Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 7 - Témoignages du 31 janvier 2007
OTTAWA, le mercredi 31 janvier 2007
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 18 h 17, pour étudier en vue d'en faire rapport la question du trafic du fret conteneurisé actuel et éventuel manutentionné par les ports à conteneurs de la porte d'entrée du Pacifique, ceux de la côte est et ceux du centre du Canada, des principaux marchés importateurs et exportateurs desservis par ces ports et des politiques actuelles et futures à cet égard.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, la séance est ouverte. Le comité de direction s'est réuni hier et s'est penché sur le plan de travail des prochaines semaines. Vous avez déjà reçu les avis de convocation. J'ai aussi l'honneur de vous annoncer que le ministre des Transports de la Nouvelle-Écosse viendra nous rencontrer le 21 février au sujet de l'étude sur le transport par conteneurs.
Nous croyons qu'il sera possible de déposer notre rapport final d'ici la fin de l'année 2007. Nous avons écrit au sous- ministre adjoint des Transports. Comme vous le savez, on nous avait dit que des études seraient effectuées et nous seraient envoyées. Nous avons donc demandé au ministère de nous les faire parvenir; elles seront disponibles très bientôt et vous seront distribuées à tous.
Nous avons aussi invité la ministre Oda à venir nous rencontrer au sujet de l'étude des médias canadiens que nous avons déjà déposée.
Au programme législatif, nous avons le projet de loi C-11, qui n'est plus entre les mains du comité de la Chambre des communes et qui devrait nous être renvoyé sous peu. C'est prévu.
Ce soir, nous entendrons Mme Mary Brooks, professeure et titulaire d'une chaire à la Faculté de commerce de l'Université Dalhousie. Je vous souhaite la bienvenue, madame Brooks. Nous sommes heureux que vous ayez accepté notre invitation.
Mary Brooks, professeure, chaire du commerce William A. Black, Université Dalhousie, à titre personnel : Je vous remercie beaucoup. Je vais d'abord vous dresser un portrait d'ensemble des besoins des expéditeurs concernant le système de transport et ensuite de la façon dont les transporteurs y répondent. Ainsi, vous aurez les points de vue des vendeurs et des acheteurs de services de transport. Les deux parties agissent sur les opérateurs de terminaux et leur façon de mettre à leur disposition les infrastructures nécessaires afin de bien gérer les importations et les exportations au Canada. Par la suite, je prendrai quelques minutes pour vous parler de l'adaptation de l'industrie aux changements mondiaux sur le marché des conteneurs, et je terminerai par un court exposé sur les attentes.
Pour les questions, j'ai pensé qu'il serait bon de déterminer quelques domaines au préalable. Une possibilité serait les investissements dans les infrastructures et le rôle du gouvernement. Mes collègues de l'Université Dalhousie et moi- même venons de terminer deux études sur le transport maritime à courte distance et sur le rôle qu'il joue; c'est une deuxième possibilité. En outre, l'an dernier, j'ai mené à bien un travail de recherche sur la sûreté maritime des conteneurs lorsque je travaillais à l'Université George Mason. Je suis donc disposée à répondre à des questions dans ces domaines, si vous le souhaitez.
Je commence donc par le début : le choix des transporteurs par les exportateurs. Les fabricants décident comment leurs produits seront acheminés sur les marchés en Amérique du Nord en se basant sur des critères qui varient selon le couloir commercial emprunté. Les choix peuvent être très différents suivant l'itinéraire. Il y a toujours un compromis à faire entre le coût du service et le temps de transport. Cependant, il n'y a pas de différences pour les fournisseurs sur certaines routes. Dans ce cas, les transporteurs se partagent le marché.
Le mauvais fonctionnement des terminaux, les retards et les questions de sécurité préoccupent certains expéditeurs et ceux-ci peuvent choisir de confier le transport de leurs marchandises à différents opérateurs afin de limiter ce qu'ils appellent le risque inhérent à l'itinéraire. Actuellement, ce risque constitue un élément majeur en ce qui concerne l'accès à Los Angeles-Long Beach vers le continent nord-américain. C'est donc un problème important à examiner.
Ce compromis que cherchent à trouver les expéditeurs entre le coût et le temps de transport a permis au port d'Halifax de s'occuper des cargaisons de qualité supérieure à acheminer vers Chicago, concurrençant ainsi le couloir de Montréal grâce à ses tarifs plus avantageux. Par exemple, l'Europe pourrait décider que la majeure partie de ses expéditions empruntent le couloir de Montréal, mais les marchandises haut de gamme passeront par Halifax.
J'ai mentionné que le coût, les services et la livraison sont tous des éléments importants. La fiabilité de la durée d'acheminement constitue un autre facteur clé sur le marché mondial actuel. Les expéditeurs sont prêts à payer pour que le temps de transport soit garanti, particulièrement ceux qui expédient des marchandises de grande valeur. Ce sont donc les expéditeurs qui prennent les décisions; les transporteurs doivent satisfaire à la demande. Suivant le couloir commercial choisi, les transporteurs peuvent y répondre différemment.
Si l'on veut comprendre la façon de penser des transporteurs, il faut d'abord savoir que leur but premier est de maximiser l'utilisation de leurs actifs, pour en obtenir le meilleur rendement possible. Pour ce faire, des sociétés comme Maersk ont opté pour l'utilisation de navires plus grands, afin de réaliser des économies d'échelle. D'autres sociétés, comme le CN, cherchent à minimiser les coûts selon la distance, car il faut que leurs locomotives et leurs voies ferrées soient utilisées pour être rentabilisées. Tous essaient de tirer le maximum de leurs actifs et cela se traduit par le développement de leurs réseaux et de leurs services pour accroître leur part de rentabilité sur le marché. Ils réduiront les distances pour arriver à leurs fins et pousseront les gouvernements à les appuyer dans ce sens. Aux États-Unis, ils exercent des pressions sur le gouvernement pour qu'il les aide à déplacer les voies afin de raccourcir les distances et de concurrencer les couloirs canadiens. Tout cela permet aux transporteurs d'occuper les segments de marché qui coûtent le moins cher à servir et qui permettent de réaliser la plus haute marge nette sur coût variable — si l'expéditeur est prêt à payer pour la fiabilité du temps de transport, bien entendu.
Voilà donc la tendance qui se dessine actuellement sur le marché. Le réseau de transport nord-américain fait face présentement à de graves problèmes d'engorgement et de retard sur certains itinéraires, dont aux États-Unis, ce qui entraîne un accroissement de l'activité aux points de passage canadiens; et comme tout le système nord-américain est saturé, on a besoin d'investir dans les infrastructures des points de transbordement. De plus, les mesures de sécurité viennent compliquer la situation. Pour ces raisons, on fait beaucoup pression sur les politiciens et les organismes de réglementation pour qu'on investisse dans l'aménagement de points de passage et de couloirs des deux côtés de la frontière.
Pendant ce temps, l'industrie des terminaux subit aussi des changements. En effet, beaucoup de transporteurs de conteneurs investissent de plus en plus dans les terminaux, tout en concentrant leurs activités. Les 20 principaux transporteurs contrôlent maintenant plus de 70 p. 100 de la capacité de transport dans le monde. Beaucoup de compagnies de navigation investissent dans les terminaux et rassemblent leurs services dans la chaîne d'approvisionnement. En 1991, les quatre plus grandes entreprises de manutention s'occupaient seulement de 15 p. 100 des cargaisons; aujourd'hui, elles en traitent environ 36 p. 100 et continuent de se consolider.
Selon l'entreprise Goldman Sachs, il est intéressant, pour les régimes de retraite, d'investir dans les sociétés d'exploitation de terminaux internationales, ce qui signifie que le marché est très fluide à l'heure actuelle en raison des investissements en infrastructures. Si nous ajoutons à cela les changements au Canal de Panama et le fait qu'il y aura de nouveaux débouchés d'ici sept à huit ans, nous voyons qu'il est très difficile de prédire quelles marchandises circuleront et par quels moyens, et quels seront les gagnants et les perdants dans ce secteur.
Aux États-Unis, certaines mesures à court terme ont été prises afin d'empêcher l'encombrement des ports. Certaines lignes maritimes ont dirigé leurs services vers les ports de la côte est ou ceux du nord-ouest du Pacifique. Vancouver a profité de cette situation et des stratégies de réduction du risque inhérent à l'itinéraire. Des terminaux ont imposé aux expéditeurs des restrictions sur le temps libre dont ils disposent. Ils ont déterminé des dates d'arrivée avant même le départ des bateaux et ont implanté des programmes tels que l'arrimage serré et l'installation de rails dans les bassins. Ils ont aménagé des terminaux intérieurs et des terminaux à conteneurs hors bassins. Le port de Los Angeles-Long Beach a implanté un programme novateur appelé PierPASS Inc. pour inciter les camionneurs à rouler en dehors des heures de pointe. Le transport par camions en période creuse constitue maintenant 40 p. 100 des activités de ce port. Il est intéressant de noter que les ports canadiens ont bénéficié de certains de ces avantages il y a très longtemps et que les ports américains s'en inspirent.
À quoi pouvons-nous nous attendre pour l'avenir? Le commerce international continue de croître. Tout le monde se demande quand cessera cette explosion. Selon moi, cela cessera quand les gens arrêteront d'acheter des articles à bas prix chez Wal-Mart, qu'ils commenceront à dépenser davantage pour le recyclage et qu'ils utiliseront moins de biens jetables. Et alors peut-être que cela ralentira. Actuellement, cependant, la croissance continue d'une façon exponentielle.
Aux États-Unis, en 2004, seulement trois ports avaient un excédent de capacité. Le canal du Panama est actuellement à 100 p. 100 de sa capacité. Les autorités de ce port ont pris la décision la semaine dernière d'adopter un plan d'agrandissement afin d'accélérer les délais de livraison.
Il y a beaucoup d'investissements dans les mesures qui permettent d'augmenter la capacité. Ainsi, beaucoup d'investissements sont effectués dans l'exploitation « côté ville ». APM Terminals investit 500 millions $US à Norfolk en Virginie pour un établissement privé, avec des fonds privés. Les fonds de l'État sont utilisés également pour investir dans les infrastructures « côté ville ». Les autorités espèrent que d'ici 2010, le corridor Heartland pourra diminuer d'une journée le temps de voyagement de Norfolk à Chicago, ce qui aura un effet négatif sur Halifax. L'investissement à Prince Rupert est considéré soit intelligent soit risqué, selon la personne à qui vous vous adressez, mais le terminal possédera les temps de livraison les plus rapides de Chicago à l'Asie du Nord, comparativement à Vancouver et à Los Angeles, c'est-à-dire à Long Beach. Je pense que Prince Rupert deviendra un élément essentiel des ports du sud des États-Unis, car les ports auront vraisemblablement de la difficulté à concurrencer avec cette option.
Voilà donc la situation du commerce international par conteneur. Il est certain que la côte ouest est l'endroit visé par le Canada pour participer à ce commerce, mais la côte est attirera également des intervenants en raison du transport par cargo. Les plus gros navires n'iront pas à Montréal, alors cela nous laisse l'option de Halifax. Je ne sais pas vraiment s'il y a une possibilité sur la côte est.
Il faut alors se demander quel rôle le gouvernement devrait jouer pour s'assurer que les Canadiens participent à ce qui est peut-être un boom de la consommation aux États-Unis.
Le gouvernement doit assurément investir à l'avantage de la population, et cet avantage consiste à diminuer la congestion des routes ou à améliorer la qualité de l'air, ou d'autres facteurs semblables. Le gouvernement doit également investir lorsque le projet est trop risqué ou nécessite des retombées trop rapidement pour le secteur privé. Je peux revenir sur cette question plus tard, si vous le désirez.
Le Canada a la possibilité de participer à tout cela, mais la fenêtre de possibilités se fermera dans cinq ou six ans. Nous avons la possibilité de modifier la dynamique du trafic et de nous faire une place dans l'accès de l'Amérique du Nord.
Je peux parler du transport maritime à courte distance et de la sécurité des conteneurs du transport maritime et je suis prêt également à discuter de l'investissement dans les infrastructures.
Le président : Les sénateurs ont peut-être des questions à poser; ensuite, je vais vous permettre de parler de ces questions.
Nous avons le plaisir d'accueillir ce soir le sénateur Cowan, le président du conseil de direction de l'Université Dalhousie.
[Français]
Depuis quelques années, il a été beaucoup question de l'initiative de la porte d'entrée de l'Asie Pacifique comme stratégie gagnante pour la diversification des échanges vers les marchés asiatiques pour le Canada. Mais il y a quand même de nombreuses voix, notamment au Canada atlantique, qui plaident pour la nécessité d'avoir deux portes d'entrée pour le marché asiatique de notre pays, l'une étant la porte du Pacifique, pour laquelle des efforts et des moyens considérables sont déjà déployés, l'autre étant celle de l'Atlantique.
Un concept de porte d'entrée de l'Atlantique venant d'Asie via le canal de Suez est en développement au Canada, mais on en parle encore très peu. En quoi une telle initiative serait-elle complémentaire avec la porte du Pacifique et quelles sont les différences entre les deux? Est-ce nécessaire d'avoir deux portes? Quelle est l'ampleur que pourrait avoir la porte Atlantique, comparée à celle du Pacifique?
[Traduction]
Mme Brooks : Si je peux clarifier votre question, est-ce que vous me demandez pourquoi nous devrions avoir deux points de passage et pourquoi ces deux points devraient être différents?
Le président : Oui.
Mme Brooks : Étant donné que la terre est ronde, tout dépend de la provenance des cargos et de leur destination. Si un cargo vient de l'Asie du Nord et s'en va à Chicago, il ne passera jamais par le point de passage de l'Atlantique. S'il vient de Malaisie, de l'Inde ou de l'Indonésie, il ne devrait pas passer ailleurs pour aller à Chicago. Cependant, nous avons une ligne naturelle qui se situe probablement quelque part entre Singapour et Hong Kong. Selon les estimés, le point de partage pour les deux points d'entrée se situe près de la Thaïlande.
Je pense que les deux points de passage seraient complémentaires, et non en concurrence.
Le sénateur Eyton : Je vais aller un peu plus loin avec ma question. Madame Brooks, vous avez parlé du transport des marchandises au Canada de manière générale. Le transport maritime à courte distance par conteneur doit être exploré plus à fond. Je suis associé à une entreprise qui a présenté des soumissions aux ports l'année dernière. Nous avons présenté des soumissions importantes pour quatre ports : Vancouver et Prince Rupert; San Diego; New Orleans; New York et New Jersey. Nous avons présenté des soumissions agressives dans tous les cas, mais nous avons perdu. Il y a beaucoup de capital en jeu dans les ports.
Je n'ai pas entendu parler d'occasions équivalentes pour la côte est. Il y a de l'argent en jeu, et les personnes comprennent que les ports sont en croissance, que ce sont des entreprises dynamiques. Les soumissions se situent entre 1 milliard et 3,5 milliards de dollars, des fonds qui proviennent tous du secteur privé. Dans notre cas, nous n'avons rien gagné, mais cela m'a montré qu'il y avait beaucoup d'argent en jeu.
Je n'ai pas entendu parler d'Halifax dans les conversations qui traitent de ce phénomène. Pourquoi? Je pense que Halifax est sous-utilisée et ne fonctionne pas à sa capacité complète. En cette période de prospérité sur la côte est, jusqu'au golfe du Mexique, et sur la côte ouest, jusqu'à Prince Rupert, il est étrange que le port de Halifax, qui est ouvert à l'année et qui est situé dans un emplacement idéal, ne reçoit pas d'attention ni d'argent. Quel est le problème?
Mme Brooks : Il y a quelques questions en jeu. Lorsque les personnes parlent d'acheter des ports, nous parlons d'acheter des baux de gestion des terminaux.
Le sénateur Eyton : Et l'infrastructure.
Mme Brooks : Oui, mais l'infrastructure est habituellement garanti par un bail à long terme. Actuellement, les marchés en capitaux considèrent cela comme un apport financier stable. La semaine dernière, au Transportation Research Board à Washington, Jeff Holt de Glodman Sachs a dit qu'il y a deux ou trois ans, lorsque les investissements, les fonds de pension, et cetera, ont décidé que l'exploitation des terminaux avec des baux à long terme étaient de bons investissements, alors ils ont fait monter le marché.
Vous avez demandé pourquoi Halifax n'est pas à la table. Les deux terminaux situés à Halifax ont changé de propriétaire depuis cinq ans.
Ceres s'occupe de la gestion à Fairview Cove. Ceres, qui est une filiale de NYK, a été achetée en 2002. Halterm Limited a récemment été achetée — je crois que la transaction a été conclue la semaine dernière — par le groupe Macquarie pour environ 19 $ l'action pour les unités négociées à la bourse de Toronto.
Étant donné que j'ai moi-même acquis des actions dans Halterm il y a longtemps, je dois dire que je les ai laissé aller lorsque je croyais ne jamais ravoir mon argent, mais si je les avais conservées une autre année, j'aurais eu 19 $ l'action et je m'en serais bien tirée.
Le marché a été réévalué, car il s'agit d'un très grand investissement et les fonds de pension cherchent des endroits où placer leur argent; ils veulent la placer dans des endroits qui existent déjà. Ils ne veulent pas placer leur argent là où il n'y a pas d'antécédents.
Le sénateur Eyton : Il y a peut-être de l'activité autour d'Halifax, mais je ne crois pas que cela puisse être comparé avec ce qui se passe dans les autres ports qui font concurrence à Halifax. Que pouvons-nous faire pour rendre ce port plus attirant?
Mme Brooks : La question de la capacité à Halifax est une question difficile, car tout le monde pense que la capacité à Halifax est si grande qu'il n'est pas nécessaire de faire quelque chose. Cependant, il n'y a pas tant de capacité que cela si un navire de la taille du Maersk accoste une fois par semaine décharger son contenu. Même si ce port semble avoir beaucoup de capacité, c'est en raison des opérations actuelles. Les opérations viennent compléter les chargements. On décharge 400 ou 500 boîtes d'un coup. On ne décharge pas 6 000 ou 7 000 boîtes, ni 8 000 boîtes d'un coup. Halifax n'a pas la capacité pour cela.
L'avenir du port de Halifax dépend des modèles d'affaire, s'ils resteront inchangés ou s'ils seront modifiés. Actuellement, la situation générale est fluide. Si le modèle d'affaire était modifié demain, alors il n'y aurait pas assez de capacité.
Le sénateur Eyton : Selon nos notes, Transports Canada a financé une étude sur la faisabilité d'un service d'approvisionnement de conteneurs à faible distance entre la côte est du Canada et les Grands Lacs, ce qui me semble une suite naturelle. Selon l'étude, la voie Halifax-Hamilton ne serait pas économiquement faisable même si la voie maritime était ouverte 12 mois par année, en raison de la concurrence du chemin de fer, du trafic insuffisant et des obstacles financiers. L'étude a identifié un certain nombre de défis à relever pour l'expansion du transport maritime à courte distance au Canada : l'insuffisance de l'infrastructure des ports, le manque de coordination entre les fournisseurs de transport, l'insuffisance du trafic de cargos, les contraintes saisonnières, les règlements des douanes et en matière de sécurité et le coût élevé des affaires — et je crois que cela inclus la main-d'œuvre.
C'est très négatif, mais je suppose que cette étude n'est pas à jour.
Mme Brooks : Non, en fait cette étude a été publiée l'année dernière par MariNova Consulting à Halifax.
Le sénateur Eyton : C'est très négatif.
Mme Brooks : Il y a un certain nombre de raisons pour lesquelles le transport maritime à courte distance sur cette voie ne permettrait pas de faire des profits. D'autres voies pourraient être profitables. Mais pas celle-là. Le transport à courte distance fonctionne bien lorsqu'il est en concurrence avec le transport par camion, car il s'agit de marchés différents. Le transport par rail, cependant, comporte trop de caractéristiques similaires au transport maritime à courte distance. Le transport par camion est différent, alors il est possible d'accaparer une partie de ce marché.
Le deuxième problème est que si vous exploitez un service au Canada, soit la voie Halifax-Hamilton, vous devez payer 25 p. 100 de droits pour votre navire lorsqu'il arrive à port. Il faut que le navire porte un drapeau qui respecte les règlements canadiens à ce sujet et qu'il respecte les normes de la Garde côtière, ce qui ajoute, selon une étude que j'ai faite avec Dick Hodgson il y a quelques années, plus de 50 p. 100 au coût en capital de l'exploitation du navire. Vous ne pouvez vous attendre à ce que le navire devienne soudainement concurrentiel quand il faut payer tous ces droits supplémentaires et se conformer à ces exigences supplémentaires, en plus de ce qui est exigé par l'Organisation maritime internationale dans les autres marchés.
Nous avons un problème. En plus de cela, si vous exploitez un nouveau service au Canada, vous devez payer un droit pour les opérations douanières en dehors des heures normales, alors que les services extérieurs sont déjà garantis. Cela signifie qu'il faut être situé dans un endroit qui a déjà un service.
Lorsque nous ajoutons tous ces coûts, je ne suis pas surprise du tout d'entendre que la voie Halifax-Hamilton n'est pas rentable. Elle comporte des coûts supplémentaires très lourds en raison de la réglementation.
Sur le littoral Est, il y a des problèmes différents en ce qui a trait au transport maritime à courte distance entre le Canada et les États-Unis. Ce problème porte sur la question des conteneurs le long du littoral Est. Si vous chargez un conteneur à Halifax et que vous le déchargez à New York, il faut payer des droits d'entretien des ports selon la valeur du cargo qui arrive dans un port américain, mais si la marchandise est transportée par camion, ces droits n'existent pas. Il faut donc négocier différentes politiques publiques entre le Canada et les États-Unis pour alléger le fardeau du transport international. Il y a des obstacles réglementaires dans les deux cas, qui sont très différents.
Le sénateur Eyton : C'est malheureux, et c'est très complexe. J'ai d'autres questions, mais je vais arrêter pour l'instant.
Le sénateur Phalen : Les témoins précédents qui ont comparu devant ce comité ont tous chanté les louanges du transport maritime sur courte distance par rapport à l'environnement, à la congestion des autoroutes, et cetera. Ils ont également dit qu'il y avait certains problèmes. L'un de ces problèmes est le cabotage. La Jones Act des États-Unis limite les navires canadiens les empêche de se servir de plus d'un port. Le Canada a-t-il fait quelque chose pour alléger ce problème ou pour amener les États-Unis à modifier la Jones Act?
Mme Brooks : Si nous avions demandé aux États-Unis d'apporter des modifications à la Jones Act, alors nous aurions été prêts à modifier nos lois en matière de commerce côtier. Nous avons des règlements similaires au Canada. Cela fait partie du problème du transport maritime à courte distance. Si vous voulez faire escale dans plus d'un port américain, vous devez battre pavillon américain, et si vous voulez faire escale dans plus d'un port canadien, vous devez battre pavillon canadien. Nous ne pouvons donc qu'offrir un service de navette. Il n'est pas possible d'effectuer des opérations triangulaires comme dans l'industrie du camionnage, qui permet aux camions d'être pleins tout le long du transport. Nous pourrions faire du lobbyisme auprès des Américains pour qu'ils modifient la Jones Act, mais je ne pense pas que nous aurions beaucoup de succès, car cela reviendrait au même. Nous devons regarder nos règlements et décider ce que nous voulons faire. Les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ont présenté un bon argument : on ne donne pas quelque chose sans recevoir autre chose en retour. Il n'est donc pas probable que nous puissions modifier nos lois sur le commerce côtier sans qu'eux aussi changent les leurs.
L'idéal serait de conclure un mémoire de coopération sur le commerce maritime à courte distance à la suite de négociations entre le Canada, les États-Unis et le Mexique qui s'appliquerait aux régions visées par l'ALENA.
Le sénateur Phalen : Vous avez parlé du problème de la règlementation canadienne en matière de transport et de pavillons. Fait-on quelque chose pour alléger le problème, pour offrir un environnement commercial favorable aux transporteurs maritimes à courte distance?
Mme Brooks : Lorsque l'on perçoit des droits ou une taxe pour aider une organisation, il faut que l'on voie les retombées de cela. Actuellement, nous percevons un droit de 25 p. 100 sur les navires étrangers afin de supposément aider à reconstruire l'industrie du transport maritime. Cependant, nous ne constatons pas que l'industrie du transport par navire se porte bien actuellement, alors je ne suis pas certaine que cela fonctionne. Ce droit existe uniquement pour appuyer l'industrie; mais cette industrie n'en voit pas les bénéfices. Ce droit ne fait rien pour l'industrie. Je ne pense pas que les Canadiens commandent plus de navires fabriqués dans des chantiers canadiens en raison de ce droit.
Le problème peut se régler facilement. Les droits perçus sont peu élevés, alors pourquoi laisser cette taxe en place? Cela fait plus de mal que de bien.
Le sénateur Phalen : Est-il vrai qu'en Europe, les transporteurs ont une réduction pouvant aller jusqu'à 35 p. 100 dans le cas du transport maritime à courte distance?
Mme Brooks : Tous les marchés de l'Europe sont différents, alors je ne peux pas dire si c'est vrai. Je n'ai pas entendu parler de ce type de réduction.
Le sénateur Phalen : Pourquoi obtiendraient-ils une réduction? Quel est le but de cette réduction?
Mme Brooks : D'après ce que je comprends, il y a des centres qui font la promotion du transport maritime à courte distance en Europe et ces centres s'efforcent de favoriser ce type de transport. Mais je ne pense pas que l'on accorde un rabais pour les cargos ou quelque chose de similaire. Je ne sais pas quelle est la source de votre information.
Le sénateur Phalen : Est-il avantageux pour le Canada d'utiliser le transport maritime à courte distance au lieu d'utiliser les autoroutes, en raison de la congestion et de tout le reste? Dans l'Ouest, il y a eu environ 500 millions de dollars d'investissement, et je pense que c'est surtout dans l'infrastructure. Ne serait-il pas mieux de faire du transport maritime à courte distance, particulièrement au Canada Atlantique, entre Halifax et New York, au lieu de congestionner les autoroutes?
Mme Brooks : Vous avez soulevé une question intéressante. Si l'on améliore le transport maritime à courte distance entre Halifax et New York, les premiers qui en bénéficieraient seraient les conducteurs automobiles qui utilisent l'autoroute I-95 dans les régions du Connecticut et de Boston. Il y aurait moins de camions canadiens sur les autoroutes et cela serait avantageux pour les automobilistes américains. J'aimerais bien que le transport maritime à courte distance sur cette voie connaisse une croissance, mais ce seraient les habitants de la Nouvelle-Angleterre qui en tireraient des avantages comme l'amélioration de la qualité de l'air.
Le sénateur Phalen : En ce qui a trait aux coûts, serait-il moins cher de faire du transport maritime à courte distance sur cette voie plutôt que du transport par camion?
Mme Brooks : Selon des études actuellement en cours à l'Université Dalhousie sur le transport maritime à courte distance, le transport maritime à courte distance deviendrait concurrentiel à partir de Philadelphie.
À mesure que vous descendez la côte, le temps de transit devient plus long et coûte moins cher. Le transport par camion et le transport maritime à courte distance sont à peu près équivalents au Massachussetts, et à mesure que vous descendez la côte, les prix du transport maritime à courte distance s'améliorent. Si un transporteur veut faire du transport à moindre coût, il choisira alors le transport maritime à courte distance. S'il veut un temps de transit plus rapide, il conservera le transport par camion. Il s'agit donc de savoir combien de camions le transporteur désire mettre sur les routes.
Le sénateur Phalen : Maintenant, j'ai une question difficile. Selon l'idée répandue, sur la côte ouest, il y a Vancouver et Prince Rupert, et sur la côte est, il y a Halifax et Canso. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de l'idée d'un port à Canso?
Mme Brooks : Canso est un port qui fonctionne bien actuellement; c'est le quatrième ou le cinquième en importance au Canada. Je n'ai pas vu les chiffres pour cette année, mais c'est un port de transport de volume. Il est situé en eaux profondes et possède d'excellentes qualités. Il est situé dans un emplacement merveilleux pour ce qui est du trafic vers les États-Unis et j'imagine qu'il connaîtra une croissance.
Les Américains ne veulent pas d'installations destinées aux gros pétroliers; ils ont peur de la pollution dans leurs ports. Ils continueront de faire venir les grands pétroliers de Canso, qui se déchargeront du pétrole puis quitteront leurs ports, puis ils feront venir les plus petits pétroliers aux États-Unis. Canso s'est très bien débrouillé avec les pétroliers; il fonctionne bien pour le regroupement, et cetera.
Actuellement, il n'y a pas de service de classe 1 à Canso. Dans peu de temps, il faudra un lien ferroviaire plus établi et plus viable. Je ne sais pas vraiment si les terres appropriées sont encore disponibles. L'installation de Bear Head a été un bon choix pour un terminal de conteneurs, mais elle a depuis été réorganisée.
Je ne sais pas si Canso pourra être vigoureux à ce titre. Selon mon opinion personnelle, le port devrait se fonder sur ses bases solides pour croître. Actuellement, il y a de la vigueur à Halifax et dans le système de Halifax. Cependant, Canso a très bien fonctionné jusqu'à présent.
Le sénateur Mercer : Il me semble que dans chacun des marchés dont nous parlons, il y a une niche pour le transport maritime à courte distance qui est unique à chaque port. À Halifax, par exemple, vous avez dit que le transport maritime à courte distance n'était peut-être pas économique au-delà de Philadelphie.
Mme Brooks : Non, en fait, c'est plus économique. Le problème, c'est qu'au-delà de Philadelphie, la demande diminue.
Le sénateur Mercer : En fait, je pensais au Sud en posant ma question. Je pense qu'une niche doit être comblée, les Caraïbes. Halifax n'y est pas, et ne le sera pas pour une courte période, mais j'espère qu'il se remettra sur pied. Actuellement, il n'y a pas de transport maritime à courte distance vers les Caraïbes en provenance des ports de la côte est canadienne. D'après ce que je comprends, le port de Halifax recherche désespérément un transporteur pour effectuer ce servir.
Mme Brooks : Il y a déjà eu un service à partir de Saint John au Nouveau-Brunswick. Je ne sais pas vraiment ce qu'il en est actuellement. Irving's Tropical Shipping et Kent Lines participaient à ce marché il y a quelques années.
Il faut un certain volume commercial pour pouvoir continuer à utiliser cette voie. L'autre possibilité, c'est d'envoyer la marchandise par camion au New Jersey ou à Miami et de mettre la marchandise sur un transporteur pour les Caraïbes. Je sais qu'actuellement, ce marché est utilisé. J'imagine que c'est plus cher que le transport de la marchandise par navire du début à la fin.
Je devrais peut-être vous expliquer les particularités économiques du transport par camion et du transport par navire. Un navire peut transporter beaucoup plus de marchandises qu'un camion, alors si vous n'avez pas un volume assez grand, le transport par camion coûtera toujours moins cher. Il faut avoir assez de volume pour faire du transport par un train ou par navire. On parle de gros transporteurs. Si la demande n'est pas assez élevée, alors ce type de transport devient un problème.
Le sénateur Mercer : Vous avez parlé du transport depuis l'Extrême-Orient, l'Inde, et cetera. Vous dites qu'il y a un point quelque part entre Taiwan ou le nord de Taiwan où il devient plus économique de passer par la côte ouest et où il est peut-être plus économique de passer par le sud que de passer par Suez. La China Shipping Container Lines ne brise- t-elle pas ce modèle actuellement, en passant par Suez pour aller à Halifax? Cette entreprise transporte presque exclusivement des produits pour Canadian Tire et elle va à Halifax.
Je suppose que les clients nord-américains demandent maintenant à leur transport de partager leur route et d'utiliser des ports sur la côte est et sur la côte ouest afin de ne pas dépendre uniquement des ports de la côte ouest. Cela s'explique par un certain nombre de facteurs — les retards dans les ports de la côte ouest, la situation de la main- d'œuvre dans les ports de la côte ouest comparativement à la main-d'œuvre dans les ports de la côte est et la proximité de la côte est avec les marchés américains. Est-ce que cela devient une tendance?
Mme Brooks : Je pense que c'est ce que j'ai commencé à dire ce soir, en parlant du concept de l'atténuation des risques dans les voies, car les voies qui empruntent la côte ouest sont vues comme étant plus risquées. Les entreprises choisissent trois grandes options : de l'Asie jusqu'au golfe du Mexique ou jusqu'à la côte est des États-Unis en passant par Panama; de la l'Asie jusqu'à la côte ouest; et de l'Asie jusqu'à la côte est en passant par Suez.
Vous avez raison; la China Shipping prouve que c'est une option. Je connais beaucoup de personnes à Halifax qui aimeraient que cette option soit utilisée davantage. D'un autre côté, il y a la question concernant la compagnie Maersk, qui s'est retirée la semaine dernière. Je pense que le retrait de Maersk s'explique par des pertes et les investissements assez importants, alors cela ne met peut-être pas en cause le modèle dont nous parlons.
Le sénateur Mercer : Moi aussi, j'ai été préoccupé lorsque j'ai vu que Maersk se retirait de Halifax. J'ai rapidement consulté les autorités du port et d'autres personnes en cause et j'ai compris que le retrait de Maersk de Halifax avait peu à voir avec Halifax et qu'il s'explique surtout par la situation mondiale. La compagnie a fait une grande acquisition il y a deux ans et cela n'a pas généré les volumes prévus, alors elle a dû diminuer ses activités. Et Halifax a été l'une des victimes. Comme Maersk l'a déjà fait, elle peut revenir si les choses changent.
Mme Brooks : C'est un secteur volatile.
Le sénateur Mercer : Exactement. Vous avez parlé de la voie Halifax-Hamilton. Dans cette voie, vous dites qu'il faut passer par Montréal. Il me semble que la voie Montréal-Hamilton serait beaucoup plus économique, d'autant plus que Montréal reçoit la majorité du marché européen destiné à la côte est.
Mme Brooks : Cela dépend de ce que vous transportez. Le problème qu'il y avait avec le service de Hamilton, c'est que lorsque vous faites du transport neuf mois par année, il n'est pas possible de demander aux transporteurs de choisir ce mode de transport plutôt que le transport par train. Le transport par train est très concurrentiel et cette concurrence existerait toujours s'il y avait une voie Montréal-Hamilton. Je ne pense pas que cette voie aurait plus de succès que la voie Halifax-Hamilton, en raison de la concurrence du chemin de fer qui est directe. Le transport par train n'entre pas en concurrence avec le transport maritime à courte distance dans la voie maritime de l'est, étant donné que les voies ferrées passent par Montréal et vont vers l'ouest avant de se diriger vers le sud. Les compagnies ferroviaires ne sont pas en concurrence avec le service des Grands Lac, alors c'est une possibilité. Je pense que Hamilton essaie encore d'obtenir un service à Oswego, aux États-Unis. Il y a encore des possibilités de développement pour le transport maritime à courte distance dans les lacs, tout comme dans le golfe et sur la côte ouest, de Vancouver à Seattle, à Oakland, et cetera.
Il y a d'autres options. Mais je ne suis pas certaine si ces options peuvent fonctionner lorsqu'elles entre directement en concurrence avec les compagnies ferroviaires.
Le sénateur Mercer : J'aimerais que vous nous disiez ce que vous pensez des avantages de Halifax et du port Hawkesbury, à Canso, s'il devenait un port pour conteneurs, et je veux parler de la capacité d'accueillir les navires d'une jauge supérieure à celle des navires Panamax. À Halifax, les deux ports peuvent recevoir ce type de navires, notamment les navires de la sixième génération qui s'en viennent. Sur la côte est de l'Amérique de Nord, il y a seulement deux ports qui ont cette capacité, soit New York et Halifax. Ai-je raison?
Mme Brooks : New York n'a pas cette capacité. New York espère avoir une capacité totale, mais ce port n'a pas fini son programme de dragage. Halifax a le même problème que New York lorsque les navires sont trop larges à l'extrémité supérieure; et même si les autorités sont actuellement en train de dégager les ponts MacDonald et MacKay à Halifax, le tirant d'air constituera toujours un problème pour les navires ayant une jauge trop importante. À New York, le pont Bayonne présente presque le même problème.
Sur la côte est, c'est le dernier endroit où les navires de jauge supérieure iront, étant donné que toute la côte est a un problème avec le tirant d'air.
À New York et au New Jersey, les autorités parlent beaucoup de démanteler puis de remplacer le pont Bayonne, et du coût que cela impliquerait. Je crois qu'il y aurait un problème similaire à Halifax. Lorsque les navires deviennent énormes, que faut-il faire s'il n'y a pas assez de place, même si le port est assez profond?
Le sénateur Mercer : Le problème à Halifax, c'est que nous avons deux ponts et un terminal à l'extérieur du pont.
Mme Brooks : Oui. Et il vient juste d'être vendu à Macquarie.
Le sénateur Mercer : Cela m'amène à ma prochaine question. La vente de Halterm à Macquarie a été conclue il y a environ 30 jours. Voyez-vous dans cette vente la possibilité que Macquarie, étant donné ses liens internationaux, apporte des affaires à Halifax?
Mme Brooks : Je crois que cela dépend de ce que Macquarie achètera. Le portefeuille de Macquarie actuel en matière de ports ne va pas nécessairement apporter plus d'affaires. Les investissements de Macquarie permettent à Halterm, qui était indépendant avant, de disposer de plus de fonds et d'une capacité accrue pour accéder à des fonds. Macquarie a également la réputation de former des partenariats publics-privés, alors je crois qu'elle pourra amener d'autres intervenants à la table. S'il y a une expansion de Halterm, je pense qu'il serait possible de l'agrandir et d'occuper l'espace qui appartient au port de Halifax. Il est possible que Halterm génère plus d'activités.
Une autre raison pour laquelle le terminal Ceres possède l'avantage actuellement, c'est qu'il est lié à NYK. C'est une filiale de NYK, et NYK est un partenaire d'alliance avec Orient Overseas Container Line, OOCL et d'autres groupes qui forment des alliances plus grandes à l'échelle internationale. Ces groupes apportent les compagnies des alliances dans ce terminal.
Le sénateur Phalen : Quand le dragage à New York sera terminé, est-ce qu'il pourra accueillir des navires d'une jauge supérieure?
Mme Brooks : Je ne sais pas, car New York est constitué de limon. Lorsqu'ils auront fini le dragage, ils devront recommencer, alors qu'à Halifax, l'emplacement est sur le roc. Ce n'est donc pas la même chose. Canso ne possède pas ce problème de limon. Cependant, le reste du littoral de l'Est le même problème.
Le sénateur Phalen : Canso est assez profond maintenant, n'est-ce pas?
Mme Brooks : Oui.
Le sénateur Mercer : J'ai une question au sujet de l'infrastructure à l'extérieur du port. Comme vous pouvez le constater d'après mes questions, je viens d'Halifax. Je pense que les deux terminaux de Halifax sont les meilleurs. J'ai grandi à quelques coins de rue du terminal de Ceres et j'ai visité Montréal et d'autres ports.
Il me semble qu'un des problèmes que nous avons, et que Vancouver a aussi maintenant, c'est l'infrastructure à l'extérieur du port. Le gouvernement fédéral devrait-il s'occuper de cela, peut-être en mettant au point des programmes d'infrastructure qui visent spécifiquement le transport?
Mme Brooks : Même si la construction du terminal APM à Norfolk, dans l'État de Virginie, coûtera 500 millions de dollars américains en investissement privé, c'est l'État qui paie la relocalisation. Elle paie les échangeurs de l'autoroute qui desservent le terminal. L'État conclut des ententes avec d'autres États afin d'aider le corridor Heartland, de favoriser son développement afin que les biens puissent passer de Norfolk à Chicago plus rapidement, soit un jour de moins. Tout cela est fait avec l'argent du gouvernement.
Dans les ports américains, l'infrastructure du côté terrestre est financée en majorité par l'État. Ils considèrent que c'est un bien public, car cela permet de diminuer la congestion, d'améliorer la qualité de vie des résidents aux alentours, et cetera.
L'infrastructure du côté terrestre des ports aux État-Unis de la frontière est, de manière générale, financée par l'État, et non le gouvernement fédéral.
Le sénateur Mercer : Est-ce que le gouvernement fédéral participe d'une manière quelconque?
Mme Brooks : Le gouvernement fédéral participe, mais il n'injecte pas autant d'argent que le Canada le ferait normalement. Lorsqu'il y a un financement public au Canada, c'est souvent un partage moitié-moitié entre le gouvernement fédéral et les provinces. Dans la construction des autoroutes, par exemple, c'est la norme. Ce n'est pas le cas aux États-Unis; ils n'ont pas tendance à faire les choses de cette manière.
Le sénateur Zimmer : J'ai rencontré deux hommes du CN ce matin et ils me parlaient de l'infrastructure et du rôle du gouvernement. Ils m'ont également parlé de deux possibilités en matière de transport : une autre voie ferrée pour doubler les voies qui traversent le pays et une autre autoroute transcanadienne. Bien sûr, je sais quelle option ils privilégient. Que pensez-vous de ces deux options ou de la combinaison des deux? La deuxième partie de ma question consistait à vous demander qui payait pour cela, mais vous avez déjà répondu en quelque sorte.
Mme Brooks : C'est difficile à répondre, car les deux types de services répondent à des besoins très différents. Le transport par train est bon pour un transport au-delà de 700 kilomètres. Le Canada est un grand pays. Les trains sont un bon moyen pour le transport du fret. Les autoroutes sont efficaces pour le transport sur courte distance. Si nous avions une autoroute transcanadienne tout à fait intacte, à deux voies dans les deux sens, ce serait mieux pour le transport par camion et même pour les conducteurs automobiles. Au Canada atlantique, de grandes parties de cette autoroute ne comportent qu'une seule voie dans chaque sens, et l'on aurait besoin de deux voies, d'une vraie autoroute transcanadienne.
Le transport par train et le transport par camion répondent à différents besoins, alors je ne peux pas dire que l'une option est préférable à l'autre. Les Canadiens ont besoin d'un réseau qui fonctionne bien. Les réseaux sont comme les artères de notre corps. Si une partie ne fait pas son travail, le système bloque et il y a congestion. Le commerce ne se fait pas facilement, les personnes ne peuvent pas voyager facilement et le système ne fonctionne pas de manière efficace.
Le sénateur Zimmer : Je crois que la solution dont ils parlaient ce matin était de combiner le transport par train et le transport par camion, en fonction des provinces. Par exemple, en Saskatchewan, il serait insensé de construire une autre autoroute transcanadienne parce qu'il n'y a pas beaucoup de problèmes de circulation. Ils ont dit que dans certaines parties du pays, il faudrait les deux options, selon le terrain et la géographie et le service offert.
Le sénateur Adams : Vous avez parlé de différents acheteurs, alors j'aimerais en apprendre plus sur les Asiatiques et les Américains. Vous avez dit que pour aller aux États-Unis, il faut payer un tarif supplémentaire de 27 p. 100. Les Américains achètent certains des terminaux dans les ports. Si les terminaux appartiennent à des entreprises américaines, sont-elles encore soumises à des tarifs? Qui collecte ces fonds? Vous avez dit qu'il ne faudrait pas changer la politique qui réglemente les terminaux entre le Canada et les États-Unis.
Mme Brooks : Je pense que vous parlez de la question des tarifs et du 25 p. 100 qui s'appliquent lors de l'acquisition d'un navire. Les Américains ont un problème différent. Au lieu de devoir payer 25 p. 100 pour le navire, ils doivent commander leur navire à un chantier maritime américain; ils ne peuvent utiliser un navire qui n'a pas été construit dans un chantier maritime américain. Les chantiers maritimes américains font leur argent en construisant des navires militaires, alors vous pouvez imaginer le prix qu'un propriétaire de navire américain doit payer pour ses navires. Les acheteurs de différents marchés ont des structures de coût assez différentes, ce qui les rend non concurrentiels avec d'autres qui pourraient fournir le service ou offrir d'autres voies.
En ce qui a trait aux acheteurs de services de transport asiatiques, la plupart des navires en partance de l'Asie viennent en Amérique du Nord pour desservir le marché du commerce au détail nord-américain. Les décisions sont prises par Wal-Mart, Home Depot et Sears, les grandes entreprises qui contrôlent les produits que vous et moi achetons dans les magasins. Les entreprises comme Dell, par exemple, ont fondé leur modèle d'affaire sur le transport par camion, sur le concept de l'entrepôt mobile. Soyez certains que les très grandes entreprises prennent des décisions sur les voies qui sont utilisées et qu'elles tiennent compte de tous les détails; elles vont choisir les fournisseurs, les voies, les portes d'entrée et les corridors qui leur offrent le meilleur service au prix le plus bas.
Le sénateur Adams : Vous avez mentionné que certains terminaux n'ont pas de grands entrepôts dans les environs du port. La plupart des conteneurs qui sont déchargés n'ont pas besoin d'aller en entrepôt. Le gel n'est pas un problème, les conteneurs n'ont même pas besoin d'être à l'abri de l'eau. Est-ce que les personnes achètent cela?
Mme Brooks : Je ne suis pas certaine d'avoir compris votre question.
Le sénateur Adams : Les conteneurs ne sont pas entreposés dans des entrepôts. Je suppose que cela est plus commode pour les gros navires qui font escale et qui déchargent leurs conteneurs. J'ai vu au canal Discovery une émission sur le système des ports et leur mode de fonctionnement pour déplacer ces conteneurs.
Mme Brooks : Tout dépend de la destination du conteneur. Dans certains marchés, le conteneur sera déchargé du navire puis chargé dans un wagon et envoyé immédiatement, par exemple, à Toronto, alors que d'autres conteneurs sont déchargés puis transportés par camion sur de courtes distances. Parfois, les conteneurs restent dans les terminaux lorsqu'il n'est pas nécessaire de les transporter rapidement et lorsque l'expéditeur n'est pas pressé parce qu'il a beaucoup de stock en réserve. Il arrive aussi que l'expéditeur s'attende à un service très rapide, par exemple il peut vouloir que le conteneur soit livré le lendemain à Toronto.
Ces décisions d'affaires sont prises à une très grande échelle, ce qui n'existait pas il y a 30 ans alors que le transport de fret en était à ses débuts dans les ports du Canada.
Le sénateur Adams : Vous avez mentionné que les Américains parlent d'agrandir ou d'élargir le canal.
Mme Brooks : Oui. Le canal du Panama pourra accepter les navires d'une jauge supérieure à celle des navires Panamax. Les travaux devraient être terminés en 2014, et la semaine dernière, un plan a été approuvé pour accélérer le processus. La majorité des personnes croient que le canal pourra recevoir des navires de jauges supérieures, mais les derniers navires de Maersk, le Emma Maerks, sera encore trop grand pour le canal du Panama une fois qu'il aura été agrandi en 2013 ou en 2014. Les navires sont donc de plus en plus grands, plus grands que les infrastructures mises en place à Panama.
Le sénateur Adams : J'habite au Nunavut et c'est pourquoi je vais vous poser une question sur le réchauffement climatique. Il n'est pas question pour le Canada d'avoir un port arctique dans l'avenir. Je ne sais pas combien de kilomètre de glace permanent à Ellesmere Island s'est déplacé l'année dernière. Il n'y avait plus de glace en juin. Vous parlez des travaux du canal de Panama qui seront prêts en 2013. Mais d'ici à 2020, les navires pourront passer par l'Arctique.
Mme Brooks : Je comprends que vous compétitionnerez avec Churchill, qui s'intéresse au même marché.
Le sénateur Adams : J'ai travaillé à Churchill lorsque les Russes s'en venaient, dans les années 1950 et les années 1960.
Le sénateur Trenholme Counsell : Selon vous, quel rôle le port de Belledune jouera-t-il sur la côte Atlantique? Je sais ce qu'ils veulent, mais est-ce que vous croyez que cela se réalisera?
Mme Brooks : Je pense que Belledune a essayé d'acquérir un service de transport maritime à courte distance entre Belledune et Terre-Neuve l'année passée. Je ne suis pas certaine. Ce serait une voie plus rapide vers Terre-Neuve que l'option actuelle qui passe par Sydney, mais je n'en ai pas entendu parler davantage.
Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce qu'ils font du transport par navire actuellement? Je devrais savoir cela, étant donné que je viens du Nouveau-Brunswick, mais je ne le sais pas.
Mme Brooks : Oui, il y a un port de stockage.
Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce qu'il s'agit de bois d'œuvre ou de billots?
Mme Brooks : Je ne sais pas vraiment ce que Belledune fait comme opérations.
Le sénateur Johnson : Et quelles voies du transport maritime à courte distance à l'intérieur du pays et à l'échelle internationale sont les plus rentables pour améliorer la qualité de l'air et pour diminuer la congestion du transport par chemin de fer et par camion, la pollution par le bruit, la consommation de l'essence et le coût de l'entretien des routes? Je dis cela par rapport aux modifications politiques qui seront nécessaires pour faciliter le développement du transport maritime à courte distance sur ces réseaux.
Mme Brooks : Un des trois corridors les plus touchés par la congestion et pour lesquels le transport maritime à courte distance pourrait diminuer la congestion est le corridor I-5 sur la côte ouest. La frontière Blaine qui est située dans cette région est le quatrième plus important point de passage vers les États-Unis, et il y a beaucoup de congestion. On fait des investissements dans l'infrastructure, mais s'il était possible de diminuer la circulation de ce point de passage et des routes qui vont jusqu'à la région de Seattle, où je pense que le corridor I-5 est très touché par la congestion, alors ce serait une bonne solution.
Le deuxième endroit serait le pont Ambassador, qui est également assez touché par la congestion; s'il y avait un transport maritime qui pouvait alléger les problèmes de congestion dans cette région, ce serait bien. Mais il est presque impossible que cela se réalise tant que les Américains ne diminueront pas les taxes d'entretien du port. Actuellement, cette voie alimente le marché de l'automobile, et la taxe sur la valeur du cargo serait très élevée.
Le troisième point où il y a beaucoup de congestion, c'est le corridor I-95, dont nous avons déjà parlé ce soir. Pour atténuer la congestion, ce sont donc les endroits où le transport maritime aurait un grand impact.
Je ne sais pas vraiment quel impact il aurait sur la qualité de l'air. Des études sont en cours actuellement, mais je ne sais pas encore quels sont les résultats. On n'a pas la réponse en matière de qualité de l'air, car les camions émettent certains types d'émissions qui ne sont pas désirables et les navires en émettent d'autres types. Les navires émettent davantage de soufre, ce qui génère plus de pluies acides. Cependant, si vous transportez en gros volume, il est mieux de le faire par navire, car cela permet de transporter plus de marchandises. En termes de tonneaux, les navires rejettent moins d'émissions.
Je suis certain que vous avez entendu parler de l'empreinte du carbone. On parle de la quantité de carbone qui est émise à chaque fois qu'une personne prend l'avion.
Mme Brooks : Oui.
Le sénateur Johnson : Le premier ministre de la Grande-Bretagne et le prince Charles, parmi d'autres, se sont fait dire qu'ils battront des records avec leur empreinte du carbone d'ici la fin de l'année. Afin d'aider l'environnement, chaque personne est supposée planter un arbre afin d'atténuer la quantité de carbone qu'elle a émise.
Avec toutes les émissions qui sont rejetées dans l'atmosphère, ne devrions-nous pas faire la même chose avec cette industrie? Est-ce réaliste? Au moins, une personne peut dire qu'elle contribue après avoir pris l'avion 6 000 fois au cours de l'année. Le transport par camion génère beaucoup d'émissions.
Mme Brooks : L'un des plus grands marchés en croissance dans le transport est le transport de fret aérien; à chaque fois que nous commandons quelque chose de Amazon.com et que c'est livré par FedEx, nous contribuons au problème des émissions atmosphériques.
Le sénateur Johnson : Toutes ces émissions de carbone produisent des gaz à effet de serre.
Mme Brooks : Si nous, les consommateurs, étions moins impulsifs et n'exigerions pas de recevoir nos commandes le lendemain mais plutôt deux semaines plus tard, alors la marchandise serait peut-être transportée d'une manière qui respecte plus l'environnement.
Le sénateur Johnson : C'est une autre question que nous pourrions couvrir de long en large. Pendant combien de temps pouvons-nous soutenir le consumérisme de notre société? Ce consumérisme est un mouvement à l'échelle mondiale. Regardez la Chine, par exemple.
Mme Brooks : Le transport bénéficie largement de ce consumérisme actuellement.
Le sénateur Johnson : Toute cette activité commerciale de l'expédition a-t-elle rendu la mondialisation possible?
Mme Brooks : Absolument.
Le sénateur Johnson : Qu'est-ce que nous nous faisons? Je vous invite tous à lire le nouveau livre de Cormac McCarthy qui s'intitule The Road. Lisez-le, et vous ne vous ne inquiéterez plus du transport, ni de rien d'autre dans le monde.
En ce qui a trait à ma merveilleuse province du Manitoba et à ce qui se produit à Churchill, je suis certain que vous êtes au courant au sujet des Russes — les Russes viennent à la Baie d'Hudson; ils ont hâte de développer ce port. Pouvez-vous me dire ce que vous pensez de ce développement?
Churchill est le port en eau profonde le plus viable du pays. Existe-t-il un potentiel pour un réseau nordique? Je sais que la glace polaire s'en va et que nous devons faire face à toutes ces conditions environnementales dans le nord actuellement. Étant donné les problèmes de congestion et autres qui touchent nos routes, croyez-vous qu'un réseau nordique pourrait être mis en place?
Mme Brooks : Je ne suis pas vraiment au courant de ce qui se passe avec Churchill, mais je vais faire deux commentaires. Premièrement, j'imagine que Barry Prentice, de l'Université du Manitoba, vous dira que le transport par avion est l'avenir.
Le sénateur Johnson : C'est vrai.
Mme Brooks : Deuxièmement, je crois qu'il y a un problème avec le pergélisol à Churchill, ce qui pourrait avoir un effet négatif sur le transport terrestre de fret en provenance ou en direction de Churchill. Le réchauffement peut ouvrir un passage dans l'océan, mais il peut causer des problèmes du côté terrestre.
Le sénateur Johnson : Le réchauffement climatique ferait fondre nos routes d'hiver, alors toutes ces choses ne sont probablement pas des options viables.
Mme Brooks : Nous en revenons au point de départ, lorsque je parlais de la voie Halifax-Hamilton. S'il faut un réseau, il doit être disponible 365 jours par année, sinon les manufacturiers n'aimeront pas cela. Les Américains pensent que Prince Rupert n'est pas une bonne idée, que c'est risqué, car ils croient que les parties hivernales des Rocheuses canadiennes ne sont pas bonnes pour le fret en hiver. Je ne sais pas si c'est le cas, mais je suis certaine que le CN fait de son mieux pour s'assurer que ce n'est pas un problème lors du transport dans cette voie.
Le sénateur Mercer : Je pense que nous venons de toucher seulement à la pointe de l'iceberg en parlant de Churchill et des autres ports. Je voudrais revenir à ce que vous avez dit plus tôt en réponse à la question du sénateur Phalen sur le détroit de Canso. Je pense que le détroit de Canso a un potentiel énorme. Vous avez parlé de l'attitude des Américains en ce qui a trait aux grands pétroliers qui viennent dans leurs ports. C'est la même chose pour le gaz naturel liquéfié. Nous avons été témoin de cela dans la Baie Passamaquoddy, et nous sommes prêts à accepter sur la côte est des terminaux de gaz naturel, ou du moins nous faisons semblant d'être prêts à les accepter.
Pensez-vous que c'est un changement, au moins sur la côte est, alors que certains de nos ports — pas nécessairement Halifax, mais d'autres ports — envisageraient éventuellement de devenir des terminaux pour des grands pétroliers ou navires-citernes transporteurs de gaz naturel liquéfié? Nous avons seulement parlé du détroit du Canso. Y a-t-il d'autres ports le long de la côte qui pourraient être intéressants à ce niveau, mais qui n'ont pas l'infrastructure nécessaire?
Mme Brooks : Je crois que Canso était au bon endroit au bon moment lors du développement du commerce des pétroliers au début des années 1990, car une raffinerie dans le golfe avait fermé ses portes; cela a généré de la place pour les pétroliers. Lorsque l'accident du Exxon Valdez a eu lieu en Alaska, les Américains ont adopté la Oil Pollution Act of 1990, car ils ne voulaient pas qu'un autre déversement de la même magnitude se produise à l'intérieur de leurs frontières.
Canso possède des réservoirs de stockage et une possibilité d'accès en eau profonde qui lui permet de tirer avantage de ces possibilités. Si l'on parle d'un nouveau site, c'est une autre question. Il faut alors investir dans des réservoirs, et cetera, alors que Canso possède déjà toute cette infrastructure. Canso était prêt au bon moment. Mais je ne sais pas vraiment quelles sont les possibilités d'affaire pour les autres ports à ce sujet. Je crois que c'est différent dans chaque cas.
Le sénateur Mercer : Qu'en est-il du gaz naturel liquéfié?
Mme Brooks : Le gaz naturel liquéfié, ou le GNL, c'est une autre question, car actuellement, les Américains sont plus à l'aise avec l'idée d'un pipeline de gaz naturel liquéfié. Ils ne veulent pas voir des navires-citernes remplis de GNL faire escale dans des centres où il y a une population nombreuse, sur la côte est. Pour moi, l'avenir se situe dans les pipelines, et non dans les navires-citernes.
Le sénateur Johnson : Je ne pense que nous avons parlé des changements politiques qui pourraient, selon vous, être apportés pour le développement des opérations sur ces réseaux. Avez-vous proposé au gouvernement fédéral des modifications de politiques qui pourraient aider à atténuer la congestion des routes au pays et à l'échelle internationale?
Mme Brooks : Vous parlez du réseau du transport maritime à courte distance?
Le sénateur Johnson : Oui, c'est le sujet de notre étude.
Mme Brooks : L'étude que nous avons effectuée l'année dernière sur le transport maritime à courte distance nous a amenés à établir un programme politique qui pourrait être examiné par le gouvernement. Nous avons notamment abordé la question de la taxe d'entretien des ports américains, autrement dit, nous suggérons de négocier. Je pense que si le Canada s'unissait avec le Mexique pour dire aux Américains qu'ils ne devraient pas y avoir de taxe d'entretien pour tous les cargos provenant des pays de l'ALENA, cela favoriserait le développement du transport maritime à courte durée, car actuellement, ce sont les Américains qui paient pour le transport intérieur. Cela favoriserait leur propre industrie du transport maritime à courte distance, l'industrie Canada-États-Unis ainsi que l'industrie Mexique- États-Unis. Je crois qu'une exclusion dans le cadre de l'ALENA serait très favorable. Nous avons suggéré cela.
Nous avons suggéré que les douanes ne perçoivent pas de tarifs pour le développement de nouvelles installations. En raison des clauses actuelles sur les tarifs acquis, il n'est pas possible de faire preuve de créativité dans le développement de nouvelles voies, ce qui se traduit par de la congestion et des plaintes. Nous avons suggéré de diminuer les tarifs pour l'établissement de nouveaux services.
Il y a un problème avec l'exigence de préavis maritime du Département de la sécurité intérieure en ce qui a trait au transport par camion et par avion. L'exigence de préavis est très serrée. Dans le transport maritime, il faut annoncer 24 heures à l'avance avant de faire un chargement, ce qui constitue un obstacle pour le transport par fret, qui est très lent. Comme nous l'avons vu sur la côte est, le homard est encore dans l'eau au moment où il faut aviser le département du nombre de transporteurs qui emprunteront la voie. C'est un peu difficile de respecter ces conditions.
Nous avons également abordé la nécessité d'enlever toutes les contraintes politiques qui sont clairement des contraintes. Habituellement, lorsqu'il y a des modifications d'orientation politique, l'on modifie les choses qui sont vraiment évidentes et alors les choses moins évidentes prennent soudain de la valeur, et je crois que ce serait une bonne approche à prendre.
Le sénateur Zimmer : Ma question est liée avec ce que le sénateur Johnson a demandé au sujet de la viabilité de Churchill. Il y a toujours eu des discussions au sujet des ports intérieurs, à Winnipeg et à Saskatoon. Que pensez-vous des ports intérieurs, dans un scénario où Churchill serait viable?
Mme Brooks : Je pense que le terme « port intérieur » ne s'applique pas à un port comme Churchill. Pour les Américains, tout point d'accès est un port. Sweetwater, au Montana, est un port selon les Américains. Les ports intérieurs sont des endroits où l'on peut échanger des cargos. Les conteneurs maritimes qui sont apportés puis transportés par chemin de fer arrivent à un port intérieur et sont chargés dans des camions. Les Américains utilisent ce terme pour désigner les plaques tournantes. Cela signifie que Churchill est situé dans un emplacement où il ne devrait pas être.
Il serait possible d'avoir un port intérieur en Saskatchewan, par exemple, qui desservirait le transport provenant de Vancouver ou de Prince Rupert, et aussi à Winnipeg. Il serait possible d'avoir un port intérieur le long d'une voie ferrée, selon la terminologie américaine. Nous venons juste d'accepter ce terme au Canada, alors que nous avons dans l'idée que les ports sont situés sur un plan d'eau.
Le sénateur Eyton : Dans votre réponse à la question du sénateur Johnson, vous avez parlé d'une étude. J'aimerais m'assurer que nous avons bien un exemplaire de cette étude.
Mme Brooks : L'étude dont j'ai parlée porte sur le transport maritime à courte distance et est disponible dans Internet. Je peux vous fournir l'adresse du site. C'est www.management.dal.ca/Research/ShortSea.php. Vous pouvez ainsi accéder directement à l'étude, et elle peut être téléchargée. Je suis certaine que vous pouvez également obtenir une copie de l'étude auprès de Transports Canada.
Le sénateur Eyton : Qu'entend-on par courte distance? À partir de quelle distance on ne parle plus de transport maritime à courte distance?
Mme Brooks : Transports Canada s'est déjà penché sur cela il y a un certain temps et a élaboré une définition : tout transport qui n'est pas transocéanique. Un transport jusqu'à Mexico est donc un transport maritime à courte distance.
Le président : Merci beaucoup de votre contribution, c'est très important pour notre étude.
La séance est levée.