Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 8 - Témoignages du 21 février 2007
OTTAWA, le mercredi 21 février 2007
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 18 h 18 pour étudier en vue d'en faire rapport le trafic du fret conteneurisé actuel et éventuel manutentionné par les ports à conteneurs de la porte d'entrée du Pacifique, les ports à conteneurs de la côte est et les ports à conteneurs du Centre du Canada, sur les principaux marchés importateurs et exportateurs desservis par ces ports et sur les politiques actuelles et futures à cet égard.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Aujourd'hui nous poursuivons notre étude sur les politiques actuelles et futures à l'égard du trafic du fret conteneurisé.
Nous avons le plaisir d'accueillir ce soir l'honorable Angus MacIsaac, vice-premier ministre et ministre des Transports et des Travaux publics du gouvernement de la Nouvelle-Écosse ainsi que David Oxner, directeur, Initiative de la porte d'entrée, ministère des Transports et des Travaux publics de la Nouvelle-Écosse.
Monsieur MacIsaac, je vous en prie.
L'honorable Angus MacIsaac, député provincial, vice-premier ministre et ministre des Transports et des Travaux publics, province de la Nouvelle-Écosse : Merci beaucoup, madame la présidente et mesdames et messieurs les sénateurs. Je vous remercie de me donner l'occasion de me présenter devant le comité ce soir.
Je vais vous entretenir des incroyables possibilités que représentent pour le commerce tant la côte est du Canada que l'Extrême-Orient. En effet, l'Extrême-Orient n'est pas si éloigné que l'on avait tendance à le croire. La côte est du Canada envisage l'énorme croissance en Asie comme l'occasion à saisir pour établir une porte d'entrée canadienne par la Nouvelle-Écosse. Selon Transports Canada, une porte d'entrée est une région géographique à travers laquelle passent le trafic du fret ou des passagers en empruntant un éventail de moyens de transport, de son point d'origine à sa destination ultime.
Comme nous le savons tous, la Nouvelle-Écosse sert de porte d'entrée pour le Canada et l'Amérique du Nord depuis fort longtemps. Les premiers colons sont arrivés au Canada par la Nouvelle-Écosse. Durant les deux guerres mondiales, la Nouvelle-Écosse a joué un rôle essentiel dans l'envoi de ravitaillement et de troupes en Europe, et elle a accueilli les femmes et les enfants qui cherchaient un refuge sûr contre la guerre. De nos jours, l'océan joue toujours un rôle important dans bien des collectivités de la province.
La Nouvelle-Écosse a transféré plus de 3 millions de passagers aériens et de 200 000 passagers de navires de croisière en 2006. La province occupe une position stratégique lui permettant d'accroître son volume grâce aux nouvelles mesures américaines en matière de contrôle douanier préalable et aux initiatives en cours de l'Atlantic Canada Cruise Association.
La Nouvelle-Écosse possède le port à conteneurs le plus profond de la côte atlantique nord-américaine et est en mesure d'accueillir les plus gros navires à conteneurs du monde. Le port d'Halifax possède deux terminaux de transbordement ayant une capacité de 900 000 équivalents vingt pieds, ou EVP, et a la possibilité de prendre une expansion pouvant atteindre 1,2 million d'EVP. La province est dotée d'un excellent transport maritime à courte distance vers Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Angleterre, St-Pierre et Miquelon, les Caraïbes, le centre du Canada et Cuba. Le Canadien National y assure deux fois par jour une liaison ferroviaire à deux niveaux de chargement vers les marchés du centre du Canada et des États-Unis, et possède également d'excellentes liaisons routières.
Entre 1991 et 2001, le Port d'Halifax a connu la même croissance que les autres ports nord-américains. De 2001 à 2005, notre croissance a subi un ralentissement qui s'explique par la consolidation des marchés et aussi par le fait que nous nous trouvons en fin de ligne en ce qui a trait au trafic commercial asiatique en transbordement vers les ports de la côte est en passant par le canal de Panama. Pour ce qui est du volume, nous occupons pour le moment une place de moindre importance, mais nous avons encore la possibilité de prendre de l'expansion. Halifax affiche une grande diversité dans la répartition de ses activités. Nous n'avons pas mis tous nos oeufs dans le même panier ou, du moins dans ce cas, dans le même marché.
Le système de transport du Canada déplace pour plus de 1 billion de dollars de marchandises chaque année, ou 2 millions de dollars par minute. Le transport est l'un des secteurs économiques les plus importants, il procure de l'emploi à plus de 800 000 personnes.
La croissance du commerce mondial est alimentée par les pays asiatiques. Cette croissance emprunte dans une large mesure le trafic du fret conteneurisé. Parmi les ports les plus occupés de la planète, cinq se trouvent en Chine. Les indicateurs de la taille et de la puissance de la région de l'Asie comprennent notamment de grands ports, des bâtiments, des installations de fabrication de matériel électronique et le quart des grandes fortunes privées dont les avoirs dépassent 30 millions de dollars américains.
Worldmapper est un programme qui permet de remodeler ou de remettre à l'échelle le monde à partir des données qu'on lui fournit. Cette carte du monde est établie en fonction de données géographiques. Si on regarde l'Amérique du Nord, la couleur jaune moutarde de l'Inde et le vert de la Chine, on peut se servir de cette carte pour comprendre pourquoi le monde est en train de changer et dans quelle mesure ce changement a des répercussions sur la Nouvelle- Écosse en tant que porte d'entrée de l'Amérique du Nord.
Regardez qui fabrique des ordinateurs. Si nous avions regardé cette carte il y a cinq ans, elle nous aurait montré une image entièrement différente. Maintenant, qui achète ces mêmes ordinateurs et comment sont-ils transportés vers l'Amérique du Nord? Ils voyagent au moyen de conteneurs. Le monde entier réuni traite le tiers du volume de conteneurs manutentionnés par la Chine.
La carte établie en fonction de la dimension du territoire montre le volume chargé et déchargé. De 1995 à 2001, l'Asie a supplanté l'Europe à titre de première aire de chalandise du monde. Depuis 2001, l'Asie domine le commerce mondial. Qu'est-ce que ce changement signifie pour la Nouvelle-Écosse et le Canada?
La Nouvelle-Écosse possède deux des principales priorités du gouvernement fédéral, et l'une d'elles est la porte d'entrée. Notre gouvernement est à même d'évaluer les énormes possibilités du point de vue économique que la porte d'entrée peut représenter pour notre province, la région de l'Atlantique et le Canada. L'un de nos principaux objectifs consiste à s'assurer que le gouvernement fédéral comprenne l'importance nationale du rôle de la Nouvelle-Écosse dans la chaîne d'approvisionnement mondiale et la compétitivité commerciale de notre pays.
Le Canada atlantique est un petit marché local. Il faut que nous soyons concurrentiels du point de vue des coûts et des délais avec les principaux marchés canadiens et américains. Comme je l'ai déjà mentionné, le port d'Halifax affiche une bonne combinaison commerciale, ce que l'on appelle couramment le « market mix ». Il dessert en effet plusieurs marchés internationaux et il est concurrentiel pour ce qui est de transporter des marchandises à destination du centre du Canada et des États-Unis.
Cependant, pour demeurer concurrentiel sur la scène du commerce mondial, le Canada a besoin de deux portes d'entrée pour le trafic commercial asiatique. Nous avons déjà celle du Pacifique. Il nous faut maintenant celle de l'Atlantique pour le trafic asiatique qui emprunte le canal de Suez.
La Nouvelle-Écosse envisage de créer une porte d'entrée pour le bénéfice économique de la province, de la région de l'Atlantique et du Canada tout entier. En mai dernier, la province a retenu les services des consultants de CPCS Transcom et de Drury Shipping afin d'obtenir des conseils spécialisés sur les possibilités que la porte d'entrée pourrait avoir pour la Nouvelle-Écosse. Les consultants ont déterminé une série de mesures à prendre pour tirer profit des occasions liées à la porte d'entrée. Ils ont décrit le rôle que devrait jouer la province au sein d'un secteur d'activité dominé par le secteur privé. J'insiste sur ce point — c'est-à-dire que le secteur privé sera le moteur de toute cette activité.
Les consultants nous ont déclaré que la porte d'entrée recelait des possibilités liées à la création d'une installation de fret aérien à l'aéroport international d'Halifax, et que l'évolution des services de prédédouanement américains à l'Aéroport international Robert L. Stanfield d'Halifax représente un atout majeur à cet égard.
Pour ce qui est des croisières, il existe des possibilités autour du rattachement de petits navires de croisière européens visant de plus petits créneaux en Amérique du Nord. Cependant, l'occasion qui se révèle de loin la plus favorable pour la Nouvelle-Écosse concernant la porte d'entrée est celle du trafic du fret conteneurisé qui sera transporté de l'Asie vers l'Amérique du Nord par des navires d'une jauge supérieure à celle des navires Panamax à travers le canal de Suez.
Les consultants que nous avons engagés nous ont recommandé de collaborer avec le Halifax Gateway Council et l'Administration portuaire d'Halifax à l'expansion du volume du port d'Halifax. Ils ont également cerné le besoin de construire un nouveau terminal de conteneurs dans le futur. Actuellement, deux groupes du secteur privé explorent activement les possibilités existantes autour de sites entièrement nouveaux pour la construction d'un terminal de conteneurs en Nouvelle-Écosse.
D'un point de vue stratégique, nous voyons ces initiatives comme étant entièrement pilotées par le secteur privé, la province se réservant un rôle de soutien. Nous constatons aussi le besoin de positionner la porte d'entrée en vue de l'intérêt national.
Qu'est-ce qui est à l'origine de cette occasion favorable? La situation géographique de la Nouvelle-Écosse en tant que port de première entrée et de dernière sortie sur le trajet du canal de Suez. La croissance du marché indien joue un rôle capital. La congestion des ports de la côte ouest et les restrictions liées au volume dans le canal de Panama entraînent une redirection du trafic vers le canal de Suez, les expéditeurs se préoccupant de la fiabilité et de la prévisibilité de leur chaîne d'approvisionnement.
À l'heure actuelle, 78 p. 100 du trafic asiatique emprunte la côte ouest de l'Amérique du Nord; 21 p. 100 transite par le canal de Panama en direction de la côte est et 2 p. 100 passe par le canal de Suez.
La Fondation Asie Pacifique du Canada a déclaré en substance ce qui suit :
La congestion de la côte ouest et du canal de Panama, l'aversion des importateurs pour le risque et la taille toujours plus grande des porte-conteneurs sont des facteurs qui s'additionnent pour ouvrir une part croissante du marché asiatique en Amérique du Nord pour Halifax et d'autres ports de la côte est.
On s'attend à ce que le pourcentage de fret conteneurisé transitant par le canal de Suez entre l'Asie et l'Amérique du Nord augmente considérablement d'ici quelques années seulement.
En 2004, les ports côtiers nord-américains ont déjà fait l'expérience de la congestion. Les navires ancrés dans le port attendaient qu'un poste d'accostage se libère pour pouvoir décharger. Les conteneurs étaient entassés dans les terminaux, et les voies ferroviaires et routières étaient engorgées. Les ports de la côte ouest sont situés dans des grands centres urbains et ne disposent pas d'une grande marge de manœuvre en prévision d'une éventuelle expansion. Des changements ont été apportés aux ports en vue d'en améliorer l'efficacité, mais selon Drury Consulting, cette congestion va se reproduire d'ici les trois prochaines années. Cette congestion incitera le trafic asiatique à emprunter le canal de Suez, étant donné que les expéditeurs insistent pour utiliser des opérations portuaires prévisibles et fiables.
Mais, me direz-vous, pourquoi ne pas faire transiter davantage de navires par le canal de Panama? C'est impossible parce que le canal de Panama fonctionne déjà à 91 p. 100 de sa capacité. En août 2006, 90 navires se sont accumulés, et le canal a trouvé le moyen de transformer ce problème en avantage financier. Les autorités ont en effet mis sur pied une sorte de loterie quotidienne permettant aux navires de faire une mise en vue d'améliorer leur position dans la file d'attente. En août, un porte-conteneurs a versé 220 000 $US en plus des droits habituels du canal pour passer en première position dans la file d'attente.
Les morceaux du casse-tête commencent à se mettre en place : congestion des ports de la côte ouest, restrictions dans le canal de Panama et le fait que le canal de Panama ne peut accueillir que les porte-conteneurs de la troisième génération de 4 000 EVP. Mais il manque un morceau pour achever le casse-tête du canal de Suez, et j'y arrive.
Halifax possède un avantage incontestable lorsqu'il s'agit du commerce avec l'Inde. Nous sommes plus près. Les grands navires qui transportent davantage de conteneurs et qui consomment moins de carburant favorisent la candidature du canal de Suez. En ce qui a trait à l'Inde, voici un extrait du numéro de février du magazine The Economist :
[...] si on évalue les choses en fonction de la parité du pouvoir d'achat, l'Inde devrait bientôt l'emporter sur le Japon et prendre la place de la troisième économie en importance, juste derrière l'Amérique et la Chine.
Le troisième morceau du casse-tête pour le canal de Suez est la mise en service de grands porte-conteneurs. En effet, 287 nouveaux porte-conteneurs encore plus gros sont déjà inscrits dans les carnets de commande de chantiers maritimes et devraient prendre la mer d'ici 2010. La majorité de ces porte-conteneurs sont des navires de 6 000 EVP. N'oubliez pas que le canal de Panama ne peut accueillir que des navires de 4 000 EVP. Selon Drury Shipping and Consulting, la majorité de ces navires emprunteront la voie de Suez.
Il y a désormais six générations de navires depuis le lancement, au mois d'août, de l'Emma Maersk qui peut transporter des conteneurs de plus de 9 000 EVP. Les porte-conteneurs deviennent de plus en plus gros. Il faut des ports en eau profonde et une infrastructure adaptée pour accueillir ces nouveaux géants.
Il se trouve que le canal de Suez en a la capacité. Halifax, en Nouvelle-Écosse, possède à la fois la capacité et le port en eau profonde.
Toujours selon Drury Shipping and Consultants, certains facteurs doivent être au rendez-vous pour que le trafic dans le canal de Suez puisse augmenter. Comme vous le voyez, certains de ces éléments sont déjà présents, et on prévoit que le volume de fret conteneurisé asiatique empruntant le canal de Suez augmentera considérablement dans les années à venir.
Le port de New York est une escale obligatoire. En effet, 80 p. 100 du fret conteneurisé qui entre dans le port est consommé dans un rayon de 300 milles de la ville de New York. On a entrepris un projet de dragage massif dans le port de New York qui devrait être achevé autour de 2009.
On s'attend à ce que l'attrait de la Nouvelle-Écosse à titre de plaque tournante du transport international s'accentue considérablement à mesure que le canal de Panama atteindra sa limite de capacité utile, que les ports de la côte ouest américaine connaîtront des restrictions sur le plan de la capacité et que l'offre de navires dont la jauge est supérieure à celle des navires Panamax prendra de l'expansion.
Nous avons demandé à Drury de prévoir à quel moment devrait se produire la croissance du canal de Suez et des volumes qui devraient transiter par la Nouvelle-Écosse. Les consultants nous ont fourni ce qu'ils ont qualifié d'une prévision prudente du trafic.
Le port d'Halifax a l'infrastructure voulue pour accroître sa capacité, aussi il peut s'agrandir sans avoir à investir dans l'infrastructure. Ce qu'il nous faut, c'est de l'aide avec les aspects liés au marketing. Il nous faut des hauts fonctionnaires prêts à participer à des missions commerciales visant à mettre en valeur la situation de la porte d'entrée du Canada atlantique vers l'Asie. Notre étude a permis de déterminer quelques initiatives qui doivent être entreprises par les secteurs privé et public en vue de tirer le maximum d'avantages de cette possibilité.
Quel est l'avantage concurrentiel de la Nouvelle-Écosse et pourquoi sommes-nous tellement intéressés à établir la porte d'entrée de la Nouvelle-Écosse? Nous sommes bien placés en raison de notre situation géographique. En effet, la Nouvelle-Écosse possède le port nord-américain qui se trouve le plus près du canal de Suez et qui bénéficie également du statut de port de première entrée et de dernière sortie sur la voie de Suez.
Le réseau ferroviaire desservant la province a la capacité d'absorber plus de trafic, et nous avons aussi accès par le réseau routier au Canada atlantique, au Québec, à l'Ontario et à la Nouvelle-Angleterre.
Nous ne souffrons d'aucune congestion et nous avons la capacité d'absorber plus de trafic dès maintenant. À l'heure actuelle, le port d'Halifax manutentionne chaque année 550 000 EVP, mais il a l'infrastructure requise pour pouvoir en manutentionner jusqu'à 900 000 EVP. Il n'y a pas eu d'arrêt de travail chez nous depuis plus de 20 ans. La paix syndicale est un gros avantage auprès des expéditeurs et des lignes de navigation.
Nous sommes concurrentiels du point de vue des prix pour ce qui est du transport à destination de la partie continentale du Canada et du Midwest.
À l'heure actuelle, plus de 75 p. 100 du fret conteneurisé d'Halifax est chargé sur des wagons en vue d'être livré à des clients dans le centre du Canada et des États-Unis. De ce pourcentage, 30 p. 100 est livré directement aux États-Unis. Les expéditeurs atténuent les risques en utilisant de nombreux ports afin de se garantir une certaine fiabilité et prévisibilité.
Prenons par exemple Consolidated Fast Freight, une entreprise de la Colombie-Britannique qui exerce ses activités à partir d'une installation temporaire en attendant que sa nouvelle installation soit prête à Halifax. L'entreprise décharge des conteneurs de 40 pieds appartenant à Canadian Tire à Halifax. Son installation de transbordement charge ensuite le fret destiné au Canada atlantique sur de gros porteurs et les autres marchandises sont chargées dans des conteneurs de 53 pieds expédiés par gros porteurs ou par rail au Québec et en Ontario.
Cet exemple montre que le secteur privé tire parti des possibilités qu'offrent le fret asiatique et le port d'Halifax.
Chaque fois qu'un porte-conteneurs accoste à Halifax, il crée l'équivalent de plus de 3 années-personnes en matière d'emploi. Ces chiffres qui visent l'année 2004 montrent que le port d'Halifax injecte environ 900 millions de dollars dans l'activité économique et 259 millions de dollars en salaires.
Maintenant, voyons comment cette activité économique profite aux trois ordres de gouvernement en impôt sur le revenu. De nombreuses autres administrations réalisent le potentiel lié au rôle de porte d'entrée et consacrent des millions et même des milliards de dollars en vue de tirer parti de cette possibilité. Comme je l'ai déjà mentionné, New York a entrepris des travaux massifs de dragage et de dynamitage afin que son port puisse accueillir les plus gros navires. Le canal de Panama a approuvé un projet d'élargissement et de dragage qui correspond à 55 p. 100 de son PIB total. Le Canada doit faire tout son possible pour saisir l'occasion et pour conserver notre position dans la chaîne d'approvisionnement mondiale.
Transports Canada est le principal ministère fédéral concerné par le projet de porte d'entrée. Le ministre des Finances Flaherty, dans son document intitulé, Avantage Canada, a souligné l'important rôle des portes d'entrée pour ce qui est de la compétitivité nationale. Le document mentionnait la création d'un fonds séparé pour les portes d'entrée. Auparavant, on semblait dire que le financement pour les portes d'entrée proviendrait du Fonds pour l'infrastructure routière et frontalière. Transports Canada a déterminé ce qu'il appelle cinq approches ou critères que toutes les initiatives futures en matière de porte d'entrée et de corridor commercial devront respecter pour obtenir l'aide financière du gouvernement fédéral. Comme le mentionne Transports Canada, chaque étape doit être remplie rigoureusement.
Pour que le Canada puisse tirer parti de la situation géographique de la Nouvelle-Écosse pour conquérir le trafic du canal de Suez, il faut se dépêcher de cibler la possibilité. Il faut inciter le gouvernement du Canada à s'engager sans réserve par l'entremise de Transports Canada et de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, l'APECA. Il faut élaborer la stratégie sur la porte d'entrée de l'Atlantique de concert avec les autres provinces de l'Atlantique. Nous avons besoin d'investissement dans le marketing et l'infrastructure afin d'attirer cette possibilité ici, et d'être prêts le moment venu. Les portes d'entrée sont le sujet de l'heure, et beaucoup de groupes de réflexion en matière de politique stratégique produisent études sur études à ce sujet. En août 2006, j'ai organisé une réunion avec les ministres des Transports de l'Atlantique, de l'Île du Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve-et- Labrador. Lors de la réunion, nous avons accepté d'unir nos forces et d'inviter Transports Canada et l'APECA à élaborer une stratégie sur la porte d'entrée de l'Atlantique. Un comité intergouvernemental de hauts fonctionnaires planche actuellement sur l'élaboration de cette stratégie. Nous avons aussi conclu une entente avec le Greater Halifax Partnership et la municipalité régionale d'Halifax en vue d'obtenir une aide financière pour réaliser des études sur une installation de transbordement et un terminal pour le transport terrestre de conteneurs. Ces deux études font appel à un grand nombre de partenaires stratégiques. Comme je l'ai déjà mentionné, les secteurs privé et public sont engagés sans réserves dans ce projet, comme en témoigne le nombre d'études en cours de réalisation. Halifax a entrepris des études relatives à la porte d'entrée depuis que l'étude réalisée par Booz Allen Hamilton a été commandée en 1996. Le Halifax Gateway Council a été formé en 2003 par des entreprises du secteur privé du transport en vue de stimuler l'adoption d'une perspective stratégique en ce qui concerne les atouts d'Halifax à titre de porte d'entrée. L'Administration portuaire d'Halifax et ses partenaires ont investi des millions de dollars en prévision de la croissance du trafic dans le canal de Suez. Ils ont ouvert une agence commerciale à New Delhi, et se sont associés avec une firme indienne qui existe depuis 125 ans, Jeena and Company, parce que le port considère l'Inde comme un marché clé en pleine expansion.
La banque australienne Macquarie Bank Limited a récemment fait l'acquisition du terminal de conteneurs Halterm Limited à Halifax. Macquarie est l'une des plus grandes sociétés d'investissement dans l'infrastructure du monde entier. Ceres Terminals Incorporated est en train d'acheter deux autres grues super post-Panamax au coût de 20 millions de dollars, d'ajouter une capacité de transport ferroviaire et de construire un nouveau terminal routier afin de raccourcir les délais d'exécution. Orient Overseas Container Line, OOCL, et China Shipping passent déjà par Halifax avec des marchandises en provenance des pays asiatiques qui empruntent le canal de Suez. Le Canadien National est un partenaire de l'administration portuaire d'Halifax et il est en train d'examiner la possibilité de construire une installation de transbordement à Halifax. Consolidated Fastrate Inc. et Armored Transport exploitent elles aussi des installations de transbordement à Halifax. Ces entreprises ont investi des millions dans la construction de nouvelles installations. Transports Canada travaille à l'élaboration d'une politique-cadre nationale entourant les portes d'entrée et les corridors commerciaux. La Nouvelle-Écosse suit cet exercice avec beaucoup d'intérêt.
La Nouvelle-Écosse entretient des relations de travail positives avec l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, qui partage notre vision de la porte d'entrée de l'Atlantique. L'APECA a entrepris un certain nombre d'initiatives, et elle évalue actuellement l'analyse de rentabilisation de la porte d'entrée de l'Atlantique qui devra respecter tous les principaux critères mis de l'avant par Transports Canada. La province de la Nouvelle-Écosse est déterminée à poursuivre ce projet important. Nous avons affecté des hauts dirigeants à temps plein à l'initiative de la porte d'entrée, et nous prévoyons ajouter sous peu deux autres postes à temps plein à l'équipe qui œuvre sur ce dossier.
Des séances d'information ont eu lieu avec des cadres supérieurs de Transports Canada et plusieurs autres intervenants clés des secteurs public et privé. La Nouvelle-Écosse collabore avec l'APECA au projet d'analyse de rentabilisation du Canada atlantique, ainsi qu'à l'élaboration de la stratégie sur la porte d'entrée de l'Atlantique. Nous continuerons de défendre cette cause auprès des secteurs privé et public, dans un effort en vue de convaincre les principaux décideurs de l'importance de l'occasion que représente la porte d'entrée de l'Atlantique.
Nous entendons poursuivre également nos efforts en vue d'obtenir un engagement financier du gouvernement fédéral dans la réalisation de la porte d'entrée de l'Atlantique. On est à planifier la tenue du symposium des premiers ministres sur la porte d'entrée de l'Atlantique afin d'encourager le secteur privé à adopter notre vision à cet égard. Cet événement aura lieu au printemps. Le premier ministre Rodney MacDonald devrait annoncer la création d'un conseil consultatif sur la porte d'entrée provinciale durant le symposium. La Nouvelle-Écosse fera appel aux expéditeurs à destination de la partie continentale du Canada qui reconnaissent la valeur du port d'Halifax dans le cadre de nos efforts pour recueillir des appuis et pour créer une impulsion en faveur de la porte d'entrée de l'Atlantique. Nous travaillons en outre à la réalisation d'une vidéo faisant la promotion de la Nouvelle-Écosse et de la porte d'entrée de l'Atlantique.
Permettez-moi de souligner quelques-uns des défis à affronter. Pour élever la porte d'entrée de l'Atlantique au rang de sujet d'intérêt national, nous aurons besoin du leadership du secteur privé. Nous sommes à élaborer une stratégie régionale qui se concentre sur l'infrastructure de porte d'entrée ayant une importance nationale. La conjoncture favorable ne durera pas éternellement. Nos concurrents déploient beaucoup d'énergie afin de saisir cette occasion qui se présente, aussi il faudra bouger rapidement pour obtenir un rôle dans ce scénario. Les premières initiatives doivent porter sur les stratégies de croissance relatives à la porte d'entrée de l'Atlantique, et il faut continuer de recueillir des appuis dans la région afin de soutenir le comité des cadres supérieurs qui comprend notamment des représentants de Transports Canada et de l'APECA. Nous devons obtenir l'engagement des intervenants de la Nouvelle-Écosse si nous voulons réaliser une stratégie bien ciblée. Quant à la Nouvelle-Écosse, elle doit se dépêcher de cerner les mesures à effet rapide afin de conquérir cette possibilité.
Toute la recherche pointe sur le fait que le canal de Suez se révélera bientôt comme la troisième voie d'acheminement entièrement maritime. La question est la suivante : le Canada est-il prêt à nous soutenir dans ce projet? Je peux vous dire en tout cas que la Nouvelle-Écosse collaborera avec ses partenaires afin de s'assurer que nous ne loupions pas le coche.
En terminant, la porte d'entrée de l'Atlantique est une occasion d'une importance historique pour la Nouvelle- Écosse, la région de l'Atlantique et le Canada dans son ensemble. Les échanges commerciaux en provenance du Sud- Est asiatique et du sous-continent indien vont en augmentant, alors qu'ils étaient inexistants il y a 10 ans seulement. Le seul moyen pour le Canada de conquérir une part importante du marché à cet égard consiste à mettre en place une porte d'entrée en Nouvelle-Écosse.
La présidente : Merci, monsieur le ministre. Vous avez répondu à presque toutes mes questions. Mais il m'en reste encore quelques-unes. La stratégie de la porte d'entrée de l'Atlantique est importante bien entendu pour l'expansion du port d'Halifax. Cependant, d'autres ports dans le Canada atlantique ont aussi un potentiel important. Je pense à Canso en Nouvelle-Écosse, par exemple. Et à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Comment envisagez-vous la participation des autres ports que celui d'Halifax dans la mise en place de la porte d'entrée de l'Atlantique?
M. MacIsaac : C'est une bonne question parce que, dans mon exposé, j'ai mentionné qu'Halifax possède ce qu'il faut pour accroître sa capacité. Toutefois, si la croissance du trafic qui circule par le canal de Suez en provenance du sous-continent indien et de la Chine s'accélère comme nous l'avons prévu, nous aurons besoin très bientôt d'une capacité additionnelle dans la région de l'Atlantique pour manutentionner le volume de trafic qui pourrait en résulter pour cette région du Canada. L'étude que nous avons commandée, et que j'ai mentionnée tout à l'heure, s'est penchée sur la nécessité de prévoir de nouveaux sites et, de toute évidence, le détroit de Canso représente un élément important dans ce scénario. Actuellement, des intérêts du secteur privé considèrent le détroit de Canso comme un candidat à une éventuelle mise en valeur. Il faut reconnaître que nous possédons ces atouts. Mais le développement de ces atouts repose sur des décisions prises par le secteur privé. Il faut s'assurer que les intervenants de l'industrie du transport maritime comprennent bien l'importance de la Nouvelle-Écosse en tant que port d'escale en Amérique du Nord, dans le contexte où le trafic emprunte le canal de Suez. À mon avis, d'abord et avant tout, notre principal défi consiste à frapper l'imagination commerciale de l'industrie du transport maritime, et à faire en sorte que ce secteur prenne conscience des avantages que possède la Nouvelle-Écosse en tant que premier port d'escale à l'entrée, et dernier port d'escale, à la sortie. Si nous parvenons à le faire, alors nous pouvons garantir une expansion extraordinaire, et non seulement pour la Nouvelle-Écosse, mais pour le Canada atlantique et le reste du pays.
Maintenant, considérons l'alternative. Si nous échouons dans l'atteinte de notre objectif, et si ces navires, les grands porte-conteneurs en provenance du canal de Suez en route vers l'Amérique du Nord, n'entament pas leur itinéraire de ports d'escale en Amérique du Nord par la Nouvelle-Écosse, alors ils devront l'amorcer ailleurs, au sud du Canada. Et tout le fret conteneurisé à destination du Québec, du Canada atlantique, de l'Ontario et du Midwest américain ne circulerait pas par le Canada, mais par les ports américains et les États-Unis jusqu'à leur destination finale. Le défi à affronter consiste à mettre en place une structure commerciale naturelle d'est en ouest qui passe par notre pays, puisque les marchandises pourraient faire leur entrée par les ports du Canada atlantique à destination de la partie continentale du Canada et à partir de là, être transportées vers le Midwest américain.
La présidente : Monsieur le ministre, dans votre exposé, vous avez insisté sur le rôle que devrait jouer le secteur privé dans la mise en valeur de la porte d'entrée, et dans votre réponse, vous venez de réitérer l'importance du secteur privé à cet égard. Qu'attendez-vous du gouvernement fédéral pour faciliter ce processus?
M. MacIsaac : Le gouvernement fédéral peut apporter son aide dans trois secteurs d'activité. Le premier est le marketing, afin que nous puissions accomplir les tâches nécessaires de sensibilisation de l'industrie du transport maritime. Il est intéressant que l'industrie du transport maritime ne soit pas la seule à prendre des décisions. En effet, ceux qui achètent les services de l'industrie du transport maritime commencent eux aussi à participer à la prise de décisions. Des entreprises comme Canadian Tire et Wal-Mart montrent un intérêt réel, non seulement lorsqu'il s'agit de retenir les services d'une société pour transporter leurs marchandises, mais aussi pour connaître les détails et le meilleur endroit pour décharger ces marchandises. Le marketing vise non seulement l'industrie du transport maritime, mais aussi les clients de l'industrie du transport maritime.
Deuxièmement, pour être concurrentiels et pour réussir à faire de la Nouvelle-Écosse le port d'escale de cette industrie, le véritable défi pour nous consiste à nous assurer que les navires reviennent. Nous pouvons y arriver en nous assurant d'être le port d'escale le plus efficace dans leurs circuits aller-retour. Si nous y parvenons au moyen de la formation, de la R-D — c'est-à-dire, en effectuant de la recherche sur la manière de configurer les terminaux, de former notre personnel et d'utiliser les systèmes de levage — alors, nous pourrons faire de grands progrès pour nous assurer, non seulement d'attirer ces activités commerciales à titre de port d'entrée, par le marketing, mais nous pourrons aussi les retenir grâce au fonctionnement efficace du port lui-même.
Le troisième secteur dans lequel le gouvernement du Canada pourrait être utile — c'est-à-dire utile à la Nouvelle- Écosse, au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve ou à l'Île du Prince-Édouard — est la création de l'infrastructure nécessaire pour accueillir le trafic additionnel sur lequel déboucheront ces efforts de promotion des ports s'ils réussissent. Cette mise en valeur pourrait comprendre la construction d'un terminal intérieur afin de faciliter le flux des marchandises sur le réseau routier dont nous avons déjà parlé, et, d'autres secteurs liés à l'infrastructure.
D'abord et avant tout, cependant, nous avons besoin d'aide pour que la campagne de promotion de la porte d'entrée soit reconnue comme un objectif canadien, et non seulement comme un objectif du Canada atlantique, autrement dit, un objectif canadien et une occasion de croissance pour l'ensemble du Canada.
Le sénateur Munson : J'aimerais vous poser une brève question sur la composante des activités de promotion mentionnée par notre présidente. Quel est le montant de la participation du gouvernement fédéral dans ces activités de promotion dont vous avez parlé? S'agit-il de quelques centaines de milliers de dollars? Ou plutôt de millions de dollars? Est-ce que le gouvernement fédéral est un partenaire à part entière dans ces activités de promotion que vous venez de nous décrire?
M. MacIsaac : Du point de vue de la porte d'entrée, pour le moment aucune somme n'a été chiffrée dans ce domaine. Ce qui ne veut pas dire que le gouvernement du Canada ne fait pas sa part dans les missions commerciales et autres activités du même genre, mais nous considérons ce projet comme une occasion pour laquelle il est important d'agir de manière très précise sur le plan du marketing.
Le sénateur Munson : Le gouvernement fédéral vous a-t-il donné quelque assurance comme quoi il serait prêt à appuyer la province de la Nouvelle-Écosse dans le contexte de votre campagne de promotion?
M. MacIsaac : Nous déployons des trésors d'énergie afin de le convaincre de faire équipe avec nous. Mais comme on m'ouvre encore la porte lorsque je me présente, je vais poursuivre mes démarches, et j'espère que je me ferai des alliés à cet égard ce soir.
Le sénateur Munson : De quelle somme avez-vous besoin?
M. MacIsaac : C'est une bonne question parce qu'il est clair que nous avons besoin de beaucoup d'argent sur une base de permanence pour faire la promotion continue du Canada atlantique dans le contexte du nouvel univers du transport maritime de conteneurs. Il est difficile de dire si nous avons besoin pour commencer de 10 ou de 15 millions de dollars en frais de marketing. Le port d'Halifax a ouvert une agence commerciale à New Delhi, et on peut considérer que cette agence fait partie des activités de promotion. Le port d'Halifax participe à cette activité, et il faut intensifier ce type d'initiatives et les soutenir.
Les domaines dans lesquels nous aurions bien besoin d'aide financière sont ceux de la formation, de la R-D sur nos compétiteurs en ce qui concerne l'exploitation du port proprement dit. Je ne connais pas les chiffres exacts. C'est une donnée sur laquelle nous devons encore travailler, et nous nous attaquons à cette question dans le cadre de quelques- unes des études qui sont en cours.
Cette question s'inscrit dans la ligne de pensée d'un des commentaires soulevés par Transports Canada. Nous n'avons rien contre, au contraire. Transports Canada affirme que nous devons élaborer des politiques et des stratégies à long terme en ce qui a trait à la mise en place de la porte d'entrée. Il reste beaucoup de questions sans réponse. Et il n'est pas faux d'affirmer que des questions sont toujours sans réponse en ce qui a trait aux montants d'argent qui seront nécessaires pour réaliser certaines étapes bien précises. Cependant, je suis intimement convaincu que le temps manque pour répondre à toutes les questions avant d'amorcer l'activité de promotion : autrement dit, avant de commencer l'activité visant à nous rendre concurrentiels, et à nous positionner en vue de réagir aux questions d'infrastructure. Ces navires vont prendre la mer dans l'océan Atlantique d'ici 2010. Les expéditeurs et les utilisateurs de leurs services prendront probablement leurs décisions en 2009. De combien de temps disposons-nous pour réaliser toute la planification et l'évaluation des éléments à mettre en place? Nous manquons de temps. Il faut planifier des tâches simultanées en ce qui a trait au marketing, à la formation, devenir concurrentiels et, en même temps, élaborer des stratégies à long terme qui nous seront très utiles pour réussir à accomplir ce qui doit l'être à court terme.
Si nous ne parvenons pas à atteindre nos objectifs à court terme, alors toutes les théories, tous les plans d'activité et le reste ne serviront qu'à accumuler de la poussière sur des tablettes parce que nous aurons laissé passer l'occasion de développer ce marché.
La présidente : Des efforts de collaboration ont été entrepris entre les principaux intervenants participant à cette initiative de la porte d'entrée de l'Atlantique.
Vous avez mentionné avoir tenu des réunions avec les autres provinces. Avez-vous réussi à établir un dialogue entre la Nouvelle-Écosse et les autres provinces?
M. MacIsaac : Je vais commencer à répondre à cette question, mais je vais ensuite demander à mon collègue, M. Oxner, de poursuivre.
Lors de la réunion du mois d'août 2006 avec les ministres des Transports du Canada atlantique, je leur ai demandé leur appui relativement à l'Initiative de la porte d'entrée. Ils ont accepté de cosigner une lettre adressée à Transports Canada et à l'APECA dans laquelle je sollicite leur participation avec nous dans ce projet. J'ai mentionné que nous avons formé un comité de cadres supérieurs. M. Oxner va poursuivre à partir d'ici.
David Oxner, directeur, Initiative de la porte d'entrée, ministère des Transports et des Travaux publics de la Nouvelle- Écosse : Un comité formé de cadres supérieurs des quatre Provinces de l'Atlantique, de l'APECA et de Transports Canada tient des réunions. Nous avons établi un mandat et des objectifs entourant la création de la stratégie sur la porte d'entrée de l'Atlantique. Nous avons également entrepris de travailler sur les cinq critères que Transports Canada nous a recommandé d'aborder pour ce qui est de la réalisation d'une analyse comportant des arguments irréfutables, comme le ministre l'a mentionné tout à l'heure.
L'esprit de coopération autour de la table est positif. Tous et chacun travaillent et comprennent qu'il y a une occasion à saisir. Par ailleurs, comme le ministre l'a laissé entendre, l'année dernière il a réussi à convaincre les autres ministres des Transports de l'Atlantique de former ce comité. Depuis lors, le Conseil des premiers ministres de l'Atlantique s'est réuni en décembre, a réitéré son appui au travail de ce comité et s'est déclaré favorable au concept d'une stratégie sur la porte d'entrée de l'Atlantique.
Le sénateur Phalen : Vous avez fort bien couvert le sujet, aussi il est difficile de trouver d'autres questions, mais je vais néanmoins faire un effort.
Étant donné la profondeur de son port, je crois comprendre que Montréal doit se limiter aux navires transportant entre 4 000 et 5 000 EVP. Cependant, Halifax sera en mesure d'accueillir de gros porte-conteneurs dont la jauge est supérieure à celle des navires Panamax.
Est-ce que cette capacité d'accueillir les plus gros porte-conteneurs compense pour l'avantage géographique que possède Montréal en étant située plus près des États-Unis?
M. MacIsaac : Il n'y a aucune concurrence véritable, si vous voyez ce que je veux dire, entre les intérêts de Montréal et ceux d'une porte d'entrée dans le Canada atlantique. D'après ce que j'en sais, Montréal s'occupe presque entièrement du trafic européen qui fait l'aller-retour entre Montréal et l'Europe.
Le potentiel qui selon nous existe pour le Canada atlantique est en rapport avec le trafic asiatique qui emprunterait le canal de Suez sur les gros navires qui feront leur arrivée, comme je l'ai déjà mentionné, vers 2010. Nous croyons que tant Montréal que le Canada atlantique peuvent prospérer dans le monde du transport moderne.
Le sénateur Phalen : Est-ce que des prix concurrentiels pourraient représenter un avantage pour la province?
M. MacIsaac : Évidemment, parce que nous serons en mesure d'accueillir des conteneurs beaucoup plus gros, nous bénéficierons d'une économie d'échelle et, si nous devenons efficaces, cet avantage nous sera très utile.
Je continue de penser que les activités commerciales que nous souhaitons attirer au Canada ne se situent pas dans les plates-bandes de Montréal.
Le sénateur Phalen : Si nous parvenons à attirer ces affaires, quelles seront les répercussions pour l'infrastructure?
M. MacIsaac : Le moment venu, ces activités nous poseront des défis du point de vue de l'infrastructure. On a mentionné tout à l'heure le détroit de Canso, par exemple. Si ce port et les intérêts privés qui s'y trouvent se développaient, il nous faudrait nous attaquer dès maintenant aux besoins en matière d'infrastructure. Il nous faudrait une desserte ferroviaire et, plus particulièrement, apporter des modifications au réseau routier qui devront être faites, d'une manière ou d'une autre.
Il faudrait achever l'élargissement à quatre voies de l'autoroute 104 à la pointe est de la Nouvelle-Écosse beaucoup plus rapidement que prévu.
Le sénateur Phalen : J'avais une bonne raison de vous poser cette question. En effet, récemment, le gouvernement fédéral s'est engagé envers le projet de porte d'entrée du Pacifique à hauteur de 500 millions de dollars environ. De cette somme, près de 350 millions de dollars ont déjà été investis dans l'infrastructure — ponts et autoroutes. Est-ce que vous envisagez un scénario de cet ordre de grandeur en Nouvelle-Écosse?
M. MacIsaac : En Nouvelle-Écosse, nous ne connaissons pas le même niveau de congestion que sur la côte ouest. Je tiens à ce que cette situation soit bien claire pour les membres du comité.
La côte ouest éprouve, et continue d'éprouver, de vrais problèmes de congestion nécessitant la construction d'une infrastructure et de ponts de manière à pouvoir absorber la circulation qui emprunte toute cette région.
En ce qui nous concerne, si nous parvenons à atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés et qui, selon nous, sont accessibles en ce qui concerne la croissance du fret conteneurisé à travers le canal de Suez transporté par les gros navires qui sont utilisés dans cette région, il nous faudra moderniser notre réseau de transport de base.
La question n'est pas tellement un problème de congestion, mais plutôt la mise en place d'un réseau routier et ferroviaire de qualité capable de répondre aux besoins qu'entraînera l'accroissement du trafic qui y circulera.
Le sénateur Phalen : J'ai lu quelque part que les ports du Canada atlantique bénéficieraient largement de modifications à la politique fédérale n'entraînant aucune dépense, notamment l'harmonisation de la réglementation sur le poids et la dimension des camions, l'autorisation de la circulation de trains routiers et l'adoption d'une nouvelle tarification pour le transport maritime sur de courtes distances. Avez-vous des commentaires à ce sujet?
M. MacIsaac : À titre de ministre des Transports, je peux vous affirmer que la réalisation des objectifs auxquels vous venez de faire allusion représente un énorme défi. Chaque fois que nous tentons d'obtenir la normalisation des permis ou de la réglementation, cela entraîne quelque chose de nouveau pour chaque administration. Nous comprenons tous les défis que représente l'imposition de quelque chose de nouveau.
Par conséquent, nous devons travailler à l'atteinte de ces objectifs, mais je peux vous dire que ce ne sera pas facile. En revanche, si nous parvenions à définir ces défis dans le contexte de l'amélioration de la compétitivité, et si nous pouvions en démontrer les avantages réels, nous atteindrions plus facilement le succès.
Le sénateur Phalen : Le professeur Michael Ircha de l'Université du Nouveau-Brunswick a déclaré à ce comité que, selon lui, Canso présente un nouveau site intéressant pour un terminal à conteneurs.
La professeure Mary Brooks, en revanche, a laissé entendre que Canso devrait améliorer la solidité et le côté pratique de la liaison ferroviaire existante. C'est le premier problème. En outre, les terrains qui conviennent ne sont peut-être plus disponibles. Lorsque je lui ai posé la question, j'ai cru comprendre qu'elle n'était plus certaine que ces terrains étaient encore disponibles, et qu'un acquéreur de l'installation portuaire en avait acheté une partie.
Est-ce que la province fait quelque chose pour protéger ces points de débarquement en prévision d'utilisations futures?
M. MacIsaac : Si vous m'aviez accompagné au cours des dernières 24 heures, vous seriez à même d'apprécier l'importance de cette question. Il se trouve que nous avons les terrains nécessaires.
Le sénateur Phalen : Tant mieux pour vous.
M. MacIsaac : Nous disposons amplement des terrains nécessaires, et nous les avons depuis de nombreuses années. Nous sommes ravis que d'aucuns affichent actuellement un certain intérêt pour l'utilisation de ces terrains. La disponibilité des terrains est loin d'être un problème, cependant il y a déjà un trafic ferroviaire régulier dans cette partie de la province. L'augmentation de ce trafic entraînerait sans aucun doute une augmentation des frais d'entretien des rails et de l'assiette des rails, ainsi que la construction d'un embranchement directement dans le port. Cependant, cette exigence ferait partie de l'analyse de rentabilisation à réaliser en vue de l'expansion du port, et les frais de construction de cet embranchement seraient inclus.
Le sénateur Phalen : Je suis heureux de vous l'entendre dire. Lorsque j'ai posé la question à la professeure Brooks, elle m'a fait un coup de Jarnac en me disant que ces terrains n'étaient peut-être plus disponibles.
M. MacIsaac : Je vous assure que ces terrains sont disponibles.
Le sénateur Merchant : Monsieur le ministre, vous avez dit que le gouvernement fédéral pourrait favoriser la mise en place de la porte d'entrée notamment au moyen de l'infrastructure. Les programmes d'aide fédérale comme le Fonds canadien sur l'infrastructure stratégique, font habituellement appel à des partenaires financiers, de sorte que le gouvernement provincial, et parfois les municipalités doivent partager les coûts. Combien la province de la Nouvelle- Écosse a-t-elle l'intention d'investir dans l'infrastructure intermodale au cours des cinq prochaines années? Quels sont les projets bénéficiant du transport intermodal de conteneurs en tête de liste des priorités de la province, et pourquoi? Quelle est, selon vous, la part des coûts du projet que le gouvernement fédéral devrait assumer?
M. MacIsaac : Dans le passé, la majorité de nos ententes avec le gouvernement du Canada concernant les projets de construction routière reposaient sur un partage des coûts à 50/50. Nous devons assumer la totalité des frais d'acquisition de l'emprise routière et des frais semblables. Mais nous contribuons pour environ 60 p. 100 de la totalité des coûts de construction des routes, et le gouvernement fédéral assume pour sa part 40 p. 100 des coûts à même les programmes que vous venez de mentionner.
Nous sommes impatients de conclure une nouvelle entente avec le gouvernement du Canada concernant le financement routier additionnel. Nous prévoyons un modèle de partage des coûts dans une proportion de 50/50, un peu comme celui que nous avons utilisé dans le passé. Nous ne refuserions pas un modèle de financement partagé dans une proportion de 70/30, le gouvernement fédéral assumant la part de 70 p. 100, mais cette proposition était absente de toute la correspondance qui m'est passée entre les mains.
Dans notre réseau routier national, notamment la série de routes 100, il reste encore beaucoup de travaux à effectuer sur la route 104, qui va en direction de l'est, de New Glasgow au pont-jetée de Canso. Et il y a encore du travail à faire sur la route 125 du Cap-Breton et, bien entendu, nous avons besoin d'une aide financière additionnelle pour la route 101 et la route 103.
Tous ces projets n'ont pas de lien direct avec la porte d'entrée. En matière d'infrastructure, il faut conclure une entente avec le gouvernement du Canada en ce qui concerne les routes n'ayant pas de lien avec la porte d'entrée. Certaines routes relèveraient partiellement du projet de la porte d'entrée, tandis que d'autres incomberaient en partie au réseau routier national.
Le sénateur Merchant : Est-ce que c'est votre première priorité?
M. MacIsaac : La première priorité consiste à conclure une entente avec le gouvernement du Canada en vue d'injecter de l'argent dans la série de routes 100. Nous nous efforçons d'établir nos prévisions budgétaires relatives au réseau routier de manière à disposer des sommes nécessaires pour financer la contrepartie de l'aide financière offerte par le gouvernement du Canada dans le cadre de n'importe quelle entente.
Le sénateur Merchant : Pourriez-vous faire des commentaires au sujet des répercussions des exigences en matière de sécurité sur le système de transport du fret conteneurisé, et auriez-vous des suggestions à faire en vue de les améliorer?
M. MacIsaac : Je n'ai pas abordé la question de la sécurité, mais il est évident que c'est un aspect important du transport. Je pense que l'un de nos principaux avantages dans le Canada atlantique tient au fait qu'il nous est beaucoup plus facile d'offrir des garanties en matière de sécurité que dans d'autres endroits. En raison de l'histoire de notre région et de la manière dont nous nous sommes développés, nous avons réussi à nous débrouiller sans que la sécurité devienne un enjeu important, du moins jusqu'à aujourd'hui. En effet, dans le passé, la sécurité n'a jamais été un enjeu déterminant, ce qui nous permet de planifier et d'offrir des mesures de sécurité renforcées dans le futur.
Le sénateur Merchant : Pourriez-vous nous parler de la réglementation et des normes en matière d'environnement?
M. MacIsaac : Nous exigeons que les activités de n'importe quel groupe du secteur privé respectent les normes du gouvernement provincial et fédéral en matière d'environnement. Nous insistons pour que toute entreprise avec laquelle nous faisons affaire accepte la tenue d'évaluations environnementales, et pour que ces entreprises respectent les lois de la Nouvelle-Écosse et du Canada.
Le sénateur Zimmer : Merci pour cet impressionnant exposé très détaillé.
Transports Canada a déclaré à ce comité que le ministère collaborait avec les provinces, les administrations portuaires et les compagnies de chemins de fer en ce qui concerne les investissements futurs, la réglementation et la prospective. Dans quelle mesure avez-vous tenu des discussions avec Transports Canada concernant la réglementation, les restrictions et les barrages routiers? Et avez-vous abordé la question de la prospective et de la sécurité?
M. MacIsaac : La majeure partie des discussions que j'ai eues avec Transports Canada visaient surtout à défendre devant le ministère le dossier que je suis venu vous exposer ce soir, autrement dit cette occasion extraordinaire qui se présente pour tout le Canada, et pas seulement pour le Canada atlantique, et que nous devons nous préparer à saisir.
M. Oxner : Nous avons entrepris des pourparlers avec Transports Canada en vue d'expliquer à ses représentants l'importance nationale de la Nouvelle-Écosse et du Canada atlantique pour ce qui est de la chaîne d'approvisionnement total. En ce qui a trait aux règlements, aux restrictions et aux barrages routiers, nous n'avons pas encore abordé ces aspects dans nos discussions parce que nous nous trouvons encore à l'étape des « Coles Notes », c'est-à-dire de la synthèse de ce qu'il faut savoir sur la question des portes d'entrée, ou même dans certains cas, de « Les portes d'entrée pour les nuls ». Nous nous efforçons de faire comprendre aux intervenants le rôle que joue Halifax.
Pour rendre justice à Transports Canada, le ministère a dû s'attaquer à de nombreux problèmes de congestion sur la côte ouest, notamment à des questions relatives au corridor commercial de Windsor et à d'autres questions du même ordre. Par conséquent, il lui a fallu un certain pour comprendre que dans le Canada atlantique, il n'y a pas de problème de congestion dans le port d'Halifax, que nous envisageons de saisir une occasion de développement économique, et que nous avons toute la marge de manœuvre nécessaire pour prendre de l'expansion. Nous n'avons pas encore eu de discussions entourant la réglementation, les restrictions et les barrages routiers.
M. MacIsaac : Lorsqu'il est question d'infrastructure, nous tenons à nous assurer que nous planifions de manière à éviter la création d'un problème d'engorgement résultant de la croissance.
Ce défi est différent de celui qui consiste à essayer d'atténuer la congestion. Il faut planifier la manière dont on entend dépenser l'argent pour l'infrastructure afin d'éviter d'avoir à affronter ces problèmes dans le futur.
Le sénateur Zimmer : La présidente et le sénateur Phalen ont fait allusion aux commentaires récents de la professeure Brooks de l'Université Dalhousie devant ce comité, comme quoi il faudrait une plus grande infrastructure terrestre pour les échanges de fret conteneurisé entre le nord et le sud à partir de la Nouvelle-Écosse, et une amélioration des liaisons entre l'Est du Canada et le Nord-Est des États-Unis. Cette opinion semble reposer sur l'utilisation des ports du Nord-Est des États-Unis.
Êtes-vous d'accord avec son évaluation? Avez-vous des projets pour permettre à la province de combler ces lacunes du point du vue du transport, pour autant qu'elles existent? Quel rôle le gouvernement fédéral devrait-il jouer à cet égard? Acceptez-vous son analyse parce qu'elle laisse entendre que nous pourrions utiliser les ports américains alors que, dans votre exposé, vous avez déclaré que les navires pourraient se rendre directement à Halifax sans passer par ces ports, ce qui à mon avis est un bon système.
M. MacIsaac : Je ne suis pas certain de bien comprendre le contexte dans lequel votre témoin a fait ces commentaires.
Je vais vous répondre en vous fournissant ma propre version de la manière dont les choses devraient évoluer. Nous avons la possibilité de traiter la croissance qui ne manquera pas de se produire dans le secteur du fret conteneurisé dans le futur, principalement grâce aux navires de plus en plus gros et au flux de marchandises qui s'écoule par le canal de Suez en provenance du sous-continent indien et de la Chine.
Ce trafic se rendra jusqu'en Amérique du Nord. Tout le défi consiste à s'assurer que le Canada sera le premier port d'escale pour ces navires à leur arrivée en Amérique du Nord. Après quoi, traditionnellement, les conteneurs sont acheminés d'Halifax jusque dans la partie continentale du Canada et dans le Midwest par le réseau ferroviaire. Nous disposons de liaisons ferroviaires formidables pour le faire.
Maintenant, est-ce que la possibilité existe d'effectuer le déchargement des conteneurs sur de plus petits navires à destination de la Nouvelle-Angleterre, voilà une question entièrement différente. À ma connaissance, il n'existe pas de preuves concluantes qu'il y aurait une véritable croissance dans ce domaine, mais il ne faudrait rien négliger pour le moment.
Le sénateur Zimmer : Ma dernière question était un peu pince-sans-rire au début, mais j'y ai beaucoup réfléchi par la suite. Concernant ces enchères quotidiennes et ces loteries qui se tiennent dans le canal de Suez, s'agit-il d'un canal ou d'un casino? Est-ce que les retards qui surviennent sont légitimes et s'expliquent par l'étroitesse du canal ou sont-ils provoqués intentionnellement en vue de soutirer des revenus additionnels?
M. MacIsaac : J'ai fourni ce renseignement dans mon exposé seulement pour illustrer le degré de congestion qui existe dans le canal. Je ne pense pas être vraiment qualifié pour faire des commentaires sur l'exploitation du canal proprement dit, et sur les décideurs qui administrent cette installation.
[Français]
Le sénateur Champagne : Je suis de ceux qui croient vraiment en votre projet. J'ai l'impression que Halifax est extrêmement bien positionné. Considérant les nouvelles voies maritimes venant de Suez et l'élargissement probable de Panama, je pense qu'on pourra vraiment y arriver, surtout que vous pourrez recevoir ces énormes bateaux. La mère de famille en moi se dit que tout cela est bien beau, que tous ces conteneurs vont arriver, qu'ils vont être déchargés, ils auront le terrain pour cela, mais ces bateaux ne partiront pas à lège. Est-ce qu'on aura, à Halifax, ce qu'il faut pour retourner ces bateaux dans leur pays pour exporter? Est-ce que ce côté du travail vous préoccupe? Est-ce que vous vous en occupez?
[Traduction]
M. MacIsaac : Vous soulevez une question extrêmement pertinente qui met en relief les défis que nous devons affronter, peu importe qu'il soit question de porte d'entrée ou non. Le flux de marchandises en provenance de la Chine et du sous-continent indien à destination de l'Amérique du Nord est une réalité. C'est un fait incontestable.
Le défi que pose ce flux est de maintenir nos échanges commerciaux à un niveau comparable. Je concentre toute mon attention sur la possibilité d'amener ce trafic au Canada pour ce qui est des conteneurs eux-mêmes. Maintenant, la question que vous posez, à savoir ce qu'il y aura dans les conteneurs au retour, est une question qui, je le répète, s'adresse au pays tout entier. Elle vise notre capacité de nous spécialiser et de demeurer concurrentiel en tant que partenaire commercial de la Chine et du sous-continent indien. Peu importe la voie que choisiront les marchandises pour atterrir sur nos rivages, le Canada devra affronter cette réalité.
[Français]
Le sénateur Champagne : C'est une autre des raisons pour lesquelles Halifax me semble un choix très intéressant. Considérant la congestion à New York, les problèmes constants de profondeur, pourquoi ne pas venir chez vous où il n'y a pas de congestion et où on aura, dans quelques années, espérons-le, tout ce qu'il faut pour accueillir ces gros bateaux avec les conteneurs?
J'ai peut-être mis la charrue avant les bœufs en vous parlant de la façon dont on les retourne. Disons qu'ils arrivent par route ou par rail. Le sénateur Zimmer parlait tout à l'heure de transport maritime à courte distance. On nous disait qu'en fait, à partir de Halifax jusqu'aux ports situés au sud de Philadelphie, cela allait très bien. Mais dès que l'on arrive à un transport maritime à courte distance entre Halifax et Hamilton, par exemple, pour se rendre en Ontario et se rendre ensuite dans le Midwest américain, à ce moment les services maritimes ne peuvent pas concurrencer les chemins de fer.
Nous avons des problèmes majeurs, en ce moment, avec le CN. Il est vrai que notre gouvernement s'en occupe activement. Vous nous disiez plus tôt que dans votre province, il n'y avait pas tellement de problèmes au niveau du travail, des grèves et tout cela.
Comment pourrions-nous faire pour que le port de Halifax ne serve pas qu'à faire du transport maritime à courte distance pour aller vers les Grands Lacs et le nord-est des États-Unis mais qu'il puisse aussi, une fois les conteneurs vidés, les remplir et faire de l'exportation vers l'Asie ou ailleurs?
[Traduction]
M. MacIsaac : Le transport maritime à courte distance peut devenir concurrentiel, pour peu que les décideurs prennent la sage décision d'investir dans des navires qui sont eux aussi concurrentiels, c'est-à-dire, prendre de petits navires à partir du port d'Halifax et transporter ces marchandises vers d'autres destinations au Canada ou le long de la côte de l'Atlantique.
Est-ce que ce transport de marchandises peut être effectué plus efficacement par chemin de fer? C'est au monde des affaires de répondre à cette question, à ce qu'il me semble. Maintenant, sommes-nous prêts à explorer cette éventualité en effectuant des études ou des recherches, et devrions-nous insister pour que l'on s'engage dans cette direction, voilà d'excellentes questions, parce que cette capacité nous fournirait une solution de rechange utile dans l'éventualité d'une grève, alors qu'à l'heure actuelle, il n'y a pas d'autre solution. Il est toujours préférable d'avoir plusieurs cordes à son arc.
[Français]
Le sénateur Champagne : Il faut faire du marketing pour faire venir ces énormes bateaux, les remplir et les retourner d'où ils viennent. Cela reste un problème. Comme je vous le disais au départ, je crois en votre projet et je vous souhaite de bonnes idées, de même que toute la chance au monde. Et si vous faites affaires avec l'Orient, j'espère que vous serez dans le bon angle du soleil. J'y crois beaucoup.
[Traduction]
M. MacIsaac : J'ai assisté à plusieurs réunions, plus tôt dans la journée, et ce soir, au sujet de l'échange qui vient d'avoir lieu. J'ai beaucoup appris aujourd'hui. Plus nous en parlons, et surtout avec ceux qui ont pris la peine de se renseigner sur la question, comme vous l'avez fait, et plus nous apprenons au sujet des défis qui nous attendent. Nous avons pris bonne note de certains renseignements très précieux en discutant avec vous ici, ce soir.
La présidente : Nous sommes toujours une Chambre de second examen modéré et réfléchi.
M. MacIsaac : Je vous en sais gré.
Le sénateur Munson : Dominic Taddeo, de l'Administration portuaire de Montréal, s'est présenté devant le comité il y a deux semaines. Il m'a fait penser à mon fils de 19 ans, Claude Mathieu. Chaque fois que je me plains de quelque chose, il me rétorque, « C'est bien. Tout va bien. » M. Taddeo s'est montré un supporter enthousiaste du port de Montréal. Il a expliqué comment le port de Montréal pouvait survivre même à une époque où les gros navires font la loi, parce qu'il accueille les navires européens dont vous avez parlé. Nous sommes sortis de cette réunion avec une excellente impression concernant la situation économique du port de Montréal. En revanche, je sens dans votre voix, lorsque vous vous adressez à nous, presque un appel à l'aide. Il s'agit d'une approche différente, plus modérée et plus réaliste de ce qui se passe à Halifax. Qu'est-ce que vous attendez précisément de la part du gouvernement fédéral maintenant? Si le gouvernement fédéral ne vous a rien donné pour le marketing, s'il ne vous a pas accordé un cent, que peut-il faire maintenant pour répondre à votre appel à l'aide?
M. MacIsaac : C'est une bonne question. En toute justice pour les personnes concernées, si le gouvernement du Canada nous avait remis un chèque en blanc il y a un an, je ne sais pas si nous aurions pris les bonnes décisions sur la manière de dépenser cet argent. Selon moi, nous sommes mieux armés aujourd'hui pour déterminer comment investir cet argent, parce que nous avons fait appel à des consultants pour qu'ils entreprennent certains travaux de recherche et nous fournissent des réponses. Donc, nous sommes en meilleure position pour dire au gouvernement du Canada, « Voici vraiment les choses que nous pouvons faire pour nous assurer de ne pas louper le coche en ce qui a trait à ces possibilités ». Je suis toujours optimiste et je suis persuadé que nous finirons par être entendus. Mais tout ce que votre comité peut faire pour nous aider à faire avancer notre dossier sera très apprécié.
Nous commençons de plus en plus à comprendre que certains fonctionnaires du gouvernement peuvent avoir eu l'impression que nous cherchions seulement à obtenir une aide financière au chapitre de l'infrastructure pour le Canada atlantique et la Nouvelle-Écosse. Nous sommes toujours à la recherche de fonds pour l'infrastructure, et il en coulera de l'eau sous les ponts avant que nous cessions d'en chercher, mais ce n'est pas la justification de l'initiative de la porte d'entrée de l'Atlantique. En effet, la porte d'entrée de l'Atlantique représente une occasion à saisir pour le Canada de tirer parti de l'évolution des trajets habituels de navigation dans le monde et de s'assurer que notre pays devienne un important acteur dans ces trajets de navigation en pleine mutation. Si vous pouvez nous aider à faire valoir notre point de vue, nous vous en serions reconnaissants.
Le sénateur Munson : Brièvement, on entend toujours cet argument comme quoi l'environnement s'oppose à l'économie, et il y aura toujours des compromis à faire. Votre assemblée législative se trouve à Halifax, et il se trouve que j'y ai vécu durant quelques années. Les camions doivent ébranler l'édifice de l'assemblée législative étant donné le volume des activités manutentionnées par le port d'Halifax à l'heure actuelle, même si, selon vos estimations, il n'a pas encore atteint sa pleine mesure. Si vous renforcez ce qui se passe à Halifax, que se passera-t-il exactement dans le centre de la ville? Le port se trouve à la pointe sud, et il y en a un autre à la pointe nord, sans compter que la seule voie ferrée traverse la zone de Bedford et un quartier résidentiel. Que comptez-vous faire au sujet de ce trafic? Je sais que vous avez abordé la question avec le sénateur Merchant. Il y a un prix à payer pour la réussite.
M. MacIsaac : Tout à fait. Habituellement, la croissance économique présente des difficultés quant à la manière de faire les choses. Certaines choses peuvent être faites pour influer sur le flux de la circulation dans le centre de la ville. Mais l'une des choses qui doivent être faites, sans égard à l'initiative de la porte d'entrée, c'est de convaincre les résidants de ne pas circuler en voiture dans le coeur même de la ville. Si nous parvenions à le faire, alors la circulation des camions à travers la ville serait moins problématique. Autrement dit, si les gens pouvaient penser en termes de transport en commun et d'autres formes de transport, alors ce changement de point de vue pourrait faire partie de la solution du problème que vous venez de mentionner. L'exploitation du port et sa réussite dépendent de sa situation géographique, et de l'infrastructure qui alimente le port. La rue Hollis passe juste devant l'assemblée législative, et il s'agit du trajet principal pour de nombreux camions porte-conteneurs qui font des aller-retour. Si nous réduisions de 30 p. 100 le volume de voitures qui circulent sur la rue Hollis, alors le volume de camions ne représenterait pas un tel problème. C'est une façon de voir les choses. Je pense que nous devrons adopter cette façon de faire, sans égard à l'expansion du port. Nous devons tous chercher des moyens de nous convaincre nous-mêmes d'avoir davantage recours aux transports en commun que nous le faisons présentement.
La présidente : Monsieur le ministre, certaines analyses de l'initiative de la porte d'entrée sont arrivées à la conclusion qu'il faudrait davantage d'activité économique dans la province de la Nouvelle-Écosse pour stimuler la masse critique de trafic.
Est-ce que d'autres ministères de votre gouvernement s'intéressent de près à l'initiative de la porte d'entrée? Est-ce que le ministère de l'Industrie essaie de créer des conditions favorables à la stimulation de la masse critique des échanges commerciaux?
M. MacIsaac : Le ministère du Développement économique collabore étroitement avec le ministère des Transports et des Travaux publics dans toutes nos initiatives liées à la porte d'entrée, de même que Nova Scotia Business Inc. Nous assumons le rôle de chef de file au sein du gouvernement, et il m'incombe de répondre à toutes les questions concernant la porte d'entrée au sein du gouvernement. Nous pouvons naturellement compter sur l'appui et l'engagement actif des autres ministères, le cas échéant, mais c'est le Développement économique qui est notre principal partenaire.
M. Oxner : Si vous me permettez d'ajouter quelque chose aux commentaires du sénateur Champagne, j'ai participé au Sommet Asie Pacifique à Vancouver en octobre. Le ministre David Emerson a pris la parole durant l'événement et il a déclaré que quelque part entre 2007 et 2008, la Chine remplacera le Canada à titre de premier partenaire commercial des États-Unis. À mon avis, venant d'un ministre du gouvernement fédéral, ce fut un commentaire assez audacieux.
Pour revenir à votre commentaire sur la nécessité d'avoir des produits à exporter, la majorité des navires qui retournent en Asie sont assez allèges merci. Il faut travailler avec les entreprises canadiennes, petites et grandes, afin de trouver des créneaux sur le marché asiatique. Ces pays ont besoin de produits. Les économies internes des pays asiatiques sont en pleine croissance et elles achètent beaucoup plus de produits qu'elles n'ont commencé à en produire. Il faut vraiment travailler avec les entreprises canadiennes afin qu'elles fabriquent davantage de produits prêts à l'exportation.
À l'heure actuelle, le port d'Halifax expédie davantage de conteneurs qu'il n'en reçoit. Nous expédions des choses comme des pneus, des patates frites, des fruits de mer, des bleuets et du papier. Bowater Mersey Paper Company, qui a une usine à Liverpool, expédie des conteneurs de papier, je pense qu'il s'agit de papier journal, à destination du marché indien. Il est vrai qu'actuellement nous expédions davantage que nous ne recevons.
Pour revenir à la question du sénateur Munson concernant la circulation des camions dans le centre-ville d'Halifax, la municipalité régionale d'Halifax, en partenariat avec la province de la Nouvelle-Écosse, examine ce qu'il est convenu d'appeler un terminal intérieur en vue de planifier pour l'avenir, c'est-à-dire en prévision du moment où le terminal d'Halifax aura atteint sa capacité maximale. Ces organisations étudient la possibilité de construire un terminal intérieur où les conteneurs qui sont actuellement transportés par camion jusqu'à la cour de triage ou vers d'autres endroits seraient acheminés hors de la péninsule d'Halifax par des wagons de train de banlieue rapide jusqu'à un terminal intérieur. C'est une option que nous envisageons actuellement, et nous en évaluons la faisabilité en vue de planifier pour l'avenir. Ce terminal intérieur permettrait de réduire considérablement la circulation des camions dans le centre-ville et de déplacer le trafic sur une voie d'évitement. Chaque fois que je vois un conteneur dans le centre-ville d'Halifax, je vois des symboles du dollar.
La présidente : Vous ne devriez pas perdre cela de vue. Je vous remercie encore une fois, monsieur le ministre MacIsaac, ainsi que monsieur Oxner, de votre présence ici ce soir. Vous nous avez appris des choses intéressantes. Nous avons appris beaucoup de choses aussi sur Montréal, ne vous en déplaise, sénateur Phalen. Nous essayons de vous aider, et c'est la raison de notre présence ici. Nous étudions cette question de près. Elle nous tient à cœur. Lorsque viendra le moment de présenter notre rapport, nous tenons à faire les bonnes recommandations au gouvernement.
Le sénateur Munson : Pour le compte rendu, le sénateur Mercer est un solide défenseur de la Nouvelle-Écosse, il en est le porte-parole.
La présidente : En effet. Il est membre de notre comité.
Nous nous rendrons à Halifax dès que nous le pourrons, et nous vous le ferons savoir en temps et lieu.
M. MacIsaac : Merci de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer devant le comité. Nous vous en sommes gré. Si nous pouvons faire quoi que ce soit pour agrémenter votre visite en Nouvelle-Écosse, n'hésitez pas à nous le demander.
La séance est levée.