Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement
Fascicule 8 - Témoignages du 2 mai 2007
OTTAWA, le mercredi 2 mai 2007
Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui à 12 h 8, conformément au paragraphe 48(1) du Règlement du Sénat, pour discuter de la motion visant à ce que, lorsque le Sénat siège, les délibérations de la Chambre haute, à l'instar de celles de la Chambre basse, soient télédiffusées ou autrement enregistrées sur bandes vidéo afin d'être diffusées en direct ou rediffusées sur CPAC ou une autre station de télévision à des moments opportuns pour les Canadiens.
Le sénateur Consiglio Di Nino (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Je précise à l'intention des témoins, qui se trouvent au Royaume-Uni et avec qui nous sommes en liaison par vidéoconférence, que le comité étudie la motion du sénateur Segal portant sur la télédiffusion des délibérations du Sénat. Lors de nos travaux, il a été recommandé que le comité étudie l'expérience vécue par d'autres chambres hautes du système de Westminster. Nous ne pouvions donc pas rêver mieux que de nous adresser à des membres de la Chambre haute de Westminster, ce qui a été rendu possible grâce à David Beamish, greffier de lecture du bureau outre-mer. Nous allons donc entendre lord Elton, lord Graham et la baronne Bonham-Carter. De plus, Barbara Long, directrice, Télédiffusion parlementaire, répondra aux questions de nature technique. Je vous remercie tous d'avoir trouvé le temps, dans votre horaire par ailleurs chargé, de vous entretenir avec nous.
Je m'appelle Consiglio Di Nino et je suis président du Comité permanent du Règlement. Pour commencer, je vous invite à nous parler des craintes et des espoirs que vous entreteniez à propos de l'arrivée de la télévision, quant à l'effet qu'elle risquait d'avoir sur le fonctionnement global de la Chambre haute. Dites-nous si vous avez eu raison d'entretenir de tels sentiments.
Je vous invite à commencer, lord Graham.
Lord Graham of Edmonton, Chambre des lords : Je m'appelle lord Graham of Edmonton. J'ai visité l'adorable ville d'Edmonton il y a quelques années. J'ai été député à la Chambre des communes pendant dix ans, de 1974 à 1983, avant d'intégrer la Chambre des lords en 1983. J'ai donc fréquenté les deux Chambres. Comme vous le savez, nous avons commencé par télédiffuser les débats de la Chambre des lords avant de faire la même chose à la Chambre des communes.
Dans l'ensemble, nous craignions que la télévision ne vienne perturber le déroulement de nos travaux. Je dois toutefois vous dire, sénateurs, que tel n'a pas été le cas. À la Chambre des lords, après 20 ans de télédiffusion de nos délibérations, force est de constater que la télévision est bien accueillie et qu'elle est appréciée par les lords. Elle n'est pas gênante et nous ne subissons aucune interférence. Il est évident que tout le monde est conscient de la présence des caméras, mais celles-ci ne perturbent en rien la procédure. Au cours des 20 dernières années, pour autant que je me souvienne, la télédiffusion des travaux de notre Chambre a été très bien accueillie par la population en général qui comprend maintenant la façon dont nous travaillons. Elle est bien sûr consciente de la différence entre les deux Chambres, qui ont les mêmes fonctions, mais qui évoluent différemment. Certains disent parfois que notre niveau de débat est plus élevé, mais ce n'est pas là un argument dans lequel je vais me lancer. Quoi qu'il en soit, je recommande très fortement d'accueillir la télévision dans les secondes Chambres ou Chambres hautes de notre système parlementaire, puisque celle-ci permet d'en accroître la stature.
Baronne Bonham-Carter of Yarnbury, Chambre des lords : Je suis la baronne Jane Bonham-Carter et j'appartiens à la Chambre des lords depuis que la télévision y est entrée. Je viens moi-même du milieu de la radiodiffusion et j'ai donc un point de vue un peu différent. Je suis entièrement d'accord avec l'idée de télédiffuser les délibérations parce que j'estime qu'en démocratie la population doit voir comment les élus fonctionnent et voir comment travaillent les chambres. J'irais même jusqu'à dire qu'il faudrait faire davantage pénétrer la télévision.
Comme mon collègue vient de vous le dire, les caméras ne sont absolument pas gênantes. Certes, nous pourrions apporter deux ou trois améliorations pour que les choses paraissent mieux. À la Chambre des lords, par exemple, les écouteurs sont placés dans le dossier des sièges, ce qui donne parfois l'impression aux téléspectateurs que nous sommes endormis, tandis que nous écoutons les débats. C'est peut-être un conseil que vous pourriez retenir si vous faites entrer la télévision dans votre Chambre haute, ce que je vous souhaite.
Barbara Long, directrice, Télédiffusion parlementaire, Chambres du Parlement : En qualité de responsable de l'administration des systèmes, je dois dire que la Chambre des lords a toujours été beaucoup plus ouverte à l'idée de la télédiffusion de ses débats que les Communes. Il faut savoir que les règles de couverture télévisée des débats ont récemment été assouplies. C'est en fait la Chambre des lords qui a insisté dans ce sens et qui a permis de mettre à l'essai l'assouplissement de la couverture, régime qu'a ensuite repris la Chambre des communes. S'agissant de radiodiffusion, la seconde Chambre a en fait été la première à opter pour cette formule.
David Beamish, greffier de lecture du bureau outre-mer, Chambre des lords : Lord Elton n'a pu se joindre à nous. Je suis membre du personnel depuis les débuts de la télévision. C'était très intéressant d'observer ce qui s'est passé, à l'époque, en 1985.
Comme lord Graham vous l'a dit, la Chambre des lords a fait entrer la télévision avant la Chambre des communes et, à l'époque, les télédiffuseurs étaient déterminés à prouver que l'expérience pouvait fonctionner, parce qu'ils voulaient faire la même chose à la Chambre des communes, ce qui s'est effectivement produit.
J'ai constaté que cela avait eu pour effet de rehausser le profil de la Chambre des lords et de mieux la faire connaître auprès de la population. La télédiffusion a permis de projeter une image étonnamment bonne de la Chambre auprès des téléspectateurs. Chose amusante, le contraste entre le vacarme qui caractérise parfois la période des questions au premier ministre et l'atmosphère plus tranquille qui règne à la Chambre des lords semble avoir amené le public à mettre la Chambre des lords un cran au-dessus, à tort ou à raison.
Le président : Voilà une remarque très encourageante et je vous en remercie.
Le sénateur Cordy : Merci à vous tous d'avoir pris le temps de cet échange, parce que je sais qu'il est assez tard pour vous.
Vous disiez avoir l'impression que la Chambre des lords est plus respectée que la Chambre des communes. Je m'adresse à ceux d'entre vous qui sont là depuis les débuts de la télédiffusion. Estimez-vous que le comportement des lords a été modifié après l'arrivée des caméras?
Ici, on dit parfois au sujet de la Chambre des communes — où il y a des caméras — que tout le monde cherche à décrocher ses 30 secondes aux informations du soir. Est-ce que le comportement des lords et le niveau des débats dans votre Chambre ont changé depuis que vous y avez installé des caméras?
Lord Graham : Au début, certains ont sans doute craint que les membres ne profitent du fait que nous étions désormais télévisés. En fait, on craignait que des lords ne se mettent à faire du théâtre devant les caméras, mais cela ne s'est pas produit alors ni par la suite.
Aucun pair ne semble agir d'une façon permettant de penser qu'il espère être capté par une caméra en jouant aux acteurs. Bien sûr, il arrive parfois que la télévision saisisse des remarques incendiaires. Avec le temps, l'auditoire a découvert la personnalité des lords. J'hésiterais à dire que ce sont des vedettes, mais certains sont des personnalités très connues.
Personnellement, je dirais que la Chambre est tout à fait à l'aise avec le fait que ses délibérations sont télévisées. Cela n'incite pas les membres de la Chambre haute à tomber les gants ou à donner dans les effets de manches pour capter l'attention de la caméra, parce que les cadreurs comprennent tout à fait ce qui se passe et savent quand quelqu'un n'agit pas comme à l'habitude. Je dirais qu'une fois les craintes du début passées, parce qu'ils ne savent pas à quoi s'attendre, les lords réagissent généralement de façon calme et très terre-à-terre.
Baronne Bonham-Carter : Je n'ai jamais eu l'impression que les lords prennent des airs affectés ou donnent l'impression de se produire. Il faut préciser qu'au début, ce qui importe, c'est de permettre à la population d'avoir accès à ses politiciens.
Lord Graham : Je suis certain qu'une grande partie de la population ignorait sans doute qu'il y avait une seconde Chambre, ou Chambre des lords, parce que nous ne sommes pas élus. D'une certaine façon, les gens connaissent leurs députés, à qui ils ont accès, puisque ceux-ci tiennent des consultations dans les circonscriptions.
Je me dois tout de même de préciser que le volume de courrier que je reçois, loin d'avoir diminué, a considérablement augmenté parce que nos débats à la Chambre des lords sont télévisés. Le public se rend compte du poids des arguments avancés à la Chambre des lords et voit bien qu'il peut faire appel à nous pour faire office de voix de substitution ou de prolongement à celle exprimée à la Chambre des communes.
Le sénateur Cordy : Je trouve vos remarques très intéressantes, parce qu'on nous dit que rares sont les Canadiens à être au courant de ce que font les sénateurs à Ottawa.
Savez-vous combien de téléspectateurs suivent vos délibérations? Existe-t-il un mécanisme permettant à l'auditoire de vous faire part de ses réactions, autrement qu'en téléphonant directement à vos bureaux? Le public peut-il réagir par Internet? Vos délibérations sont-elles retransmises sur le web, en plus d'être télévisées?
Mme Long : Pour ce qui est de votre première question, nous ne tenons pas de statistiques sur l'effectif- téléspectateurs. Dans son partenariat avec les grands télédiffuseurs nationaux, le Parlement transmet ce qu'on appelle un signal intact qui est repris pour diffusion à l'extérieur. Il appartient ensuite à chaque télédiffuseur de décider de ce qu'il va faire du contenu et comment il va l'acheminer. Bien sûr, ces télédiffuseurs tiennent leurs propres statistiques.
Nous avons un télédiffuseur du service public, BBC Parliament, qui retransmet dans leur intégralité tous les débats de la Chambre des lords. BBC Parliament tient donc des statistiques et je ne sais pas si la baronne Bonham-Carter les a ici, mais moi, je ne les ai pas. Quoi qu'il en soit, il faut savoir que l'auditoire de BBC Parliament ne cesse d'augmenter.
Au Parlement, nous transmettons intégralement sur Internet, en direct ou en différé avec accès possible durant 28 jours dans ce dernier cas. D'après les réactions que nous recueillons à propos des deux Chambres, la Chambre des lords semble bien soutenir la comparaison avec la Chambre des communes si l'on tient compte de l'intérêt de nos auditoires, surtout pour les questions litigieuses.
Il y a eu un important débat au sujet du projet de loi concernant l'aide à la mort, qui a échappé aux clivages politiques et qui a captivé l'attention du public. L'indice d'écoute à cette occasion a été excellent. Actuellement, les deux Chambres sont regardées par quelque 150 000 ou 200 000 personnes. Ce chiffre est encourageant pour l'avenir.
M. Beamish : Vous pourrez le vérifier sur notre site web à l'adresse www.parliamentlive.tv.
Le sénateur Hays : Félicitations pour cette décision de téléviser vos délibérations, parce que c'est une bonne idée. Merci également pour vos mots d'encouragement. Un certain nombre de mes collègues et moi-même les apprécions.
Ma première question va porter sur l'utilisation de l'Internet, sur la façon dont vous diffusez sur le web et sur les décisions que vous prenez pour choisir ce que vous allez acheminer sur Internet pour rejoindre vos 150 000 ou 200 000 internautes intéressés aux débats à la Chambre et peut-être même en comité. Il est toujours possible que je me trompe, mais considérez que c'est ma première question, et je vous en poserai une autre ensuite.
Mme Long : Les débats des deux Chambres sont intégralement retransmis sur le web et nous couvrons toutes les séances publiques de comité. Nous n'avons pas de caméra dans toutes les salles de comité, et une partie de la couverture que nous assurons, comme vous le faites, est uniquement audio. Cependant, toutes les séances publiques dans l'une ou l'autre des deux Chambres sont accessibles sur Internet, en direct ou sous forme d'archives audiovisuelles consultables à la demande.
Les comités sont filmés à la demande des télédiffuseurs. C'est un héritage d'une entente de partage des coûts qui avait été conclue avec eux il y a bien des années, à l'époque où nous avons fait entrer les caméras à Westminster. Quand ces séances sont filmées par les télédiffuseurs, il est évident qu'elles sont retransmises sur notre propre service Internet en qualité radiodiffusion.
Le sénateur Hays : Certains, à ce comité, ont dit que toutes nos délibérations risquent de ne pas beaucoup intéresser le public. Avez-vous, à un moment donné, envisagé ou décidé de limiter la télédiffusion intégrale de vos délibérations?
Mme Long : Notre philosophie veut qu'il ne nous appartient pas de décider de ce qui est intéressant. Si nous permettons au public de suivre les débats, nous en assurons la couverture et il revient alors au public de décider s'il les trouve intéressants ou pas.
M. Beamish : Dans les tout débuts, après 1985, nous n'avions pas de caméras automatisées, mais des cadreurs, de sorte que les télédiffuseurs choisissaient en fait ce qu'ils voulaient. Pendant trois ou quatre ans, nous n'avons pas télédiffusé intégralement les délibérations de la Chambre, seules les parties les plus intéressantes étant retenues. Toutefois, quand la Chambre des communes a décidé elle aussi de télédiffuser ses délibérations, nous avons conclu une entente avec les télédiffuseurs pour qu'ils assurent la retransmission complète des délibérations des deux Chambres. Évidement, il y a eu un prix à payer pour cela. Nous avons pu mener ce projet à terme uniquement parce que les télédiffuseurs se sont montrés disposés à débloquer les fonds nécessaires. Au Canada, si vous n'avez pas de télédiffuseurs prêts à payer pour obtenir le privilège de vous retransmettre, vous constaterez que la diffusion intégrale des délibérations revient extrêmement cher.
Baronne Bonham-Carter : Je vais vous parler en tant que politicienne. Je pense à quelque chose que Mme Long a accepté et qui est très important, c'est-à-dire la façon dont on fait de la télévision pour que ce ne soit pas ennuyeux. Récemment, nous avons remporté ce que je considère être une petite victoire, parce qu'il est maintenant possible d'avoir des plans de coupe. Autrement dit, la caméra ne demeure pas braquée sur l'orateur, ce qui a été le cas pendant de nombreuses années et qui fait qu'il devient ennuyeux de suivre les débats.
Je recommanderais que vous communiquiez avec la Chambre des communes pour savoir ce qu'elle en pense et que vous engagiez un conseiller ayant une expérience en télédiffusion afin de déterminer la meilleure façon de couvrir vos délibérations. Je conviens qu'il ne faut surtout pas que les délibérations paraissent ennuyeuses et difficiles à suivre.
Le sénateur Hays : Nous y reviendrons sûrement, mais je vais tout de suite aborder la question. Pourriez-vous nous dire ce qu'il en coûte pour la Chambre des lords? Je constate que vous avez un groupe de gestion portant l'acronyme intéressant de PARBUL — soit Parliamentary Broadcasting Unit Ltd. Quelqu'un joue-t-il un rôle prépondérant? Par exemple, je sais que vous avez maintenant une présidente de la Chambre des lords. Est-ce que les lords jouent un rôle prépondérant sur le plan de la gestion? Parlez-nous aussi un peu des coûts.
Mme Long : Je suis haut fonctionnaire des deux Chambres et la télédiffusion des délibérations est une entreprise conjointe avec la Chambre des communes qui assume 60 p. 100 de la totalité des coûts, la Chambre des lords se chargeant des 40 p. 100 restants.
Le budget des deux Chambres est d'environ 500 000 £ par an, mais cela concerne uniquement les frais d'administration et de création d'archives, ainsi que le service en ligne. Tous les dix ans ou à peu près, il faut prévoir un investissement pour l'achat des systèmes de caméra et ainsi de suite. Tous les coûts de main-d'œuvre — soit les salaires des cadreurs et du personnel de maintenance — sont assumés par cette organisation baptisée PARBUL en vertu d'un mécanisme selon lequel les grands télédiffuseurs nationaux contribuent à cette opération. La facture totale est nettement supérieure à ce que les deux Chambres ont à payer. Il serait intéressant de voir quel genre de relation vous pourriez instaurer avec vos télédiffuseurs sinon, sachez que vous risquez de payer des frais nettement supérieurs à ce que nous assumons actuellement.
M. Beamish : Sénateur Hays, je crois savoir que vous allez nous rendre visite le 21 mai et, à ce moment-là, vous aurez l'occasion de rencontrer la lord présidente, la baronne Hayman, et de vous entretenir de ce sujet. Elle s'intéresse beaucoup à l'image publique de la Chambre haute, mais elle ne participe pas directement à la négociation des modalités de gouvernance de la télévision; je ne serais pas toutefois étonné qu'elle s'intéresse davantage à ces questions à un moment donné.
Le président : Je suis sûr que l'intérêt véritable que le sénateur Hays affiche pour cette question l'amènera à avoir de sérieuses discussions avec vos collègues au Royaume-Uni. Nous attendrons votre rapport à votre retour.
Le sénateur Hays : Je vous ferai fidèlement rapport, monsieur le président.
Le sénateur Joyal : Nous vous sommes reconnaissants de vous être mis à notre disposition pour ces échanges.
Je veux m'assurer que je comprends bien ce système. Si j'ai suivi vos explications, vous avez deux systèmes de télédiffusion : l'un qui est la diffusion intégrale sur le web permettant à toute personne de suivre vos débats grâce à Internet, et l'autre qui est PARBUL. D'après votre guide intitulé Companion to the Standing Orders and Guide to Proceedings of the Lords, PARBUL est un groupe de télédiffuseurs qui assure la retransmission de ce qu'il juge intéressant pour ses téléspectateurs. Autrement dit, PARBUL produit ses propres émissions et fait un montage. Si j'ai bien compris, il n'y a pas de couverture intégrale à la télévision. Les seules retransmissions sont celles qui passent par PARBUL et qui sont reprises par les télédiffuseurs membres de ce groupe. En d'autres termes, comme notre collègue le sénateur Hays l'a dit, il peut y avoir des temps morts en cours de délibérations et les téléspectateurs peuvent perdre de leur intérêt.
Prenons un exemple. Dans la conduite quotidienne des travaux, toutes sortes de rapports ou de motions, pourtant prévus à l'ordre du jour, peuvent ne pas être traités, parce que les dossiers en question sont réservés. Les téléspectateurs peuvent donc avoir l'impression qu'il n'y a pas de débat, quand un certain nombre de dossiers sont réservés de la sorte, dans notre Chambre — ou chez vous, en l'espèce — que tout est adopté et qu'il n'y a pas d'échange de vues. Cela donne l'impression qu'il n'y a pas de débat. Pour éviter ce problème, un télédiffuseur membre de PARBUL choisit donc les extraits qu'il trouve intéressants pour les rediffuser sur ses stations. Ai-je bien compris ces deux approches?
Mme Long : La couverture télévisée des délibérations de la Chambre des lords est intégrale, et c'est la même chose sur Internet. Cette couverture est assurée par BBC Parliament, qui est notre télédiffuseur du service public et qui exploite des signaux numériques. La retransmission ne se fait pas en direct. Il y a un décalage parce que BBC Parliament ne dispose que d'un seul canal et qu'en vertu des accords qu'elle a conclus avec la Chambre des communes, elle doit retransmettre en direct les délibérations de cette Chambre. Il est évident que les horaires des travaux des deux Chambres se recoupent. Les débats de la Chambre des lords sont retransmis par la télévision publique tous les matins. On peut donc les suivre dans leur intégralité, mais pas en direct.
Certaines choses ont changé récemment. La Chambre des communes a indiqué qu'elle autoriserait de temps en temps BBC Parliament à retransmettre en direct les débats de la Chambre des lords plutôt que ceux de la Chambre des communes, si ceux de la Chambre haute présentent un intérêt particulier pour la population. Cependant, pour le moment, comme il n'y a qu'un seul canal de service public, il n'est possible de retransmettre les délibérations que d'une seule Chambre.
D'une façon ou d'une autre, les débats sont retransmis par le service de la télévision publique et sur Internet.
Le sénateur Joyal : Comment les compagnies de télédiffusion, membres de PARBUL — qui est l'association des compagnies de télédiffusion intéressées — conditionnent-elles la télédiffusion des débats? Comment font-elles le montage?
Deuxièmement, en cas de plainte au sujet de la couverture, existe-t-il un mécanisme permettant de rapprocher les parties?
Mme Long : Les télédiffuseurs prennent un signal qui est intact. On leur permet de couvrir la totalité des débats et ils bénéficient pour cela d'un produit qui n'est ni monté ni sous-titré. Nous disposons d'un système de cinq caméras qui ressemble un peu à ce qui se passe dans un studio de télévision en direct. Les télédiffuseurs, moyennant certaines limitations, peuvent faire ce qu'ils veulent du signal qu'ils captent. Quant aux éventuels différends, au sujet de l'exploitation du matériel audiovisuel, si c'est une question d'interprétation, il appartient aux télédiffuseurs de la régler.
Il existe toutefois des règlements de base dans les deux Chambres, comme celui qui interdit l'utilisation de ces produits audiovisuels dans des émissions de variétés ou des émissions satiriques, règlements qui ont pour objet de limiter les utilisations possibles. Je suis notamment chargée de contrôler cela au besoin.
Le sénateur Joyal : Et s'il y a une plainte, avez-vous un mécanisme de résolution?
Mme Long : Tout commence par le dialogue et on voit ensuite. Nous n'avons eu que très peu de problèmes.
Lord Graham, avez-vous entendu parler de problèmes importants?
Lord Graham : Non.
Mme Long : Le signal auquel nous donnons accès est, en règle générale, exploité de façon assez responsable.
Baronne Bonham-Carter : J'animais avant une émission intitulée A Week in Politics où nous projetions des extraits de la vie parlementaire. Vous avez sans doute ce genre d'émission sur les débats parlementaires au Canada. Nous reprenions donc des courts extraits de la Chambre des communes et de la Chambre des lords et nous avons rarement eu des problèmes.
Le sénateur Joyal : Autrement dit, après 25 ans d'expérience de ce genre, ou à peu près, vous en êtes venus à conclure que vous pouvez laisser le soin aux télédiffuseurs de choisir les extraits qui les intéressent et de faire des montages et que cela n'a jamais donné lieu à des conflits et n'a jamais créé de tensions importantes entre les partis ou les différentes personnalités. En d'autres termes, la façon dont les différentes personnalités ont été traitées lors du montage des débats — le télédiffuseur ayant choisi certaines interventions pour donner une idée du ton du débat et de son aboutissement — n'a jamais prêté à la controverse. C'est exact?
Mme Long : Je ne crois pas que nous ayons eu de grands problèmes. Nous avons bien eu quelques difficultés ici et là dans l'autre Chambre, comme lorsqu'elle a été envahie par un groupe de protestataires opposés à l'interdiction de la chasse à courre. Cependant, à la Chambre des lords où les débats sont peut-être moins conflictuels, les montages prêtent sans doute moins à la controverse.
Baronne Bonham-Carter : Il existe des règles assez strictes et, comme Mme Long le disait, tout cela est très contrôlé.
Lord Graham : Si je me fie à mon expérience, je dirais que, même si les débats de la Chambre sont régulièrement télédiffusés, je ne me souviens pas que quelqu'un se soit plaint de la façon dont les délibérations ont été présentées. Autrement dit, la façon dont ces délibérations ont été montées n'a jamais donné lieu à d'importants problèmes à la Chambre.
J'ai été whip en chef pendant sept ans dans l'opposition. Nous avons une procédure appelée « the usual channels », que nous pourrions traduire librement par « filière habituelle », selon laquelle les whips en chef des différents partis se réunissent régulièrement pour régler ce qui peut irriter les autres groupes parlementaires. Eh bien, après 25 ans dans ce lieu, je ne me souviens pas d'avoir entendu dire qu'un montage de nos délibérations, audio ou télévisées, ait contrarié des députés.
Le sénateur Joyal : Pouvez-vous nous expliquer un peu la façon dont les caméras sont dirigées? Sont-elles dirigées sur le lord ou la baronne qui a la parole ou saisissez-vous ce qui se passe ailleurs dans la Chambre?
Baronne Bonham-Carter : Les prises de vue sont alternées pour montrer les réactions, c'est ce que je disais plus tôt. Cette façon de faire est nouvelle et elle rend les délibérations beaucoup plus intéressantes à regarder. Quand la caméra reste braquée sur celui ou celle qui parle, le résultat est plutôt statique. Ce qui est intéressant, c'est de saisir la réaction des autres à ce qui se dit, ce qui nous est possible, à nous qui sommes assis en Chambre. J'estime que ce changement a été un grand progrès dans la façon dont nous couvrons nos délibérations.
Lord Graham : La période la plus intéressante pour l'auditoire est la période des questions. Plutôt que d'être simplement intéressé par ce qui se passe, le public semble se délecter de la vigueur des échanges. En 30 minutes, ils assistent à une rafale de 14 à 16 questions et réponses, soit 7 minutes 30 par question, et c'est une période où la personnalité de chacun ressort. Les lords doivent s'entraîner pour poser une question raisonnable ou deux dans un délai d'une minute environ afin de faire bonne figure. La Chambre des lords a bénéficié du contraste par rapport à la période des questions aux Communes où, à cause du style des débats dans cette Chambre, il y a beaucoup plus d'échanges turbulents et d'animosité entre les partis. Les messages politiques passent beaucoup plus ouvertement à la Chambre des communes qu'à la Chambre des lords, mais n'allez pas croire tout de même que la Chambre des lords n'est pas un haut lieu de la politique.
Le sénateur Joyal : L'autre sujet qui m'intéresse concerne encore la Chambre des lords qui compte plus de 700 membres. Quand vous débattez d'un sujet susceptible de n'intéresser qu'une minorité de lords qui vont vouloir prendre la parole sur des points précis, cela ne finit-il pas par donner l'impression que quelques lords seulement travaillent ou sont présents?
Baronne Bonham-Carter : Voilà une autre raison pour laquelle il faut faire preuve d'imagination dans la manipulation des caméras, car il faut éviter de saisir des plans d'ensemble où il n'y a personne. Je pense toutefois que ce n'est pas ce qui nous arrive, et je suis certaine que ce sera la même chose pour vous. Les téléspectateurs qui suivent la télédiffusion intégrale des délibérations finissent par savoir que certains débats sont moins intéressants que d'autres quand la Chambre est alors plutôt pleine. Ce sont bien sûr les débats intéressants qui attirent le plus grand nombre de téléspectateurs. Je détecte un certain manque de confiance dans votre question, si vous me permettez cette remarque. Faites-vous donc confiance!
Lord Graham : Compte tenu de la situation que nous connaissons ici, depuis dix ans, nous utilisons une salle adjacente à la Chambre, la salle Moses. Je siège au comité chargé d'étudier le projet de loi concernant Londres et ses banlieues immédiates ainsi que les pouvoirs du maire de Londres. C'est un projet de loi très important, mais seuls quelques membres participent à ce comité. Si la demi-douzaine de membres du comité restaient en chambre et prenaient part à des débats télévisés, nous ne traduirions pas l'importance de ce dossier. Ce faisant, nous avons transporté le débat en dehors de la Chambre des lords pour qu'il se déroule dans la salle Moses où les six ou sept lords présents sont très heureux d'exprimer leurs points de vue.
La réputation de la Chambre des lords est hors d'atteinte. J'estime, pour ma part, que la Chambre haute est bien servie par la couverture de sujets « sexy », c'est-à-dire le genre de sujets très grand public qui attirent un nombre raisonnable de lords. L'effectif complet de la Chambre des lords est d'environ 700 membres et, les jours où la fréquentation est très élevée, nous nous retrouvons quelque 350 ou 400.
Baronne Bonham-Carter : C'est vrai, sauf lorsque nous débattons de la réforme de la Chambre des lords.
Lord Graham : Parfois, tout le monde est à Westminster, mais nous pouvons ne nous retrouver que 200 membres en Chambre. Nos membres font bien d'autres choses en dehors des séances de la Chambre, comme les travaux des comités, par exemple, et des conférences du genre de celle que nous avons actuellement avec votre comité sénatorial. À un moment donné, la population s'offensait de ne voir que quatre ou cinq lords présents en Chambre, mais après 20 ans de télédiffusion, elle a appris que leur nombre varie. Quand le sujet est intéressant et que les discours sont divertissants ou instructifs, la population est au rendez-vous parce qu'elle comprend la nature du lieu.
Le sénateur Keon : Moi aussi je tiens à vous remercier de nous donner généreusement de votre temps pour nous aider dans cette question. La plupart de nos séances de comité sont télévisées. Nous n'en sommes toutefois pas là où vous en êtes avec la télédiffusion. Tout dépend, pour chaque comité, des ressources disponibles en fonction du calendrier de réunions. Il ne fait aucun doute que, quand un comité est télévisé, l'intérêt des témoins est stimulé. En effet, nos témoins se montrent tout à fait disposés à venir nous rencontrer dès qu'ils savent que les délibérations sont télévisées.
À supposer que vos ressources soient également limitées, avez-vous trouvé des façons d'assurer une couverture télévisée équilibrée entre vos différents comités?
Mme Long : D'après nos ententes avec les télédiffuseurs, qui décident de la valeur des débats en fonction de l'intérêt perçu du public, nos comités ne sont télévisés qu'en qualité radiodiffusion. Nous avons quatre salles à la Chambre des lords qui sont équipées pour permettre des transmissions en qualité radiodiffusion. Nous avons deux jeux de caméras que nous pouvons faire passer d'une salle à l'autre. Nous pouvons téléviser deux comités simultanément, en plus des délibérations de la Chambre.
Comme vous l'a dit lord Graham tout à l'heure, nous avons mis à l'essai, dans la salle Moses, un nouveau système de caméras automatiques fonctionnant un peu comme la téléconférence qui nous permet de nous parler en ce moment, puisque les caméras sont commandées par l'allumage des microphones. Nous cherchons à déterminer si des caméras web, qui ne se comparent pas à des caméras de qualité radiodiffusion, ne pourraient pas nous permettre de téléviser absolument toutes les séances des comités. Il ne s'agirait donc pas d'une qualité radiodiffusion — comme vous le disiez, le coût en serait prohibitif — mais au moins, les gens pourraient voir la séance, puisqu'il est beaucoup plus intéressant pour le public de suivre une réunion sur Internet que de l'écouter sur un canal audio, comme vous le disiez.
M. Beamish : Les membres de certains comités sont sans doute déçus que leurs délibérations ne soient pas davantage télévisées. Cela tient au fait que les comités de la Chambre des communes sont moins polis envers leurs témoins à qui ils posent des questions plus dures, sans faire de cadeaux, ce qui fait donc de la meilleure télévision. Il y a sans doute moins de possibilités d'entendre des échanges intéressants avec des témoins très connus dans les séances de comités de la Chambre des lords.
Dans l'ensemble, toutefois, tous les comités sont très contents de la couverture qu'ils obtiennent et je n'ai pas entendu dire que certains comités se plaignent d'être moins bien traités que les autres.
Le sénateur Keon : Je retiens de ce que vous avez dit que le choix du comité à téléviser dépend essentiellement de la valeur des délibérations sur le plan de l'information. C'est cela?
M. Beamish : Le choix est fait par les télédiffuseurs, pas par nous.
Le sénateur Keon : Et cela vous satisfait-il?
Mme Long : L'une des raisons pour lesquelles nous envisageons d'opter pour des caméras web, c'est que nous voulons combler les trous. Autrement dit, toutes les délibérations seront télévisées selon une norme acceptable. Comme vous le disiez, le coût des caméras de télévision, en plus de tout le reste — en particulier les coûts d'exploitation — font qu'il est incroyablement coûteux d'assurer une couverture de qualité de toutes les réunions de comités des deux chambres.
Lord Graham : Il y a des personnes qui s'intéressent énormément à un sujet, par exemple qui veulent lire absolument chaque ligne d'un livre. Elles sont prêtes à regarder des délibérations, minute après minute, aussi ennuyeuses soient- elles, mais elles sont peu nombreuses.
Je crois que le public en général estime être bien servi s'il peut regarder ce que font leurs législateurs dans les deux Chambres.
Le sénateur Stratton : Je suis whip du parti gouvernemental au Sénat et je vais vous poser des questions à ce sujet. Quelqu'un a dit qu'en cas de problème, vous avez tenez des réunions régulières auxquelles participent les deux whips en chef. Ma question est donc la suivante : quels sont les problèmes qui se posent? Les différends portent-ils sur des généralités ou sur la procédure, et à quelle fréquence ces réunions de whips ont-elles lieu? Ont-elles lieu régulièrement ou à la demande?
Lord Graham : Dans le cas des whips en chef des quatre bancs — c'est-à-dire celui du gouvernement, celui de l'opposition officielle, celui des démocrates libéraux et celui des députés non inscrits, soit des indépendants —, le calendrier des réunions est fixé d'avance. Entre deux réunions, des employés de chaque bureau de whip font l'aller- retour pour définir l'ordre du jour de la réunion de la semaine suivante. Il y a toujours des désaccords quant au choix de la soirée ou du jour de la semaine, du nombre de journées allouées aux comités et autres choses du genre. Cela, c'est pour les travaux des comités.
D'un autre côté, bien d'autres problèmes se posent — à part les questions relatives aux travaux — et les whips en chef doivent les régler. Il y a toutes les questions de la façon dont fonctionne la Chambre, le service de rafraîchissements et d'autres choses du genre.
Pour régler les différends, nous avons recours à notre « filière habituelle ». Dès qu'il y a un véritable différend en chambre qui pourrait occasionner une certaine animosité entre les gens, quelqu'un recommande de se tourner verse la filière habituelle, c'est-à-dire de s'adresser aux quatre membres parmi les plus anciens qui se réunissent ensuite dans une salle. En un sens, ce sont des amis. Ils aplanissent les désaccords et font ensuite rapport de leurs recommandations à la Chambre, recommandations qui sont presque systématiquement acceptées sans discussion.
Le sénateur Stratton : Au Canada, ce genre de choses se dérouleraient uniquement entre deux whips. Il existe une différence de procédure entre vous et nous : dans notre système, ce sont les leaders adjoints qui déterminent les travaux de la Chambre, mais je ne vous signale cela qu'en passant.
J'ai l'impression que, chez vous, tout tourne autour de la collégialité, de la recherche du consensus entre les whips. Il semble être rarement question de problèmes difficiles qui sont sources de discorde et, dans la majorité des cas, vous réglez tout cela à l'amiable ou par consensus. Je me trompe?
Lord Graham : Vous avez fort bien décrit la chose. Si les whips ne parviennent pas à s'entendre pour régler un problème et que celui-ci doit être soumis en Chambre, c'est un échec pour eux, parce qu'ils ont de l'expérience et qu'ils savent ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. Ils comprennent la réaction des gens de leur groupe.
Depuis tout le temps que je suis à la Chambre, c'est-à-dire 25 ans maintenant, je peux compter sur les doigts d'une seule main, sans même les utiliser tous, le nombre de fois où le whip en chef du gouvernement a dû déclarer en Chambre qu'il n'était pas parvenu à régler un problème avec ses homologues, auquel cas il avait fallu soumettre la question aux voix. Nous évitons le vote dans toute la mesure du possible.
Le sénateur Andreychuk : Je vais vous poser plusieurs questions au sujet des problèmes que les whips doivent régler relativement aux délibérations à diffuser sur Internet ou à la télévision. S'agit-il de plaintes que vous recevez des lords qui estimeraient ne pas obtenir le même temps d'écoute que les autres ou alors de plaintes sur un sujet donné ou encore de plaintes relatives à la technique? Quelles sont les préoccupations courantes auxquelles vous avez affaire?
Lord Graham : Je dois vous dire que la question de la télédiffusion, en ce qui concerne le traitement réservé aux fonctionnaires, a rarement constitué un problème sur lequel les whips en chef ont dû se pencher, parce qu'en général tout le monde est satisfait du travail des télédiffuseurs.
Il arrive, inévitablement, que quelqu'un veuille parler et qu'il n'obtienne pas un temps de parole à son goût; la personne peut attribuer cela à du grenouillage ou au fait qu'on veut la maintenir en marge du débat. Toutefois, je peux vous garantir que les gens estiment généralement que le système est juste.
Le sénateur Andreychuk : La Chambre des lords a changé. Certains aspects de votre procédure d'admission ont été modifiés. Est-ce que cela a changé la façon dont la population perçoit la Chambre des lords? Est-ce que cela a changé la façon dont vous avez abordé la question de la télédiffusion ou ces changements n'ont-ils eu aucun effet?
Baronne Bonham-Carter : Je pense que ça n'a pas eu d'effet, parce que la télévision est arrivée avant que les changements ne soient adoptés.
Lord Graham : Quand le projet de loi concernant la Chambre des lords a été proclamé en 1998, il a soulevé beaucoup d'intérêt, parce qu'avant 1959, le statut de lord était exclusivement héréditaire. Le système de pairie à vie est entré en vigueur en 1959. À une exception ou deux près, tous les nouveaux pairs nommés après 1959 étaient des pairs à vie.
Le statut de lord héréditaire a été tellement mis à mal, qu'il n'en reste plus que 92. Ils demeurent membres de la Chambre des lords en vertu d'une entente, ce qui veut dire que l'abolition complète du statut de lord héréditaire ne se produira pas tant que nous ne serons pas parvenus à un degré satisfaisant de partage des pouvoirs.
J'estime que les débats sur l'avenir de la Chambre des lords sont parmi les meilleurs moments de télévision à Westminster.
Tout ce que je peux vous dire, c'est que la majorité des lettres que je reçois porte sur la Chambre des lords, sur la Communauté européenne, sur des questions sexuelles et des questions religieuses. La Chambre des lords semble donc être très intéressante et j'estime pour ma part que c'est un sujet « sexy ».
Baronne Bonham-Carter : Autrement dit, la réforme de la Chambre des lords fait de la bonne télévision, mais ce n'est pas la télévision qui a provoqué la réforme de la Chambre des lords.
Le sénateur Andreychuk : Qui assume les coûts?
Mme Long : Les coûts sont partagés entre des grands télédiffuseurs nationaux qui assument les salaires du personnel de la production, la mise en œuvre des ententes et l'entretien du matériel.
Les chiffres relèvent de la confidentialité commerciale, parce qu'ils portent sur la négociation de contrats, mais d'une façon générale, pour les deux Chambres, on parle de 750 000 £ par an. Cependant, ce chiffre ne concerne que la couverture de base et ne tient pas compte des coûts que les comités doivent assumer pour la couverture des travaux des comités.
Bien sûr, les deux Chambres ont investi beaucoup d'argent dans les systèmes de caméras. Je dirais qu'un circuit de caméras, faute d'un meilleur terme, avec tout ce qu'il comporte pour le faire fonctionner, représente un investissement d'environ 100 000 £. Comme nous avons cinq caméras à la Chambre des lords, ce système coûte donc environ 500 000 £.
Le sénateur Smith : Nos nouveaux sénateurs ne comprennent pas tout de suite nos règles de procédure, et je ne parlerai même pas des téléspectateurs. Par exemple, ils ne comprennent pas tout à fait ce que signifie le fait de « réserver » un rapport ou un point inscrit à l'ordre du jour. Étant donné que le nombre de personnes qui suivent vos délibérations a été considérablement augmenté grâce à la couverture télévisée, est-ce que cela vous a poussé à adopter certaines procédures pour rendre vos travaux plus accessibles et compréhensibles pour le téléspectateur moyen ou n'avez-vous rien modifié?
Baronne Bonham-Carter : Les choses ont changé dans le sens que vous avez laissé entendre. Nous avons de drôles de coutumes chez nous. Ainsi, le grand public peut trouver bizarre que la Chambre soit en congé « au gré des lords ».
La télévision n'a que très peu modifié les choses.
M. Beamish : Il a toutefois fallu 20 ans pour que la réforme ait lieu. Ce n'est qu'au cours de la dernière année que nous nous sommes débarrassés d'une terminologie vieillotte. Cela est davantage causé par les pressions générales exercées par ce que certains aux Communes ont appelé la modernisation, pour favoriser un meilleur contact avec le public. Il demeure que beaucoup de choses qui se disent en Chambre appartiennent à un langage plutôt « vieille Angleterre ». Par exemple, si j'étais lord, il faudrait que je m'adresse à mon voisin en lui donnant du « noble lord » ou du « lord Graham of Edmonton », « et cetera ». D'une certaine façon, le caractère de la Chambre n'a pas beaucoup changé, mais comme lady Bonham-Carter vous l'a dit, une réforme est en préparation, et elle s'est même déjà produite en partie, pour rendre tout ce langage plus accessible. Il faut toutefois préciser que la réforme n'est pas la conséquence immédiate de l'arrivée de la télévision.
Le sénateur Smith : Je vais vous donner un exemple d'un problème précis auquel nous sommes confrontés. Notre Feuilleton contient, entre autres choses, les rapports des différents comités. Ces rapports demeurent inscrits au Feuilleton tant qu'il se trouve un sénateur désireux d'en débattre. Quand on annonce un rapport, le sénateur dont le nom est associé au document se lève et dit « Réservé », s'il n'a pas l'intention d'en discuter ce jour-là. Le Feuilleton donne également la liste de toutes les motions qui font l'objet du même traitement. La procédure n'est pas difficile à suivre si vous avez sous la main un exemplaire du Feuilleton, mais pour quelqu'un qui n'en a pas de copie, les choses peuvent sembler compliquées. Votre Chambre a-t-elle envisagé de modifier la procédure pour aborder les sujets par catégorie? Vous demanderiez alors quel lord veut parler de telle ou telle question, plutôt que de descendre la litanie inscrite dans le Feuilleton.
Ce que je voudrais savoir, c'est si vous avez connu des cas semblables?
M. Beamish : Nous n'avons pas changé grand-chose et nous nous fions aux télédiffuseurs pour ajouter des sous- titres explicatifs en bas de l'écran. Par exemple, lors de la période des questions, les lords commencent par dire : « Je demande à pouvoir poser la question inscrite à mon nom au Feuilleton. » Tout le monde en chambre a le Feuilleton en main et peut donc voir quelle question est posée. Cela étant, nous nous fions aux télédiffuseurs pour reproduire cette question à l'écran. Plus tard, en cours de délibérations, un pair peut déclarer : « Je propose la question inscrite à mon nom au Feuilleton. » Il est évident que sans Feuilleton, il peut être difficile de suivre les débats, mais les télédiffuseurs corrigent le problème en recourant au sous-titrage.
Lord Graham : Croyez-moi, la procédure en Chambre semble incompréhensible pour un grand nombre de lords, alors on peut se demander ce qu'il en est du public. Certains de nos pairs font preuve d'une grande diligence. Nous avons ce que nous appelons un « petit livre rouge », qui est notre Règlement et que certains d'entre nous, peu nombreux au demeurant, connaissent à merveille au point de maîtriser les subtilités de la procédure, de ce qui est permis et de ce qui ne l'est pas. En général, nos membres se fient à la décision du leader de la Chambre, du whip en chef et de deux ou trois autres pairs qui sont devenus experts en procédure. Je ne pense pas que la population ait du mal à nous suivre à cause de nos salamalecs. Le grand public est essentiellement intéressé aux estocades qui sont portées lors d'un débat.
Le sénateur Cordy : Lord Graham, vous avez parlé de ce que vous faites quand vous traitez d'un sujet précis qui peut n'intéresser que quelques lords — vous tenez une réunion dans ce que vous appelez la salle Moses. Nous n'avons pas de salle du genre. Dans notre cas, nous traiterions du sujet en Chambre, mais avec un nombre réduit de sénateurs.
Quels autres changements avez-vous apportés à vos délibérations pour que le téléspectateur ait plus de facilité à les suivre? Par exemple, à la Chambre des communes, le temps de parole est limité pour poser des questions. Comme nous n'avons pas ce genre de restriction au Sénat, il arrive que les questions et les réponses se transforment en véritables discours qui ne sont pas forcément intéressants.
Je vous ai entendu dire que le public téléspectateur apprécie les échanges de plaisanteries en rafales lors de la période des questions. Quand la télévision est arrivée à la Chambre des lords, avez-vous modifié la façon dont se déroulent vos délibérations pour qu'elles soient plus faciles à suivre à la télévision?
Lord Graham : Quand je suis arrivé à la Chambre des lords en 1983, la période des questions durait 20 minutes, puis elle a été portée à 30 minutes. Honnêtement, j'estime qu'il nous faudrait 40 minutes aujourd'hui.
Nous sommes très stricts sur le temps accordé. La première question peut mériter plus de 7 minutes 30. Le temps maximum à ne jamais dépasser est de huit minutes. La leader de la Chambre a le pouvoir d'intervenir et d'interdire que les pairs posent la même question. Il faut passer à autre chose. Autrement dit, celui ou celle qui a réussi à décrocher le deuxième, le troisième et le quatrième tours a droit à son temps, mais plus la première question est longue et moins il reste de temps pour les autres. Nous veillons au strict respect de la limite de 30 minutes pour la période des questions.
Le sénateur Hays : Ma question va porter sur votre rayonnement grâce à Internet, en particulier grâce à l'interactivité. Je suppose que certains sénateurs ont des sites web interactifs et que le site des comités le sont évidemment.
Comment gérez-vous tout cela? Tout le monde au Sénat — et je suppose que c'est la même chose chez vous — n'excelle pas en technologie et ne sait pas comment exploiter cet important véhicule de communications. Quel appui apportez-vous aux lords et aux comités des lords sur ce plan?
M. Beamish : Nous comptons beaucoup plus de membres que vous à la Chambre haute et ceux-ci ne sont pas salariés; ils ne perçoivent que des appointements modestes, insuffisants pour leur permettre d'employer du personnel à temps plein. Pour tout dire, nous n'aidons pas les lords à administrer leurs sites web personnels. De plus, ils sont peu nombreux à en avoir. Nous partageons avec la Chambre des communes le site parlementaire www.parliament.uk. Chaque comité a sa propre page où sont indiqués les études en cours, les rapports publiés et ainsi de suite.
Nous accordons tout notre soutien au site Internet parlementaire. Dans le cas des députés, nous tenons des listes que les gens peuvent consulter pour savoir à quel parti ils appartiennent. Il y a des liens concernant les différents députés que nous fournissons à une entreprise privée, Dod's, qui tient des registres de renseignements sur les députés et les lords. Ce système est très respecté et il nous permet d'atteindre le même résultat sans que nous ayons à mobiliser nos ressources.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Vous avez dit que les salles de comité possédant les installations nécessaires pour la télédiffusion étaient en nombre limité et que vous deviez jouer du coude pour avoir accès à ces salles.
Avez-vous l'intention d'ajouter de l'équipement dans d'autres salles de comité pour ainsi téléviser davantage vos travaux?
[Traduction]
Mme Long : Je disais que nous disposons d'un nombre limité de salles de comité équipées de caméras de télévision de qualité radiodiffusion. Nous envisageons d'installer dans d'autres salles de réunions le même genre de caméras que celles que nous utilisons aujourd'hui pour cette réunion, grâce auxquelles il est possible d'assurer une couverture audiovisuelle intégrale dans toutes les salles de comité. Cela ne se produira pas du jour au lendemain, mais nous avons entrepris un programme continu d'installation de caméras dans le plus grand nombre de salles de comité possible. Même si elles ne sont pas aussi chères que les caméras de qualité radiodiffusion, ces petites caméras nous reviennent cher.
M. Beamish : Le nombre de pièces que nous avons équipées pour permettre une télédiffusion en direct, intégrale et de qualité, est suffisant pour les réunions à télédiffuser, le seul problème d'ordre pratique qui se pose à nous tient au fait que nous devons, occasionnellement, demander à un comité de se réunir dans une salle différente de celle qu'il utilise habituellement pour que ses délibérations soient télédiffusées. Ce que nous cherchons à faire maintenant, c'est que la diffusion sur le web soit possible dans toutes les salles.
Lord Graham : Je peux vous assurer que personne n'exerce de pressions, à aucun échelon, pour que l'on augmente la couverture télévisée des activités parlementaires. Nous avons progressé jusqu'ici à un rythme soutenu, dans la limite de nos moyens. Nous avons des ressources limitées, notamment sur le plan financier, mais je ne pense pas que le public ou les parlementaires en général s'en plaignent au point que l'on puisse parler d'insatisfaction. On se dit, en général, qu'on ne peut pas rêver à mieux.
Le président : Lord Graham, vous venez juste d'entrouvrir la porte pour que j'invite le sénateur Joyal à vous poser une brève question qui, je l'espère, appellera une réponse brève.
Le sénateur Joyal : D'après votre expérience et d'après ce que vous avez appris en 25 ans de télédiffusion ou à peu près, quelle démarche pensez-vous que nous devrions adopter? Suggéreriez-vous que nous accordions en partant à nos réunions le même genre de couverture que celle que vous réservez actuellement aux vôtres ou plutôt que nous devrions progresser par étapes? Par quoi estimez-vous que nous devrions commencer?
Lord Graham : Eh bien, vous pouvez vous fier sur notre expérience. Nous, nous n'avions personne vers qui nous tourner. Nous nous étions simplement dit que le moment était venu de permettre au public d'accéder plus largement aux activités parlementaires et de lui donner l'occasion de voir comment nous fonctionnons.
La première étape consisterait évidemment à téléviser les délibérations de votre Chambre en vous cantonnant à certains aspects de votre procédure, c'est-à-dire à ceux qui présentent un grand intérêt général. Je comprends la nature régionale du Canada et le fait que tous les Canadiens et toutes les Canadiennes soient touchés par ce qui se décide à Ottawa. D'un autre côté, vous devriez viser un produit pertinent et important. Je crois que vous risqueriez de banaliser facilement vos délibérations si vous donniez l'impression de répondre à la demande. Vous devez maintenir des normes. Je crois pouvoir dire honnêtement que nous sommes parvenus, en Grande-Bretagne, à maintenir de bonnes normes pour la télévision et pour le Parlement.
Baronne Bonham-Carter : Le plus important, selon moi, c'est que vous ne doutiez pas que les gens vont apprécier ce qu'ils verront et que le fait de pouvoir vous suivre à la télévision représentera pour eux l'aspect politique de la démocratie. Et puis, contrairement à la Chambre des lords, votre Chambre des communes est déjà télévisée. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je vous recommande fortement de coordonner cette entreprise avec la Chambre des communes et de voir quels enseignements ces gens-là en ont retiré. Je vous recommande aussi de consulter ceux qui comprennent la télédiffusion pour que vous n'ayez pas un débat limité aux politiciens. Je vous conseille de demander l'avis de quelqu'un qui est du métier et qui pourra vous accompagner dans cette entreprise.
J'ai l'impression que vous vous inquiétez beaucoup pour rien, parce que je suis certaine que les Canadiennes et les Canadiens réserveront un accueil incroyable à ce que vous avez à leur proposer.
Le président : Je tiens à vous remercier, baronne Bonham-Carter, Lord Graham ainsi que Mme Long et M. Beamish. Je vous adresse mes plus sincères remerciements pour avoir bien voulu nous parler de votre expérience et nous faire part de votre avis. Cette séance a été très instructive et je peux vous assurer qu'elle nous sera utile dans la suite de nos délibérations.
Lord Graham : Merci beaucoup.
Baronne Bonham-Carter : Merci.
Le président : Avant que nous ne levions la séance, nous devons traiter de certaines questions. Personne ne sera surpris, je crois, que je vous remets séance tenante ma démission de président du comité. Comme les sénateurs le savent, il y a des changements en cours. Je fais appel à votre indulgence afin que nous puissions passer un peu de temps à l'élection de notre prochain président.
Comme je démissionne, je cède le maillet au greffier qui va se charger de présider la réunion à partir d'ici.
Le sénateur Robichaud : Et si nous refusions votre démission, que se passerait-il?
Le sénateur Di Nino : Merci pour votre confiance.
Ma position est bien arrêtée.
Le sénateur Joyal : Eh bien, en ce qui concerne notre côté de la table, nous tenons à vous remercier, sénateur Di Nino, pour la présidence que vous avez exercée. Il a été très agréable de travailler avec vous et je peux vous dire que nous avons progressé dans toutes les questions auxquelles nous nous sommes attaqués. Je tiens à vous exprimer nos sincères remerciements et toute notre gratitude.
Blair Armitage, greffier principal, Bureau du soutien législatif, Sénat du Canada : D'après nos règles de procédure, je suis simplement investi du pouvoir de présider la séance jusqu'à l'élection du nouveau président. J'ouvre donc les mises en candidature.
Le sénateur Smith : Je tiens à faire écho à ce qu'a dit le sénateur Joyal au sujet du sénateur Di Nino qui, chaque fois qu'il a été question de Règlement — en fait, il l'a fait un peu partout, mais surtout pour le respect des règles — a adopté un point de vue non partisan, ce qui est particulièrement souhaitable.
J'ai le plaisir de proposer le sénateur Keon pour cette fonction.
Le sénateur Joyal : J'appuie la nomination.
Le greffier : Y a-t-il d'autres nominations?
Comme il n'y en a aucune autre, les sénateurs sont-ils d'accord pour que le sénateur Keon assume la présidence du comité?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.
Le président : Je tiens à vous remercier de la confiance que vous me montrez. Je suis très fier d'être sénateur. J'étais un poisson hors de l'eau quand je suis arrivé ici, après avoir quitté mon univers médical et scientifique, et je vous avoue avoir l'impression parfois que les choses n'ont pas beaucoup changé sur ce plan, mais sachez que j'apprécie votre compagnie à tous. J'aime les débats qui se déroulent ici et j'aime entendre ce que vous avez à dire. Je suis sûr que je vais apprécier la présidence de ce comité moyennant l'aide soutenue du greffier et des sénateurs membres du comité, parce que vous êtes tous des gens extraordinaires.
La séance est levée.