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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 32 - Témoignages du 21 juin 2007


OTTAWA, le jeudi 21 juin 2007

[Traduction]

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui à 10 h 51 pour examiner, pour en faire rapport, les conséquences de l'inclusion, dans les lois, de clauses non dérogatoires concernant les droits ancestraux et issus de traités existants des peuples autochtones du Canada aux termes de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, nous sommes ici aujourd'hui pour poursuivre notre étude des conséquences de l'inclusion, dans les lois, de clauses non dérogatoires concernant les droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones du Canada. C'est le troisième ordre de renvoi du Sénat à ce sujet, mais nous avons fait peu de progrès en raison de l'urgence d'autres travaux. Nous pensons que la situation sera un peu différente cette fois-ci.

L'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 dit :

Les droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones du Canada sont, par les présentes, confirmés.

En outre, l'article 25 de la Charte garantit que certains droits et libertés ne portent pas atteinte aux droits ou libertés — ancestraux, issus de traités ou autres — existants ou ayant été acquis par les peuples autochtones du Canada.

Même avant 1982, des dispositions avaient été incorporées dans certaines lois fédérales indiquant que rien dans la loi ne porte atteinte aux titres, droits ou revendications des Autochtones. Depuis 1982, des clauses non dérogatoires qui ont été incorporées dans diverses lois fédérales peuvent porter atteinte aux droits des peuples autochtones. Deux formulations distinctes ont été utilisées principalement. Le comité a examiné au cours des deux derniers jours d'audience quelques questions qui ont été soulevées. Quel est l'objectif et l'effet de telles clauses? Sont-elles nécessaires compte tenu des protections constitutionnelles incluses? Est-ce que la Loi d'interprétation sur l'interprétation des lois pourrait être utilisée?

Hier, les témoins qui ont comparu devant le comité nous ont recommandé d'examiner la terminologie de la Loi d'interprétation dans les provinces du Manitoba et de la Saskatchewan. Si de telles clauses doivent être utilisées, comment les formuler le mieux possible à la lumière de la garantie de l'article 35? Dans quelles lois devraient-elles être incorporées?

Pour nous aider dans nos discussions ultérieures à ce sujet, nous avons devant nous, honorables sénateurs, M. Gordon Polson, agent de recherches en affaires juridiques, Congrès des Peuples Autochtones. M. Polson aimerait nous donner une vue d'ensemble, nous passerons ensuite aux questions.

M. Polson, bienvenue au comité. Nous avons hâte d'entendre votre point de vue.

Gordon Polson, agent de recherches en affaires juridiques, Congrès des Peuples Autochtones : Au nom du Congrès des Peuples Autochtones, je suis heureux de comparaître aujourd'hui devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour présenter les points de vue du Congrès des Peuples Autochtones sur les conséquences de l'inclusion, dans les lois, de clauses non dérogatoires aux termes de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Avant d'entrer dans les détails, je voudrais vous donner quelques renseignements sur le Congrès des Peuples Autochtones. L'organisation existe depuis 1971 et M. Patrick Brazeau, un Anishinabe de la réserve de Kitigan Zibi, en est le chef national. Malheureusement, il ne pouvait pas être ici aujourd'hui en raison d'autres engagements. Il est en déplacement pour quelques jours, mais il transmet ses salutations aux membres du comité.

Le Congrès des Peuples autochtones est une organisation nationale. C'est un organisme-cadre qui représente à la fois les intérêts collectifs des organisations membres provinciales et territoriales et les intérêts individuels des Autochtones vivant à l'extérieur des réserves, dans des zones urbaines et rurales et dans des régions isolées partout au Canada.

Je commence l'exposé en signalant que pour tout montant de 8 $ versé par le gouvernement aux Autochtones vivant dans les réserves, seulement 1 $ est versé à ceux qui vivent à l'extérieur des réserves alors que plus de 50 p. 100 des Autochtones vivent à l'extérieur des réserves. Comme vous pouvez l'imaginer, ce taux de financement inapproprié met les commettants du Congrès des Peuples Autochtones en position très désavantageuse. Je suis ici aujourd'hui pour soulever cette question et pour aider à assurer que la position de nos commettants ne soit pas encore plus désavantageuse dans le cadre de la future mise en œuvre de la loi fédérale pouvant avoir un effet sur leurs droits individuels, ancestraux et issus de traités. C'est la raison pour laquelle le Congrès des Peuples Autochtones a accepté l'invitation de parler ici aujourd'hui.

Relativement à la question étudiée par les membres de cet estimé comité, le Congrès des Peuples Autochtones souhaite prendre en compte trois considérations. Je vais commencer par les énumérer, mais j'en parlerai plus en détail tout à l'heure.

Premièrement, il est possible que l'inclusion d'une clause non dérogatoire dans la loi fédérale ne soit pas nécessaire parce que l'article 35 de la Constitution offre suffisamment de protection. Deuxièmement, il est possible d'incorporer une disposition dans la Loi d'interprétation illustrant les clauses non dérogatoires concernant les droits ancestraux et issus des traités des peuples autochtones. Troisièmement, il y a l'inclusion d'une clause non dérogatoire dans chaque loi fédérale qui touchera les peuples autochtones.

Pour le Congrès des Peuples Autochtones, l'inclusion de clauses non dérogatoires dans la loi fédérale semble être plus une question politique qu'une question juridique. La politique est l'information relative à toute la rédaction et à toute la mise en œuvre de la loi et son interprétation après-coup. La question est de déterminer si l'inclusion d'une clause non dérogatoire dans la loi fédérale est nécessaire.

Avant de parler des différentes options, j'aimerais souligner la raison pour laquelle nous sommes confrontés à cette question. Je comparerais le droit autochtone à la loi constitutionnelle et à d'autres formes du droit euro-canadien, si vous voulez l'appeler ainsi.

Nous pensons qu'il est important de comprendre ce que « droit autochtone » signifie aujourd'hui et la façon dont nous le percevons. De manière générale, le droit autochtone est un droit qui évolue et qui est utilisé par la société euro- canadienne pour aborder, d'un point de vue juridique, des questions liées aux droits des peuples autochtones et non autochtones. En fait, ce n'est pas le droit des peuples autochtones, car les peuples autochtones ont leurs propres pratiques et systèmes juridiques utilisés depuis la nuit des temps. C'est à beaucoup d'égards là que se situe une grande partie du débat entourant cette question particulière à cause de nos différents points de vue et différentes façons d'envisager les choses.

Le concept global des rapports juridiques entre les peuples autochtones et les peuples non autochtones a commencé quand ces peuples sont entrés en contact; ces rapports ont évolué avec le temps. Nous devons étudier ces rapports juridiques qui témoignent d'une riche histoire socioculturelle et économique faisant partie intégrante du droit autochtone actuel.

Malheureusement, le gouvernement du Canada n'a pas toujours accordé à cette histoire socioculturelle et économique le respect qu'elle mérite. Le traitement des peuples autochtones ces cinq derniers siècles par le gouvernement a été affligeant. Les peuples autochtones ont dû lutter avec acharnement pour faire reconnaître leurs droits juridiques dans la loi euro-canadienne coloniale.

En dépit de cette difficulté, sur une note positive, notre lutte a connu son apogée en 1982 et a abouti à la protection de nos droits ancestraux et issus des traités sous la forme de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Pour étudier de manière plus approfondie cet article et en chercher le véritable sens, mentionnons l'affaire Sparrow de la Cour suprême du Canada où il a été déterminé que l'objectif fondamental de l'article 35 est une forme d'équilibre des droits et de la réconciliation entre les peuples autochtones et non autochtones.

Malgré cette réconciliation, encore une fois, l'interprétation par le gouvernement canadien et les tribunaux canadiens de l'article 35 reste litigieuse. En raison de ces interprétations, les véritables points de vue et épistémologies d'un grand nombre d'Autochtones ne sont pas représentés dans l'objectif de l'article 35 de la Constitution. Il semble y avoir un écart entre la théorie et la pratique : la réconciliation et ce que la décision de l'affaire Sparrow entraîne vraiment.

Il y a aussi d'autres affaires comme l'affaire Haida, par exemple. Comme je l'ai dit, la ténacité des peuples autochtones a poussé le gouvernement fédéral à commencer à combler cet écart — il y a deux points de vue différents. Le paragraphe 718.2 e) du Code criminel en est un exemple. L'affaire Gladue illustre la façon dont le système juridique a refusé une forme de justice hégémonique tout en reconnaissant le fait qu'il y a une équité et une égalité et la nécessité d'avoir un système juridique réparateur. Bien que la Cour suprême du Canada ait déclaré que les droits ne sont pas absolus dans l'affaire Sparrow, elle est allée plus loin et a annoncé qu'ils étaient comparables à certains autres droits de la Charte. Toute violation par le gouvernement de ces droits particuliers est assujettie à un critère rigoureux de l'atteinte minimale — contenu dans la décision rendue dans l'affaire Sparrow.

Ce que l'on a retiré de l'affaire Sparrow, c'était que la violation devait être à la fois minimale et justifiable. Cela pose un problème parce que la Charte canadienne des droits et libertés vise les besoins des individus, alors que l'article 35 de la Constitution canadienne vise les droits collectifs des peuples autochtones. Dans ce contexte, nous revenons au problème des différences socioculturelles et des différentes visions du monde qui provoquent un conflit entre les peuples autochtones et non autochtones.

Pour continuer sur le sujet de la violation, si la violation est jugée minimale et justifiable, pour des raisons de conservation, le gouvernement a le devoir d'indemniser les peuples autochtones du fait qu'ils ont perdu la capacité de se prévaloir de leurs droits en vertu de l'article 35 de la Constitution. C'est encore un résultat de l'affaire Sparrow.

Je vais énumérer quelques différences entre la Charte des droits et les droits ancestraux ou issus des traités des peuples autochtones. Dans la Charte, les droits sont tous énumérés, alors que l'article 35 de la Constitution ne protège pas des droits particuliers ou des droits issus de traités, car ils ne sont ni définis ni énumérés comme c'est le cas dans la Charte.

Les droits issus des traités des peuples autochtones ne sont pas énumérés. Cela a créé beaucoup d'ambiguïté au niveau de l'interprétation de l'article 35 de la Constitution canadienne. Encore une fois, l'interprétation ne correspond pas à la vision du monde qu'ont les peuples autochtones. Et c'est à cause de cela que l'on se demande s'il faut inclure ou non des clauses non dérogatoires dans la loi fédérale.

Le fait est que si la protection était absolue, il y aurait moins d'ambiguïté. Si les peuples autochtones étaient sur la même longueur d'onde et s'ils avaient la même vision du monde, les clauses non dérogatoires seraient alors tout à fait inutiles.

Ce n'est pas le cas. Cependant, je vais m'arrêter là à ce sujet et je vais vous parler des trois options ou des trois considérations.

Comme je l'ai dit, il y a trois options. Premièrement, ne pas inclure de clause non dérogatoire dans la loi puisque l'article 35 de la Constitution protège légalement les droits des Autochtones. Deuxièmement, incorporer des dispositions dans la Loi d'interprétation mentionnant des clauses non dérogatoires concernant les peuples autochtones. Cela est possible en incluant une clause non dérogatoire normale et générale dans la Loi d'interprétation ou bien nous pourrions insérer une disposition dans la Loi d'interprétation prévoyant que toutes les clauses non dérogatoires incluses dans la loi fédérale sont de nature interprétative. Troisièmement, la clause non dérogatoire pourrait être incorporée dans la loi fédérale en tant que clause non dérogatoire ou clauses non dérogatoires générales et particulières à chaque loi fédérale qui serait présentée.

Le Congrès des Peuples Autochtones estime qu'une clause non dérogatoire générale devrait être incluse dans chaque loi fédérale, une clause qui reprend l'article 25 de la Charte canadienne des droits et libertés, car s'en remettre à la Constitution du Canada, comme je l'ai mentionné, implique un recours aux tribunaux. Et cela pose un problème au niveau de l'accès à la justice pour les peuples autochtones. Nous savons tous combien les frais d'avocat sont élevés; sans oublier les difficultés qu'éprouvent les plaideurs au plan mental, affectif et spirituel durant la procédure judiciaire.

Il y a aussi la crainte que l'inclusion de clauses non dérogatoires dans la loi fédérale puisse être interprétée comme l'ajout d'autres droits constitutionnels aux peuples autochtones. L'idée étant que cela aura un effet négatif sur le droit découlant de la loi qu'a le gouvernement canadien pour justifier la limite des droits ancestraux ou issus de traités. Par exemple, j'ai fait référence plus tôt à la notion de conservation. Cela n'a vraiment aucun fondement car la Constitution est la loi suprême du Canada et, si je comprends bien, elle a préséance sur toutes les autres lois.

Cela rappelle une affaire d'un tribunal inférieur en Ontario où l'article 25 de la Charte a été examiné. Il est dit que l'article ne confère pas de nouveaux droits, mais qu'il protège plutôt le traité sur d'autres droits des peuples autochtones de l'ingérence d'autres dispositions de la Charte. Par conséquent, l'intention serait la même dans le cas de l'inclusion de clauses non dérogatoires dans la loi fédérale, c'est-à-dire que ces clauses ne confèreraient aucun droit supplémentaire.

Contrairement aux droits énoncés dans la Charte, l'article 35 de la Constitution ne protège pas des droits ancestraux ou issus de traités particuliers. Il y a beaucoup d'ambiguïté sur la nature de l'article 35 et plus d'incertitude dans la rédaction de la loi fédérale et de l'interprétation qu'on en fait par la suite, et il faut ajouter cela, comme je l'ai mentionné, aux différences socioculturelles des points de vue des peuples autochtones et de ceux des peuples non autochtones sur la question.

Un récent sondage d'opinion fait par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien indique que les questions liées aux Autochtones sont placées au premier plan par un pour cent des Canadiens. L'une des raisons pour lesquelles nous voulons inclure la clause non dérogatoire dans la loi fédérale est pour rappeler aux Canadiens l'importance des droits ancestraux et issus de traités au Canada et la nécessité de se conformer à la Loi constitutionnelle de 1982. Non seulement le grand public n'est pas suffisamment sensibilisé, mais aussi le pouvoir judiciaire en ce qui concerne la connaissance d'office. La magistrature ne tient pas compte du point de vue des Autochtones.

Pour ce qui est de l'article 2 de la Loi d'interprétation, une clause non dérogatoire normale et générale pourrait être insérée dans la Loi d'interprétation, ce qui éliminerait la nécessité d'inclure une clause non dérogatoire dans chaque loi fédérale. Encore une fois, cela peut s'avérer insuffisant. Nous devons le répéter continuellement afin que les questions autochtones deviennent une priorité pour les citoyens canadiens et pour le judiciaire.

Le président : Vous avez parlé un peu trop rapidement et je n'ai pas compris. Pouvez-vous répéter ce que vous venez de dire concernant la Loi d'interprétation? Quel est votre point de vue?

M. Polson : En ce qui concerne les droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones, l'inclusion d'une disposition dans la Loi d'interprétation pourrait se faire en insérant une clause non dérogatoire générale ou normale dans cette loi, cela éliminerait la nécessité d'inclure une clause non dérogatoire dans chaque loi fédérale.

Le président : C'est votre position?

M. Polson : Non. C'est seulement la deuxième position des trois considérations que j'ai mentionnées. Je vais vous entretenir de la troisième position.

Je vais maintenant parler de la position qu'appuie le Congrès des Peuples Autochtones soit l'inclusion d'une clause non dérogatoire dans chaque loi fédérale. Certains disent qu'il faut une clause non dérogatoire normale, parce que de telles clauses ont tendance à susciter une incertitude relativement à leur objectif et leur effet. Comme je l'ai dit plus tôt, cela est possible en incluant des clauses non dérogatoires particulières à chaque loi fédérale. Comme nous le savons tous, l'approche ponctuelle n'est tout simplement pas viable.

Une déclaration globale ou une clause non dérogatoire normale pourrait encore s'avérer insuffisante pour protéger les droits des peuples autochtones puisqu'elle ne mentionne pas une loi précise. Je crois qu'il est important que cet élément particulier soit pris en considération. Voilà essentiellement la position du Congrès des Peuples Autochtones sur cette question. Le Congrès veut incorporer une clause non dérogatoire dans chaque loi fédérale.

Les clauses non dérogatoires dans la loi fédérale aideront à empêcher que les peuples autochtones soient défavorisés par la loi fédérale. La clause non dérogatoire telle que proposée par le Congrès des Peuples Autochtones offrira une protection au plan des consultations supplémentaires et d'accommodements pour les droits des peuples autochtones. Le gouvernement du Canada a une obligation de représentant à l'égard des peuples autochtones, ce qui inclut l'obligation de consulter et d'accommoder, que des droits ancestraux ou issus de traités aient été établis ou non. La négociation doit être faite de bonne foi et conformément à l'honneur de la Couronne. Les tribunaux ne sont pas les moyens d'atteindre efficacement ces objectifs.

Je tiens à souligner qu'il n'est pas suffisant de se fier à la Loi constitutionnelle sous sa forme actuelle. À mon avis, ces protections ne correspondent pas à la protection nécessaire pour les droits ancestraux et issus de traités. Elle n'est pas suffisamment proactive. Les peuples autochtones n'ont pas participé au processus. Ce processus réconciliera les différences socioculturelles en vue de respecter les droits des peuples autochtones.

Le Congrès des Peuples Autochtones est en faveur de l'inclusion de la clause non dérogatoire normale et générale dans la loi. La clause devrait être interprétée de la même façon que l'article 25 de la Charte canadienne des droits et libertés. J'espère que cela aidera le comité à rédiger le rapport et qu'un protocole de consultation sérieuse et importante et d'accommodement soit élaboré pour assurer que l'incidence de la loi fédérale sur les peuples autochtones sera minime.

En conclusion, 25 ans après le rapatriement de la Constitution canadienne, l'écart existe encore entre l'égalité théorique et la pratique gouvernementale en ce qui a trait à la reconnaissance de la protection des droits des peuples autochtones. C'est un problème que nous devons affronter quotidiennement. Ces préoccupations et ces aspirations sont écartées chaque jour et nous devons continuer à faire face à l'exclusion et à l'ignorance.

J'apprécie l'occasion qui m'a été donnée de faire une déclaration. J'espère qu'elle facilitera les négociations visant la coexistence avec la majorité des Canadiens. Je suis prêt à répondre à vos questions. La documentation sera distribuée aux membres du comité.

Le président : Parmi les témoins qui ont comparu devant le comité sur cette question, certains travaillent pour le ministère de la Justice. Avez-vous eu l'occasion de lire un des témoignages donnés par les fonctionnaires du ministère de la Justice devant le comité au sujet de la clause non dérogatoire?

M. Polson : En tant qu'agent de recherche, j'ai fait un peu de lecture, mais je n'ai pas fait une analyse complète et approfondie de chaque témoignage.

Le président : Y a-t-il quelque chose qui a attiré particulièrement votre attention dans leurs témoignages et sur laquelle vous voulez donner votre avis?

M. Polson : D'après ce que j'ai lu, je crois qu'ils sont d'avis qu'il ne devrait pas y avoir du tout de clause non dérogatoire. Je veux tenter d'apaiser les craintes; l'inclusion des clauses non dérogatoires n'entraîne pas l'ajout de droits supplémentaires, c'est la position du Congrès des Peuples Autochtones.

Le président : Au sujet des trois points que vous avez soulevés aujourd'hui, premièrement, est-il nécessaire de faire quelque chose puisque nous avons l'article 35 de la Constitution? Vous avez répondu par l'affirmative, il faut inclure quelque chose dans la Loi d'interprétation et il faut aussi inclure des clauses particulières dans chaque loi du gouvernement traitant des droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones. Est-ce bien votre position?

M. Polson : J'ai voulu donner un aperçu de ce qui se passe à mon avis et vous faire aussi part de nos préoccupations. J'ai mentionné les deux premiers points à titre d'information, ils ne représentent pas la position du Congrès des Peuples Autochtones. Le Congrès est en faveur de l'inclusion d'une clause non dérogatoire dans chaque loi qui est similaire, mot à mot, à l'article 25 de la Charte.

Le sénateur Milne : Monsieur Polson, merci de nous avoir donné votre point de vue aujourd'hui. Il est très utile.

L'inclusion d'une clause normale dans chaque loi fédérale est une proposition qui ne nous avait pas été présentée auparavant. Le problème qui se pose alors est de savoir quelle clause normale doit être utilisée. Aujourd'hui, la loi comprend au moins quatre clauses. Des groupes qui ont comparu devant nous semblaient s'accorder à dire que le meilleur libellé est le suivant : « Il est entendu que la présente loi ne porte pas atteinte aux droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada visés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. » Ils ont dit que c'était le libellé le plus simple et le plus clair.

Est-ce que M. Polson peut avoir une copie de ce mémoire?

Je lis la deuxième option dans le mémoire.

M. Polson : Quel que soit le libellé, ma recommandation est que la clause qui sera incluse devra correspondre à l'article 25 de la Charte. Cette clause a été utilisée jusqu'à la décision rendue dans l'affaire Sparrow.

Le sénateur Milne : Il s'agit d'une toute autre option. L'article 25 se lit comme suit :

Le fait que la présente Charte garantit certains droits et libertés ne porte pas atteinte aux droits ou libertés — ancestraux, issus de traités ou autres — des peuples autochtones du Canada, notamment :

a) aux droits ou libertés reconnus par la proclamation royale du 7 octobre 1763;

b) aux droits ou libertés existants issus d'accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d'être ainsi acquis.

M. Polson : C'est exactement cela.

Le sénateur Milne : C'est le libellé précis que vous préféreriez. C'est une option différente de celles que nous avons examinées et qui ont été incluses dans la loi fédérale.

M. Polson : Je ne suis pas au courant des autres clauses auxquelles vous faites allusion. Pendant mon examen et mes recherches, j'en ai rencontré quelques-unes, mais j'ignore lesquelles ont été présentées ici.

Le sénateur Milne : Aucune n'a été présentée. Nous sommes ouverts à toutes les suggestions et nous nous faisons un plaisir de les entendre.

M. Polson : Il s'agit du libellé utilisé initialement dans des clauses non dérogatoires. Le Congrès des Peuples Autochtones recommande qu'on les réutilise.

Le sénateur Joyal : Bienvenue, monsieur Polson. Je suis heureux de voir que vous continuez à participer aux discussions portant sur les droits des peuples autochtones.

Dans votre déclaration préliminaire, vous avez soulevé un aspect très important de la question que le comité considère, celui du statut du droit autochtone.

La question du droit autochtone est un nouveau concept relativement à la définition du contenu de cette loi. Cette question ne peut pas être définie une fois pour toute. Son importance est soulignée tant que des affaires ou des problèmes surviennent. La réponse à ce problème doit tenir compte du contenu ou de la définition du droit autochtone et jusqu'à quel point ce droit autochtone est encore exécutoire et a un effet, pas principalement sur les peuples autochtones, mais sur la loi des Canadiens d'origine européenne, c'est-à-dire principalement les lois françaises et britanniques.

Il me semble que les tribunaux en sont de plus en plus conscients. Il y a quelques jours, j'ai lu la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l'affaire McIvor c. le Registraire, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Vous en avez peut-être entendu parler. Elle porte sur la définition du mot « Indiens » et du statut de « l'Indien » relativement à la Loi sur les Indiens.

Le tribunal a, dans sa déclaration préliminaire, soulevé le concept du mot « Indien »; autrement dit, qui doit être considéré comme étant un Indien.

Le tribunal a fait la déclaration suivante :

Le concept de « l'Indien » a été créé par la loi. Avant l'arrivée des Européens, les peuples autochtones qui habitaient la région, qui deviendrait le Canada, avaient leur propre organisation sociale avec leurs propres noms pour identifier leurs groupes sociaux. Les aspects fondamentaux de cette organisation sociale comprenaient des règles pour l'identification des membres du groupe, la transmission du statut de membre en cas de mariage et la transmission du statut de membre aux descendants. Ces règles étaient variées et souvent très différentes de celles qui formaient l'organisation sociale des pionniers.

C'est le huitième paragraphe de 351 paragraphes. C'est une très longue décision et c'est la plus récente. Elle a été publiée le 8 juin.

Il me semble qu'aujourd'hui les tribunaux canadiens ont une plus grande sensibilisation à l'égard de l'importance du droit autochtone. Quand le comité a étudié l'harmonisation du droit civil français et de la common law britannique sous leur forme actuelle suite à leur évolution au Canada, il a mentionné l'importance de la tradition du droit autochtone. C'est ce qu'ont mentionné les membres du comité et nous avons annexé des observations dans notre rapport sur le projet de loi. Aujourd'hui, la sensibilisation à l'égard de l'importance du droit autochtone est beaucoup plus grande. Le Canada a trois différents systèmes juridiques.

Comment pouvons-nous tenir compte de cela quand on nous demande d'inclure une clause non dérogatoire dans toutes les lois qui pourraient toucher les droits des peuples autochtones?

M. Polson : Vous avez dit que la sensibilisation à l'égard du droit autochtone tel qu'il est défini est plus grande, et vous avez raison. Je l'ai mentionné en disant que le paragraphe 718.2(e) est un exemple de cette situation. Cependant, c'était en 1999. Vous parlez d'une décision plus récente — rendue la semaine dernière — prétendant que le concept de la définition du mot « Indien », par exemple, est une création de la loi.

Quels que soient les progrès accomplis, je continue à penser qu'il reste encore beaucoup de choses à faire. C'est la raison pour laquelle j'ai dit que nous devons susciter cette sensibilisation et aller plus loin, parce qu'en réalité et en toute honnêteté, nous faisons face à trois niveaux de système juridique ici : le droit civil, la common law et le droit autochtone. Je crois qu'une occasion a été ratée à Charlottetown. Je n'ai pas envie de parler de l'eau qui est passée sous le pont il y a longtemps. Même si l'eau a pu être contaminée et que l'odeur flotte encore : cependant, je pense qu'un effort a été fait. Nous avons raté une occasion, mais cela ne doit pas nous empêcher de prendre le taureau par les cornes et continuer à œuvrer pour voir ce que nous pourrons faire.

La réalité est d'inclure une clause générale dans chaque loi. L'article 35 de la Constitution est une entente spéciale pour les peuples autochtones. Nous devons accepter les conséquences de ces ententes spéciales pour les peuples autochtones. Dans l'affaire Powley, par exemple, les gens ignoraient à cette époque ce qui allait se passer. Ils doivent en subir les conséquences. C'est ce qui s'est passé avec l'article 35 dont je parle. Quelqu'un doit accepter les conséquences des mesures prises dans le passé. Il est important d'inclure dans chaque loi une responsabilité ou un devoir non seulement de consulter et d'accommoder les peuples autochtones dans ce contexte, mais aussi, dans une perspective plus large, de s'assurer qu'il existe une certaine cohésion et une certaine compréhension au niveau des points de vue et des visions du monde qui existent chez les peuples autochtones et chez les peuples non autochtones.

En faisant cet effort et en incluant une clause dans chaque loi, nous faisons un pas dans cette direction.

Le sénateur Joyal : Dans un sens, le problème est que lorsque le ministère de la Justice prépare ou rédige un statut, il est responsable de décider si le statut rédigé peut porter atteinte aux droits des peuples autochtones — et j'ajouterai aussi, une « loi. »

Si les fonctionnaires du ministère de la Justice font cela tout seuls alors que le droit autochtone est encore en voie de reformulation ou de renouveau — étant donné qu'il a été mis de côté pendant toutes ces années — comment les peuples autochtones participeront-ils au processus de cette analyse? Comme vous le dites, ils interpréteront les droits des peuples autochtones conformément au sens que leur donne l'article 91.24. Nous parlons de statuts adoptés il y a environ 150 ans. Ici, le tribunal a mentionné la Loi de 1850, la première loi adoptée par la province de la législature du Canada-uni pour définir le statut « d'Indien. »

Comment allons-nous nous assurer, au niveau du système, que le point de vue des peuples autochtones, dans la mesure où ils peuvent exprimer leur droit, fera partie de l'évaluation faite par le ministère de la Justice afin d'empêcher ce dernier de prendre seul des décisions? Ensuite, vous serez obligés de lutter et leur dire : « Vous avez fait une loi récemment, mais vous n'avez pas compris en la rédigeant qu'elle porte atteinte à nos droits. » Qu'en pensez-vous?

M. Polson : Je crois que le point que vous avez soulevé sur l'examen du ministère de la Justice d'une loi qui porterait atteinte aux droits ancestraux et issus des traités des peuples autochtones est discrétionnaire. Ce n'est pas pareil à un droit reconnu par la Charte où c'est obligatoire ou compréhensible. Juridiquement, il faut faire un examen.

Si je comprends bien, la pratique est de rédiger une loi et d'inclure une clause non dérogatoire à la fin de tout le processus. Cependant, un droit garanti par la Charte — et c'est ce que j'ai essayé de dire dans mon exposé — est différent. Nous avons affaire à deux concepts différents : les droits individuels et les droits collectifs. Cela crée beaucoup d'ambiguïté et d'incompréhension car nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde.

Si vous voulez rendre discrétionnaire le fait que le ministère de la Justice examine l'incidence d'une loi sur les droits ancestraux et issus des traités des peuples autochtones, alors je suis tout à fait d'accord. Cela revient à toute la notion d'égalité. La même pratique est utilisée pour les droits reconnus par la Charte et pour les droits collectifs.

Dans son libellé actuel, l'article 35 de la Constitution est très ambigu et c'est ce qui crée la difficulté. Nous devons commencer quelque part. Si vous l'incluez là, alors je crois que nous aurons beaucoup à faire. Nous devons entamer un processus pour être sûrs d'arriver à ce but. Je n'aurais jamais pensé, il y a 25 ou 40 ans, que nous envisagerions un article 35. Je me souviens de l'époque où les droits des Autochtones n'étaient même pas reconnus.

Au cours des quelques dernières années, des progrès ont été faits, mais seulement partiellement. En procédant étape par étape, je crois que nous arriverons à réaliser ce qui sera, nous l'espérons, un traitement juste des droits ancestraux et issus des traités des peuples autochtones.

Le président : M. Bradford Morse est professeur à la Section de common law de l'Université d'Ottawa et il est codirecteur des cycles supérieurs. Le professeur Morse à une grande expérience des affaires autochtones et du renforcement des relations entre les peuples autochtones et les autres Canadiens. Il a travaillé dans des dossiers gouvernementaux liés aux Autochtones telles que les revendications territoriales, les différends relatifs à l'environnement, les négociations portant sur la Constitution et les traités, entre autres. Honorables sénateurs, voici quelqu'un qui connaît très bien les questions portant sur les clauses non dérogatoires.

Bradford Morse, professeur, Faculté de droit, Université d'Ottawa : Je suis très content de vous voir, vous de même que vos collègues. C'est un honneur pour moi d'être invité à comparaître devant vous aujourd'hui afin de participer à cet examen spécial du comité permanent sur un sujet important qui a tendance à échapper à l'attention des parlementaires. Il n'est abordé que de temps en temps, mais je pense que c'est un excellent exemple de l'occasion qu'offre le Sénat d'examiner des enjeux transversaux. La Chambre a tendance à mettre l'accent sur le projet de loi à l'ordre du jour plutôt que sur de grandes questions de cette nature, qui peuvent se poser dans tellement de contextes.

Je tiens à m'excuser de ne pas vous avoir soumis de mémoire écrit, mais malheureusement, j'ai été malade dernièrement et j'avais d'autres engagements. Je n'ai pas eu le temps d'écrire un mémoire pour vous.

Je vous remercie également, monsieur le président, pour la présentation que vous avez faite de mon expérience. Je travaille dans le domaine des questions juridiques autochtones depuis presque 33 ans, et ce, dans bien des contextes différents.

Depuis une trentaine d'années, je suis professeur de droit à l'Université d'Ottawa, mais je conseille également beaucoup d'organismes métis, des Premières nations et autochtones en général. J'ai notamment été conseiller du Conseil national des Autochtones du Canada, le prédécesseur du Congrès des Peuples Autochtones, que M. Polson représente si bien. Je suis ravi de le voir ici aujourd'hui.

J'ai également travaillé pour des organismes maoris en Nouvelle Zélande et des organismes autochtones en Australie. J'ai travaillé pour divers gouvernements au fil du temps, donc j'ai eu l'avantage ou le désavantage, peut-être, d'étudier bon nombre de ces questions en tant qu'avocat d'organismes autochtones ou que conseiller, parfois, de gouvernements, de diverses commissions royales et d'autres entités.

J'aimerais vous parler de l'une de mes expériences qui me semble pertinente dans la discussion d'aujourd'hui. J'ai été directeur de recherche de l'Enquête publique sur l'administration de la justice et les peuples autochtones au Manitoba de 1987 à 1990. Nous avons alors fait une recommandation très pertinente pour la discussion d'aujourd'hui.

Je dois m'empresser d'ajouter que je n'ai pas de formation de rédacteur législatif, bien que je comprenne les enjeux sous-jacents. J'en ai enseigné beaucoup au fil des années, mais je ne suis pas un expert reconnu de la rédaction législative. Je suis plutôt un spécialiste du processus législatif et de la jurisprudence à ce chapitre.

Il importe de souligner que les dispositions de non-dérogation relativement aux droits uniques des Premières nations, des Métis et des Inuits du Canada ne sont pas nées avec la Loi constitutionnelle de 1982. Elles ne sont même pas nées dans les négociations qui se sont déroulées dans les quelques années qui ont précédé. L'exemple le plus lointain que je connaisse est celui de la disposition contenue dans la Loi sur le pipe-line du Nord, qui a été adoptée en 1977. Je vois que le sénateur Adams s'en souvient, et je suis certain qu'il y en a d'autres qui s'en souviennent aussi.

Ironiquement, cette disposition se trouve dans cette loi à l'article 25, qui ne correspond pas à l'article 25 de la Charte, mais il y a un lien assez ironique à faire.

Je vais la citer pour les sénateurs qui ne l'ont pas sous les yeux. L'article 25 s'intitule « Droits des Autochtones », et son titre descriptif est « Revendications autochtones protégées ». Il se lit comme suit :

Nonobstant les autres dispositions de la présente loi, toute revendication, tout droit, titre ou intérêt que les peuples autochtones peuvent avoir eus, avant le 13 avril 1978, en ce qui concerne les biens-fonds sur lesquels passera le pipeline est maintenu jusqu'à ce que soit rendue une décision réglant la question de cette revendication, de ce droit, titre ou intérêt.

C'était avant les discussions sur le rapatriement de la Loi constitutionnelle de 1982, donc tout n'a pas commencé en 1982. Cette disposition vient des préoccupations qu'avaient les peuples des Premières nations, des Métis et des Inuits de la vallée du Mackenzie au sujet de l'ancien pipeline potentiel de la vallée du Mackenzie, une question qui revient à l'ordre du jour 30 ans plus tard.

Les Autochtones avaient alors exprimé leur crainte, comme ils l'avaient fait avant l'enquête présidée par le juge Thomas Berger, que l'installation du pipeline contrevienne à leurs droits, des droits qu'ils voulaient clairement protéger grâce à des ententes avec le gouvernement du Canada. Ils cherchaient à renouveler leur relation avec le Canada et ne voulaient pas qu'elle soit rompue ou compromise par une loi qui ne portait pas directement sur leurs droits.

Cela pose problème. Ce problème est évidemment ressorti dans les témoignages présentés en particulier au comité conjoint auquel le sénateur Joyal a participé activement dans sa carrière précédente. On l'a aussi soulevé de manière générale dans les discussions constitutionnelles sur le rapatriement. C'était une grande crainte pour tous les organismes nationaux et régionaux des Premières nations, des Inuits et des Métis qui ont comparu.

Le gouvernement, qui était alors dirigé par le premier ministre Trudeau, y a prêté l'oreille dans une certaine mesure et a proposé une disposition à inclure dans la Charte. Elle correspondait alors à l'article 24, mais est devenue l'article 25 avec la proclamation de la Charte, et visait à remédier au problème mentionné par M. Polson, soit à la tendance de la Charte à mettre particulièrement l'accent sur les droits individuels, au détriment des droits collectifs auxquels tiennent les Autochtones du Canada. Ils craignaient que d'autres dispositions de fond de la Charte contreviennent à leurs droits collectifs ou les diminuent. C'est la solution qu'a proposée le gouvernement.

Au début, c'était la seule. Elle se voulait une protection, un article de non-dérogation, mais sans disposition de fond qui réglerait vraiment la question à l'avenir, qui reconnaîtrait les droits ancestraux et issus de traités. Cette disposition est finalement arrivée, a disparu, est revenue, a été légèrement modifiée et correspond maintenant à l'article 35 de la Loi constitutionnelle adoptée en 1982.

Les articles 25 et 35 ont ensuite été modifiés tous les deux par l'entente signée lors de la Conférence des premiers ministres, en 1983, puis lorsque ces modifications ont été promulguées en 1984.

Naturellement, on s'est surtout efforcé de clarifier les droits protégés par l'article 35 ou de les confirmer de façon plus précise pour éviter tout conflit futur, comme les organismes autochtones nationaux le demandaient. Il y a eu des conférences des premiers ministres dans les années 1980 — M. Polson a mentionné les pourparlers de Charlottetown, auxquels les organismes nationaux ont tous participé, de même que ceux du lac Meech dans l'interrègne —, mais nous n'avons pas vraiment réussi à modifier la constitution à cet égard. Par conséquent, le Parlement continue,sconformément aux responsabilités normales de ses deux Chambres, de promulguer des lois.

Mais si nous nous concentrons sur une loi en particulier, surtout lorsqu'elle ne vise pas directement les préoccupations des Premières nations, des Inuits ou des Métis, individuellement ou collectivement, cette loi pourrait- elle avoir un effet négatif sur eux, même si cet effet est involontaire et qu'il n'avait jamais été envisagé?

Malheureusement, je n'ai eu la chance d'entendre qu'une partie de l'exposé de M. Polson. John Merritt et Jim Aldridge ont comparu hier, et j'avais une idée à l'avance de ce qu'ils allaient dire à ce sujet.

Dans mes recherches, j'ai relevé au moins 20 lois fédérales régulières actuelles, dont la Loi sur le pipeline du Nord, qui contiennent une quelconque disposition de non-dérogation portant directement sur les droits ancestraux et issus de traités. Bien sûr, elles s'ajoutent à l'article 25 de la Charte elle-même.

Les termes varient légèrement, mais l'intention du Parlement (et particulièrement du Sénat dans bien des contextes), à tout le moins d'après ce que je comprends, quand il revendique l'inclusion de telles dispositions, c'est de faire en sorte que la loi adoptée, si elle vise un objectif totalement différent, ne porte pas atteinte aux droits ancestraux et issus de traités reconnus par la Loi constitutionnelle. C'était vrai pour la Loi sur le pipeline du Nord avant la modification constitutionnelle de 1982, et c'est encore vrai pour l'article 35 de la loi suprême du pays, qui reconnaît ces droits.

C'est vraiment le grand objectif du Parlement. Ce n'est peut-être pas toujours l'intention du gouvernement ou du ministère de la Justice en particulier, mais l'objectif, c'est que la loi n'ait pas d'effet que les parlementaires ne souhaitaient pas. S'ils voulaient qu'elle ait cet effet, ils auraient pu l'exprimer clairement, après quoi on pourrait se demander si c'est constitutionnellement valide.

Comme on a procédé ainsi une bonne vingtaine de fois, les libellés diffèrent d'une loi à l'autre. Cela porte toujours les avocats à s'interroger. Il y a une phrase en latin, qui fait partie de la common law, qui traduit bien l'idée que si l'on exprime une chose, on en exclut une autre. Eh bien si l'on exprime une chose dans une loi et qu'on exprime une chose semblable, mais différemment, dans une autre, cela a certainement une signification. À tout le moins, on peut se demander si l'intention était de lui donner une signification différente.

Si les parlementaires précisaient clairement qu'ils ont envisagé une disposition utilisée dans une autre loi, mais qu'ils l'ont rejetée en faveur d'une autre pour des raisons claires afin de nous donner des travaux préparatoires, nous connaîtrions peut-être la réponse à cette question, mais en règle générale, ce n'est pas le cas. Il revient aux avocats et peut-être aux tribunaux de trancher et de déterminer si ces variations ont une signification juridique.

Du coup, deux questions se posent. D'abord, le Parlement, quand il adopte un libellé différent, veut-il vraiment lui donner un effet juridique différent où les différences qui s'observent ensuite ont-elles des effets juridiques différents?

Nous n'avons donc pratiquement aucun outil juridique pour nous guider à cet égard. C'est donc le type de question que les professeurs de droit adorent soumettre en examen, puisqu'il n'y a pas de réponse claire. M. Polson voudra peut- être nous parler de son expérience à l'Université d'Ottawa dans ce contexte. Ces dispositions pourraient vraiment être contestées. Elles pourraient faire l'objet de litiges à l'avenir. Il n'y en a pas encore eus, mais il pourrait y en avoir. Le ministère de la Justice nous rappelle de temps en temps que cela pose problème et qu'il voudrait qu'on adopte une formule plus standard partout pour qu'au moins, cette question ne se pose plus.

Il y a aussi la façon dont les dispositions sont écrites. Le Parlement a-t-il l'intention de s'assurer que la loi elle-même ne porte pas atteinte aux droits ancestraux et issus de traités, en gros, ou tient-il surtout à ce qu'on ne puisse pas interpréter à l'avenir qu'elle porte atteinte à ces droits, même si en soi, elle y porte atteinte?

Il y a lieu de s'interroger sur une chose que répètent les représentants du gouvernement ou du ministère de la Justice de temps en temps, soit qu'ils préfèrent les formules qui ne portent pas à interprétation pour qu'à l'avenir, on puisse se fonder sur l'arrêt Sparrow rendu par la Cour suprême du Canada pour faire valoir devant les tribunaux que telle loi peut violer ces droits, puis qu'on puisse se demander si cette violation est justifiée selon l'arrêt Sparrow. Ce n'est pas comme une disposition de non-dérogation qui précise explicitement que la loi ne porte pas atteinte à ces droits. Ce n'est pas que l'interprétation qu'on peut en faire n'était pas intentionnelle, mais elle ne l'était pas; le Parlement s'exprime aussi clairement que possible à cet égard.

Je sais que le temps est précieux. Je vais sauter tout de suite à quelques recommandations, dont l'une a été formulée en réponse aux observations et questions du sénateur Joyal. Il y aurait certainement la solution adoptée d'abord par la province du Manitoba, puis par la Saskatchewan. J'ai déjà fait mention de ma participation à l'Enquête publique sur l'administration de la justice et les peuples autochtones au Manitoba, puisque nous aimons croire que nous avons influencé ce changement législatif au Manitoba. Ces deux provinces ont modifié leur Loi d'interprétation provinciale générale pour essayer de clarifier le message.

Le président : Les témoins d'hier nous ont dit qu'elles étaient d'accord à ce sujet.

M. Morse : Vous êtes donc au courant, comme je suis certain que vous êtes au courant de la recommandation que votre collègue, le sénateur Sibbeston, a déjà présentée à cet égard.

Je l'appuie moi aussi. En particulier, elle contribuerait à éviter un débat potentiel sur la question de savoir si un projet de loi porte atteinte ou non aux droits des Premières nations, des Inuits et des Métis. C'est clairement un enjeu qui peut faire l'objet d'un débat, même si le projet de loi a un but totalement différent.

Pour ce débat nécessaire, les députés et les sénateurs doivent donc toujours être vigilants quand ils se demandent si un projet de loi porte atteinte à ces droits. Bien sûr, il est toujours possible d'oublier de se poser la question sur un projet de loi x ou qu'après s'être posé la question, on conclut que le projet de loi n'y porte clairement pas atteinte, puis qu'on découvre ensuite, par l'interprétation judiciaire, que c'était faux, que le projet de loi a un effet auquel les parlementaires n'avaient pas pensé.

Si l'on incluait une disposition de portée générale à cet égard dans la Loi d'interprétation fédérale, on enverrait le message à tous les tribunaux et à tous les avocats, au gouvernement comme ailleurs, que toutes les lois fédérales doivent être interprétées avec le plus grand respect pour l'importance des droits uniques des Premières nations, des Inuits et des Métis du Canada protégés par l'article 35.

Une autre solution — et M. Polson en a parlé à la fin de son témoignage — serait que le ministre de la Justice ait l'obligation, en vertu de la Loi sur le ministère de la Justice, d'effectuer pour tous les projets de loi une analyse fondée sur la Charte avant qu'il ne soit déposé, comme il y est déjà obligé pour d'autres dispositions de la Charte. On pourrait ajouter une telle disposition à la Loi sur le ministère de la Justice — à la place ou en plus de modifier la Loi d'interprétation fédérale — pour obliger le ministre de la Justice à effectuer le même type d'examen pour tous les projets de loi, à se demander si le projet de loi pourrait avoir des effets intentionnels ou non sur ces droits et par conséquent, s'il faut prévoir une disposition de non-dérogation.

Quelle que soit sa conclusion, je serais pour que cette disposition de la Loi sur le ministère de la Justice oblige le ministre de la Justice à faire officiellement rapport au Parlement de ses conclusions et de ses raisons, pour que ces conclusions soient publiques, que tous les parlementaires soient mis au courant et qu'ils puissent les contester s'ils le jugent nécessaire.

Je m'excuse d'avoir pris tant de temps.

Le président : Vos observations sont très appréciées. Elles alimentent beaucoup nos réflexions.

Vous avez cité la Loi sur le pipeline du Nord de 1977-78. Comme vous le savez, il y a également eu auparavant la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes en 1974. Son libellé était le suivant :

La présente loi n'a pas pour effet d'abroger les droits du peuple indien ou de l'empêcher de négocier l'obtention d'avantages pour le pétrole et le gaz dans les régions où les revendications de terres n'ont pas été réglées.

Vous savez aussi qu'il y a eu une autre loi après, qui a été abrogée depuis et qui correspondait au projet de loi C-48, Loi sur le pétrole et le gaz du Canada. Je pense que son libellé pourrait lui aussi intéresser un professeur de droit dans ce domaine. Voici ce que dicte l'article 8 :

La présente loi ne porte pas atteinte aux titres, droits ou réclamations des peuples autochtones du Canada antérieurs à l'entrée en vigueur de la présente loi.

Il y a donc eu une série de lois canadiennes qui reconnaissaient, même avant 1982, que ces droits devaient être attestés et préservés dans les lois canadiennes. Il y en a des exemples avant le rapatriement de la Constitution.

Vous avez dit qu'il y avait un processus officiel que le ministre de la Justice devait suivre pour les questions découlant de la Charte, mais il n'existe rien de tel pour les droits visés à l'article 35. Le ministère de la Justice prévoit un processus d'examen pour évaluer si un projet de loi fédéral est conforme à la Charte, et nous en entendons toujours parler à ce comité. Il n'existe toutefois pas de processus officiel pour l'article 35 de la Loi constitutionnelle, mais il faut dire que les droits ne sont pas bien définis dans cet article. Il y a quelques décisions des tribunaux pour nous orienter, et M. Polson a mentionné l'arrêt Sparrow et d'autres sur les références dont nous disposons, mais il reste beaucoup de zones grises entourant l'article 35. Le ministère de la Justice a le champ libre. Comment peut-on régir ces paramètres compte tenu de tout ce qui reste à définir?

M. Morse : Monsieur le président, je vous remercie des exemples que vous avez ajoutés aux miens, ainsi que de vos remarques et de votre question à cet égard.

Je vais faire quelques observations. D'abord, il doit être relativement rare qu'un rédacteur législatif qui travaille pour le gouvernement fédéral ne connaisse pas très bien la Charte. Toutefois, il est également rare qu'un rédacteur législatif connaisse très bien l'article 35 et la position juridique des peuples autochtones du Canada. Ce n'est pas seulement en fin d'étude qu'il faut déterminer si un projet de loi est conforme à la Charte, il faut le faire dès les premières phases d'élaboration d'un projet de loi fédéral. Les rédacteurs juridiques le font, et ils connaissent bien la Charte. Cela ne signifie pas qu'ils réussissent toujours à penser à tout ou que les consignes qu'on leur donne leur permettent de le faire, mais il est clair qu'ils connaissent bien la Charte.

L'article 35 en particulier est d'un tout autre ordre. Je suis assez d'accord que la jurisprudence sur l'article 35 n'est pas aussi abondante que celle de nos contestations fondées sur la Charte et que cette jurisprudence n'est certainement pas aussi claire que celle des contestations fondées sur la Charte; d'ailleurs, le libellé de l'article 35 n'est peut-être pas clair non plus.

Par contre, je présume qu'en rétrospective, 25 ans plus tard, les parlementaires qui ont participé à la rédaction de la Charte en 1981 et en 1982 ont peut-être l'impression qu'une grande partie des articles de la Charte ne sont pas interprétés ou n'ont pas évolué aussi clairement avec les années qu'ils l'auraient cru en 1982. La Charte elle-même est plus claire, mais elle n'est absolument pas limpide non plus.

L'obligation du ministre de faire rapport va se répercuter sur le processus de rédaction législative. Elle va élever l'attention que les rédacteurs législatifs portent à ces questions dans les projets de loi auxquels ils travaillent. De toute évidence, ils tiennent compte de la Charte en raison de sa grande notoriété, mais aussi en raison de l'obligation imposée au ministre. Tous les ministres de la Justice et leur personnel le savent, tous les sous-ministres aussi, quand ils apposent leur signature en cours de route. Du coup, cette disposition serait utile.

Comme pour la Charte, ils continuent de jeter un coup d'œil à la jurisprudence pour voir comment elle évolue et réévaluer leur point de vue. Je présume que ce serait la même chose pour l'article 35. Les choses devraient s'éclaircir à l'avenir. D'une certaine façon, il ne s'agit pas de déterminer si la loi n'entre absolument pas en conflit avec l'article 35, mais nous demandons vraiment aux rédacteurs législatifs de se demander si c'est possible. Se pourrait-il que ce projet de loi porte atteinte à des droits, même si je ne sais pas avec certitude à quoi correspondent les droits protégés par l'article 35? Dans l'affirmative, prévoyons une disposition de non dérogation.

Le sénateur Bryden : Pourriez-vous répéter ce que vous avez dit sur l'obligation du ministère de la Justice de se positionner clairement sur la constitutionalité du projet de loi?

Non, je suis désolé, je veux savoir comment on évalue la constitutionnalité d'un projet de loi et non seulement son rapport à l'article 35 de la Charte. Pouvez-vous me répéter en quoi consiste cette obligation?

M. Morse : Oui. Le ministre de la Justice ne devrait jamais permettre le dépôt d'un projet de loi du gouvernement s'il le juge inconstitutionnel. En théorie, tous les ministres de la Justice ont l'obligation de se poser la question. Cependant, le Parlement oblige par loi le ministre de la Justice en particulier à s'assurer que les projets de loi sont conformes à toutes les dispositions de la Charte des droits et libertés. C'est une obligation que la loi impose au ministre en plus de ses responsabilités normales. Cela signifie qu'en fait, il garantit au Parlement qu'un projet de loi déposé par le gouvernement ne contrevient pas à la Charte. Dans le processus d'élaboration d'un projet de loi, cela signifie que la question a été soigneusement étudiée par des analystes politiques, par les parrains du projet de loi au sein du ministère pertinent et par les rédacteurs législatifs eux-mêmes.

Le sénateur Bryden : Vous avez dit ensuite, si je ne me trompe pas, qu'on devrait permettre aux fonctionnaires de la justice de faire ce type d'affirmation catégorique, dans la limite des instructions qu'on leur donne. Que vouliez-vous dire par là?

M. Morse : Officiellement, le Cabinet donne des instructions aux rédacteurs législatifs sur tous les projets de loi. Je ne laisse pas entendre par là que le cabinet pourrait demander expressément aux rédacteurs législatifs de rédiger un projet de loi présumé inconstitutionnel. Ces instructions portent sur l'essence du projet de loi, sur ces objectifs. Quand les rédacteurs rédigent le projet de loi en fonction de ces instructions, ils mettent l'accent dessus. À moins qu'on ne leur demande expressément de le faire, on ne les incite pas vraiment à soulever les autres problèmes qui ne font pas partie de leurs instructions.

Le sénateur Bryden : Lors d'une autre séance, le ministre de la Justice — pas le ministre actuel, mais un autre — nous a appris que ce n'était pas la façon de travailler de ses fonctionnaires chargés des politiques. Les fonctionnaires s'attendent à ce que le ministère de la Justice élabore la politique voulue sur n'importe quelle question que l'exécutif souhaite aborder. Le travail du ministère de la Justice, du moins d'après lui, consiste à lui donner l'information nécessaire pour que le ministère puisse défendre sa politique si elle est contestée en fonction de la Charte.

M. Morse : Ce qu'il y a d'intriguant, particulièrement sur la conformité à la Charte, c'est qu'elle est de la responsabilité des ministres de la Justice depuis des années et bien sûr, de beaucoup de fonctionnaires. La situation évolue un peu sporadiquement ou par à-coups avec le temps. C'est assez clair quand le contenu d'un projet de loi vient d'ailleurs que du ministère de la Justice lui-même. Par exemple, il y a actuellement une Loi sur les pêches devant le Parlement, et il est clair que son contenu vient en grande partie du ministère des Pêches et des Océans. Les rédacteurs législatifs du projet de loi sont des employés du ministère de la Justice. À ce titre, ils doivent faire le travail exigé du ministère de la Justice, et le ministre de la Justice doit confirmer avant son dépôt que le projet de loi est conforme à la Charte. Cependant, vous avez raison, l'essence ou la politique du projet de loi vient de ce ministère-là. Les rédacteurs législatifs collaborent ensuite bien plus avec les gens du ministère à l'origine du projet de loi qu'avec le ministère de la Justice lui-même.

Le sénateur Bryden : L'objectif n'est donc pas de répondre à la question de savoir si un projet de loi est constitutionnel ou s'il est conforme à la Charte, mais de déterminer s'il pourrait subir l'épreuve d'une contestation fondée sur la Charte ou la Constitution. Cela me semble assez différent.

M. Morse : Si l'on regarde le bilan du ministère de la Justice sur la constitutionalité des lois ou des défenses qu'il prépare, dans bien des cas, ce n'est pas glorieux. Les gens du ministère ne devraient pas se demander s'ils ont une défense à présenter, mais s'ils ont la garantie de gagner, s'ils sont absolument sûrs d'avoir raison que ce projet de loi ne contrevient pas à la Constitution. Je pense que c'était l'intention originale derrière cette obligation, mais ce n'est peut- être pas le point de vue de tous ceux qui l'ont créée.

Le sénateur Andreychuk : À cet égard, je pense qu'on n'a jamais eu l'intention d'obtenir une garantie du ministère. Nous voulions plutôt atteindre un degré de certitude raisonnable qui serait plus du genre : « Nous allons essayer et voir ce qui se passe. » En toute honnêteté, je pense qu'il n'y a aucun avocat au ministère de la Justice du Canada qui voudrait devoir garantir qu'un projet de loi est à toute épreuve, parce que c'est impossible.

M. Morse : Non, merci, madame la sénatrice. J'ai peut-être un peu exagéré.

Le sénateur Andreychuk : Je tenais à vous corriger pour le compte rendu. Nous avons commencé à adopter des dispositions de non-dérogation avant la Charte, à ce que je sache. Ensuite, la Charte est arrivée, et je pensais que cette protection était garantie par l'article 35. Il y a eu des modifications constitutionnelles. Nous avons ensuite commencé à multiplier les dispositions de non-dérogation et leurs libellés. Je me rappelle avoir siégé à cette table pendant l'étude sur les Nisga'a. Je disais : « Nous avons l'article 35 pour vos droits collectifs et vos droits ancestraux. Nous avons un article qui a déjà servi, mais vous le modifiez encore. Est-ce parce que vous ne voulez pas vous conformer à une certaine norme? », ce à quoi ils m'ont répondu avoir peur de perdre des droits et déplorer toute l'incertitude qui plane. De quoi s'agit-il exactement? Je sais qu'il y a des groupes qui ont dit ne pas avoir ce libellé et se demander pourquoi notre groupe l'obtiendrait. Cela a semé la confusion. Ce que nous faisons ici est utile.

Nous voulons prendre des mesures pour augmenter le degré de certitude, donc nous utilisons le mot « certitude », en ce sens que nous nous conformons à la Charte et que nous protégeons les droits visés. Nous préparons un projet de loi qui vise les Autochtones pour un règlement de revendication territoriale ou autre chose. Nous pouvons comprendre que le ministère doit faire appliquer les règles, mais il y a aussi une école de pensée selon laquelle à peu près tout ce que nous faisons dans la société canadienne a un effet quelconque sur la communauté autochtone. Où est la limite pour déterminer qu'une chose a un effet important sur les droits ancestraux? Nous pourrions prendre une loi isolément, mais si la façon dont nous utilisons notre budget au Canada et l'endroit où nous inscrivons les lois dans les dossiers au Parlement a un effet sur les enjeux autochtones, où trace-t-on la limite?

Il y a aussi un autre débat qui n'est pas très présent ici, mais qui occupe un autre comité auquel je participe. C'est le dilemme de la protection des droits individuels dans la Charte par rapport au droits collectifs clairement attestés à l'article 35 et dans certaines dispositions de non-dérogation. À votre avis, comment trouver l'équilibre?

M. Morse : Je dirais qu'on ne peut examiner une disposition de non-dérogation que d'un point de vue limité. Il ne faut pas l'utiliser pour prétendre qu'une loi n'a pas d'incidence sur les peuples autochtones du tout parce que quiconque vit, respire et marche dans cette contrée est touché d'une façon ou d'une autre par presque n'importe quelle loi. Ce type de disposition exprime plutôt qu'une loi axée sur un objectif pourrait avoir des effets non intentionnels sur les droits reconnus et confirmés par l'article 35 de la Constitution. Du coup, elle doit être interprétée exclusivement dans le contexte de ces droits, à la lumière de l'article 35, plutôt que comme une loi qui a des incidences sur les peuples autochtones de façon générale. La portée est plus étroite.

Il est tout à fait approprié de préciser dans certains projets de loi que, par exemple, la mesure en question vise à faire valoir les droits et les intérêts individuels des Autochtones, plutôt que les droits collectifs prévus à l'article 35. Selon les circonstances, il peut arriver que le Parlement veuille exprimer plus clairement son intention. Tout bien pesé, il pourrait décider d'inclure dans la disposition de non-dérogation une exception selon laquelle, par exemple, la partie 3 de la loi n'y serait pas assujettie; c'est donc voulu.

Si on prévoit une exception dans la Loi d'interprétation fédérale, c'est donc dire qu'on pourrait le faire avec n'importe quelle loi. De cette façon, ce serait explicite et cela prouverait qu'on y a réfléchi. Au fond, ce qu'on craint le plus, c'est qu'il n'y ait pas eu suffisamment de réflexion ou qu'il n'y en ait pas eu du tout.

Le président : Vous vous êtes dit préoccupé par le fait que le libellé des dispositions de non-dérogation variait d'une loi à l'autre. Vous croyez qu'insérer une disposition dans la Loi d'interprétation fédérale permettrait de remédier au problème. Dans ce cas, recommanderiez-vous d'abroger toutes les dispositions de non-dérogation en vigueur?

M. Morse : Sénateur, je mentirais si je disais que je me suis vraiment penché sur la question. Ce que je dis, c'est qu'à mon avis, il n'y a pas de meilleure loi que la Loi d'interprétation fédérale pour cette disposition aussi importante. La question que vous soulevez est excellente et pourrait être approfondie par le comité s'il est en faveur de cette approche. Selon la disposition que vous recommandez pour la Loi d'interprétation, il faudra se demander, pour chaque loi, s'il y a lieu de déroger à la disposition de non-dérogation, de la laisser telle quelle ou de l'abroger.

Dépendamment de son libellé dans la Loi d'interprétation, la disposition pourrait en être une de protection, en ce sens que si on juge que c'est approprié, elle pourrait préciser que toutes les autres dispositions de la sorte en vigueur restent telles quelles. Il faudra comparer la disposition en question, loi par loi, avec la formulation que vous proposez pour la Loi d'interprétation fédérale.

Le sénateur Nolin : Je suis têtu et mon collègue peut en témoigner. Je suis préoccupé par les instructions que nous voulons donner aux tribunaux ou l'interprétation que nous voulons qu'ils en fassent. Toutefois, il faut prendre les devants; ce n'est pas au tribunal de décider. On doit appliquer la loi de façon à respecter ces droits. Ils sont importants et il faut que la loi les garantisse. Que pouvons-nous faire? Avez-vous réfléchi aux mesures que nous pourrions prendre? Cela devrait-il être accompli dans le cadre du processus réglementaire? J'ai soulevé hier la question des pouvoirs de réglementation auprès de M. Jones. Nous devrons nous pencher là-dessus si nous voulons protéger ces droits contre tout empiètement ou toute violation.

M. Morse : Je suis heureux d'entendre ces observations. Je partage vos inquiétudes et je suis d'accord qu'on ne devrait pas laisser les tribunaux trancher. Comme je l'ai indiqué plus tôt, ils n'ont pas répondu aux questions à cet égard.

Le sénateur Nolin : Cela prend huit ans.

M. Morse : Et ce, seulement si la question est bien posée.

Il est important que le Parlement soit proactif; c'est pourquoi il est préférable d'essayer de régler le problème au moyen de la Loi d'interprétation fédérale et de modifier les responsabilités du ministre de la Justice. C'est nécessaire dans les deux cas. La Loi d'interprétation sera principalement utilisée dans un contexte de litige, mais elle deviendra une référence pour le gouvernement, même dans des négociations qui ne seront pas du tout liées à des litiges. Le fait de savoir que la disposition est là, tout comme les dispositions de la Loi sur la preuve au Canada, aura une incidence sur la façon dont la loi est appliquée en dehors des salles d'audience.

Ce sont de bonnes méthodes. J'avoue que je ne suis pas certain que le comité puisse aller plus loin. Bien sûr, il est possible de faire rapport régulièrement au Parlement. C'est ce que nous faisons avec les rapports annuels de nombreux tribunaux et commissions. Cela pourrait être une façon de s'assurer que cette question ne soit pas mise aux oubliettes dans le cadre du processus parlementaire.

Le sénateur Nolin : Le sénateur Bryden se spécialise dans l'examen de la réglementation. Le Parlement examine les règlements, mais pas en profondeur. Nous nous interrogeons uniquement sur leur légalité et sur la possibilité qu'ils outrepassent la compétence du gouvernement. Serait-il également possible de vérifier si ces droits sont respectés? Je crois que le pouvoir de réglementation est très interventionniste, ce qui pourrait porter atteinte aux droits.

M. Morse : Je dois avouer que ce n'est pas quelque chose auquel j'ai réfléchi, mais il reste qu'il y a un grand risque. Je sais que dans le cadre de son mandat, le Sénat a eu bien du mal à convaincre le gouvernement de s'engager.

Quand j'étais chef au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, je me souviens d'avoir eu beaucoup de difficulté à persuader mes collègues du ministère de la Justice de répondre aux demandes d'information du Sénat concernant les règlements. Cela n'était pas possible, même lorsque nous étions disposés à le faire.

Le sénateur Nolin : Nous avons nos méthodes.

M. Morse : C'est une excellente idée, et je vous en remercie. Je vais en tenir compte.

Le sénateur Joyal : Avant de poser une question à M. Morse, j'aimerais revenir sur les propos de M. Polson concernant le droit autochtone. À la page 2 de son rapport sur le projet de loi S-10, Loi visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec et la common law, daté du 25 novembre 2004, le comité, sous la présidence du sénateur Lise Bacon, écrit ceci :

Votre comité souhaite apporter une nuance de plus concernant le droit canadien. Il existe en fait une troisième source juridique historique — le droit traditionnel autochtone — qui existait avant les deux autres sources. Il est composé des us et coutumes qui sont au cœur des peuples autochtones de notre pays. Le Canada n'a pas encore reconnu convenablement ce patrimoine juridique oral.

Nous avons accueilli favorablement le témoignage du ministre de la Justice, qui a parlé de son engagement personnel et de celui de son ministère à travailler avec les peuples autochtones, afin de découvrir et de mieux apprécier les traditions juridiques autochtones, et même d'envisager de les inclure dans notre système juridique. Nous soulignons également les travaux en ce sens de la Commission du droit du Canada et les études menées à l'Université d'Ottawa et à l'Université de la Saskatchewan. Votre comité est aussi préoccupé par l'échéancier encadrant les progrès à réaliser dans ce secteur [...]

[...] Votre comité est d'avis qu'il faut trouver un moyen pour intégrer la tradition juridique autochtone dans le droit canadien, avec le droit civil et la common law, de façon à refléter pleinement la diversité du Canada.

Ces observations sont aussi importantes aujourd'hui qu'elles l'étaient il y a trois ans, et c'est ce qui m'amène au sujet que j'aimerais aborder.

Étant donné qu'il s'agit d'un nouveau domaine juridique dans ce système de droit — car comme je l'ai dit, pendant longtemps, l'autre système a essayé de prendre toute la place au Canada —, le ministère de la Justice en est venu à se demander qui se chargera d'étudier les avant-projets de loi qui pourraient avoir un impact sur les lois et les droits autochtones. La question a clairement été soulevée dans l'affaire McIvor, dont j'ai parlée plus tôt. Le juge s'est prononcé en faveur des Autochtones car il a jugé que la loi, adoptée en 1985, contrevenait au paragraphe 15(1) de la Charte. D'ailleurs, cette loi a été invalidée par suite d'une décision du tribunal.

Après l'adoption de la Charte, le ministère de la Justice avait la responsabilité de revoir toutes les lois pour déterminer lesquelles allaient à l'encontre de la Charte et de présenter un projet de loi omnibus visant à actualiser les lois canadiennes. C'est ce que le Parlement a fait, conformément à la Charte.

Monsieur Morse, sachez qu'à l'époque, le comité s'est penché sur cette question très importante. Autrement dit, nous avons remédié au problème.

Il s'agit d'un cas flagrant de violation de la Charte par une loi qui était censée avoir été examinée et qui avait été jugée tout à fait conforme à la Charte.

Étant donné les nombreux cas qui se sont révélés en dérogation à la Charte, comment nous assurer que le ministère de la Justice comprendra le droit autochtone et en tiendra compte si les Autochtones ne sont pas consultés?

M. Morse : Comme le sénateur Andreychuk me l'a rappelé, on ne peut pas garantir les résultats, mais on peut certainement faire davantage pour éviter, autant que possible, de violer la Constitution.

La façon la plus efficace serait de faire participer activement des Autochtones judicieusement choisis au sein des Premières nations, des Métis et des Inuits. Il y a des avocats au ministère de la Justice qui sont Métis ou membres des Premières nations. Ils ne sont pas là pour représenter les gens. À mon avis, le gouvernement ne peut pas compter que sur la bonne volonté et l'expertise des gens; il doit faire participer les Autochtones à la discussion d'une manière plus officielle et adéquate.

Tout comme vous, je conviens que c'est quelque chose d'important. La Cour suprême du Canada l'a aussi affirmé. Il est clairement indiqué dans l'arrêt Delgamuukw, qui traite du titre aborigène, que le droit de propriété associé au titre aborigène est celui qui s'appliquait à la nation visée avant l'arrivée des Européens.

Le plus haut tribunal au pays a statué — bien qu'il soit un peu revenu sur sa décision — que le droit des Autochtones fait partie intégrante du droit canadien. Nous sommes un pays trijuridique et non bijuridique. Comme pour la common law et le droit civil, le gouvernement doit respecter le droit des nations autochtones. Cela représente un défi de taille pour un pays comme le nôtre. Il ne s'agit pas d'une seule nation autochtone qui fonctionne avec le même système de droit, comme c'est le cas pour les Maori en Nouvelle-Zélande. Il existe diverses nations autochtones au pays, ce qui veut dire que ce serait difficile, voire même impossible, comme certains le prétendent, mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas essayer. Si nous n'essayons pas, nous montrons que, même si nous reconnaissons qu'il y a un troisième système de droit au pays, qui fait partie intégrante de l'ensemble de nos systèmes de droit, nous n'en tiendrons pas compte. Cela me semble être clairement une approche inacceptable.

Autre point : le ministère de la Justice considère, de manière générale, la rédaction des projets de loi comme une chose secrète et confidentielle dont il ne veut pas parler. Toutefois, il lève le voile de temps en temps sur ce processus. Plus tôt ce mois-ci, le gouvernement a annoncé que c'est ce qu'il fera pour la nouvelle loi qu'il propose sur le tribunal des revendications particulières. À l'étape de l'élaboration de la politique, avant la rédaction du projet de loi, les représentants du gouvernement et des organisations autochtones nationales concernées auront la possibilité de tenir des discussions et de faire des recommandations.

Le sénateur Joyal : Ne devrions-nous pas créer, au sein du ministère de la Justice, un bureau du droit des Autochtones qui serait en contact avec l'Université d'Ottawa, l'Université de la Saskatchewan, la Commission de réforme du droit, dans la mesure où elle continue d'exister, et d'autres sources de savoir et d'expertise, afin de mieux centraliser l'examen de l'avant-projet de loi, en tenant compte du droit des Autochtones?

M. Morse : Il existe une direction des affaires autochtones au sein du ministère de la Justice, mais elle ne s'occupe pas vraiment du droit ou des systèmes juridiques autochtones. Ce bureau, s'il existait, permettrait de rehausser l'attention portée à cette question au sein du gouvernement fédéral. Il agirait comme un organisme ou secrétariat de coordination et participerait au genre de discussions externes que je propose et que vous proposez aussi, sénateur Joyal.

Le sénateur Milne : La tradition orale en droit autochtone qui existait il y a 200 ou 300 ans me pose problème. Le droit euro-canadien, surtout lorsqu'il s'agit des droits de la femme et ceux des minorités à l'intérieur même de la communauté autochtone, a beaucoup évolué dans les 200 ou 300 dernières années. Je ne voudrais pas revenir sur chacune des questions. C'est un domaine où l'ancienne Commission de réforme du droit aurait pu nous guider.

M. Morse : Si vous me permettez, sénateur Milne, je tiens à préciser que je ne suis pas en désaccord avec vous sur ce point. La common law et le droit civil tirent leur origine des sociétés dans lesquelles ils ont évolué. Les droits relatifs aux biens matrimoniaux existent depuis moins de 35 ans en Ontario. En ce qui concerne les lois traditionnelles des peuples autochtones, c'est-à-dire celles qui existaient avant les changements législatifs introduits par l'affaire Murdoch, il ne faut pas présumer que le droit autochtone en vigueur il y a 400 ans est toujours le même aujourd'hui. Les lois évoluent dans toutes les sociétés, y compris, selon mon expérience, dans les populations autochtones du Canada. Le fait est que ces lois existent, qu'elles évoluent et qu'elles vont continuer d'évoluer, le monde dans lequel nous vivons changeant sans cesse.

Ce sont ces lois autochtones qui ont été créées il y a longtemps, mais qui ont évolué au fil des ans, qui font partie du droit canadien d'aujourd'hui.

M. Polson : Je vais répondre comme je l'ai fait plus tôt, car je ne sais pas si le message a été bien compris. La question englobe un autre élément, soit celui de la notion de l'intégration du droit autochtone et de la reconnaissance d'un troisième niveau de système juridique.

J'aimerais revenir sur ce que j'ai dit tout à l'heure, à savoir que le gouvernement du Canada a une obligation de fiduciaire à l'égard des Autochtones. Nous pouvons nous reporter à l'affaire Guérin et extrapoler en disant que cette obligation comprend la consultation et l'accommodement. C'est ce qui ressort d'une cause plus récente, l'affaire Haida. Si nous voulons établir un protocole pour, à tout le moins, examiner les façons d'intégrer le droit autochtone au système actuel, nous devons alors prendre des mesures de consultation et d'accommodement qui sont utiles et substantielles. Si nous envisageons la notion de consultation dans ce contexte, alors le gouvernement fédéral a l'obligation d'entamer ce processus. Si nous voulons mettre en place un processus qui permet d'explorer ces questions, nous devons commencer par examiner ce qui existe. Comme l'a indiqué la Cour suprême, c'est au gouvernement fédéral que revient la décision de faire les premiers pas sur cette question.

Le sénateur Joyal : Pour ce qui est de l'obligation du ministère de la Justice de faire rapport sur la Charte, elle est énoncée à l'article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. J'aimerais le citer textuellement, car la définition d'un mot entraîne parfois des interprétations différentes.

Le paragraphe 4.1(1) se lit comme suit :

Sous réserve du paragraphe 2, le ministre examine, conformément aux règlements pris par le gouverneur en conseil, les règlements transmis au greffier du Conseil privé pour enregistrement, en application de la Loi sur les textes réglementaires ainsi que les projets ou propositions de loi soumis ou présentés à la Chambre des communes par un ministre fédéral, en vue de vérifier si l'une de leurs dispositions est incompatible avec les fins et dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés, et fait rapport de toute incompatibilité à la Chambre des communes dans les meilleurs délais possible.

Il est question ici de fins et de dispositions précises, une notion très vaste. De même, l'objet d'un article est aussi une notion très vaste. Il est important de garder cela à l'esprit quand nous discutons.

Le président : Messieurs Polson et Morse, au nom du comité, je tiens à vous remercier d'être venus nous rencontrer et d'avoir répondu à des questions difficiles. Vos réponses étaient très intéressantes.

Comme vous le savez, nous avons entendu d'autres témoins avant vous, dont les fonctionnaires du ministère de la Justice. Nous avons maintenant un grand nombre de témoignages à analyser. Je vous remercie de votre contribution à ce processus important.

Honorables sénateurs, nous allons poursuivre la réunion à huis clos pour discuter de nos travaux.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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