Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 6 - Témoignages du 5 décembre 2006
OTTAWA, le mardi 5 décembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui a été saisi du projet de loi C-3, Loi concernant les ponts et tunnels internationaux et modifiant une loi en conséquence, s'est réuni en ce jour à 9 h 35 afin d'étudier le projet de loi.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : À l'ordre du jour d'aujourd'hui figure le projet de loi C-3 au sujet des ponts et tunnels internationaux. Notre témoin est M. Phil Benson, lobbyiste pour Teamsters Canada. Nous sommes enchantés de vous avoir parmi nous.
Phil Benson, lobbyiste, Syndicat des Teamsters Canada : Je ne prendrai pas trop de votre temps à propos de ce projet de loi en particulier.
Teamsters Canada représente entre 125 000 et 130 000 travailleurs du Canada. Nous sommes le choix des travailleurs du secteur des transports, notamment les transports aérien, ferroviaire et routier, les ports, les transports en commun et le transport du fret. Nous sommes également présents dans de nombreux segments de l'économie : pêches, agriculture, cinéma, mode, boissons. La liste est assez longue. Nous sommes rattachés à la Fraternité internationale des teamsters, avec laquelle nous représentons plus de 1,5 million de membres en Amérique du Nord. Manifestement, un jour donné, une bonne part du trafic qui franchit la frontière est transportée par nos membres.
Nous avons d'autres intérêts dans les ponts, les routes et les tunnels qui donnent accès à la frontière, et nous sommes très fiers de représenter bon nombre des ouvriers qui s'occupent des travaux d'entretien et de la perception des péages à plusieurs ponts, notamment au pont Ambassador.
Nous nous félicitons de ce que le gouvernement ait morcelé le projet de loi précédent, qui traitait d'un si grand nombre de questions, en ce que nous pensons être des segments plus facilement gérables. Nous estimons qu'il s'agit d'un processus législatif judicieux et nous y souscrivons sans réserve.
Autrement, ce projet de loi très complet nous pose une énigme, vu que nous représentons autant de secteurs de l'économie. Dans la plupart des cas, à la Chambre, nous pouvons nous estimer heureux si l'on nous accorde cinq ou dix minutes. Il est difficile de dire des choses intelligentes en l'espace de dix minutes sur cinq secteurs distincts.
Ce projet de loi suscite en nous des préoccupations. Nous avons plusieurs remarques favorables à formuler à son sujet. Nous sommes d'avis que, dans le monde moderne, il est très important que le gouvernement fédéral bénéficie du pouvoir législatif de traiter des questions transfrontalières, en particulier après les événements du 11 septembre. Il est crucial, pas seulement pour nos membres mais pour l'économie tout entière, que le transport des biens et des services à destination de notre plus grand partenaire commercial se poursuive de manière fructueuse.
Ce qui nous inquiète, ce n'est pas ce qui se trouve dans le projet de loi, mais plutôt ce qui n'y figure pas. Nous avons du mal à accepter l'obligation d'obtenir l'autorisation des pouvoirs publics pour assurer l'entretien et la réfection de certaines installations, et ce que cela signifie pour ceux de nos membres qui exécutent ces travaux et leurs employeurs. Ce sont eux après tout qui procurent un emploi à nos membres. Nous avons des préoccupations pour nos membres qui traversent ces ponts ou franchissent les tunnels. Nous avons également des préoccupations au sujet de l'intérêt public général. Qu'est-ce que tout cela signifie pour le reste de l'économie, pour les gens qui comptent sur les livraisons juste à temps et pour tous les paramètres de nos installations de production? Nous pensons que ce sont des éléments qui seront abordés ultérieurement dans le processus de réglementation, et nous attendons le plaisir d'être consultés à ce sujet pour que l'on tienne compte de nos points de vue et de notre savoir-faire.
Le problème ne tient pas tant aux installations proprement dites qu'au manque d'installations. Nous traiterons de deux questions. Manifestement, depuis une dizaine d'années, il y a eu une augmentation spectaculaire des échanges commerciaux. Cela est d'autant plus remarquable qu'il y a eu entre-temps les attentats du 11 septembre. On pourrait également peut-être réfléchir au protectionnisme des États-Unis, mais nous n'entrerons pas dans ce sujet; nous voulons parler des transports et non pas du commerce.
L'an dernier, peut-être il y a un peu plus d'un an, j'ai eu la chance de faire la visite de la plupart des ponts et des tunnels qui mènent aux États-Unis. J'ai voulu analyser leur mode de fonctionnement, notre mode de fonctionnement et voir comment le tout fonctionnait. Ce dont j'ai été témoin, ce sont de retards, et le coût des retards est à la charge des camionneurs, de leurs employeurs et du public.
Nous ne devons pas oublier que, pour améliorer les services, améliorer le réseau de transport, les consommateurs doivent payer un peu plus cher. Les camionneurs coincés à la frontière et leurs employeurs assument la majeure partie de ces coûts.
Ce projet de loi facilitera-t-il la construction d'infrastructures? En ce moment, nous sommes coincés dans un processus bilatéral. D'après ce que j'ai cru comprendre, le pont Ambassador et le projet du tunnel sous la rivière Detroit ont tous les deux été retirés de ce processus. Cela est d'autant plus intéressant que, d'après notre analyse, ce sont les seuls deux projets qui étaient sur le point d'obtenir le feu vert. De quel horizon parlons-nous maintenant? Dix, douze ans? Cinq ans, sept ans? Nous n'en savons rien. Tout ce que nous savons, c'est qu'il y a plusieurs raisons qui nous indiquent qu'il vaut mieux que ce soit plus tôt que plus tard.
L'an dernier, il y a eu un examen en profondeur de la sûreté du réseau de transport. Pour autant que je sache, Teamsters Canada a été le seul syndicat à avoir participé à chaque étude relative à chaque mode. Nous connaissons bien le dossier de la sécurité. Et nous l'appuyons sans réserve. Nous nous réjouissons à la perspective de poursuivre ce processus.
Je n'entrerai pas dans les détails du dossier de la sécurité, tout bonnement parce que cela ne se fait pas publiquement. Toutefois, un problème a trait à la redondance. À ce stade, nous avons mis tous nos œufs dans une demi-douzaine de paniers. Si un incident survient, qu'allons-nous faire au juste pour nous assurer que le système de livraison juste à temps continue de livrer tous ces produits et services à travers la frontière? Nous avons le pont Ambassador. Nous sommes également favorables au projet de tunnel sous la rivière Detroit. Nous sommes prêts à aller de l'avant. Quel niveau de redondance est nécessaire? Je n'en suis pas sûr. Je pense qu'il faut examiner la question.
La deuxième question de sécurité a trait manifestement au franchissement de la frontière par les camionneurs et les biens qu'ils transportent. La question des cargaisons a été traitée en profondeur. Du côté des camionneurs, nous avons un système provisoire de franchissement rapide. Je tiens à souligner le mot « provisoire » car je pense que le gouvernement en est conscient.
Nous appuyons le processus d'autorisations de sécurité de Transports Canada. Et ce, pour de nombreuses raisons. L'une d'entre elles est que le système de sécurité de Transports Canada protège la vie privée de nos membres, respecte la loi au chapitre des conventions collectives et dans d'autres secteurs, et respecte la primauté du droit alors qu'à notre avis, ce n'est pas le cas du système de franchissement rapide. Je pense avoir exposé ce point de vue et je crois que le gouvernement donne suite à cette initiative. Nous espérons qu'il agira plus vite que prévu. Toutefois, dans ses rapports avec nos membres, il semble que d'autres paramètres revêtent plus d'importance que la primauté du droit ou que ce qui constitue à notre avis un système bien supérieur.
À l'heure actuelle, le ralentissement à la frontière n'est pas forcément attribuable à la capacité. Il a en fait à voir avec la productivité, non pas la productivité d'un pont ou d'un tunnel, mais la productivité avant d'arriver à la frontière et après l'avoir franchie. Les autorisations de sécurité de Transports Canada permettront d'améliorer grandement la situation.
L'autre problème tient au fait que, dans le processus bilatéral, notre point de vue n'est pas vraiment écouté. On ne nous consulte pas. Nous travaillons avec la Fraternité internationale des teamsters, qui sont nos frères et nos sœurs aux États-Unis. Nous ne sommes pas en train d'examiner une frontière, car, à notre avis, ce n'est pas vraiment une frontière. Nous y voyons plutôt un cordon de sécurité.
Nous sommes à la recherche de tout ce qui garantira que, quoi qu'il arrive, les principaux produits et services arriveront à franchir la frontière. Nous pensons qu'avec un système de sécurité judicieux, notamment des installations douanières conjointes, un bon système de triage, etc., si un incident survient à la frontière, les installations qui respectent ou qui dépassent ces normes pourront demeurer ouvertes. Cela revêt une importance névralgique pour l'économie de l'Ontario et de l'ensemble du Canada.
Nous nous réjouissons à la perspective de collaborer avec le gouvernement et avec toutes les entités qui partagent nos préoccupations. La confidentialité et la sécurité sont des paramètres absolument cruciaux. Ce thème a été soulevé à propos de ce projet de loi. Si je ne tiens pas à discuter des questions de sécurité, c'est que je sais, après les avoir longuement étudiées et avoir suivi des séances à ce sujet — nous signons effectivement beaucoup de documents —, que ce ne sont pas des questions destinées à la consommation publique.
Teamsters Canada estime que ce projet de loi est nécessaire. Nous partageons les préoccupations de nos employeurs et de nos entreprises. Nous leur laisserons le soin d'exposer leurs préoccupations propres. Ce qui nous préoccupe, c'est la santé, la sécurité et la sûreté de nos membres, de même que la sécurité de l'économie et la capacité de nos entrepreneurs et fournisseurs à continuer d'assurer la croissance de l'économie en créant des emplois rémunérateurs et justes.
Lorsqu'il y a des problèmes de sécurité, nous savons également que nos membres peuvent se trouver sur les ponts. Ils seront les premiers à intervenir. C'est pourquoi nous voulons faire partie du processus de consultation. Il est difficile de s'asseoir à la table après coup pour remédier à certains problèmes, alors que c'est très souvent ce qui se passe.
Au bout du compte, ce qui importe, ce sont les emplois. Nous pourrions être égocentriques et affirmer que ce sont les emplois de nos membres sur un pont ou dans un tunnel, alors qu'en fait ce sont les emplois de toute l'économie.
Nous pensons que le projet de loi va dans le bon sens. Si vous souhaitez en modifier certains articles, cela vous regarde. Ce n'est pas à moi de vous dire quoi faire. Je suis heureux d'avoir eu la chance de prendre la parole devant vous. Si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre.
[Français]
La présidente : Il me semble que vos préoccupations sont liées davantage à ce qui ne se retrouve pas à l'intérieur du projet de loi. Vous avez mentionné, lors de votre prestation à la Chambre des communes, que vous souhaitiez être consultés dans le processus d'adoption de la règlementation en vertu du projet de loi. Pour ma part, j'aimerais savoir si le processus de consultation, prévu par les articles 14, 15 et 16, vous semble satisfaisant pour vous permettre de faire valoir votre point de vue. Est-ce que vous croyez que le ministère des Transports serait enclin à s'assurer de ce que vos préoccupations sont prises en considération au cours de ce processus?
[Traduction]
M. Benson : Bien entendu, nous devons attendre les règlements à l'issue de cette procédure. Le nouveau gouvernement a fractionné les anciens projets de loi omnibus; nous en avons incontestablement parlé auparavant, de sorte que ce projet de loi n'est pas entièrement nouveau. Transports Canada a toujours été et continuera d'être, je l'espère, parfaitement franc avec Teamsters Canada. Je crois que le ministère sait que, dans le secteur des transports, nous sommes un syndicat qui doit être consulté et que nous l'avons effectivement été. Je m'attends indéniablement à être consulté au sujet des règlements.
La procédure d'établissement des règlements prend généralement beaucoup de temps, ce qui peut en soi être un problème, tout comme le processus bilatéral ou binational qui semble durer une éternité. Nous parlons ici sans doute d'un délai de dix-huit mois à deux ans. Sans doute aurai-je pris ma retraite avant que quoi que ce soit ne soit construit. Mais nous serons consultés. Notre principal souci est le délai qu'il faut avant de voir se concrétiser certaines mesures. Il est dans l'intérêt national d'agir au plus vite, alors que le processus au complet paraît d'une incroyable lenteur.
[Français]
La présidente : Le gouvernement pourra désormais adopter des règlements sur plusieurs questions comme l'entretien, la réparation ou la sécurité des ponts et tunnels internationaux. Quels sont les secteurs qui vous préoccupent le plus?
[Traduction]
M. Benson : Il y en a deux. L'un est le fardeau. N'ayons pas peur des mots : la plupart de ces ponts sont vétustes et nécessitent de nombreux travaux d'entretien. L'employeur ou l'entrepreneur à qui appartient le pont — ou l'administration du pont Ambassador, qui est une entreprise privée — prennent-ils leurs décisions en se fondant sur de saines pratiques commerciales et sur la nécessité d'assurer la satisfaction des clients ou au contraire en comptant sur l'intervention des pouvoirs publics car les gens se plaignent d'une chose ou d'une autre? Nous n'en avons pas la moindre idée.
Nos membres sont ceux qui empruntent ces ponts. Nous aimerions savoir à quoi ressemblera la situation avant qu'un incident se produise. Du côté de la sécurité, je suis sûr de savoir à quoi ressemblent les profils de sécurité et à quoi ils doivent ressembler. Nous y souscrivons entièrement.
Toutefois, l'un des problèmes de sécurité dans le domaine des transports est que, même si nous avons expressément appuyé le modèle de sécurité qui nous était proposé, il y a malheureusement d'importants segments de l'économie qui bénéficient de la clause des droits acquis et qui jouissent par conséquent d'un niveau de sécurité qui est loin d'être satisfaisant. Nous aimerions que la sécurité des ponts soit conforme au modèle optimal et ne dépende pas d'un modèle antérieur quelconque. Nous aimerions en être sûrs avant d'aller de l'avant ou, du moins, nous asseoir à la table pour pouvoir traiter de cette question.
[Français]
La présidente : J'aimerais connaître votre avis sur l'état actuel des ponts et tunnels internationaux au Canada. Premièrement, sont-ils tous en bon état et, deuxièmement, ce projet de loi serait-il de nature à améliorer la situation?
[Traduction]
M. Benson : C'est pour moi une question difficile car je ne suis pas ingénieur. Je suis bien d'autres choses, mais pas ingénieur.
La présidente : Mais les membres vous parlent.
M. Benson : Effectivement. Je pense qu'ils font un excellent travail lorsqu'ils inspectent les ponts les plus importants et lorsqu'ils se contentent de les examiner dans le cadre d'une visite. Il faut savoir que le pont Ambassador accueille entre 13 000 et 14 000 camions par jour, ce qui est névralgique pour l'économie. Pour dire les choses franchement, ce pont assume une lourde charge. Je suis d'avis que les infrastructures font un excellent travail. Je ne sais pas si ce projet de loi va améliorer la situation ou modifier quoi que ce soit. Dans son aspect le plus général, il conférera au gouvernement fédéral le pouvoir d'assumer la responsabilité ou d'accorder des autorisations sur ces ponts. C'est sans doute l'élément le plus important du projet de loi C-3. Or, je ne pense pas que la microgestion soit un phénomène qui soit fort apprécié. Il existe déjà des normes pour les réparations, les travaux de construction et d'entretien. Il importe peu que le pont relie le Canada aux États-Unis à Windsor ou l'Ontario au Québec à Gatineau; les ponts doivent respecter certaines normes, et je suis convaincu que les administrateurs les respecteront.
Le sénateur Tkachuk : Je ne vous comprends pas très bien; le projet de loi vous pose-t-il des problèmes? Avez-vous des propositions de modifications ou êtes-vous relativement satisfait du projet de loi tel quel?
M. Benson : Nous sommes relativement satisfaits du projet de loi C-3 tel quel. Je ne pense pas que mon rôle consiste à proposer des réformes d'ordre législatif. Nous avons soulevé des questions et déclaré notre adhésion générale à ce projet de loi. Peut-être que d'autres ont proposé des modifications, que vous examinerez alors sans doute. Je pense que c'est là une des responsabilités d'un comité et il est bien rare que je propose des changements précis.
Dans l'ensemble, l'orientation de ce projet de loi est analogue à celle du projet de loi du gouvernement préalable. Il arrive à point nommé. Comme je l'ai déjà déclaré devant la Chambre et devant le Sénat, mon principal souci tient au fait que les deux seuls projets qui étaient relativement prêts à aller de l'avant ont été retirés de la table. Y a-t-il quoi que ce soit dans le projet de loi C-3 qui puisse faire avancer ces projets? Nous n'en sommes pas sûrs.
Nous avons soulevé la question des réparations ici et à l'autre endroit, mais nous n'en sommes pas sûrs. Sur le dossier de la confidentialité et de la sécurité, nous attendons les règlements. Comme vous le savez, lorsqu'un projet de loi est adopté à l'heure actuelle, l'usage semble malheureusement consister à tout laisser dans les règlements.
Le sénateur Tkachuk : Je vous remercie.
Le sénateur Phalen : J'ai une ou deux questions à propos de votre exposé. Vous dites avoir des préoccupations essentiellement sur ce qui est absent du projet de loi plutôt qu'au sujet de ce qui s'y trouve, comme les installations dont l'entretien nécessite l'autorisation du gouvernement. Pensez-vous que les normes d'entretien doivent être plus rigoureuses? Est-ce bien ce que vous voulez dire?
M. Benson : Absolument pas. Je parle des retards, qui sont catastrophiques. C'est un problème de réglementation excessive, même si j'ai horreur d'employer ce mot dans une optique syndicale. Ce que cela signifie, c'est que l'administrateur d'un pont ou d'un tunnel, qu'il soit public ou privé, avant d'apporter la moindre amélioration à son installation, doit se débattre avec un volume considérable de paperasserie. La paperasserie est déjà volumineuse à l'heure actuelle; de quel autre volume ont-ils besoin pour faire leur travail? Je ne pense pas que la situation s'améliorera avec ce projet de loi. Je crains qu'il y ait encore plus de retards et tout ce qu'ils entraînent. C'est en fait une question de ce que les bureaucrates veulent par opposition à ceux qui administrent les routes. C'est aussi simple que cela. Il semble que ce projet soit plutôt extensible, et je ne sais pas au juste ce que cela signifie. Nous le saurons lors de la publication des règlements.
Le sénateur Phalen : Qui établit les normes aujourd'hui?
M. Benson : Elles le sont comme les codes du bâtiment le sont par les divers ordres de gouvernement qui s'occupent des transports. Il y a des strates et des strates de règlements qui traitent des ouvrages, comme vous avez pu le constater lors de l'événement tragique qui est survenu au Québec lorsqu'un pont s'est effondré à Montréal. Transports Canada a alors dépêché des ingénieurs et des agents de sécurité pour tenter de savoir ce qui s'était passé. Ce sont les mêmes gens qui réglementent les ponts. J'ose espérer que les ouvrages qui existent depuis des années continueront d'exister, mais peut-être ne sera-ce pas le cas.
Le sénateur Phalen : Dans votre exposé, vous avez dit que l'un des problèmes qui se rattache aux ponts n'a pas forcément trait aux infrastructures, mais plutôt à la façon dont nous devons faire face à la réalité des exigences américaines en matière de sécurité. Nous avons le laissez-passer rapide provisoire — et je suis heureux de voir souligner le mot « provisoire » — par opposition aux autorisations de sécurité de Transports Canada. Pouvez-vous m'expliquer la différence?
M. Benson : Je n'entrerai pas dans les détails. Le laissez-passer rapide est un accord douanier conjoint conclu entre les États-Unis et le Canada qui a bien servi son objectif. Malheureusement, les événements du 11 septembre et le ministère américain de la Sécurité nationale ont modifié la teneur du laissez-passer rapide à tel point que, pour plusieurs raisons, celui-ci suscite en nous de sérieuses inquiétudes. Nos membres doivent fournir des renseignements personnels à un étranger qui décide si oui ou non ils obtiendront la carte dont ils ont besoin pour travailler, et il n'y a absolument aucun droit d'appel. Il n'y a aucune procédure de recours et aucun droit de participation syndicale. Il n'y a absolument rien.
Les autorisations de sécurité de Transports Canada sont en vigueur aux aéroports et elles finiront par l'être dans le domaine du transport routier et du transport ferroviaire. C'est une procédure canadienne contrôlée par des politiciens canadiens et à laquelle la loi s'applique régulièrement.
Franchement, je n'aime pas que des Canadiens soient tenus de fournir des renseignements personnels à un étranger. Je ne fais pas ici de l'antiaméricanisme, car il m'importe peu que cet étranger soit britannique, français ou d'un autre pays. Nous avons en place un système reconnu qui protège parfaitement les droits de nos citoyens, et je pense que le gouvernement doit opter pour le bon système.
C'est pourquoi nous soulignons le mot « provisoire » dans notre exposé. Contrairement au laissez-passer rapide provisoire, les autorisations de sécurité de Transports Canada sont biométriques. Il s'agit d'un système plus rigoureux et plus rapide. Pour être parfaitement honnête, si le système est suffisamment bon pour pouvoir piloter un avion jusque dans un pays étranger, il doit l'être aussi pour qu'un camionneur ou une compagnie de chemin de fer puisse franchir la frontière sans problème. C'est un processus supérieur dans son ensemble. Par exemple, le pont Ambassador pourrait intégrer un système d'autorisations préalables. Si le projet du tunnel sous la rivière Detroit plaît autant à Windsor- Detroit, c'est parce que le système d'autorisation est intégré dedans. Ce type d'autorisation et de prédédouanement permet aux marchandises de s'écouler comme dans un pipeline. L'aspect frontalier est pratiquement éliminé.
Il est également préférable aux yeux de nos membres car il protège la souveraineté de notre pays et les droits constitutionnels de nos membres. Par ailleurs, il permet d'acheminer rapidement les marchandises. C'est une situation bénéfique pour tous.
Le sénateur Mercer : Windsor est un lieu intéressant avec autant d'ouvrages qui enjambent la rivière. Cela est très important pour l'économie de ce pays. Écartons-nous de Windsor un instant et examinons la principale route collectrice qui mène à Windsor, l'autoroute 401. Nous savons tous le danger que présentent les derniers kilomètres de l'autoroute 401; beaucoup d'accidents graves s'y sont produits par le passé. L'autoroute 401 ne prend pas fin au pont ou au tunnel. Où pensez-vous que l'autoroute 401 doive prendre fin? Même si cela relève du champ de compétence de la province, je ne pense pas que la question soit déplacée dans un débat sur la façon de gérer les postes-frontière.
M. Benson : Un beau jour, à 2 heures du matin, je me suis installé le long d'un tronçon de cette route pour regarder les camions passer. Je comprends maintenant pourquoi les gens qui vivent là sont inquiets. Les camionneurs doivent traverser toute une ville avec leurs énormes engins. Je ne suis pas camionneur de métier, mais il m'est arrivé de circuler dans des semi-remorques. Je ne suis pas expert en la matière, mais j'ai vécu l'expérience.
Si je ne m'abuse, jadis, l'autoroute 401 se trouvait à l'extrémité de la ville. C'était un peu comme un boulevard périphérique. Bien sûr, la ville s'est étalée depuis. D'aucuns ont suggéré que, si le processus bilatéral aboutit et que nous déplacions la route sur deux ou trois milles supplémentaires, tôt ou tard, nous connaîtrons le même problème.
La raison pour laquelle le projet du tunnel sous la rivière Detroit semblait si logique, surtout en vertu de la nouvelle transformation où l'on prévoyait de creuser la totalité de l'ouvrage, c'est qu'il devait permettre de remédier à deux problèmes. Manifestement, le pont doit présenter un attrait qui attire au moins les camions. Je ne sais pas ce qu'il en est des voitures.
J'ai demandé à nos dirigeants là-bas si quelqu'un avait jamais réfléchi à creuser la route. On m'a répondu oui, mais l'idée a été rejetée il y a des années. Quel bonheur s'il y avait un moyen de diriger au moins les camions directement vers le pont! Le tunnel ne pose pas de problème car on y aurait directement accès depuis la route. Je pense que la question mérite d'être étudiée.
Le sénateur Mercer : Vous avez parlé du besoin d'autorisations. Aviez-vous en tête l'aménagement peut-être de centres de prédédouanement à une certaine distance des ponts ou des tunnels? Ce serait là une idée nouvelle. Le prédédouanement existe aux aéroports et dans certaines gares ferroviaires; alors pourquoi ne pas l'appliquer aux transports routiers? Peut-être cela accélérerait-il le franchissement des ponts. Je pense également que cela permettrait l'inspection plus rigoureuse d'un plus grand nombre de camions sans causer des retards aux postes-frontière.
M. Benson : Je ne tiens pas à trop entrer dans les détails, mais, manifestement, une frontière conjointe dotée d'un système de prédédouanement avec un accès sécurisé serait un rêve absolu. Si vous pouviez faire passer un camion de la route à une cour de triage dotée d'un système conjoint de prédédouanement et du type d'autorisation de sécurité de Transports Canada, comme des cartes biométriques ou des marchandises prédédouanées — vous auriez toujours le poste-frontière, mais également un véritable pipeline. Ce serait la solution idéale.
Les gens pensent que beaucoup des ponts ont atteint leur niveau de saturation. On semble se faire une idée fausse selon laquelle les ponts ne peuvent accueillir toute cette circulation. C'est absolument faux. Même le pont Ambassador n'a pas atteint le maximum de sa capacité. Il en est loin. Ainsi donc, le problème n'est pas d'ordre physique. Le plus gros problème est la productivité et ce qui se passe avant ou après. Ces types d'installations contribueraient indéniablement à apaiser bon nombre de ces préoccupations et faciliteraient beaucoup la vie de nos membres et des camionneurs en général.
Le sénateur Mercer : Nous savons tous que Teamsters Canada représente un grand nombre de camionneurs. Représentez-vous également d'autres employés qui travaillent aux postes-frontière?
M. Benson : Il y a la division Freight and Tank Haul de Teamsters Canada et la Conférence ferroviaire Teamsters Canada. Nous représentons bon nombre des préposés au péage. De l'autre côté de la frontière, ce sont des membres de Teamsters qui vous souhaiteront la bienvenue. Je ne sais pas si vous voulez parler des douaniers à la frontière. Ils ne font pas encore partie de nos membres.
Le sénateur Mercer : Nous avons des postes-frontière et des ponts et des tunnels. Beaucoup de gens y travaillent. Nous avons parlé de la sécurité des ponts. Or, il y a des agents de sécurité sur les ponts. Certains de ces gens sont-ils membres de Teamsters Canada?
M. Benson : Oui.
Le sénateur Mercer : Vous avez dit qu'ils seraient parmi les premiers à intervenir en cas d'incident.
M. Benson : Effectivement. Lorsqu'il y a un accident, ce sont ces gens qui sont chargés d'intervenir sur le pont.
Le sénateur Mercer : Sont-ils membres de votre syndicat?
M. Benson : Pas tous mais la plupart d'entre eux.
Le sénateur Mercer : Je tiens à mettre cela en contexte. Vos préoccupations dépassent les simples camionneurs. Ai-je tort?
M. Benson : Non.
Le sénateur Mercer : Vous avez dit à plusieurs reprises que la redondance était importante pour la sécurité. J'en conclus, et il ne s'agit pas d'une conclusion finale, qu'un des problèmes de ce projet de loi est qu'il retardera un projet qui vise précisément à remédier à ce problème même. Les propriétaires du pont Ambassador ont déclaré devant ce comité qu'ils étaient prêts à entreprendre les travaux de construction d'un deuxième pont Ambassador juste à côté du pont existant dès qu'une évaluation environnementale serait terminée et qu'ils auraient reçu l'autorisation du côté américain. Ils attendent l'autorisation du côté canadien. Or, ce projet de loi retardera le processus.
Nous avons parlé des règlements à venir. Si l'on n'avait pas recours au financement du gouvernement du Canada, du gouvernement de l'Ontario ou de la ville de Windsor, il faudrait alors que quelqu'un soit désireux de construire un nouvel ouvrage, ce qui contribue à accroître la redondance.
Selon les propriétaires du pont Ambassador, ceux-ci sont prêts à préserver l'ancien pont, pas forcément pour l'utiliser, mais comme ouvrage de secours. Ils s'assureront qu'il est en bon état structural de sorte que, s'il y a un incident, il sera possible de réutiliser l'ancien pont pour ne pas interrompre les échanges commerciaux. Vous ne voyez pas cela dans le projet de loi?
M. Benson : Excusez-moi, que suis-je censé voir?
Le sénateur Mercer : Estimez-vous que ce projet de loi empêche la réalisation de ce projet?
M. Benson : Je pense en effet qu'il retardera le projet. Comme je l'ai dit à maintes reprises, tout le processus binational et la procédure de réglementation retarderont le projet. Cela est parfaitement limpide.
Le sénateur Mercer : J'aimerais entrer un peu plus dans les détails. Vous avez fait un certain nombre d'allusions à vos préoccupations au sujet de l'entretien et de la sécurité. Vous ou l'un de vos membres êtes-vous au courant de problèmes de sécurité précis au sujet des infrastructures et de l'entretien? Manifestement, chaque jour, un poste- frontière est exposé à des problèmes de sécurité.
M. Benson : Il ne s'agit pas des infrastructures. Si vous vous trouvez sur la route, vous devez esquiver des voitures et des camions. Manifestement, s'il y a un grand nombre de gros camions et toutes sortes de gens qui s'efforcent de les esquiver et qu'il y a au milieu de tout cela une personne avec de petits pylônes qui essaie de faire quelque chose, plus le passage est étroit, plus la sécurité risque d'être compromise. Il ne s'agit pas d'une question d'entretien. Il s'agit tout simplement d'une préoccupation de sécurité car, lorsque des gens ont dû subir un retard de quatre heures et qu'ils voient tout d'un coup le champ libre, ils appuient généralement sur le champignon pour aller plus vite. Or, notre petite personne avec les pylônes peut se trouver sur le pont, ce qui est une éventualité peu enviable.
Le sénateur Eyton : J'ai une autre question. Ce n'est pas le projet de loi proprement dit qui entraînera le moindre retard, même si nous avons entendu exprimer plusieurs inquiétudes à ce sujet. De fait, nous avons entendu les administrateurs du pont Ambassador déclarer craindre qu'en vertu du projet de loi, et vraisemblablement des règlements qui seront élaborés, que ces éléments n'entraînent des retards.
Votre déclaration est encore plus forte. Vous mentionnez en fait le retrait de deux projets. Si je ne m'abuse, dans un cas il s'agit du tunnel et dans l'autre du pont Ambassador, et des améliorations dont nous avons parlé. Le retrait des projets concerne les propriétaires ou administrateurs qui les retirent de la table, mais ce n'est pas le cas. Que vouliez- vous dire lorsque vous avez fait allusion à ce retrait?
M. Benson : Peut-être est-ce le langage que nous employons dans la classe ouvrière.
Si je comprends bien le processus binational, ce que l'on recherche dans le fond, c'est un endroit où aménager quelque chose. Ces deux projets en particulier avaient précisément pour toile de fond le processus binational. Nous recherchons quelque chose d'autre.
Une fois de plus, qu'est-ce que cela signifie pour une entreprise privée si elle décide d'aller de l'avant? Je n'en suis pas sûr. À mon avis, ce projet de loi confère au ministre beaucoup de pouvoirs. Ce n'est pas cela que je conteste, car je pense qu'il est important que ces pouvoirs soient là.
Indéniablement, ces deux projets ont été en quelque sorte mis en veilleuse. On a décidé d'aller voir ailleurs.
Pour mettre les choses en contexte, tout le processus binational est un peu comme une balle de ping-pong : d'une part, Windsor est mécontente d'un endroit en particulier et il y a les maires en aval qui n'en veulent pas dans leur basse- cour. Et il y a quelqu'un d'autre qui adopte une loi non pas ici, non pas là-bas ni nulle part ailleurs. Pour le Canada, il est important que la circulation soit fluide autant pour les constructeurs automobiles que d'autres industries qui empruntent la route. Je ne suis pas du tout convaincu qu'en vertu de ce processus, on construise quoi que ce soit de mon vivant. Si vous arrivez à me convaincre que ce projet de loi aboutira à quelque chose, alors je vous félicite!
Le sénateur Eyton : À supposer que les règlements soient établis rapidement et qu'il y ait des discussions en cours, est-il vraiment nécessaire de retarder l'un de ces projets?
M. Benson : Non. D'après l'expérience que j'ai du processus de réglementation gouvernemental, la tâche est souvent fastidieuse et un plus grand nombre de batailles sont livrées en cours de route que celles qui le sont devant les comités. À nouveau, si le processus est rapide et qu'il avance vite, dès le premier jour, nous avons toujours affirmé que ce projet de loi était en fait un moyen de maintenir la paix, l'ordre et la saine gouvernance. C'est sans doute un texte qui aurait dû être adopté il y a longtemps. Nous n'avons pas porté plainte sous l'ancien gouvernement et nous n'avons pas l'intention de le faire sous l'administration actuelle. Tout ce que nous faisons, c'est de soulever certaines questions et préoccupations. Bien sûr, il appartient à des comités comme celui-ci de décider quoi faire.
Le sénateur Mercer : Une réglementation rapide est sans doute un oxymore. J'aimerais en revenir à l'une de mes premières questions sur l'autoroute 401. En examinant mes notes, je ne pense pas que nous ayons décidé de là où l'autoroute 401 doit aboutir. Pensez-vous qu'elle doive aboutir au projet de tunnel sous la rivière Detroit? Doit-elle aller jusqu'au pont Ambassador ou à l'un des autres ouvrages de franchissement?
M. Benson : C'est au secteur privé ou au gouvernement d'en décider. Si le gouvernement décide de bâtir un pont en contournant Windsor, encore faudrait-il savoir si les camionneurs l'emprunteront. Je ne suis pas spécialiste de l'urbanisme. Tout ce que je sais, c'est que, si je vivais à Windsor, j'aimerais que l'on trouve un moyen pour que les camions puissent se rendre jusqu'au tunnel ou ailleurs sans emprunter chaque jour le chemin de Huron Church. Un moyen de contourner cet itinéraire serait utile.
Le sénateur Mercer : Ce que vous dites, c'est que vous vous moquez pas mal de l'ouvrage de franchissement auquel l'autoroute 401 doit aboutir, mais que, si vous habitiez Windsor, vous aimeriez que l'autoroute 401 aboutisse à un ouvrage de franchissement au lieu de contourner la ville comme c'est le cas actuellement. Vous ai-je bien compris?
M. Benson : Avez-vous dit contourner la ville? La route traverse la ville en plein milieu.
Le sénateur Mercer : Je vous parle de l'autoroute 401.
M. Benson : Au risque de me répéter, peu importe qu'il s'agisse d'une solution du secteur privé ou du secteur public, ou d'un triple P ou d'un quadruple P, il faut que les choses se matérialisent. J'adore la terminologie d'aujourd'hui. C'est une décision que le ministre, les différents ordres de gouvernement, Detroit et Dieu sait qui d'autre devront prendre. Et, lorsqu'ils prendront cette décision, nous verrons alors s'il y a la moindre volonté de s'occuper de l'itinéraire. Je ne lis pas dans les esprits. Je ne sais vraiment pas. J'ai passé quelques jours là-bas et n'en ai pas tiré plus d'enseignements qu'au moment de mon arrivée.
Le sénateur Mercer : Nous comprenons votre contrariété.
M. Benson : Merci.
Le sénateur Tkachuk : Je ne sais pas si c'est un mythe ou une réalité, mais il faut parfois surveiller ces choses de près. Le sénateur Mercer a soulevé une préoccupation légitime au sujet du pont proprement dit. Vous insinuez que le projet sera retardé pour une raison quelconque à cause de ce projet de loi. Je ne sais pas au juste ce que vous voulez dire, mais vous avez également affirmé que le problème ne tenait pas tant au pont qu'au secteur de triage, au passage de la douane, ou autre.
M. Benson : Effectivement.
Le sénateur Tkachuk : Peut-être faut-il retarder la construction du pont. Si vous dites que ce n'est pas le pont, ce doit être quelque chose d'autre. Peut-être que l'ampoule de quelqu'un d'autre a brûlé et que cette personne s'est demandé pourquoi nous construisions ce pont. Peut-être devrions-nous accélérer le passage de la douane pour fluidifier la circulation. Nous ne le savons pas vraiment. Vous, le savez-vous?
M. Benson : La plupart des ponts sont âgés de 60, 70 ou 80 ans. Peut-être que leurs propriétaires craignent qu'ils ne tiennent pas le coup encore très longtemps.
Nous passons beaucoup de temps à étudier et à analyser les questions transfrontalières. Cela revêt une importance cruciale pour un syndicat des transports, pour nos entrepreneurs et nos employeurs. Il n'y a pas de solution miracle. Il y a beaucoup d'éléments sur la table; la marmite est pleine.
Pour ce qui est de la redondance, j'ai entendu dire que les propriétaires du pont Ambassador voulaient le doubler ou le remplacer. J'ai entendu une demi-douzaine d'idées différentes sur ce qu'ils voulaient faire. Et tout cela entre dans la marmite de notre ragoût. Au bout de ce long processus auquel nous sommes astreints, avons-nous un projet prêt à construire? Non. En aperçoit-on un à l'horizon? Certainement pas de mon vivant. J'espère avoir tort. J'aimerais pouvoir me représenter devant vous l'an prochain et vous dire que j'avais tort, mais je ne pense pas que ce sera le cas.
Quand est-ce que vous remplacez le capital social? Au bout de 60 ans ou de 80 ans? Je ne suis pas spécialiste des ponts. Je présume que les administrateurs du pont Ambassador et ceux du pont Blue Water sont experts dans leur domaine et qu'ils seraient mieux en mesure de répondre à cette question. Lorsque je parle de redondance, je parle d'un élément fort simple, mais je ne tiens pas vraiment à en parler en public, à savoir que, si un pont s'effondre aujourd'hui même, nous serons vraiment dans le pétrin. Je ne parle pas d'entretien ni de réparations.
Pour ce qui est de la redondance, sans doute avons-nous besoin d'un plus grand nombre d'options que celles qui sont sur la table en ce moment. Le pont Ambassador est une option. Un projet de tunnel sous la rivière Detroit est une autre option. Ce pont binational est une option. Et bien entendu nous nous heurtons au problème de la concurrence entre le secteur privé et le secteur public; je vous laisserai régler cette question.
Nous parlons de redondance dans l'optique de la sécurité. Une grande partie de notre économie se trouve dans un même panier et nous devons rétablir les choses. Cela nous a pris un certain temps. Je suis sûr que le secteur du camionnage et d'autres gens pensent que nous avons besoin de plus que cela. C'est cela qui m'inquiète plus. Ce n'est pas un reproche que j'adresse à ce projet de loi. Nous devons tout simplement aller plus loin et obtenir davantage.
Le sénateur Tkachuk : En d'autres termes, le statu quo a abouti à la situation dans laquelle nous nous retrouvons.
M. Benson : C'est exact.
Le sénateur Tkachuk : Ce projet de loi cherche précisément à modifier le statu quo. Seul le temps nous dira s'il y parviendra. Je n'en sais rien.
M. Benson : Je partage votre avis.
Le sénateur Tkachuk : C'est du moins ce que l'on nous a dit. Le projet de loi cherche à modifier le statu quo. Peut- être y a-t-il un moyen plus facile et plus rapide d'agir que le système actuel, qui semble avoir abouti à la situation que nous connaissons aujourd'hui en ce qui concerne la redondance, la sécurité et toutes ces autres questions. Il n'y a pas un seul endroit où tout le monde traite uniquement de ces questions.
M. Benson : Je pense qu'effectivement il modifie le statu quo. Il le modifie clairement et nous estimons que c'est une bonne chose car, au bout du compte, coincés dans un processus binational qui retarde les choses, qui marque des hésitations et où plusieurs segments de différents ministères s'occupent tous de la même marmite, nous sommes l'une des rares voix à s'exprimer et à demander à quoi nous servons aujourd'hui.
Je crois que ce projet de loi fait partie du casse-tête. Je vous l'accorde, c'est un élément du casse-tête. Je crois qu'il a du potentiel, mais, compte tenu du monde où nous vivons, je ne suis pas sûr que ce potentiel se matérialisera jamais. S'il se matérialise, je serai le premier à lui lever mon chapeau et à lui dire merci beaucoup.
Le projet de loi modifiera le statu quo. Mais je ne suis pas certain que le statu quo soit modifiable si l'on n'y met pas beaucoup d'énergie et de volonté politique.
Le sénateur Tkachuk : Je suis moi aussi toujours pessimiste au sujet de ces questions.
M. Benson : Cela fait 20 ans que je consacre mon temps à cela; je suis un peu pessimiste.
Le sénateur Tkachuk : Vous avouerez tout de même que la situation ne peut pas empirer.
Le sénateur Munson : C'est la raison pour laquelle vous avez employé le mot « à contrecœur ». Je crois que vous avez dit : « C'est à contrecœur que nous sommes satisfaits du projet de loi tel quel. » Vous dites que le projet de loi arrive à point nommé; et vous pensez qu'il est nécessaire. Est-ce la raison pour laquelle vous affirmez devant le sénateur Tkachuk qu'il vous donne satisfaction à contrecœur?
M. Benson : Combien de fois pensez-vous que je vois un texte de loi qui a de l'allure sur le papier? J'ai décrit le statu quo et les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Dans l'optique de Teamsters Canada, il nous appartient de comparaître ici pour parler de quelque chose de plus que de nos membres. Nous sommes connus pour cela.
Ce qu'il advient de la frontière et de ces ponts ou tunnels ou ce que l'on décidera finalement de bâtir revêt une importance névralgique pour le secteur manufacturier et pour l'économie de l'Ontario, du Québec et d'ailleurs. Ce n'est pas du tout une question triviale, mais au contraire extrêmement importante. La façon dont nous abordons les douanes, les droits de douane, les autorisations, tout cela revêt une importance vitale pour l'économie nationale.
Je ne suis pas certain qu'au bout du compte, ce projet de loi traitera du dossier dans son intégralité. Ce n'est qu'un petit morceau et cela vaut mieux, mais, en ce qui concerne les règlements et d'autres textes législatifs, nous aimerions voir le reste du morceau avant de nous émerveiller. Est-ce un mauvais projet de loi? Absolument pas. Aborde-t-il quelque chose qu'il faut régler? Oui. Marque-t-il un pas en avant? Incontestablement. Répond-il à toutes les questions? Non. Mais, pour être juste, même sous l'administration précédente, l'intention était-elle vraiment de régler toutes les questions? La réponse est non. Et ma réponse est : « Quel dommage. »
Le sénateur Munson : À propos des principaux biens et services, vous avez là une idée intéressante, car vous parlez de ce qui pourrait advenir si la frontière était fermée. Quels produits et services jugez-vous essentiels si le pont devait s'effondrer ou qu'un poste-frontière devait fermer à cause d'un incident du type de celui qui s'est produit le 11 septembre? Quels biens doivent continuer à circuler pour maintenir les deux économies à flot? Avez-vous une liste de trois ou quatre articles?
M. Benson : Cela n'a rien à voir. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais, pour moi, les tomates n'ont plus aucun goût de nos jours. Elles parcourent d'immenses distances. Ce n'est pas notre faute; c'est la façon dont les choses se font aujourd'hui. Je ne pense pas qu'il y ait de problème avec ce qui entre au Canada. Ce n'est pas là la question; les aliments continueront d'arriver, de même que les biens de consommation. Pour mieux situer tout cela, une section locale de l'Ontario compte 2 000 ou 3 000 membres qui ne font rien d'autre que transporter des voitures et des pièces automobiles un peu partout. Une pièce franchit cette frontière quatre, cinq ou six fois avant d'être mise en place. Souhaitons-nous vraiment que Ford, Chrysler et toutes ces compagnies ferment boutique? Ce que je veux dire, c'est que le système de livraison juste à temps est précisément juste à temps. Nous avons parlé à l'un de vos chercheurs au sujet de cette question dans un débat distinct, mais c'est précisément ce qui nous coince aujourd'hui.
Si un pont s'effondre, la gêne est minime si vous arrivez à vous procurer ou non votre marque d'eau préférée. Mais, pour le pays, il s'agit d'une crise profonde si des usines doivent fermer pendant longtemps. J'aime l'assurance-maladie, et j'aime ces usines. Il y a une réaction en chaîne ou un effet de ricochet. Il est indispensable qu'il y ait au moins un endroit où ces types de véhicules puissent franchir la frontière tout au long de la journée, pour que des centaines de milliers de citoyens ne perdent pas leur emploi. Plutôt que de voir un ministre se féliciter de son excédent budgétaire, j'en préfère un qui dise : « Malheur! nous essuyons un déficit aujourd'hui. » Cela est très important.
Le sénateur Zimmer : Je vous remercie de votre exposé de ce matin. Vous affirmez être généralement satisfait de ce projet de loi et ne pas avoir de préoccupations majeures.
Bien sûr, une préoccupation des syndicats a toujours trait à la sécurité et à la sûreté de leurs membres. Vous avez décrit une situation où un automobiliste est retardé pendant quatre heures avant de se retrouver devant une route parfaitement libre et de se mettre à conduire très vite, ce qui présente un risque pour les gens qui travaillent sur les routes ou les ponts. En dehors de cette préoccupation d'ordre général, avez-vous d'autres préoccupations au sujet de la sécurité et de la sûreté de vos membres?
Si un nouveau pont était bâti, y a-t-il des mesures à prendre pour renforcer la sécurité et la sûreté de vos membres?
M. Benson : Nous avons le privilège et l'honneur de représenter des travailleurs et nous nous préoccupons toujours de leur bien-être. Nous déplorons que quelqu'un meure au travail; nous déplorons chaque fois que quelqu'un meurt pour une autre raison. En général, la réponse est non. Je n'ai pas entendu exprimer beaucoup de préoccupations ou de problèmes à ce sujet.
Pour ce qui est de votre deuxième question, je crois comprendre que l'on dépensera environ un milliard de dollars pour reconstruire l'édifice du Centre.
Le sénateur Dawson : Exactement au même moment que le pont.
M. Benson : À peu près en même temps que le pont. Celui-ci doit être reconstruit et réparé conformément à tous les codes et aux exigences modernes. S'il ne s'agissait pas d'un ouvrage à valeur patrimoniale, il suffirait de le démolir et d'en construire un autre à la place. Mais ces ouvrages ont été construits et il y a 60 ou 80 ans. J'espère sincèrement que, dans l'univers postérieur aux événements du 11 septembre, la technologie et l'ingénierie qui entreront dans un nouveau pont ou un nouveau tunnel tiendront compte des questions de sécurité et de sûreté et minimiseront ainsi ou atténueront les chances d'un incident.
Bien sûr, en raison de la modification des dimensions et du poids des véhicules, on pourrait construire quelque chose d'adapté aux besoins d'aujourd'hui, mais qui, peut-être d'ici quelques années, nécessitera moins de travaux d'entretien et constituera dans l'ensemble une expérience plus satisfaisante. Sénateur, c'est comme si vous essayiez d'acheter une maison à valeur patrimoniale construite il y a un siècle ou une maison flambant neuve. Nous avons tous les deux le choix, et l'un est un peu plus facile d'entretien que l'autre. Il y a certes des avantages à acheter un produit neuf. À nouveau, je ne suis pas ingénieur, pas plus que je ne dirige une entreprise. Je ne fais qu'exprimer une opinion personnelle.
Le sénateur Zimmer : Tout est relatif, l'ancien par rapport au neuf, et c'est une situation permanente.
La présidente : Merci, monsieur Benson, d'avoir été présent aujourd'hui parmi nous. N'hésitez pas à nous envoyer de plus amples renseignements.
Le sénateur Mercer : Avant que nous ne levions la séance, plusieurs témoins ont fait allusion à des questions de sécurité, et nous n'avons pas pu aborder certaines d'entre elles dans un débat public. Pensez-vous qu'il soit souhaitable de demander à Sécurité publique et Protection civile Canada de nous envoyer quelqu'un soit pour nous renseigner, soit pour répondre à ces questions? Il y a certaines questions que nous n'avons pas posées ou que nous avons hésité à poser.
La présidente : Demain, nous entendrons des membres de Transports Canada; peut-être qu'en même temps, un membre de ce ministère pourrait assister à la réunion et répondre aux questions.
Le sénateur Mercer : Effectivement.
La présidente : J'ajouterai cela à l'ordre du jour de demain.
Nous allons lever la séance jusqu'à demain après-midi à 18 h 15. Merci beaucoup.
La séance est levée.