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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 11 - Témoignages du 5 février 2007


OTTAWA, le lundi 5 février 2007

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 16 heures pour étudier, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la Loi.

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, la séance est ouverte. Bonjour et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des langues officielles.

[Traduction]

Avant que nous entendions la déclaration des témoins, permettez-moi de présenter les membres du comité.

[Français]

À ma gauche se trouvent le sénateur Andrée Champagne, vice-présidente du comité, ainsi que le sénateur Gerald Comeau, le sénateur Lowell Murray et à ma droite, le sénateur Rose-Marie Losier-Cool.

Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles.

[Traduction]

Nous entendrons le témoignage des représentants officiels de la Gendarmerie royale du Canada concernant le projet de règlement qui modifierait le Règlement sur les langues officielles, à la suite de la décision de la Cour fédérale du Canada dans l'affaire Doucet c. Canada. La cour a décidé que le règlement actuel est incompatible avec la Charte des droits et libertés.

[Français]

Nous avons invité ces représentants à venir nous donner leur point de vue sur le projet de règlement en question publié en octobre dernier par le Secrétariat du Conseil du Trésor.

[Traduction]

Il sera question des services offerts par la GRC dans les deux langues officielles du Canada sur la Transcanadienne.

[Français]

Nous avons devant nous Mme Louise Morel, surintendant principal, directrice générale, Relations de travail.

[Traduction]

Mme Barbara George, sous-commissaire des Ressources humaines; M. Scott Merrithew, officier responsable de la Section des accords de services de police;

[Français]

M. Gilbert Groulx, avocat-conseil, Services juridiques.

[Traduction]

Barbara George, sous-commissaire des Ressources humaines, Gendarmerie royale du Canada (GRC) : J'aimerais vous remercier d'avoir invité la GRC à venir devant le Comité permanent du Sénat sur les langues officielles. J'ai pensé qu'il serait utile de vous fournir un bref aperçu des services de police offerts par la GRC, quelques faits saillants concernant notre situation et notre rendement en matière de langues officielles et quelques commentaires au sujet des modifications proposées au Règlement sur les langues officielles concernant la prestation des services au public.

[Français]

Reconnue à l'échelle internationale comme une organisation policière d'excellence, la GRC fournit des services de police internationale, fédérale, provinciale et municipale. Aux termes de la Constitution, les provinces sont responsables de l'administration de la justice sur leur territoire, notamment l'application du Code criminel. Selon la Loi sur la GRC, le ministre de la Sécurité publique a l'autorité de conclure les ententes de prestations policières avec les provinces, territoires et les municipalités en vue de confier à la GRC le rôle et la responsabilité des services de police.

[Traduction]

En vertu des ententes de prestation de services policiers (police contractuelle), la GRC fournit des services de police à toutes les provinces et territoires du Canada, à l'exception de l'Ontario et du Québec, et à environ 200 municipalités et 550 communautés autochtones; 75 p. 100 du territoire canadien sont protégés par plus de 650 détachements.

Selon les conditions des ententes de prestation de services policiers, les autorités contractantes, soit les provinces, territoires et municipalités, décident, en consultation avec la GRC, du niveau de service policier relevant de leur autorité, incluant les priorités policières, le budget et le niveau de ressources humaines.

Les conditions des ententes de prestation de services policiers sont essentiellement identiques dans chaque province et territoire. Ces ententes prendront fin le 31 mars 2012.

[Français]

J'aimerais maintenant élaborer davantage sur la façon dont ces ententes de prestation de services policiers sont administrées.

Lorsqu'elle fournit des services de police en vertu d'une entente, la GRC agit sous la direction générale du procureur général de la province ou du premier dirigeant de la municipalité, tout en restant sous le contrôle et le commandement du commissaire de la GRC, qui relève du solliciteur général du Canada, comme le prévoit l'article 5 de la Loi sur la GRC.

Le commissaire de la GRC élabore les politiques de la Gendarmerie en matière de ressources humaines et fixe les normes professionnelles. D'après la convention et la jurisprudence, la GRC est entièrement indépendante de la conduite d'enquêtes criminelles.

La responsabilité juridictionnelle des services policiers sur la Transcanadienne varie d'une province à l'autre. La Transcanadienne peut, en effet, être desservie soit entièrement par un service de police provinciale ou cette responsabilité peut être partagée entre différents services policiers provinciaux ou municipaux.

[Traduction]

Pour les Canadiens, les autorités contractantes et le gouvernement du Canada, la valeur de la police contractuelle est considérable. J'aimerais saisir l'occasion pour signaler quelques avantages de celle-ci.

L'intégration des services de police municipale/provinciale/fédérale provenant d'une seule organisation policière (GRC) permet une plus grande interaction ainsi qu'un échange de renseignements et de ressources.

La GRC contribue à la souveraineté du Canada car, dans de nombreuses régions éloignées et isolées, les membres de la police contractuelle sont souvent les seuls représentants du gouvernement fédéral à promouvoir l'unité canadienne par le biais d'une prestation de services remarquée, efficace, professionnelle et reflétant une formation avancée qui fait honneur au Canada.

Il y a un avantage au redéploiement rapide de ressources policières pouvant travailler librement dans d'autres provinces ou territoires lors d'événements planifiés ou imprévus nécessitant une intervention policière : actes terroristes, conflits, urgences ou désastres.

Il est utile de pouvoir compter sur des politiques, procédures et protocoles normalisés fondés sur de meilleures pratiques et une vaste expérience.

La police contractuelle permet de tirer profit de la force et du soutien d'environ 24 000 employés afin de mettre l'accent, nationalement, sur des programmes visant à changer les comportements et à contribuer à l'ordre public, assurant ainsi la sécurité de chaque collectivité au Canada.

La police contractuelle est aussi un excellent intermédiaire pour les relations intergouvernementales. Les tuniques rouges sont présentes à l'occasion d'événements locaux, nationaux et internationaux, et représentent l'un des symboles les plus reconnus du Canada. Elles sont un symbole de paix, d'ordre, de stabilité et d'égalité.

Enfin, les ententes de police sont une réussite importante du fédéralisme coopératif canadien. En partageant les ressources et les coûts, le gouvernement fédéral et les provinces et territoires sont en mesure d'offrir davantage aux Canadiens qu'ils ne le pourraient s'ils agissaient seuls.

[Français]

La GRC appuie entièrement les objectifs de la Loi sur les langues officielles et du Règlement sur les langues officielles. Dans son rôle contractuel avec huit des dix provinces, excluant l'Ontario et le Québec, ainsi que les trois territoires, la GRC maintient ses obligations concernant les lois fédérales telles que la Loi sur la GRC et la Loi sur les langues officielles.

En tant qu'agence fédérale, notre but est d'assurer une prestation de services bilingues exemplaires au public conformément aux exigences de la Loi sur les langues officielles et du Règlement sur les langues officielles.

Dans ce pays, le contexte géographique de la GRC est particulier lorsque l'on regarde la localité de nos ressources policières qui sont déployées sur plus de 650 détachements à travers le Canada. Je devrais préciser qu'approximativement 60 p. 100 des employés de la GRC, pour la majorité des membres réguliers, travaillent soit dans l'Ouest ou dans le Nord canadien. Présentement, il y a au-delà de 200 détachements qui doivent offrir des services dans les deux langues officielles.

Au cours des dernières années, nous avons réussi à augmenter la capacité bilingue de notre personnel.

[Traduction]

En 2006, 88 p. 100 de nos titulaires de postes bilingues desservant le public répondaient aux exigences linguistiques de leur poste. Cela représente une augmentation de 7 p.100 en deux ans.

Dans la région de la capitale nationale, 95 p. 100 des titulaires de postes bilingues qui offrent des services au public répondent aux exigences linguistiques requises.

Grâce à ces niveaux élevés de capacité bilingue, la GRC est donc en mesure de s'assurer que les communications et services offerts au public par l'entremise de ses détachements et bureaux désignés bilingues se font dans les deux langues officielles. Nous estimons que les employés de la GRC ont au moins 15 millions d'échanges avec le public chaque année. L'année dernière, il n'y a eu que 14 plaintes portant sur le service bilingue au public formulées contre la GRC. Je dois dire qu'une seule plainte est certainement une plainte de trop, mais compte tenu qu'il y a eu 15 millions d'échanges, le résultat est louable.

En 2005-06, un sondage auprès de la population canadienne tenu par la Direction de la planification et des politiques stratégiques démontrait que 91 p. 100 des 7 700 citoyens interrogés approuvaient l'énoncé « La GRC s'efforce de fournir un service dans la langue de mon choix, le français ou l'anglais ».

[Français]

Tel qu'indiqué précédemment, la GRC appuie entièrement les objectifs de la Loi sur les langues officielles et du Règlement sur les langues officielles. La GRC ne formule pas les lois du Canada, elle les applique et les exécute. Sa devise est très importante à cet égard : maintenir le droit.

En tant qu'agence fédérale et pourvoyeur de services de police auprès des Canadiens, il serait inapproprié pour moi d'articuler une position sur toute possibilité d'amendement au Règlement sur les langues officielles. Nous reconnaissons et respectons le fait que tout amendement au règlement relève du gouvernement fédéral.

[Traduction]

Dans ce contexte, la GRC est prête à respecter la proposition finale de modification au Règlement sur les langues officielles sur les services au public approuvée par le gouverneur en conseil afin de s'assurer que la décision de la Cour fédérale est respectée.

J'attends avec impatience vos questions.

[Français]

Le sénateur Champagne : Ma première question s'avérera un peu simple, mais j'essaie de comprendre votre texte, qui nous a été remis dans les deux langues officielles. En français, je lis :

La GRC, tout en restant sous le contrôle et le commandement du commissaire de la GRC qui relève du solliciteur général du Canada, comme le prévoit l'article 5...

[Traduction]

La formulation anglaise se lit comme suit : « [...] while remaining under the control and command of the Commissioner of the RCMP who is in turn under the direction of the Minister of Public Safety ».

De qui s'agit-il?

Mme George : Je suis désolée, mais je ne comprends pas la question.

[Français]

En français, on lit : « Le commissaire de la GRC relève du solliciteur général du Canada. »

[Traduction]

En anglais, il est indiqué qu'il relève du Minister of Public Safety.

Mme George : Vous avez tout à fait raison.

Le sénateur Champagne : L'une des versions est exacte, et l'autre est évidemment erronée.

Mme George : Il faudrait lire le ministre de la Sécurité publique en français. Je vous remercie de cette correction.

[Français]

Le sénateur Champagne : J'essayais de comprendre sous la tutelle de qui on travaille.

Actuellement vous relevez des pourcentages très importants de gens qui semblent satisfaits des services bilingues qui sont donnés par la GRC en devoirs sur les différentes routes canadiennes. Pourtant, on a vu des problèmes, particulièrement dans les provinces des Maritimes. Quelles solutions suggérez-vous pour que ces problèmes disparaissent à jamais? Sur des tronçons de la Transcanadienne, avez-vous des solutions à offrir, dans le cas, par exemple, où on retrouve des gens qui parlent l'une ou l'autre de nos deux langues officielles? — soit pour aider les gens en difficulté lorsqu'ils ont besoin d'un policier de la GRC ou, si on doit leur faire des remontrances, afin qu'on puisse le faire au moins dans une langue que ces gens connaissent?

Que faites-vous pour que ces problèmes disparaissent?

[Traduction]

Mme George : Le long de la Transcanadienne, nous avons 122 détachements. Aujourd'hui, 47 de ces détachements offrent des services bilingues. Il est fort possible que les autres soient en mesure d'offrir des services bilingues aux automobilistes ou aux autres personnes souhaitant obtenir des services en anglais ou en français. Si un particulier souhaite obtenir des services en français de la GRC, il existe plusieurs manières de le satisfaire. On pourrait notamment demander à une autre personne de venir s'occuper du particulier en français. Parfois, le particulier peut communiquer avec une personne parlant sa langue sur la fréquence radio de la police. Il est donc rare que nous ne puissions offrir un service à une personne dans la langue officielle de son choix.

Le sénateur Champagne : Il est clair, cependant, que le bilinguisme n'est pas obligatoire même pour vos agents affectés aux routes où ils sont susceptibles de rencontrer des francophones ou des anglophones.

Mme George : Comme je l'ai mentionné, nous avons actuellement 122 détachements dispersés sur tout le territoire canadien.

Le sénateur Murray : Dans huit provinces?

Mme George : C'est exact, dans huit provinces. Cependant, de nombreux détachements où le bilinguisme n'est pas considéré comme obligatoire sont capables d'offrir des services bilingues. En d'autres termes, 47 détachements sont bilingues. C'est fonction de la demande. Comme vous pouvez l'imaginer, celle-ci varie. On pourrait s'attendre à ce que la demande de services en français ou en anglais soit plus forte dans certaines régions du Canada que dans d'autres. Actuellement, 47 de nos 122 détachements sont désignés comme étant bilingues.

Le sénateur Champagne : Même dans un détachement bilingue, tous les agents ne sont pas bilingues. La désignation indique que certains sont bilingues.

Mme George : C'est exact.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : J'aimerais poursuivre la discussion du sénateur Champagne, concernant les services dans les deux langues officielles sur la Transcanadienne. Vous avez dit tout à l'heure que ces services sont au niveau des provinces; c'est plutôt au niveau des provinces, excepté le Québec et l'Ontario, pour lesquelles la responsabilité de la Transcanadienne varie d'une province à l'autre. C'est bien ce que vous dites : La responsabilité juridictionnelle des services policiers sur la Transcanadienne varie d'une province à l'autre. La Transcanadienne peut en effet être desservie soit entièrement par un service de police provincial ou partagé entre les différents services policiers.

Au comité, nous avons reçu plusieurs témoins et lorsque le comité a voyagé en Nouvelle-Écosse, il a surtout été question d'Amherst. En passant, est-ce qu'à Amherst, il y a un certain pourcentage de policiers bilingues?

[Traduction]

Mme George : La section de la police de la circulation d'Amherst pourvoit à actuellement deux postes bilingues avec un seul titulaire bilingue. Nous sommes présentement à la recherche d'une personne pour le deuxième poste bilingue et nous pensons pouvoir la trouver au plus tard en avril prochain. Il y a au moins deux agents bilingues dans le district de Cumberland, ce qui englobe les détachements d'Oxford et de Parrsboro. Ils serviront de suppléants au détachement d'Amherst.

Dans la section municipale du détachement, trois postes sont actuellement en voie de devenir bilingues. Les titulaires de ces postes commenceront à suivre une formation linguistique cet hiver. De fait, ils ont peut-être déjà commencé.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : Merci pour ces détails; je veux revenir à la question de principe que je voulais vous poser. Les groupes qui sont venus rencontrer le comité nous ont souvent dit que, si on part du principe que sur la Transcanadienne tous les services doivent être bilingues, ce n'est vraiment pas possible en termes d'impact économique ou des ressources humaines. Est-ce vrai?

[Traduction]

Mme George : Oui, cela aura des conséquences sur l'organisation, notamment sur trois secteurs principaux selon moi. Premièrement, il y aurait des répercussions sur notre recrutement. Actuellement, même si l'on considère que le recrutement de personnes bilingues ou même trilingues est prioritaire, conformément aux ententes sur les services de police, chaque province s'attend — dans les faits, cela fait partie des ententes — à ce qu'un certain pourcentage du recrutement provienne de son propre territoire. Nous entendons respecter ces ententes. Cela pose un certain problème.

Deuxièmement, la formation pourrait être incorporée au programme destiné à nos agents en poste, qui bénéficieraient ainsi d'une formation en français ou en langue seconde. Encore une fois, il s'agit d'un choix totalement personnel. Le tout pourrait être fonction du temps nécessaire à chaque personne pour suivre le cours de langue : de quatre mois à un an ou plus. La GRC assumerait les coûts de la formation linguistique plus les coûts salariaux.

Troisièmement, nous pourrions étudier la possibilité de modifier la réaffectation de nos agents dans l'ensemble de l'organisation. Évidemment, nous sommes très chanceux de pouvoir compter sur de nombreux agents bilingues. Cependant, il pourrait s'avérer difficile de muter des agents d'un milieu de travail à un autre. Quelques-uns de nos agents bilingues ont déjà d'autres aspirations de carrière et pourraient travailler dans un environnement ou un service différent. Il nous faudrait réaffecter certaines personnes le long de la Transcanadienne, ce qui causerait des problèmes.

Le sénateur Losier-Cool : Vos agents bilingues le sont-ils déjà lorsqu'ils commencent leur formation ou offrez-vous des cours de français et d'anglais pendant la formation?

Mme George : En général, nous avons la chance d'attirer bon nombre de cadets bilingues lors du recrutement. Ils seront déjà bilingues ou auront atteint un certain niveau de bilinguisme au début de leur entraînement. Une des récentes promotions à la Division Dépôt de Regina comptait 40 cadets qui, pour la plupart, étaient unilingues français. Nous avons une entente avec l'Université de la Saskatchewan, qui propose à ces personnes un programme intensif de 11 semaines en apprentissage de l'anglais. Lorsqu'ils quitteront l'université, ces cadets viendront à notre école de la GRC, à Regina, où ils suivront le programme de formation policière de six mois de la GRC, qui leur sera donné en français. Ce programme fonctionne très bien pour cette cohorte. Nous avons déjà 40 diplômés, et nous prévoyons former au moins deux troupes de cette manière.

Nous accueillons des cadets unilingues anglais. D'autres agents qui ont déjà entrepris leur carrière peuvent aussi aspirer à des fonctions différentes au sein de l'organisation. Ces fonctions nécessitent des compétences linguistiques, et ces agents doivent aller à l'école de langues. Cela leur sera aussi offert lorsque les activités le permettent.

[Français]

La présidente : J'ai une question en supplément à celle du sénateur Losier-Cool. Lorsque vous offrez la formation à ces personnes qui ne connaissent que le français, vous leur offrez une formation intensive pour qu'ils puissent apprendre l'anglais. Est-ce que le même service est offert à des candidats qui ne parlent que l'anglais?

[Traduction]

Mme George : Non, il s'agirait d'un autre type de formation linguistique. Comme vous pouvez l'imaginer, le nombre de cadets que nous prévoyons actuellement instruire au Dépôt est assez élevé. Nous escomptons former environ près de 2 000 cadets. Il serait extrêmement coûteux d'offrir à la majorité de ces cadets ce que nous accordons à nos francophones unilingues. Il faudrait ajouter 11 semaines supplémentaires à la formation policière probablement la plus longue en Amérique du Nord. Nous offrons par ailleurs d'autres possibilités à nos membres au cours de leur carrière.

[Français]

Le sénateur Champagne : Si je comprends bien, c'est très important pour un francophone d'apprendre l'anglais, mais pour un anglophone, apprendre le français, c'est si on a le temps plus tard. C'est bien ce que vous venez de dire; j'ai bien compris?

[Traduction]

Mme George : Dans les faits, nous répondons à la demande de service. En donnant à nos cadets unilingues francophones une bonne base en anglais lorsqu'ils arrivent au Dépôt, nous pouvons par la suite leur offrir une carrière dans n'importe quelle région du Canada. Nous devons tenir compte des exigences du Code canadien du travail, qui insistent que le fait que les personnes affectées aux services de police doivent être en mesure de travailler dans la langue officielle de leur environnement. Cette formation leur donne une bonne base et augmente leurs chances tout au long de leur carrière. Ils nous en sont très reconnaissants et suivent avec beaucoup de plaisir leur formation en français.

[Français]

Le sénateur Comeau : Vous avez dit tout à l'heure que vous avez des contrats avec les provinces qui bénéficient des services de la GRC. Je suppose donc que cela inclut huit provinces et deux ou trois territoires. La majorité des candidats qui postulent à la GRC viennent-t-il de ces provinces ou bien allez-vous chercher des candidats dans les provinces du Québec et de l'Ontario aussi?

[Traduction]

Mme George : Nous cherchons à recruter les meilleurs candidats partout au Canada. Nous avons déployé tous les efforts possibles, en particulier dans la région du Centre, qui comprend le Québec et l'Ontario. Il est un peu plus difficile d'attirer des candidats dans les deux provinces où nous ne fournissons pas de services de police contractuelle, parce que nous n'y avons pas de visibilité, mais nous réussissons quand même assez bien.

[Français]

Le sénateur Comeau : D'après les contrats avec les provinces dans lesquelles vous offrez vos services — telles que la Nouvelle-Écosse ou le Nouveau-Brunswick — il y a bien un certain pourcentage de candidats recrutés dans ces provinces, n'est-ce pas?

[Traduction]

Mme George : C'est exact, monsieur.

[Français]

Le sénateur Comeau : Dans ces contrats conclus avec ces provinces, ne pourrait-on pas inclure une stipulation selon laquelle, par exemple, 50 p.100 ou 35 p. 100 des candidats provenant du Nouveau-Brunswick doivent être bilingues? Est-ce que la Nouvelle-Écosse pourrait demander à ce qu'au moins 10 p. 100 de ses candidats soient bilingues?

[Traduction]

Mme George : C'est un concept intéressant, mais nous cherchons en fait à recruter les meilleurs éléments de notre pays dans la GRC.

Scott Merrithew, officier responsable de la Section des accords de services de police, Gendarmerie royale du Canada (GRC) : Je peux peut-être apporter une précision. L'accord de service de police stipule que le financement obtenu est fonction du recrutement. Ce montant est proportionnel au nombre d'agents dans chacune des provinces. Évidemment, compte tenu que nous cherchons des cadets de qualité, nous acceptons le plus grand nombre possible.

D'après mon expérience, aucune autorité provinciale ou territoriale ne nous a indiqué une préférence linguistique ou un pourcentage.

Le sénateur Comeau : On ne l'a pas fait, mais cela serait possible.

M. Merrithew : On pourrait certainement faire une telle demande. Il n'y a rien qui ne l'interdise.

Le sénateur Comeau : Je ne fais que demander à tout hasard.

[Français]

Ce n'est probablement pas une surprise pour vous que nous voulions examiner la question de la Transcanadienne. Vous vous attendiez probablement à ce que ce soit l'objet d'une grande partie des questions que nous allions vous poser.

Cela étant dit, avez-vous examiné en détail quels seraient les coûts rattachés à l'offre de services bilingues sur la route Transcanadienne au Canada, en excluant bien sûr le Québec et l'Ontario? Serait-ce possible, premièrement? Et sinon, que manquerait-il pour rendre cela possible?

[Traduction]

Mme George : Pas pour le moment. Si le gouvernement devait s'entendre sur ces amendements, la GRC s'y conformerait. Compte tenu du contexte, nous devrions examiner le tout. Ne procéderions alors à quelques analyses.

[Français]

Le sénateur Comeau : J'assume donc qu'une question pourrait vous être posée concernant un examen des chiffres.

[Traduction]

Notre comité pourrait-il vous demander de faire les calculs ou une telle demande doit-elle venir du Solliciteur général?

Mme George : J'imagine que le Solliciteur général donnerait à la GRC une directive générale pour que nous augmentions ce pourcentage ou apportions quelques modifications sur le plan de la répartition géographique ou des chiffres. Nous chercherions alors à interpréter la directive générale et à envisager les conséquences et sur les ressources humaines et sur les finances.

[Français]

Le sénateur Comeau : Est-ce possible? Je pense que la question doit être posée dans ce contexte.

[Traduction]

Mme George : Je crois fermement que tout est possible. Cela prendrait du temps, des efforts et, sans aucun doute, une augmentation du financement fédéral, pour nous permettre d'atteindre ces objectifs.

Le sénateur Comeau : Ce serait bien que nous connaissions le montant de ces crédits fédéraux.

[Français]

Le sénateur Comeau : J'aimerais parler d'Amherst. À cause de cette décision judiciaire, vous devrez dorénavant disposer d'un gendarme bilingue. Comment cela fonctionnera-t-il? Le gendarme qui part d'Amherst et qui va patrouiller sur la Transcanadienne doit être bilingue. C'est exact? Il faut voir comment tout cela fonctionne.

[Traduction]

M. Merrithew : Pour ce qui concerne la création de ces postes bilingues dans cette zone, ces agents feraient partie d'une équipe policière régulière et seraient disponibles pour travailler par poste. Ainsi, ce détachement serait en mesure de proposer ces services au fur et à mesure des besoins.

[Français]

Le sénateur Comeau : Il vous sera probablement indiqué, à un moment donné, que c'est à partir de la frontière du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, et ce jusqu'à un certain nombre de kilomètres. Est-ce bien cela?

[Traduction]

Ils patrouilleront sur une distance précise. Est-ce bien cela?

M. Merrithew : On a convenu d'inclure toute la zone où Amherst doit assurer le service de police, en commençant à la frontière de la Nouvelle-Écosse avec le Nouveau-Brunswick et en descendant jusqu'à Oxford et Amherst.

Le sénateur Murray : Il s'agit d'Oxford et de Pugwash.

Les deux acteurs importants dont on ne tient pas compte sont l'Ontario et le Québec; ils ne font pas partie de cette étude. Il serait utile de savoir quels accords existent entre Ottawa et ces deux provinces pour s'assurer qu'il y a une norme de bilinguisme à laquelle sont assujettis les services de police le long des très nombreux kilomètres de la Transcanadienne dans ces deux provinces. Ceux d'entre nous qui ont enfreint le Code de la sécurité routière au Québec savent que les agents provinciaux sont tout à fait bilingues quand il s'agit de nous donner une contravention. Il serait intéressant de savoir quelle assurance on a que le bilinguisme est en place.

Il y a longtemps que j'observe de très loin la GRC sur ce point et sur d'autres questions pour des raisons au sujet desquelles je n'ennuierai pas le comité.

Combien de recrues acceptez-vous, environ, chaque année?

Mme George : Vous m'auriez posé la question il y a trois ans, je vous aurais répondu environ 700 recrues. Ce chiffre a augmenté régulièrement depuis plusieurs années, au point que nous escomptons avoir un contingent d'environ 2000 recrues dès que nous pourrons atteindre ce chiffre, l'année suivante, en 2008.

Le sénateur Murray : C'est plus élevé que je l'avais imaginé. Expliquez-nous la répartition proportionnelle dans les huit provinces avec lesquelles vous avez des contrats. Chacune d'entre elles a droit, si je comprends bien, à un certain nombre de ces 700 ou 2 000 chaque année. Est-ce bien le cas? Quelles sont les modalités?

M. Merrithew : C'est au prorata des effectifs dans la province ou le territoire et en fonction du nombre de recrues nécessaires. Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons un problème : la demande est si importante que nous prenons les cadets dès qu'ils sont prêts à être formés. Nous en avons informé les autorités provinciales et territoriales. Elles réalisent quelle est la situation et comprennent les efforts que nous avons déployés.

Le sénateur Murray : Dans la plupart des cas, le pourcentage auquel elles ont droit est atteint, n'est-ce pas?

M. Merrithew : Pour l'essentiel, oui. Il peut y avoir des fluctuations d'un exercice financier à l'autre, mais si l'on établit une moyenne sur plusieurs années, elles sont satisfaites. Au cours des dernières années, on ne nous a rien signalé au sujet du nombre de cadets provenant des provinces ou des territoires respectifs.

Le sénateur Murray : Quel est le nombre de postulants? Y a-t-il beaucoup plus de postulants que de recrues?

Mme George : Nous entendons parler ces jours-ci d'une réduction du bassin de candidats. Le gouvernement et le secteur privé rivalisent tous les deux pour recruter de jeunes Canadiens de qualité, et les corps policiers ne font pas exception. La concurrence est vive pour trouver les candidats pertinents.

Le sénateur Murray : Quel est le profil du candidat pertinent?

Mme George : C'est un profil général. La GRC aimerait avoir des personnes en bonne santé, ayant au moins 18 ans à l'étape initiale du recrutement et au moins 19 ans à leur admission au Dépôt; elles doivent détenir un permis de conduire canadien valide et avoir au moins terminé leur 12e année. Tous les candidats doivent également être citoyens canadiens. Certains autres services de police peuvent accepter des résidents permanents, mais pas la GRC.

Le sénateur Murray : Ai-je raison de dire que la politique de la GRC vous impose de recruter chaque année un certain nombre d'Autochtones, de femmes et de membres des minorités visibles?

Mme George : En tant que service national de police, la GRC aspire à bien représenter la mosaïque canadienne. Nous aimons être représentatifs des gens à qui nous offrons des services de police.

Le sénateur Murray : Y a-t-il une politique précise du gouvernement ou de la GRC qui contienne des chiffres cibles?

Mme George : Nous avons une politique à la GRC qui est conforme aux directives du gouvernement.

Le sénateur Murray : Avez-vous des quotas? Savez-vous quels sont vos besoins?

Mme George : Nous aimerions être représentatifs de la population du Canada. Par exemple, un certain pourcentage de la population est autochtone et nous aimerions être représentatifs de ce pourcentage.

Le sénateur Murray : Il serait intéressant de voir les chiffres pour l'ensemble des forces de police. Je suis sûr que ces chiffres existent quelque part.

Mme George : Je pourrais les transmettre au comité.

Le sénateur Murray : Pour la préparation de cette réunion, on nous a fourni beaucoup de documentation, y compris un extrait d'un rapport récent de la commissaire aux langues officielles. De tous les ministères et organismes gouvernementaux, la GRC avait un très long chemin à parcourir à ses débuts, comme nous nous en souvenons. Le rapport dit ceci :

Depuis les années 70, la GRC a certes accompli des progrès en matière de langues officielles. Par exemple, la formation est maintenant dispensée dans les deux langues officielles à son école de Regina dont environ 40 p. 100 des formateurs sont bilingues. Chaque année, un contingent francophone est formé. Depuis 1993, les communications avec les candidats à la gendarmerie doivent se faire dans les deux langues.

Cela n'a malheureusement pas empêché la GRC de faire l'objet d'une multitude de plaintes, d'enquêtes et de vérifications linguistiques au cours des années. [...] La GRC doit porter une attention particulière à la capacité linguistique de ses détachements pour bien répondre aux besoins des communautés qu'elle dessert.

J'en conclus que la GRC a obtenu un certain succès au cours des années et qu'elle accomplit des progrès notables.

Pour ce qui concerne la Transcanadienne, vous devez nous dire que vous accomplissez des progrès et que vous avez un plan pour garantir, dans toute la mesure du possible, que les voyageurs pourront disposer de services dans les deux langues officielles.

Mme George : Vous avez raison. Nous aspirons à fournir des services bilingues aux Canadiens qui se déplacent. Sur les 122 détachements répartis le long de la Transcanadienne, 47 sont désignés bilingues.

Si le gouvernement décide que nous devons avoir une représentation plus importante, ou si le contexte changeait pour la GRC, nous prendrons certainement les mesures pour respecter les décisions du gouvernement.

Le sénateur Murray : Je comprends. Je m'attends à ce que vous le fassiez.

Je saisis ce que vous dites au sujet d'Amherst. Je connais assez bien cette région. Il y a une capacité bilingue à Amherst avec un soutien à Oxford et à Pugwash. C'est un progrès. Je ne vais pas aborder la question des services sur la totalité de la Transcanadienne dans les huit autres provinces. Les besoins varient certainement.

Existe-t-il un plan pour cerner les priorités linguistiques le long de la Transcanadienne et donnerez-vous une certaine priorité à ce plan? La Loi sur les langues officielles parle du public voyageur, dans lequel j'inclurais les automobilistes le long de la Transcanadienne; il ne s'agit pas uniquement des personnes voyageant en avion ou en train. Le gouvernement ne devrait pas être obligé de changer le contexte — c'est votre expression — pour la GRC. Vous savez quelles sont les lacunes linguistiques générales dans la gendarmerie. Il y a des lacunes le long de la Transcanadienne, notamment. Dites-nous que vous allez avoir un plan.

Mme George : Monsieur, comme je l'ai déjà dit, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour respecter les lois et règlements sur les langues officielles du Canada. Une étude récente nous apprend qu'environ 18 p. 100 des Canadiens sont bilingues. Au sein de la GRC, 18 p. 100 de nos agents le sont. Nous respectons les lois et règlements sur les langues officielles lois, et la GRC fait du bon travail à ce chapitre.

Le sénateur Murray : J'applaudis à ce que vous faites, madame la sous-commissaire, tout particulièrement à l'égard de la nécessité que le recrutement soit proportionnel dans les provinces avec lesquelles vous avez un contrat. Vous prenez des personnes de Terre-Neuve-et-Labrador, de la Colombie-Britannique, de la Nouvelle-Écosse et de régions dans lesquelles elles sont moins susceptibles d'être bilingues, puis vous les formez et, au dire de tous, vous faites du bon travail. Cela, je vous l'accorde. Je vous félicite de vos progrès. Néanmoins, nous avons besoin de savoir que vous aurez un plan pour résoudre le problème qui a été décelé, afin d'obtenir le même succès que vous avez enregistré dans d'autres dossiers.

Mme George : Nous tournons un petit peu en rond, et je m'en excuse.

Pour en revenir à la décision concernant Amherst, nous allons satisfaire sous peu à toutes les exigences de cette décision. Si le contexte change, la GRC sera rapidement prête à se conformer aux lois. Comme nous l'avons reconnu, cela prendra du temps et des efforts, mais aussi certainement un financement pour y parvenir. Pour ce qui concerne les modifications du contexte et de l'environnement, je ne peux pas dire combien de temps cela va prendre. Si un décret du gouvernement décidait que la GRC devait modifier son contexte actuel, je peux vous dire que nous ferons une analyse des écarts décelés. Il y aura un plan pour nous permettre d'atteindre ce qui aura été décrété par le gouvernement et les lois.

Le sénateur Murray : Je ne pense pas que vous ayez besoin d'un changement de contexte; je pense que vous avez la loi et la politique. Je pense que le public voyageur est clairement précisé dans la Loi sur les langues officielles. Je sais combien cela est difficile et je sais que cela prendra du temps, mais je pense que vous avez la capacité d'y parvenir avec le temps. Je pense que vous devriez en faire une priorité. Cependant, je ne sais pas quelles autres priorités linguistiques pourraient être plus urgentes. J'espère que vous avez un plan.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : J'aimerais poursuivre sur la question du public voyageur. Vous savez qu'en 2010, les Jeux olympiques auront lieu à Whistler. Le Comité sénatorial permanent des langues officielles a rencontré plusieurs personnes — dont le maire de Vancouver et Mme Bissonnette, qui était aux Jeux olympiques de Turin — qui souhaitent que le Canada donne l'exemple en montrant qu'il est vraiment préoccupé par les deux langues officielles. Il n'y a rien de plus canadien que la GRC et nous aurons certainement les yeux tournés vers les services qu'elle va offrir.

Pouvez-vous nous assurer que ce public voyageur — dont le sénateur Murray parlait — qui passera de Vancouver à Whistler, soit par avion, par train ou par le réseau routier et qui rencontrera la GRC se verra offrir un service bilingue?

[Traduction]

Mme George : Heureusement, je peux vous dire que nous avons un plan concernant les langues officielles et qu'il fait partie intégrante de la stratégie planifiée pour les Jeux olympiques de 2010. La GRC travaille à s'assurer de la disponibilité de services bilingues. Les Jeux olympiques seront une excellente occasion pour la GRC de promouvoir notre culture et notre dualité linguistique. Encore une fois, heureusement, nous avons en Colombie-Britannique près de 300 employés francophones, policiers et civils. Si l'on ajoute les agents bilingues supplémentaires qui proviendront de toutes les régions du pays pour les Olympiques, nous sommes persuadés qu'il y aura assez de personnel bilingue pour fournir des services dans les deux langues officielles.

[Français]

Le sénateur Robichaud : J'aimerais tout d'abord m'excuser de mon retard.

Monsieur Merrithew, vous avez dit que dans vos ententes avec les provinces et territoires, ceux-ci ne vous ont jamais fait de demande à savoir dans quelle mesure on aurait besoin de services bilingues — je fais allusion plus particulièrement au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

M. Merrithew : J'aimerais préciser ma réponse. Elle concernait le nombre de recrues qui serait nécessaire. Le sénateur Murray a demandé si les provinces imposent des exigences linguistiques, lorsqu'elles se penchent sur le nombre de leurs habitants respectifs faisant partie du contingent total de recrues de la GRC. C'était le sens de la réponse que j'ai donnée au sénateur Murray.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Est-ce que votre contrat avec le Nouveau-Brunswick exige qu'un certain nombre de personnes à la GRC soient bilingues?

[Traduction]

M. Merrithew : L'entente, en elle-même, ne précise aucune exigence linguistique. Elle est définie au moyen de consultations. Étant un organisme fédéral, nous nous conformerions à la Loi sur les langues officielles. Le Nouveau- Brunswick est une province officiellement bilingue et, en tant que telle, ses besoins sont bien établis. En tant qu'organisation, nous avons respecté toutes les exigences de la Loi sur les langues officielles à la satisfaction du gouvernement du Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Est-ce que tous les détachements de la GRC, le long de la Transcanadienne, au Nouveau- Brunswick, sont bilingues?

[Traduction]

M. Merrithew : Non, ils ne sont pas tous désignés comme étant bilingues. Cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas une capacité bilingue; cela veut simplement dire qu'ils n'ont pas reçu cette désignation.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Comment pouvez-vous livrer un service de qualité, dans les deux langues, dans une province officiellement bilingue, si vous avez des détachements qu'à certains endroits? On parle de la Transcanadienne, mais il n'y a pas que la Transcanadienne. La route 11 longe la côte Est de la province du Nouveau-Brunswick. Comment pouvez-vous offrir un service de qualité, dans les deux langues officielles, aux résidents du Nouveau-Brunswick si, à certains endroits, vous ne pouvez pas offrir le service dans les deux langues?

Je ne me plains pas des services de la GRC. La Gendarmerie royale offre de très bons services. Toutefois, il demeure qu'à certains endroits ces services bilingues ne sont pas disponibles.

[Traduction]

M. Merrithew : Au sein de la division, nous avons utilisé toutes les mesures possibles pour garantir que nos ressources nous permettent de répondre aux demandes du grand public.

Le sénateur Murray : Combien y a-t-il de détachements au Nouveau-Brunswick le long de la Transcanadienne?

M. Merrithew : Il y a 18 détachements.

Le sénateur Murray : Veillent-ils tous au respect du code de la route?

M. Merrithew : Oui.

Le sénateur Murray : Ils ont tous une capacité bilingue, mais ne sont pas tous désignés bilingues.

M. Merrithew : C'est exact.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Vous dites que les détachements ont une capacité bilingue. Si je conduis sur une route et qu'un agent m'arrête pour excès de vitesse, cet agent sera-t-il, dans tous les cas, bilingue?

Je ne parle pas du service au bureau. Je parle du service le long de la Transcanadienne.

Louise Morel, surintendant principal, directrice générale, Relations de travail, Gendarmerie ryoale du Canada (GRC) : Au Nouveau-Brunswick, 14 détachements sur 18, le long de la Transcanadienne, sont désignés bilingues par la Loi sur les langues officielles bilingues. On désigne ces secteurs en fonction de la demande, conformément à la loi et aux règlements.

Maintenant, allez-vous toujours rencontrer un policier bilingue? Non. Par contre, un agent est disponible dans les alentours si vous manifestez le désir de vous exprimer à un policier qui parle le français. Est-ce que cela répond à votre question?

Le sénateur Robichaud : Oui, mais à mon avis cela ne représente pas un service adéquat.

Si je me fais arrêter pour excès de vitesse, c'est donc que je devais me rendre à un endroit. Et si je dois attendre une demi-heure ou une heure pour m'adresser à un policier en français, il est probable que mon humeur change et que je ne sois pas très satisfait des services. Vous comprenez mon point de vue?

Le Nouveau-Brunswick est une province bilingue. Vous rencontrerez des francophones partout dans la province. Les francophones de la péninsule ou du comté de Kent vont travailler à Saint-Jean, à Fredericton et même à Moncton.

Si cet aspect n'est pas pris en considération dans vos contrats, comment faites-vous pour évaluer la façon dont vous offrirez un service adéquat à la population bilingue du Nouveau-Brunswick?

Mme Morel : Il est raisonnable de dire que moins de 100 p. 100 des résidents du Nouveau-Brunswick sont bilingues. Par conséquent, pour offrir un service bilingue immédiat, la GRC devrait avoir un complément de p. 100 p. 100 de personnes bilingues au Nouveau-Brunswick. La réalité est que 18 p. 100 des membres de la GRC sont bilingues. Ce chiffre est représentatif du pourcentage de bilinguisme au Canada.

S'il fallait déplacer tous nos membres bilingues vers le Nouveau-Brunswick, nous aurions de la difficulté à offrir le service bilingue dans d'autres régions exigeant la présence de membres bilingues. Voilà notre réalité.

Idéalement, est-ce que 100 p. 100 du Canada devrait être bilingue? Oui. Est-ce que 100 p. 100 de la GRC devrait être bilingue? Oui. Mais il s'agit d'une situation idéale et non réaliste.

Le sénateur Robichaud : Je comprends que c'est un idéal que l'on vise toujours. Mais il faut tout de même faire son possible.

Vous dites que vous devriez, dans ces conditions, peut-être vider d'autres provinces de leur personnel bilingue. Est- ce que c'est ce qui arrivera lorsque vous fournirez des services bilingues dans la région de Vancouver à l'occasion des Jeux olympiques? Vous devrez donc transférer tous les gens qui ont des capacités bilingues vers Vancouver aux dépens des autres régions qui en souffriront?

Mme Morel : La réalité est que nous allons devoir réduire notre capacité bilingue à travers le Canada pour desservir les Jeux olympiques. Nous laisserons toutefois, au meilleur de notre capacité, suffisamment de ressources dans nos détachements afin de desservir la population, car nous en avons la responsabilité. Au lieu de disposer de deux personnes bilingues, au détachement, par quart de travail, il est fort possible que durant la période des Jeux olympiques nous n'en disposerons que d'une.

Le sénateur Robichaud : Et vous m'assurez que vous faites des efforts pour avoir de plus en plus de gens qui puissent s'exprimer dans les deux langues officielles?

Mme Morel : Ces dernières années, la GRC a augmenté sa capacité de 7 p. 100 pour ce qui est des personnes bilingues. Nous offrons de la formation linguistique constamment. Toutefois, il est difficile, pour une personne venant de suivre une formation en langue seconde et qui est envoyé en Colombie-Britannique, dans un secteur où personne ne parle le français, de maintenir sa capacité linguistique.

Lorsque ces personnes sont mutées au détachement, ils ont acquis une cote bilingue. Par contre, un an ou 18 mois plus tard, ces personnes perdent leur capacité linguistique et l'on doit recommencer la formation car elles n'ont pas la possibilité de pratiquer, de discuter, de faire la conversation et maintenir leur compétence en français.

Le sénateur Robichaud : Vous pourriez les envoyer pour un séjour au Nouveau-Brunswick. Ainsi, elles auraient amplement l'occasion de pratiquer le français.

[Traduction]

Le sénateur Murray : Pour faire suite à cela, pourriez-vous nous donner des informations sur le contingent francophone?

Mme George : Oui.

[Français]

Le sénateur Tardif : Vous avez indiqué que, selon les termes et conditions des ententes de prestation de services policiers avec les juridictions contractantes, vous établissez une consultation, c'est-à-dire que conjointement avec les provinces et les municipalités, vous établissez le niveau de services policiers dans chacune des juridictions. Comment réconciliez-vous, dans votre rôle d'institution fédérale, vos responsabilités face aux langues officielles par rapport aux exigences des provinces?

Vous avez indiqué que les provinces ne vous ont pas demandé un certain pourcentage de recrues bilingues. Dans votre rôle de leadership, dans la promotion de la dualité linguistique au pays et dans votre plan d'avancement des langues officielles, est-ce que vous n'indiqueriez pas aux provinces ou aux municipalités où vous faites vos consultations et offres de contractants un certain pourcentage de personnes bilingues, c'est-à-dire ajouter une clause linguistique dans vos contrats auprès des juridictions? Est-ce que cela a été considéré?

[Traduction]

M. Merrithew : Nous sommes un organisme fédéral et, de ce fait, nous sommes assujettis à la Loi fédérale sur les langues officielles, ce que nous avons communiqué aux différentes autorités provinciales, territoriales et municipales. La loi a été appliquée, et elles ont accepté ce niveau de services bilingues.

[Français]

Le sénateur Tardif : Est-ce que l'Alberta, par exemple, ne vous a pas demandé des services en français? Ne pourriez- vous pas dire à l'Alberta, en tant que province, que comme nous sommes une institution fédérale tenue à la Loi sur les langues officielles, nous voulons nous assurer que dix p. 100 de nos recrues soient bilingues pour la province?

[Traduction]

Mme George : Notre capacité bilingue de servir le public varie entre un maximum de 91 p. 100 dans la région du Centre, l'Ontario et le Québec, et un minimum de 71 p. 100 dans la région du Nord-Ouest. Cependant, nous respectons les lois sur les langues dans cette dernière région. Dans la région de l'Atlantique, nous avons une capacité bilingue de 86 p. 100. La région du Pacifique en a une de 74 p. 100.

Les taux varient dans tout le pays, mais la GRC est un organisme fédéral. Nous respectons la Loi sur les langues officielles, qui est distincte des ententes de prestation de services policiers, parce que nous observons toutes les lois fédérales qui nous concernent. Cela répond-il à votre question?

[Français]

Le sénateur Tardif : Pas vraiment. Comme le sénateur Robichaud l'a soulevé pour le Nouveau-Brunswick, si je réclame un service bilingue en Alberta, quelles sont les chances d'avoir les services d'un policier bilingue?

[Traduction]

Mme George : Vous auriez de très bonnes chances. Je peux vous fournir quelques chiffres qui pourront peut-être vous aider.

Dans la région du Centre, nous avons 2 445 titulaires pour 2 696 postes bilingues.

Le sénateur Murray : Qu'est ce que la région du Centre?

Mme George : La région du Centre comprend l'Ontario et le Québec, essentiellement la division A et la division C, dont le quartier général est situé à Ottawa.

Le sénateur Murray : Et en Alberta?

Mme George : Dans la région du Nord-Ouest, nous avons 161 titulaires pour les 226 postes bilingues.

Le sénateur Murray : Quel est le territoire de la région du Nord-Ouest?

Mme George : L'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba. La région du Pacifique englobe toute la Colombie- Britannique ainsi que Whitehorse et les environs. La région de l'Atlantique comprend toutes les provinces de l'Atlantique : le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard ainsi que Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le sénateur Tardif : Ma question visait le rôle de leadership que vous assumez auprès de l'ensemble des provinces, lorsque vous entrez dans des contrats avec les autres juridictions. J'ai l'impression que c'est selon la demande et non pas parce que vous avez nécessairement un plan ou parce que vous assumez un rôle de leadership auprès de vos obligations pour le respect de la Loi sur les langues officielles.

Mme Morel : Lorsque les négociations se font avec les gouvernements provinciaux, ce n'est pas la GRC qui fait les négociations avec les provinces mais plutôt le gouvernement.

Le sénateur Tardif : Quel gouvernement dans ce cas?

Gilbert Groulx, avocat-conseil, Services juridiques, Gendarmerie royale du Canada (GRC) : Selon la Loi sur la GRC, le gouverneur en conseil entérine les ententes de services policiers et elles sont négociées par le ministre de la Sécurité publique.

Le sénateur Tardif : Alors les ententes avec les provinces sont négociées avec le ministère de la Sécurité publique?

M. Groulx : La GRC est l'agence qui livre les services mais elle ne négocie pas les ententes.

Le sénateur Tardif : Merci, cela répond à ma question.

Le sénateur Robichaud : Lorsque vous dites que c'est le ministre, la GRC est quand même présente dans toutes les négociations, n'est-ce pas? Le ministre va dépendre de vous pour fournir toute l'information sur la disponibilité? Le ministre ne fait que signer l'entente au nom du gouvernement, mais c'est quand même la GRC qui est présente à tous les stades de la négociation, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. Merrithew : Vous avez tout à fait raison. Nous participons à tout le processus. Pour ce qui concerne les signataires de l'entente, cela relève de la responsabilité du ministre.

En 1992 et au cours de notre dernière renégociation de l'entente, une équipe dirigée par le ministère a négocié au nom du gouvernement fédéral, en qualité de fournisseur de services évidemment. Nous possédons l'essentiel des renseignements pertinents utilisés durant ces types de discussions. Nous avons certainement un rôle actif dans les équipes de négociation fédérales de même que provinciales et territoriales. Il ne fait nul doute que nous jouons un rôle clé dans tout le processus.

[Français]

Le sénateur Robichaud : J'aimerais revenir au recrutement. Vous parliez tout à l'heure au sénateur Murray concernant les conditions et les exigences. Auparavant, si on voulait devenir agent de la GRC, il fallait avoir une certaine grandeur et une certaine corpulence. Je suis certain que cela a changé depuis longtemps et pour le mieux, bien sûr. Mais là n'était pas ma question.

Faites-vous des efforts particuliers dans le recrutement, dans les régions où vous êtes plus susceptible de recruter des personnes déjà bilingues? Il y a tout l'est de l'Ontario, il y a l'est du Québec, Montréal, le Nouveau-Brunswick, certaines régions de la Nouvelle-Écosse où il y a beaucoup de gens qui sont soit anglophones ou francophones, mais qui sont aussi bilingues.

[Traduction]

Mme George : Certainement. Comme je l'ai mentionné précédemment, nous avons multiplié nos efforts là où la GRC n'est pas nécessairement aussi visible que les corps policiers municipaux ou provinciaux. Nous nous attendons aussi à ce qu'une plus grande proportion de nos cadets bilingues nous vienne de ces régions du Canada où la population est bilingue, notamment le Nouveau-Brunswick et des villes comme Montréal et Québec, ainsi que l'ensemble du Québec.

Je pense que la plupart des gens ont été impressionnés lorsque j'ai indiqué le nombre de personnes que nous espérions recruter cette année et l'année suivante. Nous avons certainement accru nos efforts dans les régions du Canada où nous pouvons espérer attirer un plus grand nombre de cadets bilingues.

[Français]

Le sénateur Champagne : Je pense qu'on revient facilement à la première évidence : la GRC se targue d'être un organisme de très haut niveau, et avec raison dans 99,9 p. 100 des cas. Tout le monde est d'accord.

Pour conserver cette qualité, nous avons besoin de recrues de très haut niveau. La jeune recrue francophone unilingue doit faire 11 semaines d'anglais intensif pour ensuite revenir à Regina pour afin de devenir un agent de la GRC. Mais le jeune anglophone unilingue, lui, on lui dit que si un jour il veut apprendre le français et en bénéficier, des cours sont disponibles.

On se pose ensuite des questions à savoir pourquoi on manque de personnel bilingue dans des régions où on en a absolument besoin, que ce soit au Nouveau-Brunswick ou ailleurs. Si on veut être un bon officier de la GRC, il faut s'assurer de parler anglais. Sinon, cela ne fonctionne pas.

Il y a sûrement un plan; le sénateur Murray en parlait tout à l'heure. Il faut avoir un plan lorsqu'on pense aux Jeux olympiques de Vancouver et de Whistler en 2010, afin que cela devienne plus qu'une prime au bilinguisme et bien une nécessité, une fierté d'être un membre de la GRC, que cela veuille dire être bilingue. Être membre de la GRC, cela ne veut pas dire nécessairement être anglophone. Cela doit aller plus loin que cela.

Mme Morel : Je crois que votre question a été mal comprise au début parce que nous offrons une formation linguistique aux cadets anglophones qui veulent participer à une formation linguistique avant d'aller à Regina.

En 1988 ou en 1989, j'étais responsable de troupes anglophones amenées à Montréal pour une formation linguistique en français. Nous faisions cela afin qu'ils puissent être dans des familles francophones avant d'aller à Regina. Cela fait encore partie de leur contrat. Nous avons pris une nouvelle initiative dans les deux dernières années avec des troupes complètement francophones et une entente avec l'université en Saskatchewan.

Toutefois, l'initiative de former des cadets anglophones en français et ensuite de les envoyer à Regina pour faire leur formation en français existe depuis que je suis au sein de la GRC.

Le sénateur Champagne : Je suis ravie que cela existe, mais ce n'était pas ce que j'avais compris de votre réponse précédente.

La présidente : J'aimerais terminer en vous faisant part d'une courte réflexion. Ce qui m'a frappée durant les échanges qui ont eu lieu aujourd'hui, c'est la confirmation que la GRC est un symbole, une tradition, un ambassadeur du Canada dont nous sommes fiers. Nous sommes aussi fiers de notre pays. Le Canada a deux langues officielles et les Canadiens sont aussi fiers de ces deux langues officielles. Les résultats d'un récent sondage nous disent que 90 p. 100 des Canadiens sont heureux et fiers que le Canada se distingue des autres pays par ces mesures.

Il me semble qu'en 2007, nous devrions ensemble penser à moderniser certains règlements, dont celui des services de la GRC sur la Transcanadienne et ne plus penser en fonction de désignation ou de tronçon, mais plutôt en fonction du public voyageur qui vient de l'extérieur et aussi du tourisme.

Il doit exister un moyen beaucoup plus simple pour vous d'offrir les services en anglais et en français sur la route Transcanadienne, et ce d'un bout à l'autre du Canada.

Je vous remercie des efforts que vous avez faits et que vous faites encore et d'avoir pris le temps de venir en discuter avec nous.

La séance se poursuit à huis clos.


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