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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 5 - Témoignages du 21 novembre 2006


OTTAWA, le mardi 21 novembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui a été saisi du projet de loi C-3, Loi concernant les ponts et tunnels internationaux et modifiant une loi en conséquence, s'est réuni en ce jour à 9 h 30 pour en entreprendre l'étude.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je déclare la séance ouverte. À l'ordre du jour d'aujourd'hui figure le projet de loi C-3, Loi concernant les ponts et tunnels internationaux et modifiant une loi en conséquence.

Notre témoin ce matin est M. Thomas E. Garlock, président de l'Association des administrateurs des ponts et des tunnels.

Je vous souhaite la bienvenue devant notre comité, monsieur Garlock. Nous sommes enchantés de vous avoir parmi nous. Je vous invite à prendre la parole.

Thomas E. Garlock, président, Association des administrateurs des ponts et des tunnels : Chers membres du comité, bonjour et merci de m'avoir invité à prendre la parole devant vous, au nom de l'Association des administrateurs des ponts et des tunnels au sujet des dispositions du projet de loi C-3.

Formée des dix entités responsables des onze ponts et tunnels internationaux qui relient la province d'Ontario aux États du Michigan et de New York, l'Association des administrateurs des ponts et des tunnels s'occupe avec diligence d'assurer la circulation efficace des voyageurs et des marchandises à la frontière entre le Canada et les États-Unis. L'AAPT est tout à fait consciente de l'importance d'une frontière efficace pour la compétitivité de l'économie canadienne dans le monde.

Nous avons attentivement suivi l'élaboration du projet de loi dont vous entreprenez l'étude aujourd'hui, depuis qu'il a été présenté pour la première fois devant un parlement antérieur sous l'appellation de projet de loi C-44 et, avant cela, sous l'appellation de projet de loi C-26, si je ne m'abuse.

Même si je comparais au nom des membres de l'AAPT, puisque tel est le sigle par lequel nous sommes connus, je vous signale que chaque administrateur pourra présenter individuellement un témoignage ou des observations qui reflètent son point de vue ou sa situation en particulier.

Au cours des 18 derniers mois, des fonctionnaires de Transports Canada nous ont fait part à au moins trois reprises des dispositions législatives prévues, ainsi que de leur raison d'être et des résultats que l'on escompte de ce projet de loi. Malgré l'utilité de ces renseignements, il y a un élément dans ce projet de loi, comme nous l'avons expliqué, qui risque de porter préjudice aux administrateurs de tunnels et de ponts d'une manière que ne prévoyait nullement la législation. Cet élément a trait à l'intention d'approuver l'établissement des péages, des redevances et des frais. La majorité des membres de l'AAPT sont financièrement autonomes, puisqu'ils financent toutes leurs opérations et les améliorations apportées à leurs immobilisations à même les recettes des péages, et ce sont ces recettes qui sont données en garantie par voie contractuelle aux créanciers obligataires afin de réunir des capitaux pour des projets d'envergure majeure.

Vous comprendrez, j'en suis sûr, que les créanciers obligataires exigent que les émetteurs aient la possibilité, les moyens et la souplesse nécessaires pour gérer leurs sources de revenu de telle manière que les créances soient remboursées conformément aux conditions des contrats. Lorsque les marchés financiers ont le sentiment qu'un émetteur risque d'être limité dans la gestion de ses moyens de financement, cela a un effet négatif direct sur la cote de l'émetteur qui peut avoir pour conséquence de majorer de manière spectaculaire les coûts d'emprunt futurs. Ces coûts devront alors être assumés en vertu d'une hausse des recettes provenant de ceux qui règlent les péages.

Il faut signaler qu'il n'y a pas que les infrastructures des ponts et des tunnels qui ont besoin d'être financées, mais également les installations dont a besoin le gouvernement du Canada. Alors que les États-Unis règlent ou remboursent la facture des édifices, des réparations, des services publics ou des opérations d'entretien nécessaires au logement de leurs fonctions douanières, agricoles et autres, la loi canadienne prescrit que ce sont les administrateurs qui doivent prendre tous ces coûts à leur charge.

Dans le cas de la Commission du pont de Niagara Falls, dont je suis le directeur général, cela n'englobe pas seulement les 40 millions de dollars qu'il a fallu engager pour bâtir un nouveau complexe à Rainbow Canada en 2000, mais également les 2,5 millions de dollars de coûts annuels d'entretien, de service de la dette, de services publics et d'autres services dont a besoin l'Agence des services frontaliers du Canada aux trois ouvrages de franchissement dont nous sommes responsables.

Nous avons fait part de ces préoccupations au Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes et aux fonctionnaires chargés de la rédaction du projet de loi C-3. Nous avions également pris des dispositions antérieures pour que les fonctionnaires soient directement mis au courant l'an dernier par les conseils obligataires via téléconférence. Nous sommes heureux et reconnaissants que le comité de la Chambre ait dûment tenu compte de nos préoccupations et ait modifié le texte de loi par l'article 15.1 avant qu'il ne soit référé à la Chambre au complet. Nous avons bon espoir que le ministre, en élaborant des règlements à l'appui du projet de loi C-3, tiendra compte des intérêts des créanciers obligataires actuels et futurs et évitera toute mesure qui aura pour effet de majorer les coûts de financement des opérations, de construction ou de réfection des infrastructures frontalières essentielles. Nous sommes convaincus que la modification préparée par le comité et qui figure dans le langage approuvé par la Chambre des communes préservera la capacité du gouvernement à traiter des questions dont il est saisi tout en clarifiant aux yeux des propriétaires et des exploitants qu'ils seront en mesure de continuer à gérer leurs affaires financières avec le maximum d'efficacité conformément à leurs obligations juridiques.

Enfin, il est important de donner l'assurance aux membres du comité et à tous vos collègues du Sénat que les membres de l'AAPT comprennent parfaitement l'obligation exceptionnelle qui leur incombe à l'endroit des Canadiens et des citoyens des États-Unis de maintenir une frontière efficace entre ces deux grands pays. Nous savons que ces ponts et le tunnel jouent un rôle névralgique dans la vie économique et culturelle du pays et qu'ils ont des répercussions sur les gens et produits échangés bien au-delà du lieu où ils peuvent arriver dans notre pays. Cela étant, personne n'osera nier qu'ils visent un objectif fédéral et que le projet de loi que vous avez devant les yeux établit un rôle fédéral.

Les membres de l'Association des administrateurs des ponts et des tunnels peuvent vous assurer qu'ils continueront de collaborer de près avec le gouvernement pour assurer une frontière ouverte, efficace et sécuritaire.

Je me ferai un plaisir de répondre aux questions que les sénateurs pourraient se poser ou d'entendre vos observations au sujet de ma déposition.

La présidente : Merci, monsieur Garlock. J'ai pour ma part quelques questions et je céderai ensuite la parole à mes collègues.

Vous avez dit que la modification avait été préparée et adoptée par le comité de la Chambre des communes au moyen de l'article 15.1. Grâce à cette modification, les propriétaires et les administrateurs seront-ils en mesure de continuer à gérer leurs affaires financières avec le maximum d'efficacité?

M. Garlock : Nous croyons que oui. Je tiens à préciser que nous ne demandons pas à ce comité ou au Sénat au complet d'apporter le moindre changement à ce projet de loi car nous sommes convaincus que ces préoccupations ont été dûment prises en considération par le comité de la Chambre de telle sorte que le ministre jouit toujours de la capacité d'intervenir au sujet des péages, des redevances ou des frais dont il estime qu'ils risquent de porter préjudice à l'efficacité de la frontière. Il s'agit néanmoins d'une procédure d'approbation réactive plutôt que proactive. Compte tenu du nouveau langage, nous avons bon espoir que nos créanciers obligataires verront là une sorte de garantie que nos obligations à leur endroit seront respectées sans la moindre entrave.

La présidente : En vertu de l'article 15, le gouvernement sera investi du pouvoir d'établir des procédures pour traiter des plaintes. Pouvez-vous m'expliquer la procédure en vigueur de traitement des plaintes relatives aux péages, aux redevances ou aux frais? Par ailleurs, que pensez-vous de la procédure qu'il y aurait lieu d'adopter pour les questions se rapportant aux plaintes? Quel instrument faudrait-il adopter et à qui faut-il envisager de confier la tâche de traiter des plaintes avec efficacité?

M. Garlock : La majeure partie des ouvrages de franchissement sont des sociétés d'intérêt public sous une forme ou une autre et nous sommes régis par des commissions ou des conseils qui se composent dans une large mesure de représentants locaux.

J'ai été rejoint par Ron Rienas, directeur général de la Buffalo and Fort Erie Public Bridge Authority, qui est propriétaire du pont Peace dont il assure l'exploitation entre les deux localités. Dans le cas de l'Administration du pont Peace, les commissaires canadiens sont nommés par le gouvernement du Canada. Les commissaires américains sont nommés pour leur part par divers fonctionnaires de l'État de New York.

Dans le cas de la Commission du pont de Niagara Falls, un peu plus au nord sur le Niagara, les commissaires canadiens sont nommés par le premier ministre de la province d'Ontario tandis que les commissaires américains sont nommés par le gouverneur de l'État de New York. Il existe des différences entre tous ces ouvrages de franchissement qui s'expliquent par leur évolution historique.

Ces commissions et conseils sont parfaitement visibles aux yeux des collectivités où sont situés ces ouvrages de franchissement et ils sont très faciles à joindre par quiconque souhaite formuler une plainte, une remarque, une critique ou une observation au sujet des péages ou de toute autre question relative à ces ponts. Du fait qu'ils sont nommés par leurs chefs de gouvernement respectifs, ils sont très sensibles aux intérêts des gens et pas seulement des membres de la communauté immédiate. Comme je l'ai dit dans ma déposition, les ouvrages de franchissement ont un impact qui dépasse de loin la frontière. Les commissaires qui relèvent de moi sont très sensibles non seulement aux intérêts de Niagara Falls mais aux intérêts de l'ensemble de l'Ontario et du Canada, tout comme ils le sont aux intérêts des habitants de l'État de New York et de l'ensemble des États-Unis.

D'après les entretiens que j'ai pu avoir avec mes collègues, je peux vous affirmer que les plaintes sont plutôt rares. Sur le front des péages, pour la majeure partie d'entre nous, cela fait déjà quelque temps qu'il n'y a pas eu la moindre hausse des péages. Les sociétés d'intérêt public chargées de l'administration de la plupart des ouvrages de franchissement partagent en général l'idée que nous devons seulement percevoir le montant d'argent dont nous avons besoin pour atteindre nos buts. Cela explique que les péages soient maintenus à un niveau très modeste. Au pont Peace et à la Commission du pont de Niagara Falls, le péage canadien actuel s'élève à 3,50 $ pour un véhicule de tourisme qui fait un aller-retour. Nous sommes très fiers de vous dire que nous avons les péages les plus bas le long de la frontière et que nos conseils et nos gestionnaires font tout pour que les choses en restent là. J'espère avoir répondu à votre question.

La présidente : Les gens sont-ils satisfaits de la procédure de traitement des plaintes ou veulent-ils quelque chose d'autre?

M. Garlock : Je n'ai pas entendu le moindre reproche à l'égard de la procédure de traitement des plaintes. J'admets que le gouvernement a le droit de réagir en cas de plainte. Même si je n'ai pas reçu la moindre plainte au sujet des péages, je ferai part au comité d'un exemple qui s'est produit il y a à peine quelques semaines. À cause de certaines modifications d'ordre matériel apportées à la route provinciale 405 aux abords du pont Queenston-Lewiston, un automobiliste s'est perdu et s'est retrouvé dans une situation précaire. Sa plainte s'est frayé un chemin jusqu'au bureau du ministre Cannon, et le cabinet du ministre est entré en rapport avec moi et j'ai été en mesure de lui répondre. Même s'il s'agit d'une procédure officieuse pour l'instant, elle fonctionne relativement bien.

Même si je ne m'exprime pas au nom du ministre ou de l'organisme, je soupçonne que, dans la réglementation, ce sera le même processus de consultation qui sera au cœur de la procédure de traitement des plaintes et, à tout le moins, qui donnera à l'auteur de la plainte une réponse claire sur la raison pour laquelle les choses sont ce qu'elles sont ou pour résoudre le problème qu'il a signalé à notre attention.

La présidente : Aux articles 6 à 12 qui se rapportent à la construction et à l'approbation d'un nouveau pont ou d'un nouveau tunnel, le projet de loi C-3 s'inspire de la procédure américaine des permis présidentiels. Au Canada, du moins jusqu'à maintenant, les travaux de construction et de réfection étaient gérés au cas par cas, si je ne m'abuse, sans une démarche ou un instrument d'approbation uniforme. Êtes-vous au courant de la procédure américaine? Et quels sont ses avantages?

M. Garlock : Je connais bien la procédure américaine. À l'heure qu'il est, la procédure au Canada repose sur la Loi sur la protection des eaux navigables. Je crois que, dans l'un et l'autre pays, l'examen de toutes les questions qui se rattachent à la modification draconienne d'un pont ou d'un tunnel ou, surtout, à la création d'un nouvel ouvrage de franchissement sont incontestablement du ressort du gouvernement fédéral.

Même si les ponts qui relient Ottawa à Hull revêtent une grande importance, et cela est incontestable, ce sont des questions qui relèvent sans doute des deux provinces et de la collectivité locale. Toutefois, dans le cas des ponts et des tunnels internationaux, en raison de leurs répercussions considérables, en particulier pour la vie économique du pays, il est important que le gouvernement fédéral ait un rôle à jouer.

La procédure américaine des permis présidentiels subit elle-même certaines modifications à l'heure actuelle. Le gouvernement s'occupe de la fignoler, en particulier dans le domaine d'une modification quelconque apportée à la travée d'un pont.

Je vous signale que, l'an dernier, moyennant l'appui du gouvernement du Canada et de la province d'Ontario, la Commission du pont de Niagara Falls a reconfiguré tout le tablier du pont Queenston-Lewiston, qui a été élargi de quatre à cinq voies et qu'elle a renforcé toute la travée pour que celle-ci résiste mieux aux secousses sismiques. C'est une chose à laquelle le ministre doit directement participer et où il doit faire connaître les vœux du gouvernement car cela risque de modifier radicalement l'aspect d'un pont, comme ce fut le cas cette fois-là.

Étant donné qu'il s'agissait d'un projet subventionné par le Fonds sur l'infrastructure frontalière et que toutes les sociétés d'utilité publique entretiennent des rapports de travail très étroits avec Transports Canada, je crois que ce que révélera en définitive le projet de loi C-3, c'est que la loi et les règlements ont été suivis de manière plus officieuse lorsqu'il s'est agi d'aménager la cinquième voie.

S'il doit y avoir une modification draconienne, cela suscite normalement l'intérêt très vif du gouvernement fédéral à mon avis.

Le sénateur Tkachuk : Pour lever tout doute dans mon esprit, après la modification en Chambre, votre association ne s'est pas opposée à ce projet de loi?

M. Garlock : C'est exact. Même s'il se peut que certains de nos membres s'adressent au comité sur diverses questions, l'AAPT dans son ensemble ne s'oppose pas à ce projet de loi.

Le sénateur Tkachuk : Qu'est-ce qu'une société d'utilité publique?

M. Garlock : C'est un animal étrange et mystérieux. Comme je l'ai dit, chacun a ses particularités. Permettez-moi de vous en décrire deux ici aujourd'hui.

La Buffalo and Fort Erie Public Bridge Authority est la première à avoir vu le jour. Le pont Peace qui relie Fort Erie (Ontario) à Buffalo (New York) a été construit en 1927 par un exploitant privé. Durant la grande crise économique de 1929, cet exploitant a dû déclarer faillite. À l'époque, l'État de New York et le gouvernement du Canada sont intervenus pour se porter acquéreurs du pont et ils ont constitué la Buffalo and Fort Erie Public Bridge Authority qu'ils ont chargée d'exploiter le pont au mieux des intérêts du Canada et des États-Unis.

Le conseil de l'Administration du pont Peace est nommé et se compose de dix membres, dont cinq sont canadiens et cinq américains, et qui exploitent le pont au mieux des intérêts des deux pays. Il n'y a aucun souci de rentabilité, et le pont est exploité avec le maximum d'efficacité pour maintenir les péages au plus bas niveau possible.

Si je suis assis devant vous aujourd'hui, c'est en partie à cause de la grande tragédie survenue en janvier 1938. Ce mois-là, le pont Honeymoon ou le pont Falls View reliant Niagara Falls (Ontario) à Niagara Falls (New York) a été délogé de ses fondations par un écoulement glaciaire dans le Niagara. Le pont s'est littéralement effondré dans la rivière. Fort heureusement, cela n'a fait aucune victime. On prévoyait depuis longtemps que cela se produirait et personne donc ne se trouvait sur le pont. Lorsque cette tragédie est survenue, les deux villes de Niagara Falls avaient déjà connu des difficultés avec l'exploitant privé qui était propriétaire du pont. Il y avait eu des frictions entre les trois. Les deux localités ont alors déclaré que, s'il devait y avoir une nouvelle entité, elles voulaient qu'il s'agisse d'une entité publique afin que les membres des deux collectivités aient leur mot à dire. C'est ainsi que le gouvernement des États- Unis a adopté une loi portant création de la Commission du pont de Niagara Falls. On s'attendait à l'adoption d'une législation complémentaire au Canada, mais cela ne s'est pas fait en tant que tel. On nous a autorisés à construire le pont, mais le texte législatif qui régit la Commission du pont de Niagara Falls est un texte fédéral américain. Le projet de loi C-3 constituera à mon avis ce texte législatif complémentaire.

Quoi qu'il en soit, lors de notre création, il y avait quatre commissaires américains nommés par le gouverneur de l'État de New York et quatre autres nommés soit par le Dominion du Canada, soit par la province d'Ontario. Étant donné que la force motrice qui se cachait derrière la Commission était alors un ministre du gouvernement provincial, c'est la province qui en a assumé la responsabilité.

À vrai dire, nous fonctionnons dans l'intérêt public. De fait, même si nous sommes propriétaires de ces trois ponts dont nous assurons l'exploitation, advenant qu'un jour nous épongions entièrement notre dette, la législation américaine stipule que nos actifs seront rétrocédés à parts égales soit au gouvernement du Canada, soit à la province d'Ontario et à l'État de New York. Vous voyez donc l'importance de la présence publique. Les commissaires sont nommés à la discrétion du premier ministre ou du gouverneur. Le premier ministre a pris la décision de les nommer pour des mandats de trois ans. Ce sont des chefs d'entreprise et des gens qui jouissent d'importants moyens financiers, qui ont une certaine connaissance de la construction d'immobilisations et une parfaite connaissance des rouages des gouvernements dans les deux pays. Ils sont donc précieux pour la Commission du pont.

Le sénateur Tkachuk : Qui sont les actionnaires? S'agit-il du gouvernement du Canada ou de l'État de New York et de la province d'Ontario?

M. Garlock : Ce sont les citoyens du Canada et des États-Unis.

Le sénateur Tkachuk : Le gouvernement est-il actionnaire?

M. Garlock : La Commission du pont de Niagara Falls est propriétaire des actifs, mais, si jamais elle arrive à se débarrasser de sa dette, les actifs reviendront alors aux deux pays.

Je dois ajouter que nous sommes entièrement autofinancés. De fait, depuis près de 68 ans qu'existe la Commission du pont de Niagara Falls, pour la première fois l'an dernier nous avons dû faire appel à l'aide publique du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial ou du gouvernement de l'État de New York pour réaliser le projet de cinquième voie. À part cela, nous sommes responsables de toutes les opérations et de l'amélioration des immobilisations nécessaires. Comme je l'ai déjà dit dans ma déposition, en vertu de l'article 6 de la Loi sur les douanes, nous sommes tenus de fournir toutes les installations à l'Agence des services frontaliers du Canada. Cela est absolument gratuit pour un gouvernement quelconque.

Le sénateur Tkachuk : S'agit-il d'une société à but non lucratif?

M. Garlock : Oui.

Le sénateur Tkachuk : C'est donc bien cela. À la place d'actionnaires, avez-vous des membres? Comment tout cela fonctionne-t-il? Qui est propriétaire de l'entreprise?

M. Garlock : la Commission est propriétaire des actifs. Si, à un moment quelconque, la Commission se débarrasse de sa dette, les actifs seront répartis équitablement entre le Canada et l'État de New York.

Le sénateur Tkachuk : Peut-être que je m'exprime mal, et je laisserai le soin au sénateur Eyton de poser cette question ultérieurement pour moi. Je ne sais pas au juste comment tout cela fonctionne.

Lorsque vous dites que l'Association des administrateurs des ponts et des tunnels se compose de dix entités responsables de onze des ponts et tunnels internationaux, les dix entités sont-elles des sociétés à but non lucratif ou certaines d'entre elles appartiennent-elles à des intérêts privés?

M. Garlock : Neuf sont des entités publiques; une est privée. Le pont Ambassador qui relie la ville de Windsor à la ville de Detroit appartient à des intérêts privés détenus par une seule famille.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce elle qui se soucie le plus du fait que la Commission devra approuver toute hausse des redevances, des péages et des droits? Il me semble que, dans tous les autres cas, ce soit le gouvernement qui demande au gouvernement. Lorsque les obligations sont émises, le gouvernement ne tient-il pas lieu de garant, comme c'est le cas de la plupart des sociétés d'État?

M. Garlock : Non, absolument pas. De fait, vous vous trouvez devant deux des membres que le langage du projet de loi inquiète le plus.

De par notre nature, nous sommes en mesure d'émettre des obligations exemptes d'impôt aux États-Unis pour améliorer nos immobilisations. De fait, les deux entités que nous représentons ont obtenu le refinancement de leurs activités depuis quelques années, ce qui a permis à ceux et celles qui règlent les péages d'économiser des millions de dollars en service de la dette.

Lorsque la Commission du pont de Niagara Falls s'est adressée au marché des obligations en 2003 pour financer ses opérations, nous avons pu donner l'assurance aux acheteurs de ces obligations que nous avions l'entière maîtrise du barème des péages à tel point qu'ils ne devaient pas craindre que nous n'arrivions pas à générer les recettes nécessaires pour rembourser les obligations. Grâce à cela, nous avons obtenu une cote A de la part de Standard & Poor's. Cela nous autorise à emprunter de l'argent à des taux incroyablement bas. Je crois que notre taux mixte est d'environ 2,80 p. 100 sur les obligations en circulation, ce qui est vraiment très bas.

Le langage original du projet de loi nous a fait craindre que, si le marché des obligations avait l'impression que le ministre pouvait intervenir et opérer des changements dans le barème des péages, cela risquait de compromettre sa capacité à rembourser nos obligations. Maintenant qu'il est clair que le ministre ne peut intervenir que dans les cas où les péages, les redevances ou les frais entraînent des perturbations à la frontière, cela donne la garantie aux créanciers obligataires qu'il s'agit d'un pouvoir conféré au ministre à une fin bien précise, et qui ne peut être utilisé de façon arbitraire.

Le sénateur Mercer : Je regrette que nous n'ayons pas entendu la déposition du témoin avant celle du ministre, car les éléments de sa déposition soulèvent un certain nombre de questions que j'aurais aimé pouvoir poser au ministre.

Je suis quelque peu confus. Je ne comprends pas pourquoi nous avons besoin de ce texte de loi. Lorsqu'une chose n'est pas cassée, il est inutile de la réparer. Y a-t-il eu un élément qui m'a échappé et qui a poussé le gouvernement à proposer ce projet de loi pour réparer des entités qui fonctionnent bien, d'après ce que je peux constater dans les antécédents de la Commission du pont de Niagara Falls et ce que je sais du fonctionnement des ponts dans la région de Windsor? Certes, nous éprouvons des problèmes à la frontière, mais ils n'ont rient à voir avec l'exploitation des ponts ou du tunnel. Il s'agit plutôt d'un problème de volume et peut-être de problèmes d'infrastructures du côté canadien, en particulier les ponts de Windsor.

M. Garlock : Permettez-moi de commencer en disant qu'à mon avis, ce texte de loi est nécessaire en vous rappelant que pratiquement tous ces ponts et tunnels ont été créés à la manière d'une mosaïque. Cela confère manifestement au gouvernement le pouvoir de régler certains problèmes graves.

La sécurité sur ces ponts et dans ce tunnel est un problème qui s'est nettement aggravé depuis cinq ans. Les membres du comité pourraient à juste titre penser que : « Eh bien, puisqu'il y a des organismes fédéraux à chaque extrémité de ces ponts et tunnels, ne sont-ils pas responsables des questions de sécurité? » La réponse est non. Lorsqu'il y a une alerte à la bombe à l'un de mes ponts, les autorités douanières des deux pays nous disent : « Lorsque vous aurez trouvé l'origine de cette alerte et que tout sera rétabli, appelez-nous et nous reviendrons vous voir. » Nous travaillons avec les organismes d'application de la loi des deux côtés de la frontière pour régler ce type de situation.

Dans le cas de la Commission du pont de Niagara Falls, nous avons investi près de 3 millions de dollars en argent et près de 1 million de dollars en frais généraux au taux courant chaque année pour l'installation d'un système de sécurité exhaustif qui se compose d'un système d'accès réglementé avec détecteur de mouvements vidéo qui surveille tout ce qui se passe sur nos ponts, dans nos complexes douaniers et sous nos tunnels.

Incontestablement, le gouvernement du Canada a tout intérêt à ce que chaque pont et tunnel respecte une norme élémentaire de sécurité, ce qui est une question importante.

L'autre élément dont il faut tenir compte, c'est que certains de ces ponts et tunnels deviennent vétustes. Le pont Whirlpool Rapids entre nos deux pays, l'unique pont NEXUS entre le Canada et les États-Unis, fêtera l'an prochain son 110e anniversaire. Il fait l'objet d'une inspection chaque année et est en excellent état. Le régime d'inspection est très rigoureux. Tous les deux ans, nous procédons à l'examen spectrographique des rivets et de certains autres composants pour nous assurer qu'ils sont en bon état. Voilà un autre domaine auquel le ministre porte un intérêt indéniable, s'assurer que les travées sont inspectées et sont entretenues pour assurer la sécurité du public voyageur et faire en sorte que les échanges commerciaux internationaux ne soient pas perturbés.

Enfin, dans le cas du pont Peace, il y a eu une étude d'impact environnemental qui se soldera par un renforcement de la capacité du pont. Tout porte à croire qu'une autre travée sera construite en plus de la travée existante. Il est important que le gouvernement surveille ce qui se construit, la façon dont les travaux se déroulent et quel effet cela risque d'avoir sur les autres ponts et tunnels.

Nous avons accompli un relativement bon travail jusqu'ici, mais le projet de loi C-3 complétera et améliorera encore plus ces efforts, à mon point de vue.

Le sénateur Mercer : Vous venez de parler du pont Peace et du besoin de l'agrandir et peut-être de construire un nouveau pont. Nous avons également entendu parler de la construction d'un nouveau pont à Windsor. Je ne comprends pas très bien si le nouveau pont parallèle au pont Peace et celui de Windsor seront financés par la société à but non lucratif. Dans le cas de Windsor, s'agira-t-il de la société privée? Je crois savoir que la société privée de Windsor à qui appartient le pont Ambassador s'apprête à construire un nouvel ouvrage. Sommes-nous en train de parler de ponts concurrents? Je sais que le pont Peace est différent, et également le pont Ambassador. J'ai lu les réflexions du ministre dans les journaux depuis deux semaines sur une éventuelle participation du gouvernement, et je me demande comment le gouvernement peut participer à un tel projet si l'une de ces entités est une société privée.

M. Garlock : Je puis vous affirmer que le gros, sinon la totalité du financement de l'agrandissement du pont Peace se fera grâce à l'instrument dont j'ai parlé, c'est-à-dire à l'émission d'obligations et à la responsabilité qui incombera à l'entité responsable du pont de rembourser les obligations.

Sénateur, je pense qu'il est un peu tôt pour savoir ce qui se produira à Detroit-Windsor. Je crois qu'il y a un certain nombre d'idées divergentes sur ce qui dont arriver là-bas, sur la façon dont cela doit se produire et sur qui doit en être responsable. Je pense que la question devra être résolue prochainement. Mais, peu importe ce qui se passe, si cela est réalisé par des intérêts privés, par des intérêts publics ou par un partenariat public-privé, il est indéniable que le gouvernement du Canada s'intéresse vivement à la façon dont cet agrandissement se matérialisera.

Car il s'agit de bien plus que d'un simple pont. Il s'agit d'emplois pour des Canadiens et de la vie économique de tout le pays. Lorsqu'on songe au nombre de produits exportés qui franchissent le 49e parallèle quotidiennement, il est clair que le gouvernement du Canada porte un vif intérêt à ce qui se passe et tienne à ce que cela se déroule avec le maximum d'efficacité et de sécurité.

Le sénateur Mercer : Nous avons parlé de la nécessité du projet de loi. Je comprends fort bien le facteur de sécurité qui vient s'ajouter à la question, particulièrement après les événements du 11 septembre, mais je suis plutôt étonné de voir que nous avons d'importantes liaisons terrestres économiques entre notre pays et notre plus gros partenaire commercial et qu'en cas d'un alerte à la bombe au pont Peace ou au pont Ambassador ou à l'un quelconque des autres ponts, les fonctionnaires de l'État quittent tout bonnement le pont et disent aux responsables de la Commission qui en assure l'administration : « Appelez-nous quand la situation sera rétablie. » J'ose croire que la question de sécurité préoccupe un peu plus le gouvernement des États-Unis et celui du Canada.

M. Garlock : Je comprends fort bien ce que vous dites. Le projet de loi C-3 rend effectivement le gouvernement responsable des questions de sécurité pour s'assurer que les responsables assument bien leurs responsabilités.

Le sénateur Mercer : Qu'ils les assument bien, sans que le gouvernement ait à débourser un seul centime.

M. Garlock : C'est un débat que nous réserverons à une autre journée, sénateur.

Le sénateur Mercer : Ce que j'essaie de vous dire, c'est que le gouvernement vous dit que vous devez assurer tel et tel niveau de sécurité, mais il doit également avoir son mot à dire dans la façon dont vous établissez votre barème des redevances.

M. Garlock : Pour ce qui est du barème des redevances, le gouvernement ne doit intervenir que si le barème adopté porte préjudice à l'efficacité de la circulation.

Ce que le ministre essaie de dire au sujet des redevances, des frais et des péages, c'est que, si je devais abaisser le péage des camions sur le pont Queenston à 1 $ le camion, étant donné que le pont Peace facture 20 $ au même camion, j'attirerais alors toutes les activités de camionnage aux dépens du pont Peace et saperais sa capacité à s'acquitter de ses obligations en matière de règlement des factures, de sorte que l'on pourrait assimiler cela à une fixation de prix abusifs de ma part. C'est précisément dans un tel cas que le ministre peut intervenir et affirmer que cela porte préjudice à l'efficacité de la frontière. Non seulement vous minez les intérêts de l'administration responsable du pont Peace, mais vous embouteillez la frontière à un poste frontalier alors qu'un autre poste qu'emprunte le trafic commercial est parfaitement fluide.

Pour en revenir à la question de la sécurité, de nombreuses personnes ont la même réaction que vous, sénateur, lorsqu'ils apprennent de quelle façon on assure la sécurité des ponts et des tunnels. Toutefois, ce n'est pas une situation aussi imparfaite qu'il peut sembler à première vue.

Dans le cas de la Commission du pont de Niagara Falls ou de l'Administration du pont Peace, nous sommes une commission ou une administration binationale parfaitement intégrée. Cela signifie que je suis l'unique directeur général de la Commission du pont de Niagara Falls, mais que je travaille autant à défendre les intérêts du Canada que ceux des États-Unis. Nous franchissons librement la frontière et nous pouvons réagir rapidement devant n'importe quelle situation, au lieu de devoir faire appel à la coordination des organismes fédéraux d'un pays d'un côté du fleuve et aux organismes fédéraux du côté opposé. Même s'ils assurent la coordination des choses, en cas d'urgence, nous sommes très agiles et sommes parfaitement en mesure d'intervenir pour remédier à la situation qui nous préoccupe. Nous entretenons d'excellents rapports avec la PPO et la GRC au Canada, de même qu'avec la police d'État et, dans une moindre mesure, avec le FBI des États-Unis.

Pour en revenir au projet de loi C-3, il est important que le gouvernement, par l'entremise du ministre des Transports, ait des garanties que les questions de sécurité seront résolues de manière satisfaisante à chaque point de passage. Le ministère des Transports a eu des consultations avec les administrateurs à cet égard et nous nous attendons à ce que cela persiste durant la période d'élaboration des règlements.

Le sénateur Mercer : Vous avez parlé de la possibilité que la fixation de prix abusifs perturbe le marché. Le marché n'arrivera-t-il pas à régler la situation tout seul? Dans l'exemple que vous avez utilisé, là où vous abaissez votre prix à 1 $, le plus grand nombre de camions qui empruntent votre pont en accélèrent l'usure; sans compter qu'avec la baisse de vos recettes, il me semble que vous ne pourrez vous en tirer à bon compte que pendant un certain temps. Air Canada illustre on ne peut mieux les conséquences de la fixation de prix abusifs : vous finissez par éprouver vous-même des ennuis financiers.

M. Garlock : En définitive, il se peut que le marché puisse résoudre la question, mais, en attendant, cela risque de causer beaucoup de dégâts. En ce qui nous concerne, même si nous travaillons pour des administrations distinctes, nous œuvrons dans un esprit de collégialité pour gérer la circulation au-dessus du Niagara. C'est ce qui se passe dans la plupart des cas le long de la frontière.

Je traiterai exclusivement du Niagara. Sur les quatre ponts, il n'y en a que deux qui aient une vocation commerciale : le pont Queenston et le pont de Fort Erie. Lorsque nous avons décidé d'aménager une cinquième voie sur le pont Queenston, la Buffalo and Fort Erie Public Bridge Authority a reporté d'un an son plan de remplacer certains joints pour pouvoir accueillir le trafic supplémentaire détourné du pont de Queenston pendant le déroulement des travaux. À l'inverse, au mois de juin, nous avons dû fermer l'une de nos voies à la circulation rapide. Nous tenions à nous assurer que le pont pouvait accueillir le maximum de trafic avec le maximum d'efficacité pendant que les responsables du pont Peace procédaient au remplacement des joints qu'ils avaient différé pendant un an.

À la mi-octobre, une violente tempête de neige accompagnée de vents forts a balayé le sud de l'Ontario et l'ouest de l'État de New York, et le pont Peace n'a pas eu d'électricité pendant un certain temps dans le sens des États-Unis et n'a donc pas été en mesure de faire payer les camions commerciaux, de sorte qu'il les a détournés sur Queenston. En même temps, si nous avions des problèmes à Queenston, nous détournions alors les camions vers le pont Peace. Voilà le type de relation de travail que l'on peut souhaiter le long de la frontière. Le ministre a tout intérêt à vouloir, en particulier dans le secteur des péages, à ce que rien ne vienne perturber une telle situation.

Vous avez parfaitement raison, sénateur; le marché risque en définitive de résoudre la situation, mais, en attendant, la circulation régionale sera sérieusement compromise. En cette époque de livraisons juste à temps, cela risque de coûter leur emploi à un grand nombre de gens. Pendant que les administrateurs se livrent une guerre des prix, le ministre doit être en mesure d'intervenir et de leur dire : « Cessez tout de suite. »

Le sénateur Phalen : Je dois dire que l'on a répondu à la plupart des questions que je me posais. Je tiens néanmoins à revenir sur la question de la sénateur Bacon et sur votre réponse. D'après ce que j'ai pu comprendre, vous semblez satisfait de pouvoir concilier le besoin d'assurer le secret commercial et de protéger les Canadiens contre les terroristes. Est-ce bien exact? Avez-vous bien dit cela dans votre réponse?

M. Garlock : Effectivement. Je ne suis pas très sensible à la question du secret commercial en ce sens que nous sommes une entité publique. Nous partageons notre situation avec le ministre des Transports, s'il nous le demande. Sur le plan de la sécurité, même s'il y a certains éléments dont je m'abstiendrai de parler dans une tribune ouverte, ils sont plutôt rares. Je veux que les gens sachent qu'il existe sur nos ponts un solide système de surveillance et qu'il y a des protocoles pour les contrôles de sécurité, car cela peut avoir un effet dissuasif sur quiconque a l'intention de porter atteinte à la sécurité de notre pont. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

Le sénateur Phalen : Tout à fait. Un article paru dans le Ottawa Citizen vendredi dernier affirmait que le ministre des Transports allait annoncer le financement de la construction d'une nouvelle liaison entre Windsor et Detroit. Que pensez-vous de la notion d'un partenariat public-privé?

M. Garlock : Comme je l'ai déjà dit, nous sommes d'étranges créatures. Dans une certaine mesure, c'est ce qu'est la Commission du pont de Niagara Falls ou la Buffalo and Fort Erie Public Bridge Authority, en ce sens que nous sommes des entités d'utilité publique qui ne comptent pas sur l'aide publique de l'État. C'est nous qui générons les recettes nécessaires pour remplir notre mandat, même si nous reconnaissons le droit du gouvernement de surveiller ce que nous faisons. Nous sommes donc en quelque sorte un modèle de financement public-privé. De fait, au Canada, la Commission du pont de Niagara Falls est légitime en vertu des lois sur les sociétés de la province d'Ontario qui reconnaissent que, même si nous sommes une société privée à but non lucratif, nous sommes une société d'utilité publique. Une bonne part de ce mélange se produit déjà.

Je ne peux vous dire au juste ce à quoi songe le ministre. Je ne suis pas au courant de ses délibérations les plus récentes. Toutefois, ce n'est pas une approche inusitée lorsque vous examinez tout ce qui s'est passé le long de la frontière.

Le sénateur Phalen : Vous représentez l'Association des administrateurs des ponts et des tunnels. La Canadian Transit Company en fait-elle partie?

M. Garlock : Effectivement.

Le sénateur Phalen : J'ai entre les mains une lettre de la Canadian Transit Company qui semble ne pas être d'accord avec ce que vous affirmez. Dans cette lettre, celle-ci affirme ne pas avoir été consultée sur cette question. Il y a également une liste des choses auxquelles elle s'oppose. Elle affirme que, depuis 78 ans, elle fait l'objet d'une inspection annuelle par des ingénieurs et qu'elle a mis sa documentation à la disposition du public et des services gouvernementaux. Puis elle affirme qu'il n'y a rien dans la section qualifiée de travaux d'entretien ou de réparation qui protège la confidentialité des renseignements qu'elle peut être appelée à fournir. Estimez-vous que c'est exact?

M. Garlock : Je peux fort bien comprendre qu'elle hésite plus à échanger ce genre de renseignements car il s'agit d'une société entièrement privée. Je suis pour ma part une entité publique et je n'ai pas le même genre d'hésitation. Ce que je fais doit être livré à votre examen minutieux, à l'examen minutieux du ministre et à celui du gouvernement des États-Unis, car je suis une entité publique. La situation du pont Ambassador est différente. Comme je l'ai dit dans ma déposition, à propos de certains éléments du projet de loi, il y a sans doute des membres qui ont un avis différent, et vous venez d'en citer un excellent exemple.

Le sénateur Eyton : J'aimerais reprendre les observations du sénateur Phalen au sujet de votre association. Pouvez- vous m'en dire plus sur sa composition? Depuis combien d'années existe-t-elle? Vous avez parlé de dix membres sur onze possibles. Vous avez dit que le pont Ambassador était l'un des neuf. J'aimerais savoir quelque chose sur sa composition en dehors de ce que vous avez déjà dit.

M. Garlock : Certainement, sénateur. L'Association existe vraisemblablement depuis une dizaine d'années, sous une forme ou une autre. Sous sa forme actuelle, elle existe depuis six ans. Elle se compose du pont international de Sault Ste. Marie; du pont Blue Water qui relie Port Edward à Port Huron (Michigan); du tunnel Windsor-Detroit; du pont Ambassador entre Windsor et Detroit; puis, en allant vers l'est, du pont Peace à Fort Erie et Buffalo; des trois ponts placés sous l'administration de la Commission du pont de Niagara Falls — les ponts Rainbow, Whirlpool Rapids et Queenston-Lewiston. Plus loin vers l'est, il y a le pont des Mille-Îles, le pont international qui enjambe le Saint-Laurent et, enfin, le pont Ogdensburg entre Plattsburgh (New York) et Québec.

Pour ce qui est du pont Blue Water, la moitié du pont est exploitée par l'Administration du pont Blue Water, qui est une société d'État. L'autre moitié est exploitée par le ministère des Transports du Michigan. Si le nombre de nos membres ne correspond pas exactement au nombre de ponts et tunnels, en voici la raison. Il y a deux propriétaires de ce pont et un propriétaire de trois ponts dans le cas de la Commission du pont de Niagara Falls.

Généralement parlant, la raison d'être de l'Association est l'échange de pratiques optimales et de renseignements sur l'exploitation entre tous les administrateurs. Nous n'exerçons pas de pressions en tant que tel. On a sollicité notre avis sur le projet de loi C-3 et nous l'avons donné. J'ai limité mes propos en tant que président de l'AAPT au domaine qui nous préoccupait le plus et qui a été résolu.

En général, les membres de l'Association se réunissent plusieurs fois par an pour échanger des renseignements dont le but est d'améliorer l'efficacité et l'exploitation de tous les postes-frontière.

Le sénateur Eyton : Vous avez mentionné dix sur onze. Qui est l'exception? Qui n'appartient pas à l'Association?

M. Garlock : Tous ces ponts en sont membres. Je vous ai dit qu'il n'y a que dix membres pour onze ponts, car mon entité en administre trois.

Le sénateur Eyton : Est-ce à cause du pont Blue Water?

M. Garlock : Oui.

Le sénateur Eyton : Vous parlez bien aujourd'hui au nom de votre association. Avez-vous reçu des directives ou un mandat précis avant de comparaître ici aujourd'hui?

M. Garlock : Tous les membres ont pu lire ma déposition avant que je me présente devant vous. Au cas où l'on me poserait une question au sujet de laquelle les membres ont des avis divergents, je m'efforce de vous le dire et je puis vous assurer que je ne parle qu'en mon propre nom par opposition à celui de tous nos membres.

Le sénateur Eyton : Comme cela a déjà été dit, plusieurs de vos membres se sont adressés à nous avec des conseils ou des critiques constructifs sur le projet de loi tel qu'il est aujourd'hui. Leurs propos traitent des approbations qui visent le régime de propriété, les nouveaux travaux et les redevances et les péages. N'en discute-t-on pas au sein de votre association?

M. Garlock : Bien sûr que si, sénateur, mais, si nous ne pouvons parvenir à un consensus, je les laisse volontairement à l'écart de ma déposition. Tout au long de l'élaboration de ce projet de loi, on a su que certains membres s'étaient adressés à Transports Canada, à la Chambre des communes ou au Sénat, indépendamment de l'Association.

Le sénateur Eyton : Vous-même et votre association ne trouvez-vous rien à redire à ce qu'ils présentent leurs propres observations?

M. Garlock : Non.

Le sénateur Eyton : Parlez-moi un peu des péages. Je suis un tenant de l'économie libérale, tout comme le sénateur Mercer. Les péages sont-ils uniformes aux postes-frontière de tout l'Ontario? Comment sont-ils fixés? Sont-ils fixés individuellement ou par rapport aux ponts concurrents situés un peu plus en aval? Pouvez-vous me parler un peu plus du processus d'établissement des péages?

M. Garlock : Celui-ci est laissé à la discrétion de chaque entité responsable d'un pont ou tunnel. En ce qui nous concerne, le processus est établi par huit commissaires. Il s'agit de l'une de leurs responsabilités primordiales. Il arrive parfois que la hausse des péages soit approuvée dans le contexte des clauses obligataires. Je peux vous fournir un exemple. Notre première grande émission d'obligations a eu lieu en 1991. Nous avons émis pour 130 millions de dollars d'obligations. Parmi les conditions, il y en avait une qui prévoyait une série de hausses des péages. Nous étions censés augmenter les péages en novembre 2001 et à nouveau en novembre 2003. Toutefois, moyennant l'accord des dépositaires des obligations, nous avons procédé à une étude de la circulation pour prévoir la circulation future et savoir avec plus d'exactitude quels seraient nos mouvements de trésorerie. Nous avons examiné nos réserves pour fins d'immobilisations et pour la construction d'immobilisations. Les dépositaires des obligations ont convenu que la Commission n'avait pas besoin d'augmenter les péages à ces dates, et nous avons donc décidé de ne pas le faire. La Commission a décidé de suivre leurs conseils. Depuis six ans, nous avons ainsi permis à ceux qui règlent les péages d'économiser plus de 12 millions de dollars. Cela est dicté par le principe auquel la Commission souscrit selon lequel nous percevons seulement le montant d'argent dont nous avons besoin pour effectuer des réparations, des travaux d'entretien et pour construire de nouvelles immobilisations.

Nous avons construit de nombreuses immobilisations à la Commission du pont de Niagara Falls, au même titre que l'Administration du pont Peace et un certain nombre d'autres postes-frontière. Celles-ci ont agi, elles agissent ou elles ont besoin d'agir. Depuis dix ans, nous avons réalisé pour 160 millions de dollars d'améliorations. Nous avons donc émis pour 130 millions de dollars d'obligations et nous utilisons tout excédent résultant des péages pour la construction d'immobilisations.

Le sénateur Eyton : Je pensais plus aux péages proprement dits. Sont-ils relativement uniformes à tous les postes- frontière?

M. Garlock : Non. Au pont Ambassador, qui enregistre la plus forte densité de circulation entre les deux pays, je crois que le péage aller-retour pour une automobile est de 8 $. Pour la même automobile, l'aller-retour sur le pont Rainbow ou le pont Peace est de 3,50 $.

Le sénateur Eyton : Les trois ponts dont vous assumez la responsabilité à Niagara Falls et dans cette région perçoivent-ils le même péage?

M. Garlock : Oui, pour les voitures, le péage est identique. Quant aux camions, permettez-moi de vous citer le taux américain, car c'est celui que nous connaissons. Pour un camion à cinq essieux, qui est un camion moyen, au pont Queenston-Lewiston, l'aller-retour s'élève à 13 $ américains. Au pont Peace, l'aller-retour est de 19,80 $. Ce montant est nettement inférieur à celui que perçoivent d'autres ponts.

Pour ce qui est des péages, il y a une certaine élasticité à l'échelle régionale. Comme je l'ai dit plus tôt, si je réduisais les péages de manière draconienne, je pourrais m'attendre à voir une partie de la circulation détournée vers mes ponts. En général, les péages sont le dernier facteur dont un transporteur tient compte lorsqu'il établit son itinéraire. Ce qui compte avant tout, c'est d'où il part et vers quelle destination il se dirige. C'est ce qui détermine le pont qu'il empruntera. Tous les barèmes des péages dépendent des entités responsables d'un pont qui doivent prendre ce genre de décision en se fondant sur les critères qui leur paraissent les plus sensés.

Le sénateur Eyton : À mon avis, le projet de loi C-3 est attendu depuis longtemps. Une ou deux tentatives ont été faites par le passé. Je suis tout à fait favorable à ce projet de loi et à l'uniformité et à la réglementation qu'il favorise. Il y a un processus analogue en cours aux États-Unis. Est-il nécessaire que ce projet de loi cadre avec le processus en cours aux États-Unis? Il me paraît étrange qu'il y ait deux ensembles de règles et de règlements régissant un pont qui appartient pour moitié au Canada et pour l'autre aux États-Unis.

M. Garlock : Il s'agit de deux pays, sénateur, qui ne voient pas toujours les choses de la même façon. Je crois que nous savons tous cela. Cela ne suscite pas en moi la moindre préoccupation. Comme M. Rienas vient de me le rappeler, dans le cas des inspections de sécurité, s'il existe une norme provinciale et une norme étatique, nous nous conformons à la norme la plus rigoureuse. Nous avons eu certaines discussions préliminaires avec le ministère des Transports, et je suis convaincu que ces discussions se poursuivront après l'approbation du projet de loi par la Chambre et le Sénat, à savoir qu'il n'est pas nécessaire d'élaborer une norme fédérale entièrement nouvelle mais qu'il est préférable de respecter la norme la plus rigoureuse et, espérons-nous, de parvenir à un consensus acceptable.

Compte tenu du caractère essentiel de nos infrastructures, il est dans notre intérêt à tous de nous assurer que toutes les mesures nécessaires sont prises pour que les ponts soient sans danger et stables et qu'ils servent les intérêts des deux pays pendant longtemps. Tel est le fondement du projet de loi C-3 et le fondement de la procédure de permis présidentiels aux États-Unis. Personnellement, je ne vois aucun conflit entre les deux. Je ne trouve rien à redire au fait de devoir me conformer aux exigences à la fois d'Ottawa et de Washington.

Le sénateur Eyton : Même si ces exigences sont divergentes?

M. Garlock : Oui, sénateur.

Le sénateur Zimmer : Je vous remercie de votre présentation, monsieur. Je trouve la quantité et la qualité de vos réponses tout à fait satisfaisantes.

Mes questions ont trait aux conséquences financières. Le sénateur Eyton a effleuré le premier élément de cette question. Je tiens à adhérer au club de la libre entreprise avec lui et le sénateur Mercer.

Ma question se rapporte aux organismes à but lucratif et à but non lucratif. Comme le sait mon collègue du Manitoba, le sénateur Johnson, je m'investis dans un grand nombre d'associations à but non lucratif. À mon avis, messieurs, votre sourire trahit votre bonheur, oserais-je dire, car j'aimerais me faire une idée des répercussions financières des recettes par rapport aux dépenses sur ces ponts. Pouvez-vous me donner une idée des volumes qui nous intéressent, pas seulement des taux, mais également du montant des recettes par rapport aux dépenses et aux excédents qui seront réinvestis dans les travaux d'entretien, les réparations et les infrastructures des ponts? Pouvez-vous me donner une idée générale des chiffres dont nous parlons ici?

M. Garlock : Bien sûr. Je vais maintenant demander à M. Rienas d'intervenir pour nous parler de la situation du pont Peace. Nous pouvons parler de nos deux organismes, mais j'hésiterais à parler des finances de quelqu'un d'autre, même si j'en ai une certaine compréhension.

Même si nous sommes des sociétés privées d'utilité publique, nous exploitons ces ponts dans un esprit commercial. Je peux vous affirmer qu'à la Commission du pont de Niagara Falls, entre 1995 et environ 2005, nos dépenses ont baissé chaque année. Un nouveau directeur général a été recruté et le conseil a adopté une nouvelle approche commerciale axée sur les affaires. Nous avons éliminé bon nombre des frais généraux inutiles. C'est là une démarche assez inhabituelle. Deloitte & Touche est notre vérificateur depuis 1941 et cette entreprise aurait du mal à mentionner de nombreuses organisations dont les dépenses ont régulièrement baissé et les recettes régulièrement augmenté. Nous fonctionnons essentiellement à la manière d'une entreprise du secteur privé. Au lieu de vouloir satisfaire nos actionnaires, nous nous intéressons plus à nos résultats pour nous aider à financer l'amélioration de nos immobilisations.

Pour vous permettre de vous faire une meilleure idée de la Commission du pont de Niagara Falls, l'exploitation des trois ponts nous coûte environ 13 à 14 millions de dollars par an. Il faut ajouter à cela le service de la dette qui représente 7 millions de dollars de plus. Nous versons tout ce qui reste — c'est-à-dire entre 12 et 13 millions de dollars — à notre réserve de capitaux. Aujourd'hui, nous assumons 90 millions de dollars de dette à cause des obligations de 1992 qui ont été refinancées en 2003, mais nous avons en réserve près de 120 millions de dollars. Sans doute vous dites- vous que c'est un peu exagéré. Mais nous savons que nous devrons investir 130 millions de dollars dans le complexe et le rond-point de Queenston. Alors qu'aux États-Unis, le gouvernement règle la facture des installations, nous devons avancer l'argent et nous faire rembourser par la suite. Queenston nous coûtera entre 75 et 88 millions de dollars. Nous avons également pour principe à la Commission de ne pas laisser nos réserves chuter en deçà de 60 millions de dollars. La raison est double : en premier lieu, c'est pour conserver la cote de nos obligations sur Wall Street. Cette cote A est extrêmement précieuse à nos yeux et elle permet aux usagers de nos ponts d'économiser beaucoup d'argent sur le plan des frais d'intérêts. L'autre facteur est que, si une catastrophe devait se produire sur l'un de nos ponts, nous serions en mesure d'intervenir et aurions les moyens financiers pour y remédier très vite.

C'est ainsi que la source de nos recettes se compose de trois éléments : le principal, les péages; le deuxième, les recettes hors péage. Nous avons des boutiques hors taxes qui nous louent des locaux dans les complexes douaniers et nous touchons un pourcentage sur leurs ventes. C'est un élément très important.

Nous touchons également plus de 3 millions de dollars par an du gouvernement des États-Unis au titre de l'utilisation de ses installations du côté américain. C'est là un paiement qui reflète nos coûts d'investissement et d'emprunt, en particulier lorsque nous avons dû reconstruire le pont Rainbow au milieu des années 1990. Ce montant nous permet de régler les factures de réparations, d'entretien et d'éléments comme les services publics.

Notre troisième source de revenu est constituée par les intérêts créditeurs de nos réserves qui sont ensuite réinvestis dans la construction des immobilisations.

Le sénateur Tkachuk : Savez-vous à quel montant le total se chiffre chaque année?

M. Garlock : Au total, à 30 millions de dollars pour les trois ponts.

Le sénateur Tkachuk : Y a-t-il environ pour 20 millions de dollars de dépenses?

M. Garlock : Oui, entre le service de la dette et les frais généraux courants.

Ron Rienas, directeur général, Buffalo and Fort Erie Public Bridge Authority, Association des administrateurs des ponts et des tunnels : Le pont Peace est étrangement analogue, en ce sens que nous l'exploitons à la manière de la Commission du pont de Niagara Falls selon les principes du secteur privé.

Depuis cinq ans, nos dépenses ont diminué, ce qui reflète dans une large mesure la baisse du nombre de véhicules qui franchissent la frontière. Je suis sûr que vous avez tous entendu parler de la diminution du nombre de touristes américains qui viennent au Canada. Cela se reflète directement dans nos résultats.

En résumé, nos recettes totales sont légèrement supérieures à 25 millions de dollars. Nos dépenses se chiffrent en général à entre 16 et 17 millions de dollars. Ce montant est réinvesti dans les réserves pour infrastructures.

Nous sommes parfaitement capables d'émettre des obligations. Nous avons parlé de construire un autre pont. C'est ce qu'on appelle des obligations-recettes. Nous sommes en mesure d'émettre pour environ 230 millions de dollars d'obligations pour construire un nouveau pont entre Buffalo et Fort Erie. Notre niveau d'endettement à l'heure actuelle est d'environ 43 millions de dollars, et nous l'avons refinancé en 2005 et nous payons actuellement un taux d'intérêt de 3 p. 100 grâce à l'émission d'obligations libres d'impôts municipaux aux États-Unis.

Le gros avantage qu'il y a à être une administration internationale est que nous pouvons financer des travaux du côté américain sans avoir à payer d'impôts dessus.

Le sénateur Zimmer : Un constat que nous avons fait au sujet des entreprises à but non lucratif est que le fait de dégager un bénéfice n'est pas un péché mortel. Il est important de savoir faire des affaires, même dans les entreprises à but non lucratif, car cela leur permet de survivre et d'obtenir de bons résultats.

L'autre élément que je voulais aborder a trait à quelque chose que vous avez déclaré à l'intention du sénateur Eyton. Vous avez parlé de la fréquence avec laquelle vos ponts sont inspectés et par qui. Pour entrer plus en détail dans le secteur des normes techniques, c'est une chose que d'affirmer que vos ponts sont radiographiés pour y déceler des fissures. Pas plus tard que la semaine dernière, soit 94 ans plus tard, on a découvert que l'une des principales raisons pour lesquelles le Titanic a sombré est un feu de charbon qui a éclaté avant le départ du navire, et qui a affaibli le métal. L'autre élément nouveau est qu'on a finalement réussi à examiner les rivets. Même si ceux-ci étaient en place, on a constaté qu'il y avait des vices dans les rivets. Lorsque le navire a heurté un iceberg, les panneaux sont littéralement sortis de leurs gonds. Cela n'était pas dû à l'entaille pratiquée par la glace, mais au fait que les rivets se sont affaiblis et ont été délogés de leur place.

Quelle est la rigueur de votre examen du métal et des rivets? Peut-être ceux-ci posent-ils des problèmes. Quelle est la rigueur de cet examen?

M. Garlock : Pour commencer, je vous répondrai que je ne suis pas ingénieur. Nous procédons à une inspection spectrographique des rivets et d'autres éléments, en particulier sur le pont Whirlpool, tous les deux ans. Le pont est inspecté chaque année, mais nous examinons différents éléments d'une année à l'autre. C'est une technologie que je ne suis pas tout à fait en mesure de vous expliquer, mais que l'on peut assimiler à l'examen aux rayons X des éléments cruciaux de l'ouvrage, pour s'assurer qu'ils possèdent toujours l'intégrité nécessaire à la sécurité et à la stabilité du pont. Une telle initiative n'est prescrite par aucune norme. Lorsque nous l'examinons, c'est donc à titre proactif.

L'autre élément dont il faut se souvenir est que toutes ces administrations ne sont généralement responsables que d'un ou deux éléments d'actif. Dans le cas de la Commission du pont de Niagara Falls, nous n'administrons que trois ponts. La province d'Ontario et la province de Québec peuvent littéralement être responsables de l'entretien de milliers d'ouvrages. Puisque nous n'en avons que trois, nous pouvons les entretenir de manière exceptionnelle.

Il y a à peine quelques années, l'Administration du pont Peace a montré l'exemple en utilisant une nouvelle méthode de déglaçage organique pour éliminer le chlorure de calcium du pont. De toute évidence, le sel endommage l'acier. Il y a deux ans, nous avons suivi son exemple et aucun sel n'est plus épandu sur la travée.

Lorsque nous avons retiré le tablier du pont Lewiston-Queenston en 2005, celui-ci était alors âgé de 43 ans et il était en très bon état. Son état a même dépassé toutes nos attentes. De fait, l'une des raisons pour lesquelles nous avons réussi à réaliser ce projet sans dépasser les coûts prévus est que nous n'avons pas eu à dépenser l'argent que nous pensions pour remplacer l'acier. Lorsque nous avons entrepris l'examen de l'acier que personne n'avait vu depuis 43 ans, nous avons constaté qu'il était en incroyablement bon état. Cela s'explique par l'entretien supérieur dont ces ponts ont pu faire l'objet.

Le sénateur Zimmer : J'ai une dernière question. Une nouvelle invention a fait son apparition récemment, ce qui me paraît tout à fait louable. Je sais que vous n'êtes pas ingénieur, mais peut-être en avez-vous entendu parler. Il existe un système de nos jours en vertu duquel on applique une charge électrique d'entretien à un pont qui empêche complètement sa corrosion. Avez-vous jamais entendu parler de cette invention?

M. Garlock : Non jamais. Comme M. Rienas l'a dit il y a un ou deux ans, au lieu de repeindre le pont Rainbow, nous l'avons métallisé. Cela ne répond pas à votre question, mais c'est néanmoins un élément intéressant.

Au lieu d'un système de peinture conventionnel, nous avons sablé le pont et en avons retiré toute l'ancienne peinture au plomb. Nous avons utilisé pour cela un pistolet spécialisé relié à deux câbles de zinc et d'aluminium. Ces deux câbles sont chauffés à 1 400 ºF avant d'être projetés sur la travée. Cela revient à galvaniser le pont en place, et nous espérons que ce revêtement durera au moins 40 ans et protégera le pont. Certes, ce projet a coûté entre 20 et 30 p. 100 de plus, mais nous avons agi ainsi car il est dans notre intérêt de ne pas encombrer le pont et de ne pas gêner la circulation entre le Canada et les États-Unis.

Même si je n'ai pas entendu parler de votre invention, et j'en parlerai à nos ingénieurs de McCormick Rankin, je puis vous assurer que les autres administrateurs et moi-même prenons des mesures extraordinaires pour maintenir ces travées en excellent état.

Le sénateur Zimmer : Je vous remercie.

La présidente : Y a-t-il d'autres questions?

Je vous remercie beaucoup, messieurs Garlock et Rienas, d'avoir été parmi nous aujourd'hui. Votre présentation a été des plus intéressantes, et nous avons obtenu quantité de réponses à nos questions. N'hésitez pas à nous envoyer d'autres renseignements pour que nous puissions les distribuer à nos membres.

La séance est levée.


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