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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 8 - Témoignages du 27 février 2007


OTTAWA, le mardi 27 février 2007

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 36, afin d'examiner, pour en faire rapport, les objectifs, le fonctionnement et le mode de gouvernance du Fonds canadien de télévision.

Le sénateur David Tkachuk (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Je vous souhaite la bienvenue. La présidente du comité, le sénateur Bacon, étant absente aujourd'hui, je préside à sa demande.

Notre premier témoin ce matin est Michèle Fortin, présidente-directrice générale de Télé-Québec. Madame Fortin, vous avez la parole.

[Français]

Michèle Fortin, présidente-directrice générale, Télé-Québec : Madame la présidente, je vous remercie de m'avoir invitée. Pour la réunion d'aujourd'hui, en plus du chapeau de Télé-Québec, je porte deux autres chapeaux et demi et je m'explique. Je suis membre du conseil d'administration du Fonds canadien de télévision, ce qui est d'un certain intérêt. J'y suis un membre non indépendant, parce que je représente l'Association des télévisions éducatives du Canada. Je me préoccupe de l'avenir des télévisions éducatives du Canada, qui sont des télévisions régionales et particulières. Je suis aussi présidente de Télé-Québec. J'ai donc un intérêt très marqué pour la production télévisuelle en langue française et l'avenir de Télé-Québec. Mes commentaires pourront être marqués de l'une ou l'autre de ces orientations. J'essayerai d'être le plus clair possible.

Je ne ferai pas une longue présentation, je suis plutôt là pour répondre à vos questions. Comme la plupart des gens de l'industrie de la télévision, je considère que le Fonds canadien de télévision est un élément fondamental et essentiel de l'industrie télévisuelle. Notre pays a une petite taille et se retrouve en compétition avec les grandes sociétés anglophones, dont les États-Unis en particulier. Tous les débats et les actions menés au plan international sur la diversité culturelle, tant par le gouvernement du Québec que celui du Canada l'ont été pour permettre l'existence d'un système d'aide à la production canadienne et pour présenter sur nos écrans des émissions qui nous distinguent et nous reflètent, même si sur un plan strictement économique, cela ne serait pas rentable de le faire de façon complètement indépendante.

En tant que membre du fonds, je sais que des questions importantes ont été soulevées concernant la gouvernance, le mode de répartition des fonds et en particulier l'enveloppe de Radio-Canada. Le demi-chapeau qui me reste vient de mes longues années à travailler à Radio-Canada en tant que vice-présidente. Je voudrais attirer votre attention sur le sort des télévisions éducatives et de ce que j'appelle les petites télévisions orphelines.

Une grande partie des débats autour du Fonds Canadien de télévision est relié à la transformation rapide de l'industrie de la télévision et des nouveaux médias qui existent actuellement au Canada.

Comme vous le savez, des acquisitions importantes seront déposées devant le CRTC. Ces acquisitions comprendront, du côté anglais, trois ou quatre grands groupes, dont Astral Media, s'ils acquièrent les postes radiophoniques. Du côté français, on retrouve les compagnies Vidéotron, Astral Media et la Société Radio-Canada qui, malgré le fait qu'elle ne contrôle aucun système de distribution, est aussi un groupe important.

À l'extérieur de ces groupes, que reste-t-il comme réseaux de télévision? On retrouve la télévision éducative, qui est constituée de postes régionaux. Elle sert à produire et diffuser des émissions s'adressant principalement aux enfants et aux personnes vivant en région. Ces émissions sont différentes des autres et ne jouissent pas du support des groupes. Cette télévision ne fait pas partie de l'industrie de la distribution. Par conséquent, elle risque d'être oublié dans le débat. Quels que soient les choix et solutions qui seront adoptés, cette télévision risque d'être mise de côté.

Mes propos liminaires se limiteront ainsi. Il me fera maintenant plaisir de répondre à vos questions concernant le Fonds canadien de télévision. Si toutefois je ne suis pas en mesure de répondre à une de vos questions, je vous le signalerai.

Le sénateur Champagne : Vous le disiez vous-mêmes, ce qu'on a reproché le plus au Fonds canadien de télévision — et j'entends par là Vidéotron et Shaw Communications — c'est vraiment des problèmes de gouvernance.

Vous êtes au conseil d'administration du Fonds des câblodistributeurs, êtes-vous d'accord avec leur perspective? Comprenez-vous leurs préoccupations quant à la gouvernance?

Mme Fortin : Avant de parler de gouvernance, il faut parler de philosophie. Les sommes que versent Shaw Communications, Vidéotron et les autres distributeurs à la télévision canadienne sont-elles légitimes ou ne font-elles que répondre à la demande du CRTC pour rencontrer les objectifs de politique publique? Je crois qu'on tente présentement de faire dévier le débat sur la question à savoir est-ce notre argent ou l'argent du gouvernement fédéral.

Sur la question de gouvernance, nous nous trouvons devant deux modèles distincts. Le modèle des arts et de la culture est autogéré par l'industrie, ce qui n'est pas toujours facile — on le constate, entre autres, dans l'industrie du disque.

Le conseil du Fonds canadien de télévision regroupe 22 membres dont la majorité représentent des groupes d'intérêt et des experts de l'industrie agissant à la fois à titre de gestionnaires et de consultants. Cela rend la tâche un peu compliquée.

Il faut avouer que le fonds a déployé beaucoup d'efforts, au cours des dernières années, au système de prise de décisions. Il s'est doté d'un système de double majorité en vertu duquel l'adoption des politiques importantes doit se faire avec l'appui de la majorité du conseil et des membres indépendants. Il s'est donc doté d'un mécanisme assez rigide. Par exemple, avant chaque réunion, le comité des membres indépendants analyse l'ordre du jour pour déterminer s'il y a des conflits d'intérêts et, dans l'affirmative, les participants sont obligés de les déclarer. La gestion se fait donc de façon correcte.

Évidemment, les contributeurs de fonds ne siègent pas en grand nombre sur le comité car ils ne représentent pas leur part financière mais une composante de l'industrie. Pour des raisons internes, certains d'entre eux n'ont jamais réussi à déléguer de membre. Les câblodistributeurs étaient aux prises avec les distributeurs par satellite, et se sont disputés un seul poste qui n'a jamais été rempli.

Soit que l'on continue avec un système où l'industrie est représentée au conseil, ou bien on évolue vers un conseil plus indépendant, où les consultations avec l'industrie sont faites à un autre niveau. Il faut faire un choix. Sur le plan de la gestion, les choses seraient alors plus simples et il serait plus facile de répondre aux critiques. Ce modèle existe à Radio-Canada et à Téléfilm Canada.

Les deux modèles sont viables. Le conseil a pris des mesures pour protéger l'indépendance des décisions. Toutefois, ce mode de gestion n'est pas simple.

Le sénateur Champagne : Ma prochaine question s'adresse à vous en tant que présidente de Télé-Québec. Avez-vous accès aux fonds des câblodistributeurs?

Mme Fortin : Oui.

Le sénateur Champagne : Est-ce que vous vous en servez régulièrement; et dans l'affirmative, dans quel pourcentage de vos productions?

Mme Fortin : Nous avons accès à ce fonds, mais nous y avions accès davantage autrefois. Pour cette année, nous irons chercher environ 6,9 millions. Ce chiffre sera probablement moins élevé pour l'an prochain, car nos productions touchent en particulier deux domaines prioritaires du fonds, soit des émissions pour enfants et des documentaires. Les autres domaines, soit ceux des arts, des variétés et des dramatiques sont en général supportés par des télévisions plus robustes que la nôtre.

Compte tenu de l'enveloppe consacrée à Radio-Canada, le changement des règles a un effet plus perturbateur en français qu'en anglais. La Société Radio-Canada occupe une place prépondérante dans l'univers télévisuel francophone. Si on réserve à Radio-Canada une enveloppe fixe, les gains d'auditoire des chaînes spécialisées ne sont pas portés par Radio-Canada, qui perd des auditoires, mais par les autres chaînes, c'est-à-dire TVA et Télé- Québec.

Le sénateur Champagne : Le gouvernement du Canada verse, au départ, 100 millions de dollars par année au Fonds canadien de télévision, et ce depuis plusieurs années. Les émissions produites par la Société Radio-Canada ou la CBC vont chercher de 35 à 37 p. 100 de ces 100 millions de dollars que le gouvernement, propriétaire de Radio-Canada, a quand même versés. Compte tenu de ce fait, est-ce que vous considérez vraiment, en tant que présidente de Télé- Québec et responsable de la télé éducative, qu'il s'agisse là d'une injustice à l'égard de tous ceux qui contribuent au fonds, mis à part le gouvernement?

Mme Fortin : Non. En fait, quand j'étais à Radio-Canada, on allait chercher de l'argent dans le fonds. De toute façon, ce n'est pas Radio-Canada qui va chercher ces fonds mes les producteurs indépendants, quel que soit le diffuseur.

À mon avis, le fardeau serait plus facile à porter si les règles étaient les mêmes pour tout le monde. Dans un tel contexte, peut-être que Radio-Canada irait chercher davantage de fonds — et je ne m'y oppose pas.

Le fait qu'une partie du fonds soit géré selon un mode de règles et une autre partie selon un autre mode rend l'harmonisation des règles difficile pour l'ensemble de l'industrie. Radio-Canada devrait profiter de ce fonds comme toutes les autres télévisions. Certaines compagnies, comme Vidéotron, disent qu'ils ne veulent pas contribuer à un fonds public. Mais ce fonds public contribue à la production d'émissions diffusées sur ces chaînes également.

Le sénateur Champagne : Et Vidéotron diffuse les émissions de Radio-Canada.

Mme Fortin : Toutefois, TVA va chercher 16 millions de dollars dans le fonds pour produire des émissions diffusées sur une chaîne privée.

Le sénateur Fox : Madame Fortin, je crois que vous, ainsi que l'APFTQ, êtes en territoire plutôt sympathique ici ce matin.

Nous avons tellement entendu parler de Radio-Canada qu'on oublie sans doute que d'autres diffuseurs publics, ou quasi-publics, profitent du fonds également. Si je ne m'abuse, 37 p. 100 du fonds est réservé à des productions résultant d'une entente entre le producteur et Radio-Canada.

Existe-t-il une réserve également pour Télé-Québec et les télévisions universitaires?

Mme Fortin : Non, nous nous situons dans le même champ d'activité que les télévisions privées. Il y a trois programmes spécifiques : Radio-Canada, les francophones hors Québec, qui s'oriente vers les producteurs, car c'est plus industriel, et les aborigènes. Toutes les autres télévisions font partie du même système de redistribution des fonds selon des critères prédéterminés par le fonds.

Le sénateur Fox : Êtes-vous satisfaite de cela ou pensez-vous qu'il devrait y avoir un régime particulier pour les télévisions publiques autres que Radio-Canada?

Mme Fortin : Je vais être franche avec vous, je ne le sais pas. Hier, nous avons eu une discussion avec des télédiffuseurs publics et privés de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan, de l'Ontario et des télédiffuseurs d'émissions éducatives. La partie publique ne croit pas au fonds, mais la partie privée y croit.

Le gouvernement s'est donné pour objectif d'accroître le nombre de Canadiens qui regardent des émissions canadiennes. À Télé-Québec, nous n'avons pas de mauvaises cotes d'écoute pour ce qui est des types de population que nous ciblons et le type d'émissions que nous produisons. Toutefois, dans une compétition générale, ce n'est pas notre facteur premier. Ce n'est donc pas particulièrement avantageux pour nous.

L'un ou l'autre modèle pourrait exister et je ne saurais pas aujourd'hui privilégier un plutôt que l'autre. Ce qui est important pour nous, et c'est difficile à financer, ce sont les émissions pour enfants. Elles ne génèrent pas de grands auditoires, sont dispendieuses à produire, mais elles ont un potentiel de vente à l'étranger quand il s'agit d'animation plutôt que de dramatique. L'émission Passe-Partout ne se vend pas à l'étranger sauf en DVD.

En ce sens, l'un ou l'autre modèle est faisable. Cependant, il ne faudrait pas se retrouver avec un modèle dont les critères sont définis par les télédiffuseurs privés et que les télédiffuseurs publics se retrouvent dans une espèce de « no man's land ».

Le sénateur Fox : Par privé, nous devons entendre les autres membres du conseil d'administration et non pas l'APFTQ, par exemple?

Mme Fortin : Les autres membres du conseil d'administration. Parmi les modèles qui circulent, on ne doit pas donner une voix plus importante aux distributeurs de signaux dans la détermination des politiques. Les télédiffuseurs publics ne font pas partie des chaînes préférées des distributeurs de signaux.

Le sénateur Fox : Depuis le début de la controverse, à la suite des décisions de Vidéotron et de Shaw, plusieurs comités ont tenu des audiences publiques, dont la Chambre des communes, le Sénat et le CRTC. Croyez-vous qu'il s'agisse d'une crise? Ou encore : la crise est-elle terminée bien que le problème subsiste toujours? Le problème ne semble pas réglé à votre satisfaction.

Mme Fortin : Il y aura toujours des controverses. Cela fait partie de l'industrie. Cependant, il faudrait être en mesure de résoudre une fois pour toutes un certain nombre de critiques ou de controverses pour assurer la pérennité du fonds et son développement. Un organisme s'expose toujours à des critiques de la part de l'un ou l'autre de ses membres ou de ses partenaires. Cela n'est pas très propice au développement ni à la croissance. Il faut régler cette question une fois pour toutes.

Le sénateur Fox : Les représentants du Fonds canadien de télévision ont comparu devant notre comité la semaine dernière et ont proposé quatre recommandations. Cependant, j'ai peine à croire que ces recommandations suffiraient à régler la situation si elles étaient entérinées par le CRTC, même pour cinq ans, car pour toujours me semble irréaliste.

Mme Fortin : Je parlerai à titre personnel. Il est très difficile pour un conseil tel que celui du fonds d'apporter des solutions radicales du fait de sa composition. Trop d'intérêts sont en jeu. Les gens ont trop travaillé à améliorer le système actuel pour le trouver complètement mauvais. Le problème vient du fait que la vision des gens de l'extérieur est différente de celle des gens de l'intérieur. Pour cette raison, je trouve intéressant que le CRTC, le Sénat et la Chambre des communes interviennent, parce que cette vision de l'extérieur peut amener les gens, malgré le fait qu'on ait raison, à être en désaccord avec notre position, à ne pas nous faire confiance ni à nous croire. Il faut donc trouver une voie d'harmonisation de sorte que le fonds puisse survivre et soit accepté par le milieu. Je ne parle pas que de Vidéotron et de Shaw. Leur combat dépasse le fonds. Ils sont pour les redevances pour les chaînes spécialisées, la déréglementation, les nouveaux médias, et cetera. Cela fait partie d'une stratégie plus globale.

Le sénateur Fox : La seule façon de trouver une solution à long terme serait qu'il y ait acceptation d'un principe de base. Le principe de base est que les télédiffuseurs privés, qui contribuent à ce fonds avec le gouvernement fédéral et les satellites, en retour de l'immense privilège qui leur est accordé d'avoir des licences — dans les débuts de la télévision par câble, ces télédiffuseurs formaient des monopoles et demeurent toujours des oligopoles —, puissent aider ou payer des cotisations au système public. Ils font partie de la solution. Je me souviens du discours, à une certaine époque, des représentants de Bell Canada qui vantaient les mérites de la libre entreprise alors qu'ils étaient en situation de monopole, qu'il n'y avait pas de concurrents et qu'il était facile de ce fait d'obtenir des rendements intéressants. Êtes- vous d'accord pour dire, après acceptation sinon imposition du principe de base, que le secteur privé tel qu'il a été développé au cours des années au Canada doit contribuer également au succès du secteur public?

Mme Fortin : Je suis tout à fait d'accord. Si on laisse aller chacun pour soi, on va transformer profondément le système de radiodiffusion canadien. On met en péril ce pourquoi on se bat, c'est-à-dire la possibilité de faire ici des émissions de même qualité que celles de notre voisin américain et de respecter la diversité culturelle.

Le sénateur Fox : Est-ce que la télévision publique autre que Radio-Canada devrait avoir un régime particulier à l'intérieur du fonds?

Mme Fortin : Cela dépend un peu de la résolution des autres questions. Si les télédiffuseurs privés prennent plus d'importance dans la détermination des règles, j'opterais pour un statut particulier pour les autres télévisions publiques. Si le fonds devient un instrument de politique publique plus important, ce sera alors probablement différent.

[Traduction]

Le vice-président : J'aimerais que d'ici 10 h 15, nous puissions passer au prochain groupe de témoins.

Le sénateur Zimmer : Je vous remercie pour votre exposé. Ma question porte sur les téléspectateurs. Les entreprises Shaw et Vidéotron s'opposent au fait que le FCT subventionne des émissions que très peu de Canadiens regardent; pouvez-vous commenter cette opposition? Le FCT pourrait-il mettre en place des incitatifs à la production d'émissions plus populaires?

Mme Fortin : Puis-je être franche avec vous?

Le sénateur Zimmer : Absolument, si le président veut bien.

Mme Fortin : Shaw en particulier a fait cette déclaration en parlant des Canadiens anglais. Les Canadiens français regardent leurs émissions.

Un grand nombre de téléspectateurs francophones regardent les émissions canadiennes. J'ai travaillé pendant de nombreuses années à CBC/Radio-Canada, et nous avions de la difficulté à trouver des moyens d'accroître l'intérêt des anglophones pour les émissions canadiennes anglaises, surtout les dramatiques. Est-ce peine perdue? Je n'en sais rien. Quand on parle de téléspectateurs canadiens, il faudrait faire la distinction entre les auditoires francophone et anglophone.

Le sénateur Zimmer : Savez-vous si les émissions qui remportent moins de succès sont financées par d'autres fonds canadiens, comme le Rocket Fund de Shaw?

Mme Fortin : Pour ce qui est de Shaw, je l'ignore. Dans le milieu francophone, on a tendance à se tourner vers le FCT et d'autres fonds, comme Cogeco, Rogers et l'Office national du film, ainsi que le radiodiffuseur, car cet appui permet d'établir une structure financière. Prenons, par exemple, la télévision francophone; on y trouve ce qu'on appelle des téléréalités et des copies d'émissions américaines qui attirent un vaste auditoire d'environ 2 millions de personnes. Sur le plan commercial, ces émissions sont rentables, mais ce ne sont pas les seules émissions que le public veut voir à la télévision. Ce n'est pas en diffusant seulement ce genre d'émissions que le Canada va se distinguer. J'espère que j'ai répondu à votre question.

Le sénateur Zimmer : Shaw et Vidéotron ont signalé que le FCT ne subventionne pas les services de vidéo sur demande. Étant donné la croissance récente des nouveaux médias, le FCT ne devrait-il pas y consacrer une partie de son financement?

Mme Fortin : Je n'ai pas participé aux discussions qui ont eu lieu à cet égard. Le FCT n'est pas en mesure de répondre à toutes les demandes de financement pour la production télévisuelle. Je crois que durant des discussions en coulisses, on a fait valoir que pour embarquer dans tous ces autres domaines, il faudrait avoir plus d'argent. Sinon, il faudrait consacrer moins de fonds à la programmation canadienne à un moment où il faut soutenir la production télévisuelle afin qu'elle demeure attrayante aux yeux du public canadien. C'est tout ce que je sais.

Le sénateur Zimmer : Je vous remercie de votre franchise.

Le sénateur Adams : Madame Fortin, je viens du Nord, où la télévision et la radio autochtones existent depuis bon nombre d'années grâce au sénateur Fox qui, à l'époque où il était ministre, a accordé le financement nécessaire.

Conformément à la politique visant les entreprises de câblodistribution, la télévision autochtone est disponible partout au pays. En outre, j'ai entendu dire que les sociétés de communications par satellite sont tenues de diffuser au moins une émission autochtone. Certaines personnes sont d'avis qu'elles ne devraient pas payer davantage par mois pour l'ajout d'une émission produite dans une langue qu'elles ne comprennent pas. Êtes-vous au courant de la situation?

Mme Fortin : Non, mais j'ai entendu dire que les Autochtones se demandent pourquoi ils ne reçoivent pas davantage de fonds et pourquoi les francophones hors Québec reçoivent plus d'argent qu'eux pour la programmation; semble-t-il qu'ils n'ont pas droit à cet argent, mais je ne peux rien confirmer.

Le sénateur Adams : Les émissions autochtones sont présentées en quatre langues : l'inuit, le cri, le français et l'anglais. Ce sont de bons programmes. Le service offert par les entreprises de câblodistribution et de communications par satellite a fait l'objet de débats en raison du marché semi-clandestin et du fait que certaines personnes font le piratage des signaux transmis par satellite. Les signaux sont maintenant encodés, mais dans de nombreuses régions rurales, les habitants n'ont pas les moyens de se payer l'abonnement au câble ni aux services de diffusion par satellite. Existe-t-il toujours un marché gris?

Mme Fortin : Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, s'est penché sur la question de savoir si la radiodiffusion par câble et par satellite dans le Nord devrait se poursuivre. Cependant, cette question n'a aucun rapport avec le FCT; elle porte plutôt sur les politiques générales concernant la radiodiffusion.

Le sénateur Adams : Radio-Canada a un espace réservé aux émissions autochtones offertes par un câblodistributeur, mais dans le Nord, les signaux sont diffusés par ondes hertziennes et non pas par câble. La réception n'est pas bonne; l'image est toujours enneigée. Y a-t-il moyen d'obtenir une image plus nette? Je pose la question parce qu'une grande partie de la collectivité n'a pas les moyens de se payer le service de diffusion par câble ou par satellite.

Mme Fortin : Malheureusement, je ne sais pas.

Le sénateur Adams : La coopérative a installé le câble dans la collectivité. Existe-t-il un monopole dans le secteur des antennes paraboliques au Canada?

Mme Fortin : Je n'en sais rien. Je regrette de ne pouvoir vous être plus utile.

[Français]

Le sénateur Munson : Vidéotron paie-t-il un montant approprié au Fonds de télévision canadien?

Mme Fortin : Je pense que la règle, c'est que les distributeurs de signaux contribuent par un pourcentage de leurs revenus variant s'ils ont des canaux communautaires ou non. Vidéotron contribue sa part, comme on dit en anglais, « level playing field », avec tous les autres distributeurs de signaux. Comme Vidéotron fait partie d'un ensemble où il y a une télévision, en général, sa télévision — en tout cas l'an dernier — a reçu un peu plus que ce qu'il a contribué. Cependant, je dois préciser que ce sont deux entreprises différentes qui sont traitées, l'une comme un contributeur et l'autre comme une télévision — la télévision la plus populaire au Québec, il faut bien le dire.

Le sénateur Munson : Avez-vous la même opinion pour Shaw Communications?

Mme Fortin : Shaw Communications paie son pourcentage aussi. Ce pourcentage devrait-il être changé? Je ne sais pas. Je n'ai pas réfléchi à cette question. De notre point de vue, cela pourrait l'être; plus il y a d'argent, mieux c'est, mais par rapport à l'économie générale du système, je pense qu'il y a d'autres considérations qui entrent en ligne de compte et c'est davantage le CRTC qui pourra statuer à ce niveau.

[Traduction]

Le sénateur Munson : J'espère que les Têtes à claques seront subventionnées un jour par le Fonds et qu'elles seront connues au Canada anglais. Il s'agirait d'une merveilleuse expérience culturelle pour nous tous.

Mme Fortin : Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.

Le sénateur Munson : Je parle de mes nouveaux amis au Québec.

Mme Fortin : Oui, bien sûr. Il existe des programmes de ce genre partout au Canada qui ont été créés sans financement public; ils font des profits considérables sans avoir recours au Fonds.

Le sénateur Munson : Je pense que Pierre Péladeau aimerait bien en obtenir les droits.

Mme Fortin : Il aurait dû le créer lui-même. Il est libre d'inventer autre chose; c'est le privilège des créateurs.

Le vice-président : On sait que les émissions en français sont très populaires au Québec. Savez-vous combien d'entre elles sont financées par le privé et rentables?

Mme Fortin : Je dirais que les téléjournaux, les magazines et les jeux télévisés — ce genre d'émissions souvent regardées — ne sont pas subventionnés par le Fonds. Il est presque impossible de réaliser des dramatiques, des documentaires ou des programmes pour jeune public — à l'exception d'émissions divertissantes pour enfants — sans avoir recours au Fonds. C'est la situation actuelle.

Moins il y a d'argent dans le Fonds, plus on crée des magazines télévisés. C'est ce que je ferai notamment l'année prochaine en plus des émissions légères. Si nous voulons réaliser des dramatiques pour enfants, des documentaires et surtout des émissions dramatiques pour adultes, nous avons besoin du Fonds, comme tout le monde d'ailleurs.

Le diffuseur investit beaucoup d'argent dans la programmation, et nous bénéficions de crédits d'impôts ainsi que du Fonds. Voilà nos trois principales sources de financement.

Le vice-président : Les 5 p. 100 que doivent verser Vidéotron et Shaw constituent-ils un paiement récurrent pour avoir le droit de diffuser par câble? Est-ce un impôt? Vous avez fait part de la position de ces deux entreprises. Comment voyez-vous ce versement? Quelle est l'opinion du conseil d'administration du Fonds? S'agit-il d'un droit d'utilisation, d'un impôt ou d'un paiement pour le droit d'avoir une licence? Selon vous, qu'est-ce que c'est exactement? Nous allons poser la même question aux représentants de Shaw et de Vidéotron lorsqu'ils témoigneront.

Mme Fortin : Je ne suis pas avocate.

Le vice-président : Mais vous faites partie du conseil d'administration.

Mme Fortin : Je ne pourrais pas vous dire quelles seraient les différentes perceptions à cet égard.

Le vice-président : Je ne suis pas avocat moi non plus.

Mme Fortin : Selon moi, si nous voulons maintenir un système de télévision offrant du contenu canadien, en anglais comme en français, à une population de 30 millions de personnes, il faut absolument pouvoir compter sur une infrastructure de financement. Sans cela, le Canada deviendra un satellite des États-Unis. Du côté francophone, on pourrait offrir uniquement une programmation de piètre qualité, car la population n'est pas suffisante pour permettre, sans aide financière externe, l'excellent contenu télévisuel diffusé actuellement. S'agit-il ou non d'une forme d'imposition? J'estime que le système a été conçu de façon à offrir aux Canadiens une vitrine qui est le reflet de leur identité et de leurs aspirations. Sans une telle aide, aussi bien y renoncer.

Le vice-président : Les résidents canadiens paient une facture de câblodistribution pouvant aller de 40 $ jusqu'à 100 $, selon les services auxquels ils sont abonnés. En acquittant cette facture, non seulement paient-ils pour l'accès à la programmation, mais ils versent aussi un droit exigé par les entreprises de câblodiffusion pour couvrir le coût d'émissions qu'ils ne regardent pas, plus souvent qu'autrement. Le client ne peut pas éviter ces coûts, car s'il désire syntoniser une chaîne quelconque, il doit prendre les quatre autres qui sont incluses dans le même forfait. Il paie dont pour cette production télévisuelle. Certains réseaux, dont Global et CTV, ont fait valoir qu'ils devraient toucher eux aussi une partie de ces sommes pour financer la production.

Je considère que cela fait beaucoup d'argent pour le financement de la production. Je ne sais pas quelle proportion de cette facture de 100 $ va aux droits perçus par les câblodistributeurs pour la production d'émissions, mais cela représente certes un montant substantiel si l'on pense au nombre de Canadiens qui sont abonnés. Ces fonds ne sont-ils pas suffisants pour financer la production télévisuelle?

Mme Fortin : Si les gens ne pouvaient s'abonner qu'à une seule chaîne et devaient payer tous les coûts afférents pour syntoniser, par exemple, le canal des sports ou la chaîne des dramatiques, il se peut bien que le tarif exigé serait trop élevé. La production d'émissions de télévision coûte très cher. La seule façon d'avoir une programmation bon marché, c'est d'acheter les émissions des États-Unis, qui font du dumping chez nous. Lorsque nous allons au théâtre ou à l'opéra, nous payons uniquement pour le spectacle auquel nous assistons. Il est très onéreux de produire un opéra pour la télévision. C'est comme la télévision à la carte : lorsque nous achetons une émission à la carte, nous n'en défrayons pas les coûts réels. Nous ne payons même pas les coûts marginaux. C'est ainsi que le système est conçu.

J'aimerais bien discuter avec vous des ajustements qui pourraient être apportés, mais il demeure que nous avons besoin de sommes considérables pour produire ici au Canada des émissions à l'intention des Canadiens. Il n'est pas question pour les Canadiens de payer à la pièce pour regarder les différentes émissions. Si nous ne produisons plus de contenu télévisuel, aussi bien dire adieu à la culture canadienne. C'est aussi simple que cela.

Si nous avions une population de 300 millions, la situation serait différente. Lorsque j'étais à Radio-Canada, on nous comparait souvent au Royaume-Uni avec sa BBC et à la France, mais ces pays comptent 80 millions d'habitants et ont accès à des sommes gigantesques — nettement supérieures à celles dont nous disposons — pour produire leurs émissions.

Le sénateur Zimmer : Dans une lettre datant de décembre dernier, Shaw indiquait que, d'après son interprétation, le Fonds canadien de télévision devait parvenir à l'autosuffisance au bout d'une période initiale de cinq ans et qu'une clause crépusculaire était donc prévue relativement aux contributions privées à ce titre. Avez-vous déjà entendu parler de cette période de cinq ans? Existe-t-il des indications écrites en ce sens?

Mme Fortin : Je ne suis au courant de rien à ce sujet. Je travaillais pour le FCT à l'époque. Je faisais de la recherche. Si quelqu'un a écrit une telle chose, il a commis une grave erreur ou a menti effrontément parce qu'il est impossible que le Fonds devienne autosuffisant avec la population que nous avons au Canada.

Le sénateur Zimmer : Surtout après seulement cinq ans.

Mme Fortin : Effectivement, mais même une période plus longue ne permettrait pas d'y arriver. Regardez ce qui se passe avec le cinéma. Quelques films seulement, un ou deux par année, font leur frais. Même aux États-Unis, on peut probablement parler d'un film sur dix qui permet de payer tous les autres; c'est la norme dans cette industrie. L'autosuffisance est impossible, à moins de produire dans un format préétabli, ou suivant une formule semblable, du contenu destiné à l'exportation. Mais on se retrouve alors avec un autre type d'industrie; une telle programmation ne correspond pas aux valeurs culturelles auxquelles les Canadiens souhaitent pouvoir s'identifier lorsqu'ils regardent la télévision.

Il y a bien sûr des émissions qui rallient de vastes auditoires, comme la soirée des Oscars; je l'ai moi-même regardée — tout au moins partiellement — mais ce n'est pas suffisant. Ce n'est pas de cette manière que l'on bâtit un pays.

Nous pourrions sans doute améliorer certaines choses. Je sais qu'au Canada anglais, surtout dans le secteur du divertissement, il peut être difficile de soutenir la concurrence des Étasuniens avec tous les outils promotionnels et tout l'argent dont ils disposent pour leurs émissions. Ce n'est toutefois pas le cas pour les émissions pour enfants et les documentaires ainsi que pour bien d'autres formes de productions pour lesquelles le Canada peut offrir une voix différente. Je suis convaincue qu'il vaut la peine d'assurer la survie du contenu canadien. C'est ce que je voulais vous dire aujourd'hui.

Le sénateur Munson : Avant de vous laisser partir, je veux vous dire que le sénateur Tkachuk et moi-même sommes de bons amis. Il est de la Saskatchewan et je suis des Maritimes. Il aime l'émission Corner Gas dont l'action se situe dans les Prairies. Savez-vous si cette émission est subventionnée d'une manière ou d'une autre?

Mme Fortin : Oui, elle est subventionnée.

Le sénateur Munson : D'où proviennent ces fonds?

Mme Fortin : C'est peut-être une question qu'il faudrait poser à mon ami de l'Association canadienne de production de films et de télévision (ACPFT), mais je crois que le FCT a investi dans cette production.

Le sénateur Munson : Le secteur privé utilise donc ces sommes pour les réinjecter dans un contenu canadien qui connaît du succès dans l'Ouest. Je trouvais important que cette constatation soit portée au compte rendu.

Mme Fortin : Je ne connais pas vraiment la situation de Corner Gas. C'est une émission de CTV. Un autre témoin pourra sans doute vous en dire davantage. Je crois que l'émission a obtenu du financement la première année, mais pas au cours des années subséquentes. Je ne pourrais toutefois pas vous le garantir.

Le vice-président : Merci beaucoup, madame Fortin.

Nous allons accueillir maintenant Vincent Leduc et Jacques Blain de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, ainsi que Scott Garvie, qui remplace Guy Mayson à titre de représentant de l'Association canadienne de production de films et de télévision, un groupe national chapeautant plusieurs organisations. M. Garvie est accompagné de M. Mario Mota, directeur principal, Relations avec les diffuseurs et recherche.

Nous avons en mains les mémoires de ces deux associations. J'aimerais que chaque groupe nous en présente un résumé d'environ cinq minutes avant que nous passions aux questions. Nous allons débuter avec M. Leduc.

Vincent Leduc, président du conseil d'administration, Association des producteurs de films et de télévision du Québec : Je n'ai pas préparé de résumé, alors je vais vous livrer rapidement mes observations en français de façon à ce que nous soyons tous sur la même longueur d'ondes.

Le vice-président : Vous n'avez pas à vous presser.

[Français]

M. Leduc : Je suis président du conseil d'administration de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec. M'accompagne Jacques Blain, qui est membre du conseil d'administration de l'APFTQ. Nous représentons la vaste majorité des maisons de production indépendantes en télévision au Québec, soit plus de 130 entreprises.

Comme nous l'avons déjà exprimé publiquement, l'APFTQ considère que la décision des câblodistributeurs Shaw et Vidéotron de cesser de verser leurs contributions au Fonds canadien de télévision était inacceptable et prenait en otage l'ensemble du système canadien de télédiffusion. Suite aux appels répétés du milieu, le gouvernement canadien et le CRTC ont réitéré à ces deux entreprises leurs obligations réglementaires, et celles-ci ont finalement obtempéré.

La contribution à la production canadienne demeure un pilier fondamental règlementaire de la radiodiffusion canadienne. Sans ce pilier, la structure complète ne pourrait tenir. Sans le financement privé des distributeurs par câble et par satellite au Fonds canadien de télévision, c'est 60 p. 100 des émissions canadiennes en dramatique, documentaires, jeunesse et variété qui disparaîtraient. Cela entraînerait une baisse de 60 p. 100 des emplois pour les scénaristes, réalisateurs, et cetera. Sans doute plusieurs maisons de production indépendantes devraient-elles fermer leurs portes.

La stabilité de toute une industrie est en jeu. S'il y avait désistement généralisé de la part des câblodistributeurs et distributeurs par satellite à leur contribution au FCT, cela signifierait une perte de 8 500 emplois au Canada, dont 2 500 au Québec seulement.

La Loi sur la radiodiffusion ainsi que les mesures de soutien à l'industrie ont notamment été mises en place pour favoriser l'épanouissement et la diffusion de notre culture face à l'omnipotence de notre voisin américain. Les objectifs de cette loi sont plus pertinents que jamais dans un contexte international où la promotion de la diversité culturelle représente encore une bataille à livrer et à gagner. Cette lutte n'a de sens que si la diversité culturelle en question est d'abord affirmée et promue sur une base nationale.

D'ailleurs, l'un des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion est de faire appel de façon notable aux producteurs canadiens indépendants de façon à assurer une plus grande diversité des lieux de création. D'autres mesures ont été mises en place pour permettre un équilibre entre les chaînes publiques, privées et spécialisées. Des quotas de contenu canadien ont été instaurés pour assurer une place prépondérante à nos émissions sur nos écrans. Des mesures de soutien au financement de nos productions ont été établies pour répondre à la demande. Des règles de propriété et de contrôle canadien des entreprises de radiodiffusion existent pour protéger tout ce système.

Le système canadien de radiodiffusion constitue un modèle dans le monde. Les succès de la télévision québécoise n'auraient pu voir le jour sans un ensemble de mesures de soutien. Depuis 25 ans, notre système a favorisé une protection de l'écoute francophone, une grande popularité de nos émissions et une qualité reconnue à l'échelle internationale.

La promotion de notre culture constitue un choix de société que les Canadiens ont affirmé au fil des ans. Il serait irresponsable, croyons-nous, de remettre ces politiques en question sans songer aux fondements même de leur existence. Ce débat concerne tous les citoyens et non seulement quelques entreprises insatisfaites de certaines règles du jeu.

Les objectifs qui ont présidé à la création du Fonds canadien de télévision étaient d'assurer que le public canadien puisse avoir accès à des émissions canadiennes de qualité, qui seraient produites par une grande variété de producteurs canadiens et diffusées sur toutes les chaînes canadiennes.

J'aimerais rappeler que le CRTC a institué le principe d'une contribution obligatoire des distributeurs au financement des émissions canadiennes, dans un contexte où il avait décidé d'autoriser les entreprises de radiodiffusion et de télécommunication à se livrer concurrence pour la prestation de service de télédistribution, de téléphonie et de nouveaux médias. Si cette ouverture à la concurrence a mis un terme au monopole des câblodistributeurs sur la télédistribution, elle leur a aussi conféré d'énormes avantages en termes de pouvoir de concentration, de propriété croisée multimédia et d'utilisation de leur réseau pour offrir toute une gamme de services très lucratifs.

Si bien qu'aujourd'hui, en 2007, cinq grandes entreprises de distribution de radiodiffusion, ce qu'on appelle les EDR, Rogers, Shaw, Vidéotron, Bell ExpressVu et Cogeco, contrôlent 90 p. 100 de tous les abonnements à la télédistribution au Canada.

Ces EDR sont aussi tous actifs désormais dans le secteur de la fourniture d'accès Internet et des portails, de la téléphonie résidentielle et sans fil. Si bien que, en s'ouvrant à la concurrence, les câblodistributeurs y ont gagné au change.

Au seul titre de leur activité de télédistribution, les EDR ont vu leurs profits croître de 340 p. 100 entre 2001 et 2005.

Les EDR et les services de télévision liés aux EDR réalisent plus de 80 p. 100 des revenus totaux de l'industrie de la radiodiffusion privée au Canada.

Jacques Blain, vice-président du conseil d'administration, Association des producteurs de films et de télévision du Québec : Étonnamment, que propose aujourd'hui Quebecor, l'un de ces cinq géants qui contrôlent l'industrie de la radiodiffusion au pays? Rien de moins que de priver toutes les entreprises de production ou de télévision qui ne leur sont pas liées de toute aide financière en provenance du Fonds canadien de télévision.

En effet, si, comme Quebecor le propose, chacune de ces entreprise est libre de se retirer du Fonds canadien de télévision pour verser sa contribution à un fonds privé qui n'accueillera que des émissions destinées à ses filiales de programmation et produites par ses filiales de production, qu'adviendra-t-il des entreprises de télévision non affiliées à ces distributeurs?

Qu'adviendra-t-il des Télé-Québec, des chaînes Télé Astral, des Global, des TV5 et des MusiquePlus de ce monde? Elles seraient mises au ban, privées de toute aide financière directe en provenance des distributeurs, qui pourtant s'enrichissent en distribuant leurs services comme d'ailleurs ceux de Radio-Canada.

Sachant que Vidéotron contrôle 80 p. 100 des abonnés à la câblodistribution au Québec, qu'est-ce qui justifie que TVA et ses filiales reçoivent 80 p. 100 de toutes les contributions des câblodistributeurs du Québec, alors qu'elle n'accapare que 29 p. 100 de l'écoute des Québécois francophones?

Pourquoi les chaînes francophones québécoises non liées à Quebecor, qui accaparent 65 p. 100 de l'écoute, seraient- elles privées de tout soutien de la part du plus grand câblodistributeur au Québec?

Au début des années 1980, TVA, Radio-Canada et Télé-Québec produisaient eux-mêmes la quasi totalité de leur contenu canadien, et les émissions qui dominaient les cotes d'écoute n'étaient pas faites ici : elles s'appelaient Dallas ou Dynastie. Les Québécois francophones désertaient en grand nombre la télévision de langue française au profit de la télévision de langue anglaise.

Aujourd'hui, 27 des 30 émissions les plus regardés par les Québécois, chaque saison, sont québécoise et la télévision de langue française accapare près de 95 p. 100 de l'écoute des francophones. Cette réalité est grandement redevable au talent et à l'expertise de création et de production qu'ont développés les producteurs indépendants que nous représentons.

Veut-on vraiment revenir 30 ans en arrière? Veut-ton vraiment retourner à une situation où il n'y aurait que quelques producteurs diffuseurs intégrés contrôlant toute la création et l'accès au système de radiodiffusion? Il n'y aurait aucun bénéfice ni pour le public ni pour l'ensemble de l'industrie.

À l'heure où la ministre du Patrimoine canadien dresse le bilan des efforts du Canada et du Québec pour promouvoir la diversité culturelle dans le monde, nous souhaitons rappeler que cette diversité culturelle, cette diversité des voix éditoriales, cette diversité des lieux de création sont menacés, ici même au Québec, par la proposition de Quebecor Média.

J'aimerais rapidement aborder la question des droits sur les nouvelles plateformes, un sujet de préoccupation pour Quebecor comme pour l'ensemble de l'industrie. L'APFTQ a beaucoup réfléchi à cette question depuis un an. Nous avons formé un comité spécial qui s'est appuyé sur une solide analyse de l'évolution économique de la télévision au pays. Ce comité a défini certains principes qui lui semblent indispensables à un sain climat de négociations.

Il a ensuite formulé des recommandations sur la libération et la rémunération des droits d'exploitation des émissions de télévision indépendantes en vidéo sur demande sur diverses plateformes. Ces propositions, basées sur des principes d'équité entre tous les partenaires, ont été remises aux diffuseurs et aux associations d'artistes. Si les détails vous intéressent, nous avons quelques copies disponibles ici.

L'approche préconisée par l'APFTQ a donc été soumise à tous les intervenants concernés comme base de discussion pour une consultation multilatérale. Nous avons espoir qu'un consensus industriel se dégage des discussions que nous poursuivons présentement avec tous nos partenaires. Les producteurs pourront partager avec les ayants droits (auteurs, réalisateurs, comédiens) les revenus liés à l'exploitation des œuvres sur les nouvelles plateformes dans la mesure où ils auront accès à certains revenus. Ce n'est malheureusement pas encore le cas.

M. Leduc : L'Association des producteurs de films et de télévision du Québec accueille avec ouverture l'annonce de la consultation du CRTC sur le Fonds canadien de télévision. Nous participerons activement à l'étude des questions concernant l'utilisation des contributions versées par les EDR, la taille et la structure du conseil d'administration, les mécanismes appropriés pour résoudre les conflits d'intérêts potentiels au sein du FCT, ainsi que tout autre aspect qui nous sera soumis. Un comité a déjà été mis sur pied au sein de l'APFTQ pour y travailler.

Nous aimerions souligner l'importance que nous accordons à un processus ouvert et transparent pour traiter de ces questions d'intérêt public. Le public canadien est aux premières loges en ce qui concerne la télévision canadienne et il a voix au chapitre. De même que tous les intervenants de l'industrie sont en droit de connaître les justifications à toute réforme éventuelle de ce fonds essentiel pour la culture canadienne. Merci de votre attention.

[Traduction]

Mario Mota, directeur principal, Relations avec les diffuseurs et recherche, Association canadienne de production de films et de télévision : Vous avez devant vous nos remarques préliminaires. Je ne les lirai pas afin d'avoir suffisamment de temps pour répondre à vos questions. Je dirai quelques mots avant de céder la parole à M. Garvie.

Le FCT est, selon nous, un élément essentiel du système de diffusion canadien et il a connu un immense succès. Sans le fonds, nous n'aurions pas les programmes typiquement canadiens tant appréciés par des millions de téléspectateurs.

L'Association canadienne de production de films et de télévision (ACPFT) représente quelque 400 entreprises qui se livrent à la production d'émissions de télévision, de longs métrages et de contenu pour les nouveaux médias dans toutes les régions du pays. Comme il règne souvent une certaine confusion quant au rôle des producteurs, je vais vous fournir quelques précisions à ce sujet.

Nous concevons les projets, montons la structure de financement et embauchons les créateurs et les équipes de travail — souvent des centaines de personnes — pour traduire des scénarios en émissions, contrôler l'exploitation des droits et livrer le produit fini. Nous créons des émissions de grande qualité dans des genres qui ne sont pas exempts de risques financiers : dramatiques, comédies, documentaires, émissions pour enfants et spectacles — ce qui est qualifié de contenu prioritaire par le CRTC. Nous produisons également du contenu à l'intention des nouvelles plateformes numériques. Jour après jour, nous offrons aux téléspectateurs canadiens l'option d'une perspective canadienne sur notre pays, notre monde et la place que nous y occupons. À ce titre, le secteur de la production indépendante joue un rôle clé au sein du système canadien de radiodiffusion, rôle qui est d'ailleurs reconnu dans la Loi canadienne sur la radiodiffusion.

En plus de contribuer à l'atteinte de grands objectifs culturels, nous y allons d'un apport considérable à l'économie canadienne et comptons pour une part importante des activités de production au Canada. Bon an mal an, ces activités se chiffrent à plus de 4,5 milliards de dollars et créent plus de 120 000 emplois directs et indirects. Selon nous, on ne peut certes pas parler d'un secteur négligeable au sein de notre économie.

Le sénateur Fox : Ces chiffres incluent à la fois le cinéma et la télévision, n'est-ce pas?

M. Mota : C'est exact. Cela comprend aussi le service à la production, c'est-à-dire le travail que nous effectuons pour les producteurs étrangers qui viennent tourner au pays. C'est le chiffre total.

Avant de laisser la parole à M. Garvie, je tiens à apporter certaines précisions pour que tout soit bien clair. On a déjà mentionné à quelques reprises cette proportion de 5 p. 100 des revenus que les entreprises de distribution de radiodiffusion (EDR) doivent verser pour la production de contenu canadien. En réalité, cette proportion s'établit à 3 p. 100 étant donné que les règles du CRTC autorisent les EDR à utiliser 2 p. 100 de leurs recettes — à même ce 5 p. 100 — pour financer leurs propres chaînes communautaires — tout au moins pour ce qui est des câblodiffuseurs. Alors, cette proportion fixée au départ à 5 p. 100 s'est étiolée au fil des ans pour se chiffrer maintenant à 3 p. 100. Je voulais remettre les pendules à l'heure à ce sujet. Avec le temps, les câblodistributeurs ont cherché à gruger dans cette contribution pour servir leurs propres intérêts.

Le sénateur Munson a parlé de la série Corner Gas. Je dois préciser que cette émission n'est pas subventionnée par le FCT. Il s'agit de l'une des rares productions qui est parvenue à se tirer d'affaires sans l'apport de fonds publics. Il faut toutefois dire qu'elle profite d'un engagement ferme qui lui donne accès à un soutien considérable. Lorsque BCE a fait l'acquisition de CTV, l'entreprise a dû intégrer des dispositions d'intérêt public dans cette transaction. Les sommes investies dans cette production viennent donc en grande partie de la réserve que BCE s'est engagée à constituer aux fins de la programmation canadienne. N'eût été de cette transaction et de cet engagement, Corner Gas ne serait probablement pas diffusée aujourd'hui.

Scott Garvie, membre du conseil d'administration, Association canadienne de production de films et de télévision : Si vous parlez aux producteurs, ils vous diront sans doute qu'ils comptent recourir au FCT à compter de cette année. En effet, comme cet engagement arrive à échéance, on devra trouver du financement par l'entremise de CTV.

Je n'ai pas une feuille de route aussi bien remplie que celle de mon amie Michèle Fortin, mais j'ai débuté comme avocat. Je suppose que l'on peut maintenant me qualifier d'avocat caduc. J'ai été pendant quelques années conseiller juridique pour Téléfilm Canada et je travaille depuis 14 ans au sein d'une société de production de Toronto, Shaftesbury Films. Nous produisons des dramatiques d'une heure et des téléfilms comme Terry, l'histoire de Terry Fox. Nous avons produit récemment un film (The Robber Bride) basé sur le roman La voleuse d'hommes de Margaret Atwood. Nous avons aussi adapté d'autres œuvres de Margaret Atwood ainsi que de Carol Shields, Timothy Findlay, Mordecai Richler et Morley Callaghan. Nous venons d'acheter les droits de Bloodletting and Miraculous Cures, recueil primé de Vincent Lam dont nous voulons produire une adaptation l'an prochain. Nous avons également conçu des émissions pour enfants. Je peux vous citer Life with Derek, qui connaît un grand succès sur Family Channel. Au niveau international, nous avons remporté un prix Emmy il y a deux ans pour l'émission Dark Oracle, produite avec la participation de CTV. Nous faisons également des miniséries. Nous comptons aussi une section longs métrages. Comme vous pouvez le constater, notre palette de projets est assez diversifiée.

Je fais partie du conseil d'administration de l'ACPFT depuis plus de dix ans et je suis actuellement l'un de ses deux représentants au sein du conseil du FCT, un mandat qui ne manque pas d'intérêt, surtout au cours des derniers mois.

Comme nous l'avons déjà indiqué, le conseil d'administration du FCT compte 20 sièges. À l'heure actuelle, seulement 16 de ces sièges sont occupés; un certain nombre de places n'ont jamais été comblées et il y a aussi eu des démissions. Il faut également noter la présence de six membres indépendants. J'ai été stupéfié par le bassin d'expertise et d'expérience dans lequel ce conseil peut puiser. Le travail est un peu compliqué car nous devons nous occuper de la situation dans les deux langues officielles. Tous les intervenants sont représentés : les bailleurs de fonds avec des représentants de Patrimoine canadien et des câblodistributeurs; les concepteurs, c'est-à-dire les producteurs; et les utilisateurs, soit essentiellement les radiodiffuseurs. On y trouve aussi des représentants des radiodiffuseurs conventionnels, tant francophones qu'anglophones, de la télé payante, des chaînes spécialisées, de la télévision éducative et des radiodiffuseurs publics. Lorsque j'entends dire que ce conseil a besoin d'une cure d'amaigrissement, je me demande bien qui on pourrait exclure sans provoquer un tollé, car la mosaïque constituée est à la fois complexe et intéressante. Malgré les intérêts concurrentiels d'un si grand nombre de secteurs distincts, le conseil s'emploie à ce que chacun y trouve son compte suivant une façon de faire les choses typiquement canadienne. Comme nous l'avons dit, le financement offert par Patrimoine canadien est demeuré inchangé depuis la création du Fonds. Les sommes versées par les EDR ont augmenté, mais ne sont toujours pas suffisantes. Plus de 400 chaînes détiennent actuellement un permis d'exploitation et le CRTC en délivre de nouveaux à chaque jour. La cagnotte ne grossit toutefois pas en conséquence. Je ne sais pas exactement combien le FCT comptait d'utilisateurs il y a dix ans, mais la situation a bien changé.

Nous pourrions reprendre à notre compte plusieurs des observations formulées par nos amis concernant le CRTC. Il est toujours bon de procéder à un examen critique pour voir si les choses se déroulent comme il se doit. Cet examen doit être mené avec un souci d'efficience et de transparence. Nous devons faire le nécessaire à cette fin. Je ne crois pas que nous agirions de manière responsable si nous procédions à des changements pour le simple plaisir de la chose.

Au cours des dernières années, différents examens ont été réalisés, y compris celui de la vérificatrice générale qui a produit un rapport à ce sujet. Comme nos collègues du FCT vous l'ont indiqué la semaine dernière, toutes les recommandations formulées ont été mises en œuvre. Le personnel et le conseil d'administration se sont penchés sur les protocoles et nous avons pris très au sérieux les mesures et les lignes directrices touchant les conflits d'intérêts. Nous avons fait appel à des experts-conseils externes pour nous aider à examiner nos processus dans un souci d'optimisation et pour nous assurer que nous faisions les choses de manière impeccable et irréprochable. Après 18 mois de travail au sein de ce conseil, je peux vous dire à quel point je suis impressionné par la rigueur et le sérieux avec lesquels les gens ont procédé à cet examen.

Je pourrais vous apporter certaines précisions relativement à des questions antérieures concernant les cotes d'écoute. Le FCT se sert de plus en plus de ces chiffres pour cibler son aide financière. Les enveloppes sont directement reliées à l'ampleur de la diffusion. Ceux qui attirent les auditoires les plus vastes obtiennent une plus large part du gâteau. Les radiodiffuseurs, en tant qu'utilisateurs du FCT, s'emploient à mettre à l'écran des émissions que les gens vont regarder. Des émissions comme Shania : A Life in Eight Albums, un film de la semaine qui a récemment captivé 1,2 million de téléspectateurs. One Dead Indian, un autre film de la semaine, a aussi atteint le cap du million. Degrassi : The Next Generation, une dramatique pour les jeunes, attire une moyenne de 737 000 téléspectateurs. Plus récemment, la série Little Mosque On The Prairie a obtenu sur CBC une cote d'écoute moyenne de 1,5 million de téléspectateurs, ce qui est formidable pour ce réseau en perte de vitesse. Il est merveilleux que ces émissions puissent ainsi gagner le cœur des téléspectateurs.

Sur le marché des exportations, des productions financées par le FCT comme les dramatiques Degrassi : The Next Generation, Da Vinci's Inquest et Cold Squad et les émissions pour enfants Life with Derek, Franny's Feet et Renegade Press sont vendues et diffusées dans plus de 100 pays. Life with Derek est maintenant accessible dans neuf langues aux téléspectateurs de 137 pays du monde. Shaw se plaignait notamment du fait que les gens ne regardent pas nos émissions et que celles-ci ne sont pas vendues à l'étranger. À la lumière de notre expérience, la réalité est tout autre. J'aimerais bien voir un diagramme de Venn illustrant les émissions auxquelles Shaw a contribué qui ont aussi obtenu du financement du FCT. Je crois que c'est le cas d'environ 80 p. 100 des émissions financées par le fonds Shaw.

Côté programmation canadienne, nous avons des émissions comme Corner Gas. Nous avons réalisé, pour le réseau CTV, une émission appelée Eight Days to Live. Cette émission, qui bénéficiait d'un financement extérieur, a été regardée par deux millions de personnes. Nous avons réalisé un deuxième film, intitulé In God's Country, qui a été diffusé récemment sur le réseau CTV. Il avait pour thème la polygamie en Colombie-Britannique. Plus de 1,7 million de personnes l'ont regardé. Nous avons réalisé un film sur Terry Fox pour souligner le 25e anniversaire du marathon. Il a été vu par plus de 2 millions de personnes. Nous nous attendons à ce que de nombreux téléspectateurs le visionnent chaque année, à la date d'anniversaire. L'émission Life with Derek a été financée par le FCT. Nos recherches indiquent que plus de 3,36 millions de téléspectateurs ont regardé l'émission en 2006. Elle a été vue à 225 reprises. À titre de comparaison, l'émission Sponge Bob, jugée la plus populaire au Canada, est regardée par 300 000 personnes. Life with Derek attire un auditoire plus important : en moyenne, environ 200 000 personnes regardent l'émission. Il y a donc un intérêt pour la programmation canadienne. Il suffit de trouver les bonnes émissions et le bon marché. Les producteurs prennent tous les risques. Ils conçoivent les idées et financent les projets, souvent avant qu'un télédiffuseur ne se manifeste. Nous assumons aussi les coûts de recherche et de développement. Nous essayons ensuite de trouver un télédiffuseur. Nous prenons tous les risques financiers. Les télédiffuseurs et le Fonds injectent une partie de l'argent, mais nous devons trouver le reste du financement. Nous devons conclure une entente provisoire avec une institution financière, et accepter le fait qu'un problème pourrait survenir pendant la production. Nous prenons ces risques. Nous livrons ensuite la marchandise. Nous veillons à ne pas créer un produit quelconque. Les émissions télévisées et les longs métrages ne sont pas des produits quelconques. Nous pouvons dresser le meilleur plan d'action possible, tout faire selon les règles, mais il se peut que l'émission ne suscite aucun intérêt. C'est dans la nature des choses. Les risques créatifs et financiers assumés par les producteurs sont immenses. C'est un fait contre lequel nous ne pouvons rien.

Le vice-président : Combien de membres avez-vous dit que votre association comptait?

M. Mota : Nous comptons presque 400 membres qui travaillent pour la télévision de langue anglaise.

Le vice-président : Combien d'entre eux se trouvent en Ontario?

M. Mota : Je ne saurais vous le dire.

M. Garvie : Environ 65 p. 100.

Le vice-président : Et le reste?

M. Garvie : La plupart se trouvent probablement à Toronto. J'ai déjà agi comme président du groupe de producteurs de l'Ontario de l'ACPFT, mais mes statistiques ne sont pas à jour. Environ 65 p. 100 des membres de l'Association travaillent en Ontario. Sur ce chiffre, environ 90 p. 100 sont basés à Toronto.

M. Mota : Les autres se trouvent probablement en Colombie-Britannique et dans les gros centres de production au pays.

Le vice-président : Les services de programmation par câble sont eux aussi presque tous basés à Toronto, n'est-ce pas?

M. Mota : Vous voulez dire les câblodistributeurs? Il y a Rogers.

Le vice-président : Non, je parle des services de programmation par câble.

M. Mota : Ils le sont.

Le vice-président : Mis à part ceux qui se trouvent au Québec, parce qu'ils sont de langue française, ils sont tous basés à Toronto.

M. Mota : C'est juste.

M. Garvie : Le réseau CTV a réglé le problème en implantant des bureaux dans différentes régions du pays, soit Vancouver, Montréal et Halifax. Je crois comprendre que Global compte faire la même chose.

Le vice-président : CTV et Radio-Canada ont également des bureaux à Toronto?

M. Garvie : Pour le service de langue anglaise, oui.

Le vice-président : Cela m'étonne toujours, mais nous avons Shaw et Vidéotron, CTV et Global. Ils connaissent tous beaucoup de succès. Ce sont des entreprises à vocation planétaire. Radio-Canada reçoit un crédit d'environ 800 millions de dollars en deniers publics. Tous les câblodistributeurs à Toronto reçoivent de l'argent des citoyens qui, eux, paient pour la programmation. Ils paient pour la programmation quand ils s'abonnent au câble.

Ces entreprises sont toutes très riches. Or, elles ont besoin de subventions pour financer les émissions qu'elles vendent. Toutes ces entreprises sont très riches. Les propriétaires des sociétés de programmation sont tous millionnaires. Ils vendent des émissions. Or, toutes les émissions, ou un grand pourcentage de celles-ci, semblent être financées par les deniers publics. Il y a ici un paradoxe. Je trouve cela étrange, mais c'est un fait. Comment l'expliquez- vous?

M. Mota : Nous avons toujours dit que les télédiffuseurs devraient et peuvent faire plus pour le système canadien.

Le vice-président : Je suis du même avis.

M. Mota : Le CRTC a récemment procédé à un examen en profondeur de la politique relative à la télévision en direct. Nous avons participé au processus. Nous avons vivement insisté sur le fait que les télédiffuseurs n'en font pas assez. Ils peuvent et devraient faire plus. Ce sont des titulaires de licences, et nous nous attendons à ce qu'ils en fassent davantage. Telle est la position que nous défendons.

M. Blain : Les émissions que finance le Fonds canadien de télévision ne seraient pas télédiffusées en l'absence d'un tel soutien. Nous n'aurions que des téléréalités, des magazines, des dramatiques, des émissions pour enfants ou des documentaires. Si ce soutien n'existait pas, les émissions de ce genre ne seraient pas diffusées à la télé. Il est important, pour la culture canadienne, d'avoir des scénarios canadiens mis en scène par des directeurs canadiens et interprétés par des acteurs canadiens.

M. Garvie : Fait intéressant, la SRC, CTV et Global, entre autres, avaient l'habitude de réaliser des productions maison. Ils ont tous délaissé ce créneau.

Le vice-président : Pourquoi en auraient-ils besoin?

M. Garvie : Ils n'ont pas à l'inscrire dans leur bilan. Ils ont transféré les risques aux producteurs. Nous fournissons l'argent.

[Français]

Le sénateur Champagne : Vous parlez du fait qu'on a laissé la production maison pour aller vers les producteurs indépendants et que cela fait partie de la Loi de la radiodiffusion de supporter les producteurs indépendants, de leur permettre de survivre.

Quand j'entends les représentants Vidéotron dire qu'ils n'investiront plus d'argent dans le Fonds des câblodistributeurs normaux et qu'ils vont créer leur propre fonds, je suis étonnée, Monsieur Leduc et Monsieur Blain, que vous ne criiez pas plus fort.

Ce qui risque de se passer, c'est que tout sera automatiquement fait à l'interne. JPL ramassera tout et pour les autres, ce sera tant pis, ils repasseront pour avoir du travail qui se fait normalement.

En plus, on doublera le problème qui existe en ce moment sur le plan des films et de la télévision. Radio-Canada voudra collaborer et dire qu'elle mettra des efforts dans le domaine des services. La post-production se fera dans les studios mêmes de Radio-Canada. La même chose à l'ONF où l'on fonctionne sept jours par semaine 24 heures par jour alors que les autres maisons de post-production tirent la langue parce qu'il n'y a pas de travail. Si en plus Vidéotron ne travaille plus avec le Fonds canadien de la télévision, mais avec son propre fonds, tout se fera chez JPL. La Loi sur la radiodiffusion appuie-t-elle vraiment la production indépendante?

M. Leduc : Au mieux, on peut qualifier le fonds proposé par Vidéotron de plan d'affaires, quelque chose de « libre service ». Cela va à l'encontre de ce qui s'est fait depuis le dernier quart de siècle et ce qui s'est fait a été un grand succès. On peut parler effectivement de crédits d'impôt, de Téléfilm Canada, de subventions aux systèmes, mais dans les faits, cela a fonctionné.

Les auditoires francophones sont au rendez-vous, les auditoires canadiens-anglais le sont de plus en plus. Le milieu de la production est créatif, la diversité des approvisionnements a créé une saine concurrence entre le diffuseur public national et les diffuseurs privés.

Actuellement, qu'on le crie fort ou pas, cela dépend peut-être des oreilles qui nous entendent, mais on est vraiment abasourdi par la proposition de Quebecor. Je pense que le sénateur Fox faisait allusion à la contribution dans le système des câblodistributeurs et c'est dû à des privilèges, tantôt de diffusion, tantôt de territorialité, de monopole. C'est l'équilibre de ce système. Si vous allez à l'épicerie et que vous prenez la conserve de petits pois dans le milieu de l'étalage, je ne sais pas si le reste va bien tenir ou si cela va devenir bancal et finir par s'écrouler. Quebecor propose de faire cavalier seul et selon moi, cela va à l'encontre de l'intérêt de la communauté du système.

Le sénateur Champagne : Mon collègue, le sénateur Tkachuk, parlait de ces compagnies qui sont toutes millionnaires, que ce soit Astral ou Global. Je vois comment Astral font de la production, ils vont dans le fonds des câblodistributeurs, paient les comédiens avec un cachet réduit parce que ce sera diffusé sur un des canaux spécialisés et ils vendent de la publicité au sein des émissions. Ils deviennent très riches évidemment. Je ne sais pas si cela a vraiment un avantage sur le plan de la production indépendante et de la difficulté à survivre des comédiens. Que font les producteurs, les gens qui font partie de votre association pour palier à la situation?

M. Blain : Je vais remonter un peu en arrière et répondre à votre question après. Oui, nous avons crié très fort. Nous trouvons cette proposition tout à fait inacceptable.

Encore une fois, les monopoles consentis aux câblodistributeurs, qui ne font que transporter des signaux, valaient bien une petite contribution au système de la production d'émissions.

Des citoyens corporatifs se sont très mal comportés et ont dit, dans notre milieu, qu'ils ont voulu partir tout seul avec la porte. Ce ne sont pas de bons joueurs et on l'a crié haut et fort.

Maintenant, l'arrivée d'Astral : Astral est une compagnie rentable qui génère des profits intéressants, et s'est toujours comportée en bon citoyen corporatif. Elle n'a jamais voulu s'intégrer verticalement. Elle a donné toute la production aux producteurs indépendants. On peut se demander si elle fait assez d'argent ou pas assez d'argent. Je suis incapable de répondre à cette question. Astral a quand même confié l'ensemble de sa production aux producteurs indépendants. C'est vrai que c'est un plus petit marché. C'est vrai que c'est probablement justifié de verser des licences moins élevées parce que correspondant à des auditoires plus petits. Certains canaux spécialisés s'enorgueillent de faire 50 000 de cotes d'écoute; ce qui est microscopique. Il n'en reste pas moins que cela a été un nouveau joueur qui a généré beaucoup de production. Il va pomper dans le fonds des câblodistributeurs une partie de la production. Il y a de la production qui n'est pas admissible au Fonds des câblodistributeurs; la production plus légère. Mais Astral a été quand même un joueur qui a généré beaucoup de productions. J'étais là à l'époque où M. Fox a annoncé, en 1983, le Broadcast Fund. Ce Fonds a été le début de la télévision canadienne. Des investissements ont été faits. Cela a été le début de la production d'émissions intéressantes. Le Canada était un pays exportateur d'émissions très important ayant une reconnaissance internationale quant à l'exportation d'émissions. Nous avons réussi à produire des émissions comme C.R.A.Z.Y. qui a été vendu dans plus de 50 pays. Il y a maintenant une production canadienne importante qu'il ne faut pas laisser tomber. Si la production et les émissions fonctionnent bien au Québec, c'est parce qu'on a investi pendant des années. On a habitué le public québécois à voir des histoires québécoises. Le phénomène a pris un peu plus de temps à se confirmer au Canada anglais parce qu'il n'y avait pas de barrière linguiste avec la concurrence du voisin américain, mais cela s'en vient. Cela prend un peu plus de temps à démontrer que nous sommes aussi capables de faire des émissions intéressantes au Canada. Ce n'est pas le temps de laisser tomber le système et d'écouter des propositions comme celle de Quebecor.

Ces gens ont l'impression qu'il s'agit de leur argent alors que ce n'est pas vrai. Ils perçoivent de l'argent qui doit être distribué. Ce sont des transporteurs.

En conclusion, je dirais que c'est peut-être un des effets pervers de la concentration des médias. Quand un câblodistributeur possède des chaînes, il devient un peu plus égoïste que s'il ne faisait que transporter le signal.

Le sénateur Champagne : Cinquante ans plus tard, les Québécois regardent encore Les belles histoires des pays d'en haut. Cette émission va encore chercher entre 250 000 et 300 000 de cotes d'écoute à Art TV. Il faut le faire.

M. Leduc : Touchez-vous des droits de suite?

Le sénateur Champagne : Sur ARTV, très peu.

M. Leduc : Avoir su, je n'aurais pas posé la question.

Le sénateur Champagne : Très, très peu.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Je voudrais revenir à ce qu'a dit le sénateur Tkachuk au sujet des millionnaires. Ces entreprises sont toutes des millionnaires qui achètent des programmes américains à bas prix et qui saturent le marché canadien d'émissions poubelles. C'est aussi simple que cela.

Hier soir, quand je suis rentré chez moi... vous parlez d'émissions larmoyantes. Il y a 73 canaux de télévision — Dieu merci, les Canadiens de Montréal ont vaincu Toronto, hier soir, parce que, mis à part cela, tout ce que l'on voyait à la télé, c'était quelqu'un qui se faisait couper la tête ou un policier qui courait après quelqu'un. Nous regardons ces émissions, et qu'avons-nous en retour? S'ils veulent s'enrichir de cette façon, qu'ils le fassent. C'est simple. Cela n'a rien à voir avec ma question. Le sénateur Tkachuk aime bien me provoquer. Il défend les intérêts du secteur privé.

Quebecor injecte 18 millions et en retire 16, si j'ai bien compris.

M. Blain : C'est plutôt l'inverse.

Le sénateur Munson : Expliquez-moi le processus. Que font-ils avec l'argent? Quel est le problème? Je peux leur poser la question la semaine prochaine.

M. Leduc : Vous pouvez le faire. En fait, je ne prétends pas connaître leur plan de match, mais j'ai lu le compte rendu des audiences qu'a tenues le CRTC en novembre, et j'ai lu aussi la proposition de retrait qui a été soumise. Lors des audiences du CRTC, Quebecor a exigé certaines choses. Il a demandé que TVA reçoive de l'argent directement des câblodistributeurs, chose qui n'est pas possible à l'heure actuelle, car les règlements ne le prévoient pas. Les télédiffuseurs qui envoient un signal terrestre ne reçoivent pas d'argent des câblodistributeurs. Quebecor veut y avoir accès.

Quebecor a également demandé à ne plus être assujetti à la règle de 12 minutes de publicité par heure. L'entreprise souhaite aussi être libérée de l'obligation, fixée par le CRTC, d'accorder la priorité aux dramatiques, aux émissions de variété et aux documentaires pendant les heures de grande écoute.

Je n'en suis pas sûr, mais je pense qu'ils n'aiment pas le cadre de réglementation. Or, l'industrie a toujours été réglementée.

M. Mota : La question que nous nous posons est la suivante : est-ce que les intérêts personnels commerciaux ou corporatifs devraient décider unilatéralement du genre de système de financement que nous devrions avoir dans ce pays pour appuyer la production d'émissions et de longs métrages canadiens? Concernant les objectifs de la politique culturelle, nous sommes d'avis que ceux-ci ne devraient pas être dictés par deux groupes de sociétés. Voilà pourquoi le FCT est doté d'un conseil d'administration qui regroupe un très grand nombre de personnes. Les divers intervenants apportent un savoir-faire qui permet de faire en sorte que le système profite à tous et non seulement à un ou deux groupes individuels.

Le sénateur Fox : Ma première question s'adresse à l'ACPFT. N'est-il pas vrai, et c'est là une réalité commerciale, qu'en l'absence de réglementation et du fonds de télédiffusion, les télédiffuseurs et les câblodistributeurs diffuseraient essentiellement, pour des raisons économiques, des émissions américaines qu'ils achèteraient à bon prix avant de les revendre à prix fort dans le marché de la publicité? Cette réalité dicterait le genre de système de télédiffusion que nous aurions au Canada.

M. Mota : Vous avez raison. Ce que nous avons dit, entre autres, lors de l'examen de la politique relative à la télévision, c'est qu'en cette ère nouvelle caractérisée par des médias nouveaux qui permettent aux producteurs de contourner les télédiffuseurs — les studios d'Hollywood peuvent contourner les télédiffuseurs et vendre directement aux Canadiens —, nous pensons que les télédiffuseurs au Canada devraient peut-être investir davantage dans la production d'émissions canadiennes, pour qu'elles connaissent autant de succès que les émissions américaines. Franchement, il n'y a aucune garantie qu'ils vont être en mesure d'acheter des émissions américaines à bon prix. À un moment donné, une entreprise aux États-Unis peut décider qu'elle ne veut plus vendre d'émissions à un télédiffuseur canadien. Que va-t-il se passer alors?

À notre avis, les télédiffuseurs doivent se doter d'une vision à long terme et investir davantage pour faire en sorte que nous ayons un plus grand nombre d'histoires à succès comme l'émission Corner Gas et les nombreuses autres émissions que nous avons citées.

Le sénateur Fox : Nous pensons peut-être qu'il y a un grand nombre d'émissions américaines sur nos ondes à l'heure actuelle, mais si nous n'avions pas mis sur pied un cadre réglementaire il y a plusieurs années de cela, y compris un fonds pour la production d'émissions, nous serions totalement dominés, sur le plan culturel, par le système américain à cause des conditions économiques. Que cela nous plaise ou non, si les télédiffuseurs veulent agir dans l'intérêt de leurs actionnaires, ils vont acheter des émissions américaines. Nous connaissons tous les chiffres. Il ne coûte pas cher d'acheter une émission américaine qui est présentée à une heure de grande écoute. De plus, la publicité, comparativement à ce qu'ils recevraient s'ils diffusaient une émission canadienne, coûte beaucoup plus cher. Le marché nous conduirait directement vers un système de télédiffusion à l'américaine.

M. Mota : Absolument.

Le sénateur Fox : Vincent Leduc et Jacques Blain ont fait certains commentaires auxquels j'aimerais revenir. Par leurs propos, ils tournent le dos à l'avenir.

[Français]

Ce n'est pas la première fois dans notre histoire qu'on demande aux câblodistributeurs de participer au financement de la programmation canadienne. Il y eut d'abord les quotas établis par Pierre Juneau et ceux du CRTC.

Par la suite, on a vu un virage important, il y a plusieurs années, avec la création de Téléfilm Canada, basé sur l'établissement d'une taxe sur les câblodistributeurs. Ceux-ci avaient bien compris, à ce moment-là, qu'en échange de leur monopole ils devaient contribuer un certain montant à la production canadienne. La Société du développement du cinéma canadien existait à cette époque.

[Traduction]

La SDICC était dotée d'un budget total de 4 millions de dollars. Mme Fortin se souvient peut-être du fait que ses frais généraux atteignaient environ 1 million. Cela laissait 3 millions de dollars pour la production d'émissions canadiennes. En raison de ce budget, la production privée d'émissions au Canada était plutôt rare. Toute la production maison était effectuée par des sociétés affiliées.

Ce 9 p. 100 a servi à créer le fonds de télévision, qui a ensuite été remplacé — avec l'appui de tous les gouvernements subséquents — pour faire en sorte que nous ayons un secteur privé fort. Quelle est ma réaction quand les gens me disent que nous avons de solides joueurs dans ce domaine? Je dis que c'est fantastique et merveilleux, que cela doit nous servir d'exemple. Nous avons entrepris un virage il y a déjà quelque temps de cela, et grâce à ce virage, nous avons de gros joueurs, comme Astral Media, Rogers, Vidéotron et Shaw. Ils ont su se développer, d'une part, parce que ce sont des gens d'affaires intelligents, et d'autre part, parce qu'ils avaient un environnement dans lequel évoluer. S'ils n'avaient pas eu cet environnement, ils n'auraient pas connu autant de succès.

La politique canadienne sur la radiodiffusion a bénéficié de l'appui de tous les gouvernements au fil des ans. Dire que les câblodistributeurs devraient contribuer à la programmation canadienne n'a rien de nouveau. Je dirais, et je me demande si vous êtes d'accord avec moi, qu'il est merveilleux de pouvoir compter aujourd'hui sur des joueurs canadiens aussi forts. Non seulement avons-nous de solides joueurs dans le domaine de la radiodiffusion canadienne, mais nous avons aussi une industrie solide.

[Français]

Les groupes sont capables. Aujourd'hui, on retient les services de nos techniciens de première classe. Je ne veux pas entrer dans les problèmes actuels de l'IATSE, de l'APFTQ et de l'AQTIS. Les Américains, de plus en plus, viennent tourner leurs films au Canada. Cet intérêt est dû au fait qu'au cours des 30 dernières années, nous avons développé une expertise, tant au niveau de la création, de la production, du financement, qu'au niveau de la main d'œuvre. Enlever de ces éléments risque de faire en sorte que le système s'écroule.

Je suis presque tenté de vous demander si vous êtes d'accord avec moi, mais je crois connaître la réponse. Je vous demanderais tout de même de faire un commentaire, M. Leduc, à ce sujet.

M. Leduc : Vous soulevez un point important. L'industrie est relativement solide au Québec. Mais cette industrie indépendante pourrait être fragilisée par ce qui se passe actuellement.

Je parlais à un collègue producteur la semaine dernière, qui ne fait jamais appel au Fonds canadien de télévision. Il me mentionnait que si la production canadienne est forte et bien conçue, cela lui permet de travailler en faisant venir les américains ici. À la rigueur, je vous dirais qu'il est formidable que l'IATSE s'intéresse à un petit syndicat comme l'AQTIS — sauf peut-être la façon dont elle s'y prend. Cela veut dire qu'ils veulent venir produire au Québec, en Colombie-Britannique, en Ontario et en Nouvelle-Écosse, en amenant des fonds américains, qui servent à toute l'économie du Canada et du Québec. Toutefois, il nous faut les compétences pour pouvoir servir ces grands experts mondiaux. Si on fragilise tout le système et si la compétence ne se retrouve que chez les diffuseurs qui ne font pas ce genre de production, cette industrie disparaitra.

[Traduction]

Le sénateur Fox : J'ai dit que le secteur privé connaissait du succès et que c'était fantastique. Je tiens également à dire que la télévision française de Radio-Canada, notamment — Mme Fortin a une longue association avec celle-ci —, connaît beaucoup de succès. Je pense que la télévision anglaise de Radio-Canada, sous la direction de Robert Rabinovitch, va continuer à occuper une place importante. M. Rabinovitch va faire de ce service public essentiel au Canada un service encore meilleur.

Le Sénateur Zimmer : J'aimerais enchaîner sur ce qu'a dit le sénateur Fox. Il a fait une déclaration passionnée. Il a tout à fait raison de parler de viabilité économique — et vous avez, vous aussi, insisté là-dessus. Les conditions économiques sont importantes, et le sénateur Fox l'a dit très clairement. Je ressens de la frustration quand je regarde la télévision, le soir. Je veux voir du contenu canadien. Je veux voir des émissions canadiennes qui reflètent les valeurs et la culture canadiennes.

Je regarde quatre émissions d'une demi-heure de la série The Simpsons, et je n'y vois aucun reflet de nos valeurs. Je dénote, par contre, une absence de valeurs chez les jeunes qui regardent ces émissions. Ils citent les propos qu'ils y entendent, adoptent des mauvais comportements et des valeurs discutables.

Je suis tout à fait d'accord avec ce que le sénateur a dit. Nous devons arriver à un juste équilibre. Nous devons être viables sur le plan économique. Toutefois, les émissions canadiennes ne se résument pas à une simple question de contenu. Nous devons nous assurer de la qualité des valeurs qu'elles enseignent aux jeunes. Quand je vois ces émissions, je suis choqué par le fait qu'elles n'enseignent aucune valeur aux jeunes. On le voit au comportement qu'ils adoptent. Je vous encourage donc à poursuivre vos efforts, le travail que vous effectuez.

M. Leduc : J'ajouterais que l'émission Têtes à claques est populaire au Québec. Les jeunes utilisent toutes sortes d'expressions tirées de cette émission.

Le sénateur Munson : Je tiens à préciser que j'ai regardé, avant hier soir, avec ma femme, l'émission La grande séduction. Ce n'est pas un documentaire, mais un film qui s'inspire de l'histoire d'un médecin de Montréal ou de Québec qui a été obligé d'aller travailler dans un petit village de la région de Gaspé. Je recommande cette émission à tout le monde.

La séance est levée.


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