Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 5 - Témoignages du 22 novembre 2006
OTTAWA, le mercredi 22 novembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été déféré le projet de loi C-3, Loi concernant les ponts et tunnels internationaux et modifiant une autre loi en conséquence, se réunit aujourd'hui à 12 h 5 pour en faire l'examen.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour. Nous sommes heureux d'avoir comme témoins aujourd'hui le maire de la Ville de Windsor, Son Honneur M. Eddie Francis, et son avocat, M. David Estrin. Bienvenue au comité. Veuillez présenter vos exposés.
[Français]
Son Honneur M. Eddie Francis, maire de la Ville de Windsor : Honorables sénateurs, en tant que maire d'une municipalité canadienne, comparaître devant le Comité sénatorial permanent des transports et des communications est pour moi un privilège et je vous en remercie.
[Traduction]
Je vous remercie du temps que vous nous allouez. Je suis heureux d'avoir la possibilité de comparaître devant vous pour discuter d'une question très importante pour la Ville de Windsor en ce qui a trait au projet de loi C-3.
Nous vous avons transmis un exemplaire de notre présentation PowerPoint ainsi qu'un mémoire écrit traitant des modifications que nous souhaitons obtenir. Je tenterai de me servir des deux documents en respectant le temps qui m'est accordé, afin de laisser du temps pour une période de questions.
Tout d'abord, du point de vue de la ville de Windsor, la question concernant le projet de loi C-3 porte sur deux de ses dispositions. En particulier, la disposition interprétative du projet de loi C-3 qui prévoit ce qui suit :
« pont ou tunnel international » Tout ou partie du pont ou du tunnel reliant tout lieu au Canada à un lieu hors du Canada, y compris les approches et installations connexes.
La question sous-jacente est ce que l'on entend par « les approches et installations connexes ». Nous soutenons respectueusement que ces termes devraient comporter certaines limitations.
L'interprétation du terme « approches » ne peut désigner toute route conduisant à un pont ou un tunnel international, peu importe la distance à laquelle il se trouve. Je vais illustrer cette situation à l'aide de notre présentation PowerPoint. Pour préciser ce point, il serait peut-être utile de considérer la frontière de Windsor dans son contexte historique.
La deuxième question que je vais aborder est celle de l'obligation du ministre de consulter la municipalité locale.
Faisons d'abord un peu d'histoire. Windsor est, sans l'ombre d'un doute, le passage frontalier le plus achalandé en Amérique du Nord : environ 28 p. 100 du commerce international du Canada s'y déroule. Nous possédons deux passages frontaliers internationaux pour les véhicules : le pont Ambassador qui appartient à des intérêts privés et qui est exploité au Canada par la Canadian Transit Company, ainsi que le tunnel Windsor-Détroit, dont la partie canadienne est détenue et exploitée par la ville de Windsor. Nous possédons aussi un tunnel ferroviaire sous-marin et un traversier vers Détroit (Michigan).
Plus que toute autre municipalité canadienne, Windsor et ses résidents sont particulièrement touchés par la situation de la frontière et ses questions. Nulle part ailleurs la circulation locale ne coexiste et ne se mêle à la circulation internationale dans les quartiers résidentiels ou sur les rues de la ville. Voilà le portrait de la vie à Windsor.
Cette diapositive montre le principal couloir vers le pont Ambassador, à environ 12 kilomètres de l'autoroute 401. Pour emprunter ce passage international, les véhicules doivent traverser une collectivité locale. Ils se mélangent alors à la circulation locale, aux quartiers résidentiels et d'affaires. La diapositive suivante montre une photographie d'une intersection où se mélangent la circulation locale et la circulation internationale.
La situation est la même en ce qui concerne l'entrée du tunnel Windsor-Détroit. La diapositive suivante illustre la circulation en soirée. On y voit des camions de sel se dirigeant vers le tunnel Windsor-Détroit, qui traversent eux aussi des quartiers résidentiels. À côté, on lit le numéro d'une caserne de pompiers de la ville de Windsor.
Comme je l'ai mentionné dans mon introduction, nous sommes entre autres préoccupés par la disposition interprétative du projet de loi C-3.
L'article 5 du projet de loi C-3 autorise le Parlement à utiliser le pouvoir déclaratoire fédéral conféré par l'alinéa 92(10)c) de la Loi constitutionnelle pour déclarer que les ponts internationaux sont des ouvrages d'intérêt général pour le Canada.
Le 9 novembre 2006, le ministre a comparu devant le présent comité. Le sénateur Phalen lui a alors demandé :
J'ai reçu une correspondance de la ville de Windsor, datée du 19 septembre, dans laquelle elle décrivait ses craintes qu'on ne l'ignore lors du processus de prise de décision concernant cette loi, malgré le fait que la municipalité subira les conséquences directes de toute modification.
Pouvez-vous répondre ou avez-vous répondu à l'une ou l'autre des préoccupations des municipalités?
La réponse du ministre à la question du sénateur a été la suivante :
Je vous dirai d'abord que cette question est évidemment de compétence fédérale.
Voici la question que nous soulevons. Nous sommes préoccupés par la question des pouvoirs déclaratoires appliqués à l'accès autoroutier et aux installations. Nous vous faisons part de cette préoccupation, même si, par le passé, elle a été considérée par le Parlement. Historiquement, le Parlement a reconnu à la Ville de Windsor le droit d'exiger que son consentement soit obtenu lors de l'établissement ou de la modification des passages frontaliers traversant la ville. Par le passé, le Parlement a demandé que les sociétés privées exploitant les ponts et tunnels concluent des accords avec la ville afin de s'assurer que les intérêts de la ville et de ses résidents soient protégés.
En particulier, la loi ayant reconnu ce droit est la Loi de 1921 constituant la Canadian Transit Company, le pont Ambassador, qui précise à l'article 10, ch. 57 :
La compagnie ne doit pas construire ni exploiter un des ouvrages indiqués à l'article 8 de la loi, le long d'une route, d'une rue ou d'un autre lieu public, sans avoir au préalable obtenu le consentement, exprimé par règlement, de la municipalité ayant compétence sur cette route, rue ou autre lieu public et selon les modalités et les conditions acceptées par cette municipalité et si, ce consentement n'est pas donné, selon les modalités et les conditions établis par la Commission des commissaires des chemins de fer du Canada.
De plus, l'article 17 de la loi de 1927 constituant la Detroit and Windsor Subway Company, précisait qu'un tunnel destiné aux véhicules doit répondre au même genre de conditions. Une partie de cette loi se lit comme suit :
La compagnie ne doit pas construire ni exploiter un des ouvrages énumérés dans la loi le long d'une route, rue ou autre lieu public, sans avoir au préalable obtenu le consentement, exprimé par règlement, de la municipalité ayant compétence sur cette route, rue ou autre lieu public et selon les modalités et les conditions acceptées par cette municipalité.
Ce précédent historique s'est poursuivi. En 1928, un accord subséquent a été conclu à titre d'annexe à la Loi sur la « Detroit and Windsor Subway Company ». Une fois de plus, cet accord prévoyait spécifiquement que :
Dans la construction, l'entretien et l'exploitation desdits tunnels et des approches dans la mesure où elles sont dans les limites de la ville de Windsor, la partie de première part, ses successeurs et ses ayants-droit, doivent se conformer à tous les règlements valides et applicables en vertu des lois du Dominion du Canada et de la province de l'Ontario ou de la Loi municipale de l'Ontario ou des règlements de police de la ville de Windsor, y compris les règlements de la circulation [...]
Dans notre présentation, le dépôt du projet de loi C-3 et de ses dispositions qui permettent et, par le biais des dispositions essentielles du projet de loi, confèrent au ministre des pouvoirs déclaratoires élargis pour intégrer les approches et les installations, vont à l'encontre de la jurisprudence et des précédents historiques du Parlement.
Par conséquent, on doit donner un sens étroit à cette phrase interprétative. La définition des approches et des installations relatives au pont ou au tunnel doit être claire et ne peut être large. Autrement, et comme elle est formulée à l'heure actuelle, il s'agirait d'une application illimitée d'un pouvoir déclaratoire, ce qui n'est pas compatible avec les précédents et avec notre compréhension de l'état fédéral.
La libre utilisation de ce pouvoir pourrait causer une perte d'autorité provinciale et municipale relativement aux routes locales de nos villages, villes et provinces. C'est pourquoi les anciennes lois comportaient une disposition concernant l'obtention du consentement de la municipalité pour la construction d'installations.
En fait, nous appuyons ce projet de loi. Il contient plusieurs bons éléments. J'ai soulevé une des inquiétudes que nous avons vis-à-vis de la définition de l'accès autoroutier et des installations. La deuxième question sur laquelle je veux attirer votre attention, et qui requiert une modification, c'est l'assurance que la Ville de Windsor sera consultée. Il est particulièrement important que les droits historiques de la ville soient conservés, étant donné les intérêts privés en jeu relativement à la construction de nouvelles installations.
Le 8 novembre, le ministre des Transports a déclaré ceci :
Le gouvernement a clairement montré sa volonté de prendre en compte les commentaires des intervenants et la Chambre des communes a modifié le projet de loi lors de la troisième lecture, en réponse aux préoccupations soulevées par une administration municipale.
La question portait sur l'obtention de la participation de la municipalité par le gouvernement fédéral dans le processus de prise de décision pour la construction, la modification ou le changement de propriété d'un pont ou d'un tunnel international.
Le projet de loi modifié comprend des dispositions permettant au ministre des Transports de consulter d'autres ordres de gouvernement ou d'autres personnes pouvant être directement intéressées par la question.
Même si la ville apprécie la compréhension du ministre concernant la nécessité de consulter les municipalités, la modification telle qu'elle se lit actuellement ne reflète pas cette nécessité. En particulier, le paragraphe 15(2) prévoit que le ministre consulte l'administration locale ou toute partie intéressée seulement s'il le juge nécessaire, selon les circonstances.
Comme je l'ai mentionné plus haut, non seulement le pouvoir déclaratoire est élargi et l'autorité qui a toujours été accordée en reconnaissance aux municipalités est diluée, mais ce pouvoir discrétionnaire passe maintenant du législateur au ministre. Le pouvoir discrétionnaire élargi est particulièrement préoccupant car il pourrait entraîner un pouvoir discrétionnaire absolu, ce qui risque d'engendrer une prise de décisions arbitraire.
En particulier, selon cet article il revient au ministre, et seulement à lui, de déterminer la nature du processus de consultation après avoir fait l'examen de la demande.
Selon les paragraphes 7(1) et 7(2) du projet de loi, les demandes sont transmises au ministre. Ce dernier est chargé de les soumettre au cabinet pour approbation. La nature et l'étendue de la consultation sera déterminée par le ministre. Les parties à consulter seront déterminées par le ministre. C'est le ministre qui déterminera la nature des documents et de tout autre renseignement à fournir et qui en fera la demande. Dans le présent cas, la demande concernant la consultation des municipalités est aussi à la discrétion du ministre.
Cependant, fait intéressant, le paragraphe 15(1) prévoit que le seul cas dans lequel le ministre doit consulter le propriétaire et l'exploitant se produit lorsque les effets des droits risquent d'avoir une incidence sur les résultats financiers des exploitants. Il s'agit d'un contraste saisissant avec le pouvoir discrétionnaire élargi empêchant les consultations avec les municipalités et nous souhaitons soulever cette question aujourd'hui.
La question des consultations concernant l'évaluation environnementale (EE) a également été soulevée devant ce comité. Nous estimons que l'évaluation environnementale est un processus distinct. Il s'agit d'un vaste processus qui accorde la latitude nécessaire pour déterminer les étapes à suivre. Nous croyons que le processus d'EE n'est pas celui qu'on avait d'abord imaginé par le biais des précédents et des lois établies depuis près de 80 ans.
En terminant, j'aimerais attirer votre attention sur notre mémoire écrit. Nous demandons deux modifications. À la page 5, nous décrivons les modifications demandées au projet de loi. Nous souhaitons que la définition de « pont ou tunnel international » prévue à l'article 2 soit modifiée afin de clarifier que les approches et les installations sont celles situées dans le voisinage immédiat, afin d'éviter le dépassement des limites constitutionnelles. À cet effet, nous suggérons une formulation.
La deuxième modification souhaitée concerne le paragraphe 8(4). Elle vise à préserver le contexte historique de la loi ainsi que les droits et le rôle des municipalités relativement aux routes et à la circulation à l'intérieur des différentes juridictions.
Vous pouvez en prendre connaissance. Je sais que nous sommes pris par le temps.
Le président : Merci, monsieur le maire. Nous prendrons le temps nécessaire, ne vous inquiétez pas.
Un des principaux objectifs du projet de loi C-3 est de confirmer la responsabilité du gouvernement fédéral relativement aux ponts et aux tunnels. Selon notre Constitution, les activités qui lient deux provinces ou qui s'étendent au-delà des limites d'une province entrent dans le cadre de la compétence exclusive du gouvernement fédéral.
Aux paragraphes 9, 10 et 11 du document, vous affirmez que le gouvernement fédéral n'a pas la juridiction constitutionnelle d'autoriser la façon dont l'installation sera intégrée dans la planification urbaine.
Aux termes de la Loi constitutionnelle de 1967, les ponts et les tunnels sont des ouvrages. Les paragraphes 91(29) et 92(10) de cette loi confèrent au Parlement la juridiction sur ces ouvrages. Dans le même sens, l'article 5 du projet de loi C-3 établit clairement que tous les ponts et tunnels internationaux sont des ouvrages d'intérêt général pour le Canada.
À la note qui figure au bas de la page 2 de votre document, vous énumérez des décisions judiciaires pour appuyer votre allégation. Par exemple, la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt United Transportation Union, conclut que la Central Western Railway n'était pas sous juridiction fédérale. Les faits contenus dans l'affaire United Transportation Union étaient très différents de ceux de la question concernant les ponts et les tunnels internationaux.
Si le projet de loi C-3 est adopté sans modification, la Ville de Windsor envisagera-t-elle une contestation judiciaire pour des motifs constitutionnels?
M. Francis : La position de la Ville de Windsor est conforme à la jurisprudence et à la législation. En ce qui concerne votre question précédente relativement aux installations, nous ne contestons pas l'autorité du gouvernement fédéral de surveiller le passage frontalier et même les esplanades. Ce qui nous préoccupe, ce sont les vastes approches accordées aux accès autoroutiers. Il n'existe aucune définition claire de l'endroit où elles commencent et de l'endroit où elles finissent, ni de quelle compétence elles relèvent. Cette prémisse repose sur une quantité importante de jurisprudence.
Je ne remets pas en question le pouvoir déclaratoire prévu par la Constitution qui permet au gouvernement fédéral de se charger de la circulation internationale. Notre préoccupation, comme l'illustre cette photographie, concerne les routes locales. Quelles limites seront imposées à la capacité du gouvernement fédéral de décider de la portion des routes faisant partie de l'installation?
La jurisprudence ainsi que nos propres précédents montrent clairement que ces questions sont de compétence provinciale. Bien humblement, nous estimons qu'il s'agit de domaines auxquels le pouvoir déclaratoire ne pourra être appliqué. Nous reconnaissons que le gouvernement, en 1921, a peut-être décidé d'utiliser des termes spécifiques afin d'éviter des conflits entre l'utilisation des pouvoirs déclaratoires et l'intrusion dans les compétences provinciale ou municipale.
Notre question concerne les accès autoroutiers. La Ville de Windsor est-elle prête? Nous voulons travailler de pair avec le gouvernement et nous continuerons de le faire, mais les questions d'intérêt local seront portées à l'attention des autorités compétentes. Cette question ne touche pas seulement Windsor, elle touchera également d'autres villes partout au pays.
Le président : Vous dites « autorités compétentes ». Quelles sont les autorités compétentes? Une contestation devant la cour?
M. Francis : J'espère ne pas en arriver là, mais si les questions constitutionnelles doivent être soulevées, nous nous servirons de cette option.
Le président : L'avenir du pont Ambassador et la construction d'un nouveau passage frontalier, qui devrait être achevée d'ici 2013, sont des questions d'intérêt et sont aussi, évidemment, des éléments essentiels au bien-être économique de votre région. À quel type de participation vous attendez-vous de la part de la population? Organisez- vous des audiences spéciales, des consultations publiques ou faites-vous des sondages pour obtenir les commentaires de la population de Windsor et de sa région?
M. Francis : En ce qui a trait au nouveau passage frontalier, il n'y a aucun processus en cours organisé par le gouvernement provincial ou par notre gouvernement provincial, ni par le gouvernement fédéral ou les gouvernements d'États américains. Nous continuons de présenter des mémoires au nom des résidents de la ville de Windsor et nous leur faisons toujours part des sujets qui nous préoccupent. Concernant le processus de prise de décision, nous sommes solidaires et leur fournissons toute l'information.
Encore une fois, ils sont dans un processus d'évaluation environnementale et nous faisons tout ce qu'il nous est possible de faire pour nous conformer à ce processus, car c'est celui qu'ils ont établi.
Le sénateur Tkachuk : Pour m'assurer que je comprends bien le statu quo, si le gouvernement du Canada souhaitait faire quelque chose, comment s'y prendrait-il? Comme vous détenez la moitié du tunnel Windsor-Détroit, il est évident que rien ne peut être fait sans que cela ne touche la ville. Là n'est pas le problème. Le problème concerne cependant le pont Ambassador, qui est exploité par la Canadian Transit Company.
M. Francis : Il ne s'agit pas d'un problème soulevé dans le mémoire que nous déposons aujourd'hui. Notre question concerne les termes employés dans le projet de loi C-3. Elle concerne particulièrement le manque de clarté des termes employés dans la disposition interprétative, concernant les routes locales qui mènent aux passages frontaliers et qui traversent la ville; non seulement aujourd'hui, mais aussi dans l'avenir. Par le passé, le Parlement a reconnu que les routes locales relevaient de la compétence provinciale et de l'autorité municipale.
Le sénateur Tkachuk : Supposons que ce projet de loi n'existe pas et que le gouvernement décide de modifier les voies publiques. Comment procède-t-il actuellement? Que devrait-il faire? Faudrait-il qu'il consulte la Ville de Windsor? N'a- t-il pas besoin de votre autorisation avant de faire quoi que ce soit?
M. Francis : Actuellement, oui.
Le sénateur Tkachuk : Pourquoi?
M. Francis : Parce que ce précédent a été établi par l'ancienne législation. C'est le premier problème. Le deuxième problème c'est que le statu quo leur permettrait de le faire, car conformément à la répartition des responsabilités entre les provinces, cela relève de la compétence provinciale.
Le sénateur Tkachuk : Il faudrait qu'il traite de toutes ces questions avec le gouvernement provincial?
M. Francis : Statu quo. Les larges définitions contenues dans ce projet de loi leur donneraient la possibilité de contourner ce type de consultation.
Le sénateur Tkachuk : Même la compétence provinciale?
M. Francis : Nous affirmons respectueusement que oui.
Le sénateur Tkachuk : Si ce projet de loi était adopté sans vos modifications, qu'arriverait-t-il selon vous?
M. Francis : Si le projet de loi était adopté sans nos modifications, le ministre actuel serait libre de déclarer, pour l'ensemble des œuvres et des activités du Canada, qu'un accès autoroutier spécifique à 10, 20 ou 50 kilomètres de la frontière est un élément essentiel de l'installation, que celui-ci servira à la circulation internationale, sans intervention de la municipalité, liant ainsi la province.
Le sénateur Tkachuk : Ne croyez-vous pas que conformément au projet de loi tel qu'il se lit actuellement, le ministre jugerait qu'il s'agit d'une question importante au sujet de laquelle il doit vous consulter, étant donné que l'accès autoroutier traverse la ville de Windsor?
M. Francis : J'aimerais bien que cette question soit d'une importance assez grande pour que l'on n'ait pas à être ici aujourd'hui pour demander une modification visant à garantir que sa continuité soit intégrée dans la loi.
Je suis étonné de constater que les termes employés dans ce projet de loi laissent au ministre la liberté de consulter, si les circonstances le permettent, les municipalités locales. Toutefois, en ce qui concerne les droits et les exploitants privés, on dit que le ministre « consulte ». Il n'y a aucun pouvoir discrétionnaire. Voilà un parfait contraste. Quant aux villes, elles ont un pouvoir discrétionnaire, mais le secteur privé doit consulter.
Nous voulons simplement que ce qui a été reconnu par la loi depuis le début des années 20 se poursuive et que l'on fasse en sorte que les municipalités, qui exercent l'autorité sur les routes et les collectivités locales, soient obligatoirement consultées, et non à la discrétion du ministre.
Le sénateur Tkachuk : Votre crainte par rapport au projet de loi actuel est-elle que le ministre ne voit pas la nécessité de vous consulter ou jugez-vous que les dispositions ne sont pas assez claires?
L'unique raison d'être de cette disposition c'est qu'elle concerne la ville de Windsor; sinon, pourquoi existerait-elle? Je ne vois pas pourquoi vous avez peur que le ministre ne vous consulte pas. Comment pourrait-il entreprendre quelque chose dans la ville de Windsor sans que vous n'y participiez?
M. Francis : La façon dont le projet de loi C-3 est rédigé lui permet de le faire.
Le sénateur Tkachuk : Peut-il exproprier une résidence?
M. Francis : Oui. Il déclarera qu'il s'agit d'un travail général effectué pour le gouvernement du Canada et qu'il peut exproprier une résidence. En ce moment, statu quo, non seulement il doit consulter la ville, mais il doit aussi obtenir son accord en ce qui a trait à nos règlements municipaux et autres compétences.
Le sénateur Tkachuk : Donc pour être clair, il peut exproprier une résidence d'une façon ou d'une autre, c'est exact? Pour n'importe quelle raison, dans n'importe quelle ville.
M. Francis : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Le fait-il?
David Estrin, conseiller juridique, Ville de Windsor : Les lois parlementaires spéciales ayant donné lieu aux installations qui se trouvent actuellement dans la ville de Windsor précisent ce que peuvent engendrer ces activités. Elles ont approuvé un pont et un tunnel précis et par le fait même, intégré à ces fins les dispositions de la loi fédérale en matière d'expropriation. À l'heure actuelle, il n'existe aucune autorisation permettant de construire un nouveau pont ou un nouveau tunnel, à part le projet de loi C-3. Sans le projet de loi C-3, nous aurions besoin d'une nouvelle loi du Parlement.
Le sénateur Tkachuk : C'est exact.
M. Estrin : Le projet de loi C-3 vise à faciliter les modifications apportées aux ponts et aux tunnels. Comme l'a mentionné le maire, et je crois que vous arrivez à la même conclusion, si un tunnel ou un pont était autorisé en vertu de la nouvelle loi, les pouvoirs d'expropriation seraient accordés en vertu de ce projet de loi. Nous revenons donc à la question de la définition : Quelles sont les approches et les choses nécessaires concernant le pont et le tunnel? La ville ne proteste pas au sujet des ponts et des tunnels, mais au sujet de la définition prévue au paragraphe (2) du projet de loi proposé. Si on considère les termes « ponts et tunnels internationaux » à la page 5 du mémoire écrit, on remarque que pont ou tunnel international signifie un pont ou un tunnel, incluant les approches et les installations. L'inquiétude provient du fait que le terme « approches et installations » est très vague. C'est pourquoi nous proposons, dans l'intérêt de ce projet de loi, constitutionnellement, et dans celui de municipalités comme la Ville de Windsor, que vous disiez ce que vous pensez. C'est-à-dire que ces approches et ces installations sont directement liées au pont ou au tunnel et qu'elles se trouvent à proximité de celui-ci, à l'exception des routes locales ou provinciales. Cela aiderait à faire respecter la Constitution et à garantir qu'il y a eu consultation.
La présidente : Vous êtes-vous présenté au comité de la Chambre des communes pour soumettre des amendements?
M. Francis : Nous avons fourni des soumissions écrites.
Le sénateur Phalen : Mes questions seront dans la même veine que celles du sénateur Tkachuk.
Lorsque j'ai posé des questions la semaine dernière concernant les projets de loi que vous avez mentionnés, à savoir 1927 et 1921, des témoins qui ont comparu devant nous m'ont indiqué avoir discuté avec vous de vos préoccupations. Je leur ai alors demandé, un peu par plaisanterie, si vous étiez content. Leur réponse a été que deux ou trois dispositions différentes du présent projet de loi ont fait l'objet de consultations supplémentaires à la demande de la Ville de Windsor pour donner à cette dernière une voix supplémentaire au chapitre du processus de consultation. Je ne sais pas si les intéressés sont contents, mais je pense que nous avons très bien tenu compte de cette demande. Quels ont été les accommodements?
M. Francis : Je n'ai pas parlé au ministre, mais je pense que lorsque le projet a été présenté à la Chambre, on a ajouté à la disposition : « à la discrétion du ministre, on doit consulter. ».
M. Estrin : Peut consulter.
M. Francis : Oui, « peut consulter ».
Le sénateur Phalen : Ceci m'amène à une autre partie d'une question. Il a répondu à la même question :
La préoccupation de Windsor, ainsi que vous l'énoncez dans leur lettre, est de disposer de ce que je ne veux pas appeler un droit de veto, mais d'un droit d'approuver la construction et l'exploitation. Le gouvernement a répondu à cette préoccupation par l'intermédiaire de l'amendement du comité de la Chambre demandant au ministre de consulter les municipalités participant à la construction et à l'exploitation.
Il me semble que, selon vous, le mot « consulter » n'est pas suffisamment fort. Est-ce vrai? Pensez-vous qu'il faudrait dire « doit consulter »?
M. Francis : Oui, cela devrait être « doit ». « Doit consulter; ne doit pas être à la discrétion. »
Le sénateur Phalen : C'est ce que vous pensez?
M. Francis : En partie. Nous voulons protéger ce qui a été accordé non seulement à la ville de Windsor mais également aux municipalités de tout le pays. Dans le cas particulier de la ville de Windsor, on a reconnu en 1921... et subséquemment en 1928 et dans toutes les autres lois... que les réponses aux questions locales doivent satisfaire l'autorité municipale et obtenir les approbations de la municipalité. Nous soumettons que le projet de loi C-3 n'a pas précisé dans sa définition et sa disposition interprétative la signification de l'expression « routes d'accès ». La définition générale constitue une infraction constitutionnelle au droit de la municipalité.
Le sénateur Phalen : Si la loi l'oblige et si la disposition précise « qu'on doit consulter », cela ne signifie pas que vous obtiendrez ce que vous voudrez; ça signifie seulement que les intervenants doivent vous parler.
M. Francis : Vous avez raison.
Le sénateur Phalen : Un article du Globe and Mail paru hier faisait état du désir du gouvernement fédéral d'écouter la voix du secteur privé en vue de venir en aide à la construction d'un nouveau passage Détroit-Windsor. L'article mentionnait le groupe d'étude du gouvernement fédéral américain, le partenariat de transport frontalier. Le groupe d'étude doit indiquer en 2007 l'endroit qu'il préfère, et expliquer en détail les accès du nouveau pont proposé.
Est-ce que la ville de Windsor a participé à ce groupe d'étude du gouvernement fédéral?
M. Francis : Nous ne sommes pas partie prenante. Ce processus relève du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial. Le rôle de la Ville de Windsor a été de présenter des soumissions dans le cadre du processus d'évaluation environnementale. Nous sommes traités comme un citoyen ordinaire et, dans le cadre du processus, un citoyen doit présenter des soumissions écrites. C'est ce que nous avons fait. Nous avons respecté le processus.
Le sénateur Phalen : Selon le même article publié hier, le ministre des Transports a réitéré l'intention du gouvernement conservateur fédéral d'évaluer une vaste gamme d'options visant à réduire la congestion routière causée par le camionnage à Windsor. Selon votre soumission à ce comité, les embouteillages de camions couvrent des milles. Pourtant, malgré tout ce qu'on dit sur la congestion de la circulation, j'ai lu que la circulation augmente sur vos ponts et tunnels. Pourriez-vous donner à ce comité une idée du volume actuel de la circulation par rapport à celui des années précédentes?
M. Francis : Sénateur, tant au fédéral qu'au provincial, il existe un groupe de personnes spécialisées qui sont probablement mieux en mesure de fournir les volumes puisqu'elles disposent des chiffres actuels dans le cadre de leur étude. En ce qui a trait au passage frontalier, je pense qu'il s'agit d'un facteur très important — et je parle uniquement du point de vue de la ville. Il s'agit d'une infrastructure qui a été construite par nos grands-parents et qui pourtant, continue d'absorber des échanges commerciaux dont la croissance est phénoménale. Nous devons prendre les mesures pour que ces échanges commerciaux se maintiennent.
Windsor accepte la responsabilité d'accueillir le passage frontalier international. Nous acceptons cette responsabilité : il s'agit d'une responsabilité dont nous nous sommes acquittés depuis un certain temps. Toutefois, selon moi, le passage entre la ville de Windsor et Détroit constitue un maillon essentiel de la chaîne d'approvisionnement de l'économie de ce pays — un maillon essentiel de la chaîne d'approvisionnement dont l'influence se fait sentir bien au- delà de notre corridor, permettant d'assurer des liaisons jusqu'à Laredo, au Texas, jusqu'aux ports de la Côte Ouest et jusqu'aux voies maritimes d'Asie.
En ce qui a trait aux volumes, vos fonctionnaires du ministère des Transports du gouvernement fédéral pourront vous fournir de meilleurs chiffres. De notre point de vue, notre soumission de cet après-midi porte sur les routes d'accès et les installations prévues dans le projet C-3.
Vous avez posé une question précédemment sur la consultation. Si l'on nous consulte, nous pourrions ne pas obtenir satisfaction; nous ne demandons pas une telle chose. Toutefois, je veux être le plus clair possible. La consultation avec la ville tient également compte du précédent établi par la jurisprudence et par des lois antérieures. Ces consultations ne donnent pas et ne doivent pas donner à un ministre quelconque le pouvoir de prendre des décisions ne relevant pas de ses compétences. Les lois, règlements et autorités municipales doivent continuer à être respectés. C'est ce qui a été reconnu au cours des quatre-vingt dernières années. Voilà notre soumission. Consulter est une chose et indiquer que l'on va discuter avec vous en est une autre; toutefois, cette consultation doit également tenir compte du fait qu'il faut respecter les compétences municipales dans le cadre des sphères provinciales.
Le sénateur Zimmer : Messieurs, nous savions que vous viendriez ici aujourd'hui et nous attendions votre témoignage avec impatience. Merci pour cet exposé haut en couleur.
Ma question porte sur l'environnement. Vous avez indiqué dans votre témoignage que, dans le cas de la construction ou de la modification d'un pont international, il faut un processus d'évaluation environnementale. Ce processus exige des consultations approfondies. Selon le ministre, l'ajout d'une nouvelle série de consultations ferait double emploi. Selon vous, cet argument n'est pas valable en l'espèce.
J'ai trois questions à poser. À quoi fait appel une évaluation environnementale portant sur la construction ou la modification d'un pont international? Est-ce que la Ville de Windsor sera consultée pendant ce processus? Si tel sera le cas, pourquoi voudriez-vous faire l'objet de consultations supplémentaires lorsque l'évaluation environnementale sera terminée?
M. Estrin : Je vais vous répondre. Je suis spécialisé en droit de l'environnement : j'œuvre dans ce domaine depuis plus de 30 ans et je pense que je peux vous aider.
En ce moment, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ne s'applique pas du tout, parce que la loi sur les ponts et tunnels internationaux n'est pas enregistrée, parce qu'elle n'existe pas. En présumant que par règlement, après l'adoption du projet de loi, celui-ci fait l'objet d'un renvoi indiquant qu'il déclenche un mécanisme d'évaluation environnementale du gouvernement fédéral — la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale exige en effet la tenue d'une étude en profondeur — un pont ou un tunnel ne serait pas admissible à une étude approfondie. Le pont ou le tunnel ne pourrait faire l'objet d'une étude que si la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale était invoquée pour ce qu'on appelle un examen environnemental préalable qui est l'évaluation environnementale minimum aux fins du processus canadien. En présumant que le mécanisme d'examen environnemental préalable était déclenché, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale n'exigerait toujours pas de consultation. Cette décision serait laissée à la discrétion de l'autorité responsable, par exemple Transports Canada qui déciderait de consulter ou non la ville.
En présumant qu'une telle décision soit prise, ce pouvoir discrétionnaire de consulter signifie tout simplement consulter, c'est-à-dire nous présenter vos soumissions. Il n'existe aucune prescription normalisée précisant le type de consultation. Habituellement, cela signifie « Dites-nous ce que vous pensez ». Même si l'on pouvait se prévaloir d'une consultation et qu'on la demandait, c'est ce qui arriverait probablement. Autrement dit, cette consultation, même si elle avait lieu, serait fort différente et n'obligerait pas les promoteurs à rencontrer la ville pour essayer d'aboutir à un accord sur la manière de mettre une chose en particulier à un endroit donné, de façon à ne pas causer de problème subséquents. Le ministre pourrait entreprendre des consultations, mais un grand nombre de tels projets peuvent relever du secteur privé. Nous voulons que les promoteurs puissent rencontrer la ville et discuter de la manière dont ces installations seront intégrées aux accès et éviter ainsi les problèmes constatés dans certaines de ces photographies.
Je pense que c'est la raison pour laquelle le Parlement, en 1921 et en 1928, a déclaré que ces promoteurs devaient rencontrer la municipalité pour conclure un accord sur la manière dont ces processus fonctionneraient en pratique. Cette démarche a fonctionné jusqu'au moment où les volumes frontaliers sont devenus tels que les problèmes de congestion routière ont commencé à augmenter. Cette démarche fonctionnera à nouveau, mais nous pensons qu'il faudrait instaurer un processus pour que les intervenants ne s'adressent pas seulement à nous, mais essaient également de conclure une entente sur la manière dont les choses fonctionneront. Il est clair que la ville s'est montrée raisonnable dans le passé et je suis persuadé qu'elle se montrera tout aussi raisonnable à l'avenir.
M. Francis : Je me fonde sur la loi à l'origine du pont Ambassador. Une évaluation environnementale pourrait également ne pas tenir compte du même point de vue que celui exigé par les lois antérieures relativement aux autorisations municipales concernant l'utilisation des routes et rues sous compétence municipale, et ne se conformerait pas aux autres autorisations... la planification entre autres. Ces questions sont traitées par cette loi mais pourraient ne pas être couvertes par une évaluation environnementale discrétionnaire.
Le sénateur Zimmer : Monsieur le maire, vous avez fait allusion dans votre témoignage aux précédents, à l'histoire et au statu quo. Pourriez-vous nous fournir certains renseignements sur un cas survenu au cours des dix dernières années environ exigeant que la Ville de Windsor autorise un projet portant sur la création ou la modification des passages frontaliers dans la ville? Je suis particulièrement intéressé par le processus d'entente ou le calendrier ainsi que par les obstacles que vous avez dû franchir pour conclure une entente.
M. Francis : Voici le premier exemple qui me vient à l'esprit. Les exploitants et propriétaires du pont Ambassador sont dans l'auditoire. Il y a près de deux ans ceux-ci ont demandé à la ville de Windsor la permission d'agrandir leur esplanade et pour cela, ils avaient besoin d'un rezonage. M. Estrin peut en parler. Ils avaient besoin de la permission de la ville. Après avoir rempli toutes les conditions, le pont Ambassador a reçu toutes les approbations en la matière. Ils ont l'autorisation d'agrandir. Voilà un exemple.
Le deuxième exemple, évidemment, est le travail que nous faisons avec la Detroit-Windsor Tunnel Corporation. En 1994, cette esplanade a été agrandie et totalement rénovée. Une fois de plus, la ville de Windsor et les autorités chargées de la planification ont eu leur mot à dire et ces processus ont également été approuvés.
Le sénateur Dawson : Vous avez utilisé l'expression « lois antérieures ». Comme nous le savons, ce projet de loi a été présenté par des gouvernements antérieurs. En ce qui a trait à la consultation, comment ce dernier se compare-t-il aux projets de loi antérieurs présentés par les autres ministres des transports?
M. Francis : Lorsque je parlais des lois antérieures, je faisais allusion aux lois qui ont créé les installations.
Le sénateur Dawson : Je vois : le statu quo existant. Entre le statu quo existant et aujourd'hui, comment comparer les projets de loi déposés à ce qui existe à l'heure actuelle?
M. Estrin : Je ne pense pas qu'ils étaient très clairs non plus sur la consultation.
Le sénateur Dawson : En ce qui a trait à la consultation, nous devons savoir que le ministre a utilisé l'expression « doit consulter ». Lorsque nous allons à Vancouver, à Halifax et que nous avons les aéroports, les ports ainsi que 10, 12 ou 13 ponts, selon la manière dont on veut les compter, à mon avis, le ministre serait perpétuellement en consultation. Nous devrions essayer de définir cette notion. Personne ne s'est jamais présenté devant ce comité en disant : « Nous sommes satisfait du processus de consultation en l'état. » J'aimerais savoir comment nous pourrions définir ce processus de façon à le rendre plus réaliste; ainsi, Transports Canada aura un meilleur mécanisme de consultation, car ce dernier ne semble donner satisfaction à personne sous sa forme actuelle.
Nous devons nous rendre rapidement à une réunion du caucus, mais on a parlé également d'un nouveau pont. Le ministre s'est présenté devant ce comité il y a deux semaines et personne n'a mentionné l'éventualité d'un nouveau pont. Soudainement toutefois, un nouveau pont et un autre sujet surgissent, à savoir un projet de partenariat public- privé que nous devons examiner qui livrera concurrence au pont Ambassador et à votre société du tunnel. On nous a dit la semaine dernière que la circulation et les recettes diminuaient. S'il y a une baisse de la circulation et des recettes et que nous accroissons la concurrence, quelle sera la situation des autres concurrents après ce nouveau projet?
M. Francis : Premièrement en ce qui a trait à la consultation, je pense que les ministres et le gouvernement fédéral ont de nombreux dossiers à traiter. Je soumettrais respectueusement que, depuis 80 ans, le gouvernement a eu la tâche de s'entendre avec les municipalités. Il ne s'agit pas de donner satisfaction à la ville de Windsor ou aux intérêts locaux. Il s'agit de respecter les compétences respectives précisées dans la Constitution qui confèrent aux municipalités la responsabilité des routes, des rues et des questions locales. C'est ce que nous demandons. Nous demandons de ne pas diluer les responsabilités déjà enchâssées non seulement dans la jurisprudence, dans les précédents et dans les lois spéciales, mais également dans nos rôles et responsabilités respectifs. Il s'agit de la question clé. Je pense qu'il est probablement beaucoup plus facile et beaucoup plus prudent d'un point de vue constitutionnel de consulter les municipalités que de consulter obligatoirement les exploitants. On relève un contraste saisissant dans le projet de loi actuel. On est prêt à consulter les exploitants, mais pas les municipalités alors que, selon la Constitution, nous détenons ce pouvoir.
En ce qui a trait à la deuxième question, mon travail de maire consiste à me préoccuper des limites municipales, de ma ville et des questions municipales. En ce qui a trait aux nouveaux passages frontaliers et à une nouvelle installation, il s'agit d'une question relevant des gouvernements fédéral et provincial qu'il faut régler avec le gouvernement provincial. Ce sont eux qui ont lancé le processus et qui discutent de l'emplacement de la construction de la nouvelle installation.
Je serais très heureux de faire porter la discussion sur les nouvelles installations et sur leur importance pour le reste du pays. Toutefois, notre propos de cet après-midi porte sur ce projet de loi C-3 et particulièrement sur le langage utilisé et sur la manière dont il traite des routes d'accès ainsi que sur la définition générale qui, désormais, constitue un empiètement sur la compétence municipale.
Finalement, en ce qui a trait au tunnel Detroit-Windsor, la ville de Windsor possède la moitié canadienne; nous exploitons la moitié canadienne. Je désire mettre les choses au point de façon à dissiper toute illusion à ce sujet. La circulation automobile est la principale activité du tunnel Detroit-Windsor. La circulation commerciale passe principalement par le pont Ambassador. Nous avons donc affaire à deux opérations distinctes.
Le sénateur Dawson : Vous êtes également président de la commission du tunnel de Windsor?
M. Francis : Oui.
Le sénateur Dawson : On nous a dit qu'à cause du tourisme, la circulation a diminué, particulièrement celle des automobiles et des touristes.
M. Francis : Je pense que les recettes de tous les exploitants ont diminué.
Le sénateur Dawson : Pourquoi lançons-nous un nouveau projet à cet endroit alors?
M. Francis : Il s'agit d'une décision des pouvoirs dont vous relevez qui ont déjà entamé le processus. Je suis très fier du fait que la ville de Windsor soit propriétaire du tunnel Detroit-Windsor; je suis très fier du fait que cet actif stratégique nous permet d'établir un lien entre le centre-ville de Détroit et celui de Windsor; et je suis extrêmement fier des recettes générées par ce tunnel. Au lieu de frapper aux portes des gouvernements fédéral et provincial pour obtenir des dollars servant à financer les infrastructures, ces recettes et ces dollars sont redéployés dans notre système routier et nos égouts et allègent le fardeau financier du pays et de la province.
Le sénateur Mercer : Je voudrais faire un commentaire avant de poser une question. Je trouve intéressant le fait qu'on ait demandé à la ville de présenter des soumissions au comité de la Chambre des communes et, à l'heure actuelle, celle-ci témoigne devant ce comité. Il s'agit d'une tendance observée depuis peu dans le cadre d'autres lois. Peut-être pourrions-nous mentionner ce fait un jour à la Chambre.
Vous avez fait allusion à un nouveau passage et le ministre parle d'un nouveau passage. Je constate ensuite que les propriétaires du pont Ambassador envisagent de construire un nouveau pont et ont acheté le terrain voulu. Vous avez déclaré il y a un moment qu'ils avaient reçu une autorisation d'agrandissement... Je pense que c'est ce que vous avez dit.
Lorsque vous parlez d'un nouveau passage et que le ministre parle d'un nouveau passage, s'agit-il du nouveau pont Ambassador ou d'un tout nouveau passage?
M. Francis : Mes commentaires précédents étaient dans l'optique de la question posée par le sénateur : quand est-ce qu'un exploitant privé a approché pour la dernière fois la ville pour entamer un processus d'approbation? Je vous ai indiqué que la dernière fois que la Ville de Windsor a été approchée en la matière, c'était pour le pont Ambassador. Ses exploitants devaient modifier l'esplanade existante de façon à déplacer du côté canadien de la frontière certains postes de péage. On peut constater ainsi la rapidité avec laquelle les permis demandés peuvent être obtenus après avoir reçu toutes les autorisations voulues. Voilà ce à quoi je fais allusion lorsque je parle du pont Ambassador; en ce qui a trait au nouveau passage, ce à quoi je fais allusion était le résultat des questions demandées par les sénateurs.
Les gouvernements fédéral et provincial ainsi que le gouvernement fédéral américain et celui de l'État ont créé le processus relatif au passage frontalier international de la rivière Détroit (DRIC). Ce sont eux les promoteurs. Les promoteurs sont Transports Canada et le MTO au Canada ainsi que leurs collègues et les compétences respectifs du côté américain. Il s'agit d'une bonne question à leur poser. Il s'agit de leur processus et de leur travail. Nous sommes en train de prendre les mesures pour préserver les pouvoirs locaux et nous continuons de présenter des soumissions dans le cadre du DRIC.
Le sénateur Mercer : Vous êtes un bon politicien. Il n'y a pas de période de questions à l'échelle municipale, mais vous avez évité de répondre à la question.
M. Francis : Sénateur, il ne s'agit pas de mon processus.
Le sénateur Mercer : Non, non. Vous avez parlé d'un nouveau passage. Je veux savoir si ce nouveau passage est ce que j'appellerais le nouveau pont Ambassador ou un autre passage dont je ne connais rien.
M. Francis : Merci pour l'éclaircissement. En vertu du processus DRIC qui a été créé par les gouvernements de ce côté-ci de la frontière, le pont Ambassador a été l'un des promoteurs envisagés. Les gouvernements provincial et fédéral l'ont écarté du processus DRIC car ses installations ne répondent pas aux besoins. Lorsque le ministre fédéral parle d'un nouveau passage, je pense qu'il parle de l'endroit où le nouveau passage sera situé. Il s'agit de la conclusion du processus, et le processus, par l'intermédiaire de l'évaluation environnementale, exige que ce nouveau passage ne soit pas à l'endroit où le pont Ambassador est situé à l'heure actuelle.
Le sénateur Mercer : Je crois savoir que les permis présidentiels pour le nouveau pont Ambassador existent déjà et que les approbations ont été obtenues du côté américain et de la province de l'Ontario.
M. Francis : Cela tomberait à point nommé, oui.
Le sénateur Mercer : Peut-être vous ai-je mal compris, mais vous parliez d'un autre pont. Vous avez dit que celui-ci ne cadrait pas dans le processus.
M. Francis : Ces questions relèvent du ministre des Transports, car elles portent sur la délivrance de permis présidentiels.
Sénateur, je dirais que ma réponse directe à votre question porte sur un processus qui a été établi par le Canada, l'Ontario, le Michigan et les États-Unis. Ce processus a débuté comme un exercice visant à trouver l'emplacement du prochain passage par l'intermédiaire des dispositions d'une évaluation environnementale des deux pays. Il a débuté en 1999 et, à la fin de l'an dernier, après avoir tenu compte de tous les promoteurs, les conclusions du processus ont été consignées dans les dossiers publics et indiquent que le nouveau pont ne sera pas situé dans le secteur auquel vous faites allusion à côté du pont Ambassador. C'est ainsi que je comprends la situation. Je pense que le ministre des Transports serait probablement mieux en mesure de répondre à d'autres questions détaillées.
Le sénateur Mercer : Toutefois, vous êtes le maire de la ville de Windsor.
M. Francis : C'est exact.
Le sénateur Mercer : Je soupçonne que la ville de Windsor n'a pas qu'un intérêt passager à l'égard de ce processus, sinon vous ne seriez pas ici.
Vous êtes le président de la commission du tunnel n'est-ce pas?
M. Francis : Oui, je suis le président de la commission du tunnel de Windsor.
Le sénateur Mercer : Est-ce que cette fonction est liée à celle de maire? Est-ce que le maire est toujours président de cette commission ou s'agit-il d'une fonction distincte.
M. Francis : Non, historiquement, le maire a eu divers rôles et responsabilités au sein de nombreux comités. Outre la présidence de la commission du tunnel de Windsor, j'ai également celle de la société de distribution d'électricité. Cela fait partie de notre travail; notre fonction n'a pas de limite. Nous siégeons à des comités.
Le sénateur Mercer : Dans ma province, j'ai des ponts reliant une ville à l'autre et pas un pays à l'autre.
M. Francis : On a décidé lorsque le tunnel a été créé puis confié à la ville de Windsor, de mettre sur pied un comité et une commission. La commission est un organisme.
Le sénateur Mercer : Le conseil municipal choisit ensuite le président n'est-ce pas?
M. Francis : C'est le rôle de la commission.
Le sénateur Mercer : La commission, mais qui nomme la commission?
M. Francis : Le conseil municipal.
Le sénateur Mercer : Je vous ai dit qu'il était un bon politicien.
J'ai une dernière question. Je ne saisis toujours pas bien le processus. Peut-être avez-vous raison : nous devons poser des questions à d'autres personnes. Le nouveau pont Ambassador a reçu certaines approbations. Vous me dites que le nouveau pont Ambassador n'a pas été retenu dans le cadre de ce processus de sélection. Je suis déconcerté parce que je ne comprends pas si nous parlons d'un pont ou de deux ponts.
M. Estrin : Je suis peut-être en mesure de fournir certains éclaircissements. Le processus dont le maire parlait faisait intervenir les gouvernements du Canada, de l'Ontario et des États-Unis et portait sur un nouveau passage de la rivière. Plusieurs endroits ont été envisagés. Dans le cadre de cette démarche, l'une des options étudiées consistait à construire un deuxième pont juste à côté du pont Ambassador. Cette option a été rejetée à l'instar de plusieurs autres et, à l'heure actuelle, l'endroit envisagé se situe en aval du pont Ambassador existant.
Toutefois, le pont Ambassador appartient à une société privée. À titre de société privée, celle-ci juge qu'elle n'est pas partie prenante du processus gouvernemental. Elle a donc présenté une demande de construction d'un deuxième pont Ambassador juste à côté du pont existant. Au même moment, les gouvernements du Canada, de l'Ontario et des États- Unis déclarent que ce n'est pas le meilleur endroit. Selon eux, cet endroit aurait un impact terrible sur la ville de Windsor. Ils ont donc choisi un endroit en aval.
Sénateur, la ville juge nécessaires les amendements parce que, non seulement le gouvernement propose un autre passage de la rivière à un endroit en aval qui semble convenir sous l'angle des impacts sur la ville, mais également parce qu'il existe une demande du secteur privé de construction d'un deuxième pont près du pont Ambassador. Le processus gouvernemental a conclu que cet endroit aurait des impacts graves sur la ville de Windsor. En outre, un consortium de sociétés privées différent a fait une autre proposition connue sous le nom de projet du tunnel de la rivière Détroit visant à convertir un tunnel ferroviaire en tunnel affecté au camionnage, c'est-à-dire faire passer les camions sous la rivière Détroit dans un tunnel ferroviaire. À première vue, cela semble être une bonne idée sauf qu'à peine six trains par jour circulent à l'heure actuelle dans le couloir ferroviaire et que celui-ci passe dans presque tous les nouveaux lotissements de la ville de Windsor.
La ville de Windsor souhaite être consultée s'il y a de nouvelles propositions de passage frontalier. C'est pourquoi nous nous présentons ici pour demander ces amendements; c'est-à-dire que nous voulons être certain d'être consultés et que toute demande, par exemple celle de la construction d'un deuxième pont Ambassador ou celle qui porte sur le projet du tunnel de la rivière Détroit soit présentée à la ville, soit discutée et fasse l'objet d'une entente.
Le sénateur Eyton : Monsieur le maire, vous piquez ma curiosité. Vous avancez vos arguments avec énergie et éloquence, mais je ne comprends pas pourquoi vous ne vous êtes pas présenté au comité de la Chambre des communes lorsqu'il examinait le projet de loi.
M. Francis : À la suite des soumissions écrites que nous avions présentées et des discussions que nous avons eues, nous étions persuadés que ces amendements seraient acceptés. Plusieurs députés qui représentent la région de Windsor ont également fait des démarches auprès de Transports Canada pour essayer de faire adopter les amendements. Toutefois, on nous a fait croire que les soumissions écrites suffisaient.
Le sénateur Eyton : Vous êtes plus avisé à l'heure actuelle, n'est-ce pas le cas? Vous êtes plus avisé parce que vous vous présentez devant nous.
M. Francis : Sans doute.
Le sénateur Eyton : À mon avis, les ponts et les tunnels visés par la loi sont sans contexte des ouvrages nationaux vitaux. Leur influence s'étend bien au-delà de la ville de Windsor et ils jouent un rôle extrêmement important dans le sud de l'Ontario. Je pense qu'environ 25 p. 100 des biens échangés entre le Canada et les États-Unis transitent par un seul pont, le pont Ambassador. Il est donc clair qu'il s'agit d'un ouvrage d'intérêt national. C'est pourquoi cette question relève sans aucun doute de la compétence du gouvernement fédéral et il est clair que le gouvernement fédéral a la responsabilité de présenter l'avant-projet de loi C-3. En fait, je ne comprends pas pourquoi il n'a pas été présenté il y a bien des années. Il me semble notamment que, vu les circonstances, le gouvernement fédéral a prépondérance en la matière. Il peut consulter ou pas. Sans aucun doute, la consultation est une bonne chose, car il vaut mieux coordonner si on le peut. Toutefois, il est essentiel que le gouvernement fédéral ait le dernier mot.
J'ai examiné la définition. Dans votre soumission, vous faites allusion à la loi de 1921 et il est intéressant de noter que même à l'époque, lorsque les choses étaient relativement moins compliquées, l'article se lisait comme suit :
« La compagnie ne doit pas construire ni exploiter un des ouvrages indiqués à l'article 8 de la loi, le long d'une route, d'une rue ou d'un autre lieu public...
— et je souligne l'expression « autre lieu public » —
[...] sans avoir au préalable obtenu le consentement, exprimé par règlement, de la municipalité ayant compétence sur cette route, rue ou autre lieu public et selon les modalités et les conditions acceptées par cette municipalité [...]
[...] et si, ce consentement n'est pas donné, selon les modalités et les conditions établis par la Commission des commissaires des chemins de fer du Canada. »
Même en 1921, il existait une disposition disant : « Nous allons essayer de régler la question, mais, en fait, en cas de désaccord ou de différend, il faut s'adresser à un organisme fédéral, à savoir la Commission des commissaires des chemins de fer du Canada ».
La question a été traitée à ce moment, mais si vous acceptez mon argument à savoir qu'il faut tenir compte de la prépondérance du gouvernement fédéral, ce dernier disait ceci : « Nous souhaitons travailler avec vous si nous le pouvons, mais dans le cas contraire, l'avis final est entre les mains d'un pouvoir fédéral. »
Le projet de loi C-3 définit de la manière suivante un pont ou tunnel international :
« [...] tout ou partie du pont ou du tunnel reliant tout lieu au Canada à un lieu hors du Canada, y compris les approches et installations connexes. »
Cette définition est beaucoup moins large que celle de la loi de 1921 qui disait « ou autre lieu public » sans aucune définition. En vertu du projet de loi C-3, il faut qu'il y ait un lien direct.
M. Francis : Merci d'avoir présenté ces différents éléments. Notre dernier point porte sur la différence entre le projet de loi C-3 et la disposition interprétative de la loi de 1921 qui n'accordait aucune discrétion au ministre. Aucun pouvoir déclaratoire n'était accordé. Il fallait s'asseoir et il fallait discuter.
Le sénateur Eyton : J'étais concentré sur la définition des ponts et tunnels. Nous pouvons discuter ultérieurement de la section de l'approbation.
M. Francis : Toutefois, il existait un mécanisme qui ne lui conférait pas des pouvoirs déclaratoires généralisés pour désigner les routes d'accès. Le pont et les installations étaient définis comme des ponts et des installations. La partie du projet C-3 que vous venez de citer relève selon nous d'une catégorie générale qui englobe tout.
Le sénateur Eyton : Elle parle de ponts et tunnels « connexes ».
M. Francis : Elle englobe « les approches et installations connexes ».
Le sénateur Eyton : Elle précise « connexes ». Dans les lois précédentes, on disait simplement « ou tout autre lieu public ».
M. Estrin : Sénateur, je pense que la raison pour laquelle cela ne soulevait aucun problème à l'époque, c'était parce qu'il s'agissait d'un pont ou d'un tunnel précis, contrairement aux lois permettant la construction de n'importe quoi n'importe où au Canada, à l'instar de la présente loi, sans vraiment aucune consultation.
Le sénateur Eyton : Je vous comprends. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec vous, mais je vous comprends. Je vais donc passer à la définition des ponts et tunnels que vous recommandez dans votre soumission.
Vous essayez d'être plus précis. Vous dites « directement reliés » — ce qui, je pense, est plus précis — « au pont ou tunnel ». Ensuite vous ajoutez « et qui sont dans le voisinage immédiat de cette installation » — ce qui précise encore davantage votre pensée — « tout en excluant les routes locales ou provinciales ».
Quel que soit l'effort d'imagination qu'on fasse, il me semble que cela vide de sa substance toute la définition des ponts et tunnels. En fait, cela permet donc aux municipalités ou aux provinces de prétendre que leurs routes ne relèvent pas des dispositions de la loi.
Il me semble que cette dernière précision dénue de son sens la définition d'un pont ou d'un tunnel international et pas nécessairement l'expression « directement reliés » ou même « dans le voisinage immédiat ». Ces deux expressions me semblent des recommandations raisonnables, mais la dernière précision vide la définition de sa substance.
M. Francis : Nous émettons cette recommandation pour illustrer notre demande. Il faut restreindre le sens de ces mots. Il faut restreindre le sens du mot « approches ». Notre soumission est que la disposition interprétative faisant allusion aux « approches » ne peut être interprétée comme « n'importe quelle route ». Nous disons qu'il faut placer certaines limites.
Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne les compétences. Le gouvernement fédéral est responsable des ouvrages généraux au bénéfice du Canada — le pont, l'esplanade, l'installation et le voisinage immédiat — mais la question qui nous intéresse est la signification de l'expression « routes d'accès ». Il est clair qu'une route de 20 kilomètres éloignée de l'installation ne relève pas des compétences fédérales.
Le sénateur Eyton : Vous exagérez beaucoup.
M. Francis : Elle sert d'exemple pour illustrer le fait qu'il faut imposer certaines restrictions à cette disposition.
Le sénateur Eyton : Je passe à votre soumission suivante qui était l'ajout du paragraphe 8(4). Une fois de plus, je ferais les mêmes remarques. L'exigence de consultation inscrite dans le projet de loi C-3 peut causer des craintes légitimes. C'est une revendication raisonnable, mais promulguer quelque chose qui ressemble à votre suggestion reviendrait en fait à vider de sa substance tout le projet de loi. Une fois de plus, il s'agit d'une demande exagérée. Donneriez-vous la même réponse?
M. Francis : Nous essayons d'utiliser un langage qui s'harmoniserait avec celui des lois précédentes régissant les passages de la région. Ce projet de loi retirera les pouvoirs des mains du législateur pour les remettre dans celles d'un ministre... Nous connaissons ces problèmes. Nous essayons de mettre en place des moyens de protection qu'on aurait pu nous donner par des lois spéciales.
Je ne sais pas si M. Estrin a quelque chose à ajouter.
Le sénateur Eyton : Je ne veux pas entrer dans les détails, mais on retrouve la notion que le gouvernement fédéral dans ce cas devrait être soumis à un arbitrage ou à de nombreux autres tests que vous avez inclus ici.
M. Francis : Vous avez fait allusion antérieurement à la loi de 1921. Et celle-ci prévoyait un mécanisme qui, en cas de désaccord entre la municipalité et le gouvernement, demandait à une tierce partie de fournir une opinion. Le même organisme n'existe plus.
Le sénateur Eyton : Cette tierce partie était un organisme fédéral.
M. Francis : Au moins, il s'agissait d'un organisme. Nous suggérons la mise en place d'un mécanisme. Ainsi, en cas de différend, il existera un mécanisme qui permettra à quelqu'un d'indépendant, qui relève du gouvernement fédéral ou pas, de résoudre ce différend. Il y aurait un organisme qui serait saisi du différend, puis rendrait une décision. Si cet organisme existait encore, nous aurions suggéré qu'il serve de mécanisme de résolution des différends. Notre propos vise simplement l'instauration d'un certain mécanisme de résolution des différends.
Le sénateur Eyton : Je repère les parties du projet de loi C-3 où nous pourrions apporter quelques amendements moins importants et rendre plus précise la définition d'un pont ou d'un tunnel international de façon à apaiser au moins en partie vos craintes. Je vois l'endroit où nous pourrions modifier les dispositions portant sur la consultation qui existent à l'heure actuelle... principalement le paragraphe 7(1.1), pour les rendre plus exécutoires et plus directes. Évidemment, il s'agit d'une démarche subtile et nuancée.
En ce qui a trait à vos deux soumissions, elles vont beaucoup trop loin selon moi et ne sont pas pratiques.
M. Francis : J'apprécie vos propos, sénateur. C'était l'objet de notre visite cet après-midi. Toute aide permettant d'obtenir des amendements concernant ces questions sera extrêmement bienvenue, quelle que soit la formulation précise, sous réserve que l'on tienne compte des principes ou des préoccupations dont nous avons fait part.
La présidente : Monsieur le maire, nous avons été très heureux de vous accueillir aujourd'hui. Il est dommage que vous n'ayiez pas pu vous faire entendre à la Chambre des communes, mais nous sommes très heureux que vous vous soyez ici. N'hésitez pas à nous envoyer tout autre renseignement que vous jugez nécessaire à notre travail. Nous étudierons ce projet de loi avec beaucoup de sérieux et d'attention. Nous vous remercions une fois de plus, ainsi que M. Estrin pour votre témoignage devant notre comité.
La séance est levée.