Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 9 - Témoignages du 20 novembre 2006
OTTAWA, le lundi 20 novembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 16 h 3 pour étudier, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi, ainsi que pour l'étude de l'ébauche d'un rapport.
Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Bonjour et bienvenue à cette 16e réunion du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis Maria Chaput, présidente du comité, et je viens du Manitoba. Avant de donner la parole à notre témoin, permettez-moi de vous présenter les autres membres du comité : le sénateur Comeau, de la Nouvelle-Écosse, le sénateur Murray, de l'Ontario, le sénateur Champagne, du Québec, le sénateur Tardif, de l'Alberta, le sénateur Jaffer, de la Colombie-Britannique et le sénateur Robichaud, du Nouveau-Brunswick. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles et nous recevons trois organismes pour discuter de trois questions distinctes.
Nous recevons la directrice générale de l'Association des juristes d'expression française de la Nouvelle-Écosse, Mme Marie-Claude Rioux. Nous avons demandé à l'Association de venir nous donner leur point de vue sur le projet de règlement modifiant le Règlement sur les langues officielles — communications avec le public et prestation des services, publié récemment par le Conseil du Trésor.
Marie-Claude Rioux, directrice générale, Association des juristes d'expression française de la Nouvelle-Écosse : Je voudrais d'abord vous transmettre les regrets de Me Geneviève Boudreau qui devait se joindre à nous aujourd'hui, et qui a eu un empêchement. Elle est à Ottawa, mais elle avait d'autres obligations qu'elle ne pouvait absolument pas annuler.
Par ailleurs, Mme Lombard devrait se joindre à nous sous peu.
Je vous remercie tout d'abord de cette invitation à comparaître devant vous pour vous expliquer la position de l'Association des juristes d'expression française de la Nouvelle-Écosse pour ce qui est du projet de modification au Règlement en matière de service au public dans les deux langues officielles.
Ce projet de modification de règlement nous préoccupe particulièrement car il a été présenté suite à la décision Doucet de la Cour fédérale du Canada. Nous sommes totalement en désaccord avec cette modification. Nous trouvons que la modification proposée vient limiter l'accès et la progression de l'égalité du statut et d'usage du français et de l'anglais, et qu'elle contrevient aux parties IV et VII de la Loi sur les langues officielles.
Dans le mémoire, nous expliquons amplement notre argumentaire pour justifier ce que nous avançons, mais j'aimerais quand même souligner que suite aux modifications à la Loi sur les langues officielles, l'article 41(2) indique qu'il faut prendre des mesures positives pour mettre en œuvre l'engagement de favoriser l'épanouissement, d'appuyer le développement et de promouvoir la pleine reconnaissance du français et de l'anglais.
Or, à notre avis, le projet de règlement, qui propose que les services de la GRC soient toujours limités à la vocation de bureau et qu'ils se fassent en français, dans la mesure où il s'agit d'une ville qui jouxte une frontière avec une province bilingue, ma foi, est assez limitatif. On aurait pu limiter davantage en disant que le conducteur devait conduire une voiture grise et afficher un drapeau acadien. Cela aurait peut-être limité davantage la portée de la proposition.
Effectivement, cela vient limiter la portée dans la ville d'Amherst, en Nouvelle-Écosse, et nous sommes d'avis que les services de la GRC devraient s'étendre à l'ensemble de la Transcanadienne, donc devraient aller au-delà de la vocation de bureau et toucher les services de santé et la sécurité du public, ainsi que la notion de public voyageur.
Après tout, un accident sur la Transcanadienne est tout à fait possible, et ce serait dommage que quelqu'un qui doit avoir affaire à la GRC dans une situation de sécurité ne puisse le faire en français, le cas échéant. De la même façon, on trouve un peu aberrant que le public voyageur ait la responsabilité de savoir sur quel tronçon de la route de la Transcanadienne les services de la GRC peuvent s'appliquer. C'est un fardeau très lourd à porter pour la population.
Nous craignons éventuellement que ces règlements deviennent trop compliqués et que la population laisse tout simplement tomber et s'exprime en anglais lorsqu'un agent de la GRC l'aborde, alors qu'il est possible que cette personne ait le droit d'être servie en français.
Essentiellement c'est l'argumentaire de l'Association des juristes d'expression française de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Comeau : Madame Rioux, je voudrais être certain que je comprends ce qui est proposé dans le règlement. On parle d'une province quand il y a lieu d'entrer dans une autre province officiellement bilingue. Il n'y a qu'une province au Canada qui soit officiellement bilingue. Essayons de nous placer dans le contexte de ce qui est proposé. Est-ce qu'on parle de la Transcanadienne qui entrerait, par exemple, de la Nouvelle-Écosse au Nouveau- Brunswick, mais pas du Nouveau-Brunswick à la Nouvelle-Écosse? Est-ce que j'ai bien compris?
Mme Rioux : Oui. En fait, c'est surtout sur cette question qu'on s'est penché puisque la juridiction de l'Association des juristes d'expression française de la Nouvelle-Écosse est la Nouvelle-Écosse. C'est ce qui nous préoccupait davantage. Effectivement, je ne connais pas nécessairement le mandat de la GRC au Nouveau-Brunswick mais je sais, par exemple, qu'à Saint-Jean, il n'y a pas de garantie d'avoir des services en français dans cette région. J'ai entendu dire qu'un nouveau bureau s'ouvre dans la région de Dieppe et qu'il va desservir le sud-est du Nouveau-Brunswick, mais je ne peux pas prétendre connaître exactement le statut de la GRC dans cette région.
Le sénateur Comeau : Si je comprends bien, cela voudrait dire que, probablement, les seules provinces impliquées seraient la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard, qui sont les deux seules provinces qui entreraient dans une province officiellement bilingue. Le Québec n'a pas la GRC, comme fait bien de le faire remarquer le sénateur Murray. La gendarmerie royale ne touche pas la Transcanadienne. Alors cette modification, telle que proposée, ne touche que deux provinces au Canada, n'est-ce pas?
Mme Rioux : C'est exactement la raison pour laquelle on dit que la modification est vraiment limitative. Vous avez raison.
Le sénateur Comeau : Que signifie « au moins 5 p. 100 de la demande de ces services faite par le public au cours d'une année et dans cette langue »? Cela voudrait-il dire qu'il faut qu'il y ait cinq plaintes?
Mme Rioux : Non. Dans l'affaire Doucet, il a été établi que le public voyageur qui traverse la frontière du Nouveau- Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, donc dans la région d'Amherst, est composé d'au moins 5 p. 100 de francophones. C'est la raison pour laquelle le service de la GRC, situé à Amherst, a la responsabilité d'offrir des services en français. On vient de se limiter à Amherst, mais si cela devait s'appliquer dans d'autres régions du Canada, à chaque fois, il faudrait faire la preuve que cette région a une population francophone desservie par le bureau qui représente au moins 5 p. 100 de la population.
Le sénateur Comeau : Je comprends. Pour une petite communauté comme la mienne, à la Baie-Sainte-Marie, le service serait-il reconnu comme étant un service bilingue?
Mme Rioux : Tout à fait, et cela explique pourquoi le bureau de la GRC à la Baie-Sainte-Marie a une obligation en matière de service dans les langues officielles; c'est parce que le bureau est situé dans une région qui compte au moins 5 p. 100 de la population.
Mais vous savez que les services de la GRC ne sont définis qu'en fonction de la vocation du bureau. Il y a trois grandes catégories du service au public dans les deux langues officielles. Il y a la vocation de bureau, il y a la question de santé et sécurité au public pour laquelle la GRC n'a aucune responsabilité d'offrir le service dans les deux langues officielles. Il en va de même pour le public voyageur. Alors c'est ce qu'on essaie de souligner. On trouve que c'est un peu délicat.
Le sénateur Comeau : Donc le juge, dans l'affaire Doucet, a rendu un jugement selon lequel le service devrait être disponible aux voyageurs, n'est-ce pas?
Mme Rioux : Oui.
Le sénateur Comeau : Dans ce cas, le Conseil du Trésor a émis une réponse à ce jugement, la modification proposée ici. On a le temps de faire des objections et c'est ce qu'on est en train de faire présentement. Je suis d'accord avec vous, c'est très limitatif.
Mme Rioux : Vous savez, le projet de modification de règlement ne traite pas non plus les préoccupations émises par le juge Blanchard dans sa décision rendue dans l'affaire Doucet. J'ai soulevé deux éléments dans mon mémoire; entre autres, le juge Blanchard disait :
Pour tout dire, le Règlement ne couvre pas la situation d'une route passante, patrouillée par la GRC, [...] Je constate, par analogie, que les règlements prévoient d'autres situations — aéroports ou gares de traversiers — où le nombre de voyageurs dicte à l'institution fédérale d'offrir des services dans les deux langues officielles.
C'était une première préoccupation concernant le public voyageur.
Un peu plus loin, il dit :
Ce qui est certain, c'est que le terme «voyageurs», au sens de l'article 23 de la LLO, doit être défini plus largement que simplement en fonction des voyageurs utilisant des aéroports, des gares ferroviaires ou de traversiers, et qu'il faut tenir compte des voyageurs qui circulent par véhicule automobile, [...].
Le sénateur Comeau : En Nouvelle-Écosse, on essaie d'attirer de plus en plus les Québécois. On les aime beaucoup et on veut qu'ils viennent nous visiter dans les Maritimes et surtout en Nouvelle-Écosse. Beaucoup de Québécois se sentent plus à l'aise avec la langue française, bien sûr. S'ils arrivent en Nouvelle-Écosse, nous aimerions pouvoir les accueillir dans leur langue s'ils sont arrêtés par les agents de la GRC.
Je vois cela comme étant un recul pour le secteur du tourisme, si on ne peut pas leur offrir ce genre de service, surtout dans un pays qui respecte les deux langues officielles. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?
Mme Rioux : Je dois être tout à fait d'accord avec vous, mais je dois vous dire que cela va au-delà. Ma langue maternelle est le français. Je m'exprime très bien en anglais. Je suis parfaitement capable de tenir une conversation en anglais, mais je vous assure que dans une situation où la GRC vous arrête sur la route, on aime être capable de se défendre ou de présenter son point de vue dans la langue de son choix, dans sa langue maternelle. C'est un peu comme quand on se présente devant un juge, on aimerait être sûr que nos arguments soient bien compris et qu'on est capable de bien faire passer notre message. Quand on commence à être trop à l'aise devant un juge, c'est qu'il y a quelque chose qui va mal. C'est à peu près la même chose quand on commence à être trop à l'aise avec la GRC. Ce n'est pas seulement une question de public voyageur québécois mais également de respect du choix de la personne.
Je ne peux pas penser à un symbole plus puissant que celui de la GRC pour représenter le Canada. Partout dans le monde, ce symbole est vu et reconnu.
Le sénateur Comeau : Quelle raison aurait-on pour que, dans une province officiellement bilingue, et il n'y en a qu'une au Canada, on ait eu besoin de soutenir cette idée?
Mme Rioux : Je ne suis pas dans la tête des juristes qui ont élaboré le règlement, mais la raison que je peux y voir, serait simplement de se limiter à la région d'Amherst, puisque l'affaire Doucet portait principalement sur cette région.
Le sénateur Comeau : On exclut complètement toutes les autres provinces du Canada, sauf cette région, avec ces deux mots dans le règlement.
Mme Rioux : Vous avez tout à fait raison.
Le sénateur Comeau : La Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard sont les deux seules provinces qui touchent le Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Tardif : Selon vous, est-ce que l'ordonnance de la Cour fédérale visait uniquement la situation de l'affaire Doucet ou croyez-vous qu'elle visait l'adoption d'un règlement ayant une portée plus large de façon à inclure des situations analogues ailleurs au pays?
Mme Rioux : Je crois que la décision avait une portée plus large. Je vous avoue qu'on a été très déçu de voir que le projet de modification au règlement venait limiter la région d'Amherst.
Le sénateur Tardif : S'il fallait proposer des services dans les deux langues officielles, portant sur le trajet de la Transcanadienne, quelle modification faudrait-il apporter au règlement, selon vous?
Mme Rioux : Tout simplement que les services de la GRC qui couvrent la Transcanadienne soient offerts dans les deux langues officielles, d'un bout à l'autre du pays. J'étais présente lors de l'affaire Doucet; un témoin expert s'est présenté; il a admis que la désignation de la GRC uniquement sous la rubrique « vocation de bureau » était un compromis à l'époque.
C'était tout simplement un compromis, une décision politique de compromis. Nous soutenons que, depuis l'adoption de l'article 41(2) de la Loi sur les langues officielles, on a l'obligation d'avoir des mesures positives pour favoriser l'épanouissement et l'égalité de statut des deux langues; plutôt que d'avoir des règlements restrictifs, il faudrait proposer des règlements qui viennent élargir de plus en plus les mandats. Je ne crois pas qu'il faille aller à l'extrême immédiatement mais il me semble que ce règlement aurait été un pas dans la bonne direction s'il avait été formulé autrement.
Le sénateur Robichaud : Vous dites qu'on ne peut pas s'attendre à avoir tout le paquet d'un seul coup; vous auriez aimé que tous les efforts soit faits sur une certaine période de temps pour que la GRC puisse desservir les voyageurs sur les tronçons de la Transcanadienne dans les deux langues, n'est-ce pas?
Mme Rioux : Non, je disais que le fait d'offrir les services de la GRC partout sur la Transcanadienne serait un bon pas vers quelque chose qui pourrait être encore plus grand que cela. Je ne voudrais pas être mal interprétée. Essentiellement, je trouve qu'il est un peu ridicule de demander à un public voyageur de se poser la question, quand il commence son trajet, s'il a décidé de faire le tour du Canada, de savoir dans quelles régions, en cas de pépins, il a le droit d'avoir un service de la GRC en français. C'est un peu ridicule.
Le fardeau tombe sur les épaules des francophones ou du public voyageur qui doit déterminer au préalable à quel service il a droit, dans quelle langue officielle, en parcourant la Transcanadienne. Et vous savez quel sera le choix du francophone, en particulier dans cette situation. Quand cela devient trop compliqué pour simplifier les choses, malheureusement, on choisit le service en anglais. En plus de cela, quand on se fait arrêter par la GRC, si on ne sait pas si l'agent est francophone ou anglophone, on n'ose peut-être pas non plus demander le service en français de peur que cela nous pénalise davantage.
Le sénateur Robichaud : Je suis entièrement d'accord avec vous. Pour les voyageurs qui traversent le Nouveau- Brunswick, pas par la Transcanadienne, mais par la route alternative qui passe par Restigouche et la péninsule acadienne, qui traversent le pont de la Confédération, qui arrivent sur l'île, qui descendent vers le sud et qui traversent à nouveau en Nouvelle-Écosse, à Pictou, ceux-là ne pourraient pas s'attendre, avec ce règlement, à avoir de service lorsqu'ils reviennent en Nouvelle-Écosse en provenance de l'Île-du-Prince-Édouard, à moins que ce soit le même détachement qui traite toute cette région?
Mme Rioux : Vous avez totalement raison. Mais je crois que la Transcanadienne passe dans la région de Pictou, non?
Le sénateur Comeau : Oui.
Mme Rioux : Si le service était élargi à la Transcanadienne, oui, ils auraient le droit d'avoir le service en français à Pictou.
Le sénateur Robichaud : Une fois qu'ils ont repris la Transcanadienne.
Mme Rioux : Exactement. Mais avouez avec moi que c'est beaucoup plus simple de dire au contribuable « vous avez le droit d'avoir des services de la GRC d'un bout à l'autre du Canada sur la Transcanadienne, dans huit provinces, dans la langue officielle de votre choix », que de dire que cela s'applique à Amherst, pas à Truro, mais cela s'applique dans le parc des Hautes-Terres du Cap-Breton, mais pas à l'île-Madame.
Le sénateur Tardif : Si je comprends bien votre position, l'approche proposée par le gouvernement, selon vous, va à l'encontre du jugement de la cour dans l'affaire Doucet?
Mme Rioux : Je ne crois pas que cela va à l'encontre du jugement, mais je crois que cela va certainement à l'encontre de l'article 41(2) de la Loi sur les langues officielles qui préconise une approche libérale où les institutions publiques fédérales sont tenues d'adopter des mesures positives en visant l'égalité de statut des deux langues officielles.
Le sénateur Murray : Je voulais tout simplement vous demander si vous aviez rédigé un libellé alternatif vous-même.
Mme Rioux : Non, je n'y ai pas pensé.
Le sénateur Murray : Est-ce que votre organisme, l'Association des juristes d'expression française de la Nouvelle- Écosse, pourrait essayer de nous envoyer un projet de libellé?
Mme Rioux : Cela nous ferait plaisir de le faire.
Le sénateur Murray : Merci.
Mme Rioux : Je voulais, si vous le permettez, revenir sur la question du sénateur au sujet du non respect de la décision du juge Blanchard dans l'affaire Doucet. Je ne crois pas que ce projet contrevient au jugement mais je crois que cela ne répond pas à toutes les préoccupations qui ont été exprimées par le juge Blanchard dans sa décision.
Le sénateur Murray : Vous venez de la Nouvelle-Écosse?
Mme Rioux : Je suis originaire du Nouveau-Brunswick, mais je demeure depuis 20 ans en Nouvelle-Écosse. Je suis donc Néo-Écossaise de cœur.
Le sénateur Murray : Vous connaissez donc bien la Nouvelle-Écosse.
Mme Rioux : Très bien.
Le sénateur Murray : Ce n'est pas difficile d'identifier les villes, les régions où il y a un bon nombre de francophones en Nouvelle-Écosse. Il y a de grandes villes comme Halifax, Dartmouth et ce qu'on a appelé dans le bon vieux temps la région industrielle du Cap-Breton — qui n'est plus industrielle mais c'est un autre sujet. Mais Halifax, Dartmouth, Sydney et la région du sénateur Comeau au sud de la Nouvelle-Écosse, l'île-Madame, vous l'avez mentionné, Chéticamp, le comté de Richmond aussi.
Qu'est-ce que vous pouvez nous dire sur la capacité de la Gendarmerie royale, dans ces régions, de servir les francophones dans leur propre langue?
Mme Rioux : Je peux vous assurer que cette capacité est très grande et même remarquable. Je connais personnellement de nombreux agents de la GRC qui sont parfaitement capables de servir la population dans les deux langues officielles, et très bien, dans ces régions.
Le sénateur Murray : Et dans les métropoles de Halifax et Sydney?
Mme Rioux : C'est beaucoup plus compliqué. Je dirais que pour toute la région d'Halifax, je n'ai pas le nombre exact mais je serais surprise qu'il y ait deux agents de la GRC dans cette région qui soient capables de s'exprimer en français. J'ai déjà demandé à avoir des présentations d'agents francophones de la GRC et on m'a référé aux agents de la GRC dans les régions acadiennes de Chéticamp, de l'île-Madame ou de la région de Clare.
Le sénateur Murray : Dans le reste des provinces atlantiques, on tient pour acquis qu'au Nouveau-Brunswick, cela existe; ils sont couverts par la Loi fédérale sur les langues officielles et par la loi provinciale. Mais sur l'Île-du-Prince- Édouard, par exemple, dans la région de Mont-Carmel, dans la région Évangéline et même à Terre-Neuve, est-ce que vous connaissez la situation là-bas?
Mme Rioux : Malheureusement, je n'en ai absolument aucune idée.
Le sénateur Robichaud : Il y a suffisamment d'agents, en fait, pour donner un service en français.
Cela n'exigerait pas une dépense extraordinaire pour la GRC d'offrir ces services. Pour la région d'Halifax, vous dites que vous doutez qu'il y ait deux agents qui parlent le français. Pourtant cela occasionnerait très peu de dépenses supplémentaires si le règlement était rédigé autrement?
Mme Rioux : Vous avez raison.
Le sénateur Robichaud : Vous n'avez pas regardé de près le fait de savoir si les effectifs étaient disponibles?
Mme Rioux : J'étais à Terre-Neuve cet été, à l'Assemble générale annuelle de l'Association du Barreau canadien. Le commissaire Zaccardelli nous a fait une présentation au sujet des services offerts par la GRC. Il se targuait de la compétence de ses officiers et du nombre d'officiers bilingues dans sa force constabulaire. Alors je n'oserais pas contredire le commissaire Zaccardelli. J'ose croire que les effectifs sont là et que les coûts seraient minimes
Le sénateur Robichaud : Lui avez-vous posé la question : pourquoi n'offraient-ils par les services sur une base volontaire plutôt?
Mme Rioux : La question a été posée. La réponse nous a laissés un peu perplexe. Il a admis que dans les Maritimes, il y avait certainement des effectifs suffisants, que c'était dans l'Ouest que cela semblait poser problème. Dans les provinces de l'Ouest, il y avait peut-être moins de francophones capables d'offrir les services dans les deux langues officielles. Cependant, je sais qu'il y a des régions où la GRC est présente et qu'elle offre — pour avoir vérifier avec mes collègues des directions générales des autres AJEFNE — des services bilingues. On parle toujours de vocation de bureau.
On ne parle pas de service sur la transcanadienne. Cela dit, ce serait même un petit pas de désigner un officier en place au bureau, de le charger d'offrir les services sur la transcanadienne qui est incluse dans le secteur desservi par le bureau.
Le sénateur Robichaud : Quelle serait votre proposition de règlement?
Mme Rioux : C'est que les services de la GRC devraient être offerts partout sur la Transcanadienne pour des raisons de santé et de sécurité et le public voyageur.
Le sénateur Robichaud : Pourriez-vous le faire par étape?
Mme Rioux : Les compromis sont toujours possibles en politique, mais je reviens encore sur ma préférence personnelle qui est d'offrir les services d'un bout à l'autre du pays, à l'exclusion bien entendu du Québec et de l'Ontario, qui sont desservis par la police provinciale. Il serait beaucoup plus simple pour les contribuables d'avoir une telle règle. Il faut se pencher durant de longues minutes, voire de longues heures, sur le règlement en matière de services au public dans les deux langues officielles avant de comprendre de quoi il est question.
Il ne faut pas s'étonner que beaucoup de francophones n'utilisent pas les services. Il faut savoir s'il s'agit d'une ville de 500 habitants ou plus, qui représente 5 p. 100 de la population ou moins et un million de voyageurs. À un moment donné, on laisse tomber tout simplement. Alors pour ce qui est des services de la GRC, je crois que ce serait vraiment fantastique si on pouvait être capable de simplifier le règlement de façon à ce qu'il soit clair pour tout le monde.
Le sénateur Robichaud : J'en conviens. Merci.
Le sénateur Comeau : Vous avez sans doute répondu à la question, mais j'aimerais y revenir quand même. Vous dites que vous avez discuté avec la GRC et avec M. Zaccardelli. Ce n'était pas dans le cadre d'une période de questions mais lors d'une conférence qu'il a tenue?
Mme Rioux : Oui, mais il y a eu une période de questions par la suite.
Le sénateur Comeau : Avez-vous demandé à le rencontrer?
Mme Rioux : Il faut se remettre en contexte. Nous faisons partie d'une petite association provinciale, l'Association des juristes. Je ne sais pas si la Fédération des associations de juristes l'a fait, mais ce ne serait certainement pas dans notre mandat de demander une rencontre avec le commissaire national. On pourrait toujours essayer
Le sénateur Comeau : Avez-vous demandé de rencontrer la personne responsable de la Nouvelle-Écosse? Il y a sûrement un gendarme en charge pour toute la Nouvelle-Écosse.
Mme Rioux : Non, on n'a pas fait la demande.
Le sénateur Comeau : Peut-être que cela vaudrait la peine de le faire. Pour ce qui est de la vocation de bureau, y a-t-il un officier désigné pour la Transcanadienne et d'autres pour les différents villages ou communautés? Sinon, y a-t-il possibilité de le faire? Par exemple, l'employé bilingue serait désigné pour la Transcanadienne et le reste du bureau pourrait être unilingue.
Mme Rioux : Je sais que cela est possible. J'ai un ami qui est agent à la GRC. Il travaillait dans le secteur de Bridgewater à l'époque. Il faisait la patrouille et le bureau. C'est possible, oui.
Le sénateur Comeau : Comme cela fonctionne maintenant, votre proposition serait que la personne désignée pour s'occuper de la Transcanadienne serait bilingue?
Mme Rioux : Cela simplifierait les choses grandement.
Le sénateur Comeau : Cela répond à ma question.
Le sénateur Robichaud : Dans le cas où je serais un touriste. Disons que je m'arrête dans un motel de Truro, qui n'est pas le long du tronçon; puis-je obtenir ces services? Ai-je le droit de les avoir?
Mme Rioux : Au moment présent?
Le sénateur Robichaud : Oui.
Mme Rioux : À Truro, vous n'avez pas le droit d'avoir des services de la GRC sur la Transcanadienne en français.
Le sénateur Robichaud : Mais avec le règlement actuel?
Mme Rioux : Non, cela ne s'applique qu'à Amherst.
Le sénateur Robichaud : Même à Amherst?
Mme Rioux : C'est sur le tronçon de la Transcanadienne couvert par le bureau à Amherst.
Le sénateur Robichaud : Alors si je suis dans un motel qui n'est pas le long du tronçon à Amherst, suis-je couvert?
Mme Rioux : Oui, vous avez droit à des services en français parce qu'il y a la vocation de bureau, c'est la différence. Il y a donc la vocation de bureau, c'est-à-dire ce que le bureau dessert. Par exemple, si le bureau dessert toute la région et qu'il y a une affaire criminelle qui se passe dans un hôtel à Amherst, c'est la GRC qui aura compétence pour intervenir, mais elle n'a pas cette obligation à Amherst car la population francophone est de moins de 5 p. 100.
Le sénateur Robichaud : Lorsqu'on dit 5 p. 100, c'est 5 p. 100 de la demande des services, n'est-ce pas?
Mme Rioux : Non, c'est 5 p. 100 de la population. Le libellé du règlement n'est vraiment pas clair et porte à confusion, mais en réalité, c'est 5 p. 100 de la population. Il a fallu faire la preuve, dans l'affaire Doucet, qu'il y avait 5 p. 100 de la population du public voyageur de langue maternelle française qui traversait la frontière à Amherst.
Le sénateur Comeau : Est-ce que ce chiffre se rapporte à quelque chose de précis ou s'il a tout simplement été proposé de façon arbitraire? Savez-vous d'où vient cette décision. En d'autres mots, est-ce un fonctionnaire du Conseil du Trésor, à Ottawa, qui a tout simplement proposé ce pourcentage de 5 p. 100 parce qu'il avait l'air bien?
Mme Rioux : Cette décision a peut-être été prise de façon plus ou moins arbitraire, mais il est clair que dans le règlement, il y a plus ou moins 5 p. 100, plus de 500 habitants sur 5 000 de population. On joue beaucoup avec le chiffre cinq.
Le sénateur Comeau : Il serait très important de résoudre cette question. Après une discussion avec le sénateur Murray, nous croyons qu'on devrait peut-être inviter la Gendarmerie royale du Canada. Comme la Nouvelle-Écosse n'a pas cette vocation nationale et que nous l'avons et étant donné l'importance de ce règlement, il serait peut-être opportun d'inviter, en fait, le grand manitou.
[Traduction]
Le sénateur Murrray : En ce qui a trait à une question connexe, nous pourrions peut-être demander à nos attachés de recherche d'examiner les rapports récents du commissaire aux langues officielles concernant la GRC. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de préparer un rapport à notre intention; vous pourriez plutôt attirer notre attention sur toute observation qui a été faite au sujet de la GRC afin que nous puissions en prendre connaissance.
[Français]
La présidente : Sénateur Robichaud, aviez-vous terminé vos questions?
Le sénateur Robichaud : Oui. Merci, madame Rioux.
Le sénateur Tardif : Dans son dernier rapport annuel, la commissaire aux langues officielles a mentionné l'importance de moderniser le règlement sur les langues officielles. Si je comprends bien, concernant la publication dans la Gazette du Canada, on n'a considéré qu'une seule partie du règlement sur les langues officielles — le paragraphe 6(1), je pense. Quant à revoir le règlement sur les langues officielles, ne serait-il pas préférable de réfléchir à la modernisation de l'ensemble des règlements et s'assurer ainsi davantage de services de qualité égale pour les communautés de langues officielles francophone et anglophone?
Mme Rioux : L'Association des juristes et la Fédération des associations de juristes souhaitent qu'on l'élargisse. Quant à une refonte du règlement, les deux associations souhaitent une modernisation à ce règlement qui vaille la peine et qui ne s'avère pas limitative, comme on peut le constater actuellement.
Le sénateur Robichaud : Si on ne réussissait pas à modifier le règlement, auriez-vous objection à ce qu'une enseigne soit érigée aux endroits où les services ne sont plus offerts sur la route transcanadienne?
Mme Rioux : En autant que l'affiche soit en français!
Le sénateur Robichaud : Assurément.
La présidente : Est-ce qu'il y a d'autres questions pour Mme Rioux?
Des voix : Non.
La présidente : Sur ce, madame Rioux, je vous remercie beaucoup. Votre témoignage va sûrement nous aider dans nos délibérations futures.
La présidente : Nous recevons maintenant la présidente de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, Mme Michèle Demers, ainsi que M. John Peirce.
Nous avons demandé à l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada de comparaître dans le cadre de notre étude sur le déménagement de bureaux principaux d'institutions fédérales et l'impact sur l'application de la Loi sur les langues officielles.
Mme Demers, nous vous écoutons.
Michèle Demers, présidente, Institut professionnel de la fonction publique du Canada : L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada appuie le principe selon lequel le Canada est un pays bilingue. Les Canadiens et Canadiennes ont le droit d'être servis dans la langue officielle de leur choix, et les employés de la fonction publique dans les quatre régions du pays désignées bilingues ont le droit de travailler dans la langue officielle de leur choix.
L'Institut accueille favorablement l'étude du Comité sénatorial permanent des langues officielles portant sur le déménagement de bureau principaux d'institutions fédérales et l'impact sur l'application de la Loi sur les langues officielles. Dans notre mémoire au comité, nous vous offrons nos commentaires sur les questions soulevées par le comité et à l'égard desquelles nous estimons pouvoir parler en toute connaissance et autorité. Lorsqu'une institution déménage dans une autre région, une multitude de facteurs guideront le choix d'un employé de poursuivre ou non son travail au sein de l'institution qui l'emploie.
La capacité de travailler dans la langue de leur choix serait certainement un facteur influençant les employés dans leur décision, mais ce ne serait toutefois pas le seul facteur, ni nécessairement le plus important. La distance du nouveau lieu de travail, les considérations familiales, le désir de retourner à ses racines, le désir de garder son poste, la recherche de nouvelles possibilités d'avancement ainsi que le coût et la disponibilité du logement dans le nouvel endroit représenteraient des considérations importantes. Dans la pratique, il est souvent extrêmement difficile, voire impossible, d'isoler ces facteurs les uns les autres pour déterminer pourquoi les employés accepteraient ou non de déménager.
Dans le cas de la Commission canadienne du tourisme, nous savons qu'une majorité des personnes à l'emploi de la CCT, lorsque celle-ci se trouvait à se Ottawa, ont refusé de déménager et que, des 21 employés qui ont accepté le transfert à Vancouver, seulement cinq étaient francophones et bilingues. Cette donné correspond à un sondage interne effectué antérieurement auprès des employés et qui avait permis d'établir plus tôt que 80 p. 100 de tous les employés de la Commission n'étaient pas disposés à déménager.
Cela signifie que, étant donné que la commission devait avoir un nombre suffisant d'employé bilingues pour assumer ses responsabilités à l'endroit du public aux termes de l'article 22 de la Loi sur les langues officielles, elle a probablement dû recruter un nombre considérable d'employés bilingues dans un marché où il n'y en a pas vraiment beaucoup.
Nous n'avons pas été en mesure de savoir précisément combien de ces employés étaient disponibles à Vancouver. Cependant, il vaut la peine de noter que dans l'Ouest et le Nord canadien, donc la région dans laquelle se trouve Vancouver, seulement 2 p. 100 de la fonction publique fédérale est francophone. En fait, dans toutes les régions autres que celles désignées bilingues, les francophones ne comptent que pour 5 p. 100 de la fonction publique fédérale, un fait dont il faudra tenir compte pour tout projet de déménagement à venir dans des régions unilingues anglophones.
Comme l'a dit Mme Judith LaRocque, sous-ministre de Patrimoine canadien, dans son témoignage à votre comité il y a 15 jours : il reste à voir si la CCT sera capable d'attirer des employés bilingues. Le fait qu'une telle déclaration puisse être faite près d'un an après le déménagement de la commission à Vancouver n'est certainement pas encourageant.
En ce qui a trait au déménagement du ministère des Anciens Combattants dans les années 1980, nous avons récemment sondé quelques membres, dont un qui nous a dit que le ministère « continue de lutter pour conserver son caractère bilingue à Charlottetown ». Les autres répondants nous ont dit que le ministère avait recruté assez d'employés bilingues pour répondre aux exigences de la loi.
[Traduction]
Pour répondre à la question à savoir si les employés nouvellement embauchés de la Commission canadienne du tourisme ont été confrontés à certains problèmes en matière de langues officielles, on ne nous a rapporté aucun problème de la sorte. En ce qui concerne les employés des Affaires des anciens combattants à Charlottetown, ces derniers avaient des points de vue divergents. Les lignes directrices, les politiques et les règlements constituent des mesures efficaces pour protéger les droits des employés en matière de langue de travail.
Parmi les membres qui ont participé à notre sondage, trois des quatre répondants de Charlottetown ont vanté la Loi sur les langues officielles comme étant un mécanisme permettant de protéger les droits des employés en matière de langue de travail. En ce qui concerne la présente situation, le déménagement d'administrations centrales, nous croyons que des règlements, comme ceux proposés par le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, dans son témoignage devant votre comité, constituent probablement le meilleur moyen de protéger le droit des employés en matière de langue de travail. Nous sommes d'accord avec M. Fraser pour dire qu'il serait plus sensé que le gouvernement établisse des règlements permanents plutôt qu'il intervienne chaque fois que l'administration centrale d'une institution fédérale déménage d'une région bilingue à une région unilingue.
En ce qui concerne l'élaboration d'une réglementation pour encadrer les parties V et VII de la Loi sur les langues officielles, nous sommes en mesure de dire que compte tenu de l'absence d'engagements sérieux de la part du gouvernement à fournir la formation linguistique nécessaire à ses employés, il est difficile pour nous de comprendre comment le déménagement d'administrations centrales vers des régions unilingues pourrait aider de quelque façon que ce soit le gouvernement à se conformer aux dispositions de la loi.
Pour ce qui est de revoir la liste des régions désignées bilingues aux fins de la langue de travail, nous ne croyons pas que le fait d'allonger cette liste serait un moyen efficace de protéger les droits des employés en matière de langue de travail dans les cas de déménagement d'administrations centrales à l'extérieur d'Ottawa.
La désignation bilingue a pour objet de permettre aux lieux de travail de refléter la réalité de la vie dans des parties du Canada largement représentées par des membres des deux communautés linguistiques officielles. Dans les régions où plus de 90 p. 100 des employés de la fonction publique appartiennent à un seul groupe linguistique, comme c'est le cas pour les régions désignées unilingues, on ne peut vraiment parler d'une communauté de fonctionnaires bilingues. Essayer d'en créer une à l'aide de la politique sur les langues officielles semble au mieux un exercice futile.
Nous pouvons dire que le gouvernement fédéral doit de toute évidence être capable de servir les Canadiens et les Canadiennes dans les deux langues officielles, comme les clients de la Commission canadienne du tourisme, et qu'il doit être en mesure d'accommoder le personnel qui essaie de le faire. La meilleure façon d'atteindre ces objectifs jumeaux sera, à notre avis, de maintenir les administrations centrales dans des centres où la masse critique de Canadiens bilingues est suffisamment élevée et où la masse critique de fonctionnaires fédéraux bilingues est également suffisamment élevée pour servir ce public.
[Français]
En terminant, dans la perspective des langues officielles, nous ne croyons pas que le public canadien dans son ensemble ou les fonctionnaires fédéraux seront, somme toute, bien servis par les déménagements des administrations centrales à l'extérieur de la région de la capitale nationale. Plus encore, lorsque ces déménagements se font dans des régions unilingues qui risquent grandement d'être composées d'une masse critique bilingue insuffisante, la situation ne permettrait pas au gouvernement de respecter ses propres politiques en matière de langues officielles.
Les problèmes généraux liés aux déménagements à l'extérieur de la région de la capitale nationale ont été bien exposés dans un document d'information préparé par l'Institut professionnel sur le déménagement proposé de l'administration centrale de la Commission canadienne du tourisme. Comme nous l'avions indiqué, de tels déménagements sont coûteux, déstabilisants et généralement mauvais pour le moral des employés. Plus précisément, ils génèrent très probablement des difficultés plus ou moins graves dans l'embauche de nouveaux employés, comme cela semble avoir été le cas à la Commission.
Lorsqu'un organisme tenu par la loi d'offrir des services dans les deux langues officielles éprouve de la difficulté à recruter un nombre suffisant d'employés bilingues, le public n'est pas bien servi.
De plus, les employés existants risquent d'avoir à composer avec davantage de stress, surtout ces employés qui pourraient bien se trouver surchargés en raison de la pénurie de personnel bilingue.
Étant donné que le gouvernement fédéral a un intérêt direct à développer et maintenir les compétences linguistiques de ses employés, il y a également la question de savoir si les régions unilingues anglophones constituent les meilleurs endroits pour que les employés bilingues puissent développer et maintenir leurs compétences dans les deux langues officielles. Dans l'ensemble, toute tentative pour transférer les services du gouvernement fédéral à l'extérieur de la région de la capitale nationale au profit de régions unilingues, semblerait diamétralement opposée à l'orientation générale des politiques gouvernementales en matière de langues officielles.
Si le gouvernement est vraiment intéressé à offrir les meilleurs services possibles aux Canadiens partout au pays et à l'échelle internationale, cela ne fait aucun sens de déménager des bureaux à l'extérieur de régions bilingues, dans des régions du pays où les employés bilingues sont une denrée rare.
En fin de compte, nous disons au gouvernement que tout projet de déménager les bureaux des organismes fédéraux à l'extérieur d'Ottawa et dans des parties unilingues du pays, ne semble pas une bonne idée, pour toutes les raisons énoncées dans le rapport précité.
[Traduction]
Le sénateur Jaffer : Merci pour votre exposé. Je viens tout juste de lire votre mémoire et j'ai entendu ce que vous avez dit avec beaucoup d'intérêt. Je serai franche avec vous : je viens de la Colombie-Britannique et je suis heureuse que la CCT ait déménagé dans notre province, car puisque nous faisons partie du Canada, nous devons avoir le sentiment d'appartenance et nous avons besoin d'organismes partout au pays.
J'imagine que vous représentez l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada partout au pays?
Mme Demers : Oui.
Le sénateur Jaffer : Je vais vous poser une question que j'ai posée à de nombreux témoins; je pense que vous êtes la personne la mieux placée pour y répondre. Que fait votre organisation pour aider les gens à devenir bilingues en Colombie-Britannique?
Mme Demers : L'Institut est un syndicat. Il a une politique sur les langues officielles, que nous avons annexée à notre mémoire. L'Institut reconnaît l'obligation du gouvernement d'offrir une certaine formation linguistique, pas seulement pour la forme étant donné qu'il doit offrir une formation linguistique aux employés afin qu'ils satisfassent aux exigences linguistiques. Nous reconnaissons par ailleurs que les membres que nous représentons et qui choisissent de travailler dans la fonction publique doivent faire preuve d'un certain engagement.
Tout le monde sait que pendant 30 ans nous avons eu le même genre de politiques en matière de langues officielles dans la fonction publique, mais qu'elles n'étaient pas appliquées avec rigueur. Bien des gens occupaient des postes bilingues après avoir reçu à plusieurs reprises une formation linguistique, sans toutefois répondre aux exigences linguistiques. Cette situation était de façon générale tolérée et acceptée.
Ce n'est qu'en 2004 que Mme Robillard a présenté des changements à l'application des politiques sur les langues officielles dans la fonction publique et qu'elle a décidé que ces politiques seraient appliquées de façon plus rigoureuse.
Nous encourageons nos membres à apprendre la langue seconde et à maintenir leurs compétences dans cette langue. Nous encourageons également le gouvernement à maintenir son engagement de 2004, qui était double. D'abord, tous les nouveaux employés de la fonction publique doivent avoir la possibilité, dans leur plan de perfectionnement, d'acquérir des compétences dans une langue seconde, dans la mesure où ces compétences sont exigées par leur emploi. Par ailleurs, le gouvernement s'est engagé à investir davantage dans la formation linguistique dans la fonction publique afin de répondre aux nouvelles politiques et à leur application.
Nous encourageons nos membres à apprendre la langue seconde et à le faire tôt au cours de leur carrière. Nous sommes en quelque sorte des pit bulls qui encouragent le gouvernement fédéral à faire cela.
[Français]
Nous l'encourageons à délier les cordons de la bourse et à rendre disponibles les ressources financières et humaines nécessaires à la formation linguistique des fonctionnaires.
[Traduction]
Le sénateur Jaffer : Je suis heureuse de vous l'entendre dire. Je suis certaine que vous communiquez régulièrement avec vos membres, comme je le fais. Mes collègues, ici et en Colombie-Britannique, vous diront que les gens de la Colombie-Britannique ont une grande soif d'apprendre la langue. Il est cependant difficile pour vos membres d'apprendre le français, et je demanderai à la présidente d'inviter quelqu'un à venir nous en parler. Le programme de formation de sept ou huit mois qui est offert ici à Ottawa n'est pas offert à Vancouver, et il y a bien d'autres choses qui ne sont pas offertes à vos membres. Ce n'est pas que vos membres ne veulent pas apprendre la langue. Le problème c'est plutôt que les cours ne sont pas accessibles.
Comme vous le faites ici, je suis certaine que vous demanderez que vos membres en Colombie-Britannique aient eux aussi accès à une formation de français langue seconde. Nous faisons partie du Canada et nous avons besoin d'avoir des organismes dans notre province également. Ce que vous avez dit dans votre exposé me préoccupe énormément, car je veux qu'un plus grand nombre d'organismes viennent s'installer dans ma province.
Mme Demers : Il y a une grande différence, par exemple, entre le transfert des Affaires des anciens combattants à Charlottetown et le transfert de la Commission canadienne du tourisme à Vancouver. Vancouver n'est pas une ville dont l'économie a besoin d'être relancée et qui a besoin de la présence de 100 employés fédéraux pour créer cette relance. Ce n'est pas le genre de situation que l'on retrouve à Vancouver. À Charlottetown, il était absolument nécessaire d'offrir des emplois aux jeunes qui quittaient la province. Nous devons faire une distinction entre les deux.
Je ne dis pas que ce n'est pas une bonne chose de décentraliser un certain nombre de ces institutions, organismes et ministères. Je dis que si l'on veut répondre aux exigences en matière de langues officielles, ce n'est pas une bonne idée, car il n'existe pas à Vancouver un bassin de population pour répondre à ces exigences.
Le sénateur Jaffer : Nous pourrions continuer à parler et je ne devrais pas monopoliser le débat, mais je suis préoccupée. Lorsque vous dites « unilingue », il n'y a pas une province dans l'Ouest qui est unilingue, pour autant que je sache. Avec tout le respect que je vous dois, si je vous ai bien compris, vous dites qu'aucune agence ne devrait déménager dans les provinces de l'Ouest car elles sont toutes unilingues. Je dis que nous devrions changer cela et aider les gens à devenir bilingues plutôt que de rester unilingues. Nous n'avons peut-être pas le problème d'une pénurie d'emplois, mais nous voulons faire partie du Canada et nous voulons que vous veniez travailler dans notre province. Nous allons poursuivre cette discussion à un autre moment.
[Français]
Le sénateur Tardif : J'aimerais poursuivre la discussion initiée par madame le sénateur Jaffer. Vous dites que si on veut respecter la Loi sur les langues officielles, surtout la partie V portant sur la langue de travail, il n'est pas souhaitable de relocaliser un siège social d'une région bilingue à une région unilingue.
Cependant, si on ajoutait un règlement faisant en sorte que tout déménagement de siège social d'une institution fédérale se fasse dans une région désignée bilingue, est-ce que sur le plan des obligations, cela éliminerait les inquiétudes dont vous nous avez fait part?
Lors de notre visite à Vancouver, nous avons discuté du fait que la Commission canadienne du tourisme avait choisi d'offrir un milieu de travail bilingue à ses employés, mais que pour les 80 p. 100 d'employés qui n'ont pas déménagé d'Ottawa, la Loi sur les langues officielles ne s'appliquait pas.
La Commission a embauché 19 employés qui sont déménagés d'Ottawa et une soixantaine d'autres employés embauchés sur place à Vancouver. Selon la Loi sur les langues officielles, le groupe d'employés relocalisés a des droits tandis que le groupe des 80 p. 100 n'en a pas. Tout cela fait en sorte qu'il devient très difficile de gérer la situation. C'est pourquoi la Commission canadienne du tourisme a choisi d'offrir un milieu de travail bilingue. Elle a ensuite recommandé que dorénavant, suite à un déménagement de siège social, il fallait offrir un milieu de travail bilingue.
Pensez-vous que si on adoptait un tel règlement qui encadrait cette décision, cela pourrait fonctionner?
Mme Demers : Si on peut s'assurer que les services peuvent être donnés dans les deux langues officielles et que les employés peuvent travailler dans la langue officielle de leur choix, à ce moment il n'y a pas de problème parce que ce sont là les deux prérequis de la Loi sur les langues officielles en ce qui concerne la fonction publique.
Maintenant, je vais vous donner un autre exemple de situation où une agence a déménagé à l'extérieur de la région de la capitale nationale ou a été constituée à partir d'une entité qui était ici avant; il s'agit de l'Agence spatiale canadienne, maintenant installée à Saint-Hubert. Je me souviens du tollé quand cette agence avait déménagé. Je m'y suis rendue la semaine dernière et j'ai rencontré les membres que je représente qui y travaillent. Saint-Hubert n'est pas une région désignée bilingue, mais la langue de travail de tout ce qui s'appelle « espace », « spatial » ou « intergalactique », c'est l'anglais. Donc, à cause du bassin de population dans la grande région métropolitaine, qui satisfait aux exigences linguistiques nécessaires pour pouvoir doter ces postes sur une base bilingue, ce n'est pas un problème d'avoir l'Agence spatiale dans une région unilingue ou une région non désignée bilingue. Ils sont à proximité d'un bassin de population qui leur permet de doter leurs postes.
Ce n'est pas le cas à Vancouver. En fait, à Vancouver ou dans l'Ouest, ce serait plus accommodant pour la population environnante d'avoir l'anglais et le cantonnais, par exemple, comme langues officielles. Par contre, la mission de la commission, c'est de desservir l'ensemble du pays en matière de tourisme, pas seulement l'Ouest.
Le sénateur Tardif : Je crois qu'il faut aussi reconnaître qu'il y a une communauté francophone à Vancouver qui est assez dynamique. Cela peut représenter l'occasion de faire davantage la promotion du français à Vancouver et dans la région et d'appuyer la vitalité de cette communauté francophone. Alors si, dans les emplois offerts, on peut aller chercher des membres qui parlent français, des nouveaux arrivés, des immigrants ou des francophones qui sont depuis plusieurs années à Vancouver, cela offre davantage de possibilités.
J'essaie de voir, un peu comme le sénateur Jaffer le disait, si on considère des déménagements dans d'autres villes, si on voit une décentralisation des services du gouvernement fédéral, s'il n'y a pas moyen, si on adopte les règlements nécessaires, si on encadre ou si on met des mesures d'application nécessaires, d'assurer quand même le respect de la Loi sur les langues officielles. Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'on ne puisse pas le faire de façon temporaire ou au cas par cas. Mais si on pouvait mettre sur pied un règlement qui identifierait clairement l'application de cela, est-ce que cela pourrait fonctionner?
Mme Demers : Je n'ai aucune objection, si on peut avec le règlement atteindre les objectifs. Par contre, avec les chiffres qu'on m'a donnés, et tout le monde peut se tromper, mais d'après ce qu'on me dit, 2 p. 100 de la population de la fonction publique fédérale en Colombie-Britannique est francophone. Pour moi, c'est une question de bassin. Vous dites que la population bilingue ou francophone est très vibrante et très active et je vous crois. Mais est-ce qu'elle est suffisamment grande pour satisfaire les besoins de la Commission canadienne du tourisme? Je ne sais pas.
La présidente : On nous dit qu'il y a à Vancouver 2 p. 100 de francophones, à titre d'exemple. Est-ce qu'on ne pourrait pas commencer à regarder comment on identifie ce 2 p. 100, de quelle façon on mesure, quel genre de statistiques nous utilisons? Car il n'y a aucun doute que lorsqu'on se rend là-bas, et cela fait quelquefois que nos divers comités s'y rendent, il y a un bassin de personnes qui parlent français. Il y a un bassin de personnes qui veulent apprendre aussi la deuxième langue officielle du Canada.
Je pense qu'il faut prendre ces facteurs en considération et voir de quelle façon on peut mieux arriver à déménager. Les deux langues officielles, à notre avis, s'appliquent au Canada, pas uniquement à Ottawa. C'est aussi à Vancouver. Encore et surtout lorsque les gens là-bas veulent l'apprendre et le parler.
Le sénateur Murray : Selon les chiffres qu'on nous a fournis lors de notre séjour à Vancouver, il y a en Colombie- Britannique 58 000 francophones, mais aussi 200 000 personnes, plus ou moins, qui savent parler le français. Je ne sais pas si vous avez des chiffres différents. On n'était pas en mesure de vérifier ces chiffres.
Mme Demers : Je comprends. Ce que je vous disais, c'était que la population francophone au sein la fonction publique fédérale en Colombie-Britannique était de 2 p. 100. Je ne parle pas de la population générale. Je parle de la population de la fonction publique. Les fonctionnaires fédéraux francophones en Colombie-Britannique sont de l'ordre de 2 p. 100.
[Traduction]
Le sénateur Murray : Utilisez-vous les mots « francophone » et « bilingue » de façon interchangeable? Je vois ce que vous avez dit. J'ai suivi ce que vous disiez lorsque vous parliez de la Commission canadienne du tourisme.
[Français]
Elle a probablement dû recruter un nombre considérable d'employés bilingues dans un marché où il n'y en avait vraiment pas beaucoup. Vous n'êtes pas en mesure de savoir précisément combien de tels employés étaient disponibles à Vancouver, cependant, il vaut la peine de noter que seulement 2 p. 100 de la fonction publique fédérale est francophone.
[Traduction]
Est-ce que vous utilisez ces deux termes de façon interchangeable? Vous reconnaissez qu'il y a parfois un anglophone qui peut parler le français?
Mme Demers : Je le sais, mais je faisais allusion spécifiquement aux francophones. Ceux qui ont déménagé d'Ottawa à Vancouver étaient bilingues. Vous dites qu'il y en avait 19; je crois que c'était 21.
Le sénateur Murray : Lorsque j'étais à Vancouver, j'en ai profité pour parler à des fonctionnaires. J'ai eu la nette impression — et je pense que cela appuie ce que vous disiez précédemment — que le gouvernement n'a pas été juste envers ces gens pour ce qui est de leur donner l'occasion d'apprendre la langue seconde et d'avoir une formation linguistique. Lorsqu'on vit aussi loin qu'à Vancouver et qu'on est, par exemple, un cadre intermédiaire dans la fonction publique qui aspire à un poste supérieur ou tout simplement à venir travailler à Ottawa ou à Montréal ou encore dans une région bilingue, on n'a pas beaucoup l'occasion d'apprendre le français. Les fonds doivent venir du ministère, du budget du ministère, et peut-être du budget du bureau. Il est extrêmement difficile de se faire accorder des congés, particulièrement dans les petits bureaux, pour suivre des cours de langue. C'est ce qu'on m'a dit lorsque j'étais là-bas. Je me rends compte que lorsque nous tenons toutes ces choses pour acquises, ce n'est pas juste pour ceux qui vivent là- bas. Nous ne leur donnons pas pleinement la possibilité de poursuivre une carrière dans la fonction publique canadienne. Nous devrions revenir sur cette question un de ces jours et en parler aux responsables au sein du gouvernement.
Mme Demers : Je suis d'accord.
[Français]
Le sénateur Comeau : Dans votre présentation, madame, à la page 6, on lit :
Dans la perspective des langues officielles, nous ne croyons pas que le public canadien dans son ensemble ou les fonctionnaires fédéraux seront somme toute bien servis par le déménagement des administrations centrales à l'extérieur de la région de la capitale nationale, [...]
Donc vous n'êtes pas tellement attirée par le concept de déménager des sièges sociaux.
Mme Demers : En matière de langues officielles.
Le sénateur Comeau : Vous terminez en disant : « ... surtout lorsque ces déménagements se font dans des régions unilingues. » Je pense que cela a été soulevé par le sénateur Tardif. En fin de compte, le Canada est un pays qui a deux langues officielles. C'est au gouvernement fédéral de promouvoir, de démontrer et d'encourager ce concept de deux langues officielles. Si le gouvernement fédéral dit qu'il ne veut pas déménager certains services dans des régions unilingues, je pense que nous sommes en train de démolir la valeur de ce pays où il y a une dualité linguistique. Si on dit que nous ne pouvons pas déménager un service en dehors d'Ottawa parce que c'est une région où il n'y a pas assez de francophones, je pense qu'on détruit un peu le concept de la dualité linguistique canadienne. Je ne sais pas quelle est la réponse à ce moment, mais je ne pense pas que la réponse soit de dire non à un déménagement d'un siège social.
D'après moi, on devrait pouvoir trouver un moyen par lequel on pourrait déménager peut-être pas tout le service, peut-être pas tout le siège social et peut-être par étapes. Le concept de dire non au déménagement des services fédéraux dans une région unilingue, par le fait même, détruit le concept d'un Canada avec deux langues officielles. Je sais que le Canada n'est pas bilingue. Je ne vais pas m'en aller, mais c'est un pays avec deux langues officielles.
Mme Demers : Vous avez absolument raison. Mon commentaire s'appliquerait de la même façon si on parlait de déménager la Commission canadienne du tourisme à Chicoutimi par exemple.
Le sénateur Comeau : Absolument!
Mme Demers : Il est strictement basé sur le potentiel de rencontrer les exigences linguistiques requises par la loi et par le gouvernement. Maintenant, c'est sûr qu'il y a toutes sortes de moyens dont on pourrait se doter. On pourrait désigner bilingues d'autres régions. Cependant, c'est basé sur la population existante. Quand on désigne une région bilingue, c'est parce qu'il y a un bassin de population suffisant.
Le sénateur Comeau : Vous avez soulevé le parfait exemple de pourquoi nous devrions essayer de trouver des moyens de le faire. Comment on pourrait déménager, par exemple, la Commission canadienne du tourisme à Chicoutimi? Si on avait déménagé les services à Chicoutimi, il y a 30 ou 40 ans, les gens de Chicoutimi se seraient peut-être rendu compte qu'il y avait des francophones à l'extérieur de Chicoutimi, qu'il y en avait un peu partout au Canada, et que le Canada est un pays avec deux langues officielles. Les citoyens de Chicoutimi auraient possiblement eu une vue différente du Canada. On ne l'a pas fait il y a 30 ans. Ce serait peut-être le moment de le faire aujourd'hui pour que les gens voient que le Canada est un pays avec deux langues officielles. Il faut se trouver des moyens de le faire.
Donnez-nous des moyens par lesquels on pourrait répondre aux exigences des gens qui veulent que leurs enfants puissent aller à l'école française ou anglaise, selon le cas. Il y a peut-être des moyens de le faire plutôt que de dire : « Gardons nos sièges sociaux à Ottawa et oublions les autres régions, sauf les régions bilingues. » Les seules régions bilingues au Canada, autres qu'Ottawa, se trouvent peut-être au Nouveau-Brunswick. Le reste du Canada, oubliez-le parce que vous êtes tous unilingues.
Le sénateur Champagne : Nous sommes quelques-uns à Montréal...
Mme Demers : Oui, il y a une longue liste au Québec.
Le sénateur Comeau : Aidez-nous à trouver des moyens de montrer aux gens des régions unilingues que ce pays a deux langues officielles. C'est vrai qu'il y a plus de cantonnais que de français en Colombie-Britannique, mais cela ne change aucunement le fait que le Canada est un pays avec deux langues officielles.
Le sénateur Champagne : Je vais vous emmener un petit peu à côté de la voie qui a été tracée, mais pas tellement. Je vais vous emmener vraiment dans les régions bilingues où il y a des gens qui dépendent de votre organisation, qui sont sensément considérés comme des employés bilingues et qui ont quand même un supplément de salaire s'ils peuvent travailler dans les deux langues. Vous disiez tout à l'heure que ces gens peuvent améliorer leurs connaissances de l'autre langue, que ce soit par les cours offerts par le gouvernement ou par osmose parce qu'ils sont dans un environnement où les deux langues sont parlées. Malgré cela, quand vous faites des vérifications, le soi-disant bilinguisme n'est pas toujours au rendez-vous. Cette lacune, selon vous, vient-elle de la qualité des cours offerts par le gouvernement? Vient- elle d'une sorte de « je-m'en-foutisme » de la personne qui se dit : « Moi, je suis considérée comme bilingue, j'ai mon supplément de salaire, pourquoi je ferais d'autres efforts? » C'est peut-être un peu de tout cela. J'aimerais votre avis là- dessus.
Mme Demers : Ce n'est pas une majorité de fonctionnaires fédéraux qui rencontrent les exigences des deux langues officielles et qui occupent des postes bilingues. Il y a encore beaucoup de postes unilingues dans la fonction publique, d'un bout à l'autre du pays, même dans les régions désignées bilingues.
Là où on exige le bilinguisme, c'est quand on fait la supervision d'employés ou quand on donne un service direct à la population dans les deux langues officielles dans les régions désignées bilingues. Il y a toute une liste de régions désignées bilingues au Québec et ailleurs au pays : le Nouveau-Brunswick, la région de la capitale nationale, certaines régions de Montréal, de Sherbrooke et d'autres régions du Québec. Les gens qui travaillent dans les Prairies, en Colombie-Britannique, dans l'Atlantique, pour la plupart, sont des personnes unilingues qui n'ont pas l'obligation de rencontrer l'exigence de la deuxième langue officielle, même s'ils travaillent au gouvernement fédéral, même si le pays est bilingue et même si on a un programme boiteux de formation linguistique au gouvernement fédéral.
Par contre, à partir du moment où on veut accéder à un poste de plus haut niveau, si on a des interactions, par exemple, avec des directeurs régionaux, à ce moment, il y a de plus en plus d'exigences pour que ces gens rencontrent les exigences linguistiques des deux langues partout au Canada.
Le sénateur Champagne : On a récemment entendu parler des employés d'Air Canada qui devront offrir les mêmes services dans les deux langues, que ce soit sur West Jet ou autres. Quelqu'un a dit : « Oui, mais vous rendez-vous compte de tous les anglophones de l'Ouest qui vont perdre leur emploi? « Ma réaction a été tout simplement de me demander : « Est-ce qu'il y a un unilingue francophone qui aurait pu avoir le même poste? »
Mme Demers : Non.
Le sénateur Champagne : C'est là que je deviens un peu agressive. Je comprends mal que vous ayez des fonctionnaires qui ont pu bénéficier de ces cours de français pendant tant d'années, qui ne parlent toujours pas la langue correctement, et qui peuvent difficilement rendre un service dans la langue de leur client.
Malgré tout, on fait des histoires parce que, évidemment, la Commission a été déménagée à Vancouver, où il y a un bassin francophone qui est moindre. Mais est-ce qu'on va prendre un francophone unilingue à Vancouver et le placer à votre bureau? Je me pose la question.
Mme Demers : Non. C'est sûr que non.
Le sénateur Champagne : Pourtant, on trouverait peut-être à Montréal, dans un bureau du gouvernement fédéral, un unilingue anglophone. C'est une des choses qui me fait poser des questions sur l'application de la Loi sur les langues officielles, quand il s'agit du gouvernement du Canada.
Mme Demers : S'il n'y avait pas eu de laxisme dans l'application des politiques en matière de langues officielles depuis plus de 30 ans, on n'en serait pas là aujourd'hui. Si les politiques avaient été appliquées telles qu'elles avaient été écrites, je peux vous garantir que la population bilingue serait beaucoup plus grande aujourd'hui qu'elle ne l'est en réalité. Les préoccupations soulevées par les anglophones par rapport à des positions bilingues sont les mêmes soulevées par les francophones à Montréal qui desservent une population francophone, et qui doivent être bilingues. Ils sont aussi préoccupés par l'application des deux langues officielles et l'obligation de rencontrer cette exigence-là, autant que les anglophones ailleurs au pays.
Ce n'est pas une question de francophone, c'est une question d'unilingue. Qu'on soit francophone ou anglophone, il y a des obligations à apprendre la deuxième langue.
Le sénateur Champagne : On aura trouvé une façon de résoudre le problème lorsqu'on aura convaincu tous nos systèmes d'éducation qu'un étudiant qui sort du cégep doit être bilingue pour avoir un diplôme. Espérons que ce sera demain la veille.
Le sénateur Tardif : Est-ce que vous estimez que la Commission canadienne du tourisme s'acquitte bien de ses responsabilités portant sur l'application de la loi sur les langues officielles, quant à la partie V?
Mme Demers : Je ne sais pas. La Commission a déménagé depuis un an. Ils ont dû doter beaucoup de postes, et avant de venir ici, je n'ai pas eu l'opportunité de valider la nature des postes qui ont été comblés. Ce que je peux vous dire, c'est ce qui explique en partie mon scepticisme, lorsqu'ils étaient ici à Ottawa, ils avaient également des lacunes pour rencontrer les exigences linguistiques à la Commission canadienne du tourisme.
J'extrapole en disant probablement que la situation est tout au moins la même ou pire depuis qu'ils sont à Vancouver.
Le sénateur Tardif : Aucun employé ne vous a fait part de difficultés quant à l'utilisation de la langue de leur choix?
Mme Demers : Non.
Le sénateur Tardif : Des gens de Vancouver nous ont dit qu'ils avaient complété un plan d'action et qu'ils avaient reçu une assez bonne évaluation de la commissaire aux langues officielles. On verra bien.
J'aimerais revenir cependant sur un point. Vous avez perdu environ cinq millions de dollars dans les coupures annoncées récemment. Des fonds non utilisés dans le déménagement d'Ottawa à Vancouver, il s'agit de 5,76 millions de dollars. Est-ce que ce montant ne pourrait pas être utilisé pour la formation linguistique? Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi cet argent n'a pas été utilisé?
Mme Demers : J'ignore à quelle ligne budgétaire appartenait cet argent. Il est difficile au gouvernement fédéral, surtout maintenant de transférer d'une ligne budgétaire à une autre des montants d'argent. Je peux vous dire par contre, qu'il y a un manque criant de ressources financières pour la formation linguistique, pas seulement à la Commission canadienne du tourisme mais à la grandeur de la fonction publique.
Le sénateur Robichaud : Tant que cette situation dure, vous dites qu'il y a un manque criant, vous maintenez toujours votre position, à savoir que ce n'est pas le temps de faire des déménagements dans des régions non désignées bilingues?
Mme Demers : Je pense que vous essayez de me faire dire des choses?
Le sénateur Robichaud : Non, pas du tout.
Mme Demers : Je ne suis pas contre le déménagement d'institution fédérale n'importe où au pays. Là où j'en suis, c'est que le ministère que je présente a le droit de s'exprimer dans la langue de son choix et que les Canadiens ont le droit de recevoir les services dans la langue de leur choix, dans les régions désignées bilingues. Vancouver n'est pas une région désignée bilingue. Et malgré toute la bonne volonté de ceux qui sont impliqués dans cette relocalisation, le fait de rebâtir la Commission à Vancouver, il y aura certainement des défis énormes à rencontrer les obligations de rendre les services à la population dans les deux langues officielles. Là, est mon message. Je ne suis pas contre le transfert d'agence fédérale ailleurs au pays. Mais tant et aussi longtemps qu'on ne se sera pas doté des moyens et outils pour s'assurer que les langues officielles sont respectées dans le pays en entier, je m'opposerai.
Le sénateur Robichaud : Je comprends votre position. À la dernière ligne de votre présentation, vous dites: « En fin de compte nous disons à tout gouvernement qui envisage de déménager des bureaux, des organismes fédéraux à l'extérieur d'Ottawa, dans des parties unilingues au pays, ne le faites pas, pour toutes les raisons énoncées auparavant ».
Mme Demers : Oui.
Le sénateur Robichaud : Il s'agit de disponibilité de fonds pour la formation?
Mme Demers : La disponibilité de fonds de formation, la disponibilité de gens qui rencontrent les exigences sur place et la disponibilité des services dans les deux langues officielles.
Le sénateur Robichaud : Si vous deviez évaluer la disponibilité des fonds pour les langues officielles, quel pourcentage croyez-vous qui soit en place présentement?
Mme Demers : Quel pourcentage des fonds est en place au moment où on se parle?
Le sénateur Robichaud : Oui.
Mme Demers : Moins que rien! Les ministères et agences du gouvernement fédéral sont sur une tangente de faire plus avec moins depuis 10 ans. L'élément premier qui disparaît toujours, c'est la formation. Que ce soit la formation linguistique ou toute autre forme de formation. Lorsqu'on ressert les cordons de la bourse et qu'on coupe les budgets de formation, alors elle disparaît. Les ministères vont faire des « lunch and learn » pour apprendre le français ou l'anglais. Si je n'avais aucune notion d'anglais, je ne suis pas certaine si dans un tel événement une fois par semaine ou deux, je développerais beaucoup d'habileté dans la deuxième langue du pays. Ils n'ont ni les moyens de remplacer les gens pour les envoyer en formation ni de payer sur une base continue pour que quelqu'un apprenne une langue seconde. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Les ressources n'y sont pas.
Le sénateur Robichaud : Merci, madame.
Le sénateur Champagne : Je me ferai l'avocat du diable et vous dire que vous n'avez pas complètement raison dans ce que vous venez de dire. J'ai vécu une occasion tout à fait fortuite, où je rentrais de voyage. J'arrivais à Vancouver, on a perdu une de mes valises. Comme je venais de l'étranger, j'ai dû aller à la douane, pour qu'on puisse par la suite dédouaner ma valise et me la faire parvenir. Je vois cette belle grande jeune fille qui m'approche et qui me dit : «Madame parle français » parce qu'elle avait vu mon nom. Elle m'a fait une conversation pendant 15 ou 20 minutes dans un français impeccable. Toute heureuse de me dire qu'elle venait de passer son examen oral et qu'elle devait retourner pour son examen écrit. On l'avait envoyée à Chicoutimi justement, pour le cours de français. Cette jeune femme parlait un français à faire honte à bien des gens dont c'est la langue maternelle. Je me dis donc que cela dépend des gens.
Le temps consacré à l'apprentissage dépend de la personne qui suit le cours, de son oreille, de son talent et de son désir de réussir. Il n'est pas tout à fait juste de condamner ce que fait le gouvernement dans ces cas. D'ailleurs, j'ai moi- même vécu l'expérience dans une situation réelle, avec des personnes réelles, et j'en suis très fière.
Mme Demers : J'ai aussi rencontré de telles personnes, mais elles sont les exceptions qui confirment la règle, je puis vous le garantir.
Le sénateur Champagne : Vous êtes mieux placée que moi pour le savoir.
Mme Demers : De nos jours, il existe très peu d'opportunités d'apprendre une langue seconde.
Le sénateur Tardif : Mon intérêt est toujours de protéger les droits acquis en vertu de la Loi sur les langues officielles et, si possible, d'étendre ces droits dans tout le pays.
Vous avez affirmé votre accord aux propos du commissaire Fraser, il y a quelques semaines, selon lequel il serait important d'adopter des règlements permanents.
Mme Demers : Oui.
Le sénateur Tardif : S'il était possible d'adopter de tels règlements et d'envisager l'élaboration de règlements touchant les parties V et VII de la Loi sur les langues officielles, et peut-être même la partie IV, ne serait-ce pas un progrès?
Mme Demers : Oui.
Le sénateur Tardif : Est-ce, à votre avis, une recommandation que nous pourrions inclure dans notre rapport?
Mme Demers : Absolument.
Le sénateur Tardif : Ainsi, on effectuerait des relocalisations dans des régions unilingues seulement si ces règlements sont mis en place et respectés?
Mme Demers : Voilà.
La présidente : Mme Demers et M. Peirce, nous tenons à vous remercier de votre présentation et d'avoir accepté de répondre à nos questions.
Nous recevons maintenant les représentantes de l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance. L'association croit que la décision du gouvernement d'abolir les ententes fédérales-provinciales-territoriales sur l'apprentissage et la garde de jeunes enfants aura des répercussions majeures au pays et elle a demandé à venir exposer son point de vue sur le sujet.
Nous avons devant nous Mme Monica Lysack, directrice générale, et Mme Amanda Mayer, coordonnatrice des finances et de l'administration. La présidente, Mme Jody Dallaire, est en route et nous espérons qu'elle arrivera avant que nous ayons terminé.
Bienvenue mesdames. Tel que convenu, vous avez 10 minutes pour votre présentation qui sera suivie d'une période de questions. La parole est à vous.
[Traduction]
Monica Lysack, directrice générale, Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance : Merci de me donner l'occasion d'être ici et merci également de votre patience. Mme Dallaire m'a appelée pour me dire qu'elle est en route. J'espère que vous aurez l'occasion d'entendre ce qu'elle a à dire. Amanda Mayer et moi-même tenterons de vous communiquer les faits, mais je pense que lorsque vous entendrez Mme Dallaire, qui est un parent francophone, vous parler du fond du cœur de son expérience et de celle des autres parents comme elle dans sa collectivité au Nouveau-Brunswick et des autres familles au Canada, de la façon dont cela les touche profondément, vous comprendrez beaucoup mieux la situation que si nous tentions de vous l'expliquer.
Je vais maintenant donner la parole à Mme Mayer qui lira la déclaration de Mme Dallaire. N'oubliez pas qu'il s'agit de la déclaration de Mme Dallaire, qui est un parent et la présidente de notre conseil d'administration.
[Français]
Amanda Mayer, coordonnatrice des finances et de l'administration, Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance : Au nom de notre association, je remercie le Comité sénatorial permanent des langues officielles de cette occasion de démontrer les liens entre les services de garde à l'enfance de qualité et la protection de la langue et de la culture françaises des francophones vivant en milieu minoritaire. En tant que maman francophone vivant au Nouveau-Brunswick et bénévole au sein du conseil d'administration de l'Association francophone de parents de la province, il me fait grandement plaisir de présenter ce mémoire aujourd'hui, en cette Journée nationale de l'enfant.
Notre organisme bilingue a été fondé en 1983. Nous travaillons en vue d'assurer à tous les enfants l'accès à un système intégré de garde d'enfants de bonne qualité et financé par l'État. L'adhésion à l'Association est offerte à plus de quatre millions de Canadiens et Canadiennes comprenant, entre autres, des parents, des intervenants en services de garde, des chercheurs et étudiants, ainsi que divers organismes.
J'aimerais commencer en citant deux articles de la Loi sur les langues officielles qui s'appliquent à la question que je veux traiter aujourd'hui.
2. La présente loi a pour objet :
b) d'appuyer le développement des minorités francophones et anglophones et, d'une façon générale, de favoriser, au sein de la société canadienne, la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais;
41. Le gouvernement fédéral s'engage à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu'à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.
En plus de ces articless de la Loi sur les langues officielles, l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés reconnaît aux parents francophones vivant hors Québec et aux parents anglophones du Québec le droit à l'enseignement de leurs enfants dans leur langue.
Malheureusement, les parents ayants droit francophones vivant hors Québec inscrivent de moins en moins leurs enfants dans les écoles francophones, ce qui signifie que nos communautés francophones s'effacent petit à petit.
Selon un profil démo-linguistique de Rodrigue Landry, seulement un enfant canadien sur deux, né de parents ayants droit, a le français comme langue maternelle. Pour votre information, M. Landry est le directeur de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques. Les familles ayants droit comprennent les familles où les deux parents sont francophones, celles dont un des parents est francophone, et les familles monoparentales francophones. À moins de fréquenter l'école en français, ces enfants perdent leur statut d'ayant droit selon l'article 23 de la Charte.
Il faut se demander pourquoi cela se produit. La recherche nous démontre que pour assurer la survie d'une langue minoritaire, les communautés doivent fournir à la minorité des institutions et lieux où les gens peuvent parler leur langue et vivre leur culture afin que la minorité linguistique puisse préserver sa langue et sa culture.
Il faut alors trouver des moyens de permettre aux familles de vivre leur langue et leur culture, incluant des services à la petite enfance, leur permettant de la transmettre aux enfants.
Quand on regarde les deux articles cités de la Loi sur les langues officielles, on tiendrait pour acquis que le gouvernement canadien devrait prendre tous les moyens pour assurer la survie de la langue et de la culture de la minorité. Malheureusement ceci n'est pas encore une réalité au Canada en ce qui concerne les services de qualité à la petite enfance.
Très peu de services de garde à l'enfance réglementés sont disponibles aux enfants canadiens vivant hors Québec. Environ 15 p. 100 des enfants y ont accès. Il existe une pénurie encore plus prononcée pour les familles qui cherchent des services en français ou qui vivent en milieu rural.
Comme maman francophone vivant au Nouveau-Brunswick, elle a vu les impacts de ce manque de service. Quand ses enfants étaient en bas âge, ils vivaient à Fredericton, la capitale de la seule province bilingue du pays. Il n'existait aucun service de garde à l'enfance réglementé en français pour les enfants ayant moins de deux ans. De plus, ils n'ont pas réussi à trouver une gardienne privée qui parlait le français, alors que leur premier né a dû fréquenter une gardienne privée anglophone. Son fils a vécu difficilement cette période de sa vie. Comme couple francophone, ils ont fait le choix de parler uniquement le français à la maison et le voilà cinq jours par semaine dans un environnement où il ne comprend pas la langue.
À l'âge de deux ans, il a pu entrer dans le seul centre de garderie francophone de la ville. Ce centre peut seulement accueillir une petite fraction de la population des enfants francophones de la ville. Que font les autres familles? Comment peuvent-elles transmettre la culture et la langue à leurs enfants lorsque les services d'appui ne leur sont pas disponibles?
Cette réalité se répète à travers le pays. Un papa vivant à Ottawa, notre capitale, nous a communiqué qu'il est quasi impossible de trouver des services de garde à l'enfance réglementés en français. Il nous dit que de plus en plus de familles exogames choisissent d'inscrire leurs enfants à l'école en anglais car les enfants arrivent à l'école comprenant très peu le français.
Au Nouveau-Brunswick, les francophones représentent plus de la moitié de la population vivant en milieu rural. Ces communautés sont isolées des grands centres et les services sont quasi inexistants ou, encore, de mauvaise qualité. Il existe un taux d'analphabétisme au Nouveau-Brunswick de 68 p. 100, dont 40 p. 100 sont âgés de moins de 40 ans, soit la population qui a des enfants.
Il est essentiel que les parents ayants droit aient accès à des services de qualité dans leur communauté en français. Les parents francophones le réalisent. C'est pour cette raison que des organismes comme la Commission nationale des parents francophones et les associations francophones des provinces travaillent activement dans le même sens que notre organisme, c'est-à-dire pour assurer que des services de qualité soient disponibles.
Les Canadiens et Canadiennes veulent un système universel de garde à l'enfance. Cette année, la firme Environics a mené un sondage auprès de plus de 2 000 Canadiens et Canadiennes dans le but de connaître leur opinion sur les services de garde.
Soixante-sept pour cent considèrent que la pénurie des services de garde abordables constitue un problème grave, tandis que 82 p. 100 estiment que les gouvernements ont un rôle important à jouer en matière de services de garde et sont également en faveur de la création d'un programme national de services éducatifs et de garde à l'enfance.
Le sondage a aussi révélé qu'il existe un large consensus au sein de la population canadienne voulant que les services de garde permettent aux parents de travailler, procurent aux enfants un milieu sûr, préparent les enfants pour l'école, favorisent l'apprentissage et le développement des jeunes enfants et sont essentiels pour assurer la subsistance des familles à faible revenu.
L'an dernier, chaque province a signé une entente avec le gouvernement fédéral qui transférait cinq milliards de dollars, sur cinq ans, aux provinces, leur permettant d'élaborer et d'implanter un plan à long terme pour les services d'éducation et de garde à l'enfance. Toutes les ententes comprenaient une clause au sujet de la langue minoritaire.
Au Nouveau-Brunswick, ils ont commencé à mettre sur papier deux curriculums pour les services de garde à l'enfance, soit un en anglais élaboré par l'Université du Nouveau-Brunswick et l'autre en français élaboré par l'Université de Moncton.
L'entente, signée en Ontario, a vu la naissance du programme Meilleur Départ. En regardant les reportages médiatiques, on peut voir que plusieurs services de garde à l'enfance en français ont vu le jour sous cette initiative, dont le Centre éducatif Village d'Elisabeth, à Waterloo, qui accueille 66 enfants de 18 mois et plus. L'école Sainte-Marie de Simcoe ouvre maintenant ses portes aux enfants d'âge préscolaire et inclut un programme de francisation pour les enfants en bas âge.
Malheureusement, la création et les améliorations de programmes disponibles aux familles francophones et exogames risquent de prendre fin, car le gouvernement fédéral a annoncé cette année l'annulation des ententes. Le gouvernement canadien a remplacé les ententes avec une allocation familiale de 100 $ par mois. Ces fonds vont certainement aider les familles. Toutefois, ils ne vont pas créer plus d'espace en garderie éducative, ni rendre les services plus abordables pour les parents, ni améliorer la qualité des services disponibles aux familles et aux enfants.
Le gouvernement a aussi annoncé une initiative où il prévoit offrir des crédits d'impôt et des incitatifs aux entreprises dans le but de créer des places en garderie. Cependant, cette initiative représente véritablement une réduction de 950 millions de dollars par année, car elle prévoit un investissement de 250 millions de dollars au lieu des 1,2 milliard de dollars par année dans le cadre des ententes fédérales-provinciales.
D'autre part, je ne vois pas comment cette initiative va rencontrer les besoins des familles francophones vivant en milieu minoritaire, car elles n'incluent aucune prévision pour les minorités linguistiques.
Il faut investir dans nos communautés afin de leur permettre de rencontrer les besoins linguistiques et culturels des familles qui y résident. Les besoins se font sentir pour tous les enfants canadiens, mais sont encore plus criants pour les communautés minoritaires. Par conséquent, voici ce que nous recommandons au gouvernement fédéral.
Premièrement, il faut rétablir et augmenter l'aide fédérale, de façon soutenue et à long terme, destinée aux provinces et aux territoires. Les transferts fédéraux doivent être axés sur l'amélioration et l'expansion des services de garde visant à favoriser la qualité, l'universalité et le caractère abordable des services.
Deuxièmement, il faut adopter une loi sur la garde d'enfants, qui reconnaît les principes d'un système de service de garde pancanadien, oblige le gouvernement à rendre des comptes au Parlement et respecte les droits du Québec et des Premières nations à établir leur propre système de service de garde.
Troisièmement, il faut remplacer les incitatifs financiers relatifs aux places dans les services de garde par des transferts de fonds dédiés aux provinces et aux territoires, qui seront utilisés pour créer des services de garde.
Afin de faire en sorte que nous rencontrions les besoins des minorités linguistiques au Canada, le gouvernement fédéral doit accroître l'investissement public bien au-delà de l'engagement bilatéral de cinq milliards de dollars sur cinq ans, qui a récemment pris fin. En collaboration avec les provinces et les territoires, ce financement public doit être accompagné d'une stratégie d'investissement ciblé, à savoir une politique gouvernementale. Il doit également être accompagné d'exigences obligeant tous les fournisseurs de services communautaires et les ordres de gouvernement à rendre des comptes. Ces fournisseurs et organismes gouvernementaux doivent proposer toute une gamme de services de garde communautaire de qualité universelle et à des prix abordables au Canada.
La présidente : Avant de poursuivre, j'aimerais accueillir Mme Jody Dallaire, présidente de l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance, qui arrive tout juste du Nouveau-Brunswick. Nous débuterons maintenant notre période de questions avec le sénateur Murray.
Le sénateur Murray : Dans notre rapport sur l'éducation des minorités linguistiques, nous avons cité les mêmes chiffres que ceux qui apparaissent dans votre mémoire, soit le faible pourcentage des ayants droit qui fréquentent les écoles françaises. On mentionne le besoin de commencer avec la petite enfance pour familiariser les jeunes à la langue et à la culture françaises, ce qui manque parfois au foyer.
Vous recommandez que le Parlement adopte une loi sur la garde d'enfants qui, entre autres choses, respectera les droits du Québec et des Premières nations à établir leur propre système de service de garde. Pourquoi isolez-vous le Québec?
J'ai lu toutes les ententes — je les ai devant moi — et je remarque une certaine asymétrie dans toutes les ententes qui accordent beaucoup de flexibilité aux provinces de créer leur propre réseau. Cependant, dans toutes les ententes, il y a des dispositions touchant les minorités linguistiques.
Je déplore autant que vous la décision du gouvernement actuel d'annuler ces ententes et de les remplacer par un paiement aux individus, aux familles, de 100 $ par mois. Toutefois, ce n'est pas comme si le gouvernement n'avait pas prévenu la population de sa politique. Si je ne m'abuse, le parti maintenant au pouvoir avait annoncé, pendant sa campagne électorale, qu'il avait l'intention d'annuler ces ententes et d'envoyer des chèques de 100 $ par mois aux familles.
[Traduction]
Est-ce que vous venez tous du Nouveau-Brunswick?
[Français]
Mme Lysack, d'où venez-vous?
[Traduction]
Mme Lysack : Je travaille ici à Ottawa, mais j'ai passé presque toute ma vie en Saskatchewan.
Le sénateur Murray : La décision a été annoncée et la décision a été prise. Je le regrette beaucoup. Ce n'est pas à moi de la défendre. Je le déplore pour les mêmes raisons que vous en grande partie. Où était votre gouvernement? Pourquoi êtes-vous ici? Où était le gouvernement du Nouveau-Brunswick ou le gouvernement de la Saskatchewan? Il faut être deux pour signer ces ententes. Toutes ces provinces se sont engagées à rendre justice à leurs minorités francophones. Tout à coup, au cours de la campagne, M. Harper et ses collègues ont annoncé cette politique. Je n'ai pas beaucoup entendu de plaintes du gouvernement de la Saskatchewan ou du gouvernement du Nouveau-Brunswick ou du gouvernement de l'Ontario ou de quelque autre gouvernement. Ces ententes avaient été dûment signées. Le gouvernement fédéral a donné un préavis de 12 mois et, comme nous le savons, les ententes viennent à échéance à la fin du mois de mars prochain. Dans le cas du Nouveau-Brunswick, cela aurait signifié 110 millions de dollars de plus. Je ne sais pas ce que cela aurait représenté pour la Saskatchewan ou pour l'Ontario, mais j'ai entendu très peu de plaintes de ces provinces. Je ne veux pas être injuste à leur égard — je suis certain qu'elles se sont plaintes à leur façon — mais le programme a été éliminé, et c'est terminé.
[Français]
Je vous assure que tant et aussi longtemps que le gouvernement actuel sera au pouvoir, il n'y aura jamais un programme national de garderie tel que vous l'envisagez.
Mme Dallaire : Pourquoi on a ciblé le Québec et pas les autres provinces? On vit dans une fédération et c'est une responsabilité provinciale. On a ciblé le Québec parce qu'il a vraiment créé un système universel de service de garde. Il est rendu beaucoup plus loin que la majorité des autres provinces. C'est vrai, les Canadiens et les Canadiennes ont élu ce gouvernement. C'est vrai qu'il avait annoncé, pendant la campagne électorale, qu'il voulait envoyer des chèques de 100 $ par mois aux familles. Notre organisme est en faveur des allocations familiales. On trouve que les parents méritent des allocations pour les aider à élever leurs enfants, mais ce n'est pas un programme de service de garde à l'enfance. Cela ne va pas créer des places ni rendre le service plus abordable et plus accessible pour les familles.
Il y a plusieurs provinces qui ont pris position. Malheureusement, la mienne ne l'a pas fait. On a changé de gouvernement aux dernières élections. Les services de garde étaient un des enjeux très importants de la campagne électorale. Dans les prochaines semaines, on rencontrera le nouveau gouvernement et on souhaite qu'il soit prêt à prendre position.
[Traduction]
Mme Lysack : En ce qui concerne le gouvernement actuel, lorsque vous avez dit qu'il n'y aurait pas de programme national de garderie, il est important de souligner que, malgré des coupures d'environ 1 milliard de dollars par an pour les places en garderie, on s'est engagé à garder 150 millions de dollars pour créer des places en garderie.
Le sénateur Murray : Ce n'est pas le programme que vous envisagez dans votre document.
Mme Lysack : Non, c'est vrai. En créant 25 000 places en garderie, on ne peut pas prétendre accomplir la même chose qu'en créant un programme national de garderie. Nous n'allons pas du tout régler le problème en fournissant du capital sans mettre en place un programme.
Le sénateur Murray : Si un programme national est mis en place, il ne viendra pas d'Ottawa. Il devra peut-être venir des provinces et des territoires. C'est ce que je pense à ce moment-ci. L'assurance-maladie a commencé en Saskatchewan, sénateur.
[Français]
Vous avez l'air perplexe, sénateur Robichaud.
Le sénateur Robichaud : Oui, mais il se pourrait qu'il y ait des élections. À ce moment, il y a bien des choses qui changent!
Le sénateur Murray : Au Sénat, on ne parle pas de politique!
Le sénateur Robichaud : Je vous dis tout simplement que les temps changent, comme c'est arrivé au Nouveau- Brunswick. En fait, les parents du Nouveau-Brunswick ont approché leur gouvernement et ce dernier semble intéressé à travailler avec eux pour arriver à mettre en place une sorte de programme. Je ne peux certainement pas parler pour la province du Nouveau-Brunswick, mais j'espère que vous allez connaître du succès. Comme le disait le sénateur Murray, ce programme pourrait peut-être faire son chemin et devenir un programme qui pourrait être appliqué dans plusieurs autres provinces.
Mme Dallaire : Notre province fait des choses innovatrices. Comme on l'a mentionné dans la présentation, on développe un curriculum francophone pour la minorité linguistique et aussi un curriculum pour les anglophones. Pendant la campagne électorale, on a eu un engagement du gouvernement pour élaborer un plan à long terme pour les services de garde à l'enfance. C'est sûr que notre gouvernement provincial va demander un partenariat avec le gouvernement fédéral pour aider à financer ce système.
Le sénateur Robichaud : Est-ce que vous avez une idée du coût de ce système au Nouveau-Brunswick?
Mme Dallaire : On a des estimations nationales. Je pense que c'est 10 milliards par année. Il faudrait aller selon notre population pour ce qui est des retombées au Nouveau-Brunswick. L'entente signée aurait doublé le montant qui revenait aux services de garde de la province. C'est sûr qu'on aurait pu faire un grand bout de chemin avec à peu près 13 p. 100 des enfants ayants accès. On aurait probablement pu doubler cela avec des échéances à long terme pour créer un véritable réseau pour nos enfants.
Le sénateur Robichaud : Maintenant que ces ententes ne sont plus sur la table et que les parents reçoivent 100 $ par mois pour chaque enfant de moins de six ans, est-ce que vous savez combien est dirigé vers la garde des enfants et pourrait contribuer à développer un système?
Mme Dallaire : Du 100 $?
Le sénateur Robichaud : Oui.
Mme Dallaire : Cela dépend où tu vis. Par exemple, mon frère vit au Nouveau-Brunswick rural où il n'y a pas de services de garde à l'enfance. Je ne pense pas que les gens de la communauté vont mettre leur 100 $ ensemble pour créer des services. C'est sûr que pour les parents qui ont déjà accès aux services, cela pourrait les aider à défrayer les coûts — les parents devraient toutefois en garder pour payer leurs impôts parce que cette somme est imposable. C'est une allocation familiale qui aide les familles, mais cela ne va pas créer des services de garde; certainement pas pour la minorité francophone qui vit en milieu rural.
Le sénateur Robichaud : Si vous habitez la grande région de Moncton, c'est moins un problème que si vous habitez dans le comté de Kent ou ailleurs, n'est-ce pas?
Mme Dallaire : C'est sûr. Mon frère, à Cocagne, a très peu de services.
Le sénateur Robichaud : Par contre, mes petits-enfants à Moncton ont des services qui fonctionnent assez bien.
Mme Dallaire : Ils sont bien, il y a des listes d'attente de deux ans.
Le sénateur Robichaud : Vous avez raison que n'importe qui n'a pas accès à ces services; il y a des listes d'attente. C'est malheureux. Si on avait pu conserver les ententes, on aurait pu créer beaucoup plus de places en garderie, n'est-ce pas?
Mme Dallaire : Exactement.
Le sénateur Comeau : Il nous fait plaisir que vous veniez nous faire part de vos inquiétudes et de vos propositions. J'aimerais que vous m'aidiez avec les chiffres. J'ai toujours de la difficulté avec les chiffres en ce qui concerne les programmes nationaux. Corrigez-moi si je me trompe. D'après ce que j'ai pu comprendre dans votre présentation, il y a maintenant 15 p. 100 des enfants qui ont accès à des services de garde et d'éducation?
Mme Dallaire : Ce sont des services de garde réglementés qui rencontrent les critères minimaux de santé et de sécurité.
Le sénateur Comeau : Est-ce qu'il y avait un montant que le gouvernement fédéral demandait des gouvernements provinciaux en termes de contributions? Par exemple, si le gouvernement fédéral donnait 50 cents, est-ce que les provinces devaient également mettre 50 cents dans le programme universel?
Mme Dallaire : Ce n'était pas un programme où la province avait besoin de contribuer. Dans certaines provinces, les ententes disaient que ces fonds ne pouvaient pas remplacer les fonds déjà investis par le gouvernement provincial.
Le sénateur Comeau : Il n'y avait pas de chiffre spécifique de la part des provinces ou de certaines provinces?
Mme Dallaire : Il y avait des montants versés par les provinces, mais il n'y avait pas de demande que les provinces accordent des fonds.
Le sénateur Comeau : Donc, le gouvernement fédéral dans une entente avec une province quelconque n'exige pas un montant minimum de pourcentage?
Mme Dallaire : Non. C'est vrai aussi que les provinces ne sont pas tous au même niveau. Il y a des provinces qui sont plus avancées, par exemple, le Manitoba a élaboré un système de service de garde. Des cibles unanimes ne conviendraient pas pour une province comme la mienne, qui est beaucoup plus en retard que les autres provinces.
Le sénateur Comeau : Le programme tel que proposé avant le présent gouvernement, c'était un milliard par an, un chiffe de cinq milliards qui était réparti sur cinq ans?
Mme Dallaire : C'était cinq milliards mais ce n'était pas nécessairement un milliard par an. Je pense qu'au début, il y en avait moins puis cela augmentait avec les années.
Le sénateur Comeau : Vous avez dit qu'un programme national tel qu'envisagé, serait de 10 milliards?
Mme Dallaire : Oui, c'est exact.
Le sénateur Comeau : À ce qui était proposé jusqu'à l'année dernière, il manquerait neuf milliards, si on voulait atteindre ce que vous proposez?
Mme Dallaire : Oui, pour avoir un système véritablement universel, où il y aura des enfants qui ont accès à temps plein, d'autres à temps partiel. C'est vraiment le coût. Mais on réalise que cela ne se fait pas du jour au lendemain, on avait envisagé de le faire sur une plus longue période de temps.
Le sénateur Comeau : La perception est qu'on avait proposé un programme national, universel, accessible et de qualité. C'était le choix entre cela ou 1 200 dollars par mois. Je pense que c'étaient les propositions qui étaient faites. J'ai lu dans un journal régional qui avait été préparé par Carolyn Bennett que cela coûtait 90 dollars par jour, par enfant, pour avoir un service de garde de qualité. Est-ce que c'est un chiffre que vous connaissez?
Mme Dallaire : Cela varie selon l'endroit où vous demeurez au Canada.
Le sénateur Comeau : La moyenne était de 90 dollars par jour?
[Traduction]
Mme Lysack : Il est difficile de déterminer une moyenne. Pour les bébés, les garderies sont chères. Le ratio est d'environ trois bébés pour une éducatrice. Les parents des bébés devraient payer le tiers du coût, tandis que pour des enfants de 4 ou 5 ans, le ratio est de huit enfants pour une éducatrice ou dans certaines provinces il peut atteindre dix enfants pour une éducatrice. Les coûts sont partagés selon le cas.
Il y a également des différences lorsqu'on parle d'offrir des services de garderie au centre-ville de Vancouver.
Le sénateur Comeau : Je comprends.
Mme Lysack : Il y a tellement de variables. Il est très difficile de déterminer une moyenne.
Le sénateur Comeau : Je lis la déclaration de Carolyn Bennett, qui a dit que le coût des services de garde d'enfants à plein temps pouvait atteindre 90 $ par jour.
[Français]
Peut-être que c'est à son plus haut niveau. J'ai fait le calcul. Si c'est 90 dollars par jour, 52 semaines par année, ce serait environ 24 000 dollars par enfant. Avec 2 millions d'enfants, on parle d'un programme qui vaut environ 47 milliards. J'ai entendu des chiffres qui tournaient autour de 18 milliards auparavant, c'était le chiffre qui m'a été donné comme étant le chiffre minimum jusqu'à environ 30 milliards; est-ce que cela a du bon sens? Est-ce que vous êtes arrivés à un chiffre de 10 milliards? C'est la première fois que j'entends ce chiffre.
Mme Dallaire : Cela est basé sur un programme de recherche et d'évaluation, où on avait émis un plan à long terme pour les services de garde à l'enfance. Il s'agissait d'évaluer les coûts et d'assumer que tous les parents ne choisiront pas de faire garder leurs enfants à temps plein. Il y en a qui vont choisir le temps partiel. Ces évaluations offrent des coûts où les frais de service à Vancouver pour les bébés sont beaucoup plus dispendieux qu'au Nouveau-Brunswick où ils seraient probablement moins élevés.
Le sénateur Comeau : Est-ce que cette évaluation comprenait une offre qui était faite à chaque parent au Canada de pouvoir placer son enfant, peu importe où cette personne vit, y compris les parents qui travaillent les fins de semaine?
Mme Dallaire : Oui.
Le sénateur Comeau : Tous les parents?
Mme Dallaire : Même les parents qui ne travaillent pas pourraient bénéficier du service.
Le sénateur Comeau : Ce serait intéressant de voir la ventilation de ces chiffres, cela fait assez longtemps que j'aimerais arriver aux coûts d'un programme comme tel. J'ai entendu des montants de 18 milliards à 30 milliards. Ce soir, c'est la première fois que j'entends parler de 10 milliards, c'est très différent. Vous proposiez que votre programme national et universel ne soit pas en vigueur immédiatement. Vous dites que vous auriez une période de temps pour le mettre en place?
Mme Dallaire : Oui, c'est exact.
Le sénateur Comeau : Qui bénéficiera des services, d'après vous, au début?
Mme Dallaire : Cela va varier de province en province. Certaines provinces avaient des plans d'élaboration, certains étaient déjà commencés en Ontario, par exemple. Il y avait le programme Meilleur départ. Ils ont évalué où étaient les premiers besoins et on a ciblé les endroits où il y avait le moins de service. Si c'est bien planifié, j'imagine que dans les autres provinces, c'est de cette façon que cela se déroulerait.
Dans notre province, le nouveau gouvernement a annoncé qu'il voulait créer des espaces de garde pour les bébés et les poupons, parce que c'est là que le besoin est criant. Je pense que les besoins varieront de province en province.
Le sénateur Comeau : Il n'y avait pas nécessairement de contribution de la part de la province à ce programme universel?
Mme Dallaire : Je sais que la plupart des provinces contribuent à ce système.
Le sénateur Comeau : Dans les ententes, il n'y avait pas cette clause?
Mme Dallaire : Cela variait. Oui, il y avait une clause qui disait qu'on n'avait pas l'intention de dépasser les fonds alloués aux provinces et cela vaut pour toutes les provinces.
[Traduction]
La présidente : Madame Lysack, aviez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Lysack : Oui, si vous me le permettez. L'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance a deux documents de recherche que nous vous ferons parvenir et que vous trouverez intéressants, je pense. Le premier s'intitule: Stratégie canadienne en matière de services de garde à l'enfance : cadre d'action proposé. Il s'agit d'un plan échelonné sur 15 ans, et maintenant par défaut nous sommes passés peut-être à un plan échelonné sur dix ans. Depuis la publication de cette étude en 2004, qui se fondait, naturellement, sur des données remontant à un ou deux ans auparavant, des progrès ont été accomplis dans le cadre des attentes fédérales-provinciales. Nous avons l'entente multilatérale qui est toujours en place. Il y a donc déjà eu certaines contributions. Nous ne sommes pas aussi en retard que nous le pensons. Il y a eu des progrès lents mais constants.
Le deuxième document que vous trouverez très intéressant, je pense, est l'analyse coûts-avantages que nous avons fait faire par deux économistes réputés de l'Université de Toronto, des experts très respectés dans la communauté internationale, qui ont fait du travail pour l'OCDE. Ils ont examiné les questions que vous posez. L'un des problèmes qu'il est difficile d'évaluer et de corriger est celui de la main-d'œuvre dans le domaine de l'apprentissage et de la garde à l'enfance. C'est une profession qui est mal rémunérée. En Alberta, par exemple, on nous dit que les places dans les garderies actuelles qui détiennent une licence ne peuvent être utilisées par les familles car elles n'ont pas d'employés pour y travailler. Les employés vont manger au restaurant pendant leur pause déjeuner et se font offrir un salaire plus élevé pour y travailler et ils ne reviennent pas travailler à la garderie.
Le genre de programme dont nous parlons permettrait de régler tous ces problèmes. Il n'est pas suffisant de dire: « Créons des places dans les garderies. » Il faut augmenter les salaires et prévoir une contribution des parents pouvant atteindre 20 p. 100. Lorsque nous parlons d'un coût de 10 milliards par an pour un programme de garderie universel, le rendement prévu était de deux pour un. Pour chaque dollar investi, 2 $ seraient réinvestis dans l'économie. C'est une chose que de faire une telle prédiction en tant qu'économiste; c'est une autre chose de voir cette prédiction se réaliser.
Si on regarde le Québec, la province qui se rapproche le plus d'un système universel, on constate qu'il y a déjà un rendement de 40 cents sur le dollar. Le coût net des services de garde d'enfants au Québec est de 60 cents sur le dollar, et ce, sans même avoir le système universel que nous cherchons à avoir, même au Québec.
[Français]
Le sénateur Tardif : Je suis d'accord avec vos déclarations voulant que l'éducation préscolaire soit un outil important pour freiner l'assimilation. Je suis originaire de l'Alberta et je suis très au fait de l'importance de ce type d'éducation pour nos jeunes.
Je sais également que la contribution du gouvernement fédéral est souvent un incitatif pour encourager les provinces à offrir des services en français à leurs communautés francophones. Étant donné que cet incitatif n'y est plus, est-ce que votre association a commencé les démarches auprès des gouvernements provinciaux pour les encourager à maintenir l'appui qu'ils se sont engagés à offrir aux communautés minoritaires francophones?
Mme Dallaire : Nous avons discuté avec les différents gouvernements provinciaux pour les encourager à prendre position et faire en sorte que les ressources soient accordées aux provinces pour des services de garde à l'enfance. Nous les avons encouragés à continuer d'élaborer leurs plans de prestation de services dans les provinces.
Au Nouveau-Brunswick, nous avons réussi à faire en sorte que les services de garde à l'enfance soient un enjeu primordial. Nous avons rencontré des représentants de la communauté francophone pour nous assurer que n'importe quel service ou programme offert à la minorité linguistique contribue à freiner l'assimilation de nos jeunes.
Le sénateur Tardif : Est-ce que la réaction du gouvernement provincial a été favorable au maintien de ces services?
Mme Dallaire : Oui. Notre gouvernement avait pris l'engagement de développer un curriculum pour les secteurs francophone et anglophone et il a été développé à l'aide de nouveaux fonds promis par le gouvernement fédéral.
Le sénateur Tardif : Est-ce que cela s'étend aux autres provinces?
Mme Dallaire : Je ne pense pas que le gouvernement ontarien a l'intention de faire marche arrière en cessant d'offrir de nouvelles places en garderie.
[Traduction]
Mme Lysack : On pourrait dire que toutes les provinces ont modifié à la baisse leurs plans, bien qu'aucune d'entre elles n'ait en fait parlé de les éliminer. Les choses ne progressent pas aussi rapidement que ce à quoi on aurait pu s'attendre, et en fait, elles pourraient progresser très lentement et s'arrêter. Que nous sachions, aucune autre province ne fait des compressions; elles vont prendre la part des fonds que le gouvernement fédéral s'est engagé à fournir.
[Français]
Le sénateur Tardif : Avez-vous des exemples de projets qui ont été compromis par l'abolition des ententes fédérales, provinciales et territoriales pour la garde de jeunes enfants?
Mme Dallaire : Au Nouveau-Brunswick, le gouvernement précédent avait examiné la possibilité d'un système universel de pré-maternelle. La réalisation de ce programme est aujourd'hui compromise et nos enfants de quatre ans n'auront plus accès à la pré-maternelle universelle. À mon avis, la non-disponibilité des fonds fait en sorte que ce projet n'ira pas de l'avant. Il s'agit d'un exemple concret de projet compromis dans la province du Nouveau-Brunswick et je crois qu'il existe des exemples semblables dans les autres provinces.
Le sénateur Tardif : Est-ce que vous avez une liste des projets qui risquent d'être abolis?
[Traduction]
Mme Lysack : Non. Cela pose des problèmes. Tout d'abord, les gouvernements provinciaux hésitent beaucoup à fournir des renseignements. En ce qui concerne tout ce qui est déjà du domaine public, ils tentent d'être le plus discrets possible car ils ne veulent pas se retrouver obligés de payer pour ces programmes. Nous entendons parler de certains développements très précis où un centre devait être agrandi et les travaux ont été suspendus ou une collectivité devait ouvrir un centre dans un délai d'un an et on se retrouve maintenant avec une liste d'attente pour une durée indéterminée, mais il est très difficile d'obtenir ces données. Tout ce que nous savons, c'est que le rythme d'expansion a considérablement ralenti. En ce qui concerne des organisations, des collectivités ou des quartiers réels, il n'y a que quelques exemples où c'est concret. Les parents nous disent qu'on les avait amenés à avoir des attentes élevées. Le besoin est si grand que cela fait maintenant des années qu'ils travaillent pour élaborer ces programmes. Ils croyaient que c'était chose faite, mais ce n'est plus le cas.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Vous avez parlé des enfants qui ont dû fréquenter des garderies où on ne parlait pas leur langue maternelle. Vous avez parlé de la situation au Nouveau-Brunswick et je suis à peu près certain que cela se produit ailleurs aussi.
Comment évaluez-vous le retard que cela peut causer à un enfant quant à son apprentissage de la langue maternelle?
Mme Dallaire : Une famille doit réellement s'engager à transmettre sa langue à ses enfants. Mon mari et moi formons une famille endogame et nous faisons l'effort de parler uniquement en français. Nous avons la chance de vivre dans une province où on a accès à plusieurs services en français. Malgré tout, il faut vouloir faire l'effort.
Pour les familles exogames, c'est vraiment difficile. La langue parlée à la maison est souvent l'anglais et il est important pour cette population anglophone d'avoir accès à des services de soutien. Au Nouveau-Brunswick, beaucoup de francophones vivent en milieu rural où il y a très peu de services disponibles en anglais ou en français.
Nous nous sommes fiés sur ces programmes à long terme pour rendre les services plus accessibles. Il faut que les parents soient vraiment impliqués dans la transmission de la langue et la culture à leurs enfants car en milieu rural, les services de soutien ne leur sont pas même accessibles.
Le sénateur Robichaud : Vous êtes en train de nous dire que les enfants vivant en milieu rural sont désavantagés par rapports aux enfants qui demeurent en milieu urbain?
Mme Dallaire : Oui. En plus, le taux d'analphabétisme des francophones au Nouveau-Brunswick atteint 40 p. 100 chez les adultes, ce qui fait d'eux des parents qui n'ont pas toujours les outils pour transmettre la langue et la culture à leurs enfants. C'est la raison pour laquelle on doit offrir des services adéquats à la communauté.
[Traduction]
Le sénateur Murray : Donc, pour résumer ce que nous avons perdu avec l'annulation de ces ententes : on n'aurait pas vraiment eu un programme national de garderie, n'est-ce pas? On aurait eu 10 programmes provinciaux, qui auraient tous été partiellement financés par le gouvernement fédéral. Bien qu'il n'y avait aucune norme nationale comme c'est le cas dans d'autres programmes nationaux, toutes les ententes avec les provinces comportaient des engagements de la part des provinces pour augmenter le nombre de places réglementées, augmenter le nombre de places subventionnées, et mettre particulièrement l'accent, entre autres, sur les élèves de la minorité linguistique, sauf au Québec. L'entente avec le Québec était en quelque sorte plus courte que les autres. Elle faisait allusion aux lois existantes, et je suppose indirectement que cela pouvait être interprété comme une garantie pour les minorités non francophones, la minorité anglophone au Québec. C'est donc ce que nous aurions eu, et ce n'est plus le cas.
Le gouvernement, pour ses propres raisons, a annoncé qu'il allait éliminer le programme, qu'il allait le faire je pense d'ici mars prochain, et le remplacer par un versement aux familles qui ont des enfants de moins de 6 ans, et qu'il allait également offrir des incitatifs aux entreprises, entre autres, pour offrir des garderies. C'est la situation à l'heure actuelle.
Qu'est-ce que l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance va faire maintenant? Où allez-vous faire des démarches? Que vous réserve l'avenir?
Mme Lysack : J'aimerais commencer à répondre à cette question ensuite je demanderai à Mme Dallaire de poursuivre.
Je voudrais vous assurer que je défends personnellement la cause des garderies depuis près de 30 ans, j'ai pratiquement commencé lorsque j'étais enfant. J'ai commencé à travailler dans des garderies lorsque j'étais à l'école secondaire. Je voulais devenir éducatrice à la maternelle.
Lorsqu'on est exposé à un système aussi avantageux, lorsqu'on voit des enfants qui ne parlent pas, qui accusent un retard de développement, dans un programme qui leur permet de s'épanouir et d'apprendre à parler, lorsqu'on les voit grandir et se développer si bien et que les gens qui s'en occupent pour une bouchée de pain mais qui aiment chacun de ces enfants comme s'ils étaient les leurs, on ne peut pas voir cela aussi froidement que si c'était une politique. La plupart d'entre nous qui défendent cette cause le font parce qu'ils ont une vision. Notre Canada s'occupe de ses enfants.
Qu'allons-nous faire maintenant? Nous allons continuer de faire ce que nous faisons depuis les 30 dernières années, c'est-à-dire promouvoir notre vision d'un Canada qui a un bon système, un système solide pour les jeunes enfants et les familles. Plus précisément, nous allons continuer de travailler avec les provinces et faire des pressions auprès de ces dernières également.
Le sénateur Murray : Je pense qu'à ce moment-ci il faudrait surtout travailler avec les provinces.
Mme Lysack : Oui. Cependant, sauf votre respect, je ne suis pas d'accord avec vous pour dire que nous n'aurions pas eu un réseau national de garderie, et que ce ne sont là peut-être que de belles paroles.
Le sénateur Murray : Vous auriez un réseau de dix programmes provinciaux. J'ai appuyé le programme, et je continuerai de l'appuyer, mais ce n'était pas une autre assurance-maladie; il ne faut pas se leurrer.
Mme Lysack : Non. Il y avait des différences importantes. Nous aurions donc eu 13 systèmes différents, si on inclut nos territoires. Ce que nous avons — et je pense que l'entente cadre sur l'union sociale nous amenait dans cette direction — c'est une norme minimum qui serait appliquée différemment mais qui permettrait à chaque province et à chaque territoire d'avoir des services comparables.
Le sénateur Murray : Oui, et ils devaient rendre des comptes. Ils auraient été tenus de présenter des rapports annuels. Tout cela était prévu.
Mme Lysack : Oui. On s'était vraiment engagé à mettre sur pied un cadre national de qualité et à le faire par consensus, pour s'entendre sur ce que nous voulons pour nos enfants au Canada.
Je ne sais pas si vous le savez, mais au cours des deux derniers mois, il y a deux rapports internationaux qui ont été publiés et qui devraient faire honte au Canada. Dans le rapport de l'OCDE, nous nous classons au tout dernier rang sur 20 pays pour ce qui est de l'investissement dans nos enfants. La Journée nationale de l'enfant est pour nous tous l'occasion de réfléchir à ce que nous, en tant que nation, offrons à nos plus jeunes citoyens et à la valeur que nous leur accordons, alors que notre pays est celui qui a le quatrième PIB par habitant. Notre PIB est peut-être élevé, mais nos investissements dans nos enfants et dans nos familles ne le sont pas.
[Français]
Mme Dallaire : Nous avons des représentants dans la plupart des provinces. En observant la situation dans chaque province, on réalise que la réalité hors Québec est la même : les enfants ont très peu accès aux services et les services sont très peu abordables.
Grâce à ces ententes, d'ici cinq ans, on aurait pu se réunir autour de la table et faire le bilan. Il est possible que le système ait différé d'une provinces à l'autre. Toutefois, en bout de ligne, peut-être aurions-nous pu affirmer que désormais les enfants ont accès à des services, peu importe la façon de les mettre en œuvre, et nous aurions atteint cet objectif commun.
La présidente : Je tiens à vous remercier, Mesdames, d'être venues, cet après-midi, répondre à nos questions. Vous nous avez donné beaucoup d'informations et nous attendrons les deux documents que vous nous ferez parvenir.
La séance est levée.