Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 5 - Témoignages du 23 octobre 2006
OTTAWA, le lundi 23 octobre 2006
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 16 heures pour étudier, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi.
Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Bonjour à tous et bienvenue à notre réunion du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis Maria Chaput, présidente du comité et je viens du Manitoba.
Avant de donner la parole à nos témoins, permettez-moi tout d'abord de vous présenter les autres membres du comité. À ma droite la vice-présidente du comité, le sénateur Andrée Champagne, du Québec, le sénateur Gerald J. Comeau, de la Nouvelle-Écosse et le sénateur Lowell Murray, de l'Ontario. À ma gauche, le sénateur Mobina S. B. Jaffer, de la Colombie Britannique, le sénateur Claudette Tardif, de l'Alberta, le sénateur Rose-Marie Losier-Cool, du Nouveau-Brunswick et le sénateur Fernand Robichaud, également du Nouveau-Brunswick.
Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles et plus spécifiquement, nous nous intéressons à la question de la prise en compte des langues officielles dans l'organisation des Jeux olympiques de Vancouver de 2010.
Dans un premier temps, nous recevons Mme Lise Bissonnette, qui a été désignée Grand Témoin de la Francophonie aux Jeux olympiques d'hiver de Turin 2006 par l'Organisation internationale de la Francophonie. Le rapport qu'elle a produit, intitulé La place et l'usage de la langue française aux Jeux olympiques d'hiver de Turin 2006, montre que le français a, selon les aspects de l'organisation, gardé ou perdu sa place en tant que langue officielle du mouvement olympique. Mme Bissonnette occupe aujourd'hui le poste de présidente-directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Bienvenue, madame Bissonnette, vous avez la parole.
Lise Bissonnette, Grand Témoin de la Francophonie pour les Jeux olympiques d'hiver de Turin, présidente-directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec : J'aimerais d'abord vous dire que je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui. Quelqu'un m'a demandé à l'instant si j'avais déjà témoigné devant une commission parlementaire, oui à Québec, jamais à Ottawa, bien que j'aie assisté plusieurs fois dans ma vie à ces commissions, à l'époque où j'étais journaliste. Cela remonte à quelque temps déjà. Certains s'en souviennent et j'ai retrouvé avec plaisir certains membres du comité.
Je voudrais simplement savoir ce que vous attendez de moi. Un exposé de quelques minutes ou plus long? Quel est le modus vivendi de ce comité pour que je puisse le mieux possible me plier à vos exigences?
La présidente : Madame Bissonnette, un exposé d'environ une dizaine de minutes qui sera suivi d'une période de questions.
Mme Bissonnette : D'accord. Je suppose que les membres du comité ont pris connaissance de ce rapport concernant la place et l'usage de la langue française aux Jeux olympiques d'hiver de Turin 2006. Sinon, j'ai apporté quelques exemplaires. Je laisserai six exemplaires du rapport, mais il existe également sur le site Internet de l'Organisation internationale de la Francophonie.
Je résumerai mes principales constatations et par la suite, comme j'ai mes notes de travail de ce séjour à Turin avec moi, j'essaierai de répondre le mieux possible à vos questions. Je suppose que votre intérêt pour ce dossier est en fonction des Jeux olympiques de Vancouver en 2010.
Dans mes remarques préliminaires, j'ai une phrase qui résume ce que j'ai découvert là-bas lors de deux missions que j'ai menées à Turin à la fin de 2005 et en 2006. Le français, qui fut la langue des jeux, il y a un siècle, est devenu une langue de cérémonie, une étiquette, à laquelle on continue à déférer dans les occasions d'élégance, tandis qu'à l'usage, il n'est plus que langue seconde ou tierce, au mieux. Quand j'ai donné à Paris il y a quelques mois la conférence de presse qui portait sur le dévoilement de ce rapport, j'ai dit aux journalistes qui se sont empressés de reprendre cette expression, que le français aux olympiques, c'était la langue de la messe, le latin, et que pour le reste, évidemment, les choses se passaient en anglais. Dans le cas de Turin, en anglais et en italien.
Je rappelle les objectifs et l'esprit de ce rapport. M. Diouf, de l'Organisation internationale de la Francophonie, m'avait demandé de tenir ce rôle de Grand Témoin de la Francophonie à Turin en 2006 parce qu'il estimait — et l'ensemble de l'Organisation de la Francophonie estime — que les choses ne vont pas bien pour le français comme langue internationale et que le dossier des olympiques, à cet égard, est très important et crucial. Il a raison.
En 2004, aux Jeux d'Athènes, M. Diouf avait confié la même mission de Grand Témoin de la Francophonie, pour la première fois, à M. Bourges, un ancien journaliste français, qui a fait un premier rapport assez négatif pour ceux d'entre vous qui l'ont lu. Ensuite, pour les Jeux olympiques d'hiver, il désirait confier la mission d'observation à une personne qui venait d'un pays du Nord et qui n'était pas européenne. C'est comme cela que je me suis retrouvée Grand Témoin de la Francophonie.
J'ai fait deux missions, une préalable à Turin en septembre 2005, et l'autre durant toute la durée des jeux. Dans le rapport, j'ai expliqué des choses qui m'apparaissent fondamentales et qui doivent être rappelées. Le français est la langue fondatrice des jeux. C'est la langue maternelle des jeux. C'est en cette langue que les olympiques ont été refondés en 1894 à Paris par le célèbre baron Pierre de Coubertin. Il n'existe cependant, dans la Charte olympique, qu'un article touchant les langues officielles. Il s'agit de l'article 24 qui dit que le français et l'anglais sont les langues officielles des jeux. L'anglais est devenu langue officielle pour des raisons pratiques par la suite, mais cet article 24 — et c'est une de mes principales constatations — ne comporte aucun appareil réglementaire. Nous sommes au Canada, nous savons qu'une loi qui n'a pas de règlement et un régime linguistique, qui ne serait pas appuyé sur un certain nombre de prescriptions et d'ordonnances, n'iraient pas très loin. C'est donc le problème fondamental du français comme langue olympique. L'article 24 laisse place à toute interprétation que les gens qui reçoivent les jeux veulent bien faire, et c'est ce qui se profile déjà pour Pékin dans deux ans.
J'ai quand même relevé un certain nombre de points positifs. Les choses allaient un peu mieux à Turin qu'à Athènes en ce qui concerne le français. Le français était respecté, par exemple comme langue de cérémonie, de remise des médailles, la langue de la messe disons, ce qui n'avait pas été le cas à Athènes où il y avait eu des manquements graves à cet égard, notamment lors de la cérémonie d'ouverture officielle des jeux. À Turin, la remise des médailles, le spectacle d'ouverture, celui de clôture, tout cela s'est déroulé strictement dans trois langues, puisque nous sommes en Italie et que l'italien avait aussi un statut qu'on ne discute pas, évidemment. Il y a eu un certain nombre améliorations aussi, dont le site Internet — quoique ce soit arrivé assez tardivement dans l'histoire des Jeux de Turin — et bien sûr, il y a eu les bénévoles. On me dira que c'est très facile à Turin puisque c'est une ville qui est un peu naturellement francophone, en tout cas chez les personnes plus âgées. Chez les jeunes, c'est une toute autre histoire. Étant voisine de la France et recevant énormément de touristes français, la ville de Turin a une capacité de travailler en français qui fait que les bénévoles un peu partout, sur l'ensemble des sites, et je les ai testés, croyez-moi, pouvaient trouver facilement une personne qui parlait français.
Un certain nombre de points positifs. On sentait mieux le français à Turin mais les carences étaient tout aussi remarquables. J'en ai noté plusieurs dans mon rapport qui sont importantes.
Pour ce qui est du volet commercial des jeux, vous savez tous que les Jeux olympiques aujourd'hui sont une vaste opération commerciale. À ce sujet, je pourrais vous en parler longtemps, c'était désolant, triste, certains jours comique, enfin le français était inexistant. De l'aéroport jusqu'aux produits dérivés, aux crayons, vêtements, casquettes, et autre chose que l'on vend, dès qu'on parle d'argent, le français n'existe pas.
L'une des choses le plus triste de ces Jeux olympiques c'était le commentaire sportif. Les langues utilisées pour donner des consignes de sécurité étaient le français, l'anglais et l'italien, mais dès qu'on passe aux épreuves des jeux, tout se déroulait soit en anglais, italien, allemand, tout sauf le français, à une exception près soit en ski.
Ironie des choses, je le dis devant un comité canadien. C'est quand même intéressant de constater qu'en hockey, notre sport, la personne qui donnait les consignes de sécurité dans les stades était celui qu'on entend au Centre Bell à Montréal. C'est lui qui a formé tous les commentateurs sportifs du hockey, parce qu'en Italie, les règlements pour ce jeu, les buts, la façon d'annoncer ces choses, de raconter qui a fait une passe, à compter, ce n'est pas une chose très familière aux Italiens. C'est lui qui avait formé toutes les équipes de présentateurs. J'ai assisté à plusieurs matchs, et en ce qui a trait au match lui-même, il n'y avait plus un seul mot français, malgré les protestations qu'il avait fait et le travail accompli. Cela s'est vérifié sur tous les sites sauf le ski de temps à autre. A mon avis c'est une carence majeure.
Autre carence, les réunions techniques de travail ne se font qu'en anglais. Tous les témoins que j'ai rencontrés, qui n'étaient pas comme moi à leur première participation aux Jeux olympiques, me disent que de ce côté le français est en voie de disparition totale. Dans les commissions médicales, techniques, partout.
Au niveau des médias, c'est une catastrophe. Dans les espaces publics à l'accueil, il y a certes quelques annonces en français, anglais, italien, mais dans tout l'espace de travail des médias, où je suis allée rencontrer les journalistes de presse écrite et parlée, dès que nous traversions les arches du centre des médias central, tout était en anglais, même l'italien disparaissait entièrement. On présume dans l'organisation des jeux que les journalistes sont tous capables de se débrouiller en anglais. La langue anglaise n'est qu'une langue instrumentale, c'est-à-dire que toute autre langue doit disparaître, puisque ce n'est pas important, ce n'est pas visible. C'est une catastrophe.
Du côté du signal télévisuel, mon prédécesseur M. Bourges avait fait des recommandations qui ont été totalement ignorées. Les gens qui produisent le signal l'incrustent en anglais seulement, et c'est sous cette forme qu'il est diffusé dans le monde entier sans autre traduction ou interprétation simultanée.
Donc, ce sont des carences majeures. Vous comprenez bien, c'est bien beau la langue de la cérémonie, mais la langue d'usage est désormais l'anglais.
De plus il y a d'autres facteurs ajoutés à cela. J'ai quand même voulu être indulgente pour nos amis italiens, parce que j'avais été bien reçue et ils étaient de bonne foi. Il faut quand même reconnaître que le sport n'est pas le premier coupable de ce type de situation dans le monde. La communication internationale aujourd'hui est en anglais. Je n'ai pas à insister sur cette question, mais toutes les thèses ont été faites, et le français perd sa place. Il le perd là comme ailleurs, pas plus, pas moins. Le déclin du français, même en francophonie, est une des remarques importantes de ce rapport. À plusieurs reprises, des témoins m'ont dit, si encore les français parlaient français, c'est une problématique que vous connaissez bien. Je relisais mes notes tout à l'heure dans l'avion, je voyais que 90 p. 100 des Comités nationaux olympiques réclament leur documentation du CIO en anglais. Le CIO leur donne le choix entre l'anglais et le français. Vous conviendrez qu'il y a parmi les 90 p. 100, quelques-uns des 63 pays de la francophonie qui se comportent de cette façon. C'est l'une des raisons du déclin de l'usage du français si les francophones eux-mêmes et les médias l'utilisent fort peu. L'anglais est devenu la langue internationale du sport, certaines disciplines sportives dont le hockey par exemple, ont eu longtemps le français comme langue officielle et maintenant, elles sont totalement en l'anglais. Je ne connais pas de discipline olympique d'hiver qui n'avait pas comme langue d'usage l'anglais ou presque seulement l'anglais.
L'évolution du mouvement olympique, je vous ai parlé il y a quelques instants du commerce, c'est une chose qui me tient beaucoup à cœur. Ce que j'ai trouvé évident, c'est que les valeurs du mouvement olympique lui-même, je ne parle pas de langue, sont en voie d'extinction. J'ai assisté trop souvent durant ces deux semaines à des réceptions, fort fastueuses, où le champagne coulait et parfois presque le caviar. Il y a là une génération de marketing qui vit dans l'aisance, parce que les Jeux olympiques coûtent cher, le marketing y est omniprésent et les entreprises qui nourrissent ces jeux ont beaucoup de sous, et cette génération pourrait aussi bien organiser un congrès mondial de vendeurs d'automobiles en Californie que les Jeux olympiques, ce serait exactement la même chose. Donc les valeurs du mouvement olympique qui étaient exprimées au début par la langue française, l'histoire même des Jeux olympiques, d'où viennent-elles, que représentent-elles, quelles sont les valeurs? Cela ne fait plus partie du discours de cette génération. Par définition, le français qui était fondateur se retrouve sur la voie de sortie.
Je vous ai parlé des facteurs spécifiques, je vous les ai cités rapidement, la faiblesse du cadre documentaire. Je viens de parler des facteurs généraux, il y a des facteurs spécifiques aux Jeux olympiques, faiblesse du cadre réglementaire, confiance en la bonne volonté. Je me sentais très près de mes origines quand j'entendais cela. Vous savez madame, nous n'avons pas besoin de loi et de règlement, tant que nous serons là nous parlerons français, il n'y aura pas de problème. Les gens finiront un jour ou l'autre par apprendre le français et le pratiquer aux Jeux olympiques.
Parmi les facteurs spécifiques, il y a aussi l'anglais comme langue jeune, à la mode, la langue des « sponsors », pour parler comme les français, la langue de communication immédiate, tout va plus vite si on le fait en anglais et les coûts présumés parce que souvent on nous répond, cela coûte trop cher. C'est une chose qu'on a entendue souvent aussi dans ce pays. Ce sont des facteurs qui sont très spécifiques.
J'ajouterai à ceci cette espèce de confiance en l'avenir absolue. On nous répond, à Pékin vous verrez cela ira très bien parce que les chinois respectent toujours les règles.
À Vancouver, ce sera parfait, on le sait, mais si cela n'a pas de lendemain, si cela n'est dû qu'au fait que le Canada est un pays qui a deux langues officielles et va payer lui-même une grande partie de ce que va coûter le bilinguisme aux Jeux de Vancouver, la prochaine fois on retombera dans les ornières et le Canada ne peut pas être considéré comme une règle.
Ce sont des facteurs qui m'ont semblé perdurer et n'annoncent rien de bon pour l'avenir. J'ai fait un certain nombre de recommandations qui s'adressent davantage à l'Organisation internationale de la Francophonie et au CIO lui- même. J'insiste cependant pour dire qu'il n'y aura pas à mon avis de solution tant qu'il n'y aura pas de cadre réglementaire juridique, et tant qu'on n'imposera pas aux villes hôtes, au moment où elles sont choisies en amont, comme condition express leur capacité, leur volonté leur garanti à l'égard du respect des deux langues officielles des Jeux olympiques. Ce n'est pas dans l'air. J'ai posé la question à plusieurs reprises, même après les Jeux olympiques et je vous avouerai que je ne vais nulle part.
Je souhaite qu'un comité comme le vôtre se penche sur une recommandation comme celle-là, et qu'il puisse peut-être en faire une recommandation à des autorités auxquelles moi je n'ai pas d'accès mais auxquelles vous avez accès.
Voilà l'ensemble de mes constatations et remarques. Elles sont traitées un peu plus longuement dans le rapport, en plus de certains détails techniques sur les personnes que j'ai rencontrées ici au Canada, bien sûr, et au Québec. Je signifie à ceux qui voudraient me poser des questions en anglais de se sentir bien à l'aise de le faire. Quand on fait une mission comme celle-là, il faut savoir se débrouiller dans les deux langues.
La présidente : Je vous remercie, madame Bissonnette. Nous allons commencer la période des questions avec la vice- présidente, madame le sénateur Champagne.
Le sénateur Champagne : Merci de vous être déplacée et d'être venue nous voir. J'ai lu votre rapport de la première page à la dernière avec beaucoup de soin et d'intérêt. Comme vous venez de le dire, je pense que lors de nos Jeux olympiques à Vancouver, on aura quand même l'occasion de faire belle figure. Celui qui prendra votre place devrait avoir la tâche encore plus facile.
Parmi vos recommandations, vous parlez d'essayer de joindre les efforts de l'OIF et du CIO. Vous demandez si c'était à l'ordre du jour de Bucarest. Même si j'y suis allée, je faisais partie de l'équipe qui a accompagné le premier ministre, je n'étais pas présente à toutes les réunions. Toutefois, je ne crois pas que c'était à l'ordre du jour. Le prochain Sommet de la Francophonie devant avoir lieu à Québec, en 2008, est-ce que, selon vous, nous pourrions faire certaines démarches qui feraient en sorte que l'OIF déciderait d'agir face au CIO?
Mme Bissonnette : D'abord, il faut replacer le cadre dans lequel j'ai travaillé. Mes recommandations s'adressaient à l'OIF qui en devenait immédiatement propriétaire et devait ensuite déposer le rapport au CIO, ce qui, a ma connaissance, a été fait. J'étais moi-même à Bucarest, j'avais signifié ma disponibilité, mais comme on le sait, le Sommet de Bucarest a été dominé par d'autres questions plus politiques, ce qui était annoncé et ce qui s'est produit, si vous y étiez vous le savez, donc je n'ai pas constaté de démarche particulière à Bucarest sur ce sujet.
Vous avez raison, ce pourrait être souhaitable de renforcer la réflexion sur ce rapport, d'autant que, en 2008, le sommet aura lieu après les Olympiques de Pékin. Le Sommet de la Francophonie a toujours lieu à la même date, et conformément à une de nos recommandations, l'OIF a déjà nommé le Grand Témoin de la Francophonie aux Jeux olympiques de Pékin, alors que moi je suis arrivée quelques mois à l'avance, en septembre, où les jeux étaient faits largement. L'OIF vient de nommer un successeur très prestigieux qui était flatté de sa nomination. Jean-Pierre Raffarin, l'ancien premier ministre de la France, a accepté la tâche de Grand Témoin de la Francophonie aux Jeux de Pékin. Vous pourriez disposer d'un portrait tout à fait complet, hiver et été, parce que je m'attends à ce que les choses soient encore plus difficiles en été. Vous savez que les Jeux olympiques d'hiver grosso modo, c'est sept sports, c'est tout petit, mais Pékin est énorme. Suite aux deux expériences, je crois qu'à Québec on pourrait faire une synthèse intéressante de la chose, et peut-être effectivement demander qu'elle soit officiellement à l'ordre du jour.
[Traduction]
Le sénateur Jaffer : Je vous souhaite la bienvenue. Je viens de la Colombie-Britannique. J'ai bien hâte qu'on applique vos recommandations. J'ai donc quelques questions.
Les organisateurs des Jeux olympiques de 2010 ont-ils communiqué avec vous?
Mme Bissonnette : Oui. J'ai parlé au Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010 à Vancouver, le COVAN, à de nombreuses reprises, mais surtout durant les Jeux de Turin. Il y avait à Turin un grand bâtiment appelé la Maison du Canada. Les gens faisaient la file pour visiter « ma cabane au Canada ». Cet établissement était très populaire. J'ai rencontré M. Furlong et une partie de son équipe. On m'a rassurée sur ce qui se fera à Vancouver. Par exemple, on vendait déjà des produits canadiens à la Maison du Canada. L'étiquetage de ces produits était entièrement bilingue. Tout était totalement bilingue.
À mon avis, ce qu'il faudrait surveiller à Vancouver, ce n'est pas vraiment les aspects structurés des Olympiques. Le bilinguisme sera beaucoup plus respecté à Vancouver qu'il ne l'a été à Turin ou à Athènes. Ce sera facile, car nous sommes habitués à avoir deux langues officielles, le français et l'anglais, qui sont également les langues officielles des Jeux olympiques. Cela va faciliter les choses. Je suis persuadée de leur engagement à cet égard et je leur en ai longuement parlé.
Il faudrait également surveiller les aspects moins structurés, c'est-à-dire les bénévoles, la langue des médias et des communications, les aspects des Jeux olympiques au quotidien, et la capacité d'offrir des services vraiment bilingues, pas seulement en ce qui a trait aux choses officielles. C'est important.
Quoi qu'on puisse en penser, ce ne sera pas nécessairement très facile à Vancouver, ce qui m'amène à faire une autre observation. Ce que je trouve dérangeant, et c'est un peu entre parenthèses par rapport à votre question, c'est que les gens devraient payer pour être servis en français. Le Comité international olympique, le CIO, semble croire qu'aucun prix n'est trop élevé lorsqu'il s'agit des services en langue anglaise. Mais pour les services en français, il faut que la France, le Canada et le Québec paient. Comme vous le savez, le Québec a signé un contrat avec le COVAN. Il en était de même à Turin — les Français payaient les services en langue française à Turin.
Si les Jeux olympiques sont censés être bilingues, pourquoi le pays hôte aurait-il à payer les services offerts dans une langue? Pourquoi le français serait-il facultatif? Pourquoi les gouvernements de la France, du Canada et du Québec devraient-ils en payer les frais? Je trouve cela très étrange. Cela ne devrait pas fonctionner de cette façon.
Il en sera de même à Vancouver. Les coûts du bilinguisme à Vancouver seront payés en grande partie par la Colombie-Britannique, le Canada et le Québec.
Le sénateur Jaffer : Vous avez dit que les organisateurs des Jeux de Vancouver ont communiqué avec vous à Turin. Ont-ils communiqué avec vous depuis?
Mme Bissonnette : Non. J'espère qu'ils me rappelleront et que nous tiendrons une rencontre. Je leur ai dit à Turin que je serais en mesure de travailler avec eux un jour ou deux. Je serais prête à me rendre à Vancouver. Mais ils ont été très occupés. Ils savent que je suis disponible. Ils m'ont dit qu'ils communiqueront avec moi à un moment donné.
Le sénateur Jaffer : Il y a une communauté francophone à Vancouver. Cette communauté francophone connaît une expansion du fait que des gens venant d'ailleurs viennent s'y ajouter. Avez-vous des recommandations sur la façon dont cette communauté pourrait apporter son concours? Si je vous ai bien comprise, l'aspect officiel des jeux sera aussi offert en français. Cependant, qu'en est-il de la langue de fonctionnement, par exemple?
Mme Bissonnette : Je n'ai pas été en mesure de faire quelque recommandation que ce soit à l'égard des Jeux de Vancouver, puisqu'il ne s'agissait que d'un rapport et que je n'étais qu'observatrice à Turin. Cela ne relevait donc pas de mon mandat. J'ai participé à de nombreuses entrevues en Colombie-Britannique, car les journalistes s'intéressaient à cette question, surtout à Radio-Canada. À mon avis, les bénévoles du premier rang devraient venir de la Colombie- Britannique. Je crois savoir qu'il y aura des gens du Québec et d'autres parties du pays où l'on parle français. Je connais très bien les communautés francophones hors Québec, et j'estime qu'il est très important d'avoir recours à leurs services, non seulement pour ce qui est des bénévoles, mais aussi pour l'organisation, car cela fait partie du problème. Nous n'avons pas seulement besoin de gens pour accueillir les touristes, mais aussi pour travailler avec les journalistes et au sein de l'organisation, pour rappeler aux gens que le travail devrait se faire dans les deux langues.
C'est ce qui manquait à Turin et, je crois également, à Athènes. Il ne faut pas seulement des bénévoles; il faut qu'il y ait des francophones au sein des organisations.
Vous connaissez très bien ce problème. Quand j'ai travaillé avec le COVAN à Turin, c'était en anglais. Il faut être capable de travailler dans les deux langues, et il faudrait réfléchir à l'organisation elle-même.
[Français]
Le sénateur Tardif : Je vous remercie de votre excellent rapport. J'ai eu l'occasion de siéger au comité de direction pour deux évènements internationaux qui ont eu lieu à Edmonton en 2001, les Championnats d'athlétisme, ainsi que les Jeux mondiaux des maîtres, en 2005. J'ai pu reconnaître dans nos organisations les mêmes carences que celles dont vous avez parlé dans votre rapport. Le travail à faire est énorme. J'ai remarqué qu'il faut souvent être présent à la base dès le début de l'organisation.
Les efforts accomplis dans les six mois précédant l'événement ne suffisent pas et souvent les problèmes surviennent au début. Je vous donne un exemple. Un contrat de télédiffusion avait été accordé à une compagnie américaine qui n'avait aucune expertise dans les services bilingues. Le contrat avait été signé avant même la présentation au bureau de direction. Il a fallu mettre beaucoup d'effort pour corriger et même tenter de résoudre le problème. Malgré cela, le résultat fut loin d'être satisfaisant.
Les fonds sont toujours insuffisants quand il s'agit d'offrir les services en français, pourtant ils sont suffisants quand il s'agit du programme principal. Pour les affiches, l'organisation et les autres activités, les fonds ne sont pas disponibles. Soit que les fonds étaient insuffisants, soit qu'ils arrivaient trop tard pour inciter les organisateurs à faire davantage pour appuyer le fait français.
Tout cela pour dire que je pense que votre idée de réglementation est une bonne idée. On doit donner davantage de poids et de mesures d'application à l'article 24. Dans ce contexte, quelles solutions proposeriez-vous pour les Jeux olympiques de Vancouver?
Mme Bissonnette : Nous n'avons aucun pouvoir à l'égard du cadre réglementaire des jeux. C'est le travail du CIO. Cela constitue une recommandation.
Vous venez de parler des médias. Vous avez peut-être lu dans mon rapport la partie où je dis que je m'inquiète de la langue de diffusion à Vancouver. Ce sont des journalistes et en particulier la télévision qui ont attiré mon attention sur ce sujet. Il est évident que la majorité des gens regardent les jeux à la télévision et de plus en plus, me dit-on, sur Internet. Il y a deux ordres de problèmes. Et je m'adresse en particulier aux gens qui s'intéressent aux francophones des autres provinces.
Le contrat a été donné à CTV. Cela inquiète beaucoup les francophones des autres provinces parce qu'à moins d'être abonné au câble et de pouvoir avoir accès à un signal bilingue, CTV n'a pas la capacité de produire la partie française du reportage des jeux. Ce sera accessible uniquement pour ceux qui paient pour la télévision. C'est un problème qu'on a souligné au moment où le contrat a été accordé à CTV. Durant mon séjour à Turin, j'ai soulevé ce problème à quelques reprises auprès d'interlocuteurs et on m'a dit qu'on était à chercher des solutions. Je n'en sais pas plus, mais le comité doit exercer beaucoup de vigilance à cet égard.
Les personnes privées d'une retransmission dans leur langue seront surtout les francophones des autres provinces, là où la télévision sans câble offre un accès limité à des émissions en langue française.
Le deuxième problème est celui de la diffusion des résultats en anglais seulement. Mon prédécesseur à Athènes, M. Bourges, qui est un homme de télévision, avait accordé beaucoup d'importance à ce problème. Quand vous regardez la partie de hockey ou la descente de ski, les temps sont écrits en bas de l'écran avec les noms. S'il y a des commentaires, ils sont en anglais seulement. Certains disent que cela n'a aucune importance puisque tout le monde comprend ces informations, mais la dimension symbolique de cette omission est importante. Quand on parle aux gens de la télévision, ils nous disent que c'est impossible parce que cela coûte trop cher.
La seule solution technique à ce problème n'est pas l'interprétation simultanée, car il ne peut y avoir aucun décalage entre l'incrustation. Elle doit arriver au même moment en anglais ou en français. La seule solution technique serait une double incrustation où certains diffuseurs prendraient le signal en français et d'autres en anglais. On nous dit que ce serait beaucoup trop cher. J'en avais assez d'entendre cela, car à ma connaissance, personne n'a jamais évalué ce que cela veut dire. Les journalistes de Radio-Canada me disent qu'il suffirait d'avoir deux personnes au lieu d'une pour inscrire les résultats à l'ordinateur, une faisant l'incrustation en français et l'autre en anglais. À ma connaissance, cela ne coûte pas trop cher. Et même si c'était cher, au coût des jeux aujourd'hui, je ne crois pas que ce soit une dépense si grande par rapport à d'autres dépenses que j'ai vues. Le grand avantage que nous avons à cet égard à Vancouver est que la situation sera très différente de celle de Turin ou d'Athènes. Le CIO a décidé d'être le diffuseur hôte plutôt que de vendre la production à Vancouver. C'est lui qui produira les images alors qu'à Turin, c'était le TOBO, qui dépendait du TOROC, le comité organisateur. Si on reproduisait à Vancouver ce qui s'est produit à Turin, le producteur d'émissions dépendrait du COVAN alors que ce qui s'annonce, c'est que le CIO lui-même produira. Je suppose que ce sera pour des raisons d'argent, mais je n'en sais rien.
Dans ces circonstances, si c'est le CIO qui produit et que les deux langues officielles sont le français et l'anglais, à mon avis, ce serait un bon moment pour tester la chose. Toutes les raisons techniques données par les experts ne tiennent pas la route. Plus les technologies de l'information avancent, plus ces choses seront faciles à faire et cela dépendra de la volonté politique beaucoup plus que des coûts, les coûts n'étant qu'un prétexte.
Le sénateur Tardif : Souvent ils deviennent des commanditaires pour des raisons économiques. C'est celui qui peut payer le plus cher qui pourra diffuser. Il n'y a aucune obligation de respect de la langue.
Mme Bissonnette : On ne parle pas de CTV à ce moment-là. On parle de ceux qui produisent le signal. CTV est le diffuseur, mais qui produit le signal? À Turin, c'était un organisme qui s'appelait TOBO qui donnait les images à ces diffuseurs, à NBC aux États-Unis, je crois, et pour le Canada, c'est CTV qui sera le diffuseur mais pour la production à Vancouver, pour la première fois, ce sera le CIO. C'est très important parce que c'est le CIO qui décidera si l'incrustation à l'écran apparaît en anglais seulement ou si elle est disponible en français ou en anglais. Il faut être vigilant sur cette question. Cela pourrait être étudié plus longuement au niveau technique. Si vous allez à Vancouver, si vous travaillez ces choses, cela vaut la peine d'examiner cela de près. Les technologies de l'information sont des modes de vie des bibliothèques d'aujourd'hui. Si nous pouvons faire des merveilles avec les budgets que nous avons, j'imagine que le CIO pourra en faire un peu plus.
Le sénateur Losier-Cool : Je suis très heureuse d'avoir l'occasion de vous entendre. C'est très intéressant et à chaque commentaire que vous faites, j'aurais le goût d'en ajouter un autre. Je vais essayer de limiter mes propos parce que je sais que ce comité va certainement, lors de nos rencontres à Vancouver, promouvoir le plus de français possible à toutes les instances nommées, que ce soit communication ou commanditaire. J'aimerais revenir à cette vérité que vous avez dite et qui fait mal au cœur, le français est la langue fondatrice des Olympiques. Je ne sais pas si vous êtes capable de conseiller ce comité sur comment remettre à l'agenda des Olympiques les vraies valeurs des Jeux olympiques? Est-ce qu'on doit faire de ces valeurs des critères de sélection lorsqu'on sélectionnera les villes hôtes? On s'attend déjà à ce que nous demandions davantage de français, mais auriez-vous quelques recommandations percutantes que nous pourrions inscrire dans notre rapport?
Mme Bissonnette : J'ai déjà indiqué dans mon rapport qu'il y avait là un lien majeur. Si on réussissait à résister à la tendance lourde de l'unilinguisme parce que c'est ce qui s'annonce avec les jeux; peut-être pas à Vancouver, mais certainement à Pékin. J'ai rencontré des personnes de Pékin à Turin et c'était clair que le français était la portion congrue. Mais si on réussissait à rétablir le français non seulement comme langue formelle, mais d'usage des jeux, à progresser et à renverser la tendance, cela obligerait une réflexion sur les valeurs des jeux. Actuellement, les seuls arguments qu'on nous oppose sont toujours d'ordre économique. Les jeux sont devenus une vaste opération commerciale. Le fait d'utiliser deux langues, quand c'est si facile de n'en utiliser qu'une, montrerait bien que les jeux se singularisent eut égard à d'autres grandes opérations commerciales mondiales. Je dirais que le Canada, avec ses deux langues officielles, a une occasion en or de faire cette démonstration. Je ne vois pas qui d'autre pourrait la faire. Je souhaite bonne chance à M. Raffarin. Lorsque j'ai rencontré le responsable de l'aménagement linguistique à Pékin — qui parlait peu français, mais se souvenait de Léon Daudet — il était tout à fait romantique à l'égard du français, mais me disait que ses patrons lui demandent : « Pourquoi est-ce qu'on ferait cela? » Les Jeux de Pékin sont une immense machine qui coûte cher et c'est très marginal pour eux cette histoire de langue dans les Jeux d'été. Le Canada a deux occasions : la première, ses deux langues sont les langues du Canada et la deuxième, ses Jeux d'hiver sont une petite entité. C'est un secteur témoin. En gros, sept sports qui se déclinent dans différentes disciplines. Vous avez le patin, le hockey, le ski, et cetera. Ce n'est pas énorme et c'est l'occasion de montrer qu'on peut le faire, que c'est possible et que par la suite, la base soit là. Quiconque organise des jeux devrait arriver au même résultat. Si on réussissait les Jeux de Vancouver au plan linguistique, on rétablirait une situation et on amènerait à réfléchir sur l'origine et la signification des jeux. Je suis convaincu que le jour où l'on ne parlera plus que l'anglais aux Jeux olympiques — je m'excuse auprès des membres anglophones de ce comité — et ce jour avance à grands pas, les Olympiques auront perdu leur âme parce qu'ils ne représenteront plus cette diversité culturelle. À Turin, on entendait la foule. C'était très émouvant de voir ces jeunes faire leur entrée. Ils communiquent en anglais entre eux car c'est la langue commune. Si un suédois rencontre un belge-flamand dans une file d'attente, généralement ils vont parler en anglais. On sentait encore une forte diversité linguistique qui elle-même est menacée dans le monde. Si les Olympiques se disaient, nous on sera différent et si, à Vancouver, on pouvait montrer qu'on peut être différent, ce serait important et une pierre à la question que vous posez, une contribution. On ne renversera pas l'entièreté de la vapeur pour ce qui est de la valeur des Jeux olympiques, mais déjà on gagnerait quelque chose. Ce qui, malheureusement, n'est pas le cas.
J'ai tenu ce discours à plusieurs personnes à Turin et on écoute et on trouve cela gentil, aimable, intéressant mais je n'ai pas senti vraiment la volonté de dire oui, on le fait.
Le sénateur Losier-Cool : Souvent, c'est d'ordre économique mais ce n'est pas seulement l'argent. Vous avez mentionné toutes ces réceptions qui se font dans ces grandes rencontres et en tant que parlementaires, on avoue en avoir profité et avoir été scandalisés. Ce n'est donc pas nécessairement une question d'argent?
Mme Bissonnette : Non. Je suis profondément convaincue que l'argent n'a rien à voir. C'est vraiment une question de volonté politique. C'est un débat que l'on connaît bien au Canada. Moi qui ai vécu presque tous les débats sur les langues officielles, je suis arrivée en journalisme cinq ans après l'adoption de la Loi sur les langues officielles. Enfin, j'ai couvert toutes ces batailles des francophones des provinces, les grandes batailles constitutionnelles. J'ai écrit des centaines et peut-être des milliers de pages à ce sujet. On sait tous que l'argent est toujours le dernier refuge. C'est le prétexte pour dire que traduire coûte trop cher. Avec le temps, on s'est habitué à cette chose et on ne trouve pas que la traduction coûte si cher. C'est vrai qu'elle coûte quelque chose, mais enfin tout se paie et quand on a une volonté, voilà. Dans le cas des Olympiques, je le crois encore moins que dans certains gouvernements municipaux et autres parce que l'argent coule à flots. Alors, payer des traducteurs ou payer des personnes qui parlent la langue et créer un équilibre linguistique, non, ce n'est pas si coûteux que cela.
Quand vous allez entendre cet argument, ne vous laissez pas impressionner.
Le sénateur Losier-Cool : Comment l'OIF a-t-elle accepté votre rapport? Est-ce que les membres des pays de la Francophonie ont réagi?
Mme Bissonnette : J'ai rencontré M. Diouf et M. Clément Duhaime. Quand j'ai commencé mon rapport, M. Duhaime était délégué général du Québec en France, maintenant il est ce qu'on appelle le numéro 2 de la Francophonie, donc l'administrateur général de la Francophonie, donc il travaille avec M. Diouf. Je dois dire que tous les deux ont été extrêmement accueillants. C'est l'OIF qui a diffusé ce rapport et qui a organisé sa diffusion en Europe et partout. Le travail a été très bien fait. Quant aux suites institutionnelles et aux discussions de l'OIF avec le CIO, je dois dire que je ne suis pas vraiment au courant. C'est une question qu'il faudrait peut-être poser à l'OIF. Je n'en ai pas eu l'occasion depuis. Même à Bucarest, la direction de l'OIF était très occupée. Quant aux autres pays de la Francophonie, belle question, c'est la première fois qu'on me la pose, mais la réponse est non.
Le sénateur Losier-Cool : J'étais curieuse.
Mme Bissonnette : Pour vous dire la vérité, non. J'ai reçu quelques commentaires de personnes à qui j'ai expédié le rapport, mais des réactions officielles de certains pays et de Comités nationaux olympiques, non.
Le sénateur Comeau : Vous avez été mandatée par M. Diouf pour devenir observatrice aux Jeux. N'aurait-il pas été bon que vous soyez l'observatrice à quelques prochains Jeux olympiques parce que cela assurerait, si vous voulez, une continuité? Vous pourriez comparer l'un à l'autre plutôt que d'avoir M.Raffarin qui va arriver et examiner les Olympiques d'un oeil différent. Si vous faisiez le suivi vous-même, il pourrait y avoir ce genre de continuité.
Mme Bissonnette : C'est intéressant. J'ai envie de vous faire une blague et de vous dire qu'au bout de 15 jours, à Turin, j'étais très heureuse de rentrer chez moi, étant donné que je ne suis pas très sportive et qu'après un certain temps, j'étais un peu fatiguée d'aller observer ces épreuves, bien que ce soit toujours très beau. C'est un privilège d'assister aux Jeux olympiques. Qui aurait cru qu'un jour, je serais en première ligne aux Olympiques? C'est sûr que j'ai beaucoup aimé cela, malgré la défaite sanglante de nos hockeyeurs. Plus sérieusement, je vous dirais que je crois que l'OIF a des raisons particulières de le faire ainsi. Ce sont des raisons qu'on appellerait, dans d'autres domaines, géopolitiques, si vous voulez. On veut varier les personnes et on ne veut pas créer d'incidents diplomatiques. Pourquoi étais-je une bonne personne pour Turin? On voulait éviter qu'un Français — si on avait continué avec M. Bourges — vienne dire aux Italiens : « Voilà comment vous devez vous comporter. » Étant donné l'historique des relations franco-italiennes, on préférait prendre quelqu'un de l'extérieur. On préférait aussi prendre quelqu'un d'un pays du Nord qui pouvait plus facilement se glisser dans les Olympiques d'hiver, si vous voulez. C'est un peu pour ces raisons et cela m'étonnerait que cela change.
Le sénateur Comeau : Je comprends bien cela. Une de vos recommandations est de créer un lien permanent entre le CIO et l'OIF.
Mme Bissonnette : Oui.
Le sénateur Comeau : Est-ce que vous avez eu des réactions de la part de l'OIF là-dessus? Ou vous n'allez pas avoir de réactions?
Mme Bissonnette : Je n'ai pas eu de réactions depuis mon rapport. Comprenez bien que si j'ai fait cette recommandation, c'est parce qu'elle était un peu dans l'air. Je regardais mes notes tout à l'heure et au tout début de ma mission, on m'avait dit qu'il était question d'une sorte d'accord permanent entre l'OIF et le CIO, une sorte d'accord- cadre qui porterait sur toutes ces questions. Finalement, le CIO n'avait pas donné suite à cette proposition de l'OIF. C'est dans l'air. Je crois que l'OIF voudrait avoir un accord-cadre avec le CIO. Actuellement, je ne suis pas en mesure de vous dire où en sont les choses parce qu'après le dépôt de mon rapport, ma mission était terminée. Ils n'ont pas à me donner de compte rendu particulier de leurs efforts.
Le sénateur Comeau : Cela aiderait certainement pour une de vos recommandations qui veut qu'il y ait de meilleures conditions entourant la visite du Grand Témoin de la Francophonie, comme des accréditations adéquates.
Mme Bissonnette : Cela a été très difficile. Cette question est importante parce qu'on a l'impression que j'ai simplement dit que je n'ai pas été traitée avec les égards dus à mon rang. Ce n'est pas vrai. Les choses se sont bien passées. Je crois que pour marquer l'importance de la langue française, quelle que soit la personne, on devrait en faire plus. J'ai eu beaucoup de difficulté sur le plan des accès. Je n'étais pas traitée comme la représentante des pays francophones. Cela m'étonnait assez souvent. Quelque part, j'ai dit que cela fait partie de la négligence bienveillante à l'égard du français. J'ai été bien reçue par la direction du CIO, par plusieurs personnes qui avaient des fonctions officielles au CIO. J'allais à leur hôtel, je passais dans tous les contrôles de sécurité, des choses comme ça, mais au fond, j'aurais dû être beaucoup plus près du centre de l'action et avec une accréditation qui aurait empêché que je doive passer quatre barrières et demander pendant trois jours un rendez-vous. Je pense que c'est très important pour la prochaine fois. Je suppose qu'avec un ancien premier ministre français, les choses seront peut-être un peu plus faciles pour le prochain témoin.
Le sénateur Comeau : Le problème fondamental que vous avez indiqué est que l'article 24 n'a pas de cadre réglementaire. J'imagine que si on est rendu à la règle 24, c'est qu'il y en a au moins 23 autres. Est-ce qu'il y a des cadres réglementaires pour la très grande partie des autres règles?
Mme Bissonnette : C'est une des règles qui n'en a pas, alors que certaines obligations des villes hôtes, en matière de sécurité par exemple, sont définies de façon extrêmement pointilleuse et on peut le comprendre. C'est une des règles qui n'en a pas et, ce faisant, est laissée à l'interprétation. Ce qu'on nous dit quand on fait remarquer cela, c'est : « Pourquoi n'avez-vous pas de cadre réglementaire? » On nous dit que cela fait l'objet d'un contrat avec la ville hôte. Si vous allez voir le contrat, c'est bon. La ville hôte s'engage à créer un dispositif dans les deux langues, mais encore là, ce n'est pas si contraignant que cela. Il y a donc deux façons de procéder. Ou on fait un cadre réglementaire extrêmement rigide, ou on le fait en amont. Ce que j'ai compris en tout cas, c'est qu'une fois que la ville hôte a été choisie, on arrive en disant : « Vous savez, il faut que vous fonctionniez dans les deux langues. » Alors elles disent oui, mais il est trop tard. Si elles ne le font pas, quelles sanctions ont-elles? On devrait dire aux villes qui se présentent qu'elles doivent s'engager avec des garanties en béton à l'égard des langues officielles et qu'elles doivent démontrer comment elles vont le faire. Cela devient tout à fait autre chose de procéder en amont plutôt que d'attendre que la ville ait été choisie et ensuite de lui demander de respecter les langues officielles et qu'elle en parle. Je crois que cette absence de cadre réglementaire ou d'une chose s'apparentant à un cadre réglementaire est très grave.
Le sénateur Comeau : J'apprécie beaucoup le travail que vous avez fait.
Le sénateur Murray : Le choix d'une ville hôte pour les Jeux olympiques arrive à la fin d'un très long processus. Je ne comprends pas exactement comment cela se déroule, mais il semble y avoir une compétition très en vue, comme une série éliminatoire suite à laquelle il reste trois ou quatre villes candidates. Cela fait l'objet d'une très grande couverture médiatique.
Pourquoi les autorités du CIO n'exigent-elles pas que, très tôt dans le processus, les villes en lice fassent la preuve qu'elles sont en mesure de respecter les exigences linguistiques?
Mme Bissonnette : Je l'ignore, et je l'ai répété à maintes reprises. Je ne sais pas pourquoi et je ne veux pas faire de procès d'intention.
Le sénateur Murray : Ce n'est pas comme s'il manquait de francophones au sein du CIO. M. Rogge est Français?
Mme Bissonnette : M. Rogge est d'origine flamande, mais il parle très bien français.
Le sénateur Murray : Il y a René Fasel, de la Suisse, Maurice Ray également.
Mme Bissonnette : Ces gens parlent très bien français aussi.
Le sénateur Murray : M. Rasan Palenfo, de Côte d'Ivoire, est francophone.
Mme Bissonnette : Ils sont parmi ceux que j'ai rencontrés mais évidemment, il y en a beaucoup d'autres parce que le CIO est vaste. J'imagine que si Ottawa ou Seattle présentent leur candidature pour obtenir des Olympiques, ces villes doivent recevoir un cahier de charges fort imposant, dans lequel elles doivent démontrer que les montagnes sont assez hautes, que les policiers sont en nombre suffisant, que la sécurité des chefs d'État est assurée. Les villes candidates doivent faire des démonstrations majeures en termes d'équipement et de sécurité.
Mais en matière linguistique, on leur demande fort peu de choses et je crois que c'est vraiment ce sur quoi on devrait insister. C'est une supposition, peut-être qu'on craint que si on impose de telles exigences, il y ait moins de villes candidates.
Mais j'ai peut-être tort, je n'en sais rien. Ce que je pense, c'est qu'on considère la question comme étant secondaire. Essentiellement, c'est exactement ce que dit mon rapport. Le français, c'est bien pour donner les médailles, c'est élégant pour les belles cérémonies, c'est un beau rappel de Pierre de Coubertin, mais en pratique, ce n'est pas très important.
Je crois que tout s'ensuit, toutes les lacunes que j'ai pu déceler reviennent et finalement, on revient toujours au fait que ce n'est pas très important. L'anglais est la langue de communication internationale. Pourquoi s'en faire avec le français? Quand j'ai rencontré M. Castellani, le président du TOROC à Turin, il m'a dit : « Madame, vous écouterez mon discours d'ouverture. » J'ai entendu son discours d'ouverture strictement dans les trois langues. Il en était très fier, et avec raison, parce qu'à Athènes ça s'était mal passé, tout s'était passé en anglais, même pas en grec.
On accorde au français une assez grande importance dans la partie cérémoniale, mais dans le quotidien, on lui accorde peu d'importance. Je vous dirais qu'on ne peut pas accuser uniquement les gens du TOROC ou du CIO. J'ai interviewé des ex-collègues qui m'ont affirmé qu'il était rare que cela les dérangeait.
Ils sont tellement habitués de travailler avec des documents en anglais. Bien sûr, ils préféreraient recevoir les communiqués en français, mais quand vous travaillez à Radio-Canada et que vous en êtes à vos dixièmes Jeux olympiques, vous voulez vos résultats olympiques sur-le-champ, vous ne voulez pas attendre la traduction.
Ces gens sont dans le feu de l'action, ils se disent que ce serait bien, mais qu'au fond, ils ne trouvent pas cela si grave.
Le sénateur Murray : Vous dressez une série de recommandations qui me semblent très raisonnables. À partir de la liste des membres du CIO, la Francophonie a une masse critique.
Mme Bissonnette : Qui plus est, il semble que les réunions du CIO à Lausanne se passent souvent en français, mais cela ne se traduit pas sur le terrain des Olympiques. On m'a dit que, de temps à autre, la traduction en anglais était mauvaise. Il semble donc que la traduction se fasse souvent du français à l'anglais en ce qui concerne les documents du CIO à Lausanne.
Bien qu'on nous dise que les deux langues officielles sont toujours respectées au CIO, on ne le constate pas nécessairement sur le terrain, au moment des Olympiques.
Le sénateur Murray : Est-ce que M. Raffarin s'occupera de Pékin? S'occupera-t-il aussi de Vancouver?
Mme Bissonnette : À ma connaissance, il s'occupe uniquement de Pékin et je n'ai aucune idée de qui s'occupera de Vancouver. J'avais demandé que l'on nomme le Grand Témoin de la Francophonie dès que la ville hôte serait choisie. Ce n'est pas encore fait, mais cela se fera rapidement.
M. Bourges avait été nommé la veille des Jeux d'Athènes ou presque. Quant à moi, j'ai été nommée en juillet et j'ai fait ma première mission en septembre. M. Raffarin est déjà nommé pour 2008, donc on s'améliore à chaque fois. Pour ce qui est de Vancouver, si le Grand Témoin de la Francophonie avait été nommé, je le saurais déjà.
La présidente : Honorables sénateurs, le temps file. J'accepterai donc deux brèves questions et deux brèves réponses.
Le sénateur Robichaud : La troisième langue, c'est la responsabilité de qui?
Mme Bissonnette : C'est la responsabilité du pays hôte.
Le sénateur Robichaud : On arrive à Vancouver, il n'est pas question d'une troisième langue?
Mme Bissonnette : Non.
Le sénateur Robichaud : Doutez-vous du fait qu'ils vont profiter de l'occasion pour redonner au français la part qui lui revient lors des Jeux de Vancouver?
Mme Bissonnette : Tout dépend du COVAN. J'ai rencontré des représentants du COVAN à Turin à plusieurs reprises. Il augurait bien du bilinguisme. Mais pour ce qui est de Vancouver, on ne sait pas ce qui se passera sur le terrain, dans le feu de l'action. On ne sait pas ce qui se passera avec les choses moins formelles telles les produits ou la langue officielle sur les documents. Je n'ai pas de raison de croire que les choses tourneront mal.
Je crois même qu'elles se dérouleront beaucoup mieux qu'à Turin, mais cela dépend vraiment du COVAN et du CIO. Ce que je crains toutefois, c'est que tout se passe bien à Vancouver et que quatre ans après, aux Jeux olympiques d'hiver, tout recommence parce qu'on aura dit que Vancouver c'était très beau, mais qu'il n'y aura pas de suite. Je voudrais que Vancouver s'annonce bien et devienne un modèle et que par la suite on demande aux autres organisateurs d'olympiques d'hiver de suivre ce modèle qui deviendrait obligatoire. Ce serait un progrès majeur.
Le sénateur Champagne : Il y a une chose avec laquelle je ne suis pas d'accord. Vous déplorez le fait qu'à Turin, lors des cérémonies d'ouverture et de clôture, il n'y avait pas de français. Je vous avoue que c'est la circonstance dans laquelle cela me gêne le moins, lors de spectacles. Je me dis qu'à Pékin, j'aurai beaucoup plus envie de m'imbiber de la culture chinoise, d'entendre de la musique chinoise que d'entendre quelqu'un qui chante en français.
À Turin, je préférais de beaucoup entendre Andrea Bocelli chanter Ama credi e vai que d'entendre quelqu'un qui aurait chanté en français parce qu'il aurait fallu du français. La langue du pays est pour moi très importante.
Mme Bissonnette : Peut-être me suis-je mal exprimée dans ce rapport, mais c'est qu'il y avait quand même des transitions dans le spectacle. Les choses se produisaient en anglais et en italien. La langue parlée, c'était soit l'anglais, soit l'italien. C'est ce que j'ai voulu dire.
J'aimerais ajouter un petit détail. Le dernier spectacle, qui était celui de clôture, était un peu multiculturel. Il y avait des choses de partout dans le monde. Pourtant, dans ce qu'on a montré du Canada, hélas, je n'ai entendu que quelques mots de français. Je ne sais pas pourquoi et je n'ai pas d'explications.
C'était dans le spectacle, alors peut-être que les gens ont préparé le spectacle avec je ne sais qui, mais malheureusement la partie canadienne — puisqu'on annonçait les Jeux de Vancouver de 2010 —, et là je ne veux accuser personne parce que parfois le spectacle est préparé par quelqu'un d'autre qui n'y a pas pensé, mais cela a toutefois été une réaction marquée autour de moi.
Le sénateur Champagne : J'ai des souvenirs extraordinaires de Lillehammer, de Barcelone, avec Victoria de los Angeles qui chantait, alors je me disais que oui, ça fait quand même des choses du pays.
Mme Bissonnette : Je suis d'accord avec vous.
Le sénateur Champagne : Il fallait bien qu'il y ait une petite chose où on ne soit pas tout à fait d'accord avec ce que vous avez écrit.
Mme Bissonnette : Je suis d'accord avec vous, mais à la fin cela nous avait beaucoup frappés; c'était une bande vidéo qui disait « Bienvenue au Canada en 2010 », avec des gens qui parlaient et qui invitaient le monde entier. Ce n'était pas des personnes officielles, c'était des Canadiens. Nous sommes toujours vulnérables et cela revient à ce que je disais tout à l'heure, alors il faut être d'autant plus vigilants.
Le sénateur Champagne : Question de sourire, tout simplement.
La présidente : J'aimerais vous remercier très sincèrement d'avoir bien voulu comparaître devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles. Vous avez sûrement pu constater le vif intérêt suscité par votre rapport et votre présentation, ainsi que les questions et réponses qui ont suivi.
Vous êtes en effet, madame Bissonnette, un très grand témoin. De la part de tous les membres du comité, je vous remercie beaucoup et je vous souhaite bon succès dans vos autres entreprises.
Mme Bissonnette : J'apprécie énormément cet intérêt, je vous le signale, parce que depuis que mon rapport est paru et que les conférences de presse ont été faites, j'ai eu peu de réactions. J'ai été très heureuse d'en parler aujourd'hui. C'est une mission que j'ai remplie avec plaisir et intérêt. J'apprécie beaucoup que vous vous soyez penchés sur cette question, et j'espère que d'autres le feront d'ici 2010.
La présidente : Merci. La réunion est suspendue pour quelques minutes.
[Traduction]
Nous allons maintenant entendre le Comité olympique canadien, qui est l'organisme national privé à but non lucratif responsable de l'ensemble des aspects de la participation du Canada au mouvement olympique. Nous entendrons aujourd'hui M. Chambers, président, et Mme Assalian, directrice générale. Bienvenue.
Michael Chambers, président, Comité olympique canadien : Madame la présidente, je vais prononcer la première partie de notre déclaration au comité, puis Mme Assalian prendra la parole.
Je me présente aujourd'hui devant le comité en tant que président du Comité olympique canadien. À titre indicatif, le poste de président du COC est un poste élu. Il s'agit du poste d'autorité le plus élevé au sein du COC. Il s'agit également d'un poste bénévole, comme c'est le cas dans à peu près tous les comités olympiques nationaux du monde. En fait, M. Rogge, le président du Comité international olympique, est lui aussi un bénévole.
Mme Assalian est notre principale représentante sur le terrain aux Jeux olympiques. Elle est responsable de toutes les opérations de notre organisation aux Jeux olympiques, aux Jeux olympiques d'hiver et aux Jeux panaméricains, autre grand événement sportif international dont nous sommes chargés. À chacun de ces jeux, nous avons des activités au sein du village olympique, où résident les athlètes, de même que la plupart des entraîneurs et un grand nombre des membres de leur personnel de soutien. Nous avons aussi des installations à l'extérieur du village. Ces installations s'appellent la Maison olympique du Canada. La majeure partie du personnel de soutien réside à l'extérieur du village olympique.
Il n'est pas habituel d'avoir de telles installations extérieures lors des Jeux panaméricains — en fait cela ne se fait à peu près jamais. Il n'y a pas de demande de telles installations, puisque peu de Canadiens et de familles participent généralement aux Jeux panaméricains.
Le COC est le comité national olympique du Canada. Ses pouvoirs lui sont conférés par la reconnaissance de son statut de comité national olympique du Canada par le Comité international olympique, ou CIO. En fait, sur la scène internationale, je ne me suis pas présenté à mes autres collègues comme étant le président du COC, mais comme le président du comité national olympique
Le rôle du COC est précisé dans la Charte olympique. Ce rôle comprend entre autres le pouvoir exclusif de choisir quelle ville peut présenter sa candidature au CIO pour accueillir des Jeux olympiques, des Olympiques d'hiver ou des Jeux panaméricains. Le rôle du COC, tel qu'il est précisé dans la charte olympique, inclut également le pouvoir exclusif de nommer les athlètes, les entraîneurs et le personnel de soutien qui représenteront le Canada lors des Jeux olympiques, des Jeux olympiques d'hiver et des Jeux panaméricains.
Par exemple, trois villes canadiennes souhaitaient présenter leur candidature pour accueillir les Jeux de 2010. Il s'agissait des villes de Québec, de Calgary et de Vancouver. C'est le Comité olympique canadien qui devait choisir laquelle de ces trois villes serait autorisée à présenter sa candidature. Lorsque vient le moment d'attribuer les jeux, chaque pays ne peut présenter qu'une candidature.
Comme vous le savez, c'est Vancouver qui a finalement été choisie, à la suite d'un vote extrêmement serré. Je m'en souviens très bien. Vancouver a réussi à obtenir les jeux contre Salzbourg, en Autriche, et PyeongChang, en Corée du Sud. Salzbourg et PyeongChang présenteront d'ailleurs leur candidature pour obtenir les prochains Jeux d'hiver. La ville de Sochi, en Russie, a été retenue sur la liste du CIO, à laquelle figurent trois pays, pour accueillir les jeux de 2014. La décision sera rendue par le CIO dans le cadre d'une réunion à Guatemala City, en juillet prochain.
La Charte olympique énonce les autres rôles du COC, qui sont tous très importants, mais qui ne sont peut-être pas aussi pertinents dans le cadre de notre discussion d'aujourd'hui. Ces rôles incluent, entre autres, la diffusion des principes de l'olympisme et la lutte contre le dopage sportif, qui est bien entendu une question très importante pour nous.
L'Association des gymnastes amateurs de Montréal, créée en 1881, est à l'origine du COC. Le COC a été constitué officiellement en tant qu'association olympique canadienne en 1909. Il s'est constitué en personne morale sous ce nom en vertu de la partie II de la Loi sur les corporations canadiennes, en 1949. En 2002, bien qu'il soit resté un organisme à but non lucratif constitué en personne morale en vertu de cette loi, il a pris le nom de Comité olympique canadien, nom que nous utilisons toujours.
Je me rappelle qu'au moment du départ sur le changement de nom ceux qui étaient en faveur faisaient valoir qu'une fois devenu le Comité olympique canadien, notre acronyme, COC, serait le même en français et en anglais, ce qui n'était pas le cas lorsque nous étions l'Association olympique canadienne.
Le COC compte 51 sports membres — 32 sports olympiques d'été, 13 sports olympiques d'hiver et six sports qui ne figurent qu'au programme des Jeux panaméricains.
En vertu de la Charte olympique, il y a 28 sports olympiques d'été et sept sports olympiques d'hiver. La raison pour laquelle il y a plus de sports d'été que d'hiver est que certains sports, comme le ski, sont divisés en plusieurs disciplines. Nous reconnaissons une association nationale de ski de fond, une association nationale de cascades, une association nationale de ski alpin. Pour le CIO, il s'agit d'un seul sport — le ski. Il en va de même pour les sports nautiques, le water polo et la nage synchronisée aux jeux d'été.
Les membres du COC incluent un représentant de chacun des 51 sports membres. Notre conseil d'administration, notre comité exécutif et tous nos dirigeants, à l'exception du chef de la direction, sont des bénévoles.
Le COC est administré par un personnel rémunéré composé d'environ 45 personnes, dirigé par notre chef de la direction, M. Chris Rudge, dont le poste est connu dans le monde du sport international comme étant celui de secrétaire général.
Le COC a quatre bureaux. Le chef de la direction travaille au siège social à Toronto. Le bureau du sport, dirigé par M. Assalian, est situé à Ottawa. Nous avons un bureau à Montréal, où se trouve le centre des relations avec les athlètes pour l'ensemble du pays, de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique et jusque dans le Grand Nord. Nous avons un petit bureau à Vancouver situé dans les mêmes locaux que le COVAN.
Le COC est responsable de l'équipe canadienne aux Jeux olympiques et aux Jeux olympiques d'hiver, de même que de la compétition multisports continentale des Amériques reconnue par le CIO, soit les Jeux panaméricains. Les prochains Jeux panaméricains auront lieu à Rio de Janeiro en juillet prochain.
Nous décrivons nos opérations dans des jeux sous le nom de mission. Le chef et porte-parole principal des missions aux jeux est connu sous le nom de chef de mission de l'équipe canadienne lors de ces jeux. Il s'agit d'un poste qui est reconnu comme tel dans la Charte olympique. Le titulaire de ce poste est choisi par le comité exécutif du COC. Un chef de mission adjoint est choisi par le chef de mission et approuvé par le comité exécutif du COC. Notre chef de mission à Turin était M. Shane Pearsall, un ancien joueur de l'équipe nationale de hockey, et la chef de mission adjointe était Mme Sylvie Bernier, médaillée d'or en plongeon aux Jeux olympiques de 1984 à Los Angeles.
Notre chef de mission lors des Jeux panaméricains de l'année prochaine, qui auront lieu à Rio de Janeiro, est Mme Tricia Smith, médaillée d'argent en aviron aux Jeux olympiques de 1984 à Los Angeles; le chef de mission adjoint, dont le nom a été annoncé officiellement seulement la semaine dernière, je crois, est M. Jacques Cardin, médaillé d'or en escrime aux Jeux olympiques et panaméricains. Notre chef de mission pour les Jeux olympiques de 2008 à Beijing est Mme Sylvie Bernier, qui était chef de mission adjointe à Turin. L'annonce du chef de mission adjoint pour ces jeux sera faite sous peu.
Notre chef de mission pour les Jeux olympiques de Vancouver n'a pas encore été choisi. La sélection se fait en général deux ans avant les jeux.
L'équipe canadienne aux jeux, comme ce sera le cas à Vancouver, bénéficie des services d'une équipe de soutien composée de certains bénévoles et de certains permanents du COC. Il y a des professionnels de la santé, notamment des médecins, des physiothérapeutes, des massothérapeute et des psychologues en sport; du personnel de soutien en matière de communications et de médias qui aident en particulier les artistes à supporter le fardeau énorme que représente les médias durant les jeux; et il y a aussi un protecteur des athlètes à qui peut s'adresser un athlète à tout propos, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit.
La plupart des membres de l'équipe de soutien habitent avec les athlètes et leurs entraîneurs au village olympique et au village panaméricain. Comme il n'y a pas suffisamment de place au village pour loger tout le personnel de soutien de tous les pays, le Canada a toujours une partie des membres qui vit en dehors du village, comme les autres grands pays.
Par ailleurs, le COC dispose d'une équipe du soutien qui s'occupe du fonctionnement de la Maison olympique du Canada. Cette équipe est également composée de bénévoles et de personnel rémunérés. Toutes ces personnes habitent à l'extérieur du village.
La Charte olympique explique clairement que le CIO attribue les jeux tant au CNO du pays qu'à la ville hôte soit, dans notre cas, à Vancouver pour les Jeux olympiques de 2010. Cependant, la Charte olympique indique aussi clairement que la responsabilité financière des jeux incombe conjointement à la ville hôte et au comité d'organisation des jeux. Aucune responsabilité financière ne retombe sur le Comité national olympique.
Le COC ne contribue pas financièrement à l'organisation des jeux, sauf que, comme tout autre comité national olympique dont les athlètes concourent aux jeux, il contribue financièrement au soutien accordé à l'équipe olympique qui participera aux jeux.
Le COC et les fédérations nationales de sport qui en sont membres ont adopté comme objectif de se classer en première place pour ce qui est du nombre total de médailles remportées aux jeux olympiques d'hiver de Vancouver. Nous étions quatrièmes à Salt Lake City. Nous sommes passés troisième à Turin et notre objectif est d'être premiers à Vancouver. Nous avons tous l'intention de respecter cet objectif.
[Français]
Caroline Assalian, directrice exécutive, Préparation olympique et Jeux : L'article 24 de la Charte olympique fait du français et de l'anglais les langues officielles du CIO. Le COC a ses propres politiques en matière de langues officielles, lesquelles reconnaissent spécifiquement comme tels le français et l'anglais. En pratique, cette politique s'illustre de la façon suivante. Les règlements du COC sont publiés et mis à la disposition de nos membres et du grand public en français et en anglais. Toutes les politiques du COC sont publiées à la fois en anglais et en français. Tous les communiqués de presse du COC sont diffusés en français et en anglais. Tous les rapports du COC, tels que le rapport annuel et les états financiers vérifiés annuels sont publiés et distribués en français et en anglais. De plus, notre site web est accessible à la fois en français et en anglais.
Le personnel du COC dispose d'une bonne combinaison de compétence en français et en anglais. Tout poste faisant l'objet d'une annonce publique paraît dans les principaux journaux de langue française et anglaise. En ce qui concerne les Jeux olympiques, voici quelques exemples qui illustrent le respect, la reconnaissance et l'importance qu'accorde le COC aux deux langues officielles. Le document Entente de l'athlète est mis à la disposition de nos athlètes dans la langue de leur choix, le français ou l'anglais. Zeus, notre système en ligne d'information et d'inscription aux jeux est offert dans les deux langues officielles.
Nos ententes du personnel de mission sont offertes dans la langue préférée de chaque membre de l'équipe de soutien. Nos politiques relatives aux jeux, notamment notre politique de sélection de l'équipe et notre politique antidopage sont publiées et distribuées dans les deux langues officielles. Lors des réunions que nous organisons dans le cadre de la série d'excellence, des services d'interprétation simultanée en français et en anglais sont offerts à tous les participants. Ces réunions permettent à des espoirs olympiques canadiens et à des athlètes canadiens ayant remporté des médailles de se retrouver afin qu'ils partagent les expériences qui leur ont permis d'être victorieux. Notre processus de sélection de l'équipe de soutien veille à ce que les athlètes canadiens qui participent aux Jeux soient en mesure de communiquer avec les membres du personnel de l'équipe de soutien auxquels ils ont affaire lors des Jeux, dans une ou l'autre langue officielle.
Le COC veille à ce que toute la signalisation mise en place dans les bureaux et résidences des Canadiennes et des Canadiens au sein du village olympique, de la Maison olympique du Canada, soient rédigés dans les deux langues officielles. Notre plan d'intervention en cas d'urgence est communiqué à l'ensemble des membres de notre équipe et peut être active, selon le cas, dans la langue officielle de leur choix. Les services de médiation proposés aux athlètes lors des Jeux le sont dans la langue officielle de leur choix. Lors des réceptions officielles du COC, qui se tiennent lors des jeux, les deux langues officielles du Canada sont respectées et incluses dans toutes les présentations orales.
[Traduction]
M. Chambers : Un autre service important que nous offrons dans les deux langues officielles aux jeux est le guide des médias ou le guide officiel dans lequel nous décrivons les antécédents de tous nos athlètes olympiques. Ce guide est remis aux médias dans les deux langues officielles en même temps. D'autres le reçoivent aussi mais le groupe que cela intéresse le plus est évidemment celui des médias, qui devront faire le reportage sur les jeux au fur et à mesure.
Mme Assalian a indiqué certains des éléments que nous fournissions. Cela m'a fait penser qu'aux Jeux de Turin, c'était un peu bizarre, mais dans l'ensemble, le seul endroit où la signalisation était bilingue était le secteur canadien du village olympique. Nous avons évidemment pour politique d'avoir toute notre signalisation dans les deux langues officielles. Je passe la plupart de mon temps à passer d'une manifestation à l'autre aux jeux afin de soutenir nos athlètes canadiens. La signalisation à Turin était essentiellement, sinon exclusivement, unilingue anglaise. C'était évident. On le remarquait parce que cela paraissait un peu étrange. La seule petite oasis de signalisation bilingue était la Place du Canada au village olympique.
Cela termine notre exposé.
Le sénateur Murray : Le COC comprend 51 sports plus 51 représentants des athlètes de chacun de ces sports. Vous avez un conseil d'administration, un comité de direction et un bureau. Quel est le groupe parmi ceux-ci qui prend les décisions quant aux diverses villes canadiennes qui pourraient être villes hôtes?
M. Chambers : Le conseil d'administration.
Le sénateur Murray : Combien y a-t-il de membres au conseil?
M. Chambers : Environ 75. Il ne fonctionne pas comme un conseil d'administration. Notre comité exécutif est en réalité notre conseil d'administration.
Le sénateur Murray : Combien compte-t-il de membres?
M. Chambers : Il y a 15 personnes au comité exécutif.
Le sénateur Murray : Lorsqu'il s'agit de choisir une ville parmi trois ou quatre villes candidates, ce sont 75 personnes qui votent?
M. Chambers : C'est exact.
Le sénateur Murray : Avez-vous une liste de ces membres?
M. Chambers : Les noms figurent sur notre site web, mais nous pouvons vous fournir une copie papier de cette liste, si vous le souhaitez.
Le sénateur Murray : J'aimerais savoir, parmi d'autres choses, quelle est la représentation anglophone et francophone de ce conseil.
M. Chambers : C'est une anecdote, mais pour votre gouverne, les deux présidents du Comité olympique canadien sont francophones. Il s'agit de Jean Dupré et de Walter Sieber.
Le sénateur Murray : Lorsque la ville de Vancouver a été choisie, combien y avait-il d'autres villes candidates?
M. Chambers : Il y avait Calgary et Québec.
Le sénateur Murray : J'imagine qu'en tant que président vous étiez parmi les 75 personnes qui ont voté?
M. Chambers : En effet.
Le sénateur Murray : Lorsque les villes ont fait leur présentation, est-ce qu'on leur a posé des questions sur leur capacité et leur volonté de fonctionner dans les deux langues? Est-ce que l'une ou plusieurs de ces villes a signalé qu'elle pouvait fonctionner entièrement dans les deux langues?
M. Chambers : Aucune des villes n'a présenté sa candidature de cette perspective et d'après mon souvenir, aucune question précise n'a été posée à ce sujet.
Le sénateur Murray : Aucune des villes n'a voulu utiliser cet atout et personne au comité ne leur a posé la question?
M. Chambers : J'imagine, si je me fie aux commentaires de Mme Bissonnette, que nous supposions que toutes les villes, puisqu'elles étaient canadiennes, pourraient répondre à nos attentes. Étant donné le temps limité prévu pour les questions, nous n'avons pas posé des questions dont nous connaissions les réponses.
Le sénateur Murray : C'est intéressant, parce que la campagne promotionnelle est très vaste, et vous le savez mieux que nous. Les villes sont toujours en concurrence entre elles dans plusieurs aspects. La ville de Moncton, qui, au cours de ma vie, a gagné plusieurs luttes linguistiques, a maintenant du matériel de promotion industriel et économique bilingue et peut fonctionner parfaitement dans les deux langues.
Dans son rapport, au chapitre de ses recommandations, Mme Bissonnette s'adresse au Comité international olympique.
[Français]
Elle leur demande d'intervenir très clairement à l'occasion de chaque olympiade auprès des Comités nationaux olympiques pour leur rappeler leurs obligations en matière de langues officielles et les astreindre à des obligations de résultats dans ce domaine.
[Traduction]
Je me demande si vous pouvez nous définir les obligations du comité national relativement aux langues.
M. Chambers : Parlez-vous des Jeux olympiques ou de nos obligations de façon générale?
Le sénateur Murray : Je parle des jeux. Je vois que dans votre exposé que vous fonctionnez dans les deux langues, mais je ne connais pas bien vos obligations, ni celles de la ville-hôte et du comité organisateur pendant les jeux en ce qui a trait aux langues. Mme Bissonnette dit clairement que le CIO doit rappeler à la ville-hôte ses obligations relativement aux langues officielles. Je me demandais si vous connaissiez les obligations du comité national ou du comité organisateur dans ce domaine.
M. Chambers : Oui. Je pense que nous sommes tenus de promouvoir l'utilisation des deux langues dans nos activités et l'utilisation des deux langues par nos athlètes et nos arbitres aux Jeux olympiques.
Le public ne comprend pas toujours très bien. Même si nous sommes un comité olympique national, les gens pensent que nous sommes un comité appartenant à quelque chose. Or, nous sommes un comité tout court. Nous ne sommes pas un comité du CIO. Même si nous sommes reconnus par lui, nous n'en sommes pas membres. Nous, nous sommes le Comité olympique canadien, créé au Canada, et que le CIO a baptisé Comité olympique national du Canada. Nous n'avons aucune influence au CIO. Nous ne participons pas à ses réunions.
Le sénateur Murray : Je vois. S'agit-il de l'article 24 ou de l'article 27 du règlement?
M. Chambers : Il s'agit de l'article 24, mais auparavant c'était l'article 27.
Le sénateur Murray : Avez-vous réfléchi à l'incidence que l'article 24 peut avoir sur votre organisme? Je sais bien qu'en tant qu'organisation canadienne, vous n'êtes pas affecté, car vous fonctionnez déjà dans les deux langues officielles.
M. Chambers : Si nous fournissons des services dans les deux langues lors des jeux ou entre les jeux, ça n'est pas en raison de la Charte olympique; nous le faisons parce que nous sommes Canadiens et parce que c'est ce que souhaitent nos membres, conformément à l'esprit et à l'objet de la Loi sur les langues officielles.
Ainsi que l'a déjà dit Mme Bissonnette, il s'agit d'une seule ligne dans une charte olympique très longue et qui ne comporte aucun règlement, qu'on appelle d'ailleurs des ordonnances. Il serait d'ailleurs intéressant de demander au Comité international olympique comment il conçoit ses obligations, si tant est qu'il s'en reconnaisse, par opposition au simple énoncé précisant qu'il y a deux langues officielles au sein de l'organisme.
Le sénateur Murray : Dans quelle mesure avez-vous veillé à ce que les deux langues officielles soient pleinement respectées à Vancouver, et cela par rapport à tous les aspects des jeux? Vous en êtes vous donné le mandat en tant que comité national?
M. Chambers : Nous l'avons fait indirectement, en ce sens qu'à titre de président du Comité olympique, je suis membre d'office du conseil d'administration du comité d'organisation des jeux de Vancouver, le COVAN. De plus, étant donné l'entente signée avec le comité de la candidature de Vancouver, le COC a droit à sept des vingt sièges du conseil, et par conséquent, lors des réunions, grâce à nos questions et à notre ténacité, le sujet est toujours sur la table. J'ai nommé l'un de mes deux vice-présidents, Walter Sieber, à ce conseil, et je peux vous assurer que M. Sieber ainsi que Mme France Chrétien-Desmarais, autre membre du conseil, ont été très pragmatiques, ont insisté pour que le COVAN élabore une politique et la mette bientôt en œuvre.
[Français]
Le sénateur Tardif : Je suis heureuse des efforts faits par le Comité olympique canadien pour la promotion des deux langues officielles au sein de votre organisme. Cependant, la commissaire aux langues officielles sortante, Dyane Adam, avait produit quelques rapports en 2000 et 2003, où elle affirmait que le français et l'anglais ne jouissent pas toujours du même statut dans le système sportif canadien et que les structures administratives du système sportif sont inadéquates pour assurer la gestion des programmes dans les deux langues officielles.
Elle ajoute qu'en 2003, la capacité bilingue des organismes nationaux de sport n'est pas encore à la hauteur des attentes, tant au niveau des services offerts par les bureaux nationaux qu'au niveau de la formation linguistique des entraîneurs, ce qui a des répercussions sur le développement global des athlètes francophones dont plusieurs, dans les équipes nationales, sont encadrés par des entraîneurs unilingues.
Est-ce que quelque chose a été fait pour répondre à ces critiques depuis 2003? Pouvez-vous nous dire ce que vous faites présentement pour corriger ces lacunes, surtout en ce qui a trait aux Jeux olympiques de 2010?
[Traduction]
M. Chambers : Encore une fois, avant de répondre, j'aimerais préciser que les fédérations sportives nationales, bien que membres de notre organisation, échappent à notre autorité. Si elles font partie de notre groupe, c'est parce qu'elles l'ont choisi, mais elles n'existent pas parce que nous les avons créées.
Cela étant dit, à notre avis, les fédérations membres verront d'un bon œil les mesures que nous prenons afin que les entraîneurs s'occupent de leurs athlètes. Selon certains rapports, des athlètes doivent composer difficilement avec la pénurie de services d'entraînement en français, et malheureusement ils doivent endurer cela. Les grands athlètes doivent lutter contre beaucoup de choses, y compris les obstacles linguistiques. Toutefois, lorsque des services d'entraînement en français ne sont pas offerts même s'ils sont pleinement justifiés, en tant que pays et en tant que nation participant aux Jeux olympiques, le Canada en souffre parce que cela signifie que certains athlètes ne réussissent pas à passer à travers la filière. Cela crée des obstacles à leur avancement et les prive de la possibilité de participer du mieux qu'ils peuvent, du fait qu'ils ne peuvent pas bénéficier d'entraînement dans leur propre langue.
Au Comité olympique canadien, nous veillons à ce que lors des Jeux olympiques et dans les séances d'entraînement, les entraîneurs reçoivent tous les services dont ils ont besoin en français afin de mieux préparer leurs athlètes, ou afin d'amener ces derniers aux Jeux olympiques dans la langue de leur choix. Cette présence des services en français se répercute sur les services offerts aux athlètes qui parlent cette langue.
[Français]
Le sénateur Tardif : Si je comprends bien, vous servez de modèle, mais vous n'avez pas d'autorité pour imposer les conditions dont vous avez parlé jusqu'à présent?
[Traduction]
M. Chambers : Non, nous n'avons aucune autorité sur les fédérations sportives nationales qui ont été mises sur pied et sont administrées en toute indépendance. Si elles ont décidé de faire partie du Comité olympique canadien, c'est pour participer à la planification des Jeux, mais leurs assemblées générales annuelles se tiennent en toute indépendance du COC. Nous ne sommes pas la société mère et elles ne sont pas nos filiales. Nous n'avons aucun droit de regard sur elles, nous ne pouvons pas leur dire ce qu'elles doivent faire. On peut toujours dire qu'on peut avoir une incidence indirecte, parce que certaines de ces organisations reçoivent une part de leur soutien du COC, mais en règle générale, les sommes accordées à la plupart des fédérations nationales sont très modestes si on les compare au montant obtenu grâce à Sports Canada, lequel pourrait avoir une influence bien plus grande que la nôtre.
[Français]
Le sénateur Tardif : À ce moment-là, à qui les fédérations de sport répondent-elles?
[Traduction]
M. Chambers : Comme la plupart des organismes indépendants, les fédérations rendent des comptes à leurs propres membres.
[Français]
Le sénateur Tardif : Ce sont quand même des athlètes qui représentent le Canada qui sont choisis par ces fédérations, n'est-ce pas?
[Traduction]
M. Chambers : Elles nomment leurs meilleurs athlètes au Comité olympique canadien, qui choisit ensuite ceux qui représenteront le Canada au Jeux olympiques.
[Français]
Le sénateur Robichaud : D'après votre présentation, vous offrez les services aux athlètes dans les deux langues officielles. Mais est-ce que les athlètes se servent de ces services ou ils utilisent plutôt l'anglais, parce que cela va plus vite?
Quelle utilisation fait-on des services que vous offrez aux athlètes dans les deux langues?
[Traduction]
M. Chambers : Nos services sont disponibles dans les deux langues. Aux Jeux olympiques, lorsqu'un athlète parle en français à la table de services aux athlètes, on lui répond aussitôt en français. Les athlètes n'auront donc pas la moindre difficulté à se sentir à l'aise et à vivre au village dans la langue de leur choix, que ce soit l'anglais ou le français.
En dehors des jeux au sens strict, à l'occasion par exemple d'un exposé donné dans le cadre d'une réunion préparatoire, il se peut que les athlètes ne puissent profiter d'un service donné. Si on se rapporte au rapport publié l'année dernière à l'intention de Sports Canada, la plupart des athlètes francophones sont à l'aise en anglais et comprennent cette langue, tandis que l'inverse n'est pas aussi fréquent. Il se peut donc que des athlètes francophones ne se servent pas des services d'interprétation simultanée pendant un exposé et permettent à la réunion de se dérouler en anglais. Aux dires de certains, cela ne tient pas vraiment au désir de faire le moins de vagues possible pour éviter de compromettre sa place dans l'équipe olympique, mais plutôt au souci de ne pas se démarquer des autres dans le cours de la réunion; c'est ce qui explique que l'athlète y participera en anglais. Voilà un exemple. Mme Assalian va plus loin que moi ici.
[Français]
Mme Assalian : Je dois vous avouer que nos services d'interprétation simultanée ne sont pas du tout utilisés.
Le sénateur Robichaud : Mais de la façon dont vous me l'expliquiez, on parlait des athlètes francophones qui ne se servaient pas des services. Cela veut dire que les présentations sont faites en anglais?
Mme Assalian : Oui. Cependant, avant les Jeux olympiques, on a des réunions où l'on utilise le service d'interprétation simultanée, mais on voit que cela ne sert pas pendant les Jeux olympiques. C'est beaucoup moins formel. Alors tout ce que l'on offre, c'est dans les deux langues, parce que les athlètes et les entraîneurs doivent être à l'aise avec les services.
Le sénateur Robichaud : Lorsque l'on fait une présentation, est-ce que la première langue utilisée est l'anglais ou est- ce qu'on alterne du français à l'anglais?
Mme Assalian : Tout le matériel de présentation est en français et en anglais. Les présentateurs font leurs présentations en anglais ou, plus rarement, en français. Lorsque notre chef de mission, Sylvie Bernier, fait sa présentation, elle peut la faire en français ou en anglais. Si elle la fait en français, les athlètes et les entraîneurs anglophones utilisent l'interprétation simultanée. Si une présentation se fait en anglais, on a remarqué que les services ne sont pas utilisés. Mais au moins, ils sont offerts.
Le sénateur Losier-Cool : Ma question est assez brève. Comment se fait le choix des réseaux, des médias de communication? Mme Bissonnette nous a dit tout à l'heure que pour les Jeux de Vancouver, ce serait CTV qui couvrirait tous les jeux. Est-ce que vous avez une autorité sur ce choix?
[Traduction]
M. Chambers : C'est le choix du CIO.
Le sénateur Comeau : Monsieur Chambers, j'ai écouté vos échanges avec le sénateur Murray. J'avais l'impression qu'au Canada, on tient pour acquis le respect des langues officielles est qu'il n'est même pas question de mettre cela en doute. C'était tout au moins le cas lors de l'évaluation des trois villes candidates, Vancouver, Calgary et Québec. Personne n'a en effet posé de questions au sujet des langues officielles, et personne n'a passé de remarque sur le sujet, étant donné, comme je l'ai dit, que l'on suppose d'emblée qu'au Canada, les langues officielles seront respectées. Cependant, j'ai toujours pensé qu'il est risqué de tenir les choses pour acquises. C'est pour cela que je pose de telles questions. Est-ce qu'on ne devrait pas de toute façon les poser lors des réunions?
M. Chambers : Il n'y a certainement pas de mal à les poser et il est peut-être mieux de le faire. Cela dit, franchement, et ainsi que je disais au sénateur Murray, le problème, lorsqu'on les pose, c'est qu'on sait à quelle réponse s'attendre. Ce qui compte pourtant, ce ne sont pas tant les réponses données que les mesures tangibles prisent pendant les jeux.
Le sénateur Comeau : Lorsqu'on pose des questions, on obtient des réponses consignées au procès-verbal. Si les répondants affirment catégoriquement avoir l'intention de respecter le bilinguisme, ils se trouvent à prendre par le fait même un engagement; ils font officiellement part de leurs intentions. Si l'on ne pose pas de questions sur le sujet, on ne reçoit pas cet engagement public. La personne en question ou, en l'occurrence, la ville, ne sera pas nécessairement parti à l'engagement. Aussi, un engagement verbal est préférable à l'absence de tout engagement.
M. Chambers : Oui, c'est vrai. Je crois cependant que la plupart des participants à la réunion savent fort bien que, dans l'éventualité où ils seront choisis pour faire partie de l'un des éléments, ils seront tenus de fournir un engagement écrit. Encore une fois, vous poserez une question à laquelle vous savez quelle réponse on vous donnera, ce sera « oui, oui, oui, », mais, ce qui compte, c'est ce qui se fera. De toute façon, les représentants de la ville choisie vous fourniront une promesse écrite.
Le sénateur Comeau : L'Organisation internationale de la Francophonie enverra probablement un grand témoin observer ce qui se passera à Whistler et à Vancouver. Ce qu'on ne voudrait pas entendre alors, c'est le genre de remarques que nous a faites Mme Bissonnette aujourd'hui. Je vais vous en citer quelques-unes.
[Français]
... Internet, mieux; bénévoles, bien; volet commercial, désolant; français, inexistant; commentaires sportifs : le français n'était pas là; réunions techniques de travail, en anglais; médias, catastrophique; signal télévisuel, en anglais seulement. Nous ne voulons absolument pas que de tels commentaires soient faits après les Jeux olympiques au Canada. Cela n'est pas acceptable au Canada. C'est la raison pour laquelle je crois qu'il faut que les gens s'impliquent dès le début afin de contrer une situation qui serait déplorable à ce niveau. Si la question des deux langues n'est pas prise en compte, nous perdrons la confiance de tous. Ce sont mes commentaires.
[Traduction]
M. Chambers : Cela fait assez longtemps que je fréquente les milieux sportifs pour me méfier des engagements verbaux. C'est pourquoi nous tenons à ce que les grandes villes s'engagent par écrit, dans leur document de candidature, à respecter les deux langues, plutôt que de nous fier à des paroles.
Je précise que le COVAN a déjà pris des mesures pour que la situation ne donne pas de prise à de telles observations. Vous n'ignorez sans doute pas qu'il a très tôt signé une entente bilatérale avec le Québec afin de profiter de son appui et de ses conseils pour que le français fasse partie intégrante des activités, etc. J'espère que ce ne sera que le début des mesures qui permettront aux Jeux de respecter pleinement les deux langues à Whistler et à Vancouver.
[Français]
La présidente : Je me permettrai de poser la dernière question qui est la suivante : À titre de Comité olympique canadien, vous nous avez donné ici des exemples qui illustrent le respect, la reconnaissance et l'importance que vous accordez aux deux langues officielles. Maintenant, si vous n'y étiez plus un jour, qu'est-ce qui arriverait de cette politique? Est-ce par obligation que vous faites ça ou c'est tout simplement par respect des deux langues officielles? Êtes-vous régi par une politique quelconque pour donner ces services ou si ce n'est que par bonne volonté? J'essaie de voir si votre comité a une obligation quelconque.
[Traduction]
M. Chambers : Notre comité s'est doté d'une politique des langues officielles, selon laquelle de tels services devront obligatoirement être fournis. Je ne tiens pas à faire le croisé ici, mais si Mike Chambers venait à disparaître et Caroline Assalian décidait d'accrocher ses patins, il incomberait quand même tout autant à nos successeurs qu'à nous-mêmes de mettre en œuvre ce genre de mesures.
[Français]
La présidente : C'est ce que je me demandais.
Mme Assalian : Je pense que c'est aussi beaucoup plus que ça. On veut que les athlètes canadiens et leurs entraîneurs performent aux Jeux olympiques. Même s'il n'y avait pas de politique du COC concernant la langue, c'est primordial pour nous que les athlètes et leurs entraîneurs soient confortables durant les Jeux olympiques. Nous sommes responsables pour eux aux Jeux olympiques. Pour nous, c'est très important que les athlètes soient confortables, ainsi ils peuvent mieux performer dans cet environnement.
La présidente : Je vous remercie d'être venus témoigner aujourd'hui devant notre comité.
La séance est levée.