse aux fichiers des condamnés, qu'on utilise ensuite aux fins de comparaison avec les profils établis par les laboratoires opérationnels à partir des éléments des scènes de crime. C'est un peu complexe, parce qu'il y a deux systèmes de laboratoire différents qui produisent des données indexées de deux façons différentes, données qui sont ensuite comparées dans la base nationale de données.

Le sénateur Trenholme Counsell : Lorsque j'ai utilisé le terme « problème », je voulais dire non pas que quelque chose n'allait pas, mais que c'est une question de capacité des Services de laboratoire judiciaire, et que c'est donc probablement une question de budget. Dans l'ensemble du pays, vous n'avez que six laboratoires pour effectuer le travail d'analyse judiciaire, n'est-ce pas?

M. Bird : Il y a six laboratoires à la GRC, qui ne s'occupent pas nécessairement tous du travail d'analyse génétique, mais qui pourraient très bien le faire bientôt, vu la capacité accrue. Il y a aussi deux laboratoires provinciaux — ce qui fait un total de huit laboratoires qui envoient des renseignements provenant des scènes de crime à la Banque nationale de données génétiques.

Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce que le problème, c'est la disponibilité de techniciens qualifiés pour effectuer ce travail, ou est-ce que c'est un problème de budget?

M. Bird : Je pense que ce sont deux problèmes. Il faut de l'argent pour embaucher des gens, puis pour les former, et il faut d'un an à un an et demi pour préparer des analystes à effectuer une analyse génétique précise des éléments d'une scène de crime. La norme est plus élevée, dans un sens, parce que ces gens doivent être prêts à comparaître devant un tribunal et à parler de la nature des résultats qu'ils obtiennent à partir des preuves recueillies sur la scène d'un crime et de la correspondance entre ces résultats et les échantillons prélevés au moyen d'un mandat et qui permettent habituellement par la suite de lier une personne à une scène de crime.

Le sénateur Joyal : Ma question a davantage trait aux enjeux liés à la Charte et à l'alinéa 487.07d) de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques, sous le titre « Obligation d'informer l'intéressé ». Je cite une codification administrative non officielle et produite aux fins de discussion seulement. Le projet de loi modifie cet article, à la page 11.

Je cite l'alinéa 487.07d) :

d) l'autorisation de son pouvoir — ou de celui de toute personne agissant sous son autorité — d'employer la force nécessaire pour procéder aux prélèvements.

Je cite le paragraphe 487.07(3) :

L'agent de la paix — ou la personne agissant sous son autorité — qui procède aux prélèvements veille à respecter autant que faire se peut la vie privée de l'intéressé.

Le fait qu'on puisse employer la force nécessaire pour procéder aux prélèvements des échantillons me fait réfléchir. Comment jugerait-on cela à la lumière de la Charte? La personne n'est pas menaçante ni dans une situation où elle ne peut se dominer. Essentiellement, il s'agit d'une personne qui refuse de se soumettre au prélèvement. Normalement, dans le cadre de notre système judiciaire, une personne qui refuse de se plier à l'ordonnance d'un tribunal est emprisonnée pour outrage au tribunal. C'est la règle habituelle.

Néanmoins, dans le projet de loi, il y a un ensemble de conséquences différentes, sur lesquelles l'agent de la paix ou la personne qui agit sous son autorité peut employer la force. Est-ce que cela fait songer à la Charte et à ce que celle-ci dit au sujet de l'intégrité physique?

M. Bird : Si un agent de la paix est simplement autorisé par une ordonnance d'un tribunal à recueillir l'ADN d'une personne faisant face à une condamnation aux fins de la collecte de données pour la Banque de données génétiques, ou encore par un mandat, que cette personne ne veut pas collaborer, alors les pouvoirs habituels de l'article 25 du Code criminel s'appliquent. Chaque fois qu'un agent de la paix est autorisé par un juge à exécuter une ordonnance, il a le devoir de le faire. Il a donc le même pouvoir en vertu de l'article 25 du Code criminel, qui l'autorise à employer la force nécessaire pour exécuter cette ordonnance. La personne visée par l'ordonnance a le droit de formuler une plainte pour emploi d'une force excessive, mais, si elle empêche un agent de la paix d'exécuter son devoir, elle peut se rendre coupable d'une infraction. Les tribunaux ont parlé de la nature de l'établissement de profils à partir d'échantillons d'ADN. Même si la personne résiste à l'emploi de la force utilisant ces circonstances, cela ne dépasse pas la contention. L'agent immobilise la personne de façon à pouvoir recueillir l'échantillon. Il peut être plus difficile de prendre les empreintes digitales d'une personne immobilisée que d'obtenir un échantillon de ses substances corporelles. On peut soit piquer un doigt avec une lancette, comme celle qu'on utilise pour recueillir des échantillons de sang pour faire des tests de diabète, ou prendre un cheveu. La force nécessaire dans cette situation correspond à la contention minimale. Si une personne n'accepte pas d'ouvrir la bouche pour laisser l'agent prendre un échantillon de sa salive, il y a d'autres moyens d'obtenir un échantillon d'ADN.

Le président : Ne pensez-vous pas que cela empiète sur les droits individuels que garantit la Charte?

M. Bird : Je ne pense pas, et les tribunaux ont dit que, de par sa nature, le prélèvement d'échantillons était une intrusion minimale dans la vie privée. C'est une norme très basse. Si vous lisez les décisions de la Cour suprême, vous allez constater que les juges ont dit que, en fonction des éléments probants dont ils disposaient sur les techniques utilisées, c'est un processus raisonnable, et ces décisions ont été contestées.

Le sénateur Joyal : À partir du fait qu'il s'agit d'une intrusion dans la vie privée de la personne, comment qualifiez- vous cela?

M. Bird : C'est une intrusion minimale d'après la Cour suprême, vu la nature de la procédure et du processus utilisé. La personne qui est reconnue coupable d'une infraction doit s'attendre à un respect moins grand de sa vie privée. Lorsque les tribunaux jugent qu'une personne peut causer du tort à la société dans l'avenir, alors ils pensent qu'il est dans l'intérêt public de verser les données génétiques de cette personne dans la banque de données, au cas où cette personne récidiverait et ferait de nouvelles victimes au sein de la société, de façon que l'enquêteur puisse rapidement identifier la personne ayant commis ces infractions. Dans notre société, il est raisonnable de forcer les gens à se soumettre à ce processus lorsqu'un juge a émis une ordonnance de prélèvement d'échantillon d'ADN devant être versé dans la banque de données.

Le sénateur Joyal : Pouvez-vous nous donner le nom de la décision sur laquelle vous fondez votre réponse?

M. Bird : La dernière décision a été rendue dans l'affaire Rodgers. Je n'ai pas la référence devant moi, mais elle serait assez facile à obtenir.

Le président : En quelle année l'arrêt a-t-il été rapporté?

M. Bird : Je pense que c'était en 2006.

Le sénateur Baker : Il a été rapporté sous un autre nom.

Le président : Nous avons la référence; c'est : R. c. Rodgers, [2006] 1 R.C.S. 554, 2006 CSC 15.

Le sénateur Baker : L'arrêt n'a t-il pas été rapporté sous le nom de Jackpine?

M. Bird : Les deux affaires ont été jugées en même temps, et il se peut que les décisions renvoient l'une à l'autre.

Le sénateur Milne : Madame Trudel, vous avez dit que vos laboratoires ont les moyens de traiter un nombre beaucoup plus grand d'échantillons. Peut-on dire que vous avez le matériel nécessaire, mais que vous manquez de personnel? Où en est la capacité?

Mme Trudel : Nous avons la capacité voulue dans la mesure où la technologie demeure la même. Nous disposons de matériel suffisant et nous avons eu la prévenance d'engager des analystes d'ADN, que nous avons formés. Notre effectif d'analystes est complet. Arrive un échantillon, les analystes sont là, dûment formés, prêts à s'exécuter.

Le sénateur Milne : Avez-vous un nombre excédentaire ou insuffisant d'employés, pour traiter d'autres échantillons?

Mme Trudel : Oui, nous pouvons traiter jusqu'à 60 000 échantillons. S'il y en avait davantage, il nous faudrait réévaluer les ressources. En moyenne, nous recevons par année 18 000 échantillons provenant de condamnés.

Le sénateur Milne : Vous avez obtenu trois correspondances sur 230 demandes internationales. Combien de correspondances ou de condamnations avez-vous réussi à établir à l'échelle nationale?

Mme Trudel : Le 1er juin, nous comptions 7 251 correspondances entre le fichier de criminalistique du Canada et le profil d'un condamné tirées du fichier des condamnés de la Banque nationale de données génétiques. Nous avons fourni une piste aux enquêteurs sous la forme de 1 117 correspondances que nous avons établies entre plusieurs scènes de crime. Par exemple, il peut s'agir du recoupement entre un élément d'information de la GRC et un échantillon prélevé sur une scène de crime et analysé aux laboratoires de Montréal ou de Toronto.

Le sénateur Milne : Ce sont des condamnés éventuels.

Je vais revenir aux préoccupations formulées par le sénateur Fraser. Monsieur Bird, lorsqu'un autre pays demande l'établissement d'une correspondance possible, les deux pays échangent-ils des informations sur la nature du crime commis là-bas? Est-ce que nous analysons l'échantillon avant de leur faire part de l'information selon laquelle ce serait, oui ou non, un crime au Canada?

M. Bird : D'abord, les gens envoient un formulaire d'Interpol concernant un échantillon.

Le sénateur Milne : C'est dans le cas d'un crime commis dans leur pays. Est-ce que vous analysez la nature du crime en question pour déterminer si c'est un crime au Canada?

M. Bird : À ce moment-là, nous analysons l'échantillon pour déterminer s'il y a une correspondance dans notre banque de données. S'il y a une correspondance, nous leur envoyons un rapport. Une analyse approfondie porte alors sur la nature du crime commis. Est-ce une correspondance du fichier de criminalistique, auquel cas l'organisme chargé de l'enquête peut avoir à s'entretenir avec les enquêteurs là-bas, qui, eux, décideront — en temps normal, ce serait leur affaire dans la mesure où il y a un lien avec une scène de crime à l'étranger et au pays — vis-à-vis de l'information qui provient de votre enquête : ils ont peut-être un suspect. Cette information-là circulerait et, évidemment, à un moment donné, ils détermineraient là-bas ce qu'il convient de faire et quelle est la nature de l'enquête.

En même temps, s'il est question de notre fichier des condamnés, notre service des antécédents criminels entrerait en jeu et déterminerait, d'après les règles qui s'appliquent habituellement à lui, quels sont les éléments d'information tirés des banques de données de la GRC sur les casiers judiciaires qui peuvent être transmis au pays en question dans le cas particulier dont il est question. On examinerait alors la demande.

Le sénateur Milne : Lorsqu'ils échangent ces renseignements personnels à ce stade particulier du processus, à quel moment analysent-ils le genre de crime pour lequel la personne peut être recherchée dans un autre pays, que ce soit considéré constitutionnellement comme un crime ou non au Canada?

M. Bird : Ils connaîtraient la nature du crime avant de réagir et agiraient en conséquence. Ils demanderaient certainement à quelle fin doit servir l'élément d'information tiré des antécédents criminels de la personne.

Le sénateur Milne : Connaissent-ils toujours la nature du crime?

M. Bird : Ils connaîtraient toujours la nature du crime.

Le sénateur Milne : Peut-être que l'homme que M. Bird est en train de consulter pourrait venir à la table et nous donner l'information.

Robert M. Thompson, surintendant, directeur, Services canadiens d'identification criminelle en temps réel, Gendarmerie royale du Canada : Je suis policier à la GRC depuis 35 ans. En ce moment et depuis sept ans, je suis directeur des Services canadiens d'identification criminelle en temps réel. Je suis directement responsable de l'acquisition et de la tenue à jour d'un dépôt national d'empreintes digitales et de casiers judiciaires, et nous continuons d'échanger des données de la même façon dans le cas de l'ADN, mais cela tient davantage au fait qu'il y a maintenant une empreinte biométrique rattachée à toute donnée que nous faisons circuler.

Le sénateur Milne : Plutôt qu'un code barre d'ADN ou une série de chiffres?

M. Thompson : C'est cela.

Le président : Êtes-vous situé à Ottawa?

M. Thompson : Oui.

Le sénateur Trenholme Counsell : J'ai entendu le terme « renseignements personnels ». Ai-je bien compris qu'aucun renseignement personnel ne serait diffusé à moins qu'il y ait correspondance et que toute une série de règles ait été respectée en ce qui concerne l'établissement de données scientifiques et la négociation entre le Canada et l'autre pays. Vous révélez seulement le renseignement personnel après que vous vous êtes rendu compte que la personne est liée à un crime particulier commis dans un autre pays ou ici au Canada, compte tenu des relations internationales. Outre ce fait, c'est d'ADN dont il est question; c'est de science dont il s'agit. À quel moment la science cesse-t-elle être la seule forme de communication et les données personnelles entrent-elles en jeu?

M. Thompson : Comme M. Bird l'a expliqué, une fois la correspondance établie, nous renvoyons au pays qui fait la demande un message pour confirmer ou infirmer l'élément d'information. Cela permettrait au pays en question d'approfondir son enquête. Ces enquêteurs pourraient alors revenir à la charge et poser d'autres questions. Dans mon service à moi, les questions seraient rattachées à une empreinte digitale. Dans mon univers, le nom qu'utilise une personne en rapport avec toute infraction n'est d'aucun intérêt. Nous travaillons à partir d'un tableau biométrique. Le pays hôte ou le pays auteur de la demande ferait parvenir l'empreinte digitale au bureau d'Interpol à Ottawa, pour demander quelles sont les informations associées aux empreintes en question. Ce serait le résultat de la correspondance établie. Chargé de la question, mon bureau attesterait que les empreintes qui nous ont été transmises correspondent à des empreintes que nous avons chez nous.

Nous comptons quatre millions de jeux d'empreintes digitales, mais il ne faudrait pas présumer qu'ils appartiennent à quatre millions de Canadiens. Ce sont simplement quatre millions de jeux d'empreintes digitales provenant de personnes pouvant avoir un casier judiciaire au Canada, quel que soit le pays dont elles sont originaires.

Cela dit, de notre point de vue, les informations que renferme un casier judiciaire se trouvent être dans le domaine public. Autrement dit, un tribunal a déterminé que la personne en question a commis une infraction particulière. Il a rendu une décision à ce sujet. Il peut s'agir, par exemple, d'un verdict de culpabilité qui a entraîné une peine d'emprisonnement de trois ans.

Si nous disons que cela relève du domaine public, c'est que, quelle que soit l'information que j'ai en main moi-même, quelqu'un peut se rendre au palais de justice à Ottawa, acquitter des frais, parcourir les dossiers du tribunal et extraire des données publiques, ou encore des étudiants peuvent aller assister à un procès.

Une fois que nous avons confirmé que les empreintes digitales sont identiques à celles que nous avons dans nos fichiers, dans la mesure où il s'agit d'informations que nous pouvons échanger légalement avec un autre pays — s'il s'agit par exemple des empreintes digitales d'un jeune contrevenant, la loi nous empêche de faire part de l'information à un autre pays en cas de correspondance. D'après les règles de diffusion provenant d'une loi ou des instructions du ministre, nous allons déterminer quelles données peuvent circuler. Les données en question se composent du nom, de la date de naissance, de la dernière adresse connue et de toute donnée criminelle liée à une condamnation. Par conséquent, s'il n'y a pas eu de condamnation, nous ne révélerons pas les données.

Le sénateur Milne : En pareil cas, qu'est-ce qu'il advient de l'échange d'information avec un pays comme la Grande- Bretagne, où les autorités prélèvent les empreintes digitales et l'ADN de toutes les personnes sur lesquelles elles arrivent à mettre la main? Les personnes en question n'ont pas forcément à avoir commis un crime. Les autorités ne détruisent jamais ces fichiers; elles les gardent à jamais. Une fois qu'elles ont établi cela, c'est pour de bon.

Sommes-nous obligés de détruire chez nous les informations dans la mesure où la personne est déclarée non coupable?

M. Thompson : Vous parlez de l'ADN?

Le sénateur Milne : Les empreintes digitales ne figurent pas à l'ordre du jour. C'est d'ADN dont il est question dans ce projet de loi particulier.

M. Bird : Selon les conditions établies, elles peuvent garder les données, mais seulement à condition qu'elles soient liées à une poursuite relativement à une infraction criminelle. Si l'ADN ne sert plus à une poursuite, les autorités ne peuvent l'intégrer dans leur banque de données nationales sous cette forme. Ils peuvent seulement retenir le profil d'identification génétique établi auprès des citoyens, d'après la loi qui est en vigueur là-bas, que la Chambre des lords a déclaré constitutionnelle au Royaume-Uni, si j'ai bien saisi. Pour ce qui est des échantillons prélevés sur les lieux du crime, il faut présumer que nous aurions une correspondance avec un des indices qu'elle préserve d'après leurs lois, mais, en ce moment, les autorités là-bas ne pourraient obtenir l'un quelconque de nos profils d'identification génétique, sauf en rapport avec une éventuelle scène de crime anonyme. S'il n'y a pas de correspondance là-bas, les autorités devraient détruire les données, et nous n'avons rien à ajouter de notre côté.

De manière générale, la politique internationale, si je comprends bien, consiste à dire que c'est une recherche uniquement pour les profils d'identification génétique étrangers qui nous sont envoyés, et ce serait la convention en ce qui concerne le Royaume-Uni et les États-Unis. Chaque pays qui reçoit une demande de recherche dans les fichiers étrangers seulement... il ne retient pas ça dans sa banque de données, et dans la mesure où il n'y a pas de correspondance, il ne garde pas cela, mais il peut y avoir des protocoles qui disent : il faut garder ça pendant six mois, puis faire la recherche à nouveau. Parfois, la recherche ne se fait qu'une fois. Vous pouvez fixer une limite au nombre de recherches que vous transmettez et à la période pendant laquelle la recherche peut se faire, mais, par la suite, ce n'est plus retenu.

Le sénateur Milne : Est-ce que nous fixons une limite à cela?

M. Bird : Dans le cas de la criminalistique, ce n'est que pour enquête. Si les autorités n'ont pas de raisons de garder l'information — il n'y a pas de correspondance — ils ne devraient pas la garder.

Le sénateur Baker : Je veux d'abord féliciter les témoins présents aujourd'hui du bon travail qu'ils accomplissent. J'ai quelques questions rapides à poser à propos du projet de loi.

D'abord, monsieur Thompson, pour ce qui est des empreintes digitales, le projet de loi renferme le terme « peut » — l'agent de la paix (ou toute personne agissant sous son autorité) peut légalement, aux fins de l'identification par les empreintes génétiques, prendre les empreintes digitales de l'intéressé. Est-ce que ce « peut » vous satisfait? Croyez-vous que c'est assez fort? Faudrait-il dire directement que l'agent de la paix prend les empreintes digitales, ou avez-vous autre chose à dire à ce sujet?

M. Thompson : Tout comme Mme Trudel a l'ADN à cœur, j'ai moi-même les empreintes digitales à cœur.

Le sénateur Baker : Ça règle donc la question.

M. Thompson : Dans tout le système de justice pénale, il existe trois façons d'identifier quelqu'un — ce sont les systèmes policiers —, soit le nom, la date de naissance et le numéro de dossier. À l'exception de mon univers à moi — comme je l'ai dit plus tôt, votre nom m'importe peu; il existe dans chacune des provinces une loi qui vous permet de changer de nom légalement. Cependant, vous ne pouvez changer d'empreintes digitales. Si c'est purement une question d'intégrité et qu'il faut que je puisse dire à partir du dépôt national qui vous êtes à mon avis, à mon avis professionnel, l'empreinte digitale me sera toujours utile.

Le sénateur Baker : Ce n'est toutefois pas la question. Comme vous le savez, d'après la Loi sur l'identification des criminels, la personne qui est accusée d'une infraction mixte, que ce soit par mise en accusation ou par procédure sommaire, se fait photographier et fait prendre ses empreintes digitales. Elle doit se présenter au tribunal le lendemain de son arrestation. Dans le projet de loi en question, on dit que l'agent de la paix « peut... prendre les empreintes digitales ». C'était là ma question.

M. Thompson : La Loi sur l'identification des criminels habilite le policier à prendre les empreintes dans le cas d'une infraction mixte ou criminelle, pas de procédures sommaires à moins que ce soit inclus dans l'infraction mixte, mais il n'est nullement obligé de le faire conformément à la Loi sur l'identification des criminels.

M. Bird : Si vous le permettez, je pourrais faire un peu de lumière là-dessus. On peut lire dans la Loi sur l'identification des criminels : « Est autorisée la prise d'empreintes digitales... sur les personnes suivantes : », ces personnes étant notamment « les personnes qui sont légalement détenues parce qu'elles sont inculpées — ou qu'elles ont été déclarées coupables [...] » d'un acte criminel. Ce que nous avions dit au départ, et ça se trouve déjà dans la loi, c'est qu'il faut prévoir la possibilité de prendre les empreintes digitales de personnes qui sont visées par la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques. Les pouvoirs prévus ne sont pas exactement les mêmes; il nous a donc fallu habiliter les policiers à agir ainsi. Nous avons ensuite inscrit cela dans le Règlement sur l'identification par les empreintes génétiques et ils doivent le prévoir dans l'ensemble... un formulaire d'empreintes digitales dûment rempli qui accompagne les empreintes, pour que cela soit accepté. S'ils souhaitent que les empreintes digitales soient acceptées dans le fichier des condamnés de la Banque nationale de données génétiques, ils doivent remettre un formulaire d'empreintes digitales. Nous avons donc obtenu les pouvoirs de procéder ainsi, et ils peuvent utiliser une force raisonnable, mais s'ils ne les prennent pas, nous n'allons pas accepter leurs envois.

Le sénateur Baker : On prend toujours les empreintes digitales de la personne qui est mise en accusation.

J'arrive à la partie du projet de loi où il est question d'une audience dont la date est fixée dans les 90 jours suivant le prononcé de la peine ou l'absolution en vertu de l'article 730; vous savez qu'il s'agit là de la partie sur l'absolution sous conditions ou inconditionnelle. Le tribunal doit tenir une audience spéciale dans les 90 jours du prononcé de la peine pour se pencher sur l'ordonnance dont nous parlons, et nous entendons constamment dire que les tribunaux sont débordés, qu'il faut attendre des mois et des mois avant de pouvoir être entendus, et voilà qu'on leur impose encore de fixer une date dans les 90 jours.

Avez-vous vérifié auprès des instances provinciales — c'est de leurs tribunaux dont il s'agit — pour savoir si cela pouvait poser de réelles difficultés? De la manière dont le projet de loi est rédigé, si la date n'est pas fixée dans les 90 jours, cela devient impossible, non?

M. Bird : Selon ce que j'en sais, vous disposez de 90 jours pour fixer la date de l'audience, pour déterminer cela, de sorte que la date de l'audience pourrait être plus tard, mais c'est une date limite que la Couronne doit respecter en particulier, afin de pouvoir dire : on a oublié, ou le tribunal a oublié de se pencher sur cette question... il doit revenir dans les trois mois ou plus tard et demander qu'une audience soit prévue, puis l'affaire peut procéder.

Le président : L'audience peut avoir lieu un an plus tard.

Le sénateur Baker : Voilà une autre tâche qui est imposée aux juges de tout le pays, qui se disent déjà débordés.

M. Yost évoquait quelque chose il y a un instant, et je veux faire référence à ce à quoi il a fait référence, monsieur Bird, et vous allez peut-être vouloir commenter la question : selon lui, vous êtes mieux placé pour répondre à la question, étant donné votre vaste expérience d'avocat plaidant. Voici : dans l'ensemble du projet de loi, et dans la loi aussi, bien entendu, c'est l'expression « as soon as feasible » qui est employée. Nous sommes habitués à l'expression « as soon as practicable ». En français, cela devient « dès que possible ». Cette question a donné lieu à toute une série d'arguments. On affirme, tout au moins on affirme à Terre-Neuve-et-Labrador, que « as soon as practicable » — et j'en ai fait la démonstration à M. Yost à la suite de l'audience du comité où il est venu témoigner : « as soon as practicable » veut dire non pas « as soon as possible », mais plutôt « as soon as feasible ».

Je sais que l'expression « as soon as feasible » se trouve ailleurs dans le projet de loi en ce moment, mais, ici, au moment où il s'agit d'introduire des parties extraordinairement importantes, avez-vous songé au fait qu'il est dit « dès que possible » en français, mais « as soon as feasible » ici, en anglais, et que, selon la jurisprudence, ces deux notions ne sont pas pareilles. Pensiez-vous plutôt à « as soon as practicable », ce qui pourrait signifier la même chose que « as soon as feasible »?

M. Bird : Je pratique le droit, mais je ne plaide pas. Mon expérience des tribunaux est donc très limitée.

Le sénateur Baker : En droit civil, elle est assez importante.

M. Bird : En discutant de la question, je faisais valoir que je préconise un retour au vocabulaire initial de la loi, soit l'expression « as soon as feasible ». Je suis d'accord avec mon savant confrère, M. Yost : pour éliminer l'idée que les policiers n'aient pas agi dans le délai prévu par la loi, nous adopterions la formule la plus généreuse qui soit, soit de dire que là où il est question de savoir si le policier a agi « dès que possible »... autrement dit, en contre-interrogatoire, un policier pourrait être appelé à dire s'il était possible pour lui de se rendre plus tôt, en conduisant à 200 milles à l'heure, au mépris de la loi, pour arriver à temps pour agir ainsi, et la réponse serait probablement « oui ». Pour éviter cela, pour exprimer notre intention, nous disons que le policier doit s'acquitter de ces tâches avec célérité et qu'il a l'obligation de ne pas laisser traîner les choses... qu'il doit agir en temps utile, sans toutefois que le système soit remis en question plus tard, qu'on affirme que la tâche a été exécutée de manière illégale. Pour enlever à la police la possibilité d'agir ainsi, nous avons demandé que les rédacteurs législatifs prennent l'expression initiale — « as soon as feasible » —, et c'était bien à leur corps défendant, car ils n'apprécient pas cette expression, mais nous la préférons.

Le sénateur Baker : Le président ne l'apprécie pas, permettez-moi de vous le dire.

J'ai une autre question. Le commissaire est tenu de détruire les substances corporelles prélevées sur une personne « sans délai après le verdict d'acquittement définitif de l'intéressé ». Je ne sais pas si vous avez quelque chose à dire à propos du « verdict d'acquittement définitif », ce qui veut dire que les substances corporelles prélevées sur quelqu'un ont été mises en banque avant que la personne ne soit déclarée coupable de l'infraction; et deuxièmement, un an après l'absolution inconditionnelle ou trois ans après l'absolution sous conditions en vertu de l'article 730 du Code criminel. Ma question est la suivante : donnons-nous ici notre aval à une formule où les gens obtiennent l'absolution inconditionnelle? Pour accorder l'absolution inconditionnelle, le juge doit tout étudier, les dossiers criminels, tout, et il doit dire que c'était injuste. Oui, la personne est coupable, mais il est injuste de la détenir dans un établissement. Si c'est un peu plus que cela, il y a des conditions qui s'appliquent. Ce à quoi on a affaire, c'est des substances corporelles prélevées sur une personne qui n'est coupable de rien. Deuxièmement, si vous obtenez l'absolution inconditionnelle, le prélèvement est encore gardé pendant un an.

Pouvez-vous justifier cela?

M. Bird : On nous a dit que, dans certains cas, les gens ont accepté l'absolution inconditionnelle et disent volontiers : « J'aimerais obtenir une ordonnance pour le prélèvement de substances corporelles destinées à la banque de données génétiques. De cette façon, ce sera là pendant un an, comme preuve de ma bonne volonté, du fait qu'on peut me faire confiance en société en m'accordant une absolution inconditionnelle, et mon ADN restera dans les dossiers pendant la période prévue, au cas où je récidiverais. »

Ils peuvent proposer volontairement au tribunal de rendre une telle ordonnance de façon à obtenir une absolution inconditionnelle, et cela garantira qu'ils ne récidiveront probablement pas pendant la période où ils sont visés par l'absolution inconditionnelle.

Le sénateur Baker : Je vais passer à un autre sujet, sinon nous pourrions nous quereller à ce sujet.

Dans le projet de loi, il est dit que le mandat d'arrestation ou d'incarcération délivré par un juge de paix ou un juge d'une cour provinciale peut être exécuté à n'importe quel endroit, dans la province où il a été délivré. Je sais que le juge de la Cour provinciale a compétence dans la province. Puis, il y a une autre partie du projet de loi qui dit qu'un agent de la paix ayant compétence à l'égard de l'intéressé est autorisé, en application du même article, soit le 47.051, à prélever des substances corporelles sur la personne et peut faire en sorte que les prélèvements soient effectués n'importe où au Canada où peut se trouver la personne visée par l'ordonnance ou l'autorisation.

Cela vous déroute-t-il de savoir que, selon un article, ça ne peut se faire que dans la province où l'ordonnance a été délivrée et, selon l'autre, que le policier peut se charger de la tâche n'importe où au Canada?

M. Bird : C'est un peu déroulant... je n'ai pas d'exemplaire de l'ordonnance devant les yeux en ce moment.

Le sénateur Baker : Vous avez toutes ces ordonnances, mais vous voulez dire formulaires.

M. Bird : Cela vous donne compétence — à l'intérieur du district judiciaire. Le juge peut délivrer le document pour la région de Peel, par exemple. Si la personne est repérée en dehors de cette région, nous avons établi clairement que le mandat peut être exécuté n'importe où à l'intérieur de la province.

Nous appliquons également une formule de visa. L'ordonnance du juge ne vaut que dans le district judiciaire où elle a été délivrée; si la personne se trouve donc dans une autre province, il nous faut faire viser l'ordonnance, la faire confirmer. Puis, l'autorisation de prélever un échantillon est manifeste, de sorte que tout agent de la paix sur le territoire en question peut exécuter le mandat.

Nous appliquons également une formule nouvelle de mandat. Nous voulons dire clairement que, dans les cas où la personne ne s'est pas présentée pour se faire prélever l'échantillon, le mandat peut être exécuté où qu'elle se trouve au Canada. C'est un pouvoir qui diffère de celui qui fonde l'exécution de l'ordonnance elle-même.

Nous appliquons des ordonnances et des mandats, dont le traitement diffère selon celui qui les délivre. L'autorisation d'exécution du mandat s'applique au pays entier, si bien que les querelles de compétence ne permettent pas à la personne de fuir en gagnant une autre province.

Le sénateur Baker : Habituellement, les tribunaux déterminent si un mandat exécutable en application de l'article 487 se justifie à première vue. Autrement dit, il existe une abondante jurisprudence sur des cas où un mandat a été jugé légalement inapplicable en raison d'une erreur, que ce soit à première vue ou pour une autre raison.

Pour la première fois, vous avez énoncé les erreurs possibles dans le projet de loi. Vous avez parlé d'une erreur administrative; voici ce qu'on peut faire. Puis, vous avez dit que, dans le cas d'une erreur qui ne modifiait pas le mandat pour ce qui est du fond — est-ce quelque chose de nouveau? Qui a eu cette idée? Pourquoi être si précis dans le projet de loi?

M. Bird : Nous essayons de nous attaquer aux infractions dites « non désignées ». Essentiellement, il est question d'ordonnances que nous recevons à la Banque nationale de données génétiques, mais qui ne semblent pas être conformes du point de vue juridique.

Le sénateur Baker : Elles ont été exécutées.

M. Bird : Elles ont été exécutées, mais les informations n'ont pas encore été entrées dans la banque de données; elles sont en quelque sorte dans les limbes. À nos yeux, ce sont des ordonnances qui ne sont pas parfaitement conformes, si bien qu'elles pourraient nuire à l'intégrité de la banque de données en cas de correspondance, faute d'autorisation légale. Ce sont des ordonnances exécutées qui ne nous paraissent pas conformes. Les policiers ont été autorisés à exécuter l'ordonnance, et l'ont fait, et nous avons reçu les résultats. Maintenant, nous regardons l'ordonnance et nous disons que nous ne pouvons pas ajouter cela à notre liste des infractions désignées.

Qu'est-ce que nous devons en faire? Les policiers ont légalement exécuté les ordonnances. Le commissaire de la GRC doit-il respecter, oui ou non, l'exécution d'ordonnance qui, à première vue, semble relever d'une erreur? Nous avons prévu dans le projet de loi une formule qui nous permet de demander au procureur général de la province si, à son avis, l'ordonnance a été exécutée de manière valable. S'il affirme qu'il ne s'agit pas d'une infraction désignée, nous sommes en mesure de détruire l'ordonnance.

Le sénateur Baker : Question évidente : si on arrête quelqu'un en exécutant un mandat qui est erroné, à première vue, la personne arrêtée ne pourrait-elle invoquer l'article 7 de la Charte pour être innocentée?

M. Bird : Ce n'est pas une mise en accusation; c'est simplement une ordonnance autorisant le prélèvement d'échantillons pour la banque de données génétiques.

Le sénateur Joyal : À ce sujet, justement, il y a ici un élément très important dont il faut tenir compte en ce qui a trait à la Charte. La décision dans l'affaire Rodgers à laquelle vous avez fait allusion a été rendue à quatre voix contre trois. Il y avait trois juges dissidents. C'est le juge Fish qui a rédigé l'avis dissident. Il a conclu que la banque de données génétiques constitue une atteinte nouvelle et importante à la vie privée.

La décision de la majorité, rédigée par la juge Charron, a désigné le crime qui, selon le tribunal, donne à la loi sa valeur d'application. Elle dit :

[Français]

Il y a trois catégories de personnes déclarées coupables et condamnées à une peine d'emprisonnement. La première, la catégorie des personnes déjà déclarées délinquants dangereux; la deuxième, celle des personnes déclarées coupables de plusieurs meurtres commis à différents moments; et la troisième; celle des personnes déclarées coupables de plus d'une infraction sexuelle.

[Traduction]

Au départ, la banque de données était conçue pour les crimes les plus graves. Voici que nous élargissons la définition des infractions désignées. C'est comme lancer un caillou dans l'eau : les rides s'agrandissent, et les principes que le tribunal invoque pour cerner les crimes les plus graves s'étendent et deviennent élastiques.

Je n'ai pas le temps de lire la décision en entier. Cependant, la décision a été rendue par une majorité de quatre voix contre trois à ce moment-là. À mon avis, comme nous le disons en français, l'élastique va finir par céder.

Si cela m'inquiète, c'est que les trois juges ont conclu qu'il s'agit d'une atteinte importante à la vie privée. À en voir l'application, d'après l'infraction secondaire décrite à la page 4 du projet de loi, soit « s'évader ou être en liberté sans excuse », nous sommes très loin du cas d'un criminel dangereux qui a commis de nombreux meurtres et qui a été condamné pour une ou plusieurs infractions sexuelles.

Je n'étais pas contre l'idée d'une banque de données au départ. Notre comité a été le premier à se pencher sur le projet de loi conçu à cet égard. Maintenant, nous sommes vraiment engagés dans cette histoire, et vous fondez votre conclusion sur une décision qui s'articule autour du premier concept de banque de données que nous avons vu. Nous devons être conscients de ce que nous recherchons en ajoutant des définitions et en essayant de faire le meilleur usage possible de la banque. Je suis tout à fait en faveur de l'idée, mais si nous dépassons un certain cadre, nous aurons peut- être des difficultés liées à la Charte.

M. Bird : Il faut noter que l'arrêt Rodgers porte sur ce qui a été qualifié de formule rétroactive. Il s'agit d'infractions commises avant que le projet de loi ne soit adopté. De manière rétroactive, il s'agissait d'autoriser un nombre très limité de catégories incluant les délinquants dangereux, les auteurs de multiples meurtres et de multiples agressions sexuelles, à des fins d'identification. Il devait s'agir de délinquants ayant été déclaré coupables ou purgeant une peine ou étant visés par une décision quelconque de la part d'un tribunal. Le choix des personnes en question s'est fait suivant l'idée qu'il s'agit d'un nombre très limité.

La formule prospective — et il y a là une certaine expansion dans les projets de loi C-13 et C-25, de manière rétroactive mais limitée... touche les affaires à venir, de sorte que quiconque commet un crime aujourd'hui sait qu'il sera assujetti à ce genre de régime. Au fil de cette expansion, leur cas serait admis comme pouvant être inclus dans la banque de données génétiques.

Du point de vue des orientations sociales, je vous encouragerais à envisager le fait que bon nombre d'infractions moins graves, par exemple l'introduction par effraction, le vol et les infractions relativement moins graves contre les biens, à la suite d'une procédure sommaire, ont mené à des crimes graves, notamment le meurtre et l'agression sexuelle. Il y a une progression éventuelle des infractions sexuelles, en particulier, mais, les auteurs de crimes graves sont enclins à commettre des infractions mineures, si bien qu'il est autorisé de prélever ici des échantillons d'ADN sur les lieux d'une infraction mineure, car il faut qu'il s'agisse d'une infraction désignée pour que cela figure dans le fichier de criminalistique. Il y a deux aspects à la question. D'abord, il y a le prélèvement sur les condamnés, auquel cas le juge regarde le dossier de la personne et détermine que son ADN devrait figurer dans la banque de données. Dans l'arrêt Rodgers, les tribunaux ont affirmé que même la surveillance judiciaire ne s'imposait pas, même s'ils y voient une bonne politique sociale. Les éléments tirés du lieu du crime renvoient également à une infraction désignée dans la loi; les policiers, en prélevant les échantillons et en trouvant la solution, améliorent la sécurité publique. Bon nombre de cas statistiques que la GRC a intégrés à la Banque nationale de données génétiques permettent de faire un lien entre les infractions mineures en question et des crimes qui sont très graves. Je ne peux vous donner les statistiques exactes, mais peut-être que Mme Trudel peut le faire.

Le sénateur Bryden : Il faut qu'il y ait à un moment donné un point où l'intégrité de la personne en tant qu'individu et sa vie privée l'emportent sur la protection du public. Ce n'est pas illimité.

À un moment donné, j'ai pu étudier la question des crimes commis contre les animaux et, dans ce domaine, il existe une théorie selon laquelle l'enfant qui est cruel envers les animaux peut devenir un adulte qui sera cruel envers les êtres humains. Je ne sais pas dans quelle mesure les données le confirment. Cependant, cela m'est venu à l'esprit : si une personne est condamnée pour avoir commis une infraction prévue au Code criminel, c'est-à-dire pour avoir fait souffrir inutilement un animal, est-ce que nous déciderions de prélever son ADN parce qu'il finirait probablement, selon cette théorie, par être quelqu'un qui nuit aux autres personnes à l'âge de 65 ans?

Il y a un seuil. Si nous avons une Charte, c'est pour une raison, et, en temps normal, la Charte permet l'intrusion dans la vie privée que représentent les fouilles, saisies et perquisitions. C'est prévu à l'article premier de notre Constitution, qui dit que cela ne peut se faire que dans des limites qui soient raisonnables dans le cadre d'une société libre et démocratique. Notre comité en particulier doit constamment chercher un équilibre entre, d'une part, la sécurité du public, et d'autre part, la vie privée et l'intégrité des individus. Nous avons tendance à adopter l'idée qui est en vogue ou l'idée que chérit le parti qui se trouve à être au pouvoir. Les gouvernements libéraux se font souvent accuser de trop privilégier la liberté de l'individu, alors que certains gouvernements de droite penchent de l'autre côté. Notre comité a la responsabilité, tout au moins, de porter un jugement et d'essayer de voir si nous ne versons pas dans l'excès d'un côté ou de l'autre.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je ferais une comparaison entre la médecine et la justice. Nous parlons de l'art de la médecine et de sciences médicales, et la science connaît une expansion si extraordinaire, alors que l'art essaie seulement de défendre sa place. Nous sommes en présence ici de l'exemple où il y a l'art de la justice et la science juridique. Dans la mesure où la technologie est bien utilisée et que les règles sont rigoureusement respectées, c'est un bond prodigieux pour la justice.

Monsieur Bird, compte tenu de toutes les lectures que j'ai faites sur cette question, j'en suis venu à me soucier des correspondances moyennes. Le 27 février, cette année, devant un comité de la Chambre des communes, vous avez fait une déclaration à propos de laquelle j'aimerais obtenir d'autres assurances. Vous avez dit : « Les renseignements signalétiques ne seront pas transmis, ni même les profils criminalistiques, tant que les scientifiques ne se seront pas entendus pour dire qu'il y a correspondance, ou une correspondance suffisamment proche, et qu'ils souhaitent obtenir des renseignements au sujet des contrevenants ou des lieux du crime qui y sont associés. » Vous parliez de la communication internationale de l'information. Il y a correspondance ou il n'y a pas correspondance. Vous avez employé le terme « correspondance suffisamment proche ».

Peut-être que seul un scientifique pourrait répondre à la question, mais, devant cela, je m'inquiète. Je me soucie beaucoup de l'exactitude des données. Il n'y a pas d'art dans le domaine. C'est uniquement scientifique. L'exactitude des données est un sujet que je comprends et que j'apprécie, et qui m'inquiète beaucoup.

M. Bird : Si vous le permettez, j'expliquerais cela mieux que je l'ai fait pendant mon témoignage : j'essayais de résumer les nouvelles modifications proposées de l'article 6 du projet de loi — qui exige une correspondance moyenne — autrement dit, il faut déterminer que, en rapport avec l'acte criminel en question, le profil ne peut être écarté, sinon il existe plusieurs profils possibles, car il s'agit d'un nombre limité d'allèles... il est donc possible qu'il y ait plus d'une correspondance, et on dit : « Est-ce qu'il y a une correspondance? » Il faut qu'il y ait une discussion scientifique qui vise à déterminer : est-ce cette correspondance-ci ou ce profil-là? Tout ce que les gens voient, ce sont les données anonymes que vous avez vues au bas de la page 13. Il y en a une liste. Ils essaient de déterminer si les profils en question correspondent à un autre qui paraît semblable, mais dont tous les éléments ne sont pas présents. Il y a des éléments manquants. Ils peuvent dire : « Nous en avons plus ici. Est-ce le bon? Y a-t-il une raison à cela? » Aucun renseignement signalétique n'est communiqué tant que la discussion scientifique n'est pas terminée. Les scientifiques concluent raisonnablement qu'ils ne peuvent écarter ceci et qu'il est possible qu'il y ait correspondance.

La seule façon de tirer les choses au clair, c'est de permettre que la police fasse enquête. Cette personne dont nous avons un échantillon d'ADN était-elle en prison ou dans un autre pays au moment où l'acte criminel a été commis au Canada? Si l'enquête policière permet d'exclure cette personne, c'est à ce moment-là que les renseignements signalétiques peuvent être communiqués. Rien n'arrive tant qu'on n'en est pas rendu à ce point.

Il n'est pas possible scientifiquement d'exclure un raisonnement scientifique qui dit qu'il y a correspondance. Il est toujours possible qu'il y ait correspondance. À ce moment-là, les renseignements sont communiqués. Cependant, aucun renseignement n'est communiqué tant que cette conclusion n'a pas été tirée. C'est l'affaire d'analystes scientifiques.

J'espère que cela tire au clair ce que j'ai dit au comité de la Chambre des communes.

Le sénateur Trenholme Counsell : Êtes-vous en train de dire qu'il n'est pas possible d'exclure un profil? À l'étude des données, vous n'avez pas prouvé qu'il y a correspondance, mais il n'est pas possible d'écarter le profil. Il y a une différence.

M. Bird : C'est cela. Il n'est pas possible d'affirmer qu'il n'y a pas correspondance. Nous ne pouvons pas arriver à cette conclusion scientifique, de sorte que la question reste ouverte : il faut d'autres moyens pour trancher. Cela peut prendre la forme d'une enquête policière ou d'autres choses, mais les renseignements signalétiques liés aux profils en question peuvent alors être communiqués, ou les enquêteurs, mis en relation.

Il y a deux possibilités. Nous ne savons pas ce que ça donnera, que ce soit la communication de renseignements signalétiques devant les profils que nous avons ou, d'une manière ou d'une autre, un dossier d'enquête canadien... à ce moment-là, les renseignements peuvent être communiqués. Toutefois, ce n'est qu'une fois cette conclusion tirée qu'il est possible de conclure qu'il ne faut pas écarter le profil.

C'est dépeint de manière négative, car nous ne savons pas si nous avons une correspondance parfaite. Au sens rigoureux du terme, cela nous suffit, du point de vue d'une détermination positive. Cependant, s'il n'y a pas de correspondance, aucun renseignement n'est jamais communiqué.

En cas de correspondance exacte, nous pouvons discuter des renseignements communiqués. Si nous ne savons rien, nous devons nous demander combien de profils nous pouvons exclure à la suite d'une analyse scientifique... c'est le processus d'élimination. Nous réduisons le nombre de correspondances éventuelles, dans les cas par exemple où il y a plus d'un nom à communiquer ou plus d'une enquête. Il faudra beaucoup moins de temps à la police pour agir si elle peut, à la suite d'une analyse scientifique, s'attacher à un nombre limité d'enquêtes ou de personnes.

Le sénateur Trenholme Counsell : À regarder le travail que vous avez effectué au fil des ans, diriez-vous que cette démarche finale, soit l'incertitude suivie d'un appel au jugement, a pris beaucoup de temps?

M. Bird : Je crois comprendre que c'est un problème constant en ce qui concerne l'analyse d'ADN. C'est la règle plutôt que l'exception. C'est pourquoi nous prévoyons cela dans les lois nationales, pour la communication de renseignements à l'échelle nationale. Il a fallu cela pour que les scientifiques puissent en arriver à établir la vérité dès que possible. Sinon, nous devons dire : ce n'est pas une correspondance exacte, nous ne pouvons vous remettre le profil. Désolé.

Mme Trudel : Du point de vue de l'expertise médico-légale et de la Banque nationale de données génétiques, nous sommes chanceux : les échantillons — échantillons de sang ou de cheveux, par exemple — sont prélevés grâce à une fiche. C'est frais. Les éléments recueillis sont envoyés au laboratoire et analysés immédiatement. Comme vous pouvez le voir, nous parvenons habituellement à établir un profil d'ADN complet pour les 13 régions de l'ADN que nous analysons.

Malheureusement, ce n'est pas le cas des éléments prélevés sur les lieux d'un crime. Ces échantillons-là sont laissés à l'air libre, parfois à des températures élevées. Ne nous leurrons pas : tous nos liquides corporels sont biodégradables. Au fil du temps, vous allez peut-être perdre une partie des informations génétiques tirées des échantillons prélevés sur les lieux d'un crime. Au moment de faire la comparaison, vous allez peut-être constater que vous n'avez pas de données pour une des régions de l'ADN.

Au moment de comparer avec le profil complet d'un délinquant, il faut une discussion. Tous les laboratoires médico-légaux appliquent des critères afin de déterminer ce qui est présent et ce qui ne l'est pas dans un profil génétique. Il peut y avoir des données génétiques, mais en deçà du seuil nécessaire pour donner un avis éclairé.

Par exemple, dans une région donnée de l'ADN prélevé sur les lieux d'un crime, il n'y aurait peut-être que le secteur 18 qui serait visible, alors que le condamné qui a été interrogé et identifié est peut-être associé au 18 et au 19. Lorsqu'une telle discussion a lieu, on constate que c'est serré. Il manque le 19.

Vient alors la question suivante : les scientifiques doivent se demander pourquoi le secteur 19 n'apparaît pas dans l'échantillon. Puis, les spécialistes du laboratoire médico-légal peuvent les regarder de plus près et déterminer s'il y a une région où il y a dégradation. En regardant le profil lui-même, ils peuvent en jauger la qualité et relever les signes de dégradation. Par conséquent, nous pouvons expliquer pourquoi un élément particulier du profil n'y figure pas. C'est pourquoi, à ce moment-là, le renseignement peut être communiqué aux responsables.

C'est un renseignement qu'il ne faut pas oublier. Ce n'est qu'une piste. À ce moment-là, ils devront présenter une demande et obtenir un mandat. Ils recevront un échantillon prélevé grâce au mandat et effectueront de nouveau la comparaison. Cela fait, ils rédigeront un rapport destiné au tribunal. Comme nous l'avons dit hier, d'après le nombre de régions d'ADN où on peut voir une correspondance parfaite en tout lieu, ils vont en arriver à une correspondance aléatoire.

Dans le rapport médico-légal, les scientifiques affirmeront qu'il n'y avait pas de correspondance complète pour les 13 régions de l'ADN. Ça ne valait que pour dix ou 11 régions du fait de la dégradation, et voici la pondération associée à l'analyse statistique en question. Voici le facteur de pondération rattaché à ce résultat, au moment où le rapport est présenté soit au tribunal, soit au procureur de la Couronne. Par conséquent, moins on décèle des informations génétiques, moins on accorde un poids aux résultats.

Autre situation : la technologie est à ce point sensible qu'il est possible de repérer des échantillons mélangés prélevés sur les lieux d'un crime. Tout ne provient pas toujours d'une seule et unique source. Par exemple, s'il y a eu un combat, il peut y avoir le sang des deux personnes mêlé dans un même échantillon. Il faut régler ce problème, car une correspondance moyenne en est une où il faut déceler notamment des traces du condamné.

Puis, il faut discuter de la question avec les scientifiques du laboratoire, qui ont un relevé visuel du profil mixte, pour voir que ce n'est pas vraiment une correspondance. Et si tel était le cas, ce n'est qu'à ce moment-là que les renseignements sont communiqués. Encore une fois, suivant la ligne directrice sur l'interprétation, ils vont accorder le facteur de pondération nécessaire à leurs résultats, au moment d'obtenir à des fins de comparaison un échantillon d'ADN prélevé grâce à un mandat.

Le président : Merci de cet exposé. Monsieur Bird, madame Trudel et monsieur Thompson, au nom du comité, merci beaucoup d'être venus comparaître aujourd'hui et d'avoir répondu à quelques questions scientifiques très difficiles. Cela a certainement été utile à nos délibérations.

J'aurais aimé poser des questions à propos de la personne que vous avez décrite comme pouvant s'attendre à une vie privée réduite, mais ce sera pour une autre fois.

L'analyse d'ADN est de plus en plus courante. Comme le sénateur Bryden a pu le dire, je suis d'avis qu'il importe de trouver un juste équilibre entre la vie privée des gens et les besoins de la police en rapport avec tous ces échantillons d'ADN. Nous avons eu une bonne discussion à ce sujet aujourd'hui, nous vous en remercions.

Voilà pour les témoins. Y a-t-il des modifications que quelqu'un aurait préparées? Le cas échéant, vous êtes prié de fournir à la greffière du comité, dès que possible, un exemplaire des modifications dans les deux langues officielles. S'il n'y a pas de modifications, au moment d'étudier le projet de loi article par article demain, nous pourrons choisir comment regrouper les articles à cette fin.

Mesdames et messieurs les sénateurs, êtes-vous au courant des modifications qui visent le projet de loi?

Le sénateur Fraser : Ce sont non pas des modifications, mais plutôt des observations que je ferais.

Les statistiques ont servi à me convaincre du fait que l'instauration d'un régime de surveillance rigoureux dans le domaine de la communication internationale des renseignements est pour demain plus que pour aujourd'hui, mais c'est vraiment une question pour demain.

Je proposerais que nous ajoutions au rapport des observations pour presser le gouvernement de concevoir rapidement un régime rigoureux dont un des critères serait le suivant : lorsqu'un autre pays demande un renseignement au Canada afin de procéder à une enquête criminelle, l'enquête en question doit porter sur un acte qui serait considéré comme un acte criminel aux yeux du droit canadien s'il était commis ici.

Le président : Il me semble que le sénateur Joyal et le sénateur Grafstein ont tenu de nombreux débats là-dessus au Sénat, il y a quelques années.

Le sénateur Fraser : Je crois que c'était à propos du projet de loi sur l'extradition. Je crois que nous en avons retenu le vocabulaire, n'est-ce pas? Cela me paraît donc être un précédent utile.

Je prendrai 30 secondes pour dire que, il y a 35 ans de cela, j'ai été ahuri lorsque, en compagnie d'un groupe de journalistes canadiens, pendant une visite des installations informatiques du FBI, à Washington, un responsable du FBI, fier de lui, nous a fait une révélation : la GRC coopérait à tel point avec le FBI que ce dernier avait l'adresse de chacun des Américains qui avaient fui au Canada pour éviter d'être enrôlés. C'était à au plus fort de la guerre du Vietnam. Je ne sais pas si c'était vrai, car ce n'est que le responsable de l'informatique du FBI qui a dit cela, mais j'en ai été suffisamment secoué pour constater qu'il importe d'avoir des régimes de surveillance rigoureux — pour que le travail à faire puisse se faire, mais que, en même temps, les valeurs que les Canadiens souhaitent protéger soient bel et bien protégées.

Le sénateur Joyal : Dans la même veine, et je vais lier ma question à l'intervention du sénateur Fraser, nous devrions nous reporter à la recommandation de la vérificatrice générale, soit que les parlementaires soient mieux renseignés afin de pouvoir exiger des comptes au gouvernement en rapport avec ce genre d'activités. Notre responsabilité consiste en partie à surveiller la situation à cet égard et à nous assurer de disposer de l'information voulue, d'être en mesure d'évaluer les conséquences de la banque de données et de l'évolution de la banque de données au fil des ans.

Comme vous l'aurez compris, monsieur le président, de manière générale, le gouvernement vient ajouter des éléments au terme d'une année ou deux, et nous perdons de vue le travail que nous avons fait. Il est très important que nous disposions de l'information nécessaire pour mieux évaluer le système que nous avons mis en place et nous assurer de maintenir, comme je l'ai dit au moment de mon intervention et comme d'autres sénateurs l'ont dit, la protection offerte aux Canadiens par la Charte. Il faut garder cela à l'esprit. Cela fait certainement partie des préoccupations que nous avons en commun, ici, autour de la table.

Le président : M. Bird a révélé aujourd'hui que le Conseil du Trésor a modifié les lignes directrices pour ce qui touche la quantité d'information donnée aux parlementaires. Maintenant, on revient à l'ancienne façon, où les informations étaient plus étoffées. Je crois qu'il serait bien d'inclure cette observation.

Honorables sénateurs, voilà qui met fin à cette partie de notre ordre du jour. Souhaitez-vous passer à la partie suivante?

Puis-je demander à Margaret Young de venir s'installer à côté du sénateur Joyal?

Honorables sénateurs, je souhaite proposer la motion suivante. Convenez-vous de ce que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles remercie Margaret Young, à l'occasion de sa retraite, de l'excellent travail qu'elle a abattu pour le comité et de son dévouement envers le Sénat pendant les 24 années où elle a travaillé pour le Parlement?

Des voix : D'accord!

Le président : Honorables sénateurs, voilà qui est officiellement noté et qui met fin officiellement à notre réunion.

La séance est levée.


Haut de page