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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 16 - Témoignages du 28 mai 2007


OTTAWA, le lundi 28 mai 2007

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 16 heures pour examiner, pour en faire rapport, l'état de la culture francophone au Canada, et plus particulièrement dans les communautés francophones en milieu minoritaire.

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, soyez les bienvenus à cette réunion du 28 mai 2007, du Comité sénatorial permanent des langues officielles.

Je suis Maria Chaput, présidente du comité. Je viens du Manitoba. J'aimerais tout d'abord vous présenter les sénateurs qui sont ici aujourd'hui.

À ma gauche, le sénateur Gerald Comeau de la Nouvelle-Écosse. À ma droite, le sénateur Claudette Tardif de l'Alberta.

Nous entendrons aujourd'hui nos premiers témoins dans le cadre de notre nouvelle étude sur la culture francophone. L'étude vise à dresser un portrait complet et objectif de l'état de la culture francophone au Canada, plus particulièrement dans les communautés francophones en situation minoritaire. Le comité identifiera les points névralgiques où les besoins les plus pressants se font sentir, en examinant soigneusement différents aspects qui touchent la culture.

Nous accueillons aujourd'hui M. Roger Ouellette, président de l'Alliance des radios communautaires du Canada et M. Serge Paquin, secrétaire général, M. Benoit Henry, directeur général, de l'Alliance nationale de l'industrie musicale, M. François Dubé, secrétaire trésorier, et M. François Carrier, membre du conseil d'administration de l'Association des professionnels de la chanson et de la musique de l'Ontario.

Benoit Henry, directeur général, Alliance nationale de l'industrie musicale : Je dois regretter sa présence.

Le président : De l'Association de la presse francophone, nous accueillons M. Francis Potié, directeur général. Nous vous souhaitons la bienvenue.

Chaque organisme disposera de cinq à dix minutes pour faire sa présentation. Après quoi nous passerons à une période de questions avec les sénateurs. Sans plus tarder, nous vous cédons la parole.

Roger Ouellette, président, Alliance des radios communautaires du Canada : Madame la présidente, nous vous remercions d'avoir bien voulu inviter l'Alliance des radios communautaires du Canada à comparaitre devant vous. L'Alliance compte 30 membres actifs, dont 21 stations en ondes, réparties dans toutes les provinces canadiennes sauf le Québec, qui a sa propre association. Nous avons également des membres dans le Nord canadien.

Les radios communautaires jouent un rôle important dans leur communauté à travers le pays. On a constaté une transformation dans les communautés où les radios communautaires ont pris naissance. Une augmentation marquée des enregistrements de disques d'artistes franco-canadiens émergeants, une croissance dans la ventes des billets de spectacles et une participation accrue des citoyens sont à noter. Les radios communautaires ont donc un impact important dans leur communauté.

L'ARC du Canada a réalisé, récemment, un sondage auprès de ses auditeurs en situation minoritaire et a retenu quelques témoignages en particulier. Un commentaire affirmait que la présence de la radio communautaire en milieu minoritaire est une attestation ainsi qu'une confirmation de l'existence de la collectivité francophone. Un autre commentaire affirmait que la radio communautaire encourage à garder la langue française vivante, surtout en situation minoritaire. Un troisième commentaire affirmait que la radio nous expose à toute une gamme de musique qu'autrement on n'entendrait pas.

J'aime bien ce dernier commentaire. Effectivement, sans les radios communautaires, un segment de nos artistes resterait inconnu. Les médias majoritaires, à cause de leur concentration, font en sorte que la diversité canadienne se trouve limitée. Ce témoignage est donc très important.

Les radios communautaires sont des radios de proximité, qui encouragent les gens à participer. Les cotes d'écoute de nos radios en situation minoritaire montrent que ces médias sont d'une grande importance pour les communautés.

Lors de la grève, il y a quelques années, chez les radios publiques, plusieurs communautés se sont trouvées privées d'information en français. C'est vous dire à quel point les radios communautaires, malgré leurs faibles moyens, exercent un rôle de leadership dans leur communauté.

Les radios communautaires, de par leur mandat, favorisent les partenariats avec les organismes oeuvrant pour le mieux-être de la population. Je pourrais vous citer de nombreux exemples à cet égard. On a fait des levées de fonds considérables, parfois à l'aide de marathons radiophoniques, pour aider les plus démunis dans les communautés. Qu'il s'agisse de foyers pour femmes battues ou d'autres groupes communautaires, les radios sont toujours présentes pour aider les organismes à se faire entendre et amasser des fonds pour le bien-être des communautés. Leur travail est donc tout à fait pertinent.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, les médias en situation minoritaire, qu'il s'agisse de la radio ou des journaux, sont toujours présents pour faire en sorte que les manifestations culturelles trouvent un écho dans la communauté. Elles font ainsi la promotion des artistes, des galas et des activités importantes, et jouent un rôle au profit du développement culturel.

Certaines radios communautaires se trouvent dans une situation difficile à travers le pays. Des radios peuvent avoir une vingtaine d'employés permanents, une centaine de bénévoles et un chiffre d'affaires de deux millions de dollars par année. Toutefois, d'autres radios communautaires ont à peine un employé et les bénévoles s'épuisent. Il y a donc un signal d'alarme à entendre ici.

La situation est en développement, de nouvelles radios entrerons en ondes cette année, des projets émergent. Cependant, la situation est précaire. À tout moment, des radios risquent de fermer à cause du manque de ressources. Il n'est pas vrai de prétendre que les radios peuvent s'autofinancer uniquement à partir de la publicité. Il faut d'autres sources de financement que les bingos. Il faudra, tôt ou tard, que ce gouvernement et ce Parlement s'intéressent à la question et, comme plusieurs pays, se dotent d'une véritable politique à l'égard des radios communautaires, avec un financement adéquat. Malheureusement, en ce moment, ce n'est pas le cas.

Une des sources de revenu est la publicité. La publicité gouvernementale est importante. Comme vous le savez, le moratoire en 2004, suite au scandale des commandites, a fait très mal aux radios communautaires. Il a privé nos radios de ressources rares et importantes, ce qui eut un impact négatif.

À une certaine époque, nos radios recevaient environ 250 000 $ en publicités gouvernementales. Suite au moratoire, ce chiffre est tombé à 85 000 $. Ces publicités commencent à remonter, mais l'impact fut important sur nos radios.

Par conséquent, nos radios communautaires ont un besoin de se ressourcer. Il existe un urgent besoin de renforcement des capacités des radios et des hebdos communautaires. Ce besoin touche non seulement la mise à niveau des ressources financières mais également la professionnalisation des journalistes, animateurs, gestionnaires et artisans des médias.

Face à ce problème, l'ARC du Canada a entrepris des démarches afin de mettre sur pied un fonds canadiens de la radio communautaire. Nous travaillons de concert avec l'ARC du Québec et avec le National Campus and Community Radio Association (NCRA).

Nous sommes une coalition, et c'est la première fois au Canada que toutes les associations oeuvrant dans le secteur de la radio communautaire anglophone ou francophone décident de travailler ensemble.

Nous avons eu l'occasion l'an dernier de faire des représentations auprès du CRTC et, plus récemment, nous avons fait des représentations auprès du Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes. Nous aurons également l'occasion de rencontrer cette semaine le nouveau président du CRTC et son équipe.

C'est donc pour nous une priorité de mettre sur pied ce fonds qui serait financé par le biais de revenus provenant du secteur privé. Si vous avez suivi l'actualité récente, vous avez sûrement constaté que les radios commerciales au Canada se portent très bien et dégagent des marges de profit d'environ un milliard de dollars. Nous aimerions avoir quelques miettes au passage. Nous aimerions aussi avoir la possibilité que le gouvernement canadien développe une politique adéquate et un financement, plus particulièrement pour les centaines et les milliers de bénévoles qui travaillent dans nos radios. Ils apportent eux aussi une contribution financière, si on devait la calculer.

Nos communautés font un travail énorme pour mettre sur pied des stations de radio et pour garder leur station de radio. Nous espérons que le gouvernement canadien fera lui aussi sa part afin que ces stations ne deviennent pas moribondes, mais plutôt des radios dynamiques qui puissent continuer à faire leur travail remarquable et contribuer à la diversité canadienne.

À la page 15 de notre mémoire, nous parlons de partenaires dans l'aménagement de l'espace francophone au Canada. Les radios communautaires sont beaucoup plus que de simples médias; ce sont des acteurs de premier plan dans le développement de contenus canadiens originaux; c'est un lien d'information à l'image des communautés francophones et acadienne, le reflet de leurs communautés; ce sont les bâtisseurs de la capacité de vivre en français par des réalisations innovatrices et inclusives. Une communauté qui ne s'entend pas et qui ne se lit pas dans ses médias est une communauté qui n'a pas le sentiment d'exister. La présence de journaux dans les communautés envoie un signal fort.

En conclusion, j'aimerais vous parler du rôle névralgique des communications dans les communautés desservies. L'ARC du Canada dénonce la grande vulnérabilité de l'ensemble du secteur. En effet, la situation actuelle des radios communautaires et la récente fragilisation de l'ARC du Canada sont très inquiétantes, autant en Atlantique et au Nouveau-Brunswick, qu'en Ontario et dans l'Ouest et les territoires.

Un certain nombre de radios sont confrontées à des difficultés majeures qui menacent même leur existence. En outre, plusieurs stations couvrent à peine leurs frais et sont carrément tributaires de d'autres associations francophones provinciales, une situation qui nuit à leur capacité de se concentrer entièrement à leur mandat et de jouer pleinement leur rôle de développement dans la communauté qu'elles desservent.

Benoit Henry, directeur général, Alliance nationale de l'industrie musicale : Madame la présidente, pour débuter, nous aimerions vous présenter notre association, l'ANIM, pour ensuite vous relater un constat général et vous présenter trois grands défi qui touchent le secteur de la chanson et de la musique pour les communautés acadienne et francophones, ainsi que quelques pistes de solution.

L'ANIM est une association qui repose d'abord et avant tout sur trois antennes régionales, comme l'antenne artistique qu'est l'AAPNB, l'Association des artistes acadiens professionnels du Nouveau-Brunswick; l'Association des professionnels de la chanson et de la musique de l'Ontario; et le Regroupement de l'industrie musicale de l'Ouest.

L'ANIM est composée de membres qui sont producteurs, comme François qui m'accompagne, de gérants d'artistes, de radiodiffuseurs, bref de représentants de l'industrie.

La première chose qui nous lie tous dans les communautés acadiennes et francophones à travers le pays, c'est bien sûr cette langue qui est un projet culturel. C'est un projet d'identité et de citoyenneté. J'aimerais d'abord exprimer un regret à l'égard de ce premier Plan d'action sur les langues officielles développé, à l'époque, par Stéphane Dion et qui ne comprenait pas d'axe sur les arts et la culture.

Nous étions très heureux de voir nos communautés travailler avec le ministre pour des services de santé en français et des services juridiques en français, mais l'absence d'un axe art et culture est regrettable. Nous souhaitons que la situation soit corrigée puisque ce qui nous lie d'un bout à l'autre du pays, en terme de communautés de langues officielles, c'est précisément de partager une culture et ce projet identitaire.

Je vais maintenant céder la parole à François Dubé qui nous présentera un des premiers grands défis qui nous touchent pour le secteur de la chanson et de la musique.

François Dubé, secrétaire trésorier, Alliance nationale de l'industrie musicale : Madame la présidente, je suis membre producteur de l'ADISQ. Nous avons assisté, il y a quelques semaines, à différentes conférences et ateliers dans le cadre des rencontres de l'ADISQ à Montréal. L'un des grands défis actuels est de passer à l'ère numérique. Ils nous ont présenté des documents en nous disant que le CD-Rom est en voie de disparition; le mode numérique est en plein essor. C'est un changement de paradigme, car il faut penser différemment. Lors de cet événement, il a été mentionné que les artistes vont devoir s'adapter à cet état de fait, ainsi que les gérants, les producteurs et toutes les équipes qui devront changer leur façon d'opérer.

Cela va nécessiter l'injection de nouveaux fonds parce que c'est une autre façon de penser, et de la formation devra être dispensée pour aider les équipes, qui entourent et appuient les artistes, afin d'effectuer ce changement sur le Web. Tout le monde a maintenant soit un iPod, ou un cellulaire ou un BlackBerry et la musique sera téléchargée vers ces appareils. Si nous voulons demeurer à l'avant-garde, il est important d'apporter un soutien financier pour toutes ces nouvelles technologies.

M. Henry : Il faut comprendre que la révolution numérique touche tous les secteurs de l'industrie; de la production à la distribution. Les modes de distribution en musique ont complètement changé. En ce moment au Canada, comme sur le plan international, la chute des revenus provenant de la vente des enregistrements sonores physiques n'a pas été remplacée par ce qu'on appelle l'augmentation de la vente des produits numériques. Nous sommes donc, en ce moment, dans une période de grande ébullition dans l'industrie. Au Canada, il y a des pertes de revenus considérables pour l'ensemble des acteurs de l'industrie.

Un autre défi très important dans ce nouveau cadre est celui de la diffusion. Jamais il n'a été aussi important de permettre aux artistes de se produire sur scène. Parce que dans cette nouvelle économie, les revenus reliés aux ventes d'enregistrement sonore ont tendance à beaucoup diminuer. Nous pouvons observer ce phénomène non seulement en spectacle, mais dans tout ce qui touche la diffusion. On ne peut qu'appuyer de façon ferme les demandes et revendications de l'ARC du Canada parce qu'il est clair que, pour nous, cette présence dans nos communautés ne serait pas possible sans une intervention des radios communautaires d'un bout à l'autre du pays.

En ce qui a trait à l'artiste créateur, nos communautés sont d'une vitalité incroyable; nous n'avons qu'à penser à RADIO RADIO en Nouvelle-Écosse avec Jacobus et Maleco. Cette station de radio produit du Hip-Hop à partir d'une tradition acadienne. Je pense également à Mathieu D'Astous qui s'inspire, au Nouveau-Brunswick, de rythmes africains.

Je pense au Manitoba, aux filles de Madrigaia qui réinventent le genre, des Saint-Pierre, jeune relève en Colombie-Britanique, des Amélie Lefebvre en Ontario, bref sur le plan de l'artiste créateur, nos communautés sont d'une vitalité incroyable. Mais ces artistes créateurs sont menacés parce qu'il faut des moyens et une infrastructure pour atteindre leur propre marché et tous les autres marchés ouverts et disponibles.

Du côté canadien français, l'infrastructure de l'industrie musicale est très pauvre. Il y a un besoin d'investissements et de soutien pour l'infrastructure humaine, c'est-à-dire des gérants et des producteurs. On en a eu la preuve récemment avec des spectacles comme Ode à l'Acadie. Grâce au soutien ponctuel du 400e anniversaire de l'Acadie, il y a eu un investissement majeur dans une production artistique, qui aujourd'hui se promène non seulement le plan national, mais sur le plan international. Lorsqu'on nous donne les moyens, on est capable de présenter un produit qui a du succès sur le plan national et international.

Nous avons des outils du gouvernement canadien, qui visent à soutenir les industries culturelles, mais ceux-ci sont fondés essentiellement sur les rendements économiques. Nous n'avons pas, dans l'industrie, d'entrepreneurs qui offrent des rendements économiques qui leur permettent de se qualifier, par exemple, aux Fêtes de la musique Canada dans le volet des entrepreneurs musicaux.

D'autre part, on a une grande institution, Musique Action, qui finance la production et la commercialisation. Pour y avoir accès, il faut être entouré d'un gérant, ce qui n'est pas le cas pour nous. On a le Conseil des arts du Canada qui, pour toutes sortes de raisons, tente de ne pas faire ce que Musique Action fait et qui, en termes d'investissement pour les communautés acadienne et francophones, représentent moins de 2 p. 100 pour la section musique.

Il en résulte qu'on a absolument besoin d'un fonds d'appui pour soutenir l'adaptation du secteur à la révolution numérique et cela doit toucher l'ensemble du secteur. Ce fonds devrait sans doute être dédié parce que l'expérience des dernières années nous démontre que même s'il y a eu une augmentation du financement public pour notre secteur, on se retrouve à une croisée des chemins où, s'il n'y a pas d'investissement important, cette belle richesse de la diversité de l'expression culturelle canadienne-française et acadienne par la musique et la chanson sera menacée.

Francis Potié, directeur général, Association de la presse francophone : Madame la présidente, je vous remercie de nous avoir invités à témoigner devant le comité. À la veille du Sommet des communautés francophones et acadienne, nous reconnaissons pleinement la pertinence et l'importance de votre objet d'étude qui est l'état de la culture francophone en milieu minoritaire. C'est un très grand sujet et nous avons choisi de concentrer notre intervention sur la question du rôle et de la place des médias en regard de cette culture.

L'Association de la presse francophone représente des journaux communautaires publiés en français établis dans l'ensemble des provinces et territoires du Canada à l'exception du Nunavut; le journal L'aquilon dessert le Nunavut avec du rédactionnel et de la distribution, alors on est partout.

Nos journaux sont implantés, depuis près d'une centaine d'années dans certains cas, mais dans d'autres cas, c'est beaucoup plus récent, cinq ou six ans. On est diversifié. On a des journaux qui sont des organismes sans but lucratif, des journaux qui appartiennent à des intérêts privés et d'autres qui appartiennent à de très grandes chaînes médiatiques, des conglomérats de la presse, de la télévision, de la radio et des journaux. Toutefois, dans tous les cas, ces journaux servent de témoins de la culture francophone dans leurs communautés. Ils ont des rôles multiples et parfois un rôle unique. Dans plusieurs communautés, notre journal ou plus récemment la radio communautaire sont les médias uniques qui représentent et qui s'intéressent continuellement à cette culture francophone. On s'en préoccupe, on la couvre, on en parle et on s'en fait le reflet.

Un des enjeux majeurs des francophones est de réussir à vivre en français dans tous les aspects possibles de la vie. Cela signifie pouvoir consommer de la culture en français; d'avoir des produits de consommation disponibles en français, cela signifie aussi en produire. Il faut avoir les moyens de l'offrir à un public réceptif et de joindre ce public. Ce défi du monde culturel, c'est aussi le défi des journaux et des médias communautaires. On est partie prenante de nos communautés. On est le reflet de leurs enjeux dans le contenu éditorial et on est aussi tributaire de la présence d'un marché francophone. La présence d'une Francophonie vibrante, dynamique et vivante dans un marché est directement visible dans le journal qui la sert et cela a des répercussions sur la vitalité du journal.

On peut difficilement penser qu'une communauté francophone, qui n'est pas dotée de son journal, est en aussi bonne santé sur le plan culturel qu'une communauté dont le journal est dynamique et pertinent dans sa façon de remplir son mandat auprès d'elle. Les journaux font face eux-mêmes à des défis importants pour assurer leur plein succès et ces défis sont de deux types. Certains sont liés à l'industrie de la presse elle-même et certains sont liés au fait de publier dans un contexte minoritaire.

Dans le premier cas, on vit tous de grands changements sur le plan technologique. On peut appeler cela la révolution Internet. Pour les journaux communautaires, comme pour tous les médias d'ailleurs, l'élaboration d'une stratégie gagnante pour Internet n'a pas été immédiatement évidente.

On commence à observer des façons intéressantes de s'attaquer à Internet dans d'autres médias qui demandent des ressources financières et humaines qui, souvent, font défaut à nos journaux, le journal communautaire ou le média communautaire. Jusqu'à un certain point, il faut cesser de se voir comme un journal communautaire qui imprime, et commencer à se voir comme un média communautaire qui dessert la communauté à la fois en imprimé et sur Internet. C'est un gros changement de culture qu'on doit traverser et si on ne le fait pas, quelqu'un d'autre le fera à notre place.

Un autre grand défi pour les journaux, c'est toujours d'être tributaire en situation minoritaire. On a de grands défis de roulement de personnel, de rétention de personnel, de capacité de payer des salaires compétitifs, des capacités de faire croître notre marché, de capacité de vendre de la publicité et d'attirer de nouveaux lecteurs. Ce sont des défis qu'ont tous les journaux, pas seulement les journaux francophones en situation minoritaire, mais ces défis sont accentués dans nos communautés par le fait que nos populations sont relativement faibles et dispersées et ont accès à une panoplie d'autres médias dans la langue de la majorité.

Ce sont des défis constants. Nos journaux font preuve de beaucoup d'imagination pour tirer leur épingle du jeu. On fait des partenariats avec les groupes communautaires, les écoles et les journaux scolaires pour augmenter notre rayonnement. Les journaux ont toutes sortes de stratégies commerciales. On fait de grands efforts pour rejoindre les jeunes d'où toute la question de l'Internet. On sait que maintenant les jeunes consomment leur information beaucoup plus sur Internet que par les moyens traditionnels, et on a à faire face à cette réalité.

Je vais parler brièvement des dossiers de l'Association de la presse francophone. Depuis une trentaine d'années, nous essayons de créer un environnement, d'appuyer nos journaux pour qu'ils puissent évoluer et progresser dans un environnement qui est quand même assez difficile. Dernièrement nous avons fait des démarches après du Programme d'aide aux publications, quand nous étions menacés.

Nous travaillons à l'heure actuelle avec l'Alliance des radios communautaires, la Quebec Community Newspaper Association et d'autres, à créer un programme de recherche continu sur les lectorats et les auditoires des médias minoritaires, qui seront, on l'espère, des outils de vente et de meilleure compréhension de notre impact auprès de la population.

Nous travaillons aussi avec tous les autres groupements de médias minoritaires, avec le ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada pour nous assurer que les médias, qui figurent sur la liste de médias admissibles pour recevoir de la publicité fédérale, soient effectivement des médias qui desservent des communautés, qu'ils soient crédibles, professionnels et intègres.

Nous avons travaillé aussi avec l'ARC du Canada auprès des provinces et territoires du Canada pour les encourager à adopter des politiques de placements de média en français auprès des médias francophones et nous voulons être très actifs auprès de la jeunesse, tant pour avoir une relève professionnelle que pour une relève de la consommation d'information en français. C'est un défi pour tout le monde et je pense que Internet est central sur ce plan.

Un de nos projets récents concerne le Fonds du Canada pour les magazines. C'est un vaste programme d'appui à l'édition canadienne, qui se concentre à permettre à l'industrie des revues à faire face à une concurrence internationale féroce. Nous en sommes venus à la conclusion que, du fait que nous travaillons dans des marchés qui ne soutiennent pas une grosse industrie de magazines francophones à l'extérieur du Québec, les communautés francophones sont exclues de ces programmes. Il y aurait lieu d'envisager que ces programmes appuyent les médias communautaires et les journaux afin qu'ils puissent offrir, couvrir davantage, entre autres et en grande partie la culture, les artistes et les événements culturels. C'est omniprésent dans nos communautés et je pense que cela fait partie de notre mandat.

Le sénateur Comeau : Merci beaucoup, nous sommes très heureux que vous soyez venus partager avec nous vos réflexions. Monsieur Ouellette, vous avez dit dans votre conclusion :

En effet, la situation actuelle des radios communautaires et la récente fragilisation de l'ARC du Canada sont très inquiétants, autant en Atlantique et au Nouveau-Brunswick.

Pourquoi en Atlantique et au Nouveau-Brunswick?

M. Ouellette : C'est en Atlantique, au Nouveau-Brunswick et partout au pays. Pourquoi en Atlantique et au Nouveau-Brunswick? Dans l'organisation de l'ARC du Canada, nous avons des régions, donc des conseils régionaux. Nous avons un conseil pour la province du Nouveau-Brunswick et un pour la région Atlantique qui comprend la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve.

Le sénateur Comeau : Ce sont deux différents conseils?

M. Ouellette : Oui. Il y a un conseil également pour l'Ontario et un autre pour l'Ouest et les Territoires. Voila l'explication.

Le sénateur Comeau : Donc il y a le conseil de l'Atlantique et un conseil du Nouveau-Brunswick.

Ma deuxième question est peut-être une question qui s'adressera à tout le monde. Nous parlons ici, en grande partie, d'une culture francophone. Dans un pays multiculturel, est-ce qu'il y a une culture francophone comme telle ou est-ce que ce n'est pas plutôt une diversité de cultures? On a la culture francophone africaine, la culture francophone acadienne, celle des Caraïbes; quelle est la culture francophone aujourd'hui? Est-ce la culture québécoise? On va nous poser la question : qu'est-ce que la culture francophone?

M. Henry : Je pense que, dans tout ce que vous évoquez, il y a avant tout une langue commune. C'est la base. Il ne faut pas avoir peur. Je pense qu'on a établi au Canada le principe de deux langues officielles et, à l'intérieur de ce grand principe, ce que nous revendiquons c'est autant de diversité, par exemple dans la culture francophone, qu'il peut y en avoir dans la culture anglophone. Les artistes l'expriment très bien. J'ai voulu l'évoquer tout à l'heure et je pourrais évoquer les artistes de l'Ontario avec les Hip-hops, des gens qui viennent d'Afrique et d'un peu partout. Ce sont des collaborations; les artistes d'ailleurs sont certainement les premiers à présenter cette richesse de la diversité et cet exemple de tolérance également aux autres Canadiens, parce que les artistes collaborent entre eux énormément et reflètent la diversité.

Le sénateur Comeau : Donc, il y a plusieurs cultures ayant un lien en commun qui est la langue française. On devrait encourager toutes les cultures à s'exprimer par les arts, la musique, le chant, ainsi de suite. Je voulais juste qu'on établisse cela au tout début, car on m'a posé la question récemment. Nous sommes en train d'examiner la culture francophone, je voulais m'assurer qu'on avait plusieurs cultures avec une langue en commun.

M. Henry : Je dirais plutôt qu'il s'agit d'une culture francophone diversifiée.

Le sénateur Comeau : Cela me convient.

M. Ouellette : J'ajouterais le terme « métissage ». L'Acadie a ce mélange aujourd'hui avec l'Afrique, mais l'Acadie s'est métissé avec l'Irlande; le mélange irlandais-acadien est très important. Vous pouvez aller voir au Cap-Breton comment ce métissage s'est fait au niveau de la musique. Ce métissage existait au XVIIIe et au XIXe siècle; il existe encore à ce jour parce que d'autres rencontres se font, et la rencontre favorise le métissage — pour le mieux, selon moi.

Le sénateur Comeau : Monsieur Ouellette, je pense que vous avez un message très important à offrir. Je me souviens de la communauté d'où je viens. La musique, quand j'étais tout jeune, c'était la musique des États-Unis qu'on appelait la musique Western, parce qu'il n'y avait pas de musique francophone en Nouvelle-Écosse, autre que les vieilles chansons du XVIIe siècle. Donc la musique qu'on écoutait, c'était la musique de Nashville. Puis, avec l'arrivée des radios communautaires, nous avons été exposés à la musique francophone et on pensait que cela n'allait pas marcher. Les gens disaient que c'était la musique des Québécois. En fin de compte, ça marchait très bien. Ce n'était pas seulement la musique des Québécois, c'était la musique du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et de différentes régions de la Nouvelle-Écosse. Une très grande surprise pour toute la population de la Baie Sainte Marie, d'où je viens, a été que la musique francophone a été très bien acceptée. Si vous allez dans les foyers de la Baie Sainte Marie actuellement, la radio est branchée sur CIFA, 104.1 FM.

Je pense que votre histoire est la même que celles des autres régions francophones. C'est une histoire formidable à offrir à la population.

M. Ouellette : C'est une très belle histoire et on aimerait pouvoir encore en écrire de nombreuses pages. C'est une histoire qui est en développement. Vous avez tout à fait raison, toutes les communautés ont bénéficié de l'implantation des radios communautaires pour l'enrichissement culturel. Je suis, pour ma part, originaire de Madawaska et, quand j'étais plus jeune, on écoutait la radio du Québec et celle des États-Unis. On avait le Maine d'un côté et la Rivière Saint-Jean de l'autre.

Dans le sud-est du Nouveau Brunswick, vous aviez depuis de nombreuses années Radio-Canada, bien sûr, mais les gens ne se reconnaissaient pas dans cet accent, dans cette programmation et je pense que c'est encore le cas, ce qui fait qu'ils écoutaient les radios en anglais.

Lorsqu'on a lancé CJSE, dans le cadre du Congrès mondial acadien, en 1994, plusieurs se demandaient si les gens étaient pour écouter cette radio puisqu'ils écoutaient la radio en anglais depuis longtemps. On pointait du doigt les gens du sud-est, on les disait assimilés, qu'ils étaient le maillon faible des Acadiens. Et finalement non, on leur a donné l'occasion d'avoir une radio à leur image, et ils se sont reconnus dans cette radio. C'est un très grand succès. À tel point qu'il y a trois ans, le CRTC a établi une première canadienne et a donné une deuxième licence communautaire pour la région du grand Moncton et du sud-est du Nouveau-Brunswick. C'était une première canadienne dans le sens que CJSE a une licence et le même conseil d'administration a eu une deuxième licence communautaire pour mettre en place une autre radio communautaire, parce qu'il y a un besoin de diversité.

Je pourrais dire la même chose pour l'ensemble des communautés, que ce soit en Alberta, au Manitoba, en Saskatchewan, dans le Grand Nord canadien, partout au Canada, la présence des radios communautaires est un signe de dynamisme, de diversité du paysage radiophonique canadien. Le signal que je lance est qu'il faut pouvoir aider ces communautés à garder leur radio, à la développer pour continuer à enrichir le paysage radiophonique canadien.

Imaginez un seul instant que demain matin, il n'y ait plus de radio communautaire, que se passerait-il dans beaucoup de ces communautés? On se tournerait vers les radios anglophones, et voilà!

Le sénateur Comeau : MM. Henry et Dubé trouveront sûrement intéressant de savoir que non seulement nous avions la musique de Wheeling West Virginia, à cette époque, mais nous n'avions pas d'artistes locaux qui chantaient en français. Et depuis cette époque, nous avons des groupes comme Grand Dérangement ou des gens comme Patrice Boulianne, originaire du Manitoba.

M. Ouellette : Il y a également Ronald Bourgeois, avec qui j'ai travaillé, d'ailleurs.

Le sénateur Comeau : Tous ces artistes qui, après s'être aperçu que les gens aimaient la musique française, sont devenus des artistes de grande renommée.

M. Dubé : On peut aussi penser à l'Ontario, avec Damien Robitaille, présentement. On a eu Robert Paquette, dans les années 1970, qui est très actif au sein de l'ANIM. Damien Robitaille, étais au Club Soda, à Montréal, le 18 avril dernier, pour son grand lancement, son arrivée officielle à Montréal. Il n'y avait plus de place, on refusait des gens à la porte. Dans la salle, il y avait des artistes aussi populaires que Kevin Parent venus voir ce phénomène. Je peux vous dire que les 500, 600 jeunes présents connaissaient tous les paroles de ses chansons, comme Porc-Épic, entre autres.

Cela tombe bien parce qu'en plus d'être secrétaire trésorier de l'ANIM, je suis également pianiste et directeur musical. J'ai fait, entre autres, le Festival de Granby. Je suis très impliqué au niveau de la chanson et de la musique. C'est mon dada.

Je vais justement faire la direction musicale au Chant'Ouest. Je fais également de la formation. L'année dernière, j'ai fait le gala manitobain, avec le Chant'Ouest qui était à Winnipeg. J'ai fait Pacifique en chansons, le 27 avril dernier. Je suis sur le terrain et je vois cette vitalité francophone des minorités. C'est incroyable ce qui se passe. Je sens une sorte de vague — comme il y a eu au Québec avec les Vigneault et autres —, mais là, c'est dans l'Ouest, dans les Maritimes. J'ai l'opportunité d'avoir des contacts en Alberta, et c'est incroyable le talent des artistes.

Comme je le disais tantôt, on est rendu au numérique. Je pense qu'on devra traverser phase et que le gouvernement devra se concentrer sur cette technologies pour aider les artistes à franchir cette étape. La vitalité des artistes de la francophonie canadienne est absolument extraordinaire.

Le sénateur Comeau : Si vous étiez le sous-ministre adjoint mandaté pour préparer une nouvelle politique qui répondrait aux besoins de chacun de vos secteurs, quelle serait cette nouvelle politique? Vous n'avez pas à répondre aujourd'hui, mais vous pourriez peut-être, dans les prochaines semaines, nous faire parvenir cette nouvelle politique.

Si nous n'avons pas de politique en ce moment, et que nous en avons besoin, vous pourriez peut-être nous faire une proposition qui pourrait nous aider, étant donné qu'on a besoin de le faire.

M. Henry : Le Canada veut être compétitif sur le plan international, c'est-à-dire que la culture canadienne — et on pense à l'industrie musicale également — soit compétitive face aux géants américains.

Aujourd'hui, les données ont tendance à changer. Évidemment, on a encore quelques grands joueurs, mais le Canada continue à investir, et il investit majoritairement dans quelques grandes entreprises. Or, ces grandes entreprises sont précisément en train de revoir leur fonctionnement.

J'inviterais le sous-ministre à se donner des outils et des mécanismes d'adaptation rapide. Parce que dans le monde de la révolution numérique, très souvent, le grand problème auquel on fait face c'est que les défis se présentent sur la table, mais les programmes ne changent qu'aux cinq ans. Et face au défi qu'est le nôtre au jour le jour, il y a cet aspect ainsi que celui de la diversité. Les communautés acadienne et francophones ont la prétention de représenter cette diversité de l'expression artistique canadienne-française. Le Canada s'est fait le champion de la diversité culturelle sur le plan international; il doit maintenant trouver des façons de l'appliquer sur le plan national et de soutenir cette diversité.

Le sénateur Tardif : Je tiens d'abord à vous remercier pour votre excellente présentation ainsi que pour votre engagement auprès de nos communautés francophones en situation minoritaire.

Vous avez mentionné, à quelques reprises, la question des annonces gouvernementales. Est-ce que vous recevez votre part dans vos médias pour ces annonces, que ce soit au niveau d'offres d'emploi ou de services? Si je comprends bien, c'est une partie importante de vos revenus. Lorsqu'il y a un manque, qu'il n'y a aucune annonce publicitaire, il y a évidemment un manque de revenus. Est-ce vous recevez votre part du gouvernement fédéral?

Serge Paquin, secrétaire général, Alliance des radios communautaires du Canada : L'an dernier, en juin, il y a eu une motion du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes selon laquelle 5,4 p. 100 — ce qui représente à peu près le taux des communautés en situation minoritaire — serait dirigé vers les médias communautaires en situation minoritaire.

Un an plus tard, on a reçu une lettre du ministre des Travaux publics qui disait que c'était compliqué à mettre en œuvre, qu'on avait déjà une portion sensiblement équivalente. Bref, cela a toujours été un défi pour les radios. Ça l'était peut-être moins pour les journaux; je laisserai M. Potié s'exprimer à ce sujet, parce que selon la loi, le gouvernement, dans l'imprimé, est obligé d'annoncer les avis. Dans le cas des radios, on gardait les chiffres dans notre mémoire, 85 000 $ pour 21 radios, ce n'est pas énorme. Les chiffres tendent à monter un peu, après le moratoire.

On travaille actuellement avec Services Canada. Et en janvier, ils ont rendu public un rapport dans lequel ils disent vouloir rejoindre tous les Canadiens et se concentrer sur les communautés afin de bien les informer de leurs droits et des services offerts par le gouvernement. Pour pouvoir concrétiser un projet spécial avec Services Canada, ce dernier serait prêt à mettre de l'argent sur la table.

On parle d'un montant d'un demi million de dollars par année pour informer nos communautés sur ces services. Encore faut-il obtenir l'aval du Conseil Privé, du Conseil du Trésor et de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. On parle de mesures positives, et justement il en est question dans notre document, mais elles tardent à venir. Il y eut heureusement quelques initiatives. Nous ne retirons pas notre juste part de la publicité du gouvernement fédéral. Une telle initiative pourrait vraiment contribuer à informer mais aussi à améliorer la situation.

On a parlé du Fonds canadien de la radio. Souvent, lorsqu'on fait une demande de subvention, le gouvernement recule et dit que cette ère des subventions gouvernementales est révolue. Mais cet argent existe et est destiné à informer la population. Est-ce que l'initiative ira de l'avant? Nous demeurons très prudent. Même si Services Canada nous assure qu'ils sont très favorables à cette initiative, nous devons obtenir l'aval de tout le monde, ce qui pose un défi constant.

Ce genre d'initiative constitue une mesure positive que nous appuyons à 100 p. 100. J'espère que les fonctionnaires entendront notre message, afin que nous puissions accélérer la mise sur pied de ces mesures. Je souhaite qu'elles aillent de l'avant car ces mesures seront très concrètes. À ce niveau, il nous reste encore beaucoup de travail à faire.

Les agences de placement-média ne nous connaissent pas, elles ignorent notre existence. Elles se contentent des secteurs généraux. Il s'agit bien souvent d'agences anglophones. Il faut toujours revendiquer.

Depuis huit ans, nous tentons, avec beaucoup de difficulté, d'aller chercher notre part de la publicité gouvernementale. L'année dernière, le processus a pris fin au Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes. Aujourd'hui, nous espérons qu'avec Services Canada l'initiative ira de l'avant, avec la foulée de la nouvelle réglementation dans le cadre du projet de loi S-3.

M. Ouellette : Avec le resserrement de la réglementation et des procédures, suite au scandale des commandites, il faut près de 18 mois avant qu'un ministère ne fasse l'annonce d'un nouveau projet. Il faut que le dossier soit étudié au Conseil Privé, au Conseil du Trésor, envoyé à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, puis qu'il revienne.

Lors de ma comparution devant le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, je mentionnais que le budget de l'an dernier, pour la publicité gouvernementale, était d'environ 71 millions de dollars. De ce montant, nous en avions dépensé que 35 millions. Nous n'avons donc pas dépensé tout l'argent.

Des sommes sont prévues. Toutefois, à cause de la lourdeur bureaucratique, on ne dépense pas l'argent. Je ne connais pas beaucoup de ministères qui ne dépensent pas l'argent de ses programmes. Il existe donc un malaise et un problème de ce côté. On vote des sommes qui ne sont pas dépensées. À force de tourner en rond pendant 18 mois, les ministères finissent par abandonner.

L'imputabilité, la responsabilité et la transparence ont de grandes vertus. Toutefois, il ne faut pas que ces mesures empêchent le fonctionnement des programmes. Il ne faut pas empêcher le gouvernement canadien de faire en sorte que les Canadiens soient informés sur les programmes. Or, c'est exactement ce qui se passe actuellement. À cause de la lourdeur bureaucratique, les Canadiens ne sont pas informés sur tous les programmes des ministères et des agences.

La vérification est nécessaire, bien sûr. Mais il en coûte combien de vérifier tout le monde plusieurs fois? Je puis vous dire, dans certains ministères, que nous en avons ras le bol de la vérification. La vérification se fait une, deux, trois, quatre fois et même plus. Pendant que les fonctionnaire doivent produire toute la documentation nécessaire aux vérifications, ils ne peuvent pas se concentrer sur les programmes et, par conséquent, ils ne font pas leur travail. À mon avis, nous sommes allé trop loin. Il faut rétablir l'équilibre.

M. Potié : Notre situation est différente de celle de l'ARC du Canada. Je suis d'accord avec l'Alliance des radios communautaires que le processus d'approbation des campagnes publicitaires est très ardu. Le revenu des journaux a diminué. Avec les élections, le changement de gouvernement et la mise en place du nouveau processus, il a fallu un certain temps pour que les choses reviennent à la normale. Toutefois, la situation n'est pas celle d'il y a quatre ou cinq ans — et je ne parle pas des commandites mais de la publicité.

On remarque chez les journaux francophones, en général, un respect des dispositions de la Loi sur les langues officielles. La radio, de façon générale, rapporte moins en publicité que les journaux. Toutefois, la situation est en train de changer. On se dirige de plus en plus vers Internet.

J'ai assisté à quelques conférences auxquelles ont pris part des associations de journaux tels Canadian Community Newspaper Association (CCNA) et Hebdos Québec. Les statistiques révèlent que Internet grandit de 20 p. 100 par année. Cette croissance se fait aux dépens de la radio et des journaux. Comme médias communautaires et comme partenaires avec le gouvernement fédéral, nous devons nous développer et assumer une présence adéquate et innovatrice sur Internet.

Une autre lacune que nous avons dénoncée au ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux est la suivante : La loi sur les langues officielles, que nous défendons avec rigueur, permet au gouvernement de cibler de façon particulière une communauté linguistique. Toutefois, les ministères ne le font pas, de crainte peut-être d'aller à l'encontre de la Loi sur les langues officielles. Un Plan d'action sur les langues officielles a vu le jour. Ce plan d'action aurait eu intérêt à faire connaître les objectifs et programmes en place auprès des communautés linguistiques en situation minoritaire. Or, ce ne fut pas le cas, et nous croyons qu'il existe une lacune sur ce plan.

Nous poursuivons notre travail auprès de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada pour que les médias qui reçoivent la publicité soient présents et pertinents dans leur communauté.

Le sénateur Tardif : En novembre 2005, des changements ont été apportés à la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Vous avez fait référence à ces changements en parlant du projet de loi S-3, qui devait obliger le gouvernement à consulter les communautés et instaurer des mesures positives.

Avez-vous remarqué un changement dans votre relation avec le gouvernement? Y a-t-il une plus grande consultation lorsqu'un nouveau programme est lancé ou lors de changements à un programme existant? Avez-vous pu constater des efforts, de la part des ministères avec lesquels vous transigez, pour instaurer des mesures positives par rapport au travail que vous faites?

M. Paquin : Je ne veux pas me faire l'écho du dernier rapport du commissaire aux langues officielles. Toutefois, je dois dire que les actions concrètes tardent à venir et on les cherche.

Oui, il y a eu de la consultation et nous avons été informés. Avec M. Potié, nous avons assisté à au moins deux ou trois séances d'information. On nous a préparé à la nouvelle loi et aux nouvelles dispositions. Nous avons entendu plusieurs présentations lors des réunions de l'FCFA du Canada. Des fonctionnaires de Patrimoine canadien sont venus aussi nous exposer les bienfaits de ces nouvelles mesures positives. Toutefois, de façon concrète, il ne s'est toujours rien produit.

Lorsqu'on parle de mesures positives, les fonctionnaires reculent en disant qu'ils ne savent pas exactement de quoi il s'agit. Il n'existe aucune définition claire, actuellement, du terme « mesures positives ».

À défaut de cela, les fonctionnaires préfèrent ne rien entreprendre. Le scandale des commandites a eu un impact important sur la façon de travailler des fonctionnaires. Depuis, il y a des problèmes de placements publicitaires. Les fonctionnaires ont maintenant peur de faire quoi que ce soit. Je vous en donne un exemple concret, aussi banal qu'il puisse paraître. Une personne que nous connaissons à l'emploi du ministère de Travaux publics et Services gouvernementaux s'est fracturée la jambe à plusieurs endroits. Nous avons communiqué avec le ministère afin de connaître le nom de l'hôpital où il séjournait afin de lui envoyer des fleurs. On a refusé de nous communiquer l'information. Depuis le scandale, cela risquerait d'être considéré comme un pot-de-vin peut-être. C'est la réalité que vivent les fonctionnaires. Ils ne font rien et surtout ne savent pas comment s'y prendre parce qu'ils ont peur de se faire taper sur les doigts.

C'est un sentiment généralisé dans la fonction publique. Les fonctionnaires n'ont plus aucune marge de manœuvre. C'est l'immobilisme total. On ne sait plus ce que représente une mesure positive et on a peur des représailles. Cela paralyse la fonction publique et les ministères. C'est du « overkilling ». Quand cela prend 18 mois pour adopter une campagne de publicité, je comprends que les ministères reculent. Il y a trois niveaux de comités pour approuver une campagne publicitaire au nom de l'imputabilité et de la transparence. Cela décourage les gens.

Les fameuses mesures positives on les attend toujours. On n'en a pu vu, à ma connaissance, d'exemple type. Notre projet avec Services Canada va-t-il aller de l'avant? Beaucoup de fonctionnaires le voudraient mais beaucoup sont retenus en laisse parce que tout à coup, au nom de l'imputabilité, cela pourrait froisser quelqu'un ou qu'on puisse faire un mauvais pas. C'est triste de voir que nous avons de belles lois, mais que dans la réalité elles ne sont pas appliquées.

Le sénateur Tardif : Pourriez-vous nous donner une liste de mesures positives après consultation auprès de vos associations ou de votre organisme? Vous pourriez dire au ministère : « Voici ce que nous considérons être des mesures positives. Nous aimerions que votre ministère ou votre département puisse mettre cela sur pied. »

M. Paquin : On a parlé du Fonds canadien de la radio, de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et de Services Canada. Nous avons des listes de mesures positives venant de nos collègues des associations nationales et porte-parole à leur proposer. Juste par rapport aux ententes Canada-communautés et Canada-organismes nationaux, nous demandons une bonification de 24 millions. Ce serait une mesure positive pour aider les communautés qui sont sous-financées. Nous disposons du même financement depuis 1992 environ. Il n'y a pas eu d'augmentation pour notre association. De plus, notre principal bailleur de fonds, Shaw Communications, est une compagnie privée de Calgary strictement anglophone. Elle va nous laisser tomber au mois d'août. Notre association perdra 320 000 dollars. Pour ce qui est de l'autre partie, nos associations regroupées avec la FCCF et FCFA, dont plusieurs dizaines d'organismes, revendiquent des fonds depuis plusieurs années, mais il n'y a pas de budget. On se fait servir ce discours toutes les fois. On a rencontré des fonctionnaires, la sous-ministre de Patrimoine canadien et même l'adjointe de la ministre, Mme Oda. La réponse est claire : nous n'avons pas d'argent. Nous ne pouvons pas en mettre sur pied parce qu'on coupe des programmes. Est-ce que couper des programmes représente une mesure positive? Je ne crois pas. C'est clair à ce niveau.

Entre ce qu'on peut bien voir dans la loi et ce qui est mis de l'avant concrètement, il y a un écart. On attend des gestes concrets malheureusement. Des revendications on en a et des projets aussi. On le fait valoir aux fonctionnaires, mais c'est abstrait une mesure positive tant que quelqu'un au gouvernement ne dit pas : « Voici quelques exemples de mesures positives, voici à quoi cela va contribuer et qu'on encourage les ministères à le faire ». On encourage sur le bout de lèvres, mais il n'y a pas encore de précédents clairs, nets et précis. Il faut partir au moins avec quelques exemples pour pouvoir continuer la série des mesures positives, mais que pouvons-nous faire tant qu'il n'y aura pas de choses concrètes? Est-ce voulu aujourd'hui que le gouvernement ne veuille pas mettre de l'avant de mesures concrètes, qu'il dise qu'il laisse cela dans l'air du temps? Entre 1985 et aujourd'hui, il s'est écoulé tout près de 25 ans. Il serait temps de voir de vraies mesures positives.

La présidente : M. Potié, aviez-vous quelque chose à ajouter?

M. Potié : On a deux mesures en tête, une qui a presque vu le jour, mais avec toute l'incertitude entourant le Programme d'aide aux publications, elle a soudainement disparu. Le Programme d'aide aux publications a toujours soutenu qu'il devrait y avoir des dispositions qui soient spécifiques à la presse francophone ou anglophone en situation minoritaire et qui tiennent compte des marchés dans lesquels on travaille. Les fonctionnaires étaient prêts à mettre en place quelque chose. Ils sont même venus à notre assemblée annuelle pour nous annoncer la bonne nouvelle. Peu après, on a appris que la Société canadienne des Postes allait probablement retirer son financement. C'est sur la tablette. C'est un exemple mineur. Ce n'est pas des gros fonds dans notre cas.

Au plan du Fonds du Canada pour les magazines, il y a un programme d'aide à l'édition de magazines qui est très bien pour cette industrie, mais encore une fois, c'est l'exemple d'un programme mis sur pied pour la majorité. On n'a rien contre. Mais quand on va cogner à la porte, on remarque que la réalité de nos communautés, de nos marchés et de nos entreprises fait qu'il n'y a pas de porte d'entrée pour nous. Il y a lieu de travailler avec le ministère Patrimoine canadien pour inventer quelque chose.

M. Henry : Je me permettrai juste d'exprimer un doute. Je ne pense pas avoir de réponse, mais lorsque vous évoquez le projet de loi S-3, — évoqué aussi dans le document que vous avez produit — on parle des arts et de la culture or Patrimoine canadien est notre principal interlocuteur. De façon générale, lorsqu'on parle de financement, on parle de 80 ou 90 p. 100 du budget. Tout vient essentiellement, pour les communautés acadiennes et francophones, du ministère du Patrimoine canadien mais comme ce ministère a déjà deux têtes, une les langues officielles et l'autre, les arts et la culture, permettez-moi de douter.

Le sénateur Tardif : Tous les ministères sont responsables, y compris Patrimoine canadien.

M. Henry : Je n'en doute pas.

La présidente : À titre d'exemple, une mesure positive venant de Patrimoine canadien pourrait-elle être une politique culturelle nationale qui comprendrait un fonds d'appui pour l'adaptation numérique? Est-ce que ce serait une mesure positive dans votre esprit? Il faut essayer de comprendre ce que cela veut dire. Cela n'a jamais été défini.

M. Henry : Oui, sans doute. Les industries culturelles et mes collègues des autres plateformes artistiques, que ce soit les gens de théâtre, les producteurs en télévision ou en cinéma, tous sont confrontés à un problème d'accès à Patrimoine canadien.

La présidente : Le gouvernement a peut-être besoin de vous pour l'aider à définir ce qu'est une mesure positive. Cela ne serait peut-être pas vilain d'y songer. De cette façon, lorsque vous aurez vos rencontres avec les fonctionnaires ou les ministères, vous arriveriez avec une contribution. Ce n'est qu'une idée qui m'est venue à l'esprit et c'est la raison pour laquelle je vous posais la question.

M. Ouellette : Nous avons une mesure positive pour le Fonds canadien de la radio communautaire. Cela fait déjà un an qu'on en parle à tous les niveaux. La ministre a malheureusement refusé de nous recevoir pour qu'on lui en parle. Cependant, on a rencontré la sous-ministre et son adjoint politique. L'année dernière, on en a parlé au Comité des langues officielles et au Comité du patrimoine canadien. On en parle au CRTC. Cela fait au-delà d'un an qu'on en parle. J'espère qu'on sera entendu et qu'on sera sur la liste.

M. Paquin : L'exemple de Services Canada et des guichets uniques, c'est une excellente initiative. Il y a déjà, on le sait, un budget assez important et c'est une priorité, pour le gouvernement actuel. Où cela devient aussi une mesure positive, c'est qu'on va cibler un média et des communautés et adapter cette publicité en fonction d'un public cible et de médias cibles. Les journaux et les radios de proximité s'adressent directement aux communautés. On doit écouter ces citoyens dans leur langue. On doit être proche d'eux pour leur parler.

À la radio de Baie Sainte-Marie, CIFA, j'ai demandé aux gens : « Pourquoi vous n'écoutez pas Radio-Canada? Vous avez une radio d'État depuis des années. » La réponse est simple : « On ne comprend pas ce qu'ils disent en ondes. » Comment Radio-Canada peut s'adresser à une population francophone tout en sachant que cette population ne comprend pas le français qu'on utilise? Si on prend l'argent de Services Canada et qu'on le donne aux radios, mais que ce sont des Acadiens de la Baie Sainte-Marie qui en font la promotion, ils vont comprendre de quoi on parle. C'est cela une mesure positive. C'est de pouvoir adapter le contenu par rapport à la réalité des communautés.

Le sénateur Losier-Cool : D'abord, je m'excuse d'être arrivée en retard, j'occupais une autre fonction parlementaire en remplacement du Président du Sénat. Cela étant dit, j'aurais voulu entendre votre présentation parce que je suis très heureuse que le Sénat nous ait donné le mandat d'examiner l'état de la culture francophone, surtout en situation minoritaire.

Je souhaite également que l'on puisse réfléchir au fait que la culture n'est pas seulement une question d'argent. En d'autres mots, si on était très riche, est-ce qu'on pourrait dire que la culture se porte bien? Est-ce qu'on pourrait avoir une certaine culture?

Je reviens aux mesures positives que j'ai entendues et j'imagine que vous avez dit, dans vos présentations, que la première des choses que vous conseillez à notre comité, c'est de recommander qu'il y ait une politique fédérale sur la culture.

Cela étant dit, est-ce que les écoles, les communautés et la jeunesse sont impliquées dans cette politique culturelle? Vous avez mentionné le cas de la Baie Sainte-Marie et c'est peut-être une des raisons pour lesquelles on a entrepris de faire cet examen parce qu'on sait comment on est en danger. J'aimerais entendre les réflexions des membres de la communauté en ce qui a trait à la culture. Est-ce qu'on croit à une culture francophone? Il y a des jeunes qui grandissent dans un milieu bilingue et pour eux, il est parfois difficile de s'identifier.

Aujourd'hui, c'est notre première discussion à ce sujet et on essaie de balayer autant que possible la question. Je veux entendre parler d'autre chose que du côté monétaire. Si le gouvernement fédéral vous donnait demain les milliards dont vous avez besoin, que feriez-vous?

M. Henry : Je ne veux pas insister là-dessus, mais le Canada se trouve entre le modèle américain où le privé investit largement dans les arts et la culture et un modèle européen. La Grande-Bretagne et la France investissent davantage per capita dans les arts et la culture. On se retrouve entre les deux et on est mal servi de façon générale. C'est ce qui fait qu'on peut possiblement donner l'impression qu'on a une obsession pour l'argent, mais on a véritablement besoin de sous.

Ceci dit, depuis les deux ou trois dernières années, beaucoup d'initiatives ont démontré à quel point les communautés veulent intégrer davantage les arts et la culture. Il y a le Sommet sur l'éducation qui a eu lieu il y a un an ou deux où l'ensemble des commissions scolaires à travers le pays ont intégré dans leurs plans d'action ce qu'on appelle la construction identitaire. Il y a des projets à travers le pays. Il y en a en Ontario où la collaboration entre le milieu de l'éducation et le milieu des arts et de la culture est de plus en plus importante.

Il y a un intérêt des communautés à consommer leur culture, à s'entendre et à se parler. Il y a un véritable intérêt, au-delà de l'aspect financier, à vivre de cette culture, de l'exprimer et de la consommer.

M. Ouellette : Je vais vous donner un exemple autre que celles des radios communautaires. Je vais porter un autre chapeau. Je suis le vice-président des Éditions Perce-Neige, à Moncton, qui publient de la poésie. Récemment, le gouvernement du Nouveau-Brunswick s'est doté d'une politique du livre. Ce qui n'existait pas. Cela fait toute la différence au monde. J'en parlais dernièrement avec les membres de mon conseil d'administration et avec le directeur général. Il y a des commandes de livres! Les librairies en achètent, les écoles en achètent et les bibliothèques publiques en achètent. En adoptant une politique du livre, la province du Nouveau-Brunswick n'a pas investi des millions et des milliards de dollars. Elle a donné un cadre qui fait en sorte que maintenant, les écoles et les bibliothèques achètent des livres. Nos petites maisons d'édition vendent des livres. On a des entrées d'argent. Voilà un exemple très concret.

Je vous encourage vivement à adopter une politique culturelle canadienne dynamique et vivante qui fera en sorte qu'on aura des sources de revenu, pas nécessairement à cause des subventions gouvernementales, mais à cause d'un cadre et d'un environnement propice. C'est ce qui est important. Ce n'est pas seulement la subvention.

La subvention est fragile. Demain matin, on coupe la subvention et on disparaît. Cependant, des politiques font en sorte qu'on a un milieu dynamique qui devient autosuffisant. Le Québec a compris cela depuis longtemps et il a copié sa politique sur la France. Au Nouveau-Brunswick, on n'avait pas de politique du livre, donc on achetait tous les livres au Québec. Nos éditeurs au Nouveau-Brunswick et les maisons d'édition avaient zéro. Essayez de vendre un livre au Québec si vous n'êtes pas au Québec. Bonne chance! Essayez d'aller vendre un livre en France si vous ne l'avez pas édité en France. Bonne chance!

M. Potié : Votre question est un peu philosophique. D'abord, culture et communication vont forcément ensemble. La diffusion de la culture se fait beaucoup par les différents canaux de communication qui existent. Par la force de nos marchés et parce qu'on est voisin des États-Unis — ce qui n'est pas pratique —, même avec tout l'argent du monde, on sera toujours dans une situation où on occupe peu d'espace dans le monde des communications.

Il ne faut pas se leurrer, les gens qui vivent dans nos communautés ne vont pas, à quelques exceptions près, consommer uniquement la culture francophone et les communications francophones. On a le grand défi de construire un espace francophone qui soit assez intéressant, diversifié, dynamique et vital pour au moins attirer leur attention une partie du temps. Si on a CSI et je ne sais pas quelle autre émission qui est vraiment à la mode, les gens vous tout de même les regarder.

C'est une réalité. On ne peut pas dire : cette communauté a un journal et une radio, alors elle est correcte. Si on a Sirius Satellite Radio, on a 150 chaînes de télévision en anglais, on n'a pas le choix, on doit continuer de développer les communications et la culture en français.

Le sénateur Losier-Cool : C'est parce que vous faites partie des communications et de la presse écrite. Le Comité sénatorial des transports et des communications a fait une étude l'année dernière sur les média et sur le contrôle des intérêts privés sur les médias. Vous avez certainement lu comment le New Brunswick News, aux mains de la famille Irving, contrôle vraiment la presse francophone.

M. Potié : Au Nouveau-Brunswick, oui.

Le sénateur Losier-Cool : C'est un défi certainement pour Acadie Presse et l'Acadie Nouvelle. On y voit un exemple. Je ne veux pas faire de la philosophie du tout, mais je veux que vous nous disiez que notre comité a eu raison d'entreprendre cette étude sur la culture dans les milieux francophones en situation minoritaire. On s'est penché sur la santé, sur l'éducation, et on s'est dit que la culture touchait à la partie VII de la Loi sur les langues officielles qui doit favoriser l'épanouissement. Je voudrais, peut-être terminer sur cette réflexion, vous demander : est-ce que nous avons eu raison ou est-ce que nous perdons notre temps à poursuivre cette étude sur la culture francophone?

M. Ouellette : Je pense que vous avez raison, car le Sénat est la Chambre où on rassemble la sagesse dans pays. J'espère que ce gouvernement, ou peut-être un prochain dans six mois ou un an, aura la sagesse de vous écouter, pour une fois.

M. Henry : Je pense aussi que c'était important parce que, si on veut au Canada avoir des communautés fortes, en dehors de Toronto, Montréal ou Vancouver, il faut donner à l'ensemble des Canadiens, et surtout aux francophones à travers le pays, l'accès à cette culture parce que les arts et la culture contribuent à l'intégration des individus à leur communauté, à leur province et à leur nation. Je pense que les arts et la culture, c'est aussi un projet de citoyenneté. L'accès aux arts et à la culture, partout au pays, est important. El y a toutes sortes de phénomènes, en ce moment au Canada; on a parlé de la révolution numérique plus tôt, si on ne veut pas manquer le bateau et si on veut s'assurer du mieux être de tous le Canadiens, il y a effectivement matière à se pencher de façon sérieuse sur la place des arts et de la culture a travers le pays.

M. Dubé : Pour ma part, je voudrais dire au nom de l'ANIM que je suis très heureux d'être ici. Cela me fait très chaud au cœur d'avoir été invité. Je suis aussi artiste, cela fait 30 ans que je suis dans le métier; comme pianiste et directeur musical, je me promène partout en Europe et c'est la première fois — ça m'énervait d'ailleurs — que je viens ici et je suis très honoré. Je vous remercie beaucoup et je pense que vous ne faites pas fausse route, au contraire. Je pense qu'en invitant des gens comme l'Alliance nationale — j'en fais partie, je suis au CA — et des intervenants comme la presse et les radios communautaires, vous faites bonne route. J'espère que ce ne sera pas la dernière fois, j'aimerais bien revenir.

La présidente : Sénateur Murray, vous avez une question?

Le sénateur Murray : Oui, j'en ai plusieurs, madame la présidente.

[Traduction]

Je devrais peut-être poser mes questions en anglais étant donné que je suis le seul anglophone de ce comité, mais je ne le ferai pas.

[Français]

Monsieur Potié, pour clarifier ce que vous nous avez dit sur le programme fédéral d'aide aux magazines, vous ne vouliez pas dire que les magazines francophones ne sont pas éligibles ou ne tirent pas profit de ce programme?

M. Potié : Ce que je veux dire, mis à part une ou deux exceptions, c'est qu'il n'y a pas d'industrie de magazines francophones en situation minoritaire.

Le sénateur Murray : Les autres sont bien rentables de toute façon, tel la revue L'Actualité, et d'autres.

M. Potié : Ceux-là rentrent, et c'est correct. On préconise une politique pour appuyer nos magazines canadiens, et des ressources consacrées à l'appui à l'édition, à la rédaction, au contenu canadien. Mais peut-être que pour les communautés francophones en situation minoritaire il peut y avoir des critères adaptés à la réalité qu'ils vivent. Apparemment ils ne font pas un magasine « glossy » où ils vont attirer les annonces de Honda ou Nissan, parce que Nissan ne voudra pas annoncer pour 3000 personnes.

Le sénateur Murray : Mais il y a des magazines francophones, non?

M. Potié : Il y a Liaison, qui est un magazine culturel d'Ottawa, et il y a quelques magazines littéraires, Virage ou d'autres. Il n'y a pas de magazine d'actualité; si on les compte en ce moment, il en existe trois et deux sont des publications soi-disant universitaires. Il n'y en a pas beaucoup. Cela demande beaucoup d'argent.

Le sénateur Murray : Ils sont à but non lucratif ou est-ce qu'ils sont forcément non lucratif?

M. Potié : Forcément, il n'y a pas beaucoup d'argent à faire dans l'industrie des revues francophones hors Québec.

Le sénateur Murray : Vous envisagez une politique?

M. Potié : On envisage d'abord une discussion avec les représentants du programme. On voudrait une politique qui tienne compte des objectifs d'appui à la croissance de contenu canadien et qui se tourne vers le seul partenaire qui existe en ce moment dans les communautés francophones, qui est la presse communautaire. Il faut que les représentants nous posent la question : comment peut-on vous aider à mieux servir les communautés et aider ce programme à rejoindre ses objectifs?

Le sénateur Murray : Même si le contenu est un peu spécialisé dans le cas des universités, par exemple, il y a peut-être d'autres sources d'aide fédérale ou même provincial pour ces magasines, non?

M. Potié : Nous sommes une association de journaux, alors je ne suis pas extrêmement au courant de la réalité des magazines. Ce que nous disons, c'est qu'un programme existe, mais qu'il n'est pas adapté à la réalité des francophones en situation minoritaire.

Quand je parle de l'intention du projet de loi S-3, la façon dont nous l'avons compris, c'est que quand un ministère a un programme et que les minorités et collectivités francophones essayent d'y avoir accès, on leur dit : « Excusez-nous, voila nos critères. » Cela prendrait des critères qui donneraient un impact similaire dans nos communautés, mais avec les réalités et les outils qu'on a dans l'imprimerie, ce sont des journaux communautaires. Ce n'est l'Actualité ni Elle ni Coup de Pouce.

Le sénateur Murray : Monsieur Henry, je connais lamentablement peu de votre industrie, mais il y a deux questions qui me viennent à l'esprit. Aurais-je tort de dire ou de répéter ce que j'ai entendu dire par d'autres : que les artistes francophones sont mieux situés que leurs homologues anglophones car ils ont un marché assuré même captif au Canada. Ils ne sont pas menacés par la concurrence américaine au même degré que leurs homologues anglophones?

M. Henry : Peut-être il y a encore quelques années, mais les choses ont changé avec la révolution numérique. Le problème est très canadien. Ma fille achète sa musique seulement sur Internet à 99 cents la pièce. Cette nouvelle génération de Canadiens est celle qui achètera à l'avenir. On prévoit que le support plastique, le CD va disparaître, comme la cassette et le vinyle ont disparu. L'auditoire est plus captif parce qu'il a accès à des pièces de partout sur la planète. Il faut donner accès au contenu de ses propres communautés. Non, il n'y a plus de marché captif.

Le sénateur Murray : Ma prochaine question pourrait vous sembler un peu épineuse. Les politiques fédérales qui touchent votre industrie sont sur des droits d'auteur, les problèmes que vous venez d'évoquer, Internet, les traités commerciaux avec nos partenaires commerciaux à travers le monde y a-t-il des politiques fédérales sur lesquelles vos intérêts, vos perspectives et celles de vos homologues de l'industrie anglophone du Canada sont fortement opposés?

M. Henry : Existe-t-il dans l'application des programmes de l'opposition?

Le sénateur Murray : Pas de l'application ou du développement. Y a-t-il des politiques qui vous opposent à vos amis anglophones?

M. Henry : Non.

Le sénateur Murray : Non. Donc, vous êtes sur un terrain commun.

M. Henry : Effectivement et à bien des égards, d'ailleurs. Le Nouveau-Brunswick en est un exemple. Il y a maintenant une association sectorielle Musique Nouveau-Brunswick qui est un organisme bilingue. On constate que dans les deux communautés des problèmes et des défis semblables existent. On fait front commun pour exiger des solutions à ces problèmes, par exemple le problème des infrastructures humaines, les gérants et producteurs, les problèmes sont parfois semblables.

Le sénateur Murray : Sur le plan de nos politiques commerciales internationales, c'est la même chose?

M. Henry : Au premier abord, il n'y a pas d'application des politiques qui nous opposent. Au contraire. Peut-être que cela nous oppose, mais en partie seulement. Prenons le cas du Fonds de la musique du Canada et comme les autres industries culturelles, je vous le mentionnais, l'investissement du gouvernement canadien est fondé sur le rendement économique. Alors, la question que l'on se pose est : le dollar investi dans l'industrie ou l'entreprise vous rapportera combien? Rapportera combien au Canada? Cela favorise les grandes entreprises canadiennes, les grandes entreprises francophones au Québec et c'est comme cela pour l'ensemble des programmes que ce soit en édition ou en musique.

Le sénateur Murray : Il s'agit d'une question de votre juste part.

M. Henry : Exactement. Cela ne nous oppose pas nécessairement aux anglophones, mais la réalité étant que de notre côté des communautés des langues officielles, on ne dispose pas de grandes entreprises. Ceci dit, il existe des modèles en édition, par exemple on a adopté le principe de l'équivalence. On a commencé à y songer à Musique Action et à l'adapter de certaines façons. L'équivalence étant votre marché cible représente cela, donc pour se qualifier en chanson musique, il faut que l'entreprise ait un certain nombre de ventes d'albums, d'artistes signés, par exemple. Il existe des mesures économiques qui permettent à des entreprises d'être financées par le Fonds de la musique du Canada, par exemple. Il n'y a pas de critère d'équivalence. Les éditeurs ont adopté des critères d'équivalence qui permettent aux éditeurs canadiens-français d'avoir accès à un certain pourcentage du financement du PADIÉ. De la même façon, le Fonds canadien de la télévision a adopté plutôt la mesure de l'enveloppe fermée minimum de l'ordre de 250 000 ou 300 000 $ qui a ses propres critères pour les producteurs francophones. Cela a permis à certaines productions hors Québec d'être fait. En télévision et cinéma, c'est encore plus lourd. Souvent, il n'y a pas de vie possible en dehors de Toronto, Montréal et Vancouver parce que c'est un média qui est lourd. Pourtant, avec cette mesure, cette enveloppe, il y a effectivement, par exemple en Ontario, des productions de télévision comme Francoeur qui ont été produites et qui remportent du succès.

Le sénateur Murray : M. Ouellette, le seul poste radio communautaire que je connaisse un peu est à Chéticamp au Cap-Breton, une région que je fréquente pendant l'été. C'est très bon, d'ailleurs. Je comprends ce que vous avez dit à propos de l'importance de la radio communautaire.

La question qui me vient à l'esprit, c'est la gouvernance de la radio communautaire en place. Bien sûr, elles sont réglementées par le CRTC, mais sur le plan local, comment se gouvernent-elles? Est-ce qu'il y a un modèle de gouvernance? Comment évite-t-on qu'un petit groupe prenne contrôle, qu'ils s'emparent du poste? Sur le plan des nouvelles, par exemple, dans les régions francophones, il y a des questions qui parfois divisent la communauté, qui oppose différents secteurs de la population. Comment assure-t-on que la politique éditorial, les deux points de vue sont présents. Y a-t-il un modèle de gouvernance sur le plan local?

M. Ouellette : C'est une excellente question. D'abord, les radios communautaires sont à but non lucratif, certaines ont la formule coopérative dont celle de Chéticam et d'autres modèles aussi. Elles vont suivre le modèle coopératif, donc dans leur façon de fonctionner, il y a une réglementation, une culture qui est celle de la coopération. C'est une façon de fonctionner. L'autre façon de fonctionner c'est d'être une entreprise à but non lucratif. La radio appartient à la communauté, c'est le point de départ. J'ai été président et membre du conseil d'administration pendant quelques années de la radio à Shediac, donc je peux parler au premier plan de cette expérience. Il y a des expériences qui se multiplient.

Le sénateur Murray : Vous êtes élu par la communauté?

M. Ouellette : Oui. Les gens de la communauté sont invités à acheter une carte de membre de la radio.

Le sénateur Murray : Comme dans une co-opérative, oui.

M. Ouellette : Une assemblée générale est tenue à tous les ans et tous les membres sont invités à cette assemblée appelée à élire un conseil d'administration. Le conseil d'administration doit ensuite former un bureau de direction. Enfin, ce bureau de direction doit travailler de pair avec le conseil d'administration.

Le sénateur Murray : C'est le cas avec les 21 postes?

M. Ouellette : C'est le cas avec tout le monde. Ceci dit, vous mettez le doigt sur quelque chose de très sensible, la question de la gouvernance. C'est un défi permanent dans toutes nos communautés et je dirais même partout; la Banque mondiale a dû faire face à des problèmes de gouvernance. Il y a plein d'exemples qui démontrent que cela existe partout. C'est humain. Il y a eu des crises dans certaines stations de radio, des difficultés, des tentatives de prise de contrôle.

À l'ARC du Canada, nous travaillons beaucoup avec nos membres. Nous avons un service d'aide, une personne à temps complet est disponible pour aider les stations de radio. Nous développons donc des modèles de gouvernance, des gabarits. Nous fournissons également de la formation. Un des principes de gouvernance que l'on applique partout, c'est que le conseil d'administration et le président d'une radio ne sont pas ceux qui gèrent la radio, mais bien la direction générale.

Nous offrons de la formation afin d'expliquer la différence pour que les membres du conseil d'administration ne s'immiscent pas dans le fonctionnement de la station de radio, ni dans la programmation régulière. Le rôle du conseil d'administration est de donner des lignes directrices.

Malheureusement, malgré toutes nos approches pédagogiques et la formation que nous offrons, nous devons chaque année faire face à des crises dans certaines stations de radio où des membres du conseil d'administration pensent que la radio leur appartient ou que ce sont eux qui doivent gérer la station. Lorsque cela arrive, il y a un problème et il peut survenir une crise. C'est un problème récurrent.

En d'autres mots, on ne réglera jamais le problème de la gouvernance. Pourquoi? Parce que cela repose sur le bénévolat. Tous les ans ou tous les deux ans apparaissent de nouveaux membres, un nouveau conseil d'administration, de nouvelles formations, de nouvelles sensibilisations. Eux, ils ont compris, ils s'en vont et on recommence. Cela fait partie des règles du jeu.

Vous posez toutefois une question très pertinente. C'est pour cette raison que dans notre projet de Fonds canadien pour la radio, une partie du fonds sera utilisée pour la formation liée à la gouvernance. C'est important parce que lorsqu'une crise survient dans une communauté — et je pense qu'autour de la table il y a des gens qui ont des expériences de belles chicanes au sein des radios communautaires — cela peut carrément tuer une station de radio.

Le sénateur Murray : Mais votre alliance n'a qu'une autorité morale?

M. Ouellette : Oui, tout à fait. Cela fait partie de notre mandat. Nous offrons des services aux membres qui décident volontairement de faire partie de l'Alliance et nous leur apportons des services. Parmi ces services figure l'aide pour les questions de gouvernance. Il arrive qu'on envoie un pompier dans une communauté pour régler un feu. Cela arrive. Votre question est tout à fait pertinente.

Comme je l'ai mentionné, ce n'est pas parce que c'est la communauté qu'on est parfait. Ce n'est pas parce que c'est la communauté que ce n'est pas bien non plus. La gouvernance est un problème qui existe et c'est un problème qui se pose partout, y compris dans nos communauté. Je peux vous dire que nous mettons en place des mécanismes. Il faut dire aussi que la plupart de nos stations de radio fonctionnent sous l'égide des lois provinciales.

Lorsqu'on dépose les statuts d'une station de radio, il y a des règles à suivre. Il faut avoir une AGA une fois par année. Il faut avoir un budget. Il faut faire vérifier le budget par des comptables. Finalement, il faut faire preuve d'une saine gestion et des pratiques de gouvernance afin de respecter la loi.

Je pense que nos stations de radio, dans l'ensemble, respectent la loi. Mais vous avez raison, c'est un talon d'Achille. C'est une difficulté permanente, mais nous y travaillons.

Le sénateur Tardif : Récemment, le Canada a pu faire accepter à l'UNESCO une politique sur la protection et la promotion de la diversité culturelle. Selon vous, cette politique représente-t-elle un atout concernant l'appui à la culture pour les communautés francophones en milieu minoritaire? Croyez-vous que cela puisse avoir un effet?

M. Henry : Évidemment. D'abord et avant tout, cette convention permet aux états de soutenir et d'intervenir pour à la fois préserver et développer sa culture. Maintenant, c'est dans son application qu'on verra comment cela pourra contribuer aux communautés de langues officielles et comment cette diversité sera soutenue au Canada.

M. Paquin : C'est une bonne initiative dans les faits, mais il reste maintenant à savoir comment chacun des états vont l'appliquer. C'est une autre chose. Ce qu'il faut comprendre par rapport à toutes les questions de culture, c'est que c'est très fragile, surtout en situation minoritaire. Même le Québec n'est pas à l'abri de certains dérapages et d'une certaine assimilation avec la mondialisation dont on a parlé tantôt et les nouvelles technologies. C'est de plus en plus accessible.

J'ai aussi des filles adolescentes et elles aussi consomment de plus en plus d'un bout à l'autre du globe. C'est un défi constant, mais il faut créer un environnement propice et cela débute dès la petite enfance. Il faut donner les outils à ces communautés pour pouvoir accompagner de la petite enfance à l'école primaire et au secondaire. On sait qu'il y a beaucoup d'exodes des francophones et beaucoup d'assimilations avec les mariages exogames. Mais si on ne donne pas les outils et les politiques favorables à cet épanouissement de notre culture francophone — cela inclut également toutes les ethnies aussi qui parlent français — nous allons encore perdre du terrain.

Il est donc important non seulement de consolider nos acquis mais également de planifier notre avenir et assurer tout un environnement. Nous avons parlé tantôt de la santé et de l'éducation; la culture touche tous les niveaux. C'est un gros défi et un gros mandat, mais il faut poser aujourd'hui des gestes concrets pour assurer cette relève francophone et assurer la pérennité de la culture.

La présidente : Messieurs, au nom du comité, je tiens à vous remercier très sincèrement pour votre présentation et pour vos réponses aux maintes questions des sénateurs et sénatrices. C'est un très bon début pour notre nouvelle étude. Si vous avez des suggestions à faire parvenir au comité, s'il vous plaît communiquez avec la greffière et il nous fera plaisir de les recevoir.

Chers collègues, nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes et nous procéderons ensuite à huis clos pour les travaux futurs du comité.

La comité poursuit ses travaux à huis clos.


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