Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 6 - Témoignages du 28 novembre 2006
OTTAWA, le mardi 28 novembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications auquel a été renvoyé le projet de loi C-3, Loi concernant les ponts et tunnels internationaux et modifiant une loi en conséquence, se réunit aujourd'hui à 9 h 30 afin d'étudier le projet de loi.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, ce matin, nous étudierons le projet de loi C-3, Loi concernant les ponts et tunnels internationaux et modifiant une loi en conséquence.
Les témoins aujourd'hui sont Dan Stamper, président de la Canadian Transit Company, Skip McMahon, directeur général des affaires extérieures et Matthew Moroun, vice-président de Centra Inc.
Bienvenue, messieurs. Comme vous connaissez déjà, je crois, le fonctionnement du comité, je vous donne la parole et mes collègues auront sans doute des questions à vous poser par la suite.
Dan Stamper, président, Canadian Transit Company : Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de vous exposer mes vues sur le projet de loi C-3. Je dois vous dire que, dans l'optique de notre entreprise, l'objet et l'esprit du projet de loi C-3 sont décevants. Il y a 24 ponts, soit 22 ponts appartenant à des entités publiques dont l'un est à vendre, et un pont privé, le pont Ambassador.
Nous nous concentrons actuellement sur la direction que nous devons adopter pour améliorer et renforcer la relation entre le Canada et le pont Ambassador.
Nous croyons que la question de la gouvernance par le Canada du pont Ambassador a été résolue par une entente conclue en 1992, après plus d'une décennie de litiges entre les parties. Ayant dépassé les obligations prévues dans l'entente de 1992, nous sommes préoccupés par le projet de loi C-3 et nous nous interrogeons sur son véritable objet.
Il ressort clairement des remarques formulées récemment par les ministres des Transports et des Finances au sujet des partenariats publics-privés que le projet de loi C-3, de concert avec les travaux dans le cadre du projet de passage international de la rivière Detroit (Detroit River International Crossing Project — projet DRIC), est un effort déployé par des bureaucrates en vue de la construction et de l'exploitation rentable d'un poste frontalier, aux dépens de notre entreprise et des contribuables du Canada.
Je vais vous montrer trois graphiques. Le premier indique le trafic réel et prévu au pont Blue Water, l'un de nos principaux concurrents sur le plan du transport par camion. Je vous prie de noter les prévisions de trafic sur lesquelles repose la construction d'un deuxième pont et d'une infrastructure routière des deux côtés de la frontière, projet qui coûtera des milliards de dollars aux contribuables. La ligne rouge représente les prévisions des experts-conseils et la bleue, l'évolution réelle du trafic depuis la construction du pont; les deux courbes diffèrent sensiblement l'une de l'autre. Vous pouvez constater l'écart grandissant entre le trafic réel et le trafic prévu : le premier est demeuré relativement stable en dépit de l'ouverture d'un casino à Sarnia. Un investisseur privé serait très mécontent d'un tel écart entre le trafic réel et le trafic prévu.
Le deuxième graphique indique l'évolution du trafic réel aux postes frontaliers de Windsor depuis 1999. Je suis déçu que le maire de Windsor n'ait pas répondu à vos questions sur la baisse de plus de 40 p. 100 du trafic dans le tunnel.
Enfin, voici les prévisions des experts-conseils chargés du projet DRIC en ce qui concerne le trafic au pont Ambassador que vous pouvez comparer à nos prévisions. Je dois vous dire que les experts-conseils chargés du projet DRIC ont abaissé plusieurs fois leurs prévisions trop optimistes. Je vous signale l'écart considérable qui se creuse entre les prévisions des experts-conseils et les nôtres. Comment justifier l'investissement de milliards de dollars pour construire un autre passage?
Notre entreprise ne se livre pas à une comptabilisation théorique du trafic à notre poste frontalier. Nous avons la responsabilité et le devoir de veiller à ce que notre poste frontalier fonctionne de manière à répondre aux besoins de nos clients et de la région que nous desservons. Nous sommes l'entreprise qui s'est efforcée de devenir le meilleur poste frontalier de l'Amérique du Nord. Nous comprenons les mouvements frontaliers mieux que quiconque.
Les principaux éléments du projet de loi C-3 sont conçus de manière à fournir aux bureaucrates l'occasion de détourner du trafic de notre poste frontalier vers un pont neuf financé par le gouvernement. À notre avis, l'aménagement d'un lieu de triage et la construction d'un pont en vertu du projet de loi C-3 influeront fortement sur la situation financière des postes frontaliers du sud-ouest de l'Ontario ou les mèneront à la faillite. Nous n'étonnerons donc personne lorsque nous disons que nous protégerons nos intérêts.
Quelques mots sur le processus lié au projet DRIC, si vous le permettez. Les faits sont les suivants : nous avons réglé les litiges avec le Canada en 1992 et investi des dizaines de millions de dollars dans l'amélioration des installations occupées par les services gouvernementaux. La Canadian Transit Company a entrepris les travaux d'amélioration des installations en 1993 et elle a continué d'acquérir les terrains nécessaires et d'engager des experts-conseils et des ingénieurs pour la préparation de tous les documents et demandes d'autorisation devant permettre la construction de voies supplémentaires franchissant l'eau.
Le projet DRIC, qui a été conçu en 2001, a été lancé à la hâte pour tenter de rattraper le retard par rapport à l'engagement concernant la construction de voies supplémentaires pour le pont Ambassador et pour modifier cet engagement. Les bureaucrates responsables du projet DRIC sont également ceux qui sont chargés d'approuver le projet touchant le pont Ambassador. Ce groupe de bureaucrates est donc un concurrent des administrateurs du pont Ambassador, au pont de Sarnia-Port Huron qui appartient à une entité publique, créant ainsi un conflit d'intérêt étant donné que ce groupe est à la fois juge et partie en ce qui concerne les projets liés au pont Ambassador.
Je vous signale que c'est l'équipe du projet DRIC, et non pas nous, qui a dit, en substance, que l'évaluation faite par le Canada montre cependant que la construction d'un pont parallèle au pont Ambassador constituerait un élargissement du pont existant, et non pas un nouveau pont sur la rivière ayant ses propres voies de raccordement aux réseaux routiers de l'Ontario et du Michigan. Les responsables du projet DRIC ont admis que nous n'avons jamais été liés par le projet et que nous sommes libres de réaliser notre propre projet.
Est-ce que nous exagérons? Je ne crois pas et permettez-moi de vous exposer les faits pour que vous compreniez bien notre point de vue.
Récemment, les responsables du projet DRIC ont lancé un appel d'offres, lequel visait l'aménagement d'un lieu de triage pour camions, ce qui permettrait aux bureaucrates de réorienter le trafic vers le poste frontalier de leur choix. Cette mesure doit permettre d'atteindre les objectifs du projet DRIC et du projet de loi C-3, à savoir d'alimenter un nouveau pont financé par le gouvernement par le détournement du trafic et des droits de péage depuis les postes frontaliers existants. Le projet DRIC, le projet de loi C-3, le lieu de triage et l'investissement de milliards de dollars n'ont pas leur raison d'être si le gouvernement fournit un soutien aux postes frontaliers existants et à leurs exploitants.
Notre position est claire. Nous sommes prêts à soutenir la concurrence et nous avons très bien réussi à ce jour. Nous nous opposons vivement au contrôle bureaucratique du secteur des postes frontaliers pouvant avoir pour effet de détourner des clients en raison de droits de péage trop élevés et de réduire notre chiffre d'affaires par voie administrative. Nous voulons continuer de faire des affaires comme nous le faisons depuis bientôt 80 ans, dans le cadre d'une alliance avantageuse avec le gouvernement du Canada.
En ce qui concerne la sécurité, par exemple, immédiatement après les attentats du 11 septembre, les administrateurs du pont Ambassador ont engagé et organisé un service de sécurité jour et nuit pour le pont. C'est au pont Ambassador que sont d'abord mises en place la plupart des nouvelles technologies de sécurité. Il n'y a aucune raison de ne pas mettre en application ces dispositions du projet de loi C-3 pour le bienfait de tous, et nous recommandons qu'il en soit ainsi. En fait, cela devrait être le véritable motif sous-jacent du projet de loi.
Quelques mots maintenant au sujet des dispositions sur la propriété du projet de loi C-3 qui nous inquiètent beaucoup.
D'un trait de plume, le gouvernement du Canada tente de mettre fin à la solide relation à long terme que nous entretenons avec lui et le gouvernement des États-Unis. En outre, le projet de loi, tel qu'il est rédigé, semble permettre au gouvernement d'agir rétroactivement. Sur la diapositive, la partie correspondant à l'effet rétroactif du projet de loi est indiquée en bleu. Les lois américaines et canadiennes qui régissent ensemble depuis longtemps l'exploitation du pont Ambassador ne doivent pas être modifiées unilatéralement par le Canada.
J'aimerais maintenant traiter de certaines des dispositions du projet de loi qui influent de façon plus marquée sur notre entreprise.
Qui, dans le milieu des affaires, ne s'opposerait pas à un projet de loi qui laisse à une entité publique concurrente toute latitude pour décider comment elle peut rivaliser et dans quelles conditions? D'une part, le gouvernement rivalise avec nous pour le trafic international à Sarnia et peut-être à Windsor et, d'autre part, il a le pouvoir de décider des travaux d'expansion envisagés par notre entreprise ou, pis encore, il est l'agent d'exécution à Windsor dans le cadre du projet DRIC et, maintenant, de l'étude des répercussions sur l'environnement de notre projet d'expansion.
De nombreuses lois, non seulement du Canada mais aussi des États-Unis, régissent ensemble le passage international qu'est le pont Ambassador. Toute modification unilatérale peut changer le sens et l'application des ententes internationales. Si des changements s'imposent, nous sommes disposés à coopérer étroitement avec le gouvernement en vue d'élaborer des dispositions législatives utiles qui continuent de protéger le public et qui créent un milieu permettant aux exploitants, publics ou privés, de postes frontaliers d'investir dans des passages sûrs et efficaces, et les y incitant, dans l'intérêt du Canada et des États-Unis. Nous ne sommes pas une entreprise à ses débuts, mais bien un exploitant légitime ayant fait de son mieux, dans l'intérêt du Canada et de nos voisins américains depuis plus de 75 ans.
Malheureusement, nous avons demandé plusieurs fois au ministre de le rencontrer, mais il a refusé. Puis-je demander respectueusement à ce comité de demander une rencontre avec le ministre? Honnêtement, j'aurais eu espoir que bon nombre des problèmes dont nous traitons aujourd'hui aient pu être réglés de manière expéditive s'il y avait eu des échanges de haut niveau.
M. Brian Hicks, directeur des Politiques et Programmes des ponts du ministère des Transports, a dit qu'il existe, aux États-Unis, un processus d'autorisation présidentielle et que les autorités fédérales interviennent lorsqu'il est question de construire un pont ou d'apporter des changements majeurs à un pont.
Dans ce processus d'autorisation présidentielle, il est clairement précisé que la loi adoptée en conséquence ne doit pas être interprétée comme une mesure limitant les droits précédemment accordés par le Congrès aux exploitants de ponts, les autorisant à réparer, à remplacer ou à élargir les ponts existants.
La diapositive suivante montre une lettre que nous, les exploitants du pont Ambassador, avons reçue du département d'État après avoir demandé de nous informer s'il nous fallait obtenir une autorisation présidentielle. Cette précision dont je viens de faire état est surlignée dans cette lettre que le département d'État nous a adressée. Il y est dit en toutes lettres qu'une loi d'autorisation présidentielle ne doit pas être interprétée comme une mesure limitant les droits précédemment accordés par le Congrès aux exploitants de ponts, les autorisant à réparer, à remplacer ou à élargir les ponts existants.
Ce n'est pas ce que les représentants de Transports Canada ont dit aux membres de ce comité. Ils ont dit au comité, et à nous aussi, que le projet de loi visait l'harmonisation avec la loi américaine. Ce n'est pas le cas.
À notre avis, ce que le Canada propose dans ce projet de loi est incompatible avec la loi américaine. Cela devrait vous inquiéter parce que Transports Canada a dit qu'il avait notamment pour objectif d'harmoniser le processus au Canada avec celui aux États-Unis.
Selon l'étude dans le cadre du projet DRIC, la construction d'un pont parallèle au pont Ambassador était la solution la plus efficace et la moins coûteuse du côté américain. Les administrateurs du pont Ambassador possèdent déjà les terrains nécessaires à la construction du deuxième pont, ce qui permet d'éviter l'expropriation coûteuse d'un autre quartier.
La construction d'un pont parallèle à cet endroit est prévue depuis plus d'une décennie dans le cadre du projet de poste frontalier du pont Ambassador (Ambassador Bridge Gateway Project). Comme le pont Ambassador est un passage qui existe déjà, l'autorisation est déjà accordée par le Département d'État américain, tandis que pour construire l'autre passage proposé dans le cadre du projet DRIC, il faudrait obtenir une autre autorisation présidentielle.
Dans le cadre de notre projet, nous avons déjà dépensé environ un demi-milliard de dollars pour des travaux d'amélioration. Nous avons dépensé nos propres fonds, et non pas ceux d'autorités publiques quelles qu'elles soient, pour des services de génie et de conception et pour l'acquisition des terrains requis dans le cadre de notre projet de construction. Nous prévoyons dépenser encore au moins un demi-milliard de dollars pour construire le pont parallèle. Si ces dépenses ne sont pas suffisantes pour faire la preuve de notre engagement envers la région et à l'égard du mouvement efficace des personnes et des marchandises, alors rien ne le sera.
Les travaux prévus comprennent la construction d'un pont suspendu à haubans de six voies dans le même corridor que l'actuel pont Ambassador. Dans le cadre du projet de poste frontalier approuvé et en cours, le pont reliera les installations actuelles au Canada et aux États-Unis sans modifier leur configuration approuvée actuelle. Une fois la nouvelle structure construite, l'actuel pont Ambassador sera fermé pour un certain temps pour la réalisation des travaux de réparation jugés nécessaires. Lorsque ces travaux seront terminés, le pont actuel servira de pont auxiliaire pouvant être utilisé au besoin afin d'assurer la circulation fluide en tout temps entre Windsor et Detroit. Plus précisément, notre projet n'entraînera pas la destruction des collectivités de Sandwich en Ontario ou de Delray au Michigan ou des deux, comme le ferait le projet DRIC.
En outre, notre projet est comparable à la construction d'un pont parallèle à celui de Blue Water à Sarnia. Nous invitons tous les membres du Sénat à venir faire une visite du pont Ambassador, individuellement ou en groupe. Nous serons heureux d'organiser une telle visite de toutes les installations pour que les sénateurs puissent constater par eux- mêmes qu'il s'agit d'une seule et même infrastructure internationale et non pas de deux moitiés exploitées indépendamment.
En conclusion, nous demandons respectueusement les modifications suivantes, à savoir que l'article 2 du projet de loi C-3 soit modifié en ajoutant à la définition de pont ou tunnel international le mot « public ». Comme vous pouvez le voir en rouge à l'écran, nous proposons d'ajouter l'adjectif « public » après le mot « pont » à l'article 2. Nous demandons également que l'annexe au projet de loi C-3 dont il est question à l'article 4 soit définie et que cette annexe soit modifiée par la suppression de l'élément 34, Loi constituant en corporation la Canadian Transit Company, S.C., 1921, ch. 557.
Nous demandons que l'article 57 du projet de loi C-3 soit modifié à la ligne 20 par ce qui suit : — c'est-à-dire par les termes exacts qui sont utilisés dans le cadre de l'autorisation présidentielle aux États-Unis — « [...] organisme fédéral canadien, et que la loi d'autorisation ne doit pas être interprétée comme une mesure limitant les droits précédemment accordés par le Congrès aux exploitants de ponts, les autorisant à réparer, à remplacer ou à élargir les ponts existants. »
Nous reconnaissons qu'il faut obtenir des autorisations pour terminer ce projet et que le processus a été entrepris, par l'étude des répercussions sur l'environnement.
Nous reconnaissons que nous ne sommes pas des rédacteurs de lois, mais nous espérons que vous avez le concours de tels rédacteurs qui vous aideront à examiner et à réviser de manière appropriée les modifications qui seront requises aux fins que nous proposons.
Comme nous représentons l'un des deux ponts internationaux administrés par des exploitants privés, il nous faut surmonter des difficultés qui sont semblables à celles qu'éprouvent aussi les 22 autres ponts internationaux publics, mais qui sont souvent très différentes aussi. À notre avis, tel qu'il est actuellement formulé, le projet de loi C-3 ne tient pas compte de ces différences.
En définitive, ce que je veux dire c'est que les administrateurs du pont Ambassador souhaitent coopérer avec le gouvernement et les autres parties pour le bienfait des citoyens et de l'économie. Ne permettez pas que le projet de loi C-3 mette fin à la législation concordante des États-Unis et du Canada qui a donné lieu au poste frontalier le plus efficace de l'Amérique du Nord.
Nous serons heureux de répondre aux questions, et M. Moroun souhaite peut-être formuler des remarques.
Matthew Moroun, vice-président, Centra Inc. : J'aimerais faire quelques remarques seulement. Je n'étais pas présent, mais j'ai lu la transcription du témoignage de M. Garlock représentant l'association des administrateurs. Je crois qu'il importe beaucoup d'insister sur ses réponses exactes à bon nombre de vos questions. Il est le président de l'Association des administrateurs de ponts et tunnels, mais tous les ponts représentés sauf un sont administrés par des autorités publiques.
Le projet de loi C-3 a été conçu de toutes pièces par le ministère des Transports en vue de réglementer le secteur et d'accroître le fardeau de ce dernier et de donner plus de pouvoir au ministre des Transports. Je sais que je simplifie à outrance, mais si vous êtes le responsable gouvernemental des transports et si 99 p. 100 des ponts et tunnels appartiennent à des autorités publiques, il suffit de leur dire ce qu'il leur est demandé de faire. Il n'est pas nécessaire d'adopter une loi pour dire quoi faire à ceux qui relèvent de vous.
La raison pour laquelle j'insiste ainsi est qu'il paraît très clair que le projet de loi C-3 a pour unique objet l'adoption d'une loi visant le pont Ambassador. Il n'est pas nécessaire d'adopter une loi pour dire à des subalternes quoi faire. Cela étant dit, pourquoi, après 78 ans d'exploitation rentable de l'unique poste frontalier privé entre le Canada et les États-Unis, est-il nécessaire d'adopter une loi qui réglementera excessivement le pont Ambassador?
Permettez-moi de vous exposer l'une des plus grandes inquiétudes de notre entreprise. À l'heure actuelle, notre entreprise s'emploie entièrement à dépenser ses fonds pour construire un pont parallèle au pont existant. Nous voulons le construire parce que nous croyons au brillant avenir de notre entreprise. Depuis nombre d'années, nous avons apporté des améliorations sans construire un pont parallèle. Nous avons ajouté des acres à la superficie pavée de l'esplanade et de l'aire d'inspection afin d'accroître le nombre de postes d'inspection aux États-Unis. Au début, il n'y avait que cinq postes d'inspection dont la superficie ne représentait que quelque six acres. Combien en comptons-nous maintenant, monsieur Stamper?
M. Stamper : Il y a 25 postes d'inspection et la superficie est de 25 acres aux États-Unis.
M. Moroun : Nous avons réellement accru la capacité de cette zone car, là encore, ce n'est pas tant le nombre de voies qui mènent au poste frontalier qui a une incidence sur la capacité de traitement que la quantité de postes d'inspection aux douanes américaines qui s'occupent des véhicules de l'autre côté. S'il n'y a pas suffisamment de ces postes, le pont n'est plus qu'un terrain de stationnement suspendu très haut au-dessus de la rivière. C'est un peu comme aller à l'épicerie quand il y a foule et qu'une seule caisse est ouverte. L'établissement a beau être grand, il vous faut passer par la caisse pour pouvoir en sortir.
Nous avons amélioré la capacité du pont en accroissant la superficie de l'esplanade et en ajoutant des postes d'inspection. Nous avons construit de nouvelles installations douanières pour l'Agence des services frontaliers du Canada à Windsor, du côté canadien. À combien se sont élevées nos dépenses pour cet immeuble de bureaux?
M. Stamper : Nous avons dépensé environ 35 millions de dollars pour le compte du gouvernement du Canada.
M. Moroun : Nos travaux se sont étendus de 1992 à 1994. Nous sommes une entreprise américaine, et lorsque les gouvernements du Canada et des États-Unis ont donné leur aval au projet de construction du pont, les lois de chaque pays étaient très semblables. Le Congrès américain a autorisé la construction de la moitié américaine du pont et le Parlement, la moitié canadienne. Dans la législation des deux côtés de la frontière, la loi qui date des années 1920 et que Transports Canada veut supprimer stipule que ces deux entreprises — l'entreprise des États-Unis et l'entreprise du Canada — doivent travailler ensemble à la construction du pont.
Lorsque notre entreprise a fait l'acquisition du pont vers la fin des années 1970, le Canada appliquait la Loi sur l'examen de l'investissement étranger. À l'époque, nous nous sommes retrouvés devant les tribunaux pour que soit déterminé si une entreprise américaine peut posséder la moitié canadienne du pont Ambassador. Nous avons comparu en justice à la fois aux États-Unis et au Canada. L'expérience n'a été bonne ni d'un côté, ni de l'autre. Nous nous sommes réunis et avons négocié un règlement avantageux pour les deux parties en 1991, mettant fin au conflit datant de 1979. Nous avons été incapables de trouver une solution pendant près de dix ans, puis nous avons commencé à aller de l'avant. C'est alors que nous avons dépensé 35 millions de dollars pour la construction de nouvelles installations d'inspection pour l'Agence des services frontaliers du Canada. Nous avons ensuite mis en place de nouvelles installations d'inspection commerciale hors site. Cela représente combien d'acres selon vous, monsieur McMahon?
Skip McMahon, directeur général des affaires extérieures, Canadian Transit Company : Entre 20 et 25 acres, au moins.
M. Moroun : Vingt-cinq acres recouvertes de 12 pouces de béton et nous avons plus de camions que nous ne pouvons en dénombrer. Nous avons déployé les efforts nécessaires pour développer notre entreprise et avons collaboré avec le gouvernement du Canada, particulièrement l'Agence des services frontaliers du Canada.
Nous ne pouvons même pas espérer ne plus traiter avec le gouvernement. Contrairement à de nombreuses autres entreprises, la nôtre compte des centaines de fonctionnaires et d'inspecteurs gouvernementaux qui travaillent dans nos locaux tous les jours. Nous devons collaborer avec le gouvernement et j'estime que les efforts que nous y mettons font que c'est une collaboration réussie. Nous avons continué de prendre de l'expansion et avons grandement atténué le problème des embouteillages. Et maintenant, malgré le resserrement des mesures d'inspection après le 11 septembre, les mouvements commerciaux entre le Canada et les États-Unis se font sans encombre.
À la suite des attentats du 11 septembre, nous avons construit des postes additionnels aux États-Unis pour réduire les congestions causées au Canada par les camions quittant le Canada pour entrer aux États-Unis. Vous devez comprendre qu'après cette date, pour en revenir à l'analogie de l'épicerie, le temps requis pour passer à la caisse et sortir de l'établissement n'était plus d'une minute, aux États-Unis, mais de cinq, de sorte que notre infrastructure n'était plus à la hauteur. Nous avons dû la développer davantage et ce faisant, notre entreprise a pris de l'expansion. Notre passage frontalier affiche la plus forte affluence; c'était le cas quand nous avons fait l'acquisition du pont, mais nous avons contribué à son développement.
Ce qui nous inquiète du projet de loi C-3 — parce qu'il ne peut inquiéter personne d'autre que nous, les ponts publics étant déjà sous le contrôle de Transports Canada — c'est qu'il confère au ministre des Transports le pouvoir de limiter la progression de notre entreprise, de restreindre notre croissance et de nous empêcher de construire un nouveau pont, en somme, de compromettre notre avenir. Le ministre a aussi le pouvoir d'autoriser la construction d'un nouvel ouvrage de l'autre côté de la rivière, à moins de un mile du pont Ambassador, qui serait sous le contrôle de Transports Canada, notre nouveau compétiteur — heureux de faire votre connaissance. Il peut autoriser l'aménagement de zones de triage ou imposer par décret, avec l'adoption du nouveau projet de loi, le détournement de tous les véhicules commerciaux de notre pont vers le nouveau pont. Après tout, il serait maintenant habilité à prendre de telles mesures en vertu du projet de loi C-3. Il aurait la capacité de freiner notre croissance, de ruiner notre avenir et de construire un pont voisin pour nous faire concurrence parce qu'il est à la fois juge et partie.
Transports Canada vous dira que là n'était pas son intention, mais on n'a qu'à regarder quelques films pour savoir que lorsqu'une personne pointe une arme vers vous, il est très probable qu'elle fasse feu en votre direction, donc préparez-vous. C'est la situation dans laquelle nous avons l'impression d'être aujourd'hui.
Pour revenir sur un dernier argument de M. Stamper, les fonctionnaires de Transports Canada ont dit à maintes reprises que nous avons besoin de cette loi au même titre que les États-Unis avaient besoin d'une nouvelle loi dans les années 1990 ou 1980 en vue de délivrer des permis présidentiels pour les ponts. Nous aurions besoin d'une loi à l'instar des États-Unis. Ce n'est absolument pas la vérité, car ils proposent de remplacer l'ancienne loi régissant les ponts par une toute nouvelle loi qu'on appelle le projet de loi C-3. Les Américains n'ont rien fait de tel. La loi américaine dit le contraire. Cette loi ne remet pas en question les anciennes dispositions juridiques et elle respecte le droit des ponts et tunnels existants de se développer, de prendre de l'expansion et de transformer leurs activités. Par ailleurs, tout nouvel arrivant doit présenter une demande de permis présidentiel. Les Américains sont à l'opposé de nous. Ils disent qu'ils veulent préserver le système actuel.
M. Stamper vous demande de les prendre au pied de la lettre. S'ils veulent la même chose, donnons-leur la même chose. Respectons les lois qui régissent nos activités depuis toutes ces années, et exemptons les ponts existants des exigences qui frappent les nouveaux ponts et les nouvelles entreprises qui verront le jour le long de la frontière. Laissons intactes les lois régissant nos activités depuis 78 ans.
C'est avec plaisir que je réponds à vos questions du mieux que je le peux.
La présidente : La Chambre des communes a adopté des modifications à l'article 15 pour veiller à un certain niveau de consultation, et vous avez mentionné des consultations de la part du gouvernement, monsieur Stamper, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de réglementation. Les modifications sont le résultat d'un compromis, mais croyez- vous que les paragraphes 15(1) et 15(2) constituent une réponse adéquate pour les parties prenantes qui souhaitent que les consultations soient approfondies?
M. Stamper : Pour nous, l'article 15 était une question que la Bridge Tunnel Operators Association avait soulevée devant la Chambre, et nous n'y avons pas consacré beaucoup de temps. Nous avions décidé de laisser la BTOA se pencher sur la question des droits, étant donné que cela avait une incidence sur la capacité d'émettre des obligations et de grever des hypothèques fondées sur sa structure de droits. Nous pensons que l'ensemble du projet de loi constitue une mesure de gestion à outrance des affaires des exploitants des passages frontaliers. Toutes les sections du projet de loi donnent au ministre et à ses bureaucrates le pouvoir de s'ingérer dans les détails de la gestion des activités frontalières.
La présidente : Je peux comprendre que le changement concernant la propriété est un des aspects du projet de loi C-3 qui vous inquiète, mais une question demeure : le gouvernement devrait-il ou non avoir le droit de surveiller les activités des exploitants privés de ponts et de tunnels dans l'intérêt général du pays?
Lorsque votre entreprise s'est lancée dans ce secteur d'activités, vous étiez certainement au courant qu'il s'agissait d'un domaine d'activité largement exploité par le secteur public. Le pont Ambassador est l'une des deux seules exceptions à la règle de propriété publique des ponts.
Êtes-vous réellement étonné que le gouvernement fédéral, par la voie du projet de loi C-3, réaffirme voire renforce le pouvoir qu'il exerce sur la gestion des ponts et des tunnels internationaux?
M. Stamper : Non. Nous sommes d'accord pour dire que les ponts, tunnels et chemins de fer internationaux sont d'intérêt canadien et qu'ils devraient être régis par le gouvernement fédéral, et non par les provinces ou par les municipalités. Lors de la présentation qu'a faite le maire la semaine dernière, nous avons tous constaté qu'il n'est pas du tout profitable pour le Canada d'avoir des municipalités qui ont un droit de veto sur ce genre de questions.
Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait être l'autorité en la matière. En outre, nous sommes conscients qu'historiquement, les États-Unis et le Canada ont fait des propositions de lois dominantes et établi les règles d'exploitation des ponts internationaux.
En ce qui concerne la propriété, la plupart des passages frontaliers ont été construits avec l'argent d'investisseurs privés. Ils ont fait faillite et le gouvernement les a pris en charge, y compris leurs dettes. Le pont Ambassador a été construit exclusivement avec des fonds privés et a fait faillite en 1937-1938. Le gouvernement a refusé de prendre le relais et d'investir de l'argent dans la réorganisation de ce pont. Les propriétaires ont dû le réorganiser eux-mêmes pour le sauver de la faillite. Heureusement, le pont se porte bien depuis ce temps.
La plupart des passages frontaliers ont été construits par des investisseurs privés qui ont perdu l'argent qu'ils avaient injecté. Par chance, nous avons réussi à tirer notre épingle du jeu. Sommes-nous étonnés que le projet de loi C-3 réaffirme le pouvoir qu'exerce le gouvernement fédéral sur les passages frontaliers? Pas du tout. Nous sommes d'accord. Sommes-nous étonnés que le gouvernement tente de s'ingérer dans les détails de la gestion d'une industrie qui a donné de bons résultats pour le Canada? Oui.
La présidente : Au sujet de l'article 14 concernant les règlements sur l'entretien et la réparation, vous semblez préoccupé par la question de la protection des renseignements confidentiels qui pourraient être fournis à Transports Canada. Vous dites que le projet de loi que remplace le projet de loi C-3, l'ancien projet de loi C-44, aurait fait partie de l'actuelle Loi sur les transports au Canada, qui assure la confidentialité des renseignements fournis au gouvernement.
Les fonctionnaires de Transports Canada nous ont dit qu'ils vous avaient rencontré à plusieurs reprises pour discuter du projet de loi C-3. Je suis conscient du fait que vous avez rencontré des hauts fonctionnaires, et non le ministre. Qu'ont-ils dit quand vous leur avez fait part de vos inquiétudes concernant la protection des renseignements confidentiels que vous pourriez avoir à fournir?
M. Stamper : Selon mon interprétation personnelle de ces discussions, il y a eu un oubli quelque part. Notre inquiétude au sujet de la confidentialité, et je crois que toute l'industrie a cette inquiétude, est liée aux plans de sûreté et aux propositions relatives à la sûreté. Si nous avons l'obligation de fournir ces plans et propositions à Transports Canada, alors la confidentialité de ces documents devrait être préservée. Je crois que Transports Canada a fait une erreur en omettant la notion de confidentialité dans le projet de loi C-3, alors qu'elle figurait dans les projets de loi C-26 et C-44.
Le sénateur Eyton : Votre présentation était sincère, cela ne fait aucun doute. Manifestement, vos inquiétudes sont légitimes et nous sommes ici pour tenter de les comprendre et d'en tenir compte. Certaines de vos affirmations m'ont fait tiquer. Vous avez parlé de ce que je décrirais comme une sorte de complot entre bureaucrates poursuivant un certain dessein. Pouvez-vous me donner des exemples de cela, outre le projet de loi auquel vous vous opposez?
M. Stamper : La semaine dernière, un appel d'offres a été présenté au nom de l'Ontario et du Canada concernant la gare de triage — l'étude sur le passage frontalier international de la rivière Detroit. Les personnes responsables de l'étude et du processus environnemental en vue de la construction d'un nouveau pont entre Detroit et Windsor sont exactement les mêmes que celles qui doivent examiner les demandes que nous présentons dans le cadre de nos projets. En ce qui concerne le document d'orientation, on nous avait promis une réponse pour le mois de mai. Or, nous l'avons reçue il y a environ une semaine et demie. Si le comité le souhaite, c'est avec plaisir que nous préparerons un document d'une page indiquant tous les problèmes rencontrés au cours des quatre dernières années en lien avec ce que vous appelez une « complot » et de ce que nous appelons un « plan bureaucratique ».
M. Moroun : Peut-être que les termes « conflit évident et sérieux » sont plus appropriés que « complot ». Nous ne disons pas qu'il y a un complot, mais plutôt un gros conflit. Il est difficile de jouer quand l'autre équipe contrôle les arbitres, lorsque, clairement, on tente de nous battre, de freiner notre élan. Nous prenons toutes les pénalités.
Le sénateur Eyton : Vous avez tendance à ne voir que le côté canadien de l'affaire et à penser qu'il y a un propriétaire unique, qu'un seul ordre de gouvernement possède tous les ponts. Dans les faits, il y a une multitude de propriétaires, et les gouvernements fédéral, d'État, provinciaux et municipaux ont une participation. Ce que vous dites est inexact, car ils ne sont pas juges et jurés. Différents organismes distincts participent au processus. Le projet de loi a pour but d'accroître la cohérence et de définir un cadre de travail pour la gestion des passages frontaliers de diverses natures.
Le pont Ambassador est, on le sait, le plus gros pont et le meilleur pont, et il est essentiel pour le Canada. Si je ne me trompe pas, 25 p. 100 des biens échangés entre le Canada et les États-Unis transitent par ce pont.
Cette information à elle seule permet de dire à un avocat fourbu comme moi qu'on ne peut remettre en question le droit constitutionnel du gouvernement du Canada d'intervenir au chapitre des ponts et tunnels internationaux. De fait, je me demande bien pourquoi le gouvernement fédéral a attendu si longtemps. Il y avait déjà eu des tentatives pour présenter un tel projet de loi, sous diverses formes, mais j'ignore pourquoi cela a pris autant de temps à en arriver jusqu'ici.
Le projet de loi porte sur les questions de la sûreté, de l'efficacité, de la concurrence, de la sécurité et de la propriété, qui me semblent toutes être des préoccupations légitimes de la part du gouvernement fédéral.
D'autre part, je peux comprendre, et je crois que nous devons le reconnaître ici, que le pont Ambassador a bien fonctionné dans le cadre de certains accords. Personnellement, j'appuie les objectifs poursuivis par le projet de loi et j'appuie en général les dispositions qui concernent les facteurs que je viens tout juste de mentionner. J'aimerais toutefois que vous fassiez des suggestions quant à la façon dont on pourrait aller de l'avant avec le projet de loi. Selon certaines de vos suggestions, le pont Ambassador devrait être exclu du champ d'application de la loi. Vous avez fait du bon travail; vous aviez l'ancienne loi, donc on peut vous laisser tranquille. Seulement, je ne crois pas que cela soit envisageable.
La question est la suivante : comment pouvons-nous revoir le projet de loi pour tenir compte de vos préoccupations de façon juste et appropriée? En particulier, que pouvons-nous faire pour que vous ne soyez pas pénalisés, compte tenu des sommes importantes que vous avez investies pour améliorer le pont et du fait qu'en cours de route, un nouveau processus est proposé conformément au projet de loi?
J'aimerais que vous suggériez une modification de minimis du projet de loi, une modification qui serait juste et convenable pour le pont Ambassador mais qui préserverait le droit du gouvernement fédéral de gérer les infrastructures existantes. Je ne crois pas qu'une exemption ou une exclusion soit possible.
M. Stamper : Nous nous pencherons avec plaisir sur les dispositions du projet de loi.
Nous avons participé à des séances de la Chambre et du Sénat pour témoigner de notre soutien aux dispositions relatives à la santé et à la sûreté dans le projet de loi. Nous essayons, en gros, de proposer des modifications mineures pour atteindre nos buts.
Si vous souhaitez que nous jetions un coup d'œil à l'ensemble du projet de loi et que nous proposions des modifications aux articles qui, selon nous, nous concernent, nous serions heureux de le faire et de travailler avec Transports Canada.
Nous ne voyions aucun inconvénient aux questions relatives à la santé et à la sûreté abordées dans le projet de loi C- 26. Vous n'avez reçu aucun commentaire de notre part à ce sujet. Le projet de loi C-44 était axé sur la santé et la sûreté. Le projet de loi C-3 va bien plus loin pour ce qui est des questions qui nous concernent. Ce projet de loi n'est pas le même que celui qui avait été présenté avant l'entrée en fonctions du gouvernement actuel.
Si vous nous demandez de nous pencher sur le projet de loi et de dire que nous y participerons — nous ne voyons aucun inconvénient aux questions liées à la sûreté — nous serons heureux de le faire et de recommander des modifications à cet effet.
La modification de l'article 57 pour harmoniser les processus américain et canadien est très importante pour nous. C'est la seule façon de nous assurer que nous bénéficierons du même traitement aux États-Unis et au Canada. Depuis le début des années 1920, les lois canadiennes et américaines et leurs modifications reconnaissent que les lois des deux pays s'imbriquent pour désigner un seul passage international. On ne parle pas d'un demi-pont, mais d'un passage international entier. Nous ne voulons pas que cela soit anéanti, modifié ou retiré de façon unilatérale.
Le sénateur Eyton : Est-ce que vos inquiétudes seraient apaisées si vous aviez l'assurance que des consultations ouvertes avaient eu lieu en temps opportun en ce qui a trait aux facteurs qui entrent en jeu, et qu'un processus de décision juste, opportun et efficace était entamé par la suite? Serait-ce une façon de faire qui répondrait à vos besoins?
M. Stamper : Faites-vous référence au processus de réglementation ou à la loi elle-même?
Senator Eyton : Je fais référence au processus de décision administrative conformément au projet de loi proposé.
M. Stamper : Nous désapprouvons le caractère rétroactif de l'article 57 du projet de loi dans sa forme proposée. Cette ligne a été rédigée pour tenir compte de nos propositions qui sont actuellement examinée par le gouvernement. Nous sommes en total désaccord avec l'article 57 tel qu'il est en ce moment et avec l'éventualité qu'il ne soit pas modifié pour aller dans le sens de la loi américaine. Nous ne voyons pas d'inconvénient aux autres éléments du projet de loi qui nous concernent.
Nous sommes bien conscients des commentaires qu'a faits Transports Canada concernant la propriété et le risque qu'Al-Qaida prenne possession du pont. Nous sommes conscients de ce risque. Nous n'avons aucun problème avec ça.
Le texte du projet de loi est vague et laisse de la marge de manœuvre au ministre à un point tel que, comme l'a mentionné M. Moroun, c'est un fusil chargé qui pourrait être tourné contre nous.
M. Moroun : Je souhaite le dire encore une fois, nous n'alléguons pas qu'il y a complot. Le ministre des Transports est très favorable à la construction d'un pont par le gouvernement ou dans le cadre d'un PPP à moins d'un mile du nôtre, et au sein du ministère, ses collaborateurs travaillent avec ardeur au projet de conception et de construction de ce pont.
Parallèlement, nous avons présenté une demande d'approbation au point de vue de l'environnement au ministre des Transports et à son ministère en vue de la construction d'une nouvelle travée pour notre pont existant. Cette situation de conflit me réveille le matin.
Sur ce plan, s'il était possible de modifier le processus dont vous parlez pour neutraliser tout conflit d'intérêt possible, nous pourrions être d'accord, en principe.
Le sénateur Eyton : C'est le genre de réponse que je souhaitais obtenir. Merci.
Le sénateur Mercer : Je suis un peu tiraillé, parce que le projet de loi a été présenté par un gouvernement conservateur, qui favorise l'entreprise privée. Je suis un libéral de gauche, et je me retrouve dans une position où je dois défendre l'entreprise privée, et c'est bien ainsi. Je trouve cette juxtaposition intéressante.
Je suis confus. Le processus est beaucoup plus complexe et soulève beaucoup plus d'acrimonie que ce qu'il y paraissait lorsque j'ai lu le projet de loi en premier lieu. On parle de construire une nouvelle travée à moins d'un mile.
M. Moroun : C'est exact.
Le sénateur Mercer : Je suis allé au pied de votre pont à Windsor, près de l'Université de Windsor, où je devais faire une allocution. J'ai vu les environs. Le fait que les passages frontaliers ne sont pas reliés aux autoroutes du côté de l'Ontario est un des grands problèmes à Windsor. Je sais que des discussions ont eu lieu entre la province de l'Ontario et le gouvernement du Canada en vue de remédier à cette situation.
Est-ce que ce pont sera près du centre-ville ou plus loin?
M. Stamper : Le nouveau pont sera situé plus à l'ouest.
Le sénateur Mercer : En s'éloignant du centre-ville?
M. Stamper : C'est exact.
Le sénateur Mercer : Où se situe la jonction entre l'autoroute 401 et un passage frontalier au-dessus de la rivière Detroit?
M. Stamper : Selon le projet de pont proposé par le gouvernement, l'autoroute 401 sera prolongée jusqu'au nouveau pont, pas jusqu'à notre pont. Cela s'inscrit dans une tentative constante de réduire la circulation sur le pont Ambassador. Comme je l'ai dit plus tôt, il me ferait plaisir de remettre un document d'une page à ce sujet au comité. Ce ne sont pas des paroles en l'air. Ce genre de situation dure depuis longtemps.
Le sénateur Mercer : Cela dit, selon ce que j'ai lu, vous êtes bien avancés dans votre projet de construction d'un pont de remplacement pour le pont Ambassador sur votre propriété, que vous avez achetée avec votre argent, sans obtenir un sou du gouvernement du Canada, du gouvernement des États-Unis, de l'État du Michigan ou de la province de l'Ontario; est-ce exact?
M. Stamper : C'est exact.
Le sénateur Mercer : Lorsque ce pont sera construit, disons que je suis un touriste et que je regarde le pont, il sera situé à l'ouest du pont existant.
M. Stamper : C'est exact.
Le sénateur Mercer : Il sera situé plus près de la jonction entre l'autoroute 401 et le passage de la rivière Detroit.
M. Stamper : C'est exact.
Le sénateur Mercer : Je suis perplexe au sujet de la garantie américaine figurant dans les documents que vous avez présentés. Nous avons ici une lettre du Bureau of Western Hemisphere Affairs, du département d'État des États-Unis. J'adore les noms que dénichent les Américains. Je suppose qu'il est mieux connu sous le nom de bureau canadien.
La partie dont j'aimerais parler est celle que vous avez pris soin de souligner pour nous, et je cite :
Précisément, le rapport de la Chambre prévoit que l'International Bridge Act « ne devrait pas être interprété d'une façon qui portera préjudice aux exploitants des ponts qui ont déjà été autorisés par le Congrès à réparer, remplacer ou élargir des ponts existants ».
Si le but est d'adopter une loi complémentaire aux garanties américaines, ce que souhaite Transports Canada selon ses dires, alors ça ne fonctionne pas selon moi. Cela ne me semble pas complémentaire. Ai-je raison?
M. Stamper : Vous demandez si le projet de loi C-3 est, dans sa forme actuelle, complémentaire aux dispositions américaines?
Le sénateur Mercer : Oui.
M. Stamper : Pas du tout. Il va à l'encontre des dispositions américaines.
Le sénateur Mercer : Lorsque le ministre Cannon a gentiment accepté de venir témoigner, une des questions que je lui ai posées, et une des questions que lui a posées le sénateur Phalen, je crois, concernait la rencontre prévue avec les propriétaires du pont Ambassador, c'est à dire vous. Il avait alors dit qu'il rencontrerait les représentants du pont Ambassador à tout moment, lorsque le temps le permettrait, mais il ne l'a toujours pas fait, n'est-ce pas?
M. Stamper : Nous avons envoyé deux lettres au ministre depuis cette séance et nous n'avons pas reçu de réponse, si ce n'est qu'un de nos experts-conseils a parlé à un fonctionnaire de Transports Canada selon qui aucune rencontre n'était prévue avant la complétion de l'étude sur le PIRD; il ne souhaite pas nous rencontrer avant la fin du processus concernant l'autre pont.
Le sénateur Mercer : Peut-être n'êtes-vous pas au courant, mais vous en savez plus que moi sur la construction de ponts; quel serait le coût du nouveau pont, approximativement?
M. Stamper : Selon les données de l'étude elle-même, il en coûterait 1,3 milliard de dollars pour la portion canadienne, et 1,1 ou 1,2 milliard de dollars pour la portion américaine.
Le sénateur Mercer : Est-ce en dollars canadiens ou américains?
M. Stamper : Les chiffres sont donnés en dollars de chaque pays respectivement.
Le sénateur Mercer : Est-ce qu'on parle d'environ 2,5 milliards de dollars qui seront fournis par le gouvernement du Canada et celui des États-Unis?
M. Stamper : Selon les articles de journaux les plus récents qui citent le ministre Cannon, je crois qu'on envisage une forme de PPP, dans le cadre duquel le gouvernement investit et une entreprise privée investit.
Le sénateur Mercer : Et du côté du gouvernement des États-Unis?
M. Stamper : Le gouvernement des États-Unis n'a fait aucun commentaire quant à la question de savoir s'il investira ou non.
Le sénateur Mercer : Qu'en est-il de l'État du Michigan?
M. Stamper : Après avoir tenu des séances comme celle d'aujourd'hui, l'État du Michigan a adopté une loi stipulant qu'aucune somme additionnelle ne sera accordée dans le cadre de l'étude sur le PIRD.
Le sénateur Mercer : Si nous devons avoir pont dans le cadre d'un PPP — je ne suis pas entièrement opposé au concept de PPP, mais j'ai quelques réserves à ce sujet — d'où proviendrait le reste de l'argent? Il en coûterait 1,3 milliard de dollars pour la portion canadienne, et comme nous ne pouvons construire une seule moitié de pont au- dessus de la rivière, il en coûterait 1,2 milliard de dollars pour la portion américaine. Cela dit, étant donné que l'État du Michigan n'est pas d'accord et que le gouvernement américain n'a jamais vraiment investi dans les ponts, si je comprends bien, comment l'autre moitié du pont sera-t-elle construite?
M. Stamper : J'imagine qu'on espère que des intérêts privés se présenteront, qu'ils fourniront l'argent nécessaire et qu'ils paieront les obligations grâce aux droits. Si la construction d'un pont concurrent entraîne des coûts de 3 milliards de dollars, le remboursement d'une dette aussi élevée nécessitera une hausse considérable des droits aux passages frontaliers, étant donné que le succès de ce pont reposera sur l'appropriation d'une partie de nos activités, d'une partie des activités du tunnel de Detroit Tunnel et du pont Blue Water. Nous avons fait les calculs et fourni les résultats à l'État du Michigan, et c'est avec plaisir que je pourrais vous les fournir. Compte tenu des coûts de construction de ce pont, les droits devront au moins être du triple des droits requis pour rembourser les obligations prises sur un nouveau pont.
Le sénateur Mercer : Selon vous, à combien devraient s'élever les droits pour répondre aux critères?
M. Stamper : Ils devraient être trois fois plus élevés.
Le sénateur Mercer : À combien s'élèvent-ils en ce moment?
M. Stamper : Ils sont de 3 $US et de 4 $CAN pour les automobiles, et il faudra les tripler seulement pour faire les paiements sur les obligations.
Le sénateur Mercer : Ce montant serait exigé pour le nouveau pont. Quels sont les droits à votre pont?
M. Stamper : Ils sont de 3 $ et de 4 $. Si la circulation diminue de moitié, nous devrons les accroître en conséquence pour couvrir nos dépenses.
M. Moroun : Voilà où le projet de loi C-3 entre en jeu, parce que jusqu'ici, le ministre des Transports n'avait pas le pouvoir de fixer les droits exigés à l'ensemble des passages frontaliers. Pour eux, une des façons de maintenir l'espoir qu'un pont concurrent voit le jour à quelques pas de nous est de se donner le droit de dire que les droits seront de tant au pont Ambassador, de tant au nouveau pont et de tant aux autres ponts et passages frontaliers existants, parce que sans cette garantie, personne n'achètera les obligations. Ils ont besoins de garanties pour le nouveau pont.
Le sénateur Mercer : Ne devriez-vous pas émettre des obligations pour financer le nouveau pont Ambassador?
M. Moroun : Si, nous le devrons.
Le sénateur Mercer : Avez-vous déjà émis des obligations?
M. Moroun : Nous consultons des experts-conseils et nous pouvons financer notre projet avec les droits générés par la circulation actuelle.
Le sénateur Mercer : Je ne comprends toujours pas pourquoi ce projet de loi est proposé.
La présidente : De hauts gestionnaires assisteront à nouveau à une de nos réunions.
Le sénateur Tkachuk : Le maire de Windsor était ici la semaine dernière et nous avons vu des photos de bouchons de circulation qui s'étendent loin dans la ville. Cela semblait désastreux. Nous avons manifestement des problèmes de trafic, des bouchons de circulation. Est-ce qu'il s'agissait de vieilles photos?
M. Stamper : Ces photos ont été prises il y a longtemps, car il y avait de la neige et nous n'avons pas eu de neige à Windsor cette année. Ces photos ont été prises il y a au moins deux ans. Nous n'avons plus expérimenté ce genre de problème à Windsor depuis la mise en place, à la fin de 2004, de postes d'inspection additionnels pour les besoins des autorités douanières américaines. Le maire vous a fait le portrait de l'ancienne situation, et non de la situation actuelle à la frontière.
Le sénateur Tkachuk : Pour que les membres du comité comprennent bien le processus, pourriez-vous nous dire s'il y a quoi que ce soit dans la loi actuelle qui pourrait freiner le gouvernement dans la réalisation de son projet de construction d'un nouveau pont? Est-ce que le gouvernement pourrait construire un pont concurrent au vôtre?
M. Stamper : Non. Permettez-moi de dire ceci : nous sommes actuellement en situation de concurrence avec le gouvernement à Sarnia et à Detroit.
Le sénateur Tkachuk : Vous n'avez pas répondu à ma question. Si le gouvernement souhaite construire un nouveau pont un peu plus loin, rien dans la loi actuelle ne l'empêche de le faire.
M. Stamper : C'est exact.
Le sénateur Tkachuk : En quoi ce projet de loi changera la situation?
M. Stamper : M. Moroun pourrait répondre à cette question. La loi leur permettra de diriger la circulation.
Le sénateur Tkachuk : En vertu de la loi actuelle, le gouvernement ne peut agir sur la circulation.
M. Stamper : C'est exact. Nous ne pouvons être concurrentiels que si les règles du jeu sont équitables. Selon les dispositions du projet de loi C-3, Transports Canada pourra décider de la structure de fixation des droits, de la répartition de la circulation, de la circulation que chaque pont pourra supporter ou des ponts où la circulation sera restreinte. Le projet ouvre la voie à une ingérence et permet ainsi au gouvernement de nous livrer une concurrence inégale. Il donne au gouvernement le pouvoir juridique de diriger la circulation et de fixer les droits.
Le sénateur Tkachuk : Aucun texte de loi distinct ne permet actuellement qu'une telle situation se produise. En d'autres termes, actuellement, le gouvernement ne pourrait décider de construire un nouveau pont exclusivement destiné aux camions.
M. Stamper : Conformément à la loi actuelle, cela serait considéré comme une expropriation de nos activités. Le gouvernement tente d'adopter une loi qui lui donnerait le droit de faire en sorte qu'un pont géré par l'État survive en s'appropriant une partie de la circulation et des droits associés à des passages frontaliers existants. Voilà le sens du projet de loi C-3.
M. Moroun : En ce moment, sur quoi l'usager se fonde-t-il pour choisir le passage frontalier qu'il empruntera? La décision des usagers repose sur différents facteurs. Quel est le prix d'un passage? Quel est le droit exigé? Quelle est la distance à parcourir entre le point A et le point B si j'emprunte tel passage plutôt qu'un autre? Quel est le délai d'attente au passage? En d'autres termes, combien d'argent a-t-il été investi dans les esplanades et postes d'inspection et les autres installations des autorités douanières canadiennes et américaines pour accélérer mon passage? De quels autres types d'installations le passage frontalier est-il doté? Y a-t-il une halte routière, un endroit où on peut s'arrêter pour promener son chien, sortir le bébé de son siège, et prendre un café? Qu'est-ce qui est offert? Il s'agit d'autant de questions que se pose d'ordinaire un voyageur ou un transporteur commercial pour choisir le passage frontalier qu'il empruntera. C'est comme ça depuis toujours.
Le projet de loi C-3 donne au ministère du Transport le pouvoir d'influer sur un processus de décision normal. Supposons que le ministre des Transports décide qu'à la jonction des autoroutes 401 et 402, à London, Ontario, tous les camions doivent passer par la zone de triage gérée par Transports Canada. « Voyons voir ce connaissement. Oh, vous allez du côté nord de Detroit; prenez le pont Blue Water. Prenez l'autoroute 402 vers Sarnia. Oh, vous allez à Toledo, Ohio; prenez le nouveau pont, à moins d'un mile du pont Ambassador, parce que c'est plus près d'environ 300 pieds de Toledo. Vous conduisez une automobile, donc vous pouvez continuer à prendre le pont Ambassador; circulez. »
Le projet de loi donne ce genre de pouvoir. Je reconnais que le gouvernement n'utilisera peut-être pas ce pouvoir, mais encore une fois, quand une personne dégaine une arme, vous devez vous préparer à l'éventualité d'un coup de feu. Sinon, vous risquez de mourir. Voilà quelles sont nos inquiétudes au sujet du projet de loi C-3. Jusqu'ici, les usagers décidaient librement des passages frontaliers qu'ils empruntaient.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez parlé du processus de délivrance des permis, indiquant que le processus américain concernait les nouvelles activités. En d'autres termes, l'ancienne loi régit les passages frontaliers déjà exploités auparavant, et le processus de délivrance de permis s'applique aux nouvelles activités. Est-ce que la plupart des passages frontaliers américains sont des partenariats public-privé, sont-ils privés, ou sont-il publics pour la plupart?
M. Stamper : De nos jours, la plupart des passages frontaliers américains sont publics, comme c'est le cas au Canada, pour les mêmes motifs. Ces passages frontaliers ont fait faillite puis ont été repris par l'État, à l'exception du tunnel entre Detroit et Windsor.
M. Moroun : La portion américaine appartient à des intérêts privés.
M. Stamper : Les États-Unis, dans le cadre du processus de délivrance de permis, se sont dit ceci : « Nous délivrerons un permis pour le corridor. Nous voulons nous assurer que l'emplacement géographique du corridor convient aux États-Unis. Nous voulons nous assurer que le corridor répond à un besoin. Nous voulons nous assurer que le corridor ne nuira pas à un corridor existant. » Lorsqu'un permis présidentiel est délivré, cela signifie que les États-Unis se sont penchés sur la question et que le corridor est adéquat. C'est pourquoi dans le processus de délivrance de permis présidentiel, les droits que possède un corridor existant ne seront ni diminués ni retirés, parce que les États-Unis ont déjà autorisé la présence de ce corridor à cet endroit.
Avec le projet de loi C-3, le Canada cherche à dire qu'il veut microgérer non seulement le corridor, mais la frontière toute entière. Il veut pouvoir dicter l'itinéraire des camions voyageant de Toronto à Chicago. La distance à parcourir de Port Huron au pont Ambassador est pratiquement la même, ce qui fait que les gens prennent une décision en fonction des services offerts et de tous les autres facteurs que M. Moroun a mentionnés. Transports Canada tente de dire qu'il veut changer la façon de faire actuelle, gérer l'ensemble de la frontière et gérer le moindre détail à sa convenance. C'est fort bien lorsque le gouvernement est propriétaire des installations et qu'il peut les subventionner, mais personne n'a jamais subventionné le pont Ambassador. Les projets que nous avons réalisés ont toujours été financés par des fonds privés, qui nous ont aussi permis de sortir de la faillite. Nous vous demandons d'établir des conditions offrant des chances égales à tous et nous affronterons la concurrence du gouvernement. Ne permettez pas au gouvernement de dicter toutes les règles, incluant les nôtres, pour ensuite nous faire concurrence.
Le sénateur Tkachuk : Une frontière représente une situation différente. Le poste frontalier que vous gérez est un endroit où de nombreux échanges commerciaux se font, où une énorme quantité de camions transportant des marchandises vont et viennent d'un côté à l'autre de la frontière.
M. Stamper : Et de voitures, devrais-je ajouter.
Le sénateur Tkachuk : Ainsi qu'un nombre colossal de voitures. Il n'y a rien d'inhabituel à ce que les gouvernements contrôlent la circulation. Ce sont eux qui déterminent l'itinéraire des trains. Il y a des panneaux indicateurs le long des routes sur lesquels on peut lire : « Voie pour les camions » et les camionneurs doivent emprunter cette route. Je sais ce que c'est que de voyager en automobile et d'être entouré de tellement de camions que vous craignez souvent pour votre sécurité en raison de l'énorme taille de ces véhicules. Il n'y a peut-être pas lieu de s'inquiéter, mais de toute évidence, les gens n'aiment pas se trouver dans une mer de camions.
Bien entendu, les problèmes ne sont pas les mêmes pour les camions que pour les automobiles. Nous pouvons aller en voiture à Detroit pour voir une partie de baseball. Les camions se déplacent pour des raisons commerciales, donc quel mal y a-t-il à diriger les camions d'un côté et les automobiles de l'autre? Ce serait la meilleure solution, pour assurer une plus grande sécurité et faciliter la circulation du côté des automobilistes.
Pourquoi le gouvernement ne devrait-il pas prendre de telles décisions? Ils en prennent pour les autoroutes. Dans la ville de Saskatoon, il y a des voies réservées aux camions. Les camions doivent suivre un certain trajet, ils ne sont pas autorisés à passer par le centre-ville. Ils doivent prendre la voie de contournement pour se rendre à Edmonton. Qu'y a- t-il de mal à établir des mesures semblables pour le pont Ambassador?
M. Stamper : À l'heure actuelle, le gouvernement est autorisé à prendre de telles mesures dans certaines circonstances, en vertu de certains règlements. Il demande maintenant, aux termes du projet de loi C-3, des droits additionnels accordés à la discrétion du ministre, plutôt que de créer des voies ou des routes réservées aux camions, comme le prévoit la législation actuelle. Le projet de loi C-3 retire ce pouvoir du processus législatif et confère au ministre le pouvoir discrétionnaire d'agir comme bon lui semble.
Le sénateur Tkachuk : C'est parce qu'il s'agit d'une frontière.
M. Stamper : C'est parce que le projet de loi C-3 leur donne le droit de prendre de telles décisions.
Le sénateur Tkachuk : Un ministre provincial de la Voirie peut aussi faire de même. Il n'a pas besoin d'une loi pour cela.
M. Stamper : Il existe une loi qui détermine la façon de le faire.
Le sénateur Tkachuk : Ce projet de loi accorde au ministre des Transports les mêmes droits que ceux du ministre de la Voirie de l'Ontario, soit de déterminer les autoroutes qui seront empruntées par les camions et celles qui le seront par les automobiles. C'est un pouvoir ministériel légitime.
M. Moroun : Premièrement, notre entreprise est propriétaire de la route. À l'heure actuelle, les camions sont autorisés à franchir le pont Ambassador, et ce, depuis l'ouverture du pont. Comme notre entreprise possède la route, nous l'enlever équivaudrait à nous exproprier. Le gouvernement a le pouvoir d'agir de la sorte, mais devra nous indemniser pour la perte de notre entreprise.
Deuxièmement, du côté des États-Unis, trois grandes autoroutes — l'Interstate 94, l'Interstate 96 et l'Interstate 75 — convergent directement vers le pont Ambassador, et c'est par là que le département des Transports et la Federal Highway Administration veulent que les camions passent. En théorie, ils ont le pouvoir de prendre une telle décision, mais d'un point de vue pratique, c'est une décision dénuée de sens.
Le sénateur Tkachuk : Ni le gouvernement précédent ni le gouvernement actuel n'ont pris de décision à cet égard. Vous craignez qui si ce projet de loi est adopté, le gouvernement prendra des décisions qui seront foncièrement mauvaises pour votre entreprise.
M. Moroun : C'est tout à fait exact.
Le sénateur Tkachuk : Les gouvernements peuvent prendre toutes sortes de décisions de principe en matière de commerce, de droits, de douane ou de santé qui nuiraient à votre entreprise en réduisant le flux normal de la circulation. Cela fait partie des risques que vous prenez lorsque vous faites un pacte avec le diable, c'est-à-dire le gouvernement même.
M. Moroun : J'aimerais bien que vous ne nous citiez pas là-dessus.
Le sénateur Tkachuk : C'est une partie des risques que vous prenez lorsque vous exercez un monopole. Les gouvernements peuvent agir de la sorte.
M. Stamper : Il existe actuellement un droit dans le processus réglementaire qui s'applique à ce genre de choses. Le projet de loi C-3 retire ce droit et prévoit que le ministre peut, à son choix, faire ces choses. Une municipalité doit se conformer à certaines règles lorsqu'elle veut installer des panneaux d'interdiction de stationnement dans les rues. Il existe un mécanisme de création et de modification des itinéraires pour les camions. Le projet de loi C-3 le retirerait du processus et accorderait au ministre le pouvoir d'agir à son gré ou comme l'entendent ses adjoints.
Je ne crois pas que ce projet de loi a été élaboré par le ministre actuel. Après avoir entendu son témoignage, je n'ai pas l'impression qu'il nous causera des ennuis. Le projet de loi C-3 est une initiative administrative amorcée il y a déjà un certain temps. Il a été soumis au processus législatif à plusieurs reprises, mais en vain, et continue d'empirer.
Nous ne nous opposions pas aux projets de loi C-44 et C-26. Nous étions d'accord avec ce qu'ils proposaient. Nous nous élevons contre le fait d'accorder au ministre le pouvoir discrétionnaire de prendre des décisions qui relèvent actuellement du processus législatif, compte tenu du fait que nous sommes en concurrence avec le gouvernement. Selon nous, c'est une proposition qui n'est ni moralement défendable, ni juste. Nous ne croyons pas que le fait de conférer à un ministre un pouvoir discrétionnaire en matière de microgestion constitue une politique gouvernementale éclairée.
Le sénateur Tkachuk : Je tiens à vous préciser que je ne suis pas contre la libre entreprise, loin de là. Je tente simplement de bien comprendre ce que vous dites avant que nous procédions à un examen attentif de la question. Je ne m'oppose pas à ce que des modifications soient apportées à n'importe quel moment à un projet de loi, quel qu'il soit.
M. Stamper : Nous apprécions votre attitude.
Le sénateur Zimmer : Nous vous remercions de votre présence ici aujourd'hui. Les sénateurs Mercer et Tkachuk ont parlé d'autorisations présidentielles. Je voudrais aborder cette question sous un angle différent parce que je suis encore un peu perplexe.
Dans une lettre que vous avez envoyée le 3 novembre, vous avez indiqué que la clause du projet de loi C-3 qui a trait à la modification d'un pont ou d'un tunnel international va à l'encontre de la législation américaine, qui stipule que les autorisations présidentielles ne sont requises que pour la construction de nouveaux passages et non pour l'amélioration et le remplacement de l'infrastructure existante.
Tout d'abord, je voudrais préciser que tant le ministère américain qui délivre ces autorisations que le Buffalo and Fort Erie Public Bridge Authority ont indiqué qu'il est nécessaire d'obtenir une autorisation présidentielle dans le cas de modifications importantes des passages frontaliers internationaux pour lesquels il existe une définition comportant trois critères.
Le projet du passage frontalier de Windsor-Detroit ne serait-il pas considéré comme un projet entraînant des modifications substantielles et, par conséquent, ne devrait-il pas faire l'objet d'une autorisation présidentielle?
M. Stamper : Je vais remettre la lettre du département d'État à l'écran pour que nous puissions tous la voir. La question a été posée à cette entité, qui a la compétence pour y répondre. La réponse est non, parce que le processus d'autorisation ministérielle ne vise pas à modifier le droit de faire l'entretien d'un pont, de l'élargir ou de construire un pont parallèle. Ce sont là les termes du département d'État, et non les miens.
J'ignore d'où provient la déclaration que vous détenez. Nous avons cité les dispositions des lois qui régissent les autorisations présidentielles.
M. Moroun : Et la lettre qu'ils nous ont envoyée.
Le sénateur Zimmer : Vous avez dit craindre que le projet de loi proposé ne soulève de graves obstacles et ne retarde le projet. Je crois comprendre qu'à l'heure actuelle, le gouvernement canadien peut approuver les projets de modification des structures actuelles par la promulgation d'une loi spéciale, et que l'approbation de ces projets se fait au cas par cas, c'est-à-dire qu'il n'existe pas de mécanisme officiel d'approbation.
En pratique, que se passe-t-il lorsque quelqu'un désire entreprendre un tel projet?
M. Stamper : Nous avons déposé une demande auprès de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale et de toutes les autres agences, dont Transports Canada. Nous avons fini par recevoir un document d'orientation de Transports Canada. Nous devons effectuer une étude environnementale et en présenter les conclusions dans un rapport, et devons ensuite obtenir nos permis de construire. C'est le processus que nous suivons au Canada et celui que nous suivons aux États-Unis.
Le sénateur Zimmer : Pourriez-vous nous fournir des exemples pour illustrer de quelle façon la nouvelle disposition pourrait entraver ou retarder votre projet?
M. Stamper : Selon ses propres termes, l'article 57 a un effet rétroactif.
Aux termes de l'article 57, le projet de loi s'appliquera à toute demande présentée à n'importe quel ministère, même si les demandes ont été soumises avant son entrée en vigueur.
Selon notre interprétation de cet article, que Transports Canada n'a pas infirmée, nos mains seront liées tant que la réglementation ne sera pas mise en place, ce qui pourrait prendre encore un an ou deux. Notre projet, qui est en préparation depuis des années, pourrait être mis en attente jusqu'à ce que les règlements soient rédigés en fonction de la version du projet de loi C-3 qui sera finalement adoptée par cet organisme et par la Chambre.
M. Moroun : Les règles pourraient changer une fois le jeu commencé.
Le sénateur Zimmer : C'était là le sens de mon intervention.
Enfin, Transports Canada a déclaré que toute information confidentielle organisationnelle fournie aux termes de la loi proposée, par exemple en vertu des articles 14, 15 et 16, serait protégée en vertu de la Loi canadienne sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée.
Quelles sont vos craintes concernant l'efficacité de cette loi comparativement aux dispositions sur la protection de l'information du projet de loi C-44 et dont votre lettre fait mention?
M. Stamper : M. McMahon connaît peut-être mieux le projet de loi C-44, mais je crois que c'était énoncé en termes précis dans la Loi sur les corporations canadiennes.
M. McMahon : Les projets de loi C-26 et C-44 contenaient tous deux une clause qui mentionnait la Loi sur les transports au Canada. Je crois que c'était l'article 52, mais je n'en suis pas tout à fait sûr. C'était en rapport avec la confidentialité. Notre point de vue concernant la confidentialité est simple. Nous sommes disposés à partager avec le gouvernement canadien l'information liée à nos activités pour ce qui touche aux aspects de sûreté et de sécurité.
Nous sommes d'avis que la question de la confidentialité a été non intentionnellement omise du projet de loi C-3. Je crois qu'en rétrospective, des dispositions relatives à la confidentialité y seront sûrement intégrées. Nous sommes disposés à partager l'information avec quiconque y a droit. Tant que cette information demeure confidentielle, je crois que mes supérieurs vous diraient exactement la même chose, soit qu'il nous fera plaisir de partager cette information avec les organismes appropriés du gouvernement canadien. La question de savoir qui a droit à cette information est ce qui nous préoccupe et qui devrait préoccuper tout le monde.
Le sénateur Zimmer : Quels amendements devrait-on apporter à ces clauses pour protéger l'information?
Mr. Stamper : Il serait bon de se fonder sur le libellé du projet de loi C-44 et la disposition relative à la confidentialité de la loi originale. Selon moi, c'est une omission involontaire.
Le sénateur Mercer : Quand entreprendriez-vous la construction de ce pont, en l'absence de cette loi ou de règlements?
M. Stamper : Dès l'obtention de notre autorisation sur le plan environnemental. Cela pourrait prendre aussi peu que six mois.
Le sénateur Mercer : Êtes-vous bien engagés dans ce processus actuellement?
M. Stamper : Oui.
Le sénateur Mercer : Pourriez-vous commencer les travaux de creusage avant la mi-année 2007?
M. Stamper : Oui. Nous avons effectué beaucoup de travaux préliminaires, toutes les analyses du sol et l'arpentage de la propriété. Nous avons eu recours aux services d'un expert-conseil en environnement pendant deux ans et avons franchi toutes les étapes initiales. Nous avons rencontré les représentants de toutes les agences canadiennes au début de mai. On nous a promis qu'un document d'orientation nous serait remis à la fin de mai; nous l'avons obtenu en novembre.
Le sénateur Mercer : Je serai pessimiste et dirai que vous ne commencerez pas les travaux de creusage avant janvier 2008, soit six mois plus tard que la date que vous avez mentionnée. Quand le nouveau pont serait-il ouvert à la circulation?
M. Stamper : Les travaux s'étendront sur trente mois.
Le sénateur Mercer : Si l'on se situe dans le contexte du nouveau pont — et je tiens compte du fait que vous ne parlez pas au nom des entrepreneurs du nouveau pont et que vous ne donnerez peut-être pas votre meilleure estimation en raison de la concurrence — si un plan ou une autorisation n'est pas fournie, ce serait dans combien d'années?
M. Stamper : Je préfère ne pas essayer de répondre à cette question. Je crois que selon leurs estimations et les résultats de leurs études, ce serait 2013.
Le sénateur Mercer : Pour entreprendre ou terminer les travaux?
M. Stamper : Je ne veux pas répondre à cette question. Je me souviens simplement de 2013 comme étant une date charnière.
Le sénateur Mercer : Est-ce que ce serait 2013 plutôt que 2010?
M. Stamper : C'est exact.
Le sénateur Dawson : Au début, lorsque ce projet de loi a été présenté, nous avons été amenés à croire, et je ne dis pas qu'il y a eu mauvaise foi de la part de quiconque, qu'il serait adopté sans difficulté, contrairement aux divergences suscitées par le projet de loi présenté dans le passé, et il a été adopté à la Chambre des communes sans vraiment donner lieu à des débats d'importance.
Puis soudainement, nous nous rendons compte que le projet de loi a une incidence défavorable pour un des principaux acteurs qu'il vise. Un fonctionnaire du ministère des Transports m'a dit la semaine dernière que le projet de loi C-11 est maintenant devant le comité de la Chambre et que nous devrions nous attendre à ce qu'il soit présenté ici, de sorte que l'examen du projet de loi C-3 devrait se faire le plus rapidement possible. Je veux m'assurer que nous, membres du comité, examinons ce projet de loi en comprenant bien qu'il diffère du projet de loi C-44 et du projet de loi C-26. Cette loi proposée semble avoir des effets défavorables pour un intervenant non identifié et, d'après ce qui nous a été dit, le ministère n'a pas assez tenu compte des observations de celui-ci et le ministre n'en a pas du tout tenu compte. J'espère que nous ne croyons pas devoir accélérer l'adoption de ce projet de loi et je tiens à m'en assurer.
Au delà des intérêts relatifs au pont Ambassador, le présent gouvernement et ceux qui le suivront favoriseront les partenariats publics-privés dans les années à venir. Nous espérons qu'un nombre croissant de tels partenariats seront conclus afin qu'il y ait partage des responsabilités entre les parties publiques et privées, que les projets entrepris consistent à aménager l'autoroute 50 ou l'autoroute 30 au Québec ou à construire d'autres ponts. Si nous ne respectons pas les projets privés en existence qui fonctionnent sans problèmes depuis 60 ou 70 ans, comment pouvons-nous nous attendre à ce que les investisseurs privés prennent le risque de participer à un projet, soit-il « concurrent » ou « existant »?
Je veux m'assurer que nous allons tenter de faire en sorte qu'un amendement corrigeant certaines de ces lacunes soit accepté. Ce n'est pas une question que j'adresse aux membres du comité autant qu'une requête pour leur dire qu'à plus ou moins brève échéance, nous devrons nous réunir pour discuter de cette question. J'ai pris connaissance du compte rendu des délibérations du comité de la Chambre et avant que ce projet de loi ne nous parvienne, j'estimais que son examen serait intéressant et se ferait facilement et rapidement. Cependant, je crains maintenant que le fait que ce projet de loi ne soit pas entièrement satisfaisant à l'heure actuelle puisse nuire à la réalisation des projets futurs et au fonctionnement de ceux qui sont en place. Je veux simplement exprimer mon opinion à ce sujet, madame la présidente.
La présidente : C'est pourquoi j'ai dit que nous nous réunirions de nouveau avec les cadres supérieurs du ministère, et si vous estimez que vous auriez des amendements à proposer, vous pourriez faire appel à notre conseiller juridique.
Le sénateur Munson : Je partage le point de vue du sénateur Dawson et du sénateur Mercer. Il y a peu de temps, c'était vu comme du tout cuit. Je m'interroge cependant sur un point. Vous dites qu'un processus bureaucratique constitue un facteur depuis longtemps. Y avait-il des intérêts particuliers et le but visé était-il d'accroître le pouvoir du ministre ou d'appliquer la même réglementation à toutes les parties? Si ce sont des bureaucrates de différents ministères et de différents gouvernements qui ont fait .avancer le dossier, je me demande comment ils ont pu se rendre si loin.
M. Stamper : Je vous répondrai que les bureaucrates ont construit un autre pont reliant Sarnia et Port Huron. Ils ont construit des voies d'accès à l'autoroute menant au pont, au Canada, l'autoroute 402, et aux États-Unis, l'Interstate 69. Ils ont entrepris de nombreux travaux et investi des milliards de dollars provenant des fonds publics dans l'espoir que la circulation converge vers ce passage.
M. Moroun : Pourrions-nous jeter un coup d'œil à cette diapositive?
M. McMahon : Je crois que c'est la première diapositive.
M. Stamper : Les projections de la croissance de la circulation au pont de Blue Water faites par les bureaucrates prennent en compte la circulation du corridor de Windsor-Detroit.
M. Moroun : Voyez-vous cette ligne rose ou violette? Les bureaucrates, les experts-conseils du ministère des Transports ont projeté cette évolution de la circulation au pont Blue Water avant de convaincre le gouvernement d'investir dans l'autoroute 402, avant de l'amener à financer la construction d'un tout nouveau pont, avant qu'ils aient persuadé le ministère des Transports du Michigan d'investir dans l'autoroute I-69 et d'améliorer les bretelles d'accès à l'autoroute I-94. Le moins que l'on puisse dire est qu'ils ont fait un mauvais calcul.
Le sénateur Tkachuk : La ligne supérieure représente ce qu'ils ont obtenu?
M. Moroun : C'est exact. C'est ce que les bureaucrates et les conseillers du ministère de la Voirie croyaient qu'il se produirait. La petite ligne bleue sinueuse illustre ce qui s'est réellement passé.
Le sénateur Tkachuk : Il ne s'agit pas, néanmoins, d'une situation hors de l'ordinaire. C'est ce qui se produit chaque fois que nous sommes saisis d'un nouveau projet de loi. « Ce sont les seuls coûts à prévoir ». Je me souviens que le coût du registre des armes à feu devait être d'environ 80 millions de dollars. Il se chiffre maintenant à deux milliards de dollars.
M. Moroun : Fait intéressant, la circulation sur le pont Blue Water à travée double n'a pas encore été aussi dense que sur le pont à travée unique au cours d'une année donnée.
M. Stamper : Comme quelqu'un l'a mentionné précédemment, c'est la route qui constitue le problème à Windsor. L'autoroute 401 se termine à 11 kilomètres de la frontière à cause de la présence de la ville de Windsor, qui cherche maintenant à corriger ce problème. Il faut que l'Ontario et le Canada réparent la route et prolongent la 401 jusqu'à la frontière. Nous sommes prêts, disposés et aptes à investir notre argent pour apporter les améliorations nécessaires à la frontière, à la route de l'autre côté de la rivière et à toutes les installations dont ont besoin les gouvernements des deux côtés de la frontière.
Ce projet au pont Blue Water s'est avéré un échec essentiellement parce qu'ils ont construit tout sauf ce qui était nécessaire, c'est-à-dire des postes d'inspection additionnels aux douanes. Comme les bureaucrates n'ont pas réussi à faire en sorte que la circulation du corridor de Detroit-Windsor converge vers Sarnia-Port Huron, ils veulent construire un pont dans le corridor de Windsor pour nous faire concurrence, mais ils ne peuvent pas nous opposer une concurrence à armes égales, et ils le savent. Ils ont besoin du projet de loi C-3 pour s'emparer de notre marché en toute impunité.
La présidente : Je vous remercie beaucoup. Nous en avons appris beaucoup sur le sujet aujourd'hui.
M. Stamper : Permettez-moi d'ajouter que nous sommes prêts à revenir, si vous le désirez, pour témoigner à nouveau.
La présidente : Je pense que nous devrions d'abord rencontrer les hauts fonctionnaires afin que ceux-ci répondent à nos questions. Entre-temps, n'hésitez pas à nous faire parvenir toute information qui pourrait nous être utile.
Le sénateur Tkachuk : Je ne sais pas si le sénateur Dawson était présent lorsque vous avez indiqué que nous nous réunirons de nouveau.
La présidente : Nous avons une réunion le mardi 5 décembre avec Teamsters Canada, et le mercredi 6 décembre avec les hauts fonctionnaires du ministère. J'espère que vous aurez préparé toutes les questions que vous souhaitez leur poser.
Le sénateur Tkachuk : Nous ne ferons pas à l'examen détaillé du projet de loi la semaine prochaine, mais proposerons de procéder article par article le mardi suivant.
La présidente : Si les amendements que vous désirez apporter seront terminés à ce moment, vous pourrez les faire vérifier par le conseiller juridique. Nous rencontrerons d'abord les hauts fonctionnaires qui répondront à nos questions.
La séance est levée.