Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 6 - Témoignages du 6 novembre 2006
OTTAWA, le lundi 6 novembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 16 h 10 pour étudier, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la Loi.
Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Honorables sénateurs, nous allons commencer la réunion du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Notre premier témoin, l'honorable Josée Verner, ministre de La Francophonie et des Langues officielles, nous rejoindra dans quelques instants.
En attendant qu'elle se présente devant le comité, nous pourrions commencer à discuter de façon moins formelle avec les personnes présentes soit Mme Judith LaRocque, M. Jérôme Moisan et M. Hubert Lussier.
Pour commencer, je laisserai la parole à Mme LaRocque pour quelques instants mais, auparavant, permettez-moi de vous présenter les membres du comité.
À ma gauche, le sénateur Champagne, vice-présidente, le sénateur Tardif, le sénateur Murray, le sénateur Robichaud et le sénateur Losier-Cool.
Le sénateur Robichaud : Mme LaRocque pourrait peut-être nous suggérer des questions à poser au ministre?
Judith A. LaRocque, sous-ministre, Patrimoine canadien : Merci, madame la présidente, de la suggestion et je vous remercie de votre accueil aujourd'hui. Nous sommes heureux d'être ici et de pouvoir répondre à vos questions. Personnellement, je connais bien le Comité sénatorial permanent des langues officielles car, lorsque c'était un comité mixte présidé en partie par le sénateur Murray, j'étais greffier-adjoint à la Chambre des communes.
Je suis toujours vos travaux avec un intérêt particulier. Je sais que c'est un comité qui a été particulièrement actif récemment. Nous avons eu à répondre à vos rapports et à prendre note de vos recommandations. Je ne veux pas prendre plus de temps qu'il ne le faut et j'aimerais passer tout de suite aux questions.
La présidente : Sénateur Champagne, avez-vous des questions?
Le sénateur Champagne : Mes questions étaient destinées à Mme la ministre et on me dit qu'elle siège présentement à un comité du Cabinet. Elle ne devrait pas tarder.
On pourrait commencer avec le déménagement de plusieurs bureaux d'institutions fédérales, je pense, entre autres, à la Commission canadienne du tourisme qui a été relocalisée d'Ottawa à Vancouver. Croyez-vous que cette relocalisation aura un impact sur le plan des langues officielles? Quand on pense à l'application des différentes parties de la loi, ce sera sûrement, pour la ministre responsable des langues officielles et pour son équipe, de nouvelles difficultés ou des défis supplémentaires?
Mme LaRocque : Je connais seulement un cas et c'est celui de la Commission canadienne du tourisme. S'il y en a d'autres, je suis moins au courant. Il est clair que cette organisation a des obligations linguistiques relativement au service au public. Elle a des obligations en ce qui a trait à la langue de choix des employés. Ils ont confirmé par écrit, à la direction des langues officielles, leur adhésion à la Loi sur les langues officielles. Reste à voir s'ils pourront attirer du personnel bilingue à Vancouver. Cela viendra à la longue. Nous avons des bureaux à Vancouver et on a toujours été capable de trouver des personnes bilingues pour le bureau régional du ministère Patrimoine canadien à Vancouver. Ce sera le défi.
Le sénateur Murray : J'aimerais savoir comment cela fonctionne au sein du nouveau gouvernement du Canada. Dans le passé, on parlait de trois centres de décision, trois centres de responsabilité au sein du gouvernement sur les langues officielles : le ministre du Patrimoine canadien, surtout en ce qui concerne les ententes fédérales-provinciales, l'aide du fédéral à l'éducation; le président du Conseil du Trésor pour la fonction publique; et finalement, le ministre de la Justice pour la Loi sur les langues officielles. Est-ce la répartition des responsabilités actuelle?
Mme LaRocque : Pas tout à fait.
Le sénateur Murray : Pas tout à fait; est-ce que Mme Verner joue un rôle analogue à celui de Mauril Bélanger dans le passé? Vous le savez puisque vous étiez là tout ce temps.
Mme LaRocque : Oui, mais au-delà de cela, Mme Verner a la responsabilité des programmes en matière de langues officielles; responsabilités détenues auparavant par la ministre du Patrimoine canadien. Par exemple, tous les programmes en éducation, en services, les ententes avec les provinces, avec les communautés qui relevaient de M. Lussier sont maintenant la responsabilité de Mme Verner. Il demeure que le ministre de la Justice joue son rôle ainsi que le président du Conseil du Trésor. Mme Oda a un rôle à jouer sur le plan culturel francophone, mais les programmes en appui aux langues officielles relèvent maintenant de Mme Verner.
Le sénateur Murray : Elle n'est pas ministre d'État? S'agit-il d'un portefeuille distinct? Elle est ministre de la Coopération internationale et ministre de La Francophonie. Or, ces deux rôles relèvent, en première instance, du ministre des Affaires étrangères et des langues officielles et de la ministre du Patrimoine canadien n'est-ce pas?
Mme LaRocque : Je peux vous donner l'exemple du ministre responsable des affaires intergouvernementales et aussi responsable pour le sport. Les programmes de Sport Canada lui sont délégués et dans cette instance, les programmes d'appui aux langues officielles sont délégués officiellement à Mme Verner.
Le sénateur Murray : Donc la ministre responsable est la ministre du Patrimoine canadien?
Mme LaRocque : Je ne le décrirais pas comme cela, mais il y a une délégation particulière chez M. Emerson pour les Jeux olympiques de Vancouver 2010, une délégation spécifique pour M. Chong pour les programmes de Sport Canada et une délégation particulière pour les langues officielles pour Mme Verner.
Le sénateur Tardif : Qui signe les ententes de collaboration avec les provinces?
Mme LaRocque : Les ententes sont cosignées par Mme Verner et Mme Oda pour le gouvernement fédéral.
Le sénateur Losier-Cool : Peut-être que M. Lussier pourra apporter des éléments de réponse à ma question en l'absence de Mme Verner concernant les programmes de l'Agence de la presse francophone. Vendredi dernier, l'Association de la presse francophone m'a écrit m'informant que la Société canadienne des postes avait décidé de retirer sa contribution financière de 15 millions de dollars au programme. On sait que la Société des postes est un service pour tous et que la Loi sur les langues officielles dit qu'elle doit aider et favoriser l'épanouissement auprès des communautés. Votre ministère a-t-il des plans financiers pour compenser cette compression budgétaire? J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
Mme LaRocque : C'est un problème pour la presse francophone, mais pour la presse au Canada anglais aussi. Ce dossier relève du ministre Cannon en ce qui concerne ses responsabilités envers Postes Canada. Si je comprends bien, M. Cannon travaille actuellement avec Postes Canada pour trouver une autre solution à ce sujet.
Nous vérifions de très près ces discussions à savoir s'il peut y avoir une solution satisfaisante pour tous. Vous avez raison de l'indiquer comme problème.
Le sénateur Losier-Cool : La presse francophone en situation minoritaire est un outil de développement important. Cela me ramène à ma question générale, à savoir si l'adoption du projet de loi S-3 a exigé plusieurs changements chez vous?
Mme LaRocque : Cela apporte une autre optique importante à tout ce qu'on fait. Auparavant, on avait l'optique de la diversité ou celle d'égalité des sexes, maintenant on a une troisième optique et il faut l'appliquer dans tout ce qu'on fait. M. Lussier pourrait vous expliquer comment nous nous sommes organisés ou outillés pour le faire.
Hubert Lussier, directeur général, Programmes d'appui aux langues officielles, Patrimoine canadien : Madame la présidente, cela a changé beaucoup de choses dans la mesure où l'intensité des contacts avec les institutions fédérales s'est accrue. On avait déjà des réseaux établis pour expliquer les engagements qui préexistaient aux changements de la loi. Désormais, il y a une obligation supplémentaire obligation qui a accru l'intensité. On a fait plusieurs dizaines de rencontres avec les institutions fédérales, moi-même et certains collègues juristes, parce qu'il y a une dimension juridique importante. On est à développer un guide, qui devrait sortir dans quelques semaines, pour aider les institutions fédérales à comprendre ce que veulent dire ces nouvelles obligations.
On a tenu des ateliers avec des communautés pour bien comprendre quelles étaient leur position à ce sujet. Je n'ai pas l'impression que cela va arrêter. J'ai encore plusieurs de ces rencontres inscrites dans mon agenda.
Le sénateur Tardif : J'aimerais revenir sur la question du déménagement des sièges sociaux. Il y a eu d'autres déménagements, avant la Commission canadienne de tourisme : Anciens Combattants Canada, Financement agricole Canada ainsi que l'Office national de l'Énergie.
Est-ce que votre ministère a fait des études d'impact sur la langue de travail, des services au public, sur la communauté qui recevait ces sièges sociaux dans leur région?
Jérôme Moisan, directeur principal, Secrétariat des langues officielles, Patrimoine canadien : Madame la présidente, généralement, en ce qui a trait à la gestion des ressources humaines à l'intérieur du gouvernement du Canada, lorsque vous parlez d'environnement de travail, cela relève bien de l'Agence de gestion des ressources humaines du Canada. Ce sont eux qui, lorsqu'il y a des déménagements, se soucient de la langue de travail, des droits des employés de pouvoir continuer à travailler et à être supervisés dans leur langue. Ce serait probablement eux qui seraient en mesure de connaître l'impact historique parce qu'ils ont probablement suivi de plus près la situation des anciens combattants et des deux ou trois autres situations que vous avez soulevées.
Grâce à cette expérience, dans le cas de la Commission canadienne du tourisme, une règle a été établie qui s'applique à toute institution fédérale dont le siège social passe d'une région désignée bilingue — comme c'était le cas pour la Commission canadienne du tourisme — à une région unilingue. Désormais une règle a été instaurée établissant que les employés peuvent continuer à travailler dans la langue de leur choix, peu importe l'endroit où le siège social est déménagé puisqu'il s'agit d'un siège social et non d'une activité régionale. En raison de sa nature de siège social, on garde l'ensemble des exigences en matière de langue de travail.
Le sénateur Tardif : C'était, cependant, une protection provisoire. Est-ce que vous envisagez prendre des mesures permanentes pour protéger, de façon définitive, les droits des employés en matière de langue de travail? Entrevoyez- vous instaurer des règlements, par exemple?
M. Moisan : On pourrait faire un suivi auprès de l'Agence de gestion des ressources humaines du Canada pour connaître leur plan. Mais cette mesure provisoire reste en vigueur aussi longtemps que le Conseil du Trésor ne décide pas de la remplacer. Il y a une évaluation en cours; on pourrait vérifier les questions d'échéancier pour vous et fournir ultérieurement la réponse au comité.
Mme LaRocque : À la suite de cette évaluation, il pourrait y avoir une prise de décision et que ce soit nécessaire de l'avoir de façon plus permanente, mais en ce moment c'est une mesure temporaire qui a été prise en juin 2005.
La présidente : Madame la ministre Verner, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Nous vous remercions d'avoir trouvé le temps d'être avec nous. Je vous laisserai immédiatement la parole avant que nous passions aux questions.
L'honorable Josée Verner, C.P., députée, ministre de La Francophonie et des Langues officielles : Honorables sénateurs, merci. Vous tous ici présents connaissez bien les enjeux liés à la promotion des langues officielles au Canada. Je suis heureuse d'être ici pour aborder cette question.
J'aimerais vous faire part du rôle que je joue en tant que ministre de La Francophonie et des Langues officielles. J'aimerais aussi vous parler du travail que nous avons réalisé pour promouvoir les langues officielles et coordonner les efforts de notre gouvernement en ce sens. Enfin, j'aimerais partager avec vous quelques réflexions qui se dégagent des consultations que j'ai menées au cours des derniers mois.
En janvier dernier, la population canadienne a élu un gouvernement qui proposait une nouvelle feuille de route afin de bâtir un Canada plus fort et plus uni. Pour nous, bâtir un Canada plus fort et plus uni veut dire prendre tous les moyens nécessaires pour favoriser l'essor de nos deux langues officielles. Le premier ministre Harper a donc créé, au sein de son cabinet, un poste de ministre de La Francophonie et des Langues officielles.
En agissant ainsi, il a envoyé un message clair, celui que nos deux langues officielles sont importantes pour le nouveau gouvernement du Canada et que nous voulons les promouvoir de la façon la plus efficace possible. Je suis très fière que le premier ministre m'ait confié ces responsabilités.
D'une part, je suis responsable des programmes du ministère du Patrimoine canadien relatifs à la dualité linguistique. Cela concerne notamment l'appui aux communautés, les ententes avec les provinces et les territoires en matière d'éducation et de services dans la langue de la minorité et la mise en valeur des deux langues officielles dans l'ensemble du pays.
D'autre part, j'assume la coordination de l'ensemble des activités fédérales en matière de langues officielles. Mes efforts portent sur les activités qui touchent l'appui aux communautés en situation minoritaire, la promotion de la dualité linguistique, la langue dans laquelle les institutions fédérales servent le public et les droits linguistiques des employés fédéraux.
C'est la première fois que les responsabilités en matière de francophonie internationale et de langues officielles sont réunies et confiées à un seul ministre. C'est un rôle qui me tient particulièrement à cœur en tant que Québécoise, en tant que Canadienne et en tant que francophone.
Ces deux chapeaux que je porte me permettent de servir, ici et à l'étranger, la cause de notre dualité linguistique au sein de l'appareil gouvernemental et dans toutes les sphères de la société canadienne : l'éducation, la prestation de services, la jeunesse, l'immigration, la culture et les arts, les échanges linguistiques et l'apprentissage de la langue seconde. Comme vous le voyez, mon champ d'action est vaste, mais j'entends agir en tout temps de façon responsable aux bénéfices de l'ensemble des Canadiens. C'est d'ailleurs l'une des priorités de notre gouvernement. Le temps est venu de faire de cette dualité linguistique, qui est au cœur de notre identité, un atout économique, social et culturel pour l'ensemble du Canada.
Pour y arriver, nous devons adopter une approche novatrice, résolument tournée vers l'avenir. Nos efforts en ce sens ne datent pas d'hier : l'adoption des modifications à la Loi sur les langues officielles, que le Parti conservateur a appuyée avant son élection, célèbrera bientôt son premier anniversaire.
[Traduction]
Ces modifications ont renforcé l'engagement du gouvernement fédéral à l'égard des communautés minoritaires et reconnaissent l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne. Nous avons appuyé ces modifications car nous croyons en l'importance d'assurer aux Canadiens la possibilité de travailler en français comme en anglais au sein des institutions fédérales, d'obtenir des services et des renseignements du gouvernement du Canada dans la langue officielle de leur choix et de vivre partout au pays.
[Français]
Ces droits font partie du contrat qui unit notre pays. Ils sont enchâssés dans la Loi sur les langues officielles et dans la Charte canadienne des droits et libertés. Je tiens à être claire : il n'est aucunement question, pour le gouvernement actuel, de renier l'importance de ces droits ou de les remettre en cause. Aujourd'hui plus que jamais le gouvernement tient compte de ses obligations et de ses responsabilités. Nous allons nous servir du nouveau contexte juridique pour redoubler d'ardeur, car nous avons à cœur l'avenir des communautés minoritaires et l'usage du français et de l'anglais au sein de la société canadienne. Dès mon arrivée, j'ai signé avec chaque province et territoire des ententes bilatérales en éducation totalisant un milliard de dollars sur quatre ans. Nous avons conclu d'importantes ententes en matière de services dans la langue de la minorité qui représentent près de 64 millions de dollars sur quatre ans. Notre gouvernement continue aussi d'appuyer directement les organismes sans but lucratif qui représentent les communautés de langues officielles en situation minoritaire. En fait, nous avons augmenté les enveloppes financières prévues à cet effet de 11 p. 100, comparativement à il y a deux ans.
Grâce à ces ententes, les communautés en situation minoritaire sont en mesure de mettre en place des programmes adaptés à leur réalité. Voilà ce dont je vous parlais plus tôt lorsque je vous expliquais l'importance, pour nous, de renforcer la dualité linguistique. Ces ententes sont un pas dans la bonne direction et ce n'est pas le seul que nous avons fait.
En plus de signer ces ententes, nous avons : appuyé la création de l'assemblée franco-ontarienne; participé aux efforts de relance du Festival franco-ontarien; accordé 660 000 dollars à la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada pour l'organisation de son Sommet des communautés francophones et acadienne en 2007; versé 500 000 dollars à la ville d'Ottawa afin de l'aider à offrir des services en français.
[Traduction]
Nous avons signé un accord de collaboration avec le mouvement associatif de la communauté anglophone du Québec. Nous voulons maintenir un dialogue ouvert et harmonieux avec cette communauté qui contribue de façon remarquable au rayonnement du Québec sur les scènes nationale et internationale.
[Français]
Sur le plan législatif, j'ai travaillé de près avec le ministre des Transports, de l'infrastructure et des collectivités, Lawrence Cannon, et le ministre de la Justice, Vic Toews. Nous avons mis sur les rails le projet de loi C-23 afin de permettre à un accusé d'être entendu par un juge ou un jury dans la langue officielle de son choix.
De plus, nous nous sommes fondés sur un rapport du Comité permanent des langues officielles pour proposer des modifications à la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. Grâce à ces changements, les exigences en matière de langues officielles continueront de s'appliquer à la nouvelle structure d'Air Canada et de ses sociétés affiliées.
C'est sur des gestes comme ceux-là, tournés vers l'avenir, que nous devons miser et nous misons également sur notre capacité à canaliser tous les efforts gouvernementaux pour assurer le dynamisme des communautés de langues officielles en situation minoritaire. Comme vous le savez, le Secrétariat des langues officielles fait maintenant partie du ministère du Patrimoine canadien. Cette réorganisation a un effet bénéfique sur la promotion de la dualité linguistique et sur l'essor des communautés de langues officielles en situation minoritaire. En effet, le Secrétariat m'aide à mettre en œuvre une approche dite horizontale et j'ai des alliés de taille.
[Traduction]
Par exemple, en septembre, mon collègue Monte Solberg, ministre de l'Immigration, et moi avons dévoilé un plan pour favoriser l'immigration au sein des communautés francophones en situation minoritaire.
[Français]
Dans le dernier budget, notre gouvernement a aussi annoncé 307 millions de dollars supplémentaires pour assurer l'établissement des immigrants au pays. Cela profitera aussi grandement aux communautés francophones en situation minoritaire.
Un autre point positif dans le dossier des langues officielles est la nomination de Graham Fraser au poste de commissaire aux langues officielles. M. Fraser, qui comparaîtra après moi, a une connaissance approfondie des politiques linguistiques du pays et insuffle déjà un vent de fraîcheur et des idées nouvelles.
Enfin, je crois que l'esprit de collaboration que j'entends créer était bien présent à la conférence ministérielle sur la francophonie canadienne qui s'est tenue en octobre. Durant cette rencontre, les ministres des provinces et des territoires ainsi que moi-même, avons décidé d'agir auprès des jeunes. La jeunesse canadienne est ouverte à la dualité linguistique, elle est de plus en plus bilingue, mobile et branchée sur les nouvelles technologies. Elle représente notre avenir, un avenir plein de promesses.
Le rapport La francophonie canadienne : enjeux, défis et pistes pour l'avenir qui nous a été présenté est un document de réflexion fort intéressant pour faire progresser la francophonie canadienne. Je suis fière que tous les ministres se soient mis d'accord sur le bien-fondé du rapport et que notre gouvernement l'ait entériné.
Nous avons notamment convenu de tirer profit des rencontres de grande envergure comme le Sommet de la Francophonie à Québec en 2008, le Congrès mondial acadien en 2009 et d'autres célébrations que j'aborderai pour promouvoir la francophonie canadienne.
J'ai confiance que grâce à cette collaboration, les gouvernements du Canada, des provinces et territoires pourront exercer leur leadership dans des dossiers clés et ainsi favoriser la mise sur pied de projets concrets pour les communautés. Voilà une autre preuve de notre adhésion à un fédéralisme d'ouverture.
Parlant d'avenir, je crois que plusieurs occasions se présenteront pour renforcer notre action. Le gouvernement du Canada doit dresser un bilan de plusieurs programmes et projets, notamment de Patrimoine canadien, Santé Canada et Citoyenneté et immigration Canada, qui appuient la francophonie et les langues officielles. Ce sera l'occasion d'identifier ce que nous faisons de bien et de trouver de nouvelles façons de faire plus et mieux. Cet exercice nous permettra de préparer le terrain afin que notre travail ait le plus de retombées possibles dans les communautés minoritaires et dans l'ensemble du pays.
Dans cet esprit de vouloir nous assurer de l'efficacité de nos gestes, je pose la question. Est-ce que nous exploitons pleinement le capital grandissant de sympathie envers la dualité linguistique? J'irai plus loin. Exploitons-nous pleinement les avantages que nous procure cette dualité sur les plans économique, social et culturel?
[Traduction]
Selon moi, notre dualité linguistique est bien plus qu'une richesse patrimoniale. Elle est un atout de taille tant pour les individus que pour la société dans son ensemble. Comme moi, de plus en plus de Canadiens se rendent compte que notre dualité linguistique n'est pas seulement un vestige du passé, mais qu'elle est une partie essentielle de l'avenir du Canada dans un monde où la capacité de communiquer est de plus en plus valorisée.
[Français]
Une enquête récente menée pour le compte du Commissariat aux langues officielles a révélé que 72 p. 100 des Canadiens considèrent que le bilinguisme est important. C'est là une statistique éloquente qui renforce encore ma volonté de travailler à l'essor de notre dualité linguistique.
Être bilingue accroît la capacité d'apprendre d'autres langues. Plus nos travailleurs seront bilingues, voire multilingues, plus le Canada sera compétitif dans un monde où les échanges se multiplient. Nous ne sommes pas les seuls à le reconnaître, l'Union européenne en a aussi fait une pierre angulaire de sa prospérité.
Ici même au pays, l'essor de certaines industries est déjà lié à la présence de deux langues officielles. Songeons notamment aux industries de la langue comme la formation linguistique, la traduction et les technologies langagières. Songeons également à un secteur comme le tourisme culturel qui, grâce au français et à l'anglais, est appelé à croître.
Comme vous pouvez le constater, certaines pistes s'ouvrent et pour prendre les devants dans ces domaines, nous devons nous diriger vers un partenariat renouvelé et renforcé de toutes les parties intéressées. Le gouvernement du Canada doit montrer la voie à suivre en aidant les Canadiens à tirer profit de leurs connaissances pour saisir toutes les occasions qui s'offrent à eux dans l'environnement de plus en plus compétitif et interconnecté d'aujourd'hui.
Nous devons jeter des ponts entre tous les Canadiens afin que le français et l'anglais deviennent une force collective et un ciment qui nous unit plus sûrement que toutes les obligations réunies. Nous avons à notre actif comme langues officielles deux langues qui jouent un rôle prépondérant dans l'univers économique, social et culturel de l'Amérique, de la Francophonie et du monde entier. Nous devons en tirer pleinement profit.
D'ici la fin de la décennie, deux manifestations d'envergure seront justement l'occasion de mettre en lumière la richesse de la francophonie canadienne et notre dualité linguistique. Dans un premier temps, une fenêtre historique s'ouvre à l'approche du 400ième anniversaire de la ville de Québec. Ce sera une occasion formidable de célébrer toute la vitalité culturelle du Québec et le dynamisme de la francophonie canadienne.
Ces célébrations nous rappelleront que la langue française est la langue fondatrice du Canada. Durant cette grande fête, tous les Canadiens pourront exprimer leur fierté de faire partie de la grande famille de la francophonie et de vivre dans un pays doté de deux langues officielles. Dans un premier temps, en 2010, les yeux du monde entier seront tournés vers Vancouver et Whistler durant les Jeux olympiques et paralympiques d'hiver.
Je sais que c'est un dossier qui vous tient à cœur. Je peux déjà affirmer que le gouvernement du Canada, en collaboration avec le comité organisateur et la Colombie Britannique, a la volonté de projeter aux yeux du monde non seulement l'excellence de ses athlètes et la richesse de sa culture, mais également l'image d'un pays fort et fier de sa dualité linguistique.
J'ai récemment signé des ententes avec la fondation Dialogue et avec la Fédération des francophones de la Colombie Britannique pour que les francophones de cette province ainsi que l'ensemble de la francophonie canadienne soient au cœur des Jeux. Voilà l'essentiel de ce que je voulais partager avec vous aujourd'hui. La francophonie canadienne et nos deux langues officielles doivent être mises en valeur et j'entends travailler avec vous et les gens de tous les horizons afin d'atteindre cet objectif.
La contribution des membres de votre comité est importante car elle nous permet de nous pencher sur des questions qui touchent de près les Canadiens. À ce sujet, permettez-moi de souligner le travail formidable que vous avez accompli dans le cadre de l'étude portant sur les communautés francophones et acadiennes de la Nouvelle-Écosse et du rapport intitulé : L'éducation en milieu minoritaire francophone : un continuum de la petite enfance au postsecondaire. La semaine dernière, notre gouvernement a soumis sa réponse à ce rapport. Nous y réitérons notre volonté de jouer notre rôle, que ce soit en matière d'enseignement en milieu minoritaire, d'apprentissage ou de petite enfance et ce, bien entendu, dans le respect des compétences de chacun. En terminant, je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole et je suis maintenant prête à répondre à vos questions.
Le sénateur Champagne : Madame la ministre, comme vous le mentionniez dans votre allocution, dans quelques jours nous célébrerons le premier anniversaire de l'adoption du projet de loi S-3. Ce fut l'un de mes premiers agréables moments au Sénat, puisque je venais à peine d'y arriver.
Le renforcement de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles est très important pour rendre justiciable les obligations énoncées, qui, en fait, peuvent faire l'objet de recours devant les tribunaux.
Au cours de l'année, est-ce que votre ministère a reçu des plaintes? Est-ce que vous avez répertorié des plaintes à propos du respect, dans les institutions fédérales, des obligations énoncées? Est-ce qu'il y a eu des recours en justice?
Mme Verner : Comme il s'agit de dossiers très précis, je vais demander à mon collègue Hubert Lussier de répondre à votre question.
M. Lussier : Oui, il y a eu des plaintes. Nous n'avons pas connaissance de l'ensemble des plaintes qui auraient été déposées. Comme vous le savez, c'est au commissariat que sont déposées les plaintes. Il y en aurait un certain nombre, et peut-être certaines qui nous touchent en tant que ministère, mais je n'ai pas la connaissance fine de ce qui a été déposé. Par contre, il y en a eues certaines dont je suis au courant, qui remontent à un certain temps.
Le sénateur Champagne : Les gens commencent à s'habituer à vivre avec la Loi sur les langues officielles.
Mme Verner : C'est d'ailleurs avec beaucoup de fierté que notre parti a appuyé le projet de loi S-3, à l'automne 2005.
Depuis ce moment, le greffier du Conseil privé a fait part à chaque institution fédérale, par voie de lettre, de la teneur des modifications et moyens qui devaient être pris, conformément à l'adoption de cette loi. Des présentations, des sessions de formation et des forums furent menés par Patrimoine canadien et Justice Canada dans le but de sensibiliser les institutions fédérales au projet de loi S-3. Nous travaillons présentement à l'élaboration d'un guide stratégique pour la mise en œuvre du projet de loi S-3.
Le sénateur Champagne : Est-ce que l'abolition du Programme de contestation judiciaire a fait en sorte qu'il y a moins de plaintes ou de recours en justice?
M. Lussier : Le mécanisme par le biais duquel une plainte peut être logée, en vertu de la partie VII, n'a pas été affecté du tout. Il reste entièrement disponible aux communautés et pour quiconque désire s'en prévaloir.
Le sénateur Champagne : On a entendu certaines rumeurs sur la colline, la semaine dernière, selon lesquelles le Programme de contestation judiciaire, en ce qui concerne les langues officielles, renaîtrait des cendres. Peut-on voir la vie en rose?
Mme Verner : On peut toujours, de façon générale, voir la vie en rose. Comme vous savez, ce programme fait l'objet de recours devant les tribunaux. Il serait donc mal indiqué de ma part de commenter.
Le sénateur Tardif : J'aimerais attirer votre attention sur le déménagement des sièges sociaux, plus particulièrement celui de la Commission canadienne du tourisme d'Ottawa à Vancouver, soit d'une région bilingue à une région unilingue.
Avant votre arrivé, madame la ministre, Mme Larocque et M. Moisan nous ont fait part de certains faits. Dans le cadre des compressions et des fonds réalloués annoncés par votre gouvernement le 25 septembre dernier, la Commission canadienne du tourisme a fait l'objet d'une compression budgétaire de 5,675 millions de dollars. Cette somme devait servir à son déménagement. Or, ces fonds n'ont pas été utilisés.
Est-ce que votre gouvernement a l'intention de remettre ces fonds pour combler certaines nécessités? On peut penser, notamment, à la formation linguistique, à l'emploi de personnel bilingue à Vancouver, dans le but de rencontrer les exigences en matière de services en français. On peut également penser à la possibilité, pour les employés fédéraux, de travailler en français.
Mme Verner : Votre question est très pointue et requière certes une réponse très précise. Elle touche un aspect particulier de la Commission canadienne du tourisme. Si je ne m'abuse, cette commission relève de mon collègue Maxime Bernier. Si vous le désirez, nous pourrons lui poser la question et vous communiquer sa réponse. Je n'ai pas avec moi d'information concernant cette somme de 5 millions de dollars.
Le sénateur Tardif : Il s'agit de 5,675 millions de dollars. Cette somme fut mentionnée dans la liste des coupures annoncées le 25 septembre dernier. On a indiqué que cette coupure toucherait la Commission canadienne du tourisme.
Mme Verner : Nous allons nous informer et vous produire une réponse précise à votre question.
Le sénateur Tardif : J'aimerais revenir à la question du déménagement des sièges sociaux. Présentement, un règlement provisoire protège les employés et leur offre la possibilité de travailler dans la langue officielle de leur choix.
Prévoyez-vous mettre en place des règlements qui assureraient, de façon plus permanente, les droits en vertu de la partie V de la Loi sur les langues officielles?
Mme Verner : Effectivement, vous l'avez bien mentionné, il s'agit d'une mesure provisoire. J'aimerais vous référer à mes notes d'allocution liminaires. Notre premier ministre s'est engagé, ainsi que notre gouvernement, à ne pas contrevenir d'aucune façon aux lois ou même à la charte qui garantissent les droits des minorités francophones.
Cela dit, nous allons nous pencher sur la question, mais j'aimerais vous référer à ma présentation liminaire à ce sujet.
Le sénateur Tardif : Ma préoccupation est la suivante. Lors de déménagements, il arrive fréquemment que l'on ne tienne pas compte de l'impact par rapport à la Loi sur les langues officielles. Lorsque des organismes ou ministères déménagement d'une région à une autre du pays, on semble oublier l'impact que cela aura par rapport à la Loi sur les langues officielles. On ne le fait pas par mauvaise volonté, on n'en tient tout simplement pas compte.
Par la suite, c'est toujours plus difficile d'y revenir et c'est par processus ad hoc, presque, qu'on y revient. Si on pouvait faire quelque chose de façon permanente, on n'aurait pas à traiter du cas par cas chaque fois qu'une situation se présente. Je crois aussi qu'il y a un certain intérêt à encourager davantage le déménagement de sièges sociaux dans différentes régions du pays. C'est pour cela que j'espère que le gouvernement prendra un leadership dans toute cette question.
Mme Verner : Je vous remercie pour vos conseils de vigilance. Je peux vous assurer qu'il est bien de mon intention que la Loi sur les langues officielles soit respectée. Je pense que Mme LaRocque aimerait compléter.
Mme LaRocque : C'est tout simplement pour rappeler qu'une évaluation est en cours pour cette mesure provisoire et dont les résultats seront remis au gouvernement. J'imagine qu'à ce moment-là, il y aura une considération de cette chose.
Le sénateur Losier-Cool : Bonjour, madame la ministre. Ma question touche spécifiquement le Plan d'action sur les langues officielles. Le 24 mai dernier, madame la ministre, je crois comprendre que vous vous êtes engagée à maintenir le financement de 751 millions de dollars sur cinq ans pour le Plan d'action sur les langues officielles. Je sais que la semaine dernière, vous avez rencontré les représentants de la FCFA, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, et qu'ils vous ont fait part de leur préoccupation. Et après, quand l'échéance arrivera, c'est-à- dire après 2008, si le gouvernement actuel est encore là, est-ce qu'on pourra reconduire le plan d'action? Est-ce que ce financement sera renouvelé afin de sécuriser les gens de ces communautés?
Mme Verner : Je vous remercie de votre question. D'entrée de jeu, je vous dirai que l'engagement de notre gouvernement envers les communautés minoritaires est absolument inébranlable. Nous appuyons le plan d'action, c'est certain. Tel que je le mentionnais dans mes notes d'allocution en début de rencontre, nous avons annoncé toute une série de mesures, nous avons signé des ententes avec les provinces en matière d'éducation, de service avec les communautés, nous avons mis de l'avant un plan avec mon collègue du ministère de l'Immigration pour favoriser l'immigration francophone. Bref, c'est tout un dynamisme qui m'anime comme ministre de La Francophonie et des Langues officielles. Je peux vous assurer qu'on va continuer nos discussions avec les communautés, surtout notre dialogue.
Pour ce qui est de 2008, je vous dirais que l'année prochaine, une évaluation du plan sera faite et, que nous prendrons les meilleures décisions dans le meilleur intérêt des communautés.
Le sénateur Losier-Cool : Merci. Lorsque le plan a été adopté, les sociétés culturelles ont déploré le fait qu'ils n'aient pas été consultés lors de l'élaboration du plan d'action. J'aimerais savoir si, lorsque vous ferez cette révision, vous pourrez prendre en considération les doléances de ces sociétés culturelles.
Mme Verner : Je les ai rencontrés la semaine dernière.
Le sénateur Losier-Cool : Ils font un très beau travail auprès de nous. Je pense que la société culturelle contribue beaucoup à la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Mme Verner : Vous avez raison, effectivement, je les ai rencontrés la semaine dernière et ils se sont montrés particulièrement déçus d'avoir été un peu oubliés dans le plan d'action. Comme je vous le dis, depuis mon entrée en poste, et même avant que je sois en poste, lorsque nous étions dans l'opposition, j'avais débuté un dialogue. Je vois les gens des différents organismes sur une base très régulière et j'ai bien l'intention d'entendre chacun des groupes de façon à trouver la meilleure façon de les aider, et ce, le plus efficacement possible.
Le sénateur Losier-Cool : Je pense qu'ils ont des suggestions.
Mme Verner : Je le sais, je les ai rencontrés, ils ont beaucoup de suggestions. Nous avons fixé un rendez-vous ultérieur pour continuer nos discussions.
Le sénateur Robichaud : Bonjour, madame la ministre. J'aimerais revenir au Programme de contestation judiciaire. Je sais qu'il y a une contestation face à l'abolition de certains programmes. J'aimerais savoir quel rôle votre ministère a joué dans la discussion qui a précédé l'annonce de votre gouvernement de ne plus appuyer ce programme.
Mme Verner : Ma collègue, Bev Oda, a été consultée parce que le programme relève de ses responsabilités, donc peut-être que Mme LaRocque pourrait vous répondre.
Mme LaRocque : Je sais pertinemment que ce comité pense au Programme de contestation judiciaire sous la lentille des langues officielles, mais c'est un programme qui émane du ministère du Patrimoine canadien plutôt que de celui de la ministre Verner, puisque ce Programme de contestation judiciaire a été utilisé pour plusieurs fins, pour avancer plusieurs aspects de la Charte. C'est bel et bien vrai qu'à la lumière de cela, Mme Oda avait fait partie des consultations à cet égard.
Le sénateur Robichaud : Mais vous conviendrez par contre que ce programme a aidé beaucoup de personnes en situation minoritaire, il a été très utile; j'aimerais donc croire que plusieurs ministres se seraient levés et auraient appuyé ce programme qui a tellement servi. Dois-je croire qu'à un moment donné, on avait cru que le programme n'était plus utile, qu'il n'avait pas servi et qu'on le laissait tomber?
Mme Verner : Sénateur, je vous remercie pour votre question, mais comme je le disais précédemment, le programme fait l'objet d'un recours devant les tribunaux et je ne vais pas commenter sur le programme.
Le sénateur Robichaud : Madame la ministre, je ne vous demande pas de commenter sur ce qui est présentement devant les tribunaux, je vous demande tout simplement de commenter la discussion qui a eu lieu auparavant. J'aimerais croire qu'il y avait des défenseurs de ce programme d'une très grande importance pour certaines communautés en situation minoritaire.
Mme Verner : Sénateur, vous me demandez de prendre des positions par rapport au Programme de contestation judiciaire qui vont probablement faire l'objet de discussions en cours. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas commenter.
Le sénateur Robichaud : Je ne comprends pas, madame la ministre. Je ne vous demande pas de commenter sur ce qui va se passer, je veux tout simplement savoir si ce programme avait des défenseurs autres que la ministre Oda, et particulièrement du point de vue de votre rôle en tant que ministre de la Coopération internationale, ministre de la Francophonie et des Langues officielles. Je crois que ma question est assez simple.
Mme LaRocque : C'est regrettable, sénateur, parce que, habituellement, on aime bien fournir des réponses à toutes vos questions, mais il est vrai que nous sommes devant la Cour fédérale concernant tous les aspects de la décision prise par le gouvernement, et en raison de cela, il ne serait malheureusement pas approprié pour nous de faire plus de commentaires que ce qu'on a fait jusqu'à présent.
Le sénateur Robichaud : Alors, je devrai attendre, et à ce moment-là on pourra peut-être vous demander de revenir nous voir.
Mme LaRocque : Ce serait avec plaisir. Habituellement, on aime bien répondre à vos questions, mais on est mal pris dans cette situation.
Le sénateur Robichaud : N'allez pas croire que je crois qu'il y a mauvaise volonté de votre part, absolument pas, mais j'aurais voulu en savoir plus.
La présidente : C'est sûrement très difficile lorsque la responsabilité passe d'un ministère à un autre. Par exemple les langues officielles étaient sous la responsabilité de Patrimoine canadien et sont maintenant sous votre responsabilité, madame la ministre.
Comment composez-vous avec le fait que, auparavant, Patrimoine canadien avait la responsabilité de sensibiliser tous les autres ministères à l'égard des langues officielles? À qui appartient maintenant cette responsabilité de sensibiliser les autres ministères et de consulter les communautés? À vous? À Patrimoine canadien? Ou est-ce que ce sont les deux ministères ensemble? Dans le passé, il y a toujours eu des consultations pour connaître ce que les communautés ont à vous dire. Qui compose avec quoi? Qui a la responsabilité? Et comment cela se fait-il?
Mme Verner : Je vous remercie de me donner l'occasion de vous expliquer mon mandat. En fait, c'est à moi que revient l'honneur d'avoir les différents volets des langues officielles et de l'équipe de Patrimoine canadien autant pour la partie horizontale de mon mandat que pour la partie verticale. Je les identifie comme cela, ils me sont d'un très grand support. On se rencontre toutes les semaines. J'ai un bureau à Patrimoine canadien, et pour moi, le mandat est extrêmement clair. J'ai tous les outils qui me permettent de m'acquitter de mes fonctions. Je ne suis pas laissée dans le vide, absolument pas. J'ai une excellente équipe qui m'épaule à Patrimoine canadien.
Le sénateur Murray : J'ignorais, jusqu'à ce que vous le mentionniez, madame la ministre, que le greffier du Conseil privé avait écrit une lettre aux institutions fédérales pour leur rappeler la teneur des nouvelles modifications de la loi. Je ne sais pas si cette lettre a été rendue publique mais, je présume que la lettre est disponible.
Mme Verner : Oui, le 23 décembre 2005. La lettre est disponible si vous en voulez une copie, on pourra vous en faire acheminer une.
Le sénateur Murray : La loi autorise le gouvernement à procéder par voie de règlementation pour préciser les modalités d'exécution des obligations des institutions fédérales sur la partie VII. Envisagez-vous l'élaboration de règlements sur cette question?
Mme Verner : En fait, toutes les options sont sur la table et l'on évalue les pours et les contres de chacune des options. Vous savez probablement fort mieux que moi que c'est un processus qui pourrait être très long. Par exemple, on me dit que pour un règlement, cela pourrait prendre jusqu'à deux ans avant qu'on puisse venir à bout de tout mettre en place. Toutes les opportunités, toutes les options sont sur la table. On veut s'assurer qu'on aura une loi particulièrement efficace. C'est certainement le credo de notre gouvernement. D'ici là, la loi est en vigueur et on entend bien la respecter. Toutes les options sont sur la table et on évalue les différentes possibilités.
Le sénateur Murray : Quelle est l'opinion des organisations représentant la communauté minoritaire? Vous ont-ils demandé de faire de la réglementation?
Mme Verner : Je vais laisser M. Lussier vous répondre parce qu'évidemment, je rencontre les communautés pour différents sujets et pour le moment, cette question n'a pas été abordée directement avec moi. Je sais que M. Lussier fait beaucoup de consultation avec les groupes communautaires et je vais le laisser répondre.
Le sénateur Murray : Je comprends très bien les pours et les contres, je voulais savoir de quel côté vous penchiez.
Mme Verner : Au moment où on se parle, j'étudie toutes les options.
M. Lussier : Il n'y a pas un mouvement extrêmement vigoureux en ce moment. Cela fait partie des choses que certains membres des communautés préconisent et ils sont en discussion également avec le Commissariat aux langues officielles qui a fait certaines approches de ce côté. Il y a de l'intérêt chez certains segments des communautés.
Le sénateur Murray : Je poserai la même question au commissaire aux langues officielles.
La présidente : Le temps file, mais je vais accepter encore quelques questions très brèves et j'espère que le commissaire aux langues officielles comprendra.
Le sénateur Tardif : Ma question va un peu dans le même sens que la question du sénateur Murray. Si on ne considère pas la question de la réglementation, est-ce qu'on a défini davantage ce qu'on entend par « mesures positives »?
Mme Verner : Vous comprenez qu'on doit alimenter la discussion et les différentes options avant de prendre une position sûre, que ce soit la réglementation ou toute la notion de ce qu'on appelle les « mesures positives ». Alors je vais laisser M. Moisan répondre.
M. Moisan : Évidemment, le législateur au moment de la modification de la loi a décidé de ne pas définir ce qu'étaient les « mesures positives » et nous, on ne peut pas arriver après coup et en donner une définition. C'est la tâche des tribunaux, dans la mesure où ces questions seront devant les tribunaux, de donner davantage un sens. On peut poser des questions et dans le guide sur lequel on travaille, on suggère des questions au ministère, aux gens qui font le travail de développement des politiques à savoir voici le type de questions que vous pouvez vous poser, mais on n'a pas de réponse pour définir ce qu'est une « mesure positive ».
Le sénateur Tardif : Une partie de la définition pourrait-elle venir des communautés elles-mêmes?
Mme Verner : Le dialogue est toujours maintenu avec les communautés et si elles ont des suggestions à nous faire, elles sont les bienvenues.
Le sénateur Robichaud : La dernière question concerne les demandes de subventions des Jeux de la Francophonie canadienne au ministère afin de maintenir cet événement qui, d'après moi, était très important pour la jeunesse et regroupait des jeunes francophones et francophiles de toutes les provinces et territoires. Sont-ils encore à la recherche de fonds?
Mme Verner : La semaine dernière, l'équipe Francophonie est venue me rencontrer et un représentant de la communauté des jeunes francophones m'a fait part de leur grand intérêt pour les Jeux de la Francophonie. Cela va bon train en ce qui concerne leur demande de financement à Patrimoine canadien. Plusieurs milliers de jeunes y participent. Ils ont reçu une écoute très attentive et positive de ma part.
Le sénateur Robichaud : Je vous encourage à les appuyer. Si vous avez la chance d'aller à l'ouverture des Jeux, vous verrez que c'est vraiment spectaculaire de voir tous ces jeunes de toutes les provinces et les territoires s'amuser ensemble et célébrer la francophonie canadienne.
Mme Verner : Vous avez absolument raison. J'ai eu l'occasion, justement lors de cette rencontre avec l'équipe de la Francophonie canadienne, de donner mes impressions personnelles. La jeunesse est notre plus belle équipe d'ambassadeurs pour la francophonie canadienne. Elle est très migrante et c'est parce qu'elle se déplace beaucoup à l'intérieur du Canada que la francophonie se répand. Je n'insisterai jamais assez sur le tremplin extraordinaire que nous donne le 72 p. 100 d'appui au bilinguisme, selon un sondage. Derrière tout cela, il y a, entre autres, la jeunesse.
Sur ce, je comprends, sénateur Robichaud, que vous m'invitez à aller aux Jeux de la Francophonie avec vous!
Le sénateur Robichaud : J'aimerais bien y aller, mais vous allez certainement recevoir une invitation. J'y suis déjà allé à quelques reprises.
Mme Verner : C'est sûrement très intéressant. Certains membres de mon personnel ont été impliqués dans les Jeux de la Francophonie et j'en ai entendu le plus grand bien.
Le sénateur Losier-Cool : Madame la ministre, vous étiez à Bucarest au Sommet de la Francophonie. Selon vous, le Canada a-t-il une place de choix dans la francophonie internationale? Et si oui, peut-on encore améliorer cette place de choix?
Mme Verner : Absolument. D'abord, des représentants de la FCFA nous ont accompagnés à Bucarest. Lors des sessions avec les ministres de la francophonie précédant le sommet, une chose a été demandée par le secrétaire général Abdou Diouf aux représentants des différents pays qui étaient présents. Ils ne sont pas tous unilingues francophones; certains ont une toute petite communauté francophone, mais elle est là, il faut en prendre soin et la faire connaître. Ceci dit, il a demandé aux représentants de communiquer en français lorsqu'ils avaient à prononcer des discours sur la scène internationale. À ce moment-là, il a cité en exemple notre premier ministre, Stephen Harper, en disant que, avec deux langues officielles dans son pays, M. Harper débute toujours ses discours en français. Cela a été tout à l'honneur de notre premier ministre et tout à l'honneur du Canada et de la francophonie canadienne.
La présidente : Madame la ministre, au nom des honorables sénateurs, je tiens à vous remercier sincèrement d'être venue nous rencontrer aujourd'hui et je remercie également le personnel qui vous a accompagnée. J'ose espérer que si, à un moment donné, on a d'autres questions, on pourra demander à nouveau votre présence au comité.
Mme Verner : Avec plaisir.
(La séance est suspendue.)
(La séance reprend.)
La présidente : Nous avons maintenant le plaisir de recevoir, pour la première fois depuis sa nomination officielle à titre de commissaire aux langues officielles, M. Graham Fraser.
M. Fraser est accompagné de membres du personnel du Commissariat aux langues officielles, pour la plupart, des habitués de notre comité. Nous avons M. Gérard Finn, commissaire adjoint, Direction générale des politiques et des communications, M. Renald Dussault, commissaire adjoint, Direction générale de l'assurance et de la conformité et Mme Johanne Tremblay, directrice de la Direction des affaires juridiques. Bienvenue à tous. Monsieur Fraser, vous avez la parole.
[Traduction]
Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, Commissariat aux langues officielles : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous.
J'espère que ma première comparution à titre de commissaire devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles sera le prélude d'une collaboration enrichissante entre nous. Je sais déjà que nous partageons l'objectif de favoriser les progrès dans le domaine des langues officielles au Canada. Mes prédécesseurs ont bénéficié grandement de votre appui et, depuis longtemps, les communautés de langue officielle en situation minoritaire ont profité des résultats de vos nombreuses démarches et études.
En ce début de mandat, je suis frappé par le fait que vos projets et vos enquêtes demeurent l'écho des préoccupations de la population canadienne sur l'avenir des langues officielles. Fort de cette constatation, c'est avec optimisme et un enthousiasme considérable que j'entreprends le mandat qui m'est confié.
Comme je l'ai dit la dernière fois que je me suis présenté devant vous, alors que vous examiniez ma candidature, la dualité linguistique canadienne a toujours été une préoccupation pour moi. Au printemps dernier, en tant que journaliste, j'ai été impressionné d'entendre la ministre Josée Verner exprimer son engagement et celui de son gouvernement envers les changements apportés à la Loi sur les langues officielles et le Plan d'action pour les langues officielles de 2003. Ces affirmations très encourageantes, que la ministre Verner a probablement réitérées ici aujourd'hui, suscitent beaucoup d'espoir chez les Canadiens et les Canadiennes.
Je dois aussi souligner que, depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement a déposé des projets de loi qui touchent aux langues officielles, en particulier chez Air Canada. De plus, le gouvernement a indiqué que ses actions n'iront jamais en deçà de ce qui est prévu dans le Plan d'action pour les langues officielles, que le Plan d'action est un minimum qui peut toujours être bonifié.
[Français]
Par ailleurs, ce même gouvernement a annoncé en septembre des compressions budgétaires. Je ne peux commenter en détail ces actions puisque le commissariat a reçu de nombreuses plaintes et qu'une enquête est en cours. Je dirais toutefois que j'ai de la difficulté à voir comment les gestes du gouvernement s'accordent avec ses paroles. J'invite donc le gouvernement à saisir toutes les possibilités que lui offre l'environnement actuel pour traduire en pratique ses paroles du printemps dernier.
Les thèmes qui méritent l'attention du gouvernement sont nombreux. Les études et les réflexions que le Comité sénatorial permanent des langues officielles entreprend, notamment au sujet des Jeux olympiques de 2010 et du déménagement des administrations centrales vers des régions unilingues, revêtent une grande importance et les attentes sont considérables dans ces domaines. Il en est de même du Règlement sur les langues officielles, communication avec le public et prestation des services, qui fait l'objet d'un projet de modification portant sur les services qu'offre la Gendarmerie royale du Canada sur la transcanadienne.
[Traduction]
Comme les études sur le sport de haut niveau du Commissariat l'ont soulevé, l'anglais est la langue du système sportif international. Lors des Jeux olympiques d'hiver de 2006 à Turin, l'anglais a prédominé; le français a été relégué aux cérémonies d'ouverture et de fermeture, même s'il a le statut de langue officielle des Olympiques.
À Vancouver en 2010, ici au pays, il faudra vraiment aller plus loin. Il s'agit d'une occasion hors pair pour le Canada de promouvoir sa dualité linguistique sur la scène internationale. Le comité organisateur doit s'assurer du plein respect de l'entente signée avec le gouvernement du Canada sur les services au public et aux athlètes et les manifestations culturelles. Le comité organisateur des Jeux a déjà signé des ententes avec diverses organisations et avec le gouvernement du Québec afin que les Jeux fassent figure de symbole de la dualité canadienne, et je les félicite de ces initiatives.
Selon moi, il importe que les dépassements budgétaires annoncés ne compromettent pas le caractère bilingue des Jeux. Lors d'un récent voyage à Vancouver, j'ai eu l'occasion de rencontrer John Furlong, président du comité d'organisation des Jeux de Vancouver, et de discuter avec lui de ces enjeux. Sa sensibilité et son respect envers la dualité linguistique m'ont impressionné, tout comme les efforts qu'il a déjà déployés pour faire des Jeux le reflet de cette réalité.
La diffusion des Jeux retient aussi mon attention. En langue anglaise, le réseau responsable sera CTV, qui est accessible en direct partout au Canada. Les chaînes TQS et RDS diffuseront les Jeux en français. À l'extérieur du Québec, dans la plupart des cas, ces chaînes sont disponibles seulement sur le câble numérique ou par satellite.
[Français]
Cela signifie que, par exemple, les francophones de la Colombie-Britannique qui ne sont pas abonnés à ces services ne pourront pas voir les Jeux dans leur langue. Le nombre d'heures de diffusion des Jeux dans chacune des langues officielles n'est pas égal non plus. En effet, le réseau anglais CTV a l'intention de consacrer 1 117 heures aux Jeux, comparativement à 550 heures aux chaînes de langue française.
Tous les francophones du pays et en particulier ceux des communautés minoritaires sont désavantagés. Il faut trouver une solution afin d'assurer que la diffusion des Jeux soit accessible et de qualité égale, dans les deux langues officielles, pour le bénéfice de tous les Canadiens et les Canadiennes.
La production des Jeux me préoccupe également. À cet égard, je porte à votre attention que le réseau CTV s'occupera de tout l'aspect de la production télévisuelle. Les entrevues et les analyses pourraient bien ne se faire qu'en anglais. En tant qu'ancien journaliste, je suis très conscient de l'importance de raconter les histoires de nos athlètes olympiques francophones et anglophones.
L'un des aspects remarquables de la couverture médiatique de langue française des derniers Jeux olympiques a été le nombre de médaillés anglophones qui, encore tout essoufflés, ont été capables de s'exprimer dans les deux langues officielles lors des entrevues. J'appréhende donc qu'aucune équipe de langue française ne soit présente sur les lieux de l'événement et que les athlètes francophones soient laissés sans couverture médiatique. Il serait important que CTV examine les possibilités de partenariat. Radio-Canada, par exemple, pourrait devenir partenaire.
Cependant, pour l'athlète francophone, le problème du respect de la dualité linguistique surgit bien avant les Jeux, car souvent il est confronté à des obstacles linguistiques qui s'ajoutent aux difficultés liées à son sport. Malgré les efforts de Sport Canada et de certains organismes d'intégrer la dualité linguistique dans le système sportif, il reste du travail à faire pour offrir les services et les mécanismes de soutien aux athlètes dans les deux langues officielles.
[Traduction]
Les déménagements d'administrations centrales d'une région bilingue vers une région unilingue sont de plus en plus fréquents et ils entraînent des répercussions importantes. Je pense notamment à l'exemple de la Commission canadienne de tourisme. La Commission doit garder en vue le marché du tourisme francophone. Quand j'étais à Vancouver récemment, j'ai appris que c'est le seul secteur du tourisme en hausse dans la province, grâce en partie aux institutions de la communauté minoritaire et à leurs efforts pour valoriser la Colombie-Britannique aux yeux des voyageurs francophones. Les déménagements ne doivent pas priver les employés du droit de travailler dans la langue officielle de leur choix. Il est donc essentiel de prévoir des mesures permanentes pour protéger les droits des employés en matière de langue de travail et garantir ceux des employés qui seront engagés après le déménagement.
Le 27 juin 2005, le Conseil du Trésor a établi un principe d'application temporaire, mais sa portée est plutôt limitée. En effet, selon ce principe, les institutions qui déménagent leur siège social dans une région unilingue sont seulement tenues de maintenir le statu quo en ce qui concerne les droits des employés qui choisissent de déménager.
Je suis d'avis que le gouvernement devrait adopter un règlement qui confère des droits linguistiques en matière de langue de travail aux employés œuvrant aux sièges sociaux situés dans des régions unilingues. L'adoption de ce règlement éliminerait la nécessité d'intervenir chaque fois que le siège social d'une institution fédérale déménage d'une région bilingue à une région unilingue.
Enfin, le gouvernement pourrait utiliser son pouvoir de réglementation en vertu du paragraphe 38(1) de la Loi sur les langues officielles pour reconnaître la situation particulière des institutions à vocation unique, telles que l'école de formation de la GRC à Regina, le Collège militaire royal du Canada à Kingston et le Collège de la Garde côtière canadienne en Nouvelle-Écosse. Il faudrait accorder aux employés de ces institutions des droits en matière de langue de travail.
[Français]
La nécessité d'adopter un règlement s'impose également à l'égard de la mise en œuvre des obligations des institutions dans le domaine du service et de la communication avec le public. Comme vous le savez, le président du Conseil du Trésor a publié, dans la Gazette du Canada, un projet de modification du règlement sur les langues officielles — communication avec le public et prestation des services. Ce projet donne suite au jugement de la Cour fédérale dans l'affaire Doucet c. Canada qui portait sur les obligations de la GRC sur le tronçon de la transcanadienne desservi par le détachement d'Amherst en Nouvelle-Écosse. Dans son dernier rapport annuel, mon prédécesseur indiquait que le gouvernement fédéral devrait profiter de l'occasion pour envisager une refonte du règlement.
Le gouvernement a plutôt choisi de privilégier une approche minimaliste qui aura comme résultat d'imposer des obligations linguistiques à un seul détachement de la GRC. En effet, la modification du règlement fera en sorte que les détachements de la GRC auront des obligations s'ils offrent des services sur un tronçon de la transcanadienne où l'on retrouve un lieu d'entrée dans une province officiellement bilingue. Cependant, selon le libellé du projet de règlement, un détachement aurait des obligations seulement si la demande de services provenant du public, au cours d'une année, est d'eau moins 5 p. 100 dans l'une ou l'autre langue officielle.
Je ne peux tout simplement pas appuyer cette modification dans son libellé actuel. L'approche qui impose l'évaluation de la demande en fonction du critère de proportionnalité est inacceptable. Elle ignore le jugement de la Cour fédérale qui a retenu la preuve que la demande de services en français de la part du public voyageur excédait largement 5 p. 100 de la demande globale annuelle. En outre, le deuxième critère retenu dans le projet de règlement, soit la présence d'un lieu d'entrée sur le tronçon dans une province officiellement bilingue rend inutile le critère de proportionnalité.
Afin d'améliorer ce règlement, je préconise que le gouvernement le modifie en y retirant l'obligation d'évaluer la demande. Plus encore, je propose au gouvernement d'envisager une modernisation de la réglementation afin de préciser la mise en œuvre des obligations des institutions fédérales.
Je dois vous dire, honorables sénateurs, que je prends au sérieux les droits linguistiques des voyageurs canadiens, qu'ils soient francophones ou anglophones. J'estime de la plus haute importance que les politiques linguistiques soient conçues en tenant compte du public voyageur. Il faut absolument que la population canadienne puisse voyager au pays en sachant que l'on accordera une attention particulière à ses droits linguistiques.
[Traduction]
Les travaux que vous entreprenez sur les sujets dont je viens de vous entretenir sont très importants. Le gouvernement doit être à l'écoute des communautés de langue officielle en situation minoritaire et adopter des mesures concrètes pour montrer son engagement envers la dualité linguistique.
Mesdames et messieurs les sénateurs, je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
[Français]
Le sénateur Tardif : Monsieur le commissaire, je tiens à vous féliciter pour votre nomination. Je vous remercie également pour votre excellente présentation. Vous comprenez les enjeux qui affectent les minorités de langue officielle ainsi que la problématique de la dualité linguistique dans notre pays. J'ai été très heureuse de voir certaines de vos constatations.
J'aimerais revenir sur la question des déménagements de bureaux principaux d'institutions fédérales. Vous avez suggéré qu'il serait important d'adopter un règlement qui confère des droits linguistiques en matière de langue de travail aux employés qui travaillent aux sièges sociaux situés dans les régions unilingues et de mettre sur pied une mesure permanente. Vous reconnaissez l'importance de réglementer cet aspect.
M. Fraser : Je pense que c'est important. Si on examine le texte de la Commission canadienne du tourisme, on constate que neuf employés francophones sur 90 ont demandé un transfert d'Ottawa à Vancouver. Cela constitue déjà une réduction substantielle de la proportion d'employés francophones. De toute évidence, une institution fédérale sans employés francophones trouve qu'il est de plus en plus difficile de fournir des services en français.
En voyageant à Vancouver, à Halifax et à Charlottetown, j'ai remarqué que la question de la partie 7 et celle du droit de travailler en français sont reliées. Si une communauté minoritaire ne montre pas de signes de vitalité, les employés francophones auront de la difficulté à accepter un transfert ou s'ils l'acceptent, il sera difficile pour eux d'y rester. Je pense qu'il existe un rapport fondamental entre la vitalité de la communauté et le droit d'y travailler dans sa langue au sein d'une institution transférée dans une autre région.
Le sénateur Tardif : Si je vous comprends bien, vous croyez que dans le cas du déménagement de la Commission canadienne de tourisme, il serait important de travailler à faire valoir les parties IV, V et VII de la Loi sur les langues officielles?
M. Fraser : Oui, je pense que c'est important. Sinon, on va tranquillement diminuer le nombre d'employés francophones, diminuer l'impact sur les communautés minoritaires et réduire la capacité des institutions de fournir des services dans les deux langues officielles.
Le sénateur Tardif : Est-ce que le commissariat a déjà entrepris une étude sur l'impact du déménagement de la Commission canadienne du tourisme et peut-être l'impact de déménagements antérieurs de sièges sociaux?
M. Fraser : M. Finn pourra mieux répondre à votre question parce que je viens tout juste d'être nommé commissaire aux langues officielles. J'ignore s'il y a des enquêtes qui ont déjà été faites ou qui sont présentement en cour.
Le sénateur Tardif : Je pose la question parce que notre comité étudie cette question.
M. Finn : Il n'y a pas d'enquête en cours quant à l'impact du déménagement de Commission canadienne du tourisme. Toutefois, en 1997 le Commissariat a publié une étude sur les transferts, en particulier celui des services de main-d'œuvre qui ont été transférés du gouvernement fédéral aux provinces. Mais il n'y a pas eu d'études particulières sur le transfert de sièges sociaux et les effets sur les communautés.
Le sénateur Champagne : Je dois dire qu'avec vous je suis complètement en fureur de voir ce qui va se passer aux Jeux olympiques au niveau de la diffusion. Nous en parlions la semaine dernière avec des gens qui parlaient de négociations.
Les chiffres que vous nous donnez présentement affichent la moitié moins d'heures de diffusion en français. Pour pouvoir capter TQS et RDS, il faut avoir accès aux services de câblodistribution. Ce n'est pas dans toutes les campagnes qu'on peut avoir le câble ou qu'on a les moyens de se le payer. Et si on n'a pas le câble, on n'a pas RDS. Quant à TQS, je crois qu'il est disponible sur la première bande.
Sans équipe francophone sur place, on peut penser qu'il y aura peut-être quelqu'un en studio. Mais les athlètes francophones qui ne parlent pas anglais ne pourront pas dire «Bonsoir papa, bonsoir maman, je suis très content.» C'est tragique.
M. Fraser : Effectivement, il s'agit d'un double problème. D'abord, je pense que c'est très sérieux pour les auditeurs francophones. Le problème est difficile à régler parce qu'il est comparable à ce qui s'était passé avec La Soirée du Hockey. Ces droits n'appartenaient pas aux Jeux de Vancouver et le comité organisateur des Olympiques a vendu les droits à prix assez élevé. Cela rend davantage difficile l'ajustement de la situation.
Y a-t-il possibilité de partenariats? Après avoir payé si cher pour les droits de télédiffusion, CTV ne courra pas après des coûts additionnels. Ce n'est pas quelque chose qui est contrôlé. Ce que je crains, c'est que tous les efforts déployés sur le site soient perdus de vue si la production télévisuelle des Olympiques ne respecte pas la dualité linguistique. On peut voir sur place des Jeux qui sont très respectueux de la dualité linguistique, mais que la perspective soit tout à fait perdue par la grande majorité des Canadiens qui regarderont les Jeux à la télévision.
Le sénateur Champagne : Au moment de l'octroi des droits, quelqu'un, quelque part au CIO aurait pu insister et faire valoir le fait que CTV est peut-être prêt à payer un montant plus élevé, mais qu'il devrait également être en mesure de fournir à la population canadienne la diffusion à laquelle elle est en droit de s'attendre.
M. Fraser : Vous allez plus loin que mes recherches actuellement.
Le sénateur Champagne : Si je vous ai donné un filon, vous m'envoyez ravie.
La présidente : Ma question découle de celle de madame le sénateur Champagne. Il est désolant de constater que la même chose s'est produite aux Jeux olympiques de Calgary en 1988. Si c'est le cas, existe-t-il un mécanisme ou un règlement qui éviterait que cela se reproduise et qu'on ne se retrouve pas devant un fait plus ou moins acceptable?
M. Fraser : Je partage vos soucis, mais je peux vous dire qu'en tant que téléspectateur des Jeux de Turin, j'ai remarqué à quel point la couverture des Jeux a été un atout pour la dualité linguistique au Canada. Si je comprends bien, vous avez convoqué les représentants de CTV à comparaître devant le comité, et c'est à ces gens que vous allez devoir poser ces questions.
Le sénateur Robichaud : En parlant de radiodiffusion et télédiffusion, l'entente multipartite stipule à l'article 13.1 :
Les parties feront leur possible pour que les émissions des diffuseurs officiels des Jeux du Canada, la radio et la télévision soient en français et en anglais.
La seule obligation qu'ils ont est de faire leur possible. Nous avons demandé aux gens qui sont venus témoigner la semaine dernière à quel moment ils sauront si c'est possible ou non.
Je vous félicite aussi de préconiser que le gouvernement retire l'obligation d'évaluer la demande en ce qui a trait aux services le long du tronçon de la Transcanadienne. Au Nouveau-Brunswick, même si on est officiellement bilingue, il y a beaucoup d'étrangers, dont des Québécois, qui empruntent ce tronçon. Et souvent, les gens qui se font arrêter par des policiers pour une infraction quelconque, que ce soit un excès de vitesse ou encore un dépassement illégal, n'exigent pas de se faire servir dans leur langue, ce qui est leur droit, de peur de froisser l'agent, et en espérant qu'ils pourraient peut- être s'en tirer avec un simple avertissement!
M. Fraser : Vous parlez d'une expérience que je n'ai pas encore vécue!
Le sénateur Robichaud : J'ai parlé, plus tôt, de contestation judiciaire. Pour vous, est-ce que ce programme était d'une grande importance pour les minorités de langues officielles?
M. Fraser : Je vais être prudent. Si on regarde les décisions de la Cour suprême qui ont affecté l'article 23 de la Charte, par exemple, que ce soit le renforcement des droits d'accès à l'école française, le contrôle des commissions scolaires, ou les droits des parents en immersion au Québec — droits qui ont été clarifiés par la décision Casimir —, vous allez trouver, en regardant plus près, que ces procès ont été financés par ce programme.
Je ne veux pas aller plus loin, parce qu'effectivement le commissariat est en train de faire une étude approfondie sur les plaintes reçues. Il y avait 40 plaintes sur mon bureau quand je suis arrivé la première journée; je pense qu'il y a le double ou plus maintenant. On a déjà commencé à faire des recherches pour faire une étude de ces plaintes. Monsieur Dussault, voulez-vous ajouter quelque chose?
Renald Dussault, commissaire adjoint, Direction générale de l'assurance et de la conformité, Commissariat aux langues officielles : Madame la présidente, comme le commissaire l'a indiqué, le processus est en branle. Nous avons déjà un enquêteur qui travaille sur le nombre de plaintes reçues. Vous comprenez aussi que compte tenu de la confidentialité des plaintes, je ne peux pas trop donner de détails. Je peux certainement vous assurer qu'il y a un enquêteur qui travaille très activement pour essayer de donner suite aux plaintes que nous avons reçues.
Le sénateur Robichaud : Avez-vous pris en considération de faire une intervention comme tierce partie dans la cause qui est maintenant devant les tribunaux?
M. Fraser : En première instance, on a décidé de ne pas intervenir. Je passe les détails, on a étudié cela. Mme Tremblay pourrait peut-être répondre plus en profondeur.
Johane Tremblay, directrice, Direction des affaires juridiques, Commissariat aux langues officielles : Effectivement, en raison du fait qu'on mène une enquête sur les plaintes portant sur les coupures au financement du programme, on n'est pas en mesure d'intervenir dans la procédure de contrôle judiciaire qui se déroule en même temps, et ce, afin de préserver le caractère impartial de notre enquête, la priorité étant sur l'enquête en cours en ce moment.
Le sénateur Robichaud : Il y a aussi eu des coupures au programme d'alphabétisation, programme qui, là aussi, aidait énormément certaines communautés en situation minoritaire. C'est le cas chez nous au Nouveau-Brunswick, où il y avait plusieurs interventions et où on nous dit que le gouvernement fédéral n'interviendra plus au niveau local mais plutôt au niveau des associations provinciales ou régionales. Dans ma région, la perte de ce financement causera de sérieuses difficultés. Avez-vous l'intention d'examiner l'impact que ces coupures pourraient avoir sur les communautés?
M. Fraser : Je sais pertinemment, en regardant plusieurs des plaintes soumises au Commissariat, qu'ils ont mentionné effectivement ces coupures. Cela fait partie de l'enquête déjà en cours.
Le sénateur Robichaud : Vous examinez toutes les coupures?
M. Fraser : Oui.
Le sénateur Robichaud : Peut-on s'attendre à entendre bientôt vos opinions sur ces coupures?
M. Fraser : Il est certain que quand on aura fait l'étude nécessaire pour savoir si on donne suite aux plaintes ou pas, je serai plus en position de commenter. Mais en attendant, je ne veux absolument pas préjuger de l'enquête d'une façon ou d'une autre. Nous avons un droit de réserve, une obligation d'impartialité. Je vous ai déjà donné le parallèle : lorsque je comparais devant vous, je suis un peu comme un avocat qui devient juge. Les premières causes sont les plus importantes pour renforcer l'impartialité de la position. Je vais maintenir le droit de réserve que j'ai dans ce cas.
Le sénateur Robichaud : Je comprends mais ce que je voulais savoir c'était plutôt dans combien de temps, on pourrait avoir le bénéfice de vos conseils, une fois que toutes les plaintes auront été examinées?
M. Fraser : En ce moment, je ne suis pas en position de vous donner un échéancier.
M. Dussault : Il serait peut-être bon de préciser qu'évidemment, le processus d'enquête formel en cours actuellement, toujours sous le sceau de la confidentialité, est un processus qui se traduit par un rapport préliminaire, que nous partageons avec les plaignants et les institutions visés. C'est par la suite que nous tenons compte de ces commentaires en fonction du rapport final.
Le processus d'enquête lui-même, à la différence d'un processus de vérification, se fait toujours sous le sceau de la confidentialité et se fait par rapport à un certain nombre d'étapes. On peut probablement prévoir un rapport préliminaire dans les premiers mois de la prochaine année, mais ce rapport sera discuté et soumis aux parties impliquées.
[Traduction]
Le sénateur Murray : En ce qui concerne les Jeux olympiques, je présume que, si la CBC/Radio-Canada avait fait une soumission plus intéressante que celle de CTV, nous n'aurions pas ce problème. Est-ce exact?
M. Fraser : C'est exact. Voyez la différence entre la soumission de la CBC et celle de CTV. Il y a là une marge considérable.
Le sénateur Murray : Je ne le savais pas.
M. Fraser : Je crois que la différence est de l'ordre de 40 millions de dollars.
Le sénateur Murray : Le rôle du gouvernement, en tant que banquier pour la CBC, est un facteur qui intervient ici.
M. Fraser : Je crois comprendre que la CBC a fait des efforts pour soumettre une offre généreuse étant donné qu'elle a recherché des partenaires, mais cette offre ne se comparait tout simplement pas à celle de CTV.
Le sénateur Murray : Je sais que c'est dans la nature d'un contrat privé entre CTV et les organisateurs des Olympiques, comme vous nous l'avez rappelé. Le gouvernement devra jouer son rôle et résoudre ce problème. On peut toujours espérer que l'autorité morale du gouvernement suffira mais, sinon, on devra trouver l'argent d'une façon ou d'une autre.
M. Fraser : Certainement, s'il y a un partenariat avec un autre réseau, il ne s'agira pas d'un partenariat sans obligation financière. Il y aura des coûts. Peu importe le réseau qui accepte d'entreprendre ce projet, il voudra une garantie de base qu'il pourra au moins couvrir ses coûts et peut-être en faire un peu plus.
Le sénateur Murray : Comme les autres ici, je crois, je ne sais pas si les personnes responsables de tout cela considèrent qu'il s'agit là d'un vrai problème et si elles font le nécessaire en vue de trouver la bonne solution. J'espère que oui et j'espère que le gouvernement du Canada fait tout son possible pour les encourager dans cette voie.
M. Fraser : Je l'espère aussi. Je crois qu'il s'agit d'un enjeu important. Je sais que vous êtes déjà au courant de certains détails, mais je voulais souligner l'importance de cette question ici, pendant cette audience.
Le sénateur Murray : Nous vous en remercions.
En ce qui concerne la partie VII — c'est-à-dire les modifications visant à rendre la partie VII, en particulier l'article 41, obligatoire et justiciable pour le gouvernement, que l'ex-sénateur Gauthier a enfin réussi à faire adopter par le Parlement — selon ces modifications, le gouvernement est autorisé à faire adopter des règlements pour faciliter cela. J'ai posé la question à la ministre. Elle a décrit, avec exactitude, la complexité de faire approuver des règlements par le gouvernement, et maintenant par le Parlement, parce que le Parlement a participé au processus grâce à des dispositions législatives d'initiative parlementaire que nous avons adoptées il y a quelques années.
Ma question, qui porte sur le fond de l'affaire, est à savoir si vous croyez qu'à ce point-ci il faut adopter un règlement découlant de cet article ou s'il serait préférable d'attendre pour voir comment la suite se déroulera.
M. Fraser : Je vous réponds de façon plutôt spontanée. Je pourrais changer d'avis après avoir examiné le processus de réglementation plus attentivement. Par rapport à la nouvelle version renforcée de la partie VII, j'ai l'impression que chacun en pense comme il veut. J'ai parlé à des représentants de communautés en situation minoritaire de la Colombie- Britannique. D'autres représentants de l'Alberta sont venus me parler ici à Ottawa. J'ai aussi rencontré des personnes d'Halifax et de l'Île-du-Prince-Édouard. Différentes communautés ont différentes opinions sur ce qui pourrait constituer des mesures positives; un exemple serait peut-être de féliciter Postes Canada d'avoir ouvert un bureau de poste dans un centre communautaire de langue française à Edmonton.
À Vancouver, on lance l'idée de centraliser les services de langue française offerts par les divers ministères du gouvernement en un seul lieu, ce qui permettrait de rassembler certaines entreprises de langue française dans un complexe unique.
Différentes communautés ont différents besoins et travaillent à définir ce qui constitue une mesure positive pour elles. À ce point-ci, ce qui importe, c'est que les ministères du gouvernement soient pleinement conscients de leurs responsabilités et qu'ils envisagent des mesures positives.
Le sénateur Murray : Avez-vous vu la lettre que la ministre a mentionnée, celle que le greffier du Conseil privé a envoyée vers la fin de l'année dernière à toutes les institutions fédérales pour leur rappeler à quoi elles étaient tenues à la suite des modifications? Je ne l'ai pas vue.
M. Fraser : Je n'ai pas vu la lettre personnellement. Ma prédécesseure l'a vue. À ce point-ci, j'ai de la peine à me tenir à jour avec ma correspondance actuelle.
Pour ce qui est des modifications à la loi, je suis bien conscient qu'il a fallu prévoir une période d'adaptation lorsque la loi elle-même a été introduite en 1970 et lorsqu'elle a été modifiée en 1988, et je suis convaincu que c'est ce qui se passe maintenant pour les modifications de 2005. La façon de faire des ministères gouvernementaux ne changera pas du jour au lendemain parce que des modifications ont reçu la sanction royale. Les parlementaires ont des attentes considérablement plus élevées. D'après mes conversations avec les fonctionnaires d'Halifax, je crois que les gens sont bien intentionnés et ont le cœur à la bonne place tout en essayant de définir les types de mesures positives à mettre en place.
J'ai l'impression que nous devons observer la façon dont ces modifications sont appliquées pendant cette période initiale de mise en œuvre des nouvelles modifications. On élaborera des règlements en temps voulu. De toute façon, élaborer des règlements prend du temps et donc, il sera possible de les élaborer pendant que l'on examine les effets de la mise en œuvre des nouvelles modifications.
Le sénateur Murray : En ce qui concerne la question de la route transcanadienne près de la frontière entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, j'ai suivi ce dossier un peu et je comprends ce que vous dites à ce sujet et au sujet du caractère inadéquat de la réaction du Conseil du Trésor. Est-il important que la patrouille routière relève du procureur général de la Nouvelle-Écosse ou du procureur général du Nouveau-Brunswick de l'autre côté?
M. Fraser : Je crois comprendre que la GRC fonctionne comme la police provinciale et donc, qu'elle réagit selon différentes ententes dans différentes provinces. Personnellement, j'ai été frappé par la recommandation que votre comité a proposée lorsque vous avez examiné le cas de la Nouvelle-Écosse. Dans votre rapport, vous avez cité la décision du juge Blanchard, qui proposait une vision plus large pour ce qui est des modifications au règlement. Le gouvernement a adopté une approche plus étroite. Je préférais l'interprétation plus large que recommandait le juge Blanchard et que vous avez reprise dans votre rapport.
Le sénateur Murray : Dans l'ensemble, il revient au commissaire de la GRC d'affecter du personnel dans les diverses provinces. Une fois sur place, j'ai l'impression que les membres de la GRC travaillent sous la direction de l'autorité provinciale s'ils agissent en tant que force policière provinciale. Je me demandais tout simplement quel rôle la province jouait là-dedans.
M. Fraser : Les membres de la GRC doivent, cependant, continuer à respecter la Loi sur les langues officielles. Les exigences provinciales qu'ils doivent satisfaire sont différentes. Évidemment, le Nouveau-Brunswick, la seule province officiellement bilingue, a des exigences particulières. Toutefois, la GRC demeure une force policière nationale devant se soumettre aux exigences de la Loi sur les langues officielles.
Le sénateur Murray : D'accord
Pour ce qui est des compressions budgétaires, je comprends votre réticence d'aller trop loin, mais lorsque vous mentionnez les compressions budgétaires, parlez-vous en particulier ou exclusivement du Programme de contestation judiciaire du Canada?
M. Fraser : Certaines des plaintes que mon bureau a reçues portaient sur des questions plus larges et comprenaient des compressions budgétaires autres que celles liées au Programme de contestation judiciaire du Canada.
Le sénateur Murray : Je ne me fais pas le défenseur du présent gouvernement, mais je dois dire que j'ai été agréablement surpris, en commençant par le soutien que les conservateurs ont donné au projet de loi de l'ex-sénateur Gauthier alors qu'ils étaient encore à l'opposition. J'ai aussi été agréablement surpris par leurs démarches liées au bilinguisme — à la dualité linguistique — surtout quand on considère leurs politiques antérieures et certaines déclarations prononcées par leur chef. Mis à part le Programme de contestation judiciaire du Canada, je ne peux pas leur reprocher les mesures qu'ils ont prises jusqu'à présent.
Lorsqu'elle était ici, la ministre a dit que, depuis son entrée en fonctions, elle a signé des ententes bilatérales en matière d'éducation avec chaque province et territoire d'une valeur totale de plus d'un milliard de dollars échelonnés sur quatre ans. Elle parle aussi d'ententes importantes relatives aux services dans la langue minoritaire de l'ordre de 64 millions de dollars. De plus, elle mentionne qu'elle a augmenté de 11 p. 100 les contributions du gouvernement aux organismes sans but lucratif représentant les communautés de langues officielles en comparaison des contributions d'il y a deux ans, et ainsi de suite.
À première vue, en ce qui concerne les budgets, il semblerait que les dossiers avancent assez bien. La décision sur le Programme de contestation judiciaire du Canada portait sur un programme qui a été particulièrement utile pour les minorités linguistiques, comme l'a souligné le sénateur Robichaud, et ce sont ces minorités qui ont subi les retombées de cette décision. Bon nombre d'autres organisations et causes se servent du Programme de contestation judiciaire du Canada et obtiennent ainsi de bons résultats. Cependant, pour quelque raison, et l'on pourrait penser qu'il s'agit d'une raison plus idéologique que financière — vous n'avez pas besoin de commenter, et je suis convaincu que vous ne le feriez pas —, le programme a été supprimé et les minorités linguistiques ont été laissées pour compte. Voilà mon interprétation de cette question.
En lisant ce que la ministre a dit sur les dépenses, je n'ai pas l'impression que les conservateurs ont été avares en ce qui concerne les langues officielles; je crois qu'ils font du bon travail.
M. Fraser : Je prends note de votre interprétation, monsieur le sénateur. Si j'exerçais encore mon métier de journaliste, je pourrais m'en être servi. Je vais en tenir compte pour nos discussions internes.
J'ai entendu la dernière partie de l'exposé de la ministre lors de sa comparution devant le comité. J'ai entendu son exposé devant le comité à l'autre endroit au printemps dernier et j'avais été impressionné par les engagements qu'elle avait fait valoir et par la façon qu'elle avait établi bien clairement que, pour sa part, les engagements faisant partie du plan d'action constituaient un minimum. J'ai insisté là-dessus dans ma déclaration. J'étais très conscient des commentaires de la ministre lorsque j'ai soumis ma candidature à ce poste.
Le sénateur Murray : Vous ne voulez peut-être pas en parler immédiatement mais, plus tard, ici ou dans le cadre d'un autre forum, vous voudrez peut-être exprimer une opinion à ce sujet parce qu'il s'agit d'un point important. En ce qui concerne la dualité linguistique et les langues officielles, si vous croyez que ces domaines doivent soutenir une partie disproportionnée des économies de coûts, c'est à vous qu'il incombe de le dire.
M. Fraser : C'est certainement une question que je vais surveiller de près.
Le sénateur Murray : Ce n'est pas le but de votre exposé d'aujourd'hui, j'imagine.
M. Fraser : Non.
Le sénateur Murray : Lorsque vous avez mentionné les compressions budgétaires, vous aviez une réduction importante à l'esprit.
M. Fraser : Oui. Notre bureau réagit à bon nombre de plaintes qui portent sur le Programme de contestation judiciaire du Canada et sur certains des autres programmes qui, selon les plaignants, ont des répercussions particulières sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Nous examinons en détail l'ensemble des réductions que les plaignants ont signalées dans ces programmes.
Le sénateur Murray : Il est probable que vous prendrez une décision sur les restrictions — ou disons plutôt que vous formulerez des commentaires — peut-être dans votre prochain rapport.
M. Fraser : Oui. Si nous avons terminé le processus à ce moment-là, je vais certainement faire le point sur cette question. Je vais tout de même écrire ce que je peux dans le rapport annuel et, quand le processus sera terminé, je pourrai alors librement fournir des commentaires détaillés. Actuellement, je ne suis pas en mesure de faire quelque commentaire que ce soit.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool : J'aimerais profiter de cette occasion pour vous offrir toutes mes félicitations, monsieur Fraser.
M. Fraser : Merci beaucoup.
Le sénateur Losier-Cool : Le sénateur Murray vous a posé une question sur le financement. Vous aurez également l'occasion de suivre les développements à compter de 2008.
La ministre a indiqué qu'elle ferait une réévaluation du plan d'action et que plusieurs des sommes annoncées sont déjà destinées au plan d'action.
J'aimerais revenir rapidement sur la question des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010 pour m'assurer d'avoir bien compris.
J'espère qu'il n'est pas trop tard pour que le comité fasse une recommandation au sujet de la télédiffusion des Jeux sur le réseau CTV. Notre comité doit se rendre à Vancouver la semaine prochaine pour rencontrer certains organismes. La question de télédiffusion ressortira sûrement de nos discussions.
Mme Lise Bissonnette, Grand Témoin de la Francophonie aux Jeux olympiques d'hiver de Turin, a indiqué, il y a deux semaines, qu'il s'agissait, pour le Canada d'une chance unique de promouvoir la francophonie, lors de ces Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010, qui se tiendront en Colombie-Britannique, où vivent un grand nombre de francophones en situation minoritaire. On ne parle pas seulement de bilinguisme lors des cérémonies d'ouverture et de clôture mais dans le quotidien, les entrevues, les anecdotes, et cetera. J'espère qu'il n'est pas trop tard pour nous.
M. Fraser : Nous sommes en 2006. Il reste donc trois ans et demi. Les préparatifs sont en cours. Vous pourrez faire des recommandations. Je sais que vous irez à Vancouver. J'ai eu la chance de m'y rendre il y a dix jours. Je crois que vous serez très impressionnés par le dynamisme de la communauté minoritaire en Colombie-Britannique — pour ma part, du moins, je l'ai été.
Le sénateur Losier-Cool : Mes collègues sont sans doute au courant, mais j'ignorais qu'il y avait eu des soumissions, comme vous l'avez mentionné, de la part de Radio-Canada et du réseau CTV. Est-ce donc une question d'argent? Il ne s'agit pourtant pas de dollars mais d'équité.
M. Fraser : Si je comprends bien, le réseau CTV a déposé une soumission, présumant que les réseaux RDS et TQS assureraient la traduction des Jeux à partir de Montréal. C'est ainsi, que dans le passé, on a pu diffuser les parties de la série mondiale et de la Ligue nationale de football, soit à l'aide d'une équipe d'analystes sportifs en studio à Montréal. On s'est donc basé sur ce modèle.
Si je ne m'abuse, vous avez convoqué des représentants de Bell Globe Media à venir témoigner devant vous. Ils pourront donc répondre à vos questions plus en détail au sujet du plan de diffusion.
Le sénateur Losier-Cool : Nous vous informerons de leurs réponses.
Le sénateur Tardif : J'aurais encore plusieurs questions, mais le temps passe et j'espère qu'on aura l'occasion de vous inviter à nouveau à comparaître devant nous, monsieur le commissaire.
J'aimerais revenir à la Commission canadienne du tourisme. Notre comité a entrepris une étude sur cette question et nous aimerions obtenir des informations complètes et détaillées.
Votre prédécesseur avait publié un rapport plutôt négatif sur la Commission canadienne du tourisme, notamment en ce qui a trait au respect de leurs obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles.
Pouvez-vous nous dire si la Commission canadienne du tourisme s'est améliorée au cours de la dernière année? Avez-vous fait un suivi sur ce dossier?
M. Fraser : On ne sait pas encore, on n'a pas encore fait de suivi.
Le sénateur Tardif : Auriez-vous des suggestions à nous donner puisque nous rencontrerons ces gens à Vancouver?
M. Fraser : Le marché touristique au Canada risque d'être déficitaire vis-à-vis le tourisme américain et ce, pour trois raisons. Depuis le 11 septembre, les Américains voyagent moins, le dollar canadien est fort, donc le marché canadien est moins attirant pour les touristes américains et le prix de l'essence est élevé. Aussi, parce que le dollar est fort, les Canadiens sont plus portés à aller aux États-Unis qu'auparavant.
Il est important d'encourager les francophones à visiter le Canada et de s'assurer qu'ils soient bien accueillis dans les deux langues officielles et de cibler le tourisme francophone international. On a un avantage en France où le Canada est très bien coté vis-à-vis le marché touristique et l'immigration. À Vancouver, j'ai rencontré un responsable de développement économique pour un des organismes minoritaires de la communauté francophone qui me parlait des efforts qui sont faits pour publier des brochures et pour faire de la publicité non seulement pour les francophones, mais aussi pour les hôtels de la Colombie-Britannique. Cela a fait en sorte que l'année dernière, le tourisme francophone en Colombie-Britannique a été à la hausse. Il s'agit d'un exemple de l'importance de valoriser la dualité linguistique au sein de la Commission canadienne du tourisme.
Le sénateur Tardif : Est-ce que c'était la Commission qui faisait ces efforts ou la communauté francophone?
M. Fraser : C'était la communauté francophone.
Le sénateur Tardif : Vous ne savez pas si la Commission a fait des efforts?
M. Fraser : Je ne sais pas.
[Traduction]
Le sénateur Champagne : Je ne peux m'empêcher de renchérir sur le bon bulletin que le sénateur Murray a donné au gouvernement Harper sur le plan des langues officielles. Une des bonnes choses que M. Harper a faites, et je crois que vous serez d'accord avec moi, sénateur Murray, c'était de nommer M. Fraser au poste de commissaire aux langues officielles.
[Français]
Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage, polissez-le et le repolissez.
[Traduction]
Monsieur Fraser, de toutes les choses que vous pourriez accomplir au cours de ce mandat, quelle est la chose qui vous tient le plus à cœur?
M. Fraser : Je veux bâtir des ponts. Il y a de nombreux domaines où j'aimerais améliorer les communications et les rapports entre les communautés minoritaires et le gouvernement, ainsi qu'entre les communautés minoritaires elles- mêmes. Les communautés sont si éparpillées que, parfois, je pourrais être utile simplement en rendant témoignage de certaines des pratiques exemplaires qu'elles utilisent. Je veux améliorer les communications aussi entre les communautés minoritaires et la majorité, et entre les deux communautés majoritaires aussi. Je suis le premier commissaire depuis Max Yalden à être issu d'une communauté majoritaire anglophone. Tous les autres venaient de la majorité francophone au Québec ou d'une communauté minoritaire.
Après avoir écrit mon livre sur la politique linguistique, une des conclusions que j'ai tirées, c'est que nous avons fait beaucoup de chemin depuis 40 ans. Beaucoup des éléments nécessaires à une politique linguistique efficace sont là, mais ils ne sont pas bien harmonisés entre eux. Une partie du processus visant à créer une écologie linguistique plus saine est de tenter de bâtir des ponts entre certains des domaines dysfonctionnels de l'écologie linguistique.
[Français]
Le sénateur Champagne : Si en aucun temps nous pouvons vous être utiles, je suis certaine que vous nous le laisserez savoir. Merci et je vous souhaite un bon mandat.
M. Fraser : C'est moi qui vous remercie.
La présidente : Monsieur le commissaire, au nom des membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles, je vous remercie très sincèrement d'être venu vous adresser à nous aujourd'hui. Je remercie également votre personnel. Je vous assure que vous aurez d'autres invitations dans le futur afin de venir discuter avec nous de questions qui nous préoccupent.
M. Fraser : Merci, cela a été une discussion très enrichissante pour moi.
La séance est levée.