Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 5 - Témoignages du 8 novembre 2006
OTTAWA, le mercredi 8 novembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications auquel a été renvoyé le projet de loi C-3, Loi concernant les ponts et tunnels internationaux et modifiant une loi en conséquence, se réunit aujourd'hui à 18 h 45 afin d'étudier le projet de loi.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Aujourd'hui, nous souhaitons la bienvenue à M. Lawrence Cannon, ministre des Transports. Il est accompagné par Mme Evelyn Marcoux, directrice générale, programmes des infrastructures terrestres, de M. Bryan E. Hicks, directeur, politiques et programmes des ponts, ainsi que de M. Alain Langlois, conseiller juridique du ministère. Bienvenue à tous. Nous vous donnons maintenant la parole, monsieur le ministre.
[Traduction]
L'honorable Lawrence Cannon, C.P., député, ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités : Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je me présente de nouveau devant vous pour vous parler cette fois-ci du projet de loi C-3, Loi sur les ponts et tunnels internationaux, dont le Sénat vous a saisi à des fins d'étude.
À ma connaissance, c'est la première fois que l'on demande au Sénat et à votre comité d'examiner un projet de loi traitant des ponts et tunnels internationaux. Deux anciens projets de loi, à savoir les projets de loi C-26 et C-44, sont morts au Feuilleton à la Chambre des communes et, par conséquent, ne se sont pas retrouvés devant le Sénat.
J'estime, madame la présidente, que le projet de loi C-3 va beaucoup plus loin et est plus complet que ces autres projets de loi et c'est pourquoi je suis fier de vous le présenter ce soir.
La dernière fois que je me suis adressé à vous, j'ai discuté du renforcement de notre réseau de transport national grâce à l'adoption de politiques et de lois fédérales solides. J'ai également discuté de l'importance des corridors commerciaux pour la prospérité économique de notre pays et de la nécessité d'assurer qu'un réseau de transport sécuritaire, efficace, sûr et durable est en place pour appuyer ces corridors commerciaux.
De toutes les multiples mesures législatives présentées par mon ministère cette année, le projet de loi C-3 traite de l'ensemble de ces questions. Il s'applique à tous les ponts et tunnels internationaux du Canada. Le projet de loi n'établit pas de distinction entre les petits ou les grands ponts et tunnels, entre ceux sur lesquels circulent des véhicules, des trains ou les deux, ou entre ceux de propriété publique ou privée. La raison en est simple : en vertu de la Constitution, le gouvernement fédéral est responsable de ces structures dans leur intégralité, peu importe leur forme.
[Français]
Jusqu'à maintenant, le Parlement n'a adopté aucune loi qui clarifie la portée du rôle du gouvernement fédéral lorsqu'il est question de ponts et tunnels internationaux en général, et qui offre au gouvernement des outils concrets avec lesquels il peut exercer sa compétence de façon uniforme. Les outils fournis par le projet de loi C-3 comprennent l'établissement de processus administratifs visant l'approbation de la construction de nouveaux ponts et tunnels. On y compte également le pouvoir de prendre des règlements dans les domaines de la sûreté et de la sécurité, de l'exploitation et l'usage, de l'entretien et de la réparation, ainsi que certains pouvoirs extraordinaires comme le pouvoir d'édicter des ordres du ministre pour des réparations nécessaires et la prise de directives d'urgence en cas de menace à la sûreté.
Honorables sénateurs, au cours de l'étude de ce projet de loi, vous apprendrez qu'au fil des années, plus de 50 lois spéciales du Parlement ont été adoptées visant la moitié du nombre de ponts et tunnels. Dans la majorité des cas, ces lois spéciales ont été promulguées afin d'approuver la construction initiale de ces structures et ont rarement traité des questions comme la sécurité et la sûreté. Malheureusement, les temps ont changé et le projet de loi C-3 est nécessaire pour régler ces questions.
En ce qui concerne la sûreté, la dernière fois que je me suis présenté devant vous, j'ai fait mention de l'engagement de ce gouvernement à investir dans la sûreté nationale. La sûreté frontalière, notamment, constitue une priorité pour ce gouvernement. Depuis le 11 septembre, la sûreté est également devenue une priorité pour les propriétaires et exploitants de ponts et tunnels internationaux du Canada. Plusieurs d'entre eux ont investi du temps et des ressources considérables pour accroître la sûreté de leurs structures.
La réalité d'aujourd'hui fait en sorte que ces mesures de sûreté doivent être évaluées et mises à jour régulièrement afin de répondre aux nouvelles menaces de la sûreté. Le projet de loi C-3 permettrait au gouvernement de jouer un plus grand rôle en matière de surveillance dans ce domaine. Il favorise le partage d'informations sur la sûreté entre le gouvernement et les propriétaires et exploitants de ponts et tunnels et habilite le gouvernement à prendre des règlements sur des questions comme le type de mesures de sûreté qui devraient être imposées et à quelle fréquence ces mesures devraient être réévaluées.
[Traduction]
La sécurité et la sûreté des Canadiens demeurent notre priorité absolue, mais nous devons également reconnaître que nos ponts et tunnels internationaux jouent un rôle crucial dans l'économie canadienne et méritent également notre protection. Il est intéressant de souligner que des six postes frontaliers les plus occupés au Canada et les plus importants sur le plan du trafic et du volume commercial, quatre d'entre eux sont des ponts internationaux. De plus, le commerce génère des emplois et la protection du commerce garantit également des emplois. Selon les dernières données, plus 860 000 Canadiens travaillent dans l'industrie des transports et plus de 40 p. 100 dans le secteur du camionnage. Le défi véritable consiste à choisir les bonnes mesures de sûreté qui protègent, mais qui n'entravent pas le commerce.
Ce projet de loi s'applique également aux ponts et tunnels ferroviaires et bien qu'ils ne soient pas aussi nombreux que les ponts et tunnels internationaux empruntés par des véhicules, ils sont tout aussi importants pour le commerce. En 2005, 17 p. 100 du commerce du Canada en termes de valeur a été transporté par chemin de fer. Le 4 octobre, je vous ai dit que la valeur du trafic de conteneurs en 2020 devrait plus que doubler par rapport à la valeur actuelle, entraînant une injection de 10,5 milliards de dollars par année dans l'économie canadienne.
[Français]
D'autre part, plusieurs de ces ponts et tunnels ont été construits il y a de nombreuses années. Même si elles ont été bâties pour durer plusieurs décennies, ces infrastructures doivent être renouvelées et d'autres structures doivent être construites.
À l'heure actuelle, le gouvernement ne peut donner son approbation pour une nouvelle construction ou une modification à des structures existantes que par le biais d'une loi spéciale.
Puisque le temps est si précieux pour la Chambre et le Sénat, il est évident qu'il ne s'agit pas de la meilleure solution. Le projet de loi C-3 propose que ce processus d'approbation soit traité de façon administrative plutôt que par voie législative.
Le projet de loi C-3 propose également un second processus d'approbation qui ne se retrouve dans aucun des projets de loi précédents traitant des ponts et des tunnels internationaux. Ce processus consiste en l'approbation par le gouvernement de toutes les transactions qui ont eu une incidence sur la propriété ou l'exploitation de l'une de ces structures.
Vous pouvez vous demander pourquoi le gouvernement interviendrait dans ce domaine. Il est vrai que certaines des lois spéciales dont j'ai fait mention exigent une approbation comme condition à toute transaction, mais la majorité ne le font pas.
La réponse, bien simple, est que la nature de ces biens l'exige. Si le gouvernement veut véritablement assurer une surveillance de ces ponts et tunnels, il devra savoir en tout temps qui en sont les propriétaires et les exploitants, et être en mesure d'assurer que ces structures sont exploitées conformément aux objectifs du gouvernement, notamment dans l'intérêt de la sécurité nationale.
[Traduction]
Enfin, le projet de loi C-3 constitue une mesure législative habilitante. Les règlements et lignes directrices qui doivent être adoptés en vertu de ce projet de loi délimiteront la portée de la participation du gouvernement à l'égard de ces structures. Beaucoup de travail a déjà été accompli en ce sens, mais il en reste beaucoup à faire.
Je peux vous dire que jusqu'à maintenant, après quelques consultations auprès des intervenants, la plupart de ceux- ci ont manifesté un grand appui à l'égard de cette initiative. Le gouvernement a démontré clairement sa volonté de prendre en compte les avis des intervenants et la Chambre des communes a amendé le projet de loi en troisième lecture à la suite des préoccupations démontrées par une administration municipale. Il s'agissait de la question voulant que le gouvernement fédéral obtienne les commentaires des administrations municipales avant d'engager le processus décisionnel pour la construction, la modification ou le transfert de propriété d'un pont ou d'un tunnel international. Ce projet de loi, tel qu'il a été amendé, comprend des dispositions pour que le ministre des Transports consulte les autres ordres de gouvernement ou des particuliers qui pourraient avoir un intérêt direct dans le dossier.
On a aussi avancé que la construction d'un nouveau pont à proximité d'un pont existant est quelque peu différente de la construction seule d'un nouveau pont. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale exige un examen complet de toute demande visant la construction d'un ouvrage de franchissement ou la modification d'une structure existante. À ce titre, ce projet de loi aborde ces deux situations et exigera l'approbation du gouverneur en conseil dans chaque cas.
Je vous remercie, madame la présidente et honorables sénateurs, de m'avoir permis aujourd'hui de vous parler du projet de loi C-3. Je serai heureux de répondre à vos questions.
[Français]
La présidente : À l'article 15 du projet de loi, on accorde au gouvernement un pouvoir de réglementation important en lui permettant de préciser les types de véhicules pouvant utiliser le pont ou encore des droits à acquitter pour circuler. Certains intervenants comme des propriétaires exploitants de ponts soutiennent qu'un pouvoir aussi important que celui de déterminer le type de véhicules peut, ultimement, avoir un impact sur les activités et leurs communautés. Ils ont réclamé d'être consultés évidemment avant qu'une décision soit prise.
À la Chambre des communes, le comité a proposé des amendements, notamment avec le paragraphe 15(2) à l'article 15.1; on y ajoute un mécanisme de consultation. Par contre, le paragraphe 15(2) prévoit que le ministre consulte les autorités locales ou toute personne intéressée s'il est d'avis que, eu égard aux circonstances, il est nécessaire de le faire. Je pense que c'est le compromis qui a été établi par le comité de la Chambre des communes.
J'aimerais savoir pour quels motifs on n'a pas prévu que le ministre aurait une obligation de consultation en tout temps. Dans la première version du projet de loi, il n'y avait rien à ce sujet. Mais maintenant, avec cet amendement, on prévoit la consultation sous réserve que le ministre soit d'avis que c'est absolument nécessaire. Qu'est-ce qui explique les réserves à consulter les principales parties concernées par les décisions du gouvernement fédéral?
M. Cannon : Merci. Je vais demander à M. Hicks de répondre plus précisément à cet aspect du projet de loi.
[Traduction]
Brian E. Hicks, directeur, Politiques et programmes des ponts, Transports Canada : Merci de poser la question. Lorsqu'on envisage de construire ou de modifier un pont international, un processus d'évaluation environnementale est exigé. Ce processus comporte de longues consultations. Lorsque nous avons élaboré ce projet de loi, nous avons jugé que ce serait faire double emploi que d'ajouter une autre série de consultations après celle qui aurait déjà été faite dans le cadre de l'évaluation environnementale. On pourrait se demander quelles consultations seraient faites pour l'évaluation environnementale et pourquoi elles seraient différentes des consultations prévues par ce projet de loi. C'est pour cette raison qu'à l'origine, le projet de loi ne prévoyait pas d'autres consultations.
[Français]
La présidente : Certains intervenants ont fait valoir qu'ils n'avaient pas été consultés à l'étape de la préparation du projet de loi C-3. Pour la version précédente, l'ancien projet de loi C-44 mort au Feuilleton, il y avait eu de vastes consultations auprès des intervenants qui étaient touchés par les dispositions du projet de loi. Il y a une différence importante entre le projet de loi C-3 et le projet de loi C-44; parce que dans le projet de loi C-3, avec les articles 23 à 28, on exige que toute transaction concernant la propriété, l'exploitation ou le contrôle des ponts et tunnels internationaux reçoive au préalable l'approbation du gouvernement fédéral.
La Canadian Transit Company prétend qu'elle n'a pas été consultée au sujet des articles 23 à 28 du projet de loi C-3. Comme elle est propriétaire du pont Ambassadeur, un des deux ponts privés au Canada, elle aurait vraiment souhaité être consultée en bonne et dû forme avant le dépôt du projet de loi.
Je comprends qu'une large consultation avait eu lieu en 2005 dans le cadre du projet de loi C-44. Pourquoi le ministère des Transports n'a-t-il pas consulté les intervenants touchés par les changements opérés dans le projet de loi C-3?
M. Cannon : On me dit que des consultations ont été faites auprès de l'association des propriétaires et qu'avant le dépôt du projet de loi nous ne pouvions procéder. Mme Marcoux peut sans doute ajouter à ma réponse.
Evelyn Marcoux, directrice générale, Programmes des infrastructures terrestres, Transports Canada : Les consultations avaient été menées pour les projets de loi C-44 et C-26, puis le gouvernement a changé. Nous étions alors en contact avec l'Association des opérateurs de ponts internationaux.
Évidemment, lorsqu'on rédige un projet de loi, les consultations sont plus limitées avant que le projet de loi soit déposé. Dès que le projet de loi a été déposé, nous avons fait des démarches pour expliquer les clauses additionnelles. Nous avons alors joui d'un appui important de la part de l'association. Ce n'était pas un appui unanime. Toutefois, après avoir expliqué le bien-fondé des clauses additionnelles, nous avons été plus en mesure de répondre à la plupart des inquiétudes soulevées.
La présidente : Avec les articles 13 et 14 du projet de loi, l'objectif semble évident. Les mesures consistent à accroître la surveillance du gouvernement fédéral quant à l'état des ponts.
L'article 13 permet au ministre des Transports de prendre les mesures nécessaires afin de maintenir en bon état les ponts et tunnels. L'article 14 accorde au gouverneur en conseil le pouvoir de réglementer sur l'entretien et la réparation des ponts et tunnels.
Vous désirez accroître la surveillance des ponts. Quelle que soit l'indication qui vous a été donnée, pensez-vous qu'il existe actuellement des lacunes dans l'entretien et la réparation des ponts internationaux?
M. Cannon : L'expérience que nous vivons présentement avec la Société des ponts Jacques-Cartier nous permet de croire que cette tâche s'effectue de façon régulière et avec célérité. Suite aux récents événements — vous vous rappellerez évidemment la chute du pont Concorde à Laval — on a procédé à une inspection de toutes les installations qui sont la propriété du gouvernement fédéral, notamment des ponts dans la région de Montréal. Cette inspection s'est faite de façon visuelle. Toutefois, elle se fait sur une base annuelle, de façon régulière, et dans le cadre d'un déroulement bien précis.
C'est cette même prévoyance que nous aimerions mettre en place pour s'assurer que les infrastructures soient régulièrement visitées et ne fassent pas l'objet de défaillances qui pourraient passer inaperçu.
Le président : Vous désirez faire de même pour les ponts internationaux?
M. Cannon : Oui.
Le président : Vous comptez effectuer cet exercice à des dates fixe?
M. Cannon : Dans le cas du pont Champlain, l'exercice se fait sur une période de deux ans. On fait une inspection physique du pont, sur une distance bien précise. Des techniciens sont sur les lieux et vérifient tant les boulons que la capacité de l'acier. Sur une période de deux ans, on réussit à faire l'ensemble de l'infrastructure. Cette démarche représente quelques millions de dollars, si je ne m'abuse.
La façon générale de faire que nous entrevoyons va précisément dans ce sens. Il existe déjà des méthodes que serions en mesure de mettre en application.
[Traduction]
Le sénateur Zimmer : Quelles techniques de dépistage utilisent-ils? Je présume qu'ils utilisent des radiographies, ce genre de choses. Quelles méthodes ont-ils pour évaluer les ponts qui se détériorent?
M. Cannon : L'ingénieur est ici et je vais lui demander de répondre à cette question.
M. Hicks : Il y a toutes sortes de techniques différentes. Tout dépend du type de pont et de la façon dont il a été construit. Comme vous l'avez dit, s'il s'agit d'un pont de béton avec une armature en acier, vous prenez des radiographies, entre autres, pour évaluer l'état de l'acier et les vides dans le béton. Pour d'autres ponts, s'il y a affouillement sous les piles, des plongeurs iront examiner l'état des piles dans le lit de la rivière. Chaque pont a ses particularités et nécessite un examen différent.
Le sénateur Zimmer : Je présume que les radiographies détecteront les fissures et les failles qu'on ne peut voir à l'œil nu?
M. Hicks : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Merci d'avoir accepté de nous rencontrer. J'ai quelques questions sur la construction et la gestion, qui pourraient nous aider à comprendre ce qui existe présentement.
Je remarque dans les notes d'information préparées par la Bibliothèque du Parlement que deux points de passage transfrontaliers appartiennent à des intérêts privés. Les autres appartiennent à des entités publiques, soit exclusivement soit en partenariat, mais ils sont exploités par le secteur privé. Sont-ils tous gérés par des entreprises privées?
M. Cannon : Mme Marcoux peut répondre à cette question. Les structures de gouvernance dans certains cas sont différentes. Le pont de Cornwall, par exemple, est géré par Les Ponts Jacques Cartier et Champlain Incorporée. Le pont de Fort Frances est privé, de même que le pont Ambassador. Les structures de gouvernance sont différentes.
Mme Marcoux : Les ponts internationaux sont gérés par des sociétés d'État qui relèvent du gouvernement du Canada ou par certaines autorités dont la gouvernance est partagée entre les États-Unis et le Canada, tandis que d'autres appartiennent à des intérêts privés, comme le ministre l'a expliqué.
Le sénateur Tkachuk : Mis à part ces deux-là, les ponts sont tous gérés par le secteur privé même s'ils appartiennent à des entités publiques. Ils peuvent être exploités par une seule entreprise ou en partenariat par des entreprises des deux pays. Est-ce exact?
Mme Marcoux : C'est exact. La gouvernance des sociétés d'État, par exemple, est indépendante des gouvernements. Elles veillent de facto aux systèmes d'entretien. Le ministre et le Parlement exercent une surveillance sur leur plan général.
Le sénateur Tkachuk : Elles sont les actionnaires?
Mme Marcoux : Oui. Comme vous le savez, leur système de gouvernance est différent de celui d'un ministère, par exemple.
Le sénateur Tkachuk : Parlons tout d'abord des ponts appartenant à des intérêts privés. Si on veut construire de nouvelles installations et que des entreprises de part et d'autre de la frontière participent aux travaux de construction, doivent-elles se fusionner pour mettre tout cela ensemble? Ces entreprises sont assujetties à des lois différentes, de différents pays. Comment s'organisent-elles?
M. Cannon : Voulez-vous dire dans le cadre du projet de loi à l'étude ou ce qui se fait à l'heure actuelle?
Le sénateur Tkachuk : Comment vont-elles procéder dans le cadre du projet de loi présentement à l'étude? Comment les choses vont-elles se faire?
Mme Marcoux : Chaque pont a un système de gouvernance différent. Ce projet de loi réglemente seulement la moitié canadienne de l'ouvrage. Les Canadiens et les Américains sont habitués à gérer ces choses ensemble et ils se consultent régulièrement pour déterminer les mesures qu'ils vont prendre pour l'entretien ou l'investissement de capitaux. Ils se rencontrent au milieu. Par exemple, l'autorité responsable du Peace Bridge est composée d'Américains et de Canadiens. Leurs procédures d'attribution de contrats font en sorte que les entrepreneurs canadiens et américains peuvent effectuer les travaux et ont accès à ce genre de choses.
La gestion du pont se fait en consultation. Comme je l'ai dit, ce projet de loi s'appliquera à la moitié canadienne de l'ouvrage, qui sera gérée en conséquence.
Le sénateur Tkachuk : Une partie du projet de loi porte sur la constitution de personnes morales par lettres patentes. Pouvez-vous dire au comité ce dont il s'agit? Un peu plus loin, une disposition du projet de loi précise que le gouverneur en conseil peut, sur recommandation du ministre, révoquer ces lettres patentes. Je crois que ce serait difficile pour un gouvernement de s'adresser à une banque pour demander un prêt en sachant que le gouvernement peut révoquer la constitution d'une personne morale. Comment cela fonctionne-t-il? Pourquoi est-il nécessaire de préciser cela dans le projet de loi?
Alain Langlois, avocat, Services juridiques, Transports Canada : Tout d'abord, il faut préciser que le projet de loi n'oblige personne qui souhaite construire ou exploiter un pont à obtenir des lettres patentes. Cette mesure donne un outil supplémentaire pouvant servir à mettre sur pied une société qui construira ou exploitera un pont. Vous pouvez former une société dans le cadre de la Loi canadienne sur les sociétés par actions et faire une demande en vertu des autres dispositions du projet de loi en vue de construire ou d'exploiter un pont ou un tunnel, ou vous pouvez demander des lettres patentes.
Normalement, un investisseur privé qui souhaite exploiter ou construire un pont ne demandera pas la délivrance de lettres patentes. Ces entreprises agissent habituellement dans le cadre de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Toutefois, lorsque la structure de gouvernance comporte un élément de partenariat public-privé, il s'agit d'un outil qui permet au gouvernement de délivrer des lettres patentes.
Pour répondre à votre question sur la révocation possible des lettres patentes par le gouverneur en conseil, il faut préciser...
Le sénateur Tkachuk : Pour bien nous comprendre, les lettres patentes existent dans le cas d'un partenariat entre une entreprise privée et le gouvernement.
M. Langlois : Ultimement, ce sera le choix de la société. Si une société entièrement privée souhaite obtenir des lettres patentes, alors ces outils sont à sa disposition.
Essentiellement, cet article du projet de loi vous donne le choix. Vous pouvez agir dans le cadre de la Loi canadienne sur les sociétés par actions ou encore demander la délivrance de lettres patentes. En temps normal, on ne s'attend pas à ce qu'une entité privée ou une entreprise exclusivement commerciale et privée demande des lettres patentes. Cela ne veut pas dire que c'est impossible. Cet outil est à sa disposition si elle souhaite s'en servir.
En ce qui a trait à la révocation des lettres patentes, le paragraphe 29(4) du projet de loi ne donne au gouverneur en conseil aucun pouvoir qu'il n'a pas déjà. Il existe un principe en common law selon lequel le pouvoir de délivrance implique aussi le pouvoir de révocation. Ce principe de common law a été codifié au paragraphe 31(4) de la Loi d'interprétation. Ce paragraphe codifie le principe selon lequel si le gouverneur en conseil délivre des lettres patentes, il a le pouvoir de les révoquer. Cette disposition du projet de loi C-3 ne donne pas un nouveau pouvoir au gouverneur en conseil. Ce pouvoir existe déjà.
Le sénateur Tkachuk : Pourquoi donc le préciser, si ce pouvoir existe déjà?
M. Langlois : Cette disposition dicte au gouverneur en conseil la façon dont des lettres patentes seront révoquées. Le projet de loi exige que le gouverneur en conseil publie un avis disant que les lettres patentes ont été délivrées et prévoit la publication de cet avis dans la Gazette du Canada. Cette exigence ne se trouve pas dans la Loi d'interprétation.
Pour être clair, cette disposition ne donne au gouverneur en conseil aucun pouvoir qu'il n'a pas déjà.
Le sénateur Tkachuk : Je ne comprends toujours pas pourquoi vous devez le préciser.
Selon ce qui a été décrit, si des groupes privés ou publics veulent améliorer un point de passage ou en construire un nouveau, une demande, une approbation et une mesure législative sont nécessaires. Est-ce la façon de faire présentement?
Mme Marcoux : Ce n'est pas une mesure législative. L'objectif de ce projet de loi est d'en faire une mesure administrative. Il faudrait l'approbation du gouverneur en conseil.
Le sénateur Tkachuk : Ceci n'est qu'un projet de loi. C'est de cette façon que les choses se font présentement.
Mme Marcoux : C'est exact.
Le sénateur Tkachuk : Ce que fait ce projet de loi, c'est éliminer cette étape de la loi. Si quelqu'un veut faire une proposition, cette personne s'adresse directement au ministre. Quel est le processus après cela? Existe-t-il un organisme de contrôle qui conseille le ministre? Y a-t-il quelqu'un à Transports Canada qui les reçoit? Est-ce le chef de cabinet? Comment le système fonctionne-t-il?
Mme Marcoux : Lorsque nous avons élaboré ce projet de loi, nous sommes allés à Washington pour voir ce que font les Américains. Ils ont ce qu'ils appellent un processus pyramidal de demande. Nous essayons d'apprendre quels sont les avantages et les inconvénients de ce processus. Nous essayons de le simplifier et de le rendre plus facile à utiliser.
Comme il est précisé dans le projet de loi, et comme le ministre l'a indiqué, nous devrons établir un règlement et des lignes directrices. Ce sera la prochaine étape.
Lorsque le système sera en place, la demande arrivera au ministère. Elle sera traitée suivant les étapes prévues dans le règlement. Le processus d'évaluation environnementale sera suivi conformément à la loi. Les exigences prévues dans la Loi sur la protection des eaux canadiennes continueront d'exister. Le permis de Pêches et Océans Canada sera encore exigé. Il faudra suivre un long processus de consultation et de réglementation. Ultimement, une recommandation sera faite par le ministre, par l'intermédiaire du gouverneur en conseil, pour l'approbation du règlement.
Le sénateur Tkachuk : Je peux très bien voir une entreprise privée se soumettre au processus environnemental et tout le reste. Toutefois, si le gouvernement s'adresse à lui-même une demande, n'y a-t-il pas un conflit d'intérêt? Cela me paraît toujours étrange. C'est pourquoi je n'aime pas les sociétés d'État. Le gouvernement est l'actionnaire et il se prononce sur la politique environnementale de la société d'État.
Vous aurez ici une organisation gouvernementale qui présentera une demande. Le gouvernement décidera lui-même de l'impact environnemental et de tout le reste. Moi qui suis originaire de la Saskatchewan, je suis peut-être le seul à voir un problème ici.
M. Cannon : Absolument pas. Je crois que vous prenez trop rapidement des raccourcis. Vous devez vous rappeler que nous ne construisons pas un pont au beau milieu de nulle part. Les provinces doivent donner leur accord parce qu'il faut des routes qui conduiront au pont. Des études sur l'impact environnemental doivent être effectuées. Toutes les autres dispositions législatives qui régissent habituellement ce genre de chose seront appliquées. Je ne vois pas comment le gouvernement serait en conflit d'intérêt dans ce cas.
Nous avons ajouté ce processus de consultation auprès des municipalités notamment pour répondre aux préoccupations qu'elles pourraient avoir, par exemple au Québec, en ce qui a trait à leur schéma et à la façon dont elles développent leurs territoires pour les années à venir. C'est une préoccupation dont nous voulons tenir compte.
Le sénateur Phalen : Ma première question se rapproche de ce que disait le sénateur Bacon. Ayant vu récemment les reportages sur l'effondrement du viaduc à Montréal, j'aimerais savoir qui, à l'heure actuelle, serait responsable si pareil accident se produisait sur un des ponts ou des tunnels internationaux. Ce projet de loi changerait-il la responsabilité légale?
M. Cannon : On me dit qu'en général, tous les exploitants ont une assurance pour couvrir ce type de responsabilité.
Le sénateur Phalen : Y a-t-il un changement à cet égard?
M. Cannon : Non.
Le sénateur Phalen : J'ai reçu une lettre de la Ville de Windsor, en date du 19 septembre, dans laquelle on se dit inquiet que le projet de loi proposé n'inclue pas la municipalité dans le processus de prise de décision, même si celle-ci sera directement touchée par un changement quelconque.
Pouvez-vous répondre ou avez-vous répondu aux préoccupations des municipalités?
M. Cannon : Pour commencer, je vais vous dire qu'il s'agit évidemment d'une compétence fédérale. C'est le premier point que je veux souligner.
Deuxièmement, je répondais à la question du sénateur concernant le processus de consultation. Nous avons apporté des amendements pour tenir compte de ces préoccupations, afin de garantir que nous ne construirons aucun pont ni aucun tunnel à un endroit quelconque sans avoir parlé aux parties concernées, aux intervenants ou aux municipalités. À cet égard, le projet de loi couvre ces aspects.
Le sénateur Phalen : Elles semblent s'appuyer sur deux lois, la loi de 1921 constituant en corporation la Canadian Transit Company, et une autre loi de 1927 constituant en corporation la Detroit and Windsor Subway Company. Cette dernière précise ceci : « La Compagnie ne doit ni construire ni mettre en service, le long, au-dessous ou au-dessus d'une voie publique, d'une rue ou d'un autre lieu public, aucun des ouvrages énumérés en la présente loi, sans avoir au préalable obtenu le consentement, exprimé par règlement, de la municipalité dont relève cette voie publique, cette rue ou cet autre lieu public, ni autrement qu'aux conditions convenues avec ladite municipalité. » Ces lois sont-elles encore en vigueur?
M. Cannon : Je vais laisser notre avocat répondre à cette question, mais je crois que la loi dont vous parlez porte sur la période de construction. Comme vous le savez très bien, avant d'autoriser la construction d'un pont ou d'un tunnel, de nombreuses municipalités doivent garantir que cette construction respecte le plan d'urbanisme, les règles et la réglementation, les règlements municipaux, et cetera. Je crois que c'est ce dont nous parlons ici.
M. Langlois : Le ministre a répondu à la question. La loi impose des conditions sur la construction et l'exploitation initiale. Ils devaient consulter les représentants municipaux et obtenir une approbation, par règlement. L'extrait que vous avez lu est exact.
Cet ouvrage a été construit et l'exploitation a commencé; la construction est maintenant terminée et donc les conditions ont été respectées. Ce projet de loi s'appliquera aux constructions futures. Si quelqu'un veut construire un nouvel ouvrage, les conditions qui devront être respectées sont celles que prévoit le projet de loi à l'étude.
Windsor aimerait avoir — je ne veux pas parler d'un véto — le droit d'approuver la construction et l'exploitation d'une structure. Le gouvernement a donné suite à cette préoccupation au moyen de l'amendement apporté par le comité de la Chambre, de sorte que le ministre consultera les municipalités qui sont visées par les travaux de construction.
Le sénateur Phalen : Est-ce que quelqu'un a parlé aux représentants de la Ville de Windsor depuis que j'ai reçu cette lettre le 19 septembre?
Mme Marcoux : Quelle date porte cette lettre?
Le sénateur Phalen : Le 19 septembre. Je me demande simplement si les représentants sont satisfaits ou encore inquiets.
Mme Marcoux : Je crois qu'ils vont venir témoigner ici à la fin du mois.
Le sénateur Phalen : Je le sais.
Mme Marcoux : Concernant le nouvel ouvrage à Windsor, les quatre paliers de gouvernement — la province de l'Ontario, le gouvernement fédéral, le Michigan et le gouvernement fédéral des États-Unis — procèdent actuellement à un long processus de consultation, et la Ville de Windsor y participe pleinement.
En plus de ce qui figurait dans le projet de loi relativement à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, des dispositions supplémentaires ont été prévues, à la demande de la Ville de Windsor, dans deux ou trois articles du projet de loi pour donner une autre voix à la ville dans le processus de consultation. Je ne sais pas si elle en est satisfaite, mais je suis d'avis que nous avons très bien donné suite à cette demande.
Le sénateur Phalen : Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Dawson : Monsieur le ministre, c'est la première occasion que j'ai de vous féliciter. Je n'ai pas toujours été d'accord avec vos choix, mais il est clair que vous avez une conviction politique et je la respecte.
Je vous connais depuis 35 ans, comme homme d'affaires, comme ministre au provincial et comme consultant. Face à un projet de loi qui affecte une compagnie en particulier, qui représente 25 p. 100 du marché économique, je pense que l'ancien Lawrence Cannon aurait rencontré les individus avant de passer à un projet de loi. Je pense que si, indirectement, on est presque en train de prendre contrôle de leur compagnie, on devrait, au minimum, les écouter.
La réalité est que vos décisions les affectent. Je comprends qu'il y a des corporations municipales, des corporations provinciales, des corporations mixtes, mais il y a un joueur privé qui est plus affecté que tous les autres. J'ai reçu une lettre mentionnant que vous avez refusé de les rencontrer. L'ancien Lawrence Cannon que je connais aurait eu plaisir à rencontrer des gens, si cela affectait leur compagnie. Quand il était consultant, lui-même, il devait, de temps en temps, demander des rendez-vous à des gens. Je me demande pourquoi aujourd'hui, monsieur le ministre, au moment où vous êtres en train d'annoncer que vous faites des partenariats public-privé au Québec, que vous allez demander à des entreprises privées d'investir dans des projets, conjointement avec les gouvernements, vous refusez de parler avec des gens qui sont concernés.
M. Cannon : Je suis heureux de vous souhaiter aussi la bienvenue au Parlement du Canada. Puisque vous avez parlé de l'autoroute 30, vous avez absolument raison, c'est un projet extraordinaire qui a été annoncé par les deux premiers ministres. J'avoue bien franchement, lorsque vous indiquez qu'on a refusé, dans notre ministère, de discuter avec l'autorité de l'Ambassador Bridge, nous sommes ouverts aux discussions. Si les gens veulent nous parler, vous pouvez me citer une lettre...
[Traduction]
Le sénateur Dawson : Nous avons demandé plus d'une fois à rencontrer l'honorable ministre Cannon pour discuter des questions mentionnées précédemment et on ne nous a pas accordé une rencontre. Dans le dossier qui nous occupe, étant donné qu'il s'agit d'une entreprise privée et qu'elle est la seule véritable partie intéressée, je crois que, si vous réalisez des projets publics-privés, vous devriez indiquer au secteur privé que vous entendez coopérer.
[Français]
M. Cannon : Sénateur, Mme Marcoux m'a dit qu'à plusieurs occasions, elle a rencontré ces gens. S'il y a des points qui doivent être soulevés tout au long de ce processus, il me fera plaisir de les examiner. Je pense que jusqu'à présent, nous avons développé un projet de loi qui reflète le consensus que nous avons obtenu jusqu'à présent. S'il y a des éléments particuliers, j'invite les gens à reprendre le dialogue avec Mme Marcoux. Nous examinerons les suggestions et les amendements proposés. Vous avez absolument raison de dire que je suis ouvert; je suis toujours en mode écoute. Si j'ai appris quelque chose au cours des années, c'est bien cela.
Le sénateur Dawson : Un dernier commentaire. J'ai vu votre lancement pour l'autoroute « Michael Fortier » qui va passer dans le comté de Vaudreuil; le lancement officiel du choix de comté de M. Fortier. Je suis un peu surpris que vous n'ayez pas fait l'autoroute 50 avant parce que « all politics is local », mais on va attendre une autre conférence de presse.
Le projet de loi vient de l'ancien gouvernement, donc nous sommes d'accord et nous voulons être expéditifs. Cependant, le seul véritable changement entre l'ancien projet de loi et celui-ci, c'est la façon dont on traite le côté privé. Je vous demanderais de reconsidérer un peu, avec ces gens, ce qui pourrait être fait pour améliorer, si c'est le cas, le projet de loi.
M. Cannon : Encore une fois, je suis obligé de vous corriger. L'autoroute 50 est financée pleinement et totalement. Il n'y a pas de problèmes de ce côté. Je m'entends extrêmement bien avec mon collègue, Michel Després, avec qui j'ai siégé à Québec. Nous avons réussi à développer un projet en partenariat avec le gouvernement du Québec. L'amitié que j'ai pu développer depuis des années avec mon ancien collègue à l'Assemblée nationale me permet aujourd'hui de dire haut et fort que nous sommes capables de régler des dossiers. J'espère que je pourrais dire la même chose de vous, sénateur.
Mme Marcoux : J'ai trois ou quatre points à soulever. D'abord, les gens du pont Ambassadeur sont venus nous rencontrer à plusieurs reprises. D'emblée, je dois vous dire — vous allez également rencontrer M. Garlock, le président de l'Association des administrateurs des ponts et des tunnels — qu'ils avaient un problème sur le plan du péage. On a changé la clause pour rencontrer les besoins et on a répondu à ces attentes. Les gens du pont Ambassadeur ont aussi deux autres grandes inquiétudes. La première concerne la demande de permis relative à la construction ou à la modification sur un pont. La loi fédérale sur l'environnement demande qu'il y ait des consultations par rapport à ces changements. Il faut regarder l'objectif numéro un du projet de loi. Le gouvernement a juridiction, mais il ne s'est jamais donné les outils appropriés pour exercer sa juridiction. C'est ce qu'on crée aujourd'hui.
Deuxièmement, en respectant le temps précieux du Parlement, on veut passer à une mesure plus administrative que d'arriver avec un projet de loi à chaque fois qu'on veut construire un nouveau pont ou faire une altération. Dans ce contexte, c'est une mesure positive qui va bien servir le gouvernement et les opérateurs de pont.
Deux problèmes demeurent par rapport au pont Ambassadeur. La construction et l'altération. À notre avis, ces ponts internationaux sont un coeur important pour notre commerce international. L'objectif est d'assurer...
[Traduction]
... la libre circulation des biens, des personnes et des marchandises. C'est là le principal objectif que nous nous efforçons d'atteindre, après celui d'ordre administratif.
À mon avis, il n'est pas déraisonnable que le gouvernement fédéral ait accès, pour des raisons de sûreté et de sécurité, aux rapports sur les structures des ponts ou à des renseignements sur l'identité des propriétaires de ces ponts. Il n'est pas déraisonnable de demander à être mis au courant des modifications qui seront apportées et qui sont susceptibles d'avoir des conséquences sur la fluidité de la circulation ou de créer des problèmes sur le plan des échanges commerciaux.
L'autre élément causant des problèmes pour le pont Ambassador concerne le changement de propriétaire dans le cas de l'exploitation et du contrôle. Cet article n'a pas été rédigé exclusivement pour le pont Ambassador; il a été rédigé pour tous les ponts internationaux. Encore une fois, le but visé est que le gouvernement sache qui possède ces structures. Cette disposition n'a pas pour but de mettre des bâtons dans les roues des compagnies privées qui souhaitent acquérir ou transférer un pont, dans le cas d'une succession ou d'un legs testamentaire. Le gouvernement agira avec toute la diligence raisonnable pour empêcher qu'un pont ne tombe aux mains d'une association terroriste. C'est dans ce but que cette disposition a été intégrée au texte.
Nous ne voulons pas que le propriétaire d'un pont le cède à bail, d'où la présence de ces paragraphes. Nous voulons recevoir l'assurance qu'un propriétaire ne va pas sous-louer un pont à une partie indésirable.
Voilà les raisons de ces dispositions. Nous avons tenté de rassurer les propriétaires des ponts Ambassador et Fort Frances quant à la nature de ces dispositions.
Le sénateur Mercer : Après vos propos, le dossier me semble plus confus qu'au départ. Cela vient du fait que des ponts de propriété publique soient gérés par des entreprises privées.
Je suis d'accord avec mon collègue du Québec. Il me paraît important, monsieur le ministre, que vous preniez le temps de rencontrer les gens. Le processus s'applique à deux grands ponts et, à l'évidence, si la ville de Windsor souhaite vous rencontrer, vous devriez accepter de le faire si cela vous est possible. Je vous laisse en juger.
Voici une question qui devait être ma dernière, mais je vais commencer par elle. On a estimé que le coût des retards à la frontière canado-américaine s'élevait à 12,5 milliards de dollars par année. Les échanges commerciaux sont extrêmement importants pour notre pays. Pouvez-vous m'expliquer en quoi les dispositions du projet de loi vont améliorer l'efficacité des opérations aux points de passage internationaux s'il y a des chances qu'elles prolongent les retards à cause de nouvelles mesures de sécurité aux points de passage et qu'elles fassent augmenter les frais d'observation des règlements chez les exploitants?
M. Cannon : Vous avez raison d'indiquer que 28 p. 100 de nos échanges commerciaux avec les États-Unis se font par le point de passage de Windsor-Detroit, que ce soit par le pont ou par le tunnel. De toute évidence, il s'agit d'une question importante.
En règle générale, pour ce qui est de la sûreté et surtout de la sécurité, nous accélérons la fluidité de la circulation au moyen d'une série de mesures prises par le gouvernement. Manifestement, la question de la sécurité préoccupe les Américains. Nous renforçons le régime de gestion des risques. Parallèlement, nous nous assurons qu'un régime de circulation fluide est en place.
Un certain nombre d'initiatives ont été prises ces derniers temps afin de limiter les effets de cet irritant, comme vous l'avez dit. Par exemple, sauf erreur de ma part, il y a dans ce secteur des installations d'inspection de wagons de marchandises. Nous exécuterons cette inspection, de manière à ce que nos partenaires américains n'aient pas à s'inquiéter des biens qui entrent dans leur pays.
Nous procédons à la réfection du pont de Cornwall et nous affecterons des crédits à la construction d'un nouveau complexe douanier, où on s'occupera de toutes ces questions. Nous allons étudier les moyens de moderniser les technologies de l'information afin de rehausser la sécurité, tout en augmentant la fluidité et la rapidité avec lesquelles nous pouvons expédier nos biens vers les États-Unis.
Le sénateur Mercer : Je vous remercie de ce que vous avez dit à propos du pont de Cornwall. Je suppose que c'est le gouvernement fédéral qui prendra ces coûts en charge.
M. Cannon : Oui.
Le sénateur Mercer : Vous avez déclaré que le projet de loi prévoit le pouvoir de prendre des règlements dans les domaines de la sûreté et de la sécurité, de l'exploitation et de l'usage, de l'entretien et de la réparation, ainsi que certains pouvoirs extraordinaires, comme le pouvoir d'édicter des ordres du ministre pour les réparations nécessaires et la prise de directives d'urgence en cas de menace à la sûreté.
Est-ce que cela s'appliquerait à tous les ponts, y compris aux deux ponts appartenant à des intérêts privés?
M. Cannon : C'est exact.
Le sénateur Mercer : Vous affirmez ensuite qu'il faut régulièrement évaluer et mettre à jour les mesures de sécurité afin de les adapter aux nouvelles menaces à la sécurité et que le projet de loi C-3 permettrait au gouvernement de jouer un plus grand rôle de surveillance dans ce domaine.
Qui paie pour l'exploitation de ces deux ponts privés?
M. Cannon : L'exploitant assumera les coûts.
Le sénateur Mercer : Nous avons actuellement une réglementation que nous imposons à des entreprises privées et elles doivent s'y conformer. Je ne dis pas que nous ne devrions pas nous préoccuper de la sûreté et de la sécurité. Je souhaite savoir clairement qui assume ces coûts. Le gouvernement du Canada paie pour le pont de Cornwall. Est-ce que les propriétaires paient pour les coûts relatifs aux ponts Ambassadeur et Fort Frances?
M. Cannon : C'est exact.
Mme Marcoux : Les ponts sont financés par les péages. La plupart des ponts sont autosuffisants et leurs recettes proviennent des péages. L'argent recueilli par les péages servira à mettre en œuvre des mesures de sûreté et de sécurité.
Le sénateur Mercer : Je ne crois que leurs propriétaires pourraient rester en affaire s'ils ne faisaient pas d'argent.
Mme Marcoux : Tout ce que je dis, c'est que cette mesure s'appliquera aux ponts privés de la même manière qu'aux ponts qui sont la propriété de l'État. L'argent viendra du péage.
Le sénateur Mercer : Je ne franchis pas souvent la frontière en voiture. Je ne me souviens pas de ce que j'ai payé lorsque j'ai traversé la frontière à Ganonoque. Est-ce que les droits de péage sont comparables d'un pont à l'autre? Est- ce qu'ils sont les mêmes selon que j'emprunte le pont de Cornwall ou le pont Ambassador?
Mme Marcoux : Non. Les droits de péage varient, mais la concurrence est vive.
M. Cannon : Il n'y a pas de grands écarts entre les tarifs. C'est ce qu'on me dit.
Le sénateur Mercer : Donc, il se peut que le gouvernement fasse de l'argent au pont de la Paix. Sommes-nous propriétaires du pont de la Paix?
M. Cannon : Oui.
Le sénateur Mercer : L'exploitation de cette infrastructure est-elle aussi rentable que celle du pont Ambassador à Windsor?
M. Hicks : Le pont de la Paix perçoit des péages et tout cet argent est réinvesti dans le pont. Actuellement, le complexe douanier canadien fait l'objet d'améliorations importantes et ces travaux sont financés par les péages.
Le sénateur Mercer : Est-ce que les améliorations faites à nos complexes douaniers à Fort Frances et au pont Ambassador sont prises en charge par les propriétaires de ces deux ponts?
M. Cannon : Oui.
Le sénateur Mercer : S'agit-il de propriétaires différents?
Mme Marcoux : Oui.
Le sénateur Mercer : Je trouve curieux que nous procédions de cette façon.
Je voulais aborder également la question des permis délivrés du côté américain de la frontière. Je crois que Mme Marcoux y a fait allusion et je crois comprendre, d'après ma recherche, que les permis du côté américain sont désignés sous l'appellation de permis présidentiels.
Mme Marcoux : Oui.
Le sénateur Mercer : Je crois comprendre qu'ils veulent construire un nouveau pont à côté du pont Ambassador. Est-ce que les permis ont déjà été accordés par le gouvernement des États-Unis, le gouvernement du Michigan et la ville de Détroit?
M. Cannon : Pas à notre connaissance. Nous ne le savons pas. Avez-vous des renseignements à ce sujet?
Le sénateur Mercer : Non, je ne fais qu'émettre des hypothèses. Ce point sera peut-être clarifié au cours d'une autre réunion.
Nous semblons mélanger les choux et les navets. Je ne comprends pas pourquoi nous voulons tout à coup réglementer les ponts. Le pont Ambassador existe depuis le début des années 1920, et le pont Fort Frances, depuis des décennies. Mis à part les enjeux de sécurité qui découlent des événements du 11 septembre, y a-t-il d'autres motifs qui sous-tendent ces amendements?
M. Cannon : Il est dans l'intérêt public d'avoir une politique cohérente qui nous permet d'assumer nos responsabilités dans notre champ de compétence.
Vous vous demandez pourquoi nous avons des règlements. Essentiellement, les règlements vont être publiés dans la partie I de la Gazette, et ensuite dans la partie II, aux fins de consultation. Tout va se faire dans la transparence. Les parties intéressées vont pouvoir participer au processus de consultation et exposer leurs vues sur la question.
Vous avez mentionné les enjeux de sécurité. À cela, il faut ajouter le facteur temps. Le projet de loi C-44 s'appuyait sur le même raisonnement — si le gouvernement du Canada a forcément un rôle à jouer dans ce champ de compétence.
Le sénateur Mercer : Monsieur le ministre, vous avez parlé d'un autre projet de loi en plus du C-44. De quel projet s'agissait-il?
M. Cannon : Du projet de loi C-26.
Le sénateur Mercer : Est-ce que ce projet de loi-ci est identique aux deux autres?
M. Cannon : Non. J'ai fait allusion, plus tôt, aux municipalités qui tiennent à être consultés. Nous en avons tenu compte dans le projet de loi. Mme Marcoux va aborder l'autre point.
Mme Marcoux : La disposition relative à la propriété est nouvelle.
Le sénateur Mercer : Je ne la comprends pas. Est-ce que cela veut dire que, si le pont Ambassador m'appartient et que je veux le vendre, je dois, avant de faire quoi que ce soit, informer le gouvernement du Canada de mon intention de vendre le pont au sénateur Zimmer, par exemple?
M. Cannon : Oui, pour une raison très simple. Je ne connais pas le sénateur Zimmer. C'est peut-être une personne très bien, mais — je pense que nous en avons déjà parlé — nous devons nous protéger contre les terroristes. Nous voulons savoir à qui les ponts vont être vendus. C'est un facteur parmi d'autres.
Le sénateur Mercer : Est-ce que le gouvernement du Canada aurait d'autres préoccupations, mise à part celle-là?
M. Cannon : Non. Il n'y a pas de motifs secrets. Les Américains sont très inquiets au sujet de la sécurité à la frontière. Ce n'est rien de nouveau. Nous en sommes conscients.
Nous avons deux défis à relever. D'abord, nous devons être en mesure de répondre de façon raisonnable et adéquate à ces inquiétudes. Ensuite, nous voulons tous, vous, moi, les députés et les sénateurs, que nos corridors commerciaux soient administrés de façon efficiente et efficace pour que nos biens et services puissent circuler librement. Voilà les défis auxquels nous devons nous attaquer.
Le sénateur Mercer : Ma dernière question porte sur l'étude d'impact environnemental, un sujet qui a été abordé à plusieurs reprises.
Je présume qu'il y a déjà des processus d'évaluation environnementale en place des deux côtés de la frontière, et que l'unique chose qui reste à faire, c'est de dire qu'ils doivent être respectés.
Mme Marcoux : C'est exact.
Le sénateur Zimmer : Merci pour vos explications et votre franchise. Monsieur, je constitue un bon risque, mais je ne veux pas acheter de pont.
Je voudrais aborder la question sous un angle différent. Vous avez dit que le ministre a le pouvoir d'édicter des ordres pour les réparations nécessaires, l'entretien, l'infrastructure, les réfections, la construction, la reconstruction. Ce qui m'intéresse, c'est l'état des ponts internationaux, pas uniquement les données statistiques touchant leur date de construction. Plus important encore, il faudrait procéder à un examen général et détaillé de ceux-ci. Nous n'avons aucun renseignement là-dessus. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet, monsieur Hicks?
M. Hicks : Vous faites allusion à l'état des ponts?
Le sénateur Zimmer : Oui. Quand ont-ils été construits? Depuis combien d'années existent-ils? Dans quel état général se trouvent-ils?
M. Hicks : Ce sont-là des questions complexes. Il y a 24 ponts internationaux pour les véhicules, et 9 traverses de chemins de fer. Ils ont été construits à des époques différentes. Certains datent du début des années 1900. En fait, la plupart des ponts ont été construits il y a 40, 50 ou 60 ans.
Plusieurs ponts doivent, en vertu des lois qui les régissent, faire l'objet d'un rapport technique au ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux. Cette exigence ne s'applique pas à tous les ponts internationaux, mais à seulement certains d'entre eux. Nous savons dans quel état se trouvent ces ponts. Nous les soumettons à des vérifications et inspections.
Il y a des ponts qui ne sont visés par aucune loi. Je dois dire, en toute honnêteté, que nous ne savons pas vraiment dans quel état ils se trouvent. Le pont Fort Francis appartient à des intérêts privés. Nous n'avons pas beaucoup de renseignements sur l'entretien et les réparations dont il fait l'objet.
Certains ponts internationaux appartiennent aux provinces. Elles contrôlent des ponts dans un domaine de compétence fédérale. Ce que nous demandons via ce projet de loi, c'est que les provinces partagent avec nous l'information qu'elles possèdent sur l'état de ces ponts.
De manière générale, ces ponts sont en bon état. Les ponts plus larges entre l'Ontario et les États-Unis imposent des droits de péage qui servent à couvrir les frais d'entretien. La plupart des provinces ont des programmes d'entretien. Nous aimerions qu'elles nous en fassent part.
Le sénateur Zimmer : Avez-vous des données empiriques là-dessus? Vous allez sans doute dire que chaque pont est différent, mais est-ce qu'ils ont une durée de vie moyenne, ou sont-ils à ce point différents que vous n'êtes pas en mesure de fournir cette information?
M. Hicks : Ils sont tous différents. Ces ponts ont, pour la plupart, une durée de vie moyenne de 75 ans. Je dois me renseigner, mais je pense que l'âge moyen des ponts est d'environ 40 ou 45 ans.
Or, le fait qu'un pont ait été construit il y a 75 ans ne signifie pas qu'il va s'écrouler. Cela signifie tout simplement qu'il a été conçu pour une durée de vie utile de 75 ans. Il peut être renforcé et durer plus longtemps s'il fait l'objet de travaux de réfection et de remise en état.
Nous constatons que les camions sont de plus en plus lourds et nombreux, ce qui fait que les ponts vieillissent beaucoup plus rapidement.
Le sénateur Zimmer : C'est comme dans le cas de l'être humain. On dit aujourd'hui que l'espérance de vie est de 120 ans, et que cela dépend de la façon dont on soigne le corps. L'analogie est bonne : tout est fonction de l'attention qu'on y accorde.
Le personnel de mon bureau a communiqué avec un ingénieur civil qui se spécialise dans la recherche sur les ponts. On nous a dit qu'il faut élaborer une politique efficace en vue de s'attaquer au problème de plus en plus coûteux que présentent les ponts, et le gouvernement en a fait mention. On nous a dit aussi qu'il s'agit d'un enjeu d'une ampleur et d'une complexité sans précédents.
Trois solutions ont été proposées : un plan à court terme, qui consiste à mettre au point des méthodes de vérification pour mieux cerner les ponts en mauvais état qui nécessitent des réparations immédiates; un plan à moyen terme pour mieux évaluer l'impact sur l'économie et le bien-être de la société, et mieux prioriser les ressources; et une stratégie à long terme axée sur la prévention, pour réduire les coûts d'ensemble par le biais, par exemple, de technologies nouvelles et innovatrices.
Avez-vous élaboré des plans à court, à moyen et à long termes pour régler ce problème?
M. Hicks : Votre consultant a tout à fait raison : nous devons nous doter d'une stratégie pour assurer l'entretien de ces ponts. Toutefois, le gouvernement fédéral a les mains liées puisque seulement cinq des 24 ponts internationaux lui appartiennent.
Le projet de loi précise que les propriétaires sont responsables de l'entretien et de la réparation des ponts. Nous voulons qu'ils nous fournissent des rapports à ce sujet pour que nous puissions dire aux Canadiens que les ponts sont sécuritaires. Toutefois, nous ne disons pas qu'ils doivent obligatoirement élaborer des plans à long terme pour assurer l'entretien des ponts. Par contre, si un pont présente des défaillances, nous allons nous en inquiéter.
Le sénateur Zimmer : Comme les ponts vieillissent et que leur entretien va devenir de plus en plus un enjeu, existe-t-il un plan proactif pour s'attaquer au problème? Je songe à un plan qui vise de manière précise à déceler les dommages causés par la corrosion, un facteur qui aurait pu contribuer à l'effondrement désastreux du viaduc de Montréal, en septembre.
On peut fort bien procéder à des analyses radiographiques et découvrir une fissure ou un autre problème, mais il faut prévoir des mesures d'entretien préventif ou construire des ponts de manière à éviter les problèmes de ce genre.
Par exemple, j'ai vu le film Septembre 11 et la suite. L'architecte a dit que les deux tours auraient dû rester debout. Une erreur majeure a été commise : le matériau isolant autour du métal. Si ce matériau avait empêché la chaleur de s'attaquer à la structure, les tours seraient encore debout.
Quelles mesures prenez-vous pour combattre les éléments comme la corrosion, les intempéries, les débâcles? Quelles mesures préventives prenez-vous lors de la construction ou de l'entretien des ponts, pour éviter qu'ils ne subissent des dommages? Ces choses sont difficiles à prévoir en raison de tous ces éléments.
M. Hicks : La recherche de techniques nouvelles garde les ingénieurs occupés. Nous tirons toujours des enseignements des erreurs passées. J'ai vu, quand j'étais à l'université, un film sur le pont de Tacoma, qui a oscillé jusqu'au moment où il s'est écroulé. Nous avons tiré des leçons de cela. Il y a quarante ans, cet été, que le pont du chemin Heron, à Ottawa, s'effondrait. Encore une fois, nous avons tiré des leçons de cela. Les ingénieurs ne cessent jamais d'apprendre.
Nous avons cherché à renforcer les tiges placées à l'intérieur d'un pont pour éviter qu'elles ne soient attaquées par la rouille. Nous les avons branchées à des batteries pour chercher à réduire la corrosion. Nous les avons recouvertes d'enduits. La technologie évolue sans cesse.
Le Canada a adopté, il y a environ deux ans, un nouveau code pour la conception des ponts. Ce code est de loin supérieur à l'ancien. Nous continuons d'apprendre.
Le sénateur Zimmer : Parlez-vous à vos homologues de par le monde au sujet de leurs ponts, de leurs technologies? Quand des accidents se produisent ailleurs dans le monde, est-ce que vous en tirez des enseignements?
M. Hicks : Vous parlez du ministère?
Le sénateur Zimmer : Oui.
M. Hicks : Nous le faisons. En fait, nous faisons partie de plusieurs organismes qui tiennent des réunions et des conférences. Nous continuons de nous inspirer de leurs expériences.
Le sénateur Munson : On en a déjà parlé, mais j'aimerais savoir, malgré toutes les consultations et discussions qui se déroulent, quel impact les nouveaux règlements vont avoir sur les exploitants privés. Est-ce que ces exploitants vont être obligés de vendre leurs ponts, de cesser leurs opérations? Il me semble qu'il va falloir investir beaucoup d'argent dans l'entretien, les réparations, ainsi de suite.
M. Cannon : Pouvez-vous me donner plus de précisions?
Le sénateur Munson : Je fais allusion aux incidences financières de ce projet de loi si les exploitants privés sont obligés de réparer les ponts. S'ils ne pensaient pas être tenus de faire de grosses réparations alors qu'ils doivent maintenant en faire beaucoup plus, cela risque de les placer dans une situation difficile.
Mme Marcoux : Les exploitants sont en affaires, que les ponts appartiennent à des intérêts privés ou au secteur public. Les exploitants sont des personnes responsables. Comme l'ont mentionné mes collègues, nous n'avons aucune raison de croire que les ponts ne sont pas sécuritaires. Nous ne le savons tout simplement pas parce que, pour l'instant, nous n'avons aucun moyen d'obtenir cette information.
Les règlements devront faire l'objet de consultations exhaustives avec les exploitants des ponts et les autres intervenants qui voudront prendre part au processus. Comme vous le savez, les règlements sont efficaces s'ils sont établis par consensus. Je ne saurais vous dire aujourd'hui combien vont coûter le processus ou les règlements, mais nous faisons affaire à des gens qui sont responsables et compétents. Nous ne nous attendons pas à ce que les règlements soient déraisonnables. Il est dans l'intérêt de tous d'avoir des ponts sécuritaires. Ces ponts doivent être entretenus. S'ils ont besoin de réparations, celles-ci doivent être effectuées.
Le sénateur Munson : On a laissé entendre, plus tôt, qu'il faut éviter que ces ponts ou tunnels tombent entre les mains de terroristes. Cette question mérite d'être examinée de très près. Monsieur le ministre, trouvez-vous inquiétant que des exploitants privés soient propriétaires de deux ponts entre deux pays souverains? Si on leur posait la question, les Canadiens diraient que leur frontière est très sécuritaire, parce qu'il y a deux gouvernements, des douaniers, des policiers, qui la surveillent. Ils se sentent en sécurité. Je n'ai pas d'opinion là-dessus, mais à l'époque où j'étais membre du comité de la défense, nous sommes allés à Windsor pour rencontrer nos homologues et discuter de sécurité avec eux. Ils savent qu'il y a des exploitants privés, mais je ne pense pas que les Canadiens, eux, le savent.
Est-ce que le fait qu'il y ait des exploitants privés vous pose problème, compte tenu du monde dans lequel nous vivons aujourd'hui et des problèmes de sécurité qui existent, ou est-ce que cela fait partie du régime de libre entreprise?
M. Cannon : Non, cela ne nous pose aucun problème.
Le sénateur Tkachuk : Pourquoi un gouvernement voudrait-il révoquer des lettres patentes?
M. Langlois : Parce qu'elles ne sont plus requises.
Le sénateur Tkachuk : Je n'en suis pas sûr.
M. Langlois : Elles ne seraient plus requises si l'entreprise cessait d'exister.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce là une façon de dissoudre une entreprise?
M. Langlois : Oui. Par exemple, l'entreprise qui transfère un pont ou un tunnel à un autre exploitant peut être dissoute. Il existe, en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, un processus qui permet de dissoudre une entreprise. C'est la procédure qu'on utilise pour la dissolution.
Cette disposition n'a pas été incluse dans le projet de loi pour pénaliser l'exploitant qui ne respecte pas une des dispositions prévus dans la loi. Elle a été ajoutée uniquement à des fins administratives.
Le sénateur Zimmer : J'ai une dernière question à poser. Madame Marcoux, vous en avez parlé, et le ministre aussi. Est-ce que les exploitants privés sont des propriétaires absents? Peuvent-ils louer le pont à quelqu'un d'autre? Y a-t-il des ponts qui sont donnés en location à d'autres exploitants privés?
M. Cannon : Je ne le crois pas. Pas à notre connaissance.
[Français]
La présidente : Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d'être venu témoigner devant notre comité.
M. Cannon : Le plaisir fut pour moi.
[Traduction]
Le président : Nous reprendrons nos travaux le 21 novembre, à 9 h 30. Nous allons rencontrer à ce moment-là la Bridge and Tunnel Operators Association.
La séance est levée.