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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 13 - Témoignages du 26 mars 2007


OTTAWA, le lundi 26 mars 2007

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 16 h 1 pour étudier, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi (le déménagement de sièges sociaux d'institutions fédérales et l'impact sur l'application de la loi).

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Avant d'accorder la parole aux témoins, permettez-moi de vous présenter les membres du comité. Nous sommes accompagnés du sénateur Comeau, de Nouvelle-Écosse; du sénateur Murray, de l'Ontario; du sénateur Downe, de l'Île-du-Prince- Édouard et du sénateur Losier-Cool, du Nouveau-Brunswick. Pour ma part, je viens du Manitoba.

[Français]

Nous nous pencherons d'abord sur le déménagement de bureaux principaux d'institutions fédérales et l'impact sur l'application de la Loi sur les langues officielles.

[Traduction]

Pour nous parler du déménagement de sièges sociaux d'institutions fédérales et de l'impact sur l'application de la Loi sur les langues officielles, nous avons invité des témoins qui ont vécu de telles circonstances. En effet, le ministère des Anciens Combattants, qui était autrefois à Ottawa, se trouve depuis maintenant plus de 20 ans à Charlottetown, dans l'Île-du-Prince-Édouard. Nous accueillons du secteur des services ministériels, M. Keith Hillier et de la Direction des services exécutifs, M. John Gowdy.

Keith Hillier, sous-ministre adjoint, Secteur des services ministériels, Charlottetown, Anciens Combattants Canada : Je suis ravi d'avoir l'occasion de vous donner aujourd'hui de l'information qui, je l'espère sera utile à votre étude.

Anciens Combattants est le seul ministère responsable du gouvernement du Canada dont l'administration centrale est située à l'extérieur de la région de la capitale nationale. Étant donné la forte proportion de Canadiens et de Canadiennes de la région de l'Atlantique qui ont servi dans nos forces armées, d'aucuns diront que cela convient très bien à un ministère chargé de voir au bien-être des anciens militaires. Je sais que vous avez déjà entendu un témoignage concernant le déménagement de la Commission canadienne du tourisme à Vancouver. Ce déménagement est beaucoup plus récent que le nôtre, de sorte que nous avons l'avantage de témoigner d'une histoire plus étoffée.

Il y a également d'autres différences importantes entre les deux déménagements. L'administration centrale de la Commission se trouve à présent dans l'une des plus grandes villes du pays, alors que la nôtre est dans l'une des plus petites, sans compter que le personnel de l'administration centrale d'Anciens Combattants est dix fois plus nombreux que celui du bureau de la Commission située à Vancouver. Il est donc facile de constater que l'incidence économique de notre présence à Charlottetown est beaucoup plus importante que celle de la Commission à Vancouver.

Anciens Combattants compte plus de 1 000 postes permanents à l'année, et sa masse salariale annuelle est supérieure à 79 millions de dollars. Plus d'un tiers de ces postes se trouvent à divers niveaux de gestion, y compris 23 postes de cadres supérieurs, de sorte que le pouvoir d'achat moyen par employé est plutôt élevé. La portion provinciale d'impôt sur le revenu versée par les employés d'Anciens Combattants est d'environ 4 millions de dollars, une contribution en effet très importante au Trésor de l'Île-du-Prince-Édouard.

Il ne faut pas non plus oublier les retombées dérivées. À la suite d'une étude effectuée il y a quelques années, le Conseil économique des provinces de l'Atlantique a estimé que les dépenses engagées par Anciens Combattants pour des biens et des services permettaient de créer ou d'aider à maintenir un autre millier d'emplois dans l'île et contribuaient pour au moins 20 millions de dollars supplémentaires par an à l'économie de la province.

[Français]

La même étude a permis de constater qu'en ce qui concerne la proportion de la population active d'une ville engagée dans une industrie particulière, Anciens Combattants Canada est plus important pour l'emploi à Charlottetown que le secteur du pétrole et du gaz à Calgary.

[Traduction]

La valeur monétaire relative de la présence d'Anciens Combattants dans l'Île-du-Prince-Édouard est énorme. Je soulève cette question tout en sachant que les incidences économiques ne relèvent pas du mandat de votre comité, mais je voulais vous donner, honorables sénateurs, un petit aperçu de la situation.

[Français]

Cependant, je crois qu'il est essentiel de savoir que le gouvernement du Canada a laissé une empreinte très nette sur le sol rouge de l'Île-du-Prince-Édouard quand il a déménagé Anciens Combattants Canada à Charlottetown. Une empreinte plus profonde que de simples avantages monétaires.

[Traduction]

En effet, les incidences sur la communauté minoritaire de langue officielle sont aussi marquantes. Il est facile de comprendre l'importance considérable qu'une présence fédérale beaucoup plus forte peut avoir sur une petite communauté linguistique minoritaire. Et c'est exactement ce qui s'est produit dans l'Île-du-Prince-Édouard. La communauté francophone de l'île regroupe environ 5 p. 100 de la population totale. Exprimé en chiffres réels ou en coefficient, le nombre de francophones n'est, à l'heure actuelle, que légèrement plus élevé qu'avant l'arrivée d'Anciens Combattants à Charlottetown.

Ce qui a changé cependant, et changé plutôt radicalement depuis 30 ans, c'est la situation et c'est le profil de la langue et de la culture françaises dans la province. À mon avis, il est généralement convenu que l'arrivée de cette présence fédérale imposante, assortie de son besoin inhérent de personnel parlant couramment l'anglais et le français, a provoqué une vague de changement qui a consolidé énormément la communauté linguistique minoritaire dans l'Île-du- Prince-Édouard.

Or, je parle en connaissance de cause. Au début de ma carrière dans la fonction publique, j'ai travaillé deux ans dans l'Île-du-Prince-Édouard, avant qu'Anciens Combattants ne s'y installe. À l'époque, la population francophone était pratiquement invisible. Elle se démenait pour être reconnue. Elle était très peu représentée dans les bureaux du gouvernement des années 1970, et la collectivité était très peu sensible à l'offre de service dans les deux langues officielles.

[Français]

Faisons un bond en avant de deux décennies. En 1994, une nomination à un poste supérieur d'Anciens Combattants Canada m'a ramené à l'île. J'ai constaté que, durant mon absence, la communauté francophone de la province avait subi une transformation phénoménale.

[Traduction]

Elle n'était plus invisible. Elle avait établi une présence solide et manifeste, tant dans les postes du secteur public que dans la vie courante à Charlottetown. Je suis convaincu que c'est l'arrivée d'Anciens Combattants qui a permis ce changement.

Conformément à la partie IV de la Loi sur les langues officielles, il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que le public puisse communiquer avec elles et en recevoir les services dans l'une ou l'autre des langues officielles et ce, peu importe où se trouve leur administration centrale. Et il incombe aux cadres supérieurs du ministère de s'assurer que ces dispositions législatives sont respectées en tout temps.

Au dire de tous, notre ministère s'en tire très bien à cet égard. À l'heure actuelle, 99 p. 100 des employés de l'administration centrale qui occupent des postes bilingues préposés au service au public satisfont pleinement aux exigences de ces postes. D'un bout à l'autre du pays, les sondages auprès des clients révèlent un taux très élevé de satisfaction quant à la qualité de toutes les facettes de nos services. Le dernier sondage faisait état d'un taux de satisfaction de 97 p. 100 quant à la langue de choix.

Anciens Combattants reçoit toujours des évaluations positives de la part de la Direction des langues officielles de l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique, et certaines de ses pratiques ont été citées en exemple. En outre, le Conseil du Trésor a reconnu notre rendement en matière de langues officielles en nous accordant des cotes « remarquables». Lorsque des lacunes ont été décelées, nous avons pris rapidement des mesures décisives pour les corriger.

Anciens Combattants respecte pleinement les objectifs linguistiques au niveau de la haute direction. Les titulaires des 22 postes EX bilingues à Charlottetown satisfont entièrement aux exigences. Par ailleurs, 12,6 p. 100 de nos employés francophones font partie du groupe de relève de la direction, soit les deux niveaux de gestion inférieurs à EX.

[Français]

C'est sans contredit de bon augure pour l'avenir.

[Traduction]

Le déménagement à Charlottetown s'est effectué sur quelques années, permettant ainsi la construction d'un nouvel immeuble de même que le recrutement et la formation de nouveaux employés. Finalement, moins de 50 employés de l'administration centrale à Ottawa ont décidé de déménager, et la majorité des autres ont trouvé des postes ailleurs dans la région de la capitale nationale. Cela n'a rien d'inhabituel. En règle générale, quand des emplois sont déplacés, que ce soit au gouvernement, dans le commerce ou l'industrie, la grande majorité des personnes touchées choisissent de ne pas déménager, même si on leur offre des incitatifs généreux.

[Français]

Cependant, le déménagement à Charlottetown d'Anciens Combattants Canada a ouvert plusieurs possibilités, particulièrement pour les Acadiens et les francophones.

[Traduction]

Bien sûr, il y a eu et il y a encore des problèmes d'ordre linguistique, et il faut, pour les régler, faire sans cesse preuve de créativité et de volonté.

Comme je n'étais pas à Anciens Combattants au début, je limiterai mes remarques à ce qui s'est passé depuis 12 ans. À mon arrivée à Charlottetown en 1994, un bon nombre de postes bilingues étaient encore vacants, et nous ne recevions pas beaucoup de demandes d'emploi. Pour corriger la situation, nous avons lancé un programme d'approche communautaire. De concert avec la Commission de la fonction publique, nous avons fait, surtout dans la région où est concentrée la population acadienne, des exposés publics visant à favoriser les demandes d'emploi dans l'administration fédérale.

[Français]

Nous avons constaté qu'un petit coup de pouce en ce qui concerne la procédure de demandes donnait de très bons résultats. Elle se limite souvent à expliquer le sens et l'importance de l'énoncé de qualité, à aider à remplir les formulaires de demande et à offrir des conseils sur la rédaction d'un curriculum vitae pour répondre aux critères de l'administration fédérale.

[Traduction]

Nous avions besoin de personnes répondant aux exigences linguistiques, et nous savions qu'elles étaient là. Il suffisait d'amorcer des relations. Or, les mesures que nous avons prises ont été couronnées de succès, non seulement pour Anciens Combattants, mais pour d'autres ministères et organismes.

À l'heure actuelle, plus de 12 p. 100 des nouvelles recrues dans la fonction publique fédérale à l'Île-du-Prince- Édouard sont francophones et, chose plus étonnante, le français est la langue maternelle de 12 p. 100 du personnel de l'administration centrale d'Anciens Combattants. Douze pour cent, soit plus du double de la représentation francophone de l'île.

Nous parrainons depuis longtemps des activités de sensibilisation avec la Société Saint-Thomas D'Aquin, un ardent défenseur de la culture francophone dans l'île. Nous avons également collaboré avec la Société éducative de l'Île-du- Prince-Édouard, un organisme acadien qui encourage les francophones à poursuivre des études secondaires et postsecondaires.

[Français]

Ces mesures ont permis à la population acadienne de vraiment tirer profit de la dualité linguistique et ont servi de catalyseur pour créer un environnement propice à l'utilisation du français à l'Île-du-Prince-Édouard.

[Traduction]

L'instruction en français pour les enfants francophones, autrefois offerte uniquement dans la petite région essentiellement acadienne près de Wellington, est à présent bien établie dans l'ensemble de la province. En effet, 704 étudiants sont inscrits dans six écoles francophones de l'île. C'est un nombre très appréciable pour une petite province essentiellement anglophone.

L'école François-Buote à Charlottetown a ouvert ses portes au moment où Anciens Combattants s'est installé dans l'île. Elle comptait alors trois élèves. Cette école entièrement française vient de célébrer son 25e anniversaire, et elle compte à présent 228 élèves. Depuis 1993, 121 étudiants ont obtenu leur diplôme de l'école François-Buote, qui accueille des élèves de la maternelle jusqu'à la 12e année. Notre ministère et le gouvernement du Canada en général en tirent parti, étant donné que bon nombre de ces diplômés travaillent maintenant dans le secteur public.

L'école est logée dans un grand centre culturel, le Carrefour de l'Isle-Saint-Jean —— une autre réussite et une ressource importante pour la communauté francophone.

Toujours sur le plan de l'éducation, Anciens Combattants, de concert avec le gouvernement provincial, a parrainé la création d'un établissement local d'apprentissage de la langue seconde qui s'est révélé un atout précieux pour les deux ordres de gouvernement et les clients qu'ils servent.

[Français]

D'après moi, tout cela génère une demande sans précédent de programmes d'immersion en français dans le réseau scolaire anglophone.

[Traduction]

Par ailleurs, nous avons assisté à la naissance d'un groupe Toastmasters francophone, fondé par des employés d'Anciens Combattants. Nos employés forment également une masse critique qui a permis l'établissement, la survie, voire la croissance d'institutions francophones, comme le Club Richelieu Port-Lajoie, qui n'existait pas avant que l'administration centrale s'installe dans l'île.

[Français]

Que reste-t-il du français comme langue de travail dans une province où les francophones ne constituent que 5 p. 100 de la population? Il y a, en effet, des difficultés.

[Traduction]

Certes, l'emploi du français dans notre milieu de travail n'est pas aussi répandu que dans la région de la capitale nationale, mais beaucoup plus que ce à quoi on pourrait s'attendre. Vous n'êtes pas sans savoir que les modifications législatives de 1998 ont apporté des changements à certaines exigences concernant la langue de travail à l'extérieur de la région de la capitale nationale qui ont eu des répercussions dans nos bureaux à Charlottetown.

[Français]

Néanmoins, Anciens Combattants Canada reconnaît qu'il est le seul ministère fédéral dont l'administration centrale se trouve à l'extérieur de la région de la capitale nationale. Par conséquent, la direction a tout mis en œuvre pour maintenir un environnement propice à l'usage du français au travail.

[Traduction]

Une vaste gamme d'initiatives a permis de créer une atmosphère positive et stimulante à cette fin. Il convient de noter que ces initiatives relèvent de la bonne volonté, car elles n'ont pas force de loi. Je cite, par exemple, notre programme d'affectation en langue seconde. Ce programme novateur offrait aux employés bilingues des possibilités d'affectation visant à leur procurer une expérience linguistique stimulante et productive. Il a également aidé à consolider et même à rehausser notre capacité en matière de bilinguisme.

Dans le milieu de travail, nous incitons les employés à chercher des occasions d'utiliser, de maintenir et d'améliorer leurs connaissances du français. Le Club-Dîner hebdomadaire est une occasion de converser en français dans une atmosphère détendue. Le programme « Pour l'amour du français » offre une expérience plus poussée qui agence l'apprentissage didactique et l'apprentissage automatisé.

[Français]

Il ne faut pas oublier non plus nos champions dynamiques des langues officielles, qui ont contribué à notre succès. Nous sommes particulièrement fiers que la première rencontre des champions ministériels des langues officielles, tenue à l'extérieur de la région de la capitale nationale, l'ait été à l'Île-du-Prince-Édouard.

[Traduction]

La semaine dernière encore, nos champions ont joué un rôle décisif dans l'organisation des activités des Rendez- vous de la Francophonie, une occasion d'affirmer et de célébrer notre engagement à l'égard de la langue et de la culture françaises.

Nos employés francophones et acadiens sont franchement fiers de leur patrimoine et ils n'hésitent pas à le montrer. Cette activité n'était qu'un petit épisode, mais je crois qu'elle démontre amplement la transformation linguistique du secteur public dans l'Île-du-Prince-Édouard ces dernières années.

[Français]

Somme toute, notre administration centrale à Charlottetown est un milieu de travail inclusif et productif, tant pour les francophones que pour les anglophones. Malgré les dispositions de la partie V de la Loi sur les langues officielles, nous, à Anciens Combattants Canada, sommes résolus à assurer que notre milieu de travail respecte, accueille et encourage activement l'usage de l'une et l'autre des langues officielles, et ça fonctionne!

Madame la présidente, je vous remercie de votre attention et je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

La présidente : Le sénateur Downe m'a dit à plusieurs reprises que c'était un cas de réussite et il avait entièrement raison; c'est un succès. Pouvez-vous nous dire si certains défis ou certaines initiatives ont eu moins de succès et, le cas échéant, nous en parler?

M. Hillier : Un défi important à l'Île-du-Prince-Édouard se situe à l'extérieur du milieu de travail car il s'agit d'une population majoritairement anglophone. Il peut quelquefois être difficile d'obtenir des services provinciaux et des services reliés à l'éducation en français. Ce sont des défis, mais pour chaque défi une solution est possible. C'est parfois difficile d'obtenir un grand nombre d'employés bilingues; il semble qu'il y ait toujours des concours pour les postes bilingues, surtout au niveau des assistants, des commis ou des gestionnaires.

Nous collaborons cependant avec les universités et avons établi des programmes d'été pour les étudiants afin de procurer une bonne expérience de travail aux étudiants. Mais bien sûr, il subsiste des défis.

[Traduction]

J'ai peut-être un parti pris, mais je dirais que certains des défis auxquels nous faisons face sont en marge de notre environnement et échappent donc à notre contrôle. Par exemple, pour ce qui est de la culture française, la population francophone étant toute petite et ne représentant que 5 p. 100 de la population en général, il est clair que nous ne pouvons pas organiser des événements culturels pour avoir un milieu francophone de l'envergure de ce qu'on retrouve à Ottawa, Montréal ou Québec.

John Gowdy, directeur, Direction des services exécutifs, Anciens Combattants Canada : Je voulais simplement vous dire que mes 25 années passées au service d'Anciens Combattants au département des ressources humaines à Charlottetown m'ont permis d'observer ce que M. Hillier, a décrit. La vie culturelle et sociale à l'extérieur du milieu de travail pour beaucoup de francophones qui venaient d'Ottawa ou de Montréal et d'ailleurs était difficile, ce qui s'est fait ressentir au niveau familial. Dans beaucoup de cas, cela n'a pas bien fonctionné, mais l'inverse est également vrai. En effet, dans la plupart des cas, ça a bien marché et il y a beaucoup de francophones qui sont restés dans l'île de leur propre gré et qui travaillent pour le ministère ou qui profitent de leur retraite.

[Français]

Le sénateur Tardif : Je suis heureuse de constater que l'expérience a été positive à l'Île-du-Prince-Édouard, surtout sur le plan économique. Je peux comprendre, dans une province où les nombres sont moindres, que le fait d'arriver avec 1 000 personnes puisse amener une masse critique à la population.

Ce qui m'inquiète le plus est que dans l'ensemble du pays cela semble tout de même être un recul pour la dualité linguistique. À Ottawa, les employés de ce ministère avaient le droit de travailler en français, et à cause d'un déménagement à l'Île-du-Prince-Édouard, et du fait que Charlottetown n'est pas désignée une région bilingue, ils n'ont maintenant plus le droit de travailler en français.

Comment équilibrer le fait de vouloir stimuler l'économie dans certaines régions et désirer également une présence fédérale ailleurs qu'à Ottawa? Comment le faire afin de respecter toutes les parties de la Loi sur les langues officielles? Cela m'inquiète parce que dans tout déménagement il y a un recul en ce sens.

M. Hillier : Je pense que c'est une question de respect. À Charlottetown, l'équipe de gestion a décidé de conserver les mêmes règles que celles en vigueur dans la région de la capitale nationale. Toutes nos publications et nos outils de travail sont disponibles en français et en anglais; et je pense que cela fonctionne bien.

Vous avez raison; la loi a changé il y a quelques années, mais nous avons décidé de poursuivre avec l'esprit de la loi. Au sujet de la politique, ce n'est pas à moi de répondre; c'est une question qui s'adresse au gouvernement qui était en place à l'époque et au présent gouvernement. Il subsiste des défis, mais je dois ajouter que j'ai passé 11 ans à Ottawa et je pense que c'est presque la même chose à Ottawa et Charlottetown.

À Charlottetown, on entend des gens dans les bureaux qui parlent en français et d'autres qui parlent en anglais. Dans les réunions, les deux langues sont parlées et le bureau de Charlottetown fonctionne comme un bureau situé sur la rue Wellington ou sur la rue Metcalfe à Ottawa.

Le sénateur Tardif : J'ai une question complémentaire. Je vous félicite d'avoir essayé de créer une ambiance où les employés francophones puissent travailler dans leur langue. Dites-vous qu'un employé francophone peut participer à des réunions en français? Peut-il rencontrer son superviseur en français? L'évaluation des employés se fait-elle en français si tel est leur souhait?

M. Hillier : Nous essayons de faire tout en notre possible, mais ce n'est pas un règlement. C'est une question de respect. La plupart du temps, si un employé demande une entrevue ou une évaluation en français, nous essayons de faire des arrangements en conséquence.

Le sénateur Tardif : C'est une question de bonne volonté.

M. Hillier : Vous avez entièrement raison.

Le sénateur Tardif : Serait-ce selon vous une bonne idée d'ajouter une réglementation pour encadrer l'application de la partie V de la Loi sur les langues officielles?

M. Hillier : C'est une question politique qui revient au gouvernement.

[Traduction]

M. Gowdy : Je travaille dans le secteur des ressources humaines et je dois vous dire que l'an dernier au sein de notre petite équipe de gestion qui regroupe cinq personnes, j'étais le seul anglophone et, par conséquent, les réunions se déroulaient en français. Depuis, la composition du comité a quelque peu changé mais nous sommes toujours en mesure d'alterner entre les deux langues car nous comprenons tous le français. Moi, je suis celui qui parle le moins bien, mais quand j'étais le seul anglophone les réunions se déroulaient uniquement en français. Je ne vous dirai pas que c'est comme cela que ça se passe dans toutes les unités de travail à Anciens Combattants à Charlottetown, mais je peux vous affirmer, en connaissance de cause, que quand on atteint une masse critique, cela se produit.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : Je voudrais continuer sur cette lancée et sur les commentaires que vous avez faits concernant votre histoire à succès. Il est certain que le milieu compte beaucoup, je suis d'accord. Je lis régulièrement La Voix acadienne, le journal francophone de l'Île-du-Prince-Édouard et je sais qu'il y a vraiment une vitalité.

Est-ce que cette même histoire à succès aurait pu se produire si le déménagement s'était fait dans un grand centre comme Calgary ou Saskatoon? Ou est-ce l'isolement, le petit nombre qui en a fait une réussite? Vous avez souvent mentionné le mot « respect » et j'y crois, mais lorsqu'on est perdu dans une masse critique...

M Hillier : Ce serait peut-être plus difficile dans une grande ville comme Calgary parce que l'impact ne serait pas le même que dans les petites régions comme celles de l'Île-du-Prince-Édouard. C'est donc une question de milieu de travail et de leadership.

J'ai travaillé dans quelques villes à travers le Canada comme Winnipeg, Halifax, Ottawa et St. John's, Terre-Neuve et Labrador, et selon moi, le défi est plus grand dans une ville plus importante que Charlottetown.

Le sénateur Losier-Cool : Avez-vous de la difficulté à avoir du personnel bilingue?

M Hillier : La plupart du temps, non. Mais pour certaines professions, dans certaines situations où on demande une expertise très spécifique, c'est plus problématique. Pour chaque poste, nous recevons plusieurs candidatures. Mon collègue pourrait répondre mieux que moi au sujet de la dotation à Charlottetown.

[Traduction]

M. Gowdy : Je suis d'accord avec ce qu'a dit M. Hillier. Ça dépend de l'occupation. Il nous est impossible d'atteindre la masse critique. Les gens du centre du Canada qui postulent un poste dans l'Île-du-Prince-Édouard doivent évidemment accepter de déménager. Et ça, ce n'est pas évident pour les familles qui doivent s'éloigner de leur famille étendue et renoncer à leur vie sociale et autres. Cela pose un problème, certes, mais ça ne nous a jamais empêchés de recruter.

Le sénateur Losier-Cool : Quel pourcentage des postes de la haute direction sont bilingues?

[Français]

M Hillier : Tous les postes administratifs sont bilingues.

[Traduction]

Nous respectons entièrement les exigences. De plus, le nouveau régime de dotation mis en place sous l'égide de la Commission de la fonction publique du Canada aura pour effet de permettre à tous les Canadiens de postuler un plus grand nombre de postes et nous permettra d'intensifier nos efforts de recrutement d'employés et francophones et anglophones.

Cela fait 12 ans que je réside dans les environs de Charlottetown et 11 ans que je réside en ville, et je ne pense pas que les choses aient vraiment changé pour ce qui est de la disponibilité de personnel qualifié. Par contre, à Charlottetown, nous avons un avantage : une fois que nous recrutons du personnel, il reste en général en poste. En règle générale, une fois que nous avons attiré des employés compétents, ils restent pendant pas mal de temps. À Ottawa, on a tendance à se voler les employés d'une institution à l'autre.

[Français]

Le sénateur Comeau : J'aimerais revenir aux propos du sénateur Tardif sur l'inquiétude face au déménagement d'un département et la possibilité de causer un recul en matière de langues officielles au Canada. Cela m'inquiète également. Cela fait croire que le bilinguisme au Canada n'a de valeur qu'à certains endroits seulement, comme Ottawa, Moncton, probablement Montréal, mais que dans le reste du pays, la question du bilinguisme est moins importante. Si Anciens Combattants Canada avait décidé de ne pas déménager à l'Île-du-Prince-Édouard parce que ce n'est pas une région bilingue, cela aurait été, d'après moi, une énorme perte. Le message transmis par votre ministère est que l'on peut avoir un ministère en dehors des grands centres bilingues.

Je considère très positif le fait que le gouvernement s'établisse dans des régions comme l'Île-du-Prince-Édouard. Cela a été un défi particulier pour vous parce que vous n'êtes pas d'une région considérée comme francophone. Vous êtes même assez éloigné de la région d'Évangéline. Je vous félicite de vouloir vous établir à Charlottetown, qui est une ville anglophone, et de vouloir y faire respecter les deux langues officielles.

Vous vous êtes établis dans une ville plus ou moins anglophone, assez éloignée d'une région francophone. Comment sont vos contacts avec la région d'Évangéline? De quelle façon pourrez-vous faire avancer leur cause pour la reconnaissance de la dualité linguistique?

[Traduction]

M. Hillier : Nous avons collaboré avec la société éducative de Wellington et avons participé à un certain nombre de projets, à l'échelle fédérale comme provinciale par le biais d'une initiative intitulée Partenariat pour l'économie du savoir qui remonte au début ou à la moitié des années 1990. Nous avons découvert que certains de nos employés occupent des postes à Anciens Combattants mais sont également des leaders communautaires importants. Nombre de nos employés sont également des leaders au sein de la collectivité.

Certaines des choses que nous avons faites sont bien simples, comme par exemple fournir des ordinateurs aux écoles. Nous avons également participé à la mise en œuvre de programmes dans les écoles. Parfois, nous avons besoin de tuteurs et de moniteurs de langue, que nous allons chercher dans la communauté. Nous savons que nos efforts ont été couronnés de succès quand les gens des communautés disent : « J'aime bien travailler ici; je peux travailler dans la langue de mon choix. » Mon assistante chargée de mon agenda, qui a veillé à ce que je sois présent ici aujourd'hui, vient de la région de Wellington. En fait, elle vient de Wellington tous les jours pour travailler à Anciens Combattants Canada, à Charlottetown, ce qui lui prend environ une heure. Il y a aussi beaucoup d'autres personnes qui travaillent dans la région de Wellington.

Comme c'est le cas dans la fonction publique en général, nous faisons face à des défis d'ordre démographique. Mais nous comptons en profiter pour nous assurer que la dualité linguistique est maintenue. Nous avons l'intention de collaborer avec diverses institutions anglophones mais également avec des établissements comme l'Université de Moncton.

[Français]

Ainsi que d'autres universités à travers le Canada afin d'obtenir des employés qui sont parfaitement bilingues.

[Traduction]

Nous avons tenté de mieux nous faire connaître, officieusement. Comme je l'ai dit dans mes remarques, madame la présidente, il y a quelques années nous avions des postes vacants que personne ne semblait postuler. On s'est dit qu'il y avait quelque chose qui clochait parce qu'on savait pertinemment qu'il y avait dans la population active des personnes qui avaient le profil recherché. L'Île-du-Prince-Édouard est petite et tout le monde se connaît. On savait donc qu'il y avait des personnes ayant le profil recherché et c'est pour ça qu'on a fait appel à la Commission de la fonction publique. On est allé faire des exposés dans les communautés acadiennes portant sur les différents emplois de la fonction publique, la façon de présenter une demande en s'adressant à la Commission de la fonction publique, et comment rédiger un curriculum vitae. Les acronymes et les énoncés de titres, entre autres, étaient étrangers à beaucoup de gens des diverses collectivités du pays, qui n'avaient jamais été fonctionnaires fédéraux.

Le sénateur Comeau : Avec le temps, beaucoup de collectivités, comme Wellington, ont perdu leur caractère français et adopté l'autre langue officielle.

Le sénateur Murray : L'autre langue officielle, c'est l'anglais.

Le sénateur Comeau : Merci, justement le mot m'échappait.

Un des avantages de la présence d'un ministère comme le vôtre, c'est que les gens se mettent à penser qu'il serait possible de retourner à l'école pour y apprendre la langue de leurs grands-parents. Grâce à la présence francophone à Charlottetown à l'heure actuelle, certaines personnes vont sans doute vouloir apprendre la langue de leurs ancêtres.

M. Hillier : Ce que le sénateur vient de dire me touche personnellement car j'ai épousé une acadienne.

Le sénateur Comeau : Je vous en félicite... vous avez bien fait.

M. Hillier : C'est ainsi que j'ai une porte d'accès à la communauté dont vous parlez. Aujourd'hui, beaucoup d'Acadiens constatent une revitalisation de leur langue et un renouveau d'intérêt pour leur histoire. Ils comprennent que la dualité linguistique est un atout dans le monde de l'emploi, que ce soit au gouvernement du Canada ou dans le secteur privé. Pendant l'été, leurs enfants, qui vont à l'école francophone, travaillent pour nous en vertu du programme fédéral ou du programme travail-études pour étudiants. En plus de la résurgence qui se manifeste au niveau individuel, on assiste à un regain de popularité de la langue. La langue fait partie du patrimoine du peuple acadien dans l'Île-du- Prince-Édouard.

Le sénateur Comeau : D'après ce que vous avez dit, Anciens Combattants Canada a joué un rôle clé dans le regain d'intérêt pour cette valeur que les gens relient à leur avenir. Pour eux, Anciens Combattants, c'est une façon de renouer avec leur histoire.

M. Hillier : Oui, tout à fait.

[Français]

Le sénateur Murray : Ce que M. Hillier vient de dire au sujet de la communauté acadienne et francophone de l'Ile- du-Prince-Édouard est fort intéressant.

Lors de notre étude sur l'éducation en situation minoritaire, je me souviens que nous avions dû faire face au fait que moins de 60 p. 100 des ayants droit sont inscrits dans les écoles francophones. Il serait intéressant d'examiner les chiffres précisément pour l'Ile-du-Prince-Édouard pour voir si la situation s'améliore dans cette province.

[Traduction]

Monsieur Hillier, d'après nos notes d'information, il y aurait 3 766 employés à Anciens Combattants dont 1 166 travaillent à l'administration centrale située à Charlottetown. Combien, parmi les 2 600 qui restent, travaillent à Ottawa ou dans la région de la capitale nationale?

M. Hillier : M. Gowdy pourrait vous le dire précisément. Je pense qu'il y a environ 159 employés dans la région d'Ottawa.

Le sénateur Murray : Où travaillent les autres?

M. Hillier : Anciens Combattants est un ministère décentralisé. De 900 à 1 000 personnes travaillent au seul hôpital relevant du gouvernement fédéral, à Sainte-Anne-de-Bellevue à côté de Montréal. Il existe plus de 40 points de service. Nous sommes présents dans beaucoup de villes au Canada, grandes et petites. De plus, nous exerçons des activités dans un grand nombre de bases des Forces armées canadiennes et avons un certain nombre de bureaux régionaux. C'est grâce à cette décentralisation que notre personnel peut être dispersé un petit peu partout au pays pour répondre aux besoins de nos clients qui sont également répartis dans les différentes régions du pays.

Le sénateur Murray : Tout cela, c'est très bien, mais vous savez sans doute où je veux en venir. Je veux m'assurer que l'administration centrale d'Anciens Combattants est effectivement à Charlottetown et pas une administration factice éloignée des véritables activités du ministère qui serait située ailleurs, par exemple à Ottawa.

M. Hillier : Je dirais qu'environ 40 à 50 des 159 employés s'occupent de la prestation directe de services. Comme vous le savez, nous avons un bureau de district situé à Billings Bridge qui dessert la région d'Ottawa. De plus, nous avons un petit bureau à Gatineau, au Québec. L'Administration centrale du ministère de la Défense nationale étant à deux pas, beaucoup de nos employés à Ottawa assurent la prestation directe de services à nos clients.

Pour répondre directement à votre question, je vous dirais que la sous-ministre d'Anciens Combattants Canada, Mme Suzanne Tining, est sur le point de s'installer dans l'Île-du-Prince-Édouard et que les sous-ministres adjoints y habitent déjà. Il n'y a aucun doute que l'administration centrale est effectivement à Charlottetown.

Le sénateur Murray : Je suis content de vous l'entendre dire. Je suis heureux que vous ayez pu comparaître tous les deux aujourd'hui parce que ça fait longtemps que vous observez la situation à Charlottetown et de différentes façons. D'ailleurs, vous y êtes toujours. Je vais maintenant vous poser une question qui vous semblera peut-être difficile, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Si on voulait vous muter à Vancouver, Guelph ou Calgary pour travailler pour un autre organisme gouvernemental, quels conseils donneriez-vous au gouvernement, étant donné l'expérience d'Anciens Combattants à Charlottetown, pour assurer l'efficacité des lois et des politiques sur les langues officielles?

M. Hillier : Il me serait difficile de rester neutre, mais si j'acceptais de partir, je tenterais de répéter ce qui a bien marché au ministère des Anciens Combattants. Ce n'est pas rien, après tout, d'être cité par des représentants du Conseil du Trésor et par le Commissaire aux langues officielles dans son rapport annuel comme organisme ayant su atteindre ses objectifs.

Je dirais à toute personne qui serait mutée dans un autre organisme qu'il est important de comprendre les véritables objectifs des langues officielles, ce qu'on entend exactement par dualité linguistique et par l'appartenance au Canada.

Je suis peut-être trop optimiste, mais je vous dirais que vouloir c'est pouvoir. Il suffit de penser à l'équipe de gestion qui était en poste avant mon arrivée au ministère des Anciens Combattants. Ils auraient pu être défaitistes, étant donné que les francophones ne comptent que pour 5 p. 100 de la population, et qu'en fait il serait impossible de recruter suffisamment de gens. Je ne voudrais pas m'éterniser sur la situation de l'Île-du-Prince-Édouard, mais je voudrais quand même signaler qu'au niveau de la haute direction, j'ai été en mesure d'attirer des francophones d'autres régions du pays.

Le sénateur Murray : Ça n'a pas toujours été le cas?

M. Hillier : Non.

Le sénateur Murray : Au début, les gens qui travaillaient à Ottawa, de façon générale, et plus particulièrement les francophones, ne voulaient pas aller s'installer à Charlottetown.

M. Hillier : Pour ma part, au cours de ma carrière de fonctionnaire fédéral, j'ai déménagé sept fois dans différentes villes, mais je sais qu'il y a toujours des gens qui ne peuvent pas déménager en raison d'obligations familiales diverses ou tout simplement parce qu'ils veulent rester près de leur communauté. C'est vrai pour les communautés francophones, mais également pour les autres.

Nous nous sommes rendu compte qu'en plus de pouvoir recruter dans l'Île-du-Prince-Édouard nous avons pu attirer des Nouveau-Brunswickois, surtout de la côte nord acadienne. Bien des gens ont manifesté leur intérêt. Beaucoup de nos employés viennent de la côte Nord du Nouveau-Brunswick. En effet, nous avons fait du recrutement dans cette région. Il y a aussi un nombre important d'employés qui nous viennent de la région acadienne du Cap-Breton.

La sénateur Murray : Il serait difficile de faire mieux.

M. Hillier : Mon directeur général des technologies de l'information vient d'une petite communauté acadienne en marge de Yarmouth. Nous avons été en mesure de recruter non seulement dans l'Île-du-Prince-Édouard mais également dans notre région du pays.

M. Gowdy : Permettez-moi d'ajouter quelque chose. J'étais déjà dans l'Île-du-Prince-Édouard quand le gouvernement de l'époque a annoncé le déménagement. Ma femme et moi-même avons quitté Belleville, en Ontario, pour nous installer à Charlottetown avec un jeune enfant en 1977.

Lorsque les choses ont commencé à bouger dans l'Île-du-Prince-Édouard, c'était très enthousiasmant. S'il s'agissait de Guelph, d'Orangeville ou de Vancouver demain, il faudrait que les demandeurs d'emploi évaluent les avantages et les inconvénients de leur propre situation. En tout cas, pour ce qui est du déménagement à Charlottetown, il a fallu bâtir cette organisation tout en sachant que peu de personnes viendraient d'Ottawa. C'était emballant à l'époque de recruter du personnel, francophone comme anglophone, pour faire fonctionner le service. C'était comme une aventure.

Je suis désolé, sénateur Downe, je ne suis pas insulaire, mais quand je me suis installé dans l'île il y avait beaucoup d'enthousiasme et toute la collectivité s'est mise de la partie pour que tout fonctionne bien. C'était une époque formidable. Ma famille s'est agrandie, passant d'un enfant à cinq, et nous étions donc occupés professionnellement et personnellement.

Le sénateur Murray : J'aimerais soulever une dernière chose avant de terminer. J'aimerais citer le rapport du vérificateur général de 1986, bien qu'il date de plus de 20 ans, relativement au transfert d'Anciens Combattants à Charlottetown.

Nous avons constaté qu'en plus des problèmes concrets, les déménagements et tous les événements qui s'y rattachent ont créé une situation d'instabilité organisationnelle et aigüe qui a eu pour effet d'affecter l'attitude du personnel, individuellement et collectivement, à s'adapter à de nouveaux rajustements.

Était-ce vrai, il y a 20 ans? Dans l'affirmative, est-une période révolue?

M. Hillier : Je ne suis arrivé qu'en 1994 et par conséquent je ne tenterais pas de corriger les observations du vérificateur général. Par contre, je ne pense pas que ça soit le cas aujourd'hui.

[Français]

Le sénateur Tardif : J'ai un commentaire et une question. J'ai lu qu'un des facteurs qui a aidé à la réussite de l'expérience c'était le fait que le gouvernement provincial avait accepté qu'il y ait une école francophone et que les gens qui déménageaient pouvaient avoir accès à l'éducation en français. Donc, la coopération provinciale a certainement aidé. Peut-être que, lorsque d'autres agences déménagent, il faudrait s'assurer qu'il y ait ce type de coopération du gouvernement de la province avant de procéder. Ce serait peut-être quelque chose qu'il faudrait surveiller.

L'autre point, et je ne veux pas être négative, je suis d'accord sur le fait qu'il est important qu'il y ait déménagement, mais ma préoccupation se situe au niveau de la dualité linguistique et des langues officielles.

Si 900 personnes ont déménagées à Charlottetown en 1976-77, parmi elles 100 étaient francophones ou peut-être plus. Vous avez indiqué qu'il y avait un problème, que c'était difficile à l'extérieur du travail de trouver des activités socioculturelles. Quel était le pourcentage d'assimilation de ces 100 personnes francophones qui ont déménagé à Charlottetown?

Je comprends qu'on puisse stimuler la communauté qui est là et on peut travailler à faire grandir le niveau de dualité linguistique; mais il y a aussi la possibilité, comme le sénateur Comeau l'a indiqué, de perte de la langue et un facteur d'assimilation. Donc, on a peut-être, sur les 100 personnes qui ont déménagé, 80 p. 100 qui ont été assimilées et dont les enfants ne continuent plus à parler le français 20 ans plus tard.

Si on ne met pas toutes les pistes en place, si on ne met pas tous les moyens pour sauvegarder la langue et la culture est-ce qu'on ne crée pas davantage de possibilités d'assimilation par ce type de déménagement?

[Traduction]

M. Hillier : D'abord, il y a toujours un risque d'assimilation. Mais je pense qu'en réalité la collectivité a grandi. Étant donné que la taille de la population est modeste, on n'y organise pas d'événements culturels, en anglais ou en français, qui soient aussi importants que dans des villes plus grandes.

J'ai été le champion des langues officielles à l'échelle nationale pour le ministère des Anciens Combattants pendant un certain nombre d'années. J'ai passé un certain temps dans les communautés francophone et acadienne, et j'ai assisté à un grand nombre d'événements, éducatifs comme sociaux.

Je pense que la communauté a grandi; cela dit, il ne faut pas oublier que nous parlons de l'Île-du-Prince-Édouard. Si l'on va faire ses courses au supermarché le samedi matin, il est probable que ce soit plus difficile de se faire servir en français qu'à Orléans, où je pourrais vivre ma vie uniquement en français.

Je pourrais ajouter que, quand le ministère des Anciens Combattants a déménagé à Charlottetown, il y a eu une augmentation assez importante du nombre d'élèves qui s'inscrivaient aux cours d'immersion en français. Ils avaient l'impression qu'ils amélioreraient ainsi leurs possibilités d'emploi. Certains détaillants offrent des services en français — il ne s'agit pas d'une politique, c'est plutôt parce que les gens qui travaillent dans ces entreprises ont suivi des cours d'immersion en français. Je n'ai pas les statistiques concernant les inscriptions dans les cours d'immersion, mais j'ai posé cette question avant de comparaître devant vous.

Je ne veux pas vous donner l'impression qu'il n'y a pas de défis; il y en a. Cependant, si on compare la situation d'il y a 20 ans à celle d'aujourd'hui, si on pose la question aux francophones et aux Acadiens, ils vous diront qu'il est beaucoup plus facile maintenant d'utiliser la langue de leur choix.

Le sénateur Downe : Je tiens à remercier le sous-ministre adjoint. Il nous a fait un excellent exposé qui a bien résumé la situation.

Comme nous le savons, la responsabilité du ministère des Anciens Combattants s'est de servir les anciens combattants, leurs personnes à charge, les membres des Forces canadiennes et de la GRC. L'avantage secondaire de la présence du ministère des Anciens Combattants à l'Île-du-Prince-Édouard c'est que cela a créé des possibilités d'emplois. Je crois savoir qu'il y a 1 300 postes permanents à Charlottetown. Est-ce exact?

M. Hillier : Oui; dans notre texte, nous disons qu'il y a au-delà de 1 000 postes, dont certains sont pour une période indéterminée. Il y a un certain nombre d'employés nommés pour une période déterminée et des employés occasionnels qu'on embauche pour faire des projets spéciaux. Nous avons également des employés à temps partiel. M. Gowdy vous dirait que nous avons un effectif de plus de 1 300 personnes qui vont recevoir un chèque cette semaine.

Le sénateur Downe : Est-ce que cela comprend les emplois d'été pour étudiants?

M. Hillier : Non.

Le sénateur Downe : Je crois savoir que vous en embauchez une centaine. Est-ce que la plupart d'entre eux sont bilingues?

M. Hillier : Certains oui, certains non. Nous voulons tenir compte du bilinguisme et de l'équité en matière d'emplois. Nous voulons viser surtout les minorités visibles et les Autochtones. Nous pensons que si nous réussissons à donner aux étudiants une expérience de travail positive, ils voudront peut-être revenir travailler pour nous à la fin de leurs études.

Le sénateur Downe : C'est un bon plan.

Le sénateur Murray a mentionné quelque chose que le vérificateur général a dit en 1986. Je dirais que l'inverse est vrai maintenant. Comme les possibilités d'emplois à Charlottetown sont limitées, il y a peu de roulement de personnel et donc on a tendance à garder les employés et il y a une bonne mémoire institutionnelle. Je suppose que les coûts de formation sont beaucoup plus bas chez vous qu'ailleurs dans la fonction publique.

M. Hillier : Notre taux de roulement est pas mal plus bas. Par exemple, quand il y a eu le boom dans le secteur de la haute technologie ici dans la région de la capitale nationale, certains de mes collègues avaient beaucoup de mal à concurrencer le secteur privé, le taux d'attrition dans mon service de la technologie de l'information, qui compte environ 175 personnes, était de 4 p. 100.

Le sénateur Downe : Je pense que la conséquence la plus importante et non voulue de la présence du ministère des Anciens Combattants à Charlottetown a été le renforcement de la collectivité des francophones et des Acadiens de l'Île- du-Prince-Édouard. Vous avez tout à fait raison. Le Charlottetown de 1970 n'existe plus. La situation est complètement différente. La ville est plus ouverte au français. Ce n'est pas parfait, ce n'est pas comme à Ottawa, mais il y a eu des progrès énormes. Merci.

Le président : Merci beaucoup d'être venu nous faire votre exposé. Ill était excellent et il a su très bien répondre à beaucoup de nos questions.

[Français]

Nous suspendons pour quelques minutes et reprendrons avec les nouveaux témoins.

(La séance est suspendue.)

(La séance reprend.)

La présidente : Dans le cadre de l'étude sur le déménagement de bureaux principaux d'institutions fédérales, nous recevons en table ronde les représentants de deux organismes communautaires francophones qui ont été exposés à un tel déménagement : D'une part, le président de la Société Saint-Thomas d'Aquin de l'Île-du-Prince-Édouard, M. Edmond Richard, ainsi que sa directrice générale, Lizanne Thorne, et d'autre part, de l'Assemblée communautaire fransaskoise, M. François Dornez, député communautaire, et Mme Marie-France Kenny, ancienne présidente. L'Assemblée communautaire fransaskoise a été invitée à comparaître devant nous en raison du déménagement d'Ottawa à Régina de Financement agricole Canada en 1992.

Mesdames et Messieurs, bienvenus. Notre temps est plutôt limité cet après-midi, du fait que, exceptionnellement, le Sénat siège ce soir à 18 heures. Je vous prierais donc de respecter la limite de temps que nous vous accordons pour vos présentations et vous en remercie à l'avance.

Edmond Richard, président, Société Saint-Thomas d'Aquin : Madame la présidente, pour aller le plus rapidement possible, la Société Saint-Thomas d'Aquin est l'organisme de regroupement des Acadiens et Acadiennes francophones de l'Île-du-Prince-Édouard. Fondée en 1919, elle regroupe plus de 1200 membres individuels et comprend six comités régionaux.

Nous sommes heureux de comparaître devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles. Votre étude sur le déménagement des bureaux principaux d'institutions fédérales nous interpelle tout particulièrement comme communauté francophone en milieu minoritaire. Votre mandat met en évidence l'exemple du déménagement du ministère des Anciens Combattants du Canada à Charlottetown au début des années 1980. Ce déménagement a eu un impact important sur notre vie communautaire et j'espère pouvoir l'expliquer devant vous aujourd'hui.

D'emblée, je pense qu'il est important de vous dire que le déménagement et la présence de ce bureau principal furent en somme positifs pour la communauté francophone et acadienne de l'Île-du-Prince-Édouard. En effet, aujourd'hui, 25 ans plus tard, la participation du ministère des Anciens Combattants et de ses employés à la vitalité linguistique de Charlottetown et de la communauté francophone de l'île en général est d'une importance capitale.

Arriver à Charlottetown en 1979 et penser vivre en français n'était pas chose évidente. Cela demandait une certaine dose de courage et de ténacité. Nous sommes à 11 ans avant la création de la commission scolaire de langue française de l'Île-du-Prince-Édouard en 1990, 12 ans avant l'établissement d'un centre communautaire scolaire, le Carrefour de l'Isle-Saint-Jean, en 1992, et à 20 ans avant l'adoption d'une loi sur les services en français, en 1999, par le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard. À cette époque, le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard ne fait que tolérer l'enseignement du français, même à l'école Évangéline dans une région à majorité acadienne. Les réticences exprimées par les fonctionnaires francophones à l'époque étaient normales, mais somme toute, celles et ceux qui ont décidé de s'établir à l'Île-du-Prince-Édouard, les francophones en particulier ainsi que ceux qui se joignent au ministère, ont joué un rôle décisif dans l'établissement d'une école de langue française à Charlottetown en 1980.

D'ailleurs, le témoignage des représentants de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, présenté le 20 novembre 2006 lors de vos audiences, vient confirmer que le déménagement du ministère des Anciens Combattants, de façon générale, est perçu positivement par leurs membres.

Le témoignage vient corroborer le dynamisme de la communauté francophone des 25 dernières années. L'établissement d'écoles et de centres scolaires communautaires vient faciliter un milieu de vie en français, même si la communauté francophone est en situation minoritaire.

Pour la communauté d'accueil, — dans ce cas-ci les francophones de Charlottetown, — le déménagement du ministère des Anciens Combattants représentera un avantage tant sur le plan de la création d'emplois bien rémunérés que sur le plan du développement culturel et communautaire de la francophonie. Il ne serait pas faux de dire que la venue du ministère des Anciens Combattants a forcé la main du gouvernement provincial à l'époque quant à l'établissement de l'école française François-Buote de Charlottetown. Ainsi, depuis plus de 25 ans, une relation de partenariat s'est construite entre le ministère des Anciens Combattants et la communauté francophone et acadienne de la région de Charlottetown.

Nous tenterons de répondre au meilleur de nos connaissances aux questions que vous soulevez dans le document décrivant le mandat que vous avez donné. Cependant, plusieurs des questions exigent de poser un regard plus fondamental sur les mécanismes en place qui forcent l'appareil fédéral à se poser les bonnes questions au bon moment à l'égard de l'impact de l'ensemble de ces décisions sur le développement des communautés minoritaires de langue officielle.

La description de votre étude souligne pertinemment le fait que le renouvellement de la Loi sur les langues officielles renforce les obligations qu'ont les ministères à participer au développement et à l'épanouissement de nos communautés. La question que vous abordez, soit le déménagement des bureaux principaux du gouvernement du Canada, est importante car elle nous force à examiner la place qu'occupe le gouvernement du Canada et le rôle qu'il joue dans la vie des communautés francophones et acadiennes.

Avant même de proposer des éléments de réponse aux questions proposées par le comité sénatorial, la SSTA aimerait faire état d'un problème plus fondamental qui perdure et qui ralentit la pleine mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles, soit le manque de coordination à l'intérieur d'une agence centrale de l'ensemble des mesures qui visent les communautés ou qui ont un impact sur elles.

Qui a le droit de regard sur les transformations gouvernementales? Les neuf questions posées par le comité sénatorial sont extrêmement importantes. Cependant, il en ressort une anomalie de base au sein de l'appareil fédéral. Il nous semble y avoir absence d'une structure centrale qui veille à évaluer ou à mesurer l'impact des mesures gouvernementales sur les communautés, qui soit chargée de la mise en œuvre des éléments de réponse que nous donnerons aux questions soulevées par le cas spécifique, soit le déménagement des bureaux principaux du Canada.

Évidemment, le Conseil du Trésor a juridiction sur tout ce qui touche les descriptions de postes, les désignations et dotations en personnel qui subissent un changement en quittant la région de la capitale nationale vers les régions qui ne sont pas désignées bilingues.

Qui se charge d'évaluer l'impact découlant des obligations de la partie VII? Encore une fois, nous partageons tout à fait la préoccupation de madame le sénateur Tardif qui disait, lors de son discours en Chambre le 20 octobre 2005, que l'objet de cette motion est de garantir que le gouvernement fédéral n'aura pas à intervenir par voie de décret au chapitre de la langue de travail quand il déplacera ses services vers des régions non désignées et d'établir des politiques et lignes directrices claires auxquelles se conformera le gouvernement en cas de déplacement de ses services vers des régions non désignées.

Le gouvernement devrait effectivement cesser d'être réactif dans sa gestion des enjeux linguistiques au Canada et mettre sur pied un processus qui sera enclenché automatiquement au sein d'une agence centrale lorsque de nouvelles mesures seront prises, qui risqueront d'avoir des incidences sur les communautés minoritaires de langue officielle.

Tout comme le reste de la francophonie canadienne, la Société Saint-Thomas d'Aquin s'était réjouie, il y a quelques années lors de la mise sur pied d'un secrétariat responsable des langues officielles au sein du Conseil privé. Malheureusement, ce groupe de fonctionnaires a été amputé du Conseil privé et installé au sein du ministère du Patrimoine canadien. Ce secrétariat est relégué à un ministère particulier sans regard horizontal, qui réussit très difficilement à imposer des modifications ou de nouveaux programmes destinés aux communautés.

À notre avis, avant même de penser aux moyens de modifier la Loi sur les langues officielles ou d'instituer un nouveau règlement capable de mieux protéger le droit de travailler dans sa langue, de repenser les désignations et les formules qui identifient les régions où le service de la langue de la minorité sont disponibles, il faut s'attarder à créer un lieu parmi les agences centrales qui puisse analyser et guider les politiques gouvernementales afin de s'assurer que les structures et les programmes respectent la prééminence que doivent occuper les droits linguistiques des minorités.

La Société Saint-Thomas d'Aquin souhaite voir le gouvernement du Canada adopter une stratégie plus concertée, interministérielle et menée par une agence centrale qui puisse superviser le développement et la mise en œuvre de mesures qui répondent à l'intention du législateur, en particulier pour les parties IV, V et VII, renforcées en novembre 2005.

Les décisions importantes telles que la relocalisation des sièges sociaux d'une institution fédérale seront mieux servies par la présence d'une approche concertée et de mécanismes situés au centre de l'appareil gouvernemental afin d'éviter d'être souvent en situation de réaction plutôt qu'en situation de planification avec les communautés minoritaires de langue officielle.

Quels sont les facteurs qui guident le choix d'un employé de poursuivre ou non son travail au sein de l'institution qui l'emploie lorsque celle-ci déménage dans une autre région? Sans vouloir parler au nom des fonctionnaires fédéraux, il est clair que pour les fonctionnaires francophones, la présence d'une infrastructure communautaire francophone est d'une importance primordiale lorsque les fonctionnaires sont relocalisés en région majoritairement anglophone.

La présence de services francophones, à partir des garderies jusqu'aux foyers de soins pour les personnes âgées, est déterminante à notre avis pour inciter les personnes délocalisées à choisir une communauté francophone en situation minoritaire.

Le déménagement du ministère des Anciens Combattants a-t-il eu des impacts positifs sur le développement des communautés francophones de la province? Nous pouvons répondre avec certitude que l'impact de ce déménagement a été extrêmement bénéfique pour la communauté francophone et acadienne de Charlottetown et des environs.

On peut constater que la présence fédérale en général constitue un atout pour nos communautés. Premièrement, les emplois fédéraux représentent des conditions de travail souvent avantageuses pour les francophones de l'Atlantique. La présence de ces emplois constitue aussi un outil de rétention pour nos jeunes diplômés. Les emplois à caractère bilingue permettent aux francophones d'aspirer à des carrières stimulantes et bien rémunérées.

La présence fédérale permet aussi de montrer aux jeunes, qui se sont investis dans les programmes d'immersion, que leurs habiletés linguistiques leur permettent d'accéder à des emplois intéressants et bien en vue dans la communauté. Généralement, la présence fédérale, à part des emplois désignés bilingues, par son affichage public en français, son mandat de la législation linguistique fédérale vient rehausser le prestige et la valorisation de la langue française dans la région.

Dans le cas de Charlottetown, de façon très concrète, plusieurs des employés d'origine francophone ou issus de l'immersion et même francophiles participent activement au développement de la communauté francophone et acadienne. Plusieurs siègent à des conseils d'administration d'organismes communautaires. Il ne faudrait pas non plus négliger les contributions financières importantes aux projets des organismes francophones par le ministère des Anciens Combattants.

La clé du succès réside souvent dans les relations de confiance qui s'établissent avec le temps entre l'appareil fédéral et les organismes communautaires. Il faut bien sûr sensibiliser les dirigeants comme nous l'avons fait avec ceux des Anciens Combattants aux responsabilités qui sont les leurs à l'égard des employés bien sûr, mais aussi auprès de la communauté francophone dans son ensemble. Projet par projet, initiative par initiative, des ponts se construisent entre les individus.

La présidente : Pourriez-vous résumer la fin, monsieur Richard?

M. Richard : Quels conseils donnerions-nous au gouvernement dans le cas de futurs déménagements de bureaux principaux d'institutions fédérales?

Premièrement, la considération la plus importante est l'établissement d'un mécanisme d'évaluation. Nous croyons que madame le sénateur Tardif a raison lorsqu'elle affirme que certaines transformations telles des délocalisations vers des régions sont bénéfiques. Au moment d'exposer le mandat de votre étude, elle affirmait que dans un pays aussi vaste que le nôtre, la décentralisation des opérations du gouvernement peut avoir de nombreux avantages.

Le gouvernement a indiqué son intention de poursuivre certains efforts de décentralisation et il nous apparaît impératif que l'appareil fédéral se dote de mécanismes qui assurent la protection des droits des minorités dans ces modifications. L'expérience du déménagement du ministère, à la fin des années 1970, a été pour nous, à l'Île-du-Prince- Édouard, le fer de lance de tout le développement du réseau des centres scolaires et communautaires. La venue de cette importante présence fédérale dépasse les bornes de la ville de Charlottetown et a eu un effet de boule de neige dans la revendication de plus de services en français dans de nombreuses régions de l'Acadie et de l'Île-du-Prince-Édouard.

Il ne faut pas passer sous silence le levier qu'a créé la présence du bureau principal des Anciens Combattants à l'égard du gouvernement provincial. La province, voulant attirer et garder ces importants emplois, a changé de ton à l'égard de la francophonie de l'Île-du-Prince-Édouard et s'est progressivement fait un allié dans certains dossiers.

Le ministère, en créant de beaux emplois et l'embauche d'un bon nombre de personnes bilingues, crée un espace de vie en français dans la capitale insulaire et contribue au développement du réseau communautaire avec des bénévoles et des ressources inestimables.

En tant que président de la Société Saint-Thomas d'Aquin, vous comprendrez que les défis que je dois relever, et ceux de notre société, sont nombreux. Ils vont d'un vaste effort de refrancisation, particulièrement importante à l'Île- du-Prince-Édouard, jusqu'au développement d'une meilleure gestion de l'infrastructure communautaire.

Je comprends fort bien que le déménagement d'emplois fédéraux de la capitale nationale vers les régions pose de nombreux défis pour les personnes qui seront délocalisées. Mais pour la communauté francophone et acadienne de l'Île-du-Prince-Édouard, la présence du ministère des Anciens Combattants et l'éventuel venue d'autres emplois fédéraux sont d'une valeur ajoutée inestimable à la vitalité communautaire de notre francophonie.

Le gouvernement du Canada doit constater que sa présence institutionnelle dans les communautés minoritaires de langue française est un facteur de développement et correspond bien aux intentions et objectifs de la Loi sur les langues officielles, en particulier au libellé de la partie VII.

François Dornez, député communautaire, Assemblée communautaire fransaskoise : Madame la présidente, je m'appelle François Dornez. À titre de député communautaire de l'Assemblée communautaire fransaskoise, j'aimerais vous remercier de nous donner l'occasion de partager avec vous l'expérience de notre communauté lors du déménagement du siège social de Financement agricole Canada à Regina, Saskatchewan, en 1992.

Il est indéniable que le déménagement d'une société d'État d'envergure comme Financement agricole Canada dans notre communauté a un eu un impact des plus positifs. La société, étant assujettie à la Loi sur les langues officielles, engagée à offrir à son effectif un climat propice à l'utilisation des deux langues, s'est vite allié à la communauté fransaskoise afin de faciliter le déménagement et l'intégration des membres de son personnel francophone et bilingue ainsi que de leur famille dans leur nouveau milieu d'accueil. D'ailleurs, même avant de déménager à Regina, des éclaireurs sont venus à Regina pour rencontrer la communauté et établir des partenariats afin de faciliter le déménagement, l'inscription à l'école et mettre en place un service d'accueil avec la communauté pour bien encadrer les membres du personnel.

Depuis son arrivée, Financement agricole Canada n'a cessé de contribuer à la communauté fransaskoise, à la fois en contribuant des ressources humaines et financières mais surtout en servant de modèle aux autres ministères, organismes et institutions assujettis à la Loi sur les langues officielles dans son engagement envers la communauté et son épanouissement.

Je vais maintenant céder la parole à ma collègue, Marie-France Kenny, ancienne présidente de l'Assemblée communautaire fransaskoise et ancienne employée de Financement agricole Canada.

Marie-France Kenny, ancienne présidente, Assemblée communautaire fransaskoise : Madame la présidente, je connais intimement le dossier des langues officielles de Financement agricole Canada puisque j'étais gestionnaire, jusqu'à décembre 2006, du programme national des langues officielles de Financement agricole Canada. J'étais aussi la présidente de l'Assemblée communautaire fransaskoise.

J'aimerais vous parler de l'engagement de Financement agricole Canada, qui a commencé avant son déménagement alors que des éclaireurs étaient venus rencontrer la communauté afin d'établir un partenariat avec celle-ci. Le président-directeur général de Financement agricole Canada a d'ailleurs remporté le Prix Léon de la commissaire aux langues officielles, il y a deux ans, en Saskatchewan. M. Ryan est un p.-d.g. unilingue anglophone qui a une passion pour les langues officielles. Unilingue, car il a bien essayé, mais n'était pas capable de compléter sa formation. Il a plafonné, mais il poursuit dans le but au moins de ne pas perdre ce qu'il a acquis.

Il a servi de modèle à toute une communauté lors du Forum 4-2-1, qui s'est déroulé dans l'Ouest canadien, avec les quatre conseils fédéraux de l'Ouest. M. Ryan est venu parler de l'engagement de Financement agricole Canada mais aussi de la transformation de notre culture, où l'on a cessé de parler d'une obligation et de la loi mais plutôt du gros bon sens. Il a parlé de l'expérience client, qui était aussi valable en français qu'en anglais, et du fait que le bilinguisme et de servir un client dans sa langue fait partie de l'expérience client.

C'était aussi la première fois que l'on retrouvait une gestionnaire nationale du programme des langues officielles dans une région autre qu'Ottawa ou Montréal, soit dans l'Ouest canadien. Cela m'a permis de travailler avec des collègues fédéraux et comprendre vraiment les réalités qui touchent l'Ouest canadien.

Vous savez, lorsqu'on habite à Ottawa, on a beau dire qu'on fait partie de la minorité linguistique; toutefois, la réalité est qu'il est possible de se faire servir à l'hôtel ou au restaurant en français, alors que ce n'est pas le cas dans une région comme la Saskatchewan.

La question de recrutement est tout aussi difficile et nous avons pu partager cette expérience.

J'ai constaté un manque d'information entre les gestionnaires nationaux d'Ottawa et l'Ouest canadien. C'est moi qui apprenais à mes collègues de l'Ouest chargés des langues officielles les nouvelles directives, initiatives et programmes. Il se fait des choses à Ottawa, mais qui ne se rendent pas nécessairement dans l'Ouest canadien. Financement agricole Canada nous a permis de faire ces pas et de mieux comprendre la réalité de la communauté fransaskoise.

Parlons du leadership de John Ryan, de Financement agricole Canada et de la haute direction. Pour la société, le leadership doit venir d'en-haut. John Ryan s'est impliqué lors de la tenue des Jeux du Canada en 2005. Il a rencontré le comité organisateur et leur a dit qu'il fallait absolument que les Jeux soient bilingues, qu'il n'y avait aucune excuse pour qu'ils ne les soient pas. Il a affirmé que s'il est possible d'être bilingue en Saskatchewan, à Financement agricole Canada, le bilinguisme est possible pour les Jeux du Canada.

De plus, il s'est engagé à leur fournir des employés. Des employés ont été en prêt de service pendant plus de deux ans. Cela a permis un transfert des connaissances dans les deux langues officielles au niveau de la technologie de l'information, de la traduction et de la planification stratégique. La coordination de toute la traduction fut assurée avant, pendant et après les jeux.

On a également permis au personnel de prendre congé afin d'aller faire du bénévolat, puisqu'on avait besoin de plus de 5 000 bénévoles bilingues pour les Jeux à Regina. C'est grâce à l'effort soutenu de la communauté, en collaboration avec Financement agricole Canada, qu'on a pu réaliser ce projet. Plus de 5 000 bénévoles bilingues ont travaillé aux Jeux du Canada.

On a remarqué une augmentation des élèves à l'école francophone de Regina, une participation des employés aux activités de la communauté et une contribution du personnel aux efforts de la communauté. Plusieurs membres du personnel ont siégé aux comités et conseils d'administration, à l'Eau Vive. Les employés travaillent un peu partout. J'ai moi-même présidé l'Assemblée communautaire fransaskoise.

Financement agricole Canada participe également au Programme Imagine, qui fait en sorte qu'on remet 1 p. 100 de nos profits avant impôt aux communautés où travaillent et vivent nos employés. Un programme de bénévolat permet aux employés de faire des demandes remises à notre organisme. J'ai eu l'occasion, à quelques reprises, ainsi que plusieurs autres employés, de remettre un chèque à la communauté fransaskoise pour le bénévolat effectué grâce à mon organisme.

Ensuite, des partenariats se sont formés avec l'Institut français de l'Université de Regina pour la formation linguistique. Financement agricole Canada a son propre service, mais des programmes d'immersion et d'autres programmes sont aussi offerts par l'Institut français. Le déménagement a permis la création d'emplois francophones et bilingues les fransaskois de la Saskatchewan.

Plus d'un tiers du personnel de Financement agricole Canada à Regina est bilingue. Ce sont des personnes anglophones ou francophones bilingues, qui font partie de notre communauté. Ils sont présents à nos soirées culturelles et activités. FAC contribue par des dons en argent et de marchandises lors d'activités de levée de fonds.

Ils ont participé aussi à la promotion de la Saskatchewan dans les pays francophones lors des tournés d'immigration. On a permis à un membre du personnel d'accompagner la délégation de la communauté fransaskoise pour soutenir la communauté dans ses efforts de recrutement d'agriculteurs. Une délégation s'apprête à partir, encore cet automne, et Financement agricole Canada enverra aussi un agronome pour soutenir la communauté fransaskoise dans ses démarches.

Financement agricole Canada et son PDG ont servi de modèle pour les autres ministères et sociétés d'état qui ont des bureaux régionaux ou locaux à Regina et en Saskatchewan, au niveau du leadership qu'ils ont pu montrer, sans nécessairement investir de gros montant. En investissant très peu, on a réussi à changer la culture au niveau des employés et à changer la culture au niveau du service offert au personnel.

La nomination récente de Kelly Garet, vice-présidente principale de la Stratégie savoir et réputation, a été suivie — elle est maintenant présidente honoraire de la Coalition pour la promotion de la langue française et de la culture francophone en Saskatchewan — d'un engagement complet de Financement agricole Canada. Je peux dire que c'est très positif.

M. Dornez : Comme vous pouvez le constater, depuis son arrivée, Financement agricole Canada est un partenaire de taille pour notre communauté. C'est un avantage réel pour les Fransaskois. Depuis l'arrivée de Financement agricole Canada en Saskatchewan, le rayonnement de la langue française a connu une excellente croissance.

Indirectement, la croissance du fait français en Saskatchewan est aussi en partie attribuable à la présence de Financement agricole Canada et de son personnel bilingue en province.

Depuis quelques années, cette croissance se traduit par un engagement accru de la province à offrir des services en français.

On a adopté, il y a trois ans, une politique des services en langue française et depuis deux ans maintenant, le discours du Trône ainsi que celui du budget sont disponibles en français. D'ailleurs, historiquement, le dernier discours du Trône comportait une portion en français qui parlait de l'engagement du gouvernement de collaborer étroitement avec la communauté fransaskoise dans les domaines de l'immigration et de l'employabilité.

On peut très certainement dire que le début de la décentralisation du gouvernement, au début des années 1990, a eu un impact des plus favorables pour la communauté fransaskoise.

Il ne faudrait pas pour autant se dire qu'un déménagement à lui seul suffit pour avoir un impact. Au-delà du déménagement comme tel, c'est l'engagement, l'importante contribution et le leadership de Financement agricole Canada dans notre communauté qui a eu un impact positif.

Le sénateur Losier-Cool : Suite à ce qu'on a entendu de la part des témoins d'Anciens combattants et ce que M. Richard a dit concernant la façon dont la SSTA réagit, seriez-vous prêt à soutenir devant ce comité que le déménagement des institutions fédérales dans les communautés minoritaires des langues officielles a un impact positif?

Mme Kenny : Oui, tout à fait; je recommanderais qu'on le fasse, dans le plus de communautés possibles, pas seulement dans des régions très particulières. Dans chaque province, cela a eu un impact très positif, pas seulement pour la communauté mais pour le fait français en général. Cela a permis l'épanouissement du fait français chez nous.

M. Richard : Oui absolument. J'ai mentionné dans ma présentation, très rapidement, que le déménagement du ministère des Anciens combattants à l'Île-du-Prince-Édouard a été le fer de lance du processus de développement du réseau de centres scolaires communautaires à l'Île-du-Prince-Édouard. C'est aussi important que cela pour nous, comme impact.

M. Dornez : Je voulais ajouter que ce déménagement a permis, comme avec les Jeux du Canada à Régina, de rayonner à l'échelle nationale et internationale.

Personne ne croyait que c'était possible à Regina de faire des Jeux bilingues. Cela a été fait; quel exploit et quelle visibilité! Pour nous et pour le gouvernement fédéral. Ce n'est pas seulement la communauté fransaskoise qui a eu du succès, mais je pense que pour les langues officielles on ne pouvait pas demander mieux.

Le sénateur Losier-Cool : Lorsque ce déménagement se prépare, quelle serait la première condition?

Mme Kenny : En Saskatchewan lorsque des employés déménagent — et c'est ce qu'a fait Financement agricole — des éclaireurs sont envoyés sur place pour rencontrer la communauté, pour le personnel francophone et bilingue, et vérifier les infrastructures sur place. Ils se sont aussi assurés qu'il y ait un comité d'accueil pour les employés, pour leur faire visiter la communauté et les jumeler avec des gens pour leur faire visiter l'école et les aider pour l'inscription dans les écoles.

Pour moi, c'est déjà, en arrivant, s'assurer qu'il y aurait la connexion entre la communauté et les employés bilingues et francophones.

Le sénateur Murray : Monsieur Richard, à part l'école à Charlottetown, combien d'autres écoles françaises y a-t-il sur l'Île-du-Prince-Édouard?

M. Richard : Il y a quatre autres centres scolaires communautaires qui ont été créés depuis l'école François-Buote et par la suite, le Carrefour de l'île Saint-Jean. Avant 1970, il y avait seulement une école régionale.

Le sénateur Murray : Ces écoles sont du primaire au secondaire?

M. Richard : Oui, je pense que dans trois cas ce sont des écoles accueillant des élève préscolaire jusqu'à la douzième année et dans deux cas c'est préscolaire jusqu'à la sixième année.

Le sénateur Murray : C'est la maternelle?

M. Richard : C'est même plus jeune que cela, car à l'Île-du-Prince-Édouard la maternelle ne fait pas parti du système d'éducation institutionnel.

Le sénateur Murray : Et préscolaire, c'est quoi?

M. Richard : C'est à partir de 22 mois; c'est une garderie avec animation qui comprend du personnel entraîné pour faire de la formation.

Le sénateur Murray : Il y en a combien, de préscolaires?

M. Richard : Six; dans chaque centre scolaire communautaire il y a une garderie et une maternelle.

Le sénateur Murray : Êtes-vous en mesure de nous dire quel est le pourcentage des ayant-droits qui fréquentent les écoles françaises sur l'Île-du-Prince-Édouard?

M. Richard : En 2001 nous étions à peu près à 25 p. 100. Je pense que ce chiffre a augmenté de 30 à 35 p. 100. Mais il faudrait voir les dernières statistiques. Il y en avait, 700 sur 2400 en 2001.

Le sénateur Murray : En Saskatchewan, à Regina il n'y a qu'une école française?

Mme Kenny : Il y a une école française et plusieurs écoles d'immersion. Mail il y a une école francophone, oui.

Le sénateur Murray : Il y a une seule école française? Je ne parle pas des immersions.

Mme Kenny : Une école francophone à Regina. Il y en a plusieurs autres dans la province.

Le sénateur Murray : Du primaire au secondaire?

Mme Kenny : On a la garderie aussi, comme dans notre centre scolaire communautaire; de la garderie à la 12e année.

Le sénateur Murray : Savez-vous quel est le pourcentage des jeunes Fransaskois, des ayant droits qui fréquentent les écoles françaises dans votre province?

Mme Kenny : Je ne le sais pas mais je peux très certainement vous le faire parvenir.

Le sénateur Murray : Ce n'est peut-être pas très différent de la moyenne du pays, malheureusement.

Mme Kenny : Malgré nos différences, on vit sensiblement les mêmes réalités.

M. Dornez : En Saskatchewan, on a probablement le pourcentage le plus bas de francophones de toutes les provinces. Lorsqu'on a un apport de population qui vient s'installer dans nos communautés, cela nous permet de franchir un certain seuil de faisabilité. Certaines choses deviennent alors possibles. Cela nous donne un nouveau souffle pour faire avancer les choses. Nous n'aurions probablement pas pu avoir les Jeux du Canada si Financement agricole Canada n'était pas venu s'installer à Regina.

Le sénateur Murray : Je présume qu'il n'y a qu'un seul conseil scolaire francophone élu pour toute la province?

Mme Kenny : Oui.

Le sénateur Murray : Combien d'écoles y a-t-il?

Mme Kenny : Treize écoles dans la province.

Le sénateur Murray : Cela ne comprend pas les écoles d'immersion?

Mme Kenny : Non. Treize écoles fransaskoises.

Le sénateur Murray : Qui offrent du primaire à la 12e année?

Mme Kenny : Oui. Il y a certains endroits où on n'a que les écoles primaires et il y a des endroits où on a les centres scolaires qui offrent de la garderie jusqu'à la 12e année.

Le sénateur Tardif : J'ai trouvé vos présentations très intéressantes. J'en ai retenu au moins trois idées qui ont contribué au succès, dans chacune de vos régions : la question du leadership, la question du partenariat ou des liens formés avec la communauté et les municipalités — et, dans le cas de l'Île-du-Prince-Édouard, avec le gouvernement provincial —, et finalement, la nécessité d'une infrastructure communautaire francophone afin de réussir le projet.

Je demeure quand même un petit peu préoccupée parce que, selon ce qu'on a entendu aujourd'hui, je me dis qu'on n'aurait pas besoin de recommander au gouvernement d'agir sur une réglementation pour la partie V de la loi parce que tout va bien, semble-t-il.

Maintenant, est-ce que tout va vraiment bien? Doit-on avoir un éveil ou encore être sensibilisé au fait que si d'autres déménagements devaient survenir, si tous ces ingrédients ne sont pas présents, ni la bonne volonté, que le succès ne sera peut-être pas tout aussi grand?

La dualité linguistique fait partie des lois du pays, c'est une valeur canadienne. S'il y a un recul, selon la loi — et là, je ne parle pas des effets sur vos communautés —, on dit que tout va bien parce que cela a réussi. Alors que nous dites- vous?

Mme Kenny : Je suis arrivée à Financement agricole Canada en 1994 pour parler de la question de la langue de travail. On avait donné aux employés qui ont déménagé en 1992 une période de deux ans où ils pouvaient choisir de revenir à Ottawa, où on les déménagerait. Très peu d'employés du groupe initial qui sont venus à Regina sont restés. Cela n'avait pas de rapport avec la langue du travail. Ces gens étaient en fin de carrière, ils voulaient venir pendant deux ans et retourner ensuite à Ottawa, où ils avaient des racines. Peut-être qu'ils n'avaient pas aimé la Saskatchewan ou Regina, peu importe, mais jamais il n'a été question de la langue de travail.

Par contre, il y a un engagement à Financement agricole et je ne suis pas certaine qu'on a le même engagement dans tous les ministères et sociétés d'États. Et je peux vous dire que Financement agricole, même s'il n'a pas cette obligation d'offrir à son siège social les services dans les deux langues officielles, a décidé qu'il allait fournir à ses employés un environnement de travail et un environnement social propice à l'utilisation du français.

Cela prend de l'engagement. Je ne suis pas prête à dire que tous ont ce même engagement. Il fallait donc s'assurer que si on voulait de la formation en français, à notre siège social, c'était possible. C'était possible dans la mesure où la formation avait déjà été traduite pour nos employés du Québec, et où l'on avait des gens capables de nous former au siège social. Alors pourquoi ne pas faire un groupe en français? Il y avait donc cet engagement qui excédait le cadre de la loi, mais on avait la possibilité de le faire.

La vision de cet organisme est, au minimum de respecter la loi, et quand c'est possible et réalisable, d'en faire plus. Mais vous dire que cet engagement est le même partout à l'échelle fédéral, je ne crois pas.

[Traduction]

Le sénateur Downe : J'aimerais communiquer aux membres du comité certains renseignements que j'ai trouvés quand je faisais des recherches sur les avantages de la décentralisation des ministères dans les régions du Canada. Vous trouverez au site web du Conseil du Trésor en 2005 — qui n'est plus disponible, mais j'en ai des exemplaires si vous en voulez — qu'après l'examen des programmes en février 1995, quand le gouvernement a dû éliminer des postes dans la fonction publique, des milliers de postes ont été perdus en Colombie-Britannique et au Manitoba, par exemple, alors que très peu ont été coupés dans la région de la capitale nationale. En outre, dans le groupe des directions — les postes EX1 à EX5 — plus de 70 p. 100 de ces postes sont restés dans la région de la capitale nationale.

Aujourd'hui, nous avons entendu divers témoignages au sujet des avantages de la relocalisation des ministères dans les régions. En conclusion, j'aimerais citer Statistique Canada qui dit que l'Île-du-Prince-Édouard se classe troisième, après le Québec et le Nouveau-Brunswick, quant à la connaissance des deux langues officielles. Cela ne veut pas dire que tout le monde est bilingue, mais la population a une certaine connaissance des deux langues officielles. Cela est attribuable en grande partie au déménagement d'un grand ministère fédéral à Charlottetown.

[Français]

La présidente : En conclusion, si le gouvernement fédéral devait faire trois recommandations primordiales, à part la bonne volonté, afin d'assurer la réussite d'un déménagement, quelles seraient-elles?

M. Richard : Nous avons mentionné dans notre mémoire qu'un des défis est d'avoir un mécanisme central au gouvernement permettant de faire le lien entre la localisation au centre, à Ottawa par exemple, d'un ministère fédéral et sa relocalisation en termes de planification des effets que cette relocalisation devra avoir dans les communautés minoritaires de langues officielles. Nous estimons que cela doit être planifié, organisé et structuré de façon à que ces effets puissent être planifiés et, ensuite, évalués.

Deuxièmement, nous suggérons qu'il y ait un effort plus grand de fait afin que les parties IV, V et VII de la Loi sur les langues officielles fassent l'objet d'un développement de synergie pour s'assurer qu'il y ait des liens entre toutes ces parties lors d'un déménagement dans une communauté minoritaire.

Mme Kenny : L'entente avec la communauté, d'abord, et de travailler avec cette communauté. Pour la partie V, je suis d'accord que cela prend quelque chose. Est-ce que cela prend exactement ce qu'on offre ici à Ottawa aux employés? Je n'en suis pas certaine et honnêtement, je ne suis pas certaine que ce soit réalisable.

Est-ce qu'on doit nécessairement amener toute l'application de la partie V? J'ose espérer que oui. Cela prend un engagement de part et d'autre. Pour la communauté, très certainement un protocole d'entente sur la façon de travailler ensemble, de collaborer.

La présidente : Je vous remercie de votre indulgence, mesdames et messieurs. Comme le Sénat siège à 18 heures, nous devons malheureusement en rester là. Je vous remercie.

La séance est levée.


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