Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 9 - Témoignages du 13 mars 2007 - Séance de l'après-midi
VANCOUVER, le mardi 13 mars 2007
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit ce jour à 14 h 1 afin d'étudier, en vue d'en faire rapport, le trafic de fret conteneurisé actuel et éventuel manutentionné par les ports à conteneurs de la porte d'entrée du Pacifique, les ports à conteneurs de la côte est et les ports à conteneurs du Centre du Canada, sur les principaux marchés importateurs et exportateurs desservis par ces ports et sur les politiques actuelles et futures à cet égard.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je déclare la séance ouverte. Nous avons le plaisir d'accueillir nos premiers témoins de l'après-midi : de la ville de Moose Jaw, Son Honneur le maire Dale McBain; de Saskatchewan AgriVision Corp., C.M. Williams, président, et de Campbell Agri Business Strategists, Doug Campbell. Merci de vous être déplacés, messieurs.
Doug Campbell, Campbell Agri Business Strategists : Merci, madame la présidente. Nous avons eu notre part de difficultés techniques ce week-end et nous devons, en plus, réduire à 30 minutes une présentation qui en faisait 90 pour laisser 30 minutes pour les questions. Vous voudrez donc bien m'excuser si je presse le pas. Pour que l'exposé soit cohérent, je vais commencer par passer au travers des 90 pages qui vous ont été remises et qui se trouvent sur le dessus de la pile, après quoi M. Williams de Saskatchewan AgriVision et le maire de Moose Jaw, M. McBain, ajouteront quelques brèves remarques avant que nous nous mettions à votre disposition pour répondre à vos questions.
On nous a dit que vous vous intéressez plus principalement aux conteneurs, ce que nous apprécions beaucoup. Toutefois, comme le système de transport est très vaste, qu'il est complexe et multimodal, nous allons passer d'un mode de transport à l'autre et très certainement d'une côte à l'autre, et nous franchirons même les océans. Nous allons traiter de quatre grandes questions : les tendances mondiales et la vision à cet égard; le rôle du Canada et « Pourquoi pas la Saskatchewan? »; les décisions que l'industrie devra prendre et pour lesquelles nous nous tournons vers vous et vers les députés afin que vous nous fournissiez le cadre législatif et réglementaire approprié, qui sera garant de stabilité.
Pour ce qui est des tendances mondiales et de la vision à cet égard, je suis certain qu'on vous a communiqué beaucoup de statistiques. Le volume des échanges commerciaux avec l'Asie-Pacifique est sidérant. Depuis le début de cette décennie, j'ai eu la chance de me rendre sept fois en Inde, une fois au Pakistan et trois fois en Chine et je peux vous dire que j'ai été étonné de voir à quel point les choses avancent vite là-bas. La capacité de transport, qui est à la fois synonyme de problèmes et de potentiel pour le Canada, constitue la clé de l'écoulement des marchandises à destination de l'Asie-Pacifique et des pays de l'ALENA.
Pour ce qui est des échanges commerciaux entre l'Asie et l'Amérique du Nord, vous connaissez la situation du Japon et de Taiwan, de même que celle des Tigres de l'Asie, et savez que l'Inde et la Chine ont une population 80 fois supérieure à celle du Canada. La Chine enregistre un excédent commercial de 19 milliards de dollars par mois et, cette année, elle a connu un taux de croissance soutenu de 10 p. 100 de son PIB; son sixième plus important partenaire commercial est un pays du nom de Wal-Mart U.S.A.
Voyons très rapidement ce que l'Asie représente par rapport au PIB mondial : l'économie chinoise équivaut à 15,4 p. 100 de ce PIB mondial, le Japon en est à 6 p. 100 et l'Inde à 6 p. 100 également. En tout, l'Asie représente 33,5 p. 100 du PIB mondial, par rapport à 20 p. 100 pour les États-Unis, 15 p. 100 pour l'Europe et moins de 2 p. 100 pour le Canada.
Pour ce qui est du pouvoir d'achat, les États-Unis et l'Europe pèsent chacun 12,5 billions de dollars, la Chine en est déjà à 8 billions de dollars, le Japon à 4 billions, l'Inde à 4 billions aussi et le Canada à 1 billion. On peut s'appuyer sur les ventes de véhicules d'occasion comme indicateur de la puissance d'achat de la Chine : il y a 15 ans seulement, les ventes de véhicules en Chine représentaient 300 000 $ par an. Aujourd'hui, elles représentent 4 milliards de dollars par an, contre 1,8 milliard au Canada.
L'Asie compte six des plus grands ports à conteneurs dans le monde. Singapour, Hong Kong, Shanghai, Shenzhen, Pusan et Kaohsiung en sont tous à 9 millions d'EVP; Los Angeles en est à 7 millions d'EVP et les ports de la Colombie- Britannique en sont à 2 millions, c'est-à-dire entre Prince Rupert, Vancouver et DeltaPort. Nous sommes donc très petits.
Comme vous pouvez le voir sur la carte, la Chine compte maintenant 18 terminaux intermodaux qui ont été construits à une vitesse fulgurante. De plus, ce pays a quelques ports intérieurs. Bien sûr, il y a les trois grands réseaux hydrographiques qui sont, du nord vers le sud : le fleuve Jaune, le Yangtsé Kyang et le delta de la rivière des Perles.
La diapositive suivante montre 20 terminaux satellites, donnant tous accès à l'eau, le long de l'axe Shenzhen-Hong Kong.
La diapositive suivante montre pont de Donghai qui enjambe l'océan sur 32 kilomètres pour relier Shanghai au port en eaux profonde de Yangshan. Celui-ci peut accueillir 25 millions de conteneurs, soit 12,5 fois plus que la capacité actuelle de tous les ports de la Colombie-Britannique.
Ce que je veux dire, c'est que nous sommes de la toute petite friture à comparer à la Chine qui, elle, est un énorme poisson. Wal-Mart est très dynamique sur ce marché et occupe une place importante là-bas.
Sautons deux diapositives pour en arriver à une liste des importations américaines en provenance de Chine; les questions à ce sujet concernent le pourquoi et le comment. Il en coûte 10 $ pour acheminer par bateau transocéanique un téléviseur de 700 $, 15 cents pour une bouteille de scotch de 50 $, 15 cents également pour un paquet de café de 15 $ et une cent pour une bière de 1 $. Tout cela, nous le devons aux progrès réalisés dans le domaine de la logistique en 20 ans et cela illustre aussi la nature du lien entre Wal-Mart et la Chine.
Les plus gros importateurs américains de produits provenant de Chine sont : Wal-Mart avec 700 millions de conteneurs par an; Target et Home Depot avec la moitié; Sears, Dole Food, Costco, Royal Phillips Electronics et Chiquita avec plus de 100 millions de conteneurs chacun par an.
Un coup d'œil sur les échanges commerciaux entre les États-Unis et la Chine au cours des 15 dernières années nous apprend que les exportations américaines ont augmenté de 745 p. 100 tandis que les importations ont progressé de 1 500 p. 100, le commerce total de marchandises ayant progressé de 1 300 p. 100. D'ici 2020, la Chine sera la plaque tournante de tout le commerce entre l'Asie et l'Amérique du Nord : la Chine représentera 60 p. 100 des échanges commerciaux entre l'Asie et l'Amérique du Nord et les entreprises étrangères représenteront 60 p. 100 des exportations chinoises.
Un thème constant caractérisera la totalité de ces transactions : l'axe Chine-Chicago, avec Wal-Mart comme acheteur, la Chine comme producteur et une énorme concurrence en prime.
Pour ce qui est du flux des échanges commerciaux entre le Canada et l'Asie Pacifique, tout commence par l'histoire de nos chemins de fer. La très belle ville de Vancouver a accueilli le Chemin de fer Canadien Pacifique en 1885. Le Chemin de fer Canadien du Nord y est arrivé en 1906 et la Grand Trunk Pacific Railway a desservi Prince Rupert en 1912. L'ancien premier ministre de cette province a même créé la Pacific Great Eastern Railway, autrement appelée BC Rail, dans les années 1960.
Les marchandises en vrac sont les céréales, le charbon, la potasse et le soufre. Dans les années 1960, les ventes de céréales et l'aide à la Chine, au Japon et à l'Inde venaient en tête; nous avons assisté ensuite à un véritable boum de la construction des élévateurs à grain dans les terminaux. Entre les années 1870 et 1970, c'est la voie maritime du Saint- Laurent qui a dominé le marché, puisqu'elle contrôlait 80 p. 100 du trafic de ces denrées, Vancouver a pris la relève dans les années 1970, Prince Rupert dans les années 1980 et Portland en 2000.
Vous ne savez peut-être pas que Canpotex, qui est le plus important expéditeur de potasse dans le monde, fait désormais passer plus de la moitié de sa production par un port américain. Je m'attends à ce que vous vouliez en savoir plus à ce sujet à l'étape des questions, parce que c'est là quelque chose de très important. Vous accueillerez d'ailleurs peut-être des témoins de Canpotex. Il y a de grandes leçons à retenir de tout cela et, si nous ne nous y prenons pas correctement, nous allons perdre une part du trafic.
Pour ce qui est de nos liaisons commerciales avec le reste du monde, nous avons évidemment nos ports traditionnels de la côte est, qui donnent sur l'Atlantique, la voie maritime et les Grands Lacs. Depuis 30 ans maintenant, nous développons Vancouver et Prince Rupert en y ajoutant de nouvelles installations tous les deux ou trois ans, comme le DeltaPort, dans le sud de Vancouver, et Fairview, du côté de Prince Rupert.
L'autre aspect sur lequel je vous invite à vous pencher est celui des études d'impact environnemental dont la réalisation nécessite plus de trois ans au Canada. En Chine, il faut environ trois jours. Je ne dis pas que nous devrions adopter les normes chinoises, mais je tiens simplement à ce que vous sachiez que les Chinois peuvent accélérer les choses quand ce sont des dossiers qui les intéressent vraiment.
Le Chemin de fer Canadien Pacifique, le CP, et le Canadien National, le CN, sont les deux meilleures sociétés ferroviaires d'Amérique du Nord. J'ai eu la chance d'occuper un poste de haute direction au Canadien National où je dirigeais quatre services. J'ai participé à la transition et nous avons effectivement de quoi être fiers du CP et du CN pour les excellents services qu'offrent ces compagnies.
Pour le CN, Wal-Mart est un client qui pèse 100 millions entre Prince Rupert, Vancouver et Chicago. Si le CN pouvait faire la même chose de Prince Rupert et Vancouver à Memphis, en passant par Baltimore, Halifax, Los Angeles-Long Beach et d'autres emplacements, elle pourrait ajouter 50 millions de dollars à ses revenus. Nous avons le potentiel voulu pour assurer la liaison de Prince Rupert à Memphis et, à partir de là, pour desservir le reste du continent de façon très efficace, à condition que nous nous ressaisissions. Les chemins de fer canadiens peuvent actuellement desservir Chicago plus rapidement que n'importe quelle société ferroviaire américaine. Voilà qui illustre à quel point ils sont devenus efficaces. Les chemins de fer canadiens ont établi de bonnes liaisons avec les États-Unis, ils ont rationalisé leurs réseaux et peuvent assurer leur desserte dans le sud plus rapidement qu'un service maritime au départ de n'importe quel port de la côte ouest canadienne ou américaine en faisant gagner deux à 40 heures à leurs clients, et nous ne parlerons pas du détour par l'Atlantique.
Je crois savoir que, si le brouillard ne vous retient pas ici, vous devriez être à Prince Rupert d'ici deux ou trois jours et j'espère d'ailleurs que vous apprécierez ce déplacement. Attention, cependant, il tombe 143 pouces de pluie par an à Prince Rupert, et il est donc conseillé de s'équiper en conséquence.
La carte suivante montre qu'à partir de Prince Rupert, il faut 100 heures au CN en service régulier pour relier Chicago et 117 heures pour relier Memphis.
Notre rôle d'intermédiaire consiste à trouver des façons de desservir Chicago, le nord, l'est, le sud et l'ouest; les lignes d'apport vers Chicago et Memphis pourraient partir de ports maritimes ou intérieurs, comme Kansas et peut- être même de la Saskatchewan. Dans cette province, les terrains ne sont pas chers. La main-d'œuvre y est très abordable, la sécurité ne poserait pas de problème et il serait possible d'agrandir les installations en fonction du trafic. Cela n'a rien à voir avec la situation qui règne à Vancouver où la main-d'œuvre est très coûteuse, où l'on à affaire à une multitude de syndicats et de conventions collectives, où les transports ferroviaires et routiers sont bouchonnés et où il faut composer avec tous les problèmes que les ponts et les tunnels posent au camionnage. La situation à Vancouver est très difficile.
Pourquoi la Saskatchewan? Il est dommage que nous n'ayons pas pu vous projeter notre exposé en PowerPoint, parce que nous aurions pu vous montrer quelques villes fantômes de la province, bien que nous ne voulions pas nous étendre sur cet aspect. Nous voulons aussi vous montrer que la Saskatchewan est passée d'une population de 1 million d'habitants, dont la moitié sont partis après les années 30, et de 3 200 élévateurs à grain à une centaine seulement dont la plupart sont en béton ou en acier. Le système a été excessivement rationalisé. Deux trains venant de gares intermodales intérieures peuvent alimenter le terminal. La productivité est phénoménale. Certains terminaux céréaliers sont très importants, d'autres plutôt modestes; certains ne peuvent charger qu'un wagon de producteur à la fois et d'autres peuvent en charger une centaine d'un coup. À cause de cela, le réseau routier est en très mauvais état. Les camions commerciaux dominent le marché du transport et nous sommes confrontés à de nombreux problèmes d'ordre stratégique sur lesquels vous déciderez peut-être de vous pencher. Je me suis entretenu avec votre greffier et votre recherchiste au sujet de la stratégie des chemins de fer et des lignes secondaires, mais pour ne pas perdre de temps, nous allons passer à autre chose.
Nous avons environ cinq diapositives sur Moose Jaw dont les photographies vous montrent la place commune qu'occupent Moose Jaw et Regina. Ces deux villes ne sont distantes que de 40 milles et, à l'échelle de Montréal, Toronto ou Vancouver, c'est l'équivalent d'une seule et même agglomération. Les terrains à bas prix abondent entre Moose Jaw et Regina. Le maire McBain et moi-même y avons des terrains à vendre... si quelqu'un est intéressé. De plus, ce secteur se trouve le long de la route et des lignes de chemin de fer transcontinentales, et c'est de là que par la liaison du CP avec le réseau américain. C'est à partir de Moose Jaw que le CP fait sa liaison avec Chicago. Le premier à s'être rendu compte de l'existence de cette liaison était un certain Al Capone. Ce nom vous dit peut-être quelque chose et, de nos jours, certains voudraient imiter ses qualités de logisticien. Je laisserai le soin au maire McBain de vous parler de Moose Jaw tout à l'heure.
La série des diapositives suivantes porte sur les négociations du commerce international, sur le cycle de Doha. J'ai eu le privilège de représenter sept ou huit groupes de la province lors de ces négociations, au côté des gens d'Affaires étrangères et Commerce international Canada. C'est un cycle qui revêt une grande importance, puisque 93 p. 100 de l'agriculture canadienne bénéficierait d'une libération des échanges. Si les échanges étaient libéralisés dans le secteur des céréales et des graines oléagineuses seulement, les céréaliculteurs pourraient empocher 1,6 milliard de dollars de plus chaque année. Les Brésiliens, les Argentins, les Indiens et les Chinois souhaitent cette libéralisation, mais les États- Unis et l'Europe n'en veulent pas. Malheureusement, une partie du Canada n'en veut pas non plus. Le Canada tient double discours à cet égard.
Nous avons fait la promotion de la libéralisation du commerce par la voix d'organisations agricoles, comme Manufacturiers et Exportateurs du Canada, de la Chambre canadienne du commerce ainsi que des gouvernements provinciaux des Prairies qui bénéficieraient tous de ce genre d'amélioration. Au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta, ce ne sont pas 93 p. 100 des exploitants agricoles qui en sortiraient gagnants, mais bien 97 p. 100. C'est tout le secteur de la gestion des approvisionnements qui s'oppose à ce projet. Nous devons respecter ce point de vue, mais nous estimons, bien humblement, que la question devrait être négociée à l'échelon politique afin d'éviter que 93 p. 100 de l'agriculture canadienne passe à côté de quelque chose de valable.
Nous avons des diapositives sur la demande relative au commerce international. Une partie de la difficulté provient du fait que les manuels scolaires, utilisés à l'élémentaire en Saskatchewan, n'ont jamais été modifiés. Un écolier de troisième année en Saskatchewan pense encore que sa province est au centre du monde, qu'elle est le Grenier de l'univers. Pourtant, l'Inde, la Chine, le Brésil et l'Argentine cultivent des céréales pour la moitié de notre coût de production. Le climat est plus favorable dans ces pays. Ils ont de l'eau pour l'irrigation. Je travaille en Inde et j'ai constaté que 95 p. 100 des exploitants de la région du nord, le Panjab, irriguent leurs terres grâce à l'eau qui descend de l'Himalaya. Leurs rendements sont de deux fois à deux fois et demi supérieurs aux nôtres. Quand ils auront réglé leur système de transport, nous ne pourrons plus les concurrencer dans le domaine des marchandises en vrac. Il nous faut passer à autre chose. Il faut transformer, sur place, l'orge en bière, en pièces de bœuf et en morceaux de porc. Il faut transformer le blé en gluten et en éthanol et le canola en margarine ou en biocarburant. Nous ne serons pas compétitifs dans le domaine des denrées en vrac.
Et c'est là que les conteneurs deviennent très importants. À l'époque où les denrées étaient reines, nous pouvions les acheminer en vrac par bateau. Aujourd'hui, c'est le client qui est roi et il est en mesure de se procurer des marchandises à bas prix venant de n'importe où dans le monde. Il faut donc conditionner et emballer nos produits et les acheminer à l'intérieur de conteneurs pour qu'il ne soit pas nécessaire de les manipuler sept fois. Voilà l'avantage que présentent les conteneurs. On charge le produit une seule fois après l'avoir nettoyé, pesé et calibré, et il arrive intact chez le client.
Nous commerçons beaucoup avec l'Inde en ce qui concerne les graines oléagineuses, mais surtout les légumineuses. Les Indiens se plaignent régulièrement que nos légumineuses se détériores durant le voyage, passant d'un produit destiné à l'alimentation humaine de première catégorie — ce que nous prétendons leur envoyer — à de la provende de troisième catégorie qu'ils prétendent recevoir. Les légumineuses sont très fragiles. Si on les manipule cinq fois, elles s'abîment et passent d'un produit alimentaire de première catégorie à un aliment de deuxième catégorie, voire à la qualité fourragère. Les conteneurs représentent donc une formule particulièrement intéressante pour les producteurs de légumineuses de la Saskatchewan et des Prairies.
Pour ce qui est des choix du point de vue logistique, comme nous l'avons vu, Wal-Mart États-Unis a un parti pris évident. Avant, c'était une société américaine, mais aujourd'hui elle est internationale. Elle passe par le Mexique, par le Canada, par la côte ouest ou par la côte est : n'importe où elle aura la certitude que le prix d'acheminement de la bouteille de bière ne dépassera pas une cent. Ce coût est un facteur déterminant. Si nous voulons participer à cette création de richesse, nous allons devoir nous affûter.
Passons à présent très rapidement aux points forts de Moose Jaw; il y a : les réseaux ferroviaires et routiers transcontinentaux; l'accès a des moyens de transport compétitifs; l'accès à des lignes de chemin de fer secondaires vers le nord, vers l'est, vers le sud et vers l'ouest; la jonction ferroviaire de Sioux vers Chicago; l'accès indirect au CN, à hauteur de Melville, vers l'est et vers l'ouest; des terrains, une main-d'œuvre et des services peu coûteux, et un minimum de problèmes environnementaux et de congestion. Plutôt que de traverser simplement les Prairies à destination de l'Ontario, les conteneurs pourraient aboutir dans les Prairies, lourdement chargés, avant d'être acheminés jusqu'au port pour être embarqués à destination de la Chine, de l'Inde et du Pakistan.
Pour ce qui est des prochaines étapes à franchir sur la voie du succès, sachez que nous ne manquons pas de pain sur la planche. Nous nous concentrons actuellement sur trois grands thèmes. D'abord, nous voulons réunir les décideurs de l'industrie, et nous sommes heureux de constater que c'est ce que vous êtes en train de faire, qu'il s'agisse d'expéditeurs, de transporteurs ou d'administrations portuaires, que ce soit dans le transport maritime ou terrestre. Deuxièmement, nous voulons réunir les décideurs gouvernementaux concernés. Du côté de l'appareil fédéral, Transports Canada, Diversification de l'économie de l'Ouest Canada, Finances Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada et Industrie Canada joueront tous un rôle et, quand on y regarde bien, je dirais que tous essaient de faire de leur mieux pour que la stratégie Asie-Pacifique fonctionne. Et puis, il y a aussi les ministères provinciaux des Finances, des Transports, de l'Industrie et de l'Agriculture, qui sont tous partie prenante. À la base, on retrouve les organisations à vocation municipale, comme la Moose Jaw Regional Economic Development Authority, la Saskatchewan Trade and Export Partnership, la Saskatchewan AgriVision Corp, la Prince Albert Regional Economic Development Authority, la Saskatoon Regional Economic Development Authority et la Regina Regional Economic Development Authority. Notre troisième axe d'intervention est celui des tables rondes et de la facilitation qui sont à nos yeux d'importants moyens d'intervention. M. Williams a animé beaucoup de tables rondes du genre ces dernières années et nous avons nous-mêmes fait des exposés dans ce contexte. Le sénateur Tkachuk était parmi nous il y a à peine un mois, à Vancouver. Nous avons organisé des ateliers à Regina et à Winnipeg et, la semaine prochaine, nous serons à Calgary. Tout cela culminera les deux 2, 3 et 4 mai prochain lors d'un événement à Vancouver, et je vous invite d'ailleurs tous, ainsi que vos recherchistes, à venir y participer.
Je n'ajouterai rien de plus en ce qui concerne la nécessité d'agir des points de vue prise de décision et régime législatif et réglementaire, si ce n'est pour dire que la situation est très complexe. Nous avons, au Canada, un système de gouvernance à trois paliers qui fonctionne plutôt bien. Aux États-Unis, en revanche — et j'ai eu le privilège de m'entretenir avec les plus importants acteurs américains qui se trouvaient à Winnipeg la semaine dernière —, il y a des problèmes parce que les États n'assument pas de rôle actif, contrairement au fédéral et aux administrations locales. Cela étant, les Américains doivent souvent composer avec des fiefs et des manœuvres électoralistes, et ils n'ont pas de priorités inter-États ou internationale dont ils auraient pourtant grand besoin et qu'ils réclament d'ailleurs. Nous devons donc veiller à ce que nos trois ordres de gouvernement travaillent en étroite collaboration afin, par exemple, que l'on n'apporte pas en même temps des améliorations au réseau routier et au réseau ferroviaire, ce qui est arrivé trop souvent dans les Prairies.
Il y a d'autres problèmes, ceux là du côté du transport maritime à courte distance. Vous en aurez sans doute entendu parlé et je ne vais pas m'étendre sur le sujet, si ce n'est pour vous donner un exemple. Beaucoup d'entre vous viennent de l'Ontario et du Québec. Vous connaissez le problème du goulet d'étranglement dans la région Fort Erie-Buffalo, Windsor-Détroit, et Sarnia-Port Huron. Que penseriez-vous de charger des navires dans le port d'Oshawa pour les décharger dans le port de Cleveland? Il faut penser multimodal, parce que c'est moins cher et que ça contribue à décongestionner les routes.
Je ne vous ai donné que quelques exemples de ce que nous pourrions réaliser si nous parvenions à établir un lien harmonieux entre l'aspect logistique, le cadre d'investissement et les législateurs. Je vais m'arrêter ici.
Son Honneur le maire Dale McBain, Ville de Moose Jaw : J'apprécie cette occasion de vous adresser quelques mots. Je vais vous parler un peu de Moose Jaw et vous présenter la position de la régie de développement économique régional. M. Campbell vous a touché un mot de Moose Jaw en précisant que nous nous trouvons dans une position unique et je crois d'ailleurs que notre passé très riche est notamment dû au fait que sommes passés de localité de limite divisionnaire pour le Canadien Pacifique à une plaque tournante dans les Prairies. Nous sommes situés au centre, soit à quelque 700 kilomètres de Vancouver et à 2 000 kilomètres de Chicago. Nous sommes à l'intersection de trois grands axes routiers : la route 1, qui est la Transcanadienne; la route 39, qui relie Saskatchewan à North Portal, le port frontalier le plus passant du pays; et la route 2 qui nous relie à la 11 pour aller à Saskatoon, puis à Prince Albert. Toutes ces routes font partie du réseau national des routes désignées et elles revêtent une importance primordiale.
La ligne principale du CP qui passe par Moose Jaw nous relie avec l'est, c'est-à-dire avec Winnipeg, Toronto et Montréal, et avec l'ouest, soit Vancouver et Calgary. Nous sommes le terminus canadien de la ligne de Sioux vers Minneapolis et Chicago. Comme M. Campell vous l'a dit, Moose Jaw a fait un peu d'histoire quand Al Capone est venu jusqu'à Sioux. Par ailleurs, le siège du CP pour la Saskatchewan est installé à Moose Jaw. Le poste d'avitaillement à grande vitesse de cette société de chemin de fer se trouve aussi à Moose Jaw. C'est la plus importante installation d'avitaillement le long de la ligne principale du réseau nord-américain et c'est le seul centre d'avitaillement important entre Vancouver et Chapleau, en Ontario, et Glenwood, au Minnesota. C'est à Moose Jaw que les équipages sont changés, que les trains sont formés ou divisés et qu'on les aiguille vers l'axe est-ouest ou l'axe nord-sud sur la ligne de Sioux Lookout. Enfin, la gare de triage de Moose Jaw comporte un dépôt de réparation.
Le CN est également présent à Moose Jaw puisqu'il y a une voie d'embranchement qui nous relie à Melville et nous donne donc accès à la ligne principale du CN.
De plus, nous sommes desservis par un certain nombre de compagnies ferroviaires à courte distance, notamment la Southern Rails Co-operative Ltd., de Avonlea, et la Red Coat Road and Rail qui relie l'embranchement du CP à Assiniboia, puis à la ligne principale de Moose Jaw.
L'embranchement du CP à Assiniboia et la voie du Red Coat Road and Rail occuperont une place grandissante à mesure que Whitemud Resources Inc. développera son exploitation de kaolin et d'argile, à Wood Mountain. Whitemud est l'un des plus importants fournisseurs de kaolin, puisque la compagnie fait sans doute partie des trois ou quatre exploitants de ce genre dans le monde. Le kaolin entre dans la composition de nombreux produits, comme le ciment et la poudre de blanchiment du papier. La société a obtenu d'excellents résultats sur le TSX et elle vient d'entamer la construction de son usine de traitement à Wood Mountain. Une des compagnies ferroviaires secondaires est en train de construire un embranchement à Scout Lake et elle envisage d'acheminer le kaolin et l'argile par chemin de fer jusqu'à Assiniboia pour transférer ensuite ces produits sur la ligne principale du CP, à Moose Jaw.
Moose Jaw est une importante zone de transbordement pour les produits agricoles. Comme le disait M. Campbell, la Saskatchewan produit quelque 95 p. 100 des légumineuses au Canada. Près de 90 p. 100 de cette production est circonscrite dans un rayon de 100 milles autour de Moose Jaw. Une exploitation agricole famille de Moose Jaw, la ferme Simpson Seeds Inc, est le plus gros transformateur de légumineuses de la province et elle est en voie de se doter d'une chaîne de concassage pour la lentille rouge. De plus, les lignes à courte distance permettent de desservir un certain nombre de petites installations de nettoyage de légumineuses dans les environs de Moose Jaw. Doepker Industries, de Moose Jaw, fabrique des remorques pour l'industrie du camionnage. Celles-ci remorques se déclinent en différentes versions : pour les céréales, pour les produits miniers et pour l'industrie forestière, et je pense intéressant de vous signaler que l'entreprise a mis au point un porte-conteneurs adapté pour prendre livraison de la récolte directement dans le champ de l'agriculteur. La potasse est le premier produit d'exportation de la Saskatchewan dont la plus grande mine se trouve à Belle Plaine, non loin de Moose Jaw.
Mon mémoire donne d'autres renseignements, mais comme je sais que vous voulez passer aux questions, je vais m'arrêter ici. Moose Jaw présente de vastes étendues de terre non attribuées, en dehors de la ville. L'emplacement pour ce genre de projet est tout aussi important que dans le secteur de l'immobilier. Nous, nous pensons avoir le bon emplacement. Nous sommes le lieu le plus efficace et le plus rentable, le long du réseau, qui soit en mesure de faire face à l'augmentation du volume des marchandises, en provenance de l'Asie et à destination du marché américain, qui transitent par le port de Vancouver. Stratégiquement située à l'intersection de trois voies ferrées et de trois grands axes routiers, Moose Jaw a l'avantage, grâce à cet emplacement unique, d'être une plaque tournante du transport. Moose Jaw est appelée à jouer un rôle croissant dans le domaine du transport de marchandises et donc dans celui de l'import- export au Canada.
C.M. (Red) Williams, président, Saskatchewan AgriVision Corp. : Je vais revenir sur une question dont M. Campbell a traitée tout à l'heure : pourquoi la Saskatchewan? Eh bien, Saskatchewan AgriVision Corp. a commencé à travailler sur ce dossier il y a quatre ans environ. Au début, nous voulions mettre en place un dispositif qui nous permettrait d'avoir suffisamment de conteneurs en Saskatchewan pour servir le secteur des légumineuses. C'était notre premier objectif. Nous avons commencé par rassembler tous les intervenants et par imaginer un système qui, selon nous, était susceptible de fonctionner. Or, il se trouve que nous avons échoué et que nous avons beaucoup appris sur ce qu'il est possible de faire dans le domaine du transport par conteneurs. Le principal problème dans le cas de la Saskatchewan, c'est que nous ne recevons pas suffisamment de conteneurs pour satisfaire nos besoins à l'expédition. Autrement dit, nous n'arrivons pas à faire venir suffisamment de marchandises dans la province et nous dépendons donc des conteneurs en provenance de l'est du Canada et des États-Unis qui sont destinés à la côte ouest. Comme on vous l'a sans doute dit, les expéditeurs n'ont pas envie que leurs conteneurs soient immobilisés en cours de route, à moins qu'on leur donne des garanties absolues. Les conteneurs que nous voyons passer sont immobilisés durant 48 heures, 72 heures au plus, puis ils sont replacés dans le système. Nous sommes aux prises avec un problème d'inefficacité qui tient à la différence entre le nombre de conteneurs qui arrivent et le nombre de ceux qui partent. Ce faisant, nous nous sommes demandé comment nous pourrions faire transiter davantage de conteneurs par la province.
Nous avons envisagé d'instaurer une noria terrestre entre Halifax, Canso ou Montréal — peu importe l'emplacement dans l'Est — et Prince Rupert et Vancouver sur la côte ouest. Comme M. Campbell le disait, notre région est desservie par les deux meilleures compagnies de chemin de fer d'Amérique du Nord et nous comptons donc les utiliser. Nous envisageons de retenir le trafic en provenance des États-Unis aussi longtemps que possible pour ne relancer la machine que lorsque les conditions commerciales seront optimales. C'est là notre objectif global. Le sénateur Mercer vous a sans doute dit et répété à satiété qu'Halifax était en train de devenir ou allait devenir un port de conteneurs de première importance parce que l'emplacement permet de faire le lien entre le canal de Suez et les ports de la côte ouest de l'Amérique du Nord. Nous voulons donc instaurer cette noria terrestre à l'échelle du Canada. J'espère vous avoir convaincu que nos ambitions vient bien au-delà de la Saskatchewan, mais si vous me le permettez, je vais revenir à cette province, parce qu'elle est au centre de mes intérêts.
Le maire McBain vous a donné une idée de la situation de Moose Jaw, au carrefour de voies ferrées et d'axes routiers. Prenons maintenant un peu de recul pour examiner la situation de la Saskatchewan en général, avec Saskatoon, Regina et Moose Jaw, trois villes qui ne sont pas très distantes l'une de l'autre, du moins pas à l'échelle des Prairies. Nous sommes en présence d'un flux en provenance de Prince Rupert et d'un autre venant du col Kicking Horse, sans oublier la Transcanadienne au sud. Tous ces axes convergent à hauteur de la route de Yellowhead en un point qui devient donc un emplacement logique. Vous pourriez créer un terminal de jonction n'importe où entre Halifax et Vancouver. Vous pourriez installer un terminal pour faire tout cela, si vous le désiriez, c'est-à-dire pour assembler les trains et optimiser l'écoulement des marchandises vers Vancouver ou Halifax; mais là où il est le plus logique de le faire, c'est en plein milieu de la Saskatchewan. Et c'est précisément ce que nous cherchons à promouvoir.
Actuellement, nous avons un problème avec Vancouver. Je suis certain que vous en aurez entendu parler dans d'autres exposés. Malheureusement, si je résidais en Colombie-Britannique, je penserais comme les gens d'ici. Il est difficile pour les résidents d'ici de voir par-delà les montagnes. Il y a une chose, cependant : pour nourrir un navire porte-conteneurs de 8 000 EVP à Vancouver, il faut 20 trains de 120 wagons plate-forme à gerbage, que l'on doit faire passer par les Rocheuses. Je dis bien 20 trains pour un seul navire et, bien sûr, avant cela, il aura fallu en aligner six ou sept à partir d'ici. Il faut régler ce problème. Si l'on passe un jour à des navires porte-conteneurs de 14 000 EVP, il faudra 70 trains par navire, c'est-à-dire 70 convois qui monteront et 70 autres qui redescendront. Il faut, dérouter ce trafic pour le bien de Vancouver, mais aussi pour augmenter notre production, et la solution logique à cet égard c'est de ne plus passer par les montagnes et de tout faire dans les Prairies. Il existe de multiples raisons pour lesquelles tout devrait se passer au centre de la Saskatchewan. Je vais vous en citer quelques-unes.
Nous avons un plan dont nous vous avons remis la première phase. Nous lui avons donné le titre ronflant de « Corridor canadien super intelligent » ou CCSI, ne serait-ce que parce qu'il correspond à des corridors identiques aux États-Unis avec lesquels nous voulons établir la liaison. Le corridor en question s'étirerait de Halifax à Canso jusqu'à Vancouver et Prince Rupert. De plus, nous devrons nous doter d'un terminal intelligent.
Le terminal intelligent est différent du terminal à conteneurs que l'on retrouve un peu partout au Canada et où les conteneurs arrivent, sont déchargés des trains pour être dépotés, puis rempotés et mis à bord de camions qui les réinjectent dans le système de transport. Il n'est donc pas question de créer un autre terminal à conteneurs. Un terminal intelligent, dans sa partie amont, est constitué de toute une équipe d'informaticiens qui gèrent les conteneurs depuis leur départ en Asie jusqu'à leur point de livraison. Ils en assurent le tri en fonction de leurs destinations et décident d'avance de leur agencement sur les wagons de chemin de fer, à leur arrivée au port, puis de leur mode de transport par voie terrestre, dans le système intermodal, c'est-à-dire par camion ou autres. En un mot, ces gens-là gèrent le système.
Il ne s'agit pas un nouveau concept, puisque Kansas City est doté d'un port intelligent qui gère la totalité des trains en provenance du Sud, du marché mexicain, qui sont destinés au nord-est des États-Unis. Nous allons visiter cette installation en avril prochain et nous disposerons donc déjà d'un modèle sur lequel nous appuyer.
La clé dans tout cela — et il se trouve qu'on écarte souvent cette solution parce qu'on ne pense qu'aux conteneurs et aux trains qui sillonnent le pays — ce serait de créer des zones franches autour de Saskatoon, de Regina et de Moose Jaw. Le port intelligent a commencé à attirer les entreprises qui font venir les marchandises, soit les Wal-Mart de ce monde, pour décharger les produits et les recharger sur les camions ou sur d'autres trains et ainsi de suite. De plus, il faudra un lieu où accueillir des remonteurs en provenance d'Asie, parce que les grosses pièces d'équipement ne peuvent être rangées comme telles dans les conteneurs. Elles sont donc démontées pour l'empotage, mais il faut bien sûr un emplacement où les remonter à l'arrivée. Tout cela est synonyme d'énormément d'argent et d'une intense activité autour des trois villes dont nous parlons. Je vais m'arrêter ici pour répondre à vos éventuelles questions.
La présidente : Merci. Je donne la parole au sénateur Tkachuk qui est notre représentant de la Saskatchewan.
Le sénateur Tkachuk : Merci, messieurs, pour vos exposés enthousiastes. Nous avons pu constater, à l'occasion de notre dernier passage à Vancouver, en janvier, à quel point les gens de Saskatoon et de Moose Jaw peuvent être enthousiastes dans la promotion d'une telle installation dans notre province.
Nous avons entendu beaucoup de témoignages au sujet des difficultés qu'occasionne le port de Vancouver et on nous a dit qu'il est un goulet d'étranglement. M. Campbell a dit que la moitié environ de notre potasse passe maintenant par Portland, ce qu'on doit sans doute attribuer en partie aux difficultés de Vancouver. Est-ce que la création d'un port intelligent en Saskatchewan permettrait de résoudre ce problème?
Vous avez aussi parlé de chargement et de déchargement et de la possibilité d'inviter des entreprises comme Wal- Mart à venir s'installer dans notre province, si le port intelligent devait y être situé. Or, Wal-Mart vient juste de finir de construire une importante installation à Chicago. Comment allons-nous faire concurrence à Chicago sur ce plan?
M. Williams : Chicago est le goulet d'étranglement de l'Amérique du Nord. Vous savez combien de trains et de lignes ferroviaires passent par cette ville? Il y a 10 voies qui rentrent dans Chicago et les conteneurs doivent être transférés d'une ligne à l'autre. C'est là tout le problème. Il faut contourner Chicago dans toute la mesure du possible. Nous avons bien une ligne directe qui va là-bas, mais on nous dit qu'il faut éviter Chicago coûte que coûte.
M. Campbell : Chicago a été le centre du Midwest américain, tout comme Winnipeg a été le centre du Canada il y a 40 ans. C'est pour cela que toutes les voies ferrées aboutissent dans cette ville, c'est parce qu'elle est géographiquement la mieux placée, puisqu'elle est au centre des États-Unis, mais beaucoup de compagnies ferroviaires ont fait faillite jusqu'en 1980, jusqu'à ce que la loi soit modifiée. Depuis, on a assisté à de nombreuses fusions et rationalisations. Le CN et le CP sont très présents sur ce marché. Ils ont conclu des accords avec d'autres compagnies ferroviaires. Ils en ont même achetées pour parvenir à éviter ce trou noir qu'est Chicago. Pour tout un ensemble de raisons évidentes, cette ville demeurera une importante zone de réception, mais pour ce qui est de la distribution, les Wal-Mart de ce continent, seraient ravis de pouvoir éviter Chicago, de se dire que cette ville n'existe pas et d'aller plutôt à Memphis. C'est pour cela, par exemple, que le CN envisage d'ouvrir une liaison Prince Rupert-Memphis. Le CP, de son côté, a d'autres points forts. Le CN peut aller jusqu'à Kansas City. Los Angeles essaie de s'arrimer à Kansas City qui bouge énormément, mais encore une fois, c'est parce qu'elle est bien située géographiquement.
Ce que nous affirmons modestement, parce que nous n'avons pas une forte demande de consommation en Saskatchewan, c'est que nous sommes tout de même l'une des meilleures zones d'étape et que le port intelligent ajoutera à cette qualité en assurant les contrôles de sécurité, le dépotage et le rempotage des conteneurs, la calibration et le conditionnement des produits et ainsi de suite, plutôt que de laisser ces activités au port de Vancouver. Une partie de ce projet reposera sur des infrastructures physiques et une autre partie sur de la matière grise.
Pour en revenir à ce que vous disiez au sujet de Vancouver qui est un goulet d'étranglement, je me dois de déclarer — surtout que vos audiences sont retranscrites et rendues publiques — que le port de Vancouver est absolument superbe et que c'est l'un des meilleurs du monde. Malheureusement, il est en pleine crise de croissance. Dans les années 1960, le gouvernement du Canada et la Commission canadienne du blé ont vendu énormément à la Chine, dans les 5, 6 voire 7 millions de tonnes par an. À l'époque, Vancouver n'était pas plus en mesure d'absorber ce genre de volume, raison pour laquelle de nouvelles installations ont été construites. La Saskatchewan Wheat Pool s'est installée sur la côte Nord en 1968 et Pioneer Grain l'a fait en 1973. Nous avons aussi bénéficié de l'expansion du Alberta Wheat Pool qui est d'abord devenue Agricore United, puis Cascadia.
Notre capacité d'accueil a doublé et elle a été améliorée au point où 24 millions de tonnes de céréales en vrac peuvent désormais transiter par le port de Vancouver. Les céréales en vrac ne sont donc pas le problème. De plus, nous avons ajouté Columbia Containers et Coastal Containers. Vancouver Wharves Ltd. a perdu le marché de la potasse, comme Neptune. J'ai été engagé par Vancouver Wharves Ltd. pour mettre sur pied une installation d'accueil de produits agricoles. Nous l'avons dotée de systèmes de manutention en douceur et de transporteurs à courroie, plutôt qu'à vis sans fin métalliques, pour que le produit ne se dégrade pas et ne passe pas d'une catégorie d'aliments destinés à la consommation humaine de première qualité à de la provende de troisième qualité. Pour ce qui est du transport des conteneurs, vous savez évidemment qu'il y a DeltaPort, Centerm, Vanterm et Fairview.
Nous avons déjà beaucoup accompli, mais si vous étudiez la question de près — il se trouve que je suis économiste en agriculture et que j'ai passé 30 ans de ma vie sur ce dossier — et cherchez à voir comment nous nous comparons aux États-Unis et aux autres pays, vous constaterez que nous sommes lents. Parfois, cela est dû à notre fonction publique. Parfois, c'est parce que les ports américains sont davantage en mesure que les nôtres de mobiliser de l'argent, en recourant à des obligations municipales. Nous sommes confrontés à de nombreux problèmes complexes, mais on trouve de nombreux intervenants à Vancouver qui sont déterminés à faire en sorte que les choses fonctionnent. Toutefois, je ferai respectueusement remarquer que certains d'entre eux manquent de prévoyance et qu'ils essaient de régler les problèmes de Vancouver en construisant tantôt un tunnel, tantôt un pont tous les 5 milles, tandis qu'ils pourraient faire la même chose à Saskatchewan pour trois fois rien. Il serait possible de transférer ce travail soutenu du front de mer à Vancouver à une région très abordable et non congestionnée afin de desservir le trafic de l'est du Canada et des États-Unis.
M. Williams : Il vous a, peut-être, été donné de lire le livre intitulé The Box : How the Shipping Container Made the World Smaller and the World Economy Bigger. On y dit quelque chose qui m'a frappé : dans le domaine du transport par conteneurs, il a été prouvé à maintes reprises, partout dans le monde, qu'on ne peut pas simplement se dire qu'on va conserver une petite part du marché de 1, 2 ou 3 p. 100. Ça ne fonctionne pas ainsi. Soit vous absorbez le trafic qui se présente à vous et vous le traitez de façon efficace et rentable, soit vous disparaissez. C'est ce qui arrive. Si vous ne parvenez pas à servir les expéditeurs qui s'adressent à vous, ils iront voir ailleurs. Soit le port de Vancouver en arrive au point où il peut absorber le trafic qui se présente à lui, soit il va disparaître. J'ai trouvé que cette remarque de l'auteur était très révélatrice.
M. Campbell : Los Angeles-Long Beach a dominé cette région pendant longtemps, mais le secteur étant désormais congestionné, cela n'est plus possible. À Los Angeles, on est en train de construire des autoroutes souterraines. Les gens là-bas font énormément de choses, mais il demeure que tout est trop congestionné. Wal-Mart ne se soucie pas des problèmes municipaux, des problèmes environnementaux et autres. Si Vancouver, Prince Rupert et Halifax tiennent le coup, ces villes bénéficieront du surcroît d'activités annoncé. Pour l'instant, Wal-Mart est très impatiente avec les ports de la côte ouest. La société envisage très sérieusement de trouver d'autres solutions, c'est-à-dire de passer par l'océan Indien et le Canal de Suez.
Le Canal de Suez est entièrement ouvert et il n'est pas limité comme le Canal de Panama. Il nous faudra 10 années de plus peut-être pour que le Canal de Panama soit entièrement ouvert à la circulation et, de toute façon, il n'est pas suffisamment large pour accueillir les gros porte-conteneurs. Ces navires océaniques sont passés de 4 000 à 14 000 EVP. Ce sont de véritables villes flottantes. Ils ne peuvent pas emprunter le Canal de Panama, d'où les possibilités qui s'offrent à Halifax, à Canso, à Québec et à Montréal. De toute façon, pour Los Angeles, c'est fini. Cette ville a perdu ce marché pour toujours et la question qui se pose à nous pour l'instant est de savoir si Vancouver et Prince Rupert seront en mesure de réagir assez rapidement.
Le sénateur Zimmer : La potasse représente un marché énorme. On dit que les réserves sont suffisantes pour 1 000 ans. Monsieur Campbell, vous avez parlé de la possibilité d'agrandir l'usine de potasse de Vancouver. Je crois savoir qu'à l'origine, on avait prévu que cette opération coûterait 10 millions de dollars, mais quand la note est passée à 42 millions de dollars, il a été décidé de ne pas sonner suite avec pour résultat que la potasse transite désormais par Portland. Nous sommes passés à côté d'une occasion à cause d'un manque de vision et de planification. Que pensez- vous de cette situation et quels enseignements pouvons-nous en tirer?
M. Campbell : Il y a eu beaucoup d'intervenants dans ce dossier. Le CN et le CP n'ont pas réagi assez rapidement aux sollicitations de Canpotex. Pourtant, ces compagnies ne peuvent pas dire qu'elles n'ont pas été prévenues. Comme vous le savez, il y a toujours une tension créative entre les expéditeurs et les transporteurs, mais du point de vue de Canpotex, la concurrence ne se situait pas entre le CN et le CP. La concurrence, c'était la Russie, Israël et la Floride parce l'entreprise canadienne ou une entreprise étrangère va s'adresser ailleurs si nous ne nous ressaisissons pas. Canpotex a non seulement construit une installation à Portland, mais elle a également acheté plus de wagons. Elle a tout acheté sauf des locomotives pour mieux contrôler son système de transport, et ça fonctionne à merveille. Canpotex est un exemple de réussite. Après le régime de la Loi nationale sur les transports de 1987, la Loi sur les transports au Canada a instauré un cadre réglementaire et juridique qui a conféré davantage de solidité à l'entreprise. Celle-ci avait la liberté d'agir sur le plan commercial. Elle avait une vision qu'elle a mise en œuvre en réinvestissant 90 p. 100 de ses bénéfices dans ses activités. L'une des retombées, c'est que, grâce à l'impulsion de cette compagnie, Neptune, Vancouver Wharves Ltd., le CN et le CP sont devenus beaucoup plus compétitifs.
Le sénateur Zimmer : Monsieur Williams, vous avez parlé de zone franche au sujet du CCIS. Il se trouve que nous avons commencé à envisager la même formule au Manitoba. Comme vous le savez, nous y avons un terminal. Quand nous parlons avec la Saskatchewan, nous le faisons toujours en considérant que nous sommes deux provinces des Prairies. Soit dit en passant, comme la longitude moyenne du Canada passe à 20 milles de Winnipeg, c'est en fait la capitale du Manitoba qui est au centre du pays. Il a été question d'ajouter un terminal portuaire à Churchill. Le problème dans le cas de Churchill, c'est que le port est pris par les glaces une partie de l'année. Les Russes nous avaient affirmé qu'ils pourraient nous envoyer un brise-glace pour le dégager, mais les Américains s'y sont opposés, ce qui a amusé les Russes qui ont rétorqué qu'ils patrouillaient dans la zone en sous-marins depuis 50 ans. Donc, les glaces ne sont pas un véritable problème, parce qu'il est possible d'ouvrir un chenal.
Pour en revenir aux plans que vous envisagez pour Saskatchewan, est-ce que vous songez à collaborer avec le Manitoba pour ouvrir la route vers la porte d'entrée, ainsi qu'avec d'autres pays en matière de transport? Comme on dit chez nous : « Cap au nord, mon garçon, cap au nord! ».
M. Williams : Votre question est double, ou du moins elle exige deux réponses. D'abord, le choix de la cette région de la Saskatchewan par rapport à Winnipeg. Vous auriez également pu nous opposer à Edmonton ou à Calgary qui ont des terminaux à conteneurs importants et dont le niveau général d'activité est nettement supérieur à celui de la Saskatchewan, mais il se trouve nous au cœur de la Saskatchewan et qu'à partir de là, nous pouvons desservir ces trois grands centres. C'est pour cela qu'il serait possible de mieux desservir ces trois villes à partir d'un terminal situé en Saskatchewan que d'essayer d'en desservir quatre à partir de Winnipeg. Voilà une première réponse. Par ailleurs, je vous dirais que c'est à partir de la Saskatchewan, et non pas de Winnipeg, qu'il existe des liaisons directes avec Churchill. Il y en a une qui va directement de la Saskatchewan à Churchill. Nous sommes en train d'étudier cette possibilité.
Pour revenir sur l'histoire, M. Campbell a fort bien fait de nous rappeler l'origine de tout cela. À l'époque où M. Trudeau était premier ministre, j'ai siégé à la commission qui avait eu la merveilleuse idée de stimuler l'activité économique dans la bande de territoire qui longe notre frontière nord. On nous avait transporté en groupe à Churchill et, de retour, j'ai mentionné que cette ville portuaire était trop au sud de 100 milles. La glace envahit la Baie d'Hudson du sud vers le nord et, si Churchill avait été de 100 milles plus septentrionale, le port se serait probablement retrouvé en eaux libres durant tout l'hiver.
M. Campbell : Comme j'ai été responsable, pour le meilleur ou pour le pire, du mouvement « Churchill pour le Canadien National », dans les années 1980, je me permets de vous indiquer que les 380 milles de voies de The Pas à Churchill traversent de vastes étendues caractérisées par une alternance de pergélisol et de sol normal. Ce faisant, la plate-forme de la voie ferrée n'est pas stable et elle ne le sera jamais. Il n'existe pas de solution facile à ce problème. Je vous concède qu'à la faveur du réchauffement planétaire et de nouvelles technologies, que ce soit en s'en remettant aux Russes ou autres, Churchill pourrait avoir un certain potentiel, mais je peux tout de suite vous dire que le seuil de rentabilité de ce port se calcule en millions de tonnes. Pour l'instant, seules les céréales transitent par Churchill. La raison est politique et je pense que vous en êtes conscients. En deux beaux longs week-ends seulement, Thunder Bay est capable de faire beaucoup mieux que le port de Churchill dans toute une saison. Je ne veux pas m'en prendre à Churchill, mais c'est la réalité. Nous sommes peut-être passés d'une saison de 50 jours à une saison de 80 jours, mais cela ne permet pas à ce port d'être concurrentiel face à d'autres installations qui bénéficient d'une saison de neuf à 12 mois.
Le sénateur Zimmer : Était-ce là l'expression d'une certaine concurrence, madame la présidente?
Le sénateur Mercer : Puisque nous parlons de concurrence, je précise que je viens d'Halifax. Je vous remercie beaucoup d'ailleurs pour les remarques positives que vous avez formulées au sujet de cette ville portuaire et il est vrai que mes collègues m'ont entendu prêcher pour cette paroisse. J'ai une remarque ou deux à faire. Vous vous êtes présenté à nous avec un certain enthousiasme. Toutefois, il faudra que vous fassiez preuve d'encore plus d'enthousiasme à propos de ce projet.
Ce qui me préoccupe, c'est la sécurité. Supposons que tout fonctionne comme vous le souhaitez. Un navire se range à quai pour débarquer 10 000 conteneurs que l'on charge ensuite sur des wagons pour être transportés jusqu'à Moose Jaw. Combien de temps faut-il pour effectuer ce transport? Disons que le navire passe un jour à quai pour décharger et qu'il faut deux autres jours pour que la cargaison arrive à Moose Jaw. Donc, tous ces conteneurs seront en territoire canadien, éventuellement du côté port, pendant trois jours. Quand nous avons visité le port, hier, il a été question de sécurité. Cela étant posé, est-ce que vous feriez vérifier les conteneurs à Vancouver, avant qu'ils ne soient dirigés vers Moose Jaw, ou est-ce que vous appliqueriez les mesures de sécurité à l'arrivée, à Moose Jaw?
M. Campbell : Les Américains sont d'avis que les mesures de sécurité pourraient être appliquées en Europe ou en Asie, et ils poussent très fort dans ce sens. Autrement dit, aucun conteneur ne pourrait être chargé à bord d'un navire océanique sans avoir été préalablement dédouané. Suivant ce modèle, il suffirait aux administrations portuaires d'Halifax, de Vancouver ou de Prince Rupert d'effectuer une vérification pour s'assurer que les conteneurs déchargés sont bien ceux qui ont été déclarés au départ.
Le sénateur Mercer : Vous venez de décrire ce qui existe déjà dans de nombreux aéroports au Canada, c'est-à-dire le prédédouanement.
M. Campbell : Du point de vue la gestion, il est toujours mieux de faire tout ce qu'on peut à la source. Dès que vous intervenez au milieu de la chaîne, vous rajoutez une étape de manipulation.
Le sénateur Mercer : On peut donc supposer que le conteneur serait prédédouané à Hong Kong et qu'entre Hong Kong et ici, il ne serait pas ouvert. On y apposerait des scellés ou autres qui garantiraient leur intégrité.
M. Campbell : C'est cela. C'est assez facile à contrôler. Ensuite, l'expéditeur et les administrations portuaires font une double vérification histoire de s'assurer que le conteneur déchargé est bien le même que celui qui a été chargé. Ce n'est pas d'une exigence énorme du point de vue de la gestion, d'autant plus qu'il serait possible de recourir à des codes à barres, à une technologie de détection par radioscopie ou autre pour effectuer des vérifications aléatoires. Il faut s'assurer que les conteneurs n'ont pas été ouverts de façon intempestive, en Chine par exemple qui est réputée pour la corruption qui y règne. Il faut faire des doubles et des triples vérifications.
Le sénateur Mercer : Est-ce que cela pourrait se faire à Moose Jaw, plutôt qu'à Vancouver?
M. Campbell : Les autorités canadiennes et américaines étudient sérieusement une nouvelle technologie dans le domaine de la sécurité, en liaison avec les autorités européennes. Je ne sais pas si les Asiatiques sont concernés par ce projet, mais ils adopteront ce qu'on leur demandera. Quoi qu'il en soit, ne pensez-vous pas que, dans le cas d'un porte- conteneurs de 14 000 EVP, il serait plus intelligent d'effectuer les contrôles de sécurité à l'étape du chargement plutôt que dans 14 000 points différents en Amérique du Nord où les conteneurs seront déchargés? Le terminal de Moose Jaw serait évidemment équipé d'installations permettant les contrôles de sécurité, mais le niveau de perfectionnement de ces installations dépendra de plus gros joueurs que nous.
Le sénateur Tkachuk : Pour notre information, pourriez-vous nous dire ce qu'il faudrait pour que votre entreprise fonctionne? Quelles vont être les étapes à suivre? Quel rôle le gouvernement fédéral devrait-il jouer?
M. Williams : C'est là où nous en sommes de la planification pour l'instant. Nous venons juste de terminer l'étude préliminaire qu'on vous a remise et il ne s'agit que d'un concept. Nous consacrerons les six prochains mois environ à préparer le processus d'appel d'offres portant sur la rédaction d'un plan d'entreprise. C'est un dossier tellement complexe qu'il nous faudra tout ce temps-là pour lancer l'appel d'offres. Nous espérons que M. Campbell pilotera ce projet. Nous nous mettrons en quête de fonds pour cela et il est possible que nous soyons financés par le gouvernement à moins que l'argent ne vienne du secteur privé. Il m'incombe d'ailleurs d'aller chercher l'argent. Cela nous amènera donc au milieu de l'été ou au début de l'automne et, à partir de là, nous élaborerons un plan d'entreprise complet, ce qui promet d'être très compliqué. Il faudra, je crois, que les gouvernements indiquent leur désir de s'attaquer à ce dossier et qu'ils se montrent réceptifs. Je m'attends à ce que le secteur privé soit le principal moteur de cette entreprise, parce que c'est déjà le cas actuellement — puisqu'il s'occupe de l'élaboration, de la structuration et du reste —, mais les gouvernements devront adhérer à l'idée et déclarer qu'elle les ont intéresse parce que les zones franches ou les ports francs relèvent évidemment des gouvernements. J'estime que le gouvernement doit se joindre à nous pour que ce projet aboutisse. Nous ne disposons pas d'énormément de temps pour agir, sénateur. On ne peut pas dire que avons 20 ans pour faire tout cela. Vingt ans, c'est trop long. Il va nous falloir le faire en cinq ans. Il n'est pas question de bâtir d'énormes édifices ni de creuser de longs canaux, mais de mettre sur pied un système.
M. Campbell : Merci pour cette question, sénateur. Nous espérons que votre comité entend agir dans ce sens, d'autant que c'est un énorme dossier. Permettez-moi vous rappeler que deux groupes de réflexion ont été appelés à se pencher sur la dimension politique, à Regina et à Winnipeg, et qu'un autre fera la même chose la semaine prochaine à Calgary, tout cela dans le cadre d'un exercice qui culminera à Vancouver les 2, 3 et 4 mai prochain. C'est sur cela que nous allons nous concentrer. Nous allons comparer les modes de transport et les emplacements entre eux et nous faire un parallèle entre l'aspect économique et l'aspect environnemental, puisque ce sont des dimensions fondamentales. À la conférence de Winnipeg, nous avons lancé le North American Transport Competitiveness Research Council qui va faire appel aux grandes universités du Canada, des États-Unis et du Mexique pour qu'elles nous délèguent leurs meilleurs éléments afin de cerner la plupart des aspects que je viens d'énoncer et d'effectuer des recherches sur ces thèmes, en priorité. Voilà donc certains de nos domaines d'intérêt, mais il faut savoir que le sujet est très vaste au point que nous pourrions en parler pendant très longtemps.
Le sénateur Eyton : Comme l'a, pour le moins, laissé entendre le sénateur Mercer, vous êtes une excellente équipe de missionnaires et, à en juger d'après votre exposé très lissé et très complet, je suppose qu'il y a longtemps que vous travaillez sur ce dossier. Vous avez déjà pris la température de l'eau et avez rencontré beaucoup de gens. Cela étant, quel genre d'accueil vous a-t-on réservé? Quel genre d'appui avez-vous obtenu et de quels secteurs?
M. Williams : C'est vrai que nous avons fait déjà beaucoup. Le sénateur Tkachuk peut en attester, puisqu'il était présent à une réunion qui s'est déroulée ici, à Vancouver, il y a trois semaines et à laquelle ont participé un grand nombre d'intervenants, c'est-à-dire les expéditeurs et les compagnies d'expédition de même que les compagnies ferroviaires. À la fin de la rencontre, comme il fallait que je rentre avec quelque chose en main, j'ai demandé à l'auditoire qui était en faveur de notre projet et qui était contre, et il se trouve que huit représentants du secteur privé se sont dit de notre côté, y compris ceux du CN, ce qui constitue bien sûr un appui essentiel pour nous. Nous obtenons donc ce genre d'appui.
Je travaille maintenant avec les gens de Moose Jaw, de Saskatoon et de Regina — qui font bande à part pour l'instant, puisqu'ils se livrent une concurrence réciproque — en vue de regrouper ces trois villes étant donné que le terminal pourrait concerner toute la région. Nous sommes en voie de signer un protocole d'entente avec les trois villes pour préciser que nous allons tous travailler ensemble et fixer les modalités de la collaboration. En réponse à votre question, je viens de vous révéler qu'il y a effectivement des problèmes à l'échelle locale... de gros problèmes.
La ville d'Halifax était représentée à la réunion de Vancouver. Les gens là-bas sont très intéressés et nous sommes en communication permanente avec eux, tout comme avec les gens d'Hamilton, même si c'est difficile à croire. Cet été, dans les six mois où nous allons nous préparer au lancement de l'appel d'offres, nous allons devoir rencontrer chaque intervenant, chaque ville dans les Prairies où il y a un terminal à conteneurs et les administrations portuaires de Montréal et d'Halifax. Nous devrons expliquer à tous ces gens ce que nous voulons faire et comment nous allons le faire pour qu'ils soient sympathiques à notre cause.
Le sénateur Eyton : Avec tout cela, je suppose que les gens seront conscients que certains vont gagner et d'autres perdre. C'est comme cela que ça se passe.
M. McBain : J'ai parlé de ce que je considère être comme l'avantage Moose Jaw, mais en fin de compte, nous estimons qu'il s'agit de l'avantage Saskatchewan, que ce soit à Moose Jaw, à Regina ou à Saskatoon, ou dans ces trois villes combinées, parce qu'en fin de compte, c'est la Saskatchewan qui présente un avantage.
Le sénateur Eyton : Parlons de l'effort collectif des trois villes. L'un de vous a parlé de zone franche qui engloberait les trois villes en question. Je me demande s'il existe une telle zone franche ailleurs, parce que celle-ci serait géographiquement très étendue et que sa réalisation pourrait être très complexe. Selon vous, où tout cela va-t-il aboutir?
M. Williams : J'en saurai davantage en avril, quand j'irai à Kansas City. Je ne sais pas si la réglementation canadienne nous permettra de faire la même chose, mais je peux vous dire qu'il existe plusieurs zones franches dans la région de Kansas City qui peuvent ne pas être plus grandes qu'un gros entrepôt de douane.
Le sénateur Eyton : C'est l'idée d'englober les trois villes qui a retenu mon attention, parce qu'elles sont tout de même assez distantes l'une de l'autre. Je suis au courant de ce qui se passe dans le cas des entrepôts sous douane, par exemple. Envisageriez-vous d'ouvrir plusieurs entrepôts de ce type?
M. Williams : Oui.
Le sénateur Eyton : Mais n'importe qui peut faire ça. On peut le faire à Winnipeg ou n'importe où ailleurs.
M. Campbell : Sénateur, nous n'avons peut-être pas suffisamment insisté sur le fait que nous avons à faire à un déversement massif de marchandises qui proviennent de Chine et qui sont destinées à Chicago, c'est-à-dire dans un seul sens. Pour l'instant, ce sont les compagnies de transport océaniques, qui possèdent les conteneurs maritimes, qui décident de tout et elles ont donné pour consignes au CN et au CP de ramener les conteneurs le plus tôt possible pour les charger de nouveau. La Saskatchewan, le Manitoba et l'Alberta voient donc passer tous ces conteneurs vides qui retournent à Vancouver, même si toute l'histoire de la Saskatchewan a été marquée par l'exportation. Nous produisons 1 000 fois plus que ce nous pouvons consommer; nous sommes une petite population dont la productivité est élevée. Nous pourrions nous servir de tous ces wagons vides — wagons couverts, wagons-trémies et wagons porte-conteneurs —, non pas pour resquiller, mais pour faire du transport aller plutôt que du simple transport retour. En quelque sorte, ce serait un renvoi d'ascenseur pour nous et c'est ce qui motive AgriVision et bien d'autres. Nous voulons profiter de ces conteneurs. Cependant, comme elles sont sous consignes des compagnies maritimes océaniques, les sociétés ferroviaires ne tolèrent pas d'importants retards. Il faut dire que chacun de ces acteurs calcule en termes de coûts de renonciation. Pour notre part, nous estimons que, moyennant une bonne gestion des activités, les expéditeurs canadiens, ceux des Prairies pourraient, au bon moment, charger les bons produits et le bon matériel dans ces conteneurs pour profiter du voyage retour des navires remettant le cap sur l'Asie.
M. Williams : Il est intéressant de remarquer que la réalité est inverse dans le cas de la viande, puisque celle-ci quitte la Saskatchewan à bord de conteneurs qui reviennent à vide. C'est donc l'inverse et nous avons de la difficulté à trouver un système efficace pour nos conditionneurs.
Le sénateur Eyton : Plusieurs nous ont déclaré que les compagnies ferroviaires, à propos desquelles vous avez dit du bien, sont en fait une partie du problème. Je n'allais pas en parler, si ce n'est pour mentionner que la collaboration des chemins de fer, qui ne débloquent pas leurs wagons pour desservir les terminaux assez vite, ont été la cible de certaines critiques.
J'aimerais que vous réagissiez à une chose qui nous a été dite ce matin, à savoir qu'en Asie, mais peut-être aussi ailleurs dans le monde, le Canada a mauvaise réputation, en fait une réputation terrible en tant qu'exportateur surtout et avant tout à cause d'un problème de fiabilité et de difficultés d'expédition à partir du Canada.
M. Campbell : Voilà une excellente question, sénateur. En 1973-1974, je représentais les producteurs de blé des Prairies. À cette époque, nous avons connu 170 jours de conflit de travail dans le port de Vancouver, c'est-à-dire presque six mois. Ces perturbations ont tourné entre 15 à 20 unités de négociation, les inspecteurs, les trieurs, les employés de chemin de fer, les dockers, les gens de la Grain Workers Union, qui font partie des TUAC Canada, et les employés des brasseurs. Tout cela a été très grave et nous a fait énormément de torts. Quelque temps plus tard, dans les années 1980, le port de Vancouver a réussi à mobiliser les syndicats, les expéditeurs, les compagnies ferroviaires et les responsables municipaux pour qu'ils fassent partie d'une équipe de promotion commerciale qui est allée à Hong Kong, à Shanghai et à Singapour. Ils ont fait un énorme travail là-bas et ont montré que le Canada est capable de mettre sur pied une équipe unie. Cela nous a beaucoup aidé. Malheureusement, moins de deux ans plus tard, il y a eu ce qu'on a appelé la grève sauvage des routiers indépendants, ici à Vancouver, qui a occasionné une nouvelle perturbation majeure. Les Chinois, les Japonais et les autres ont estimé que le Canada n'avait pas réagit assez vite ni assez efficacement, ce qui a de nouveau porté atteinte à sa réputation. Ça n'arrête pas. Il va falloir que nous nous montrions plus vigilants à cet égard. Il nous faut améliorer les systèmes.
L'Initiative de la Porte et du Corridor de l'Asie-Pacifique comporte un volet consultation qui s'adresse à ces camionneurs et à la Maritime Employers Association de la Colombie-Britannique. C'est WESTAC, le Western Transportation Advisory Council, qui a mis ces groupes sur pied. Il y a aussi le Greater Vancouver Regional District qui a lancé une table ronde réunissant différents intervenants dans le domaine du transport. Il existe déjà beaucoup de mécanismes, mais notre réputation pourrait être meilleure.
La présidente : Encore une fois, merci beaucoup pour vos exposés et permettez-nous de vous souhaiter bonne chance.
Nos témoins suivants sont Bob Wilds, qui représente le Greater Vancouver Gateway Council, et Paul Evans de la Fondation Asie Pacifique du Canada. Bienvenue au comité, messieurs.
Bob Wilds, administrateur délégué, Greater Vancouver Gateway Council : Merci beaucoup de nous avoir invités à vous faire part de notre point de vue sur le système canadien de transport intermodal qui joue un rôle essentiel dans le succès de notre porte d'entrée. Notre conseil représente les intérêts des principaux fournisseurs de services de transport de la région, notamment : les administrations portuaires de Vancouver, de Fraser River et de North Fraser; l'Aéroport international de Vancouver; le Canadien National, le Canadien Pacifique, les Chemins de fer Burlington Northern Santa Fe et le Southern Railway of British Columbia; la Greater Vancouver Transportation Authority; la BC Wharf Operators' Association; la BC Maritime Employers Association; BC Ferries; l'Association des chemins de fer du Canada; la BC Trucking Association; et le centre des études en transport de la Sauder School of Business de l'Université de Colombie-Britannique. Tous les modes de transport sont représentés au sein de notre groupe. Nous comptons également un grand nombre de membres associés, y compris les quatre provinces de l'Ouest, Transports Canada, un certain nombre d'organisations de gens d'affaires, dont la Fondation Asie-Pacifique, le Western Transportation Advisory Council, WESTAC et le gouvernement régional, soit le Greater Vancouver Regional District.
En 1999, nous avons publié un document énonçant notre de vision — dont nous avons fait remettre des exemplaires —, dans lequel nous présentons nos plans pour que la porte d'entrée de Vancouver devienne le premier choix de l'Amérique du Nord. Nous espérions y parvenir en offrant un service de transbordement de fret multimodal ainsi que des mouvements de passagers rentables et efficaces, que la région soit simplement un site de transit ou un point de départ et de destination. Pour réaliser cette vision de la porte d'entrée, nous avons imaginé un vaste système de transport commercial pour la région, afin de régler des gros problèmes de congestion routière qui sont le résultat d'un manque d'investissement dans les infrastructures, de la part de tous les ordres de gouvernement. Ce système était destiné à maximiser l'exploitation du réseau actuel en assurant des opérations 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Pour cela, nous avions réclamé un certain nombre de choses : des améliorations du côté des chemins de fer afin que le mouvement des trains ne soit plus ralenti par une cohabitation contraignante avec le réseau routier; un recours accru aux voies maritimes; l'amélioration de la capacité des chemins de fer; des investissements majeurs dans le réseau routier et une amélioration de la capacité de transport passagers par train dans la région. Nous sommes heureux de constater que la plupart de nos propositions ont été reprises dans le programme des infrastructures de la Regional Transportation Authority, de la province de la Colombie-Britannique ainsi que de l'Initiative de la Porte et du Corridor de l'Asie-Pacifique du gouvernement fédéral.
Nous avons également dégagé un certain nombre de problèmes d'ordre politique et réglementaire qu'il fallait régler si nous voulions réaliser le plein potentiel de la porte d'entrée. C'est ainsi que nous avons réclamé la signature d'autres accords ciel ouvert entre le Canada et d'autres pays, la création de zones franches étrangères et l'amélioration des services passagers et fret dans nos aéroports et nos ports de mer afin de stimuler la croissance économique, la création d'emploi et l'assiette fiscale. Nous avons aussi proposé d'émettre des obligations exemptes d'impôt en vue de financer les infrastructures de transport, de réinvestir une partie de la taxe des transports dans les infrastructures de transport, et de mettre en œuvre un programme national durable d'investissement dans les infrastructures de transport.
Nous indiquons dans notre étude de l'incidence économique publiée en 2003 que la porte d'entrée a créé des richesses et des emplois pour la région, pour la province et pour le Canada. Cette année-là, la masse salariale moyenne annuelle était de quelque 3,6 milliards de dollars, 3 milliards de dollars allaient en taxes et en impôts chaque année au trois paliers de gouvernement et la contribution économique totale de la Porte a été de 10 milliards de dollars. Nous avons créé quelque 75 000 emplois directs et indirects ainsi que 139 000 emplois induits, ce qui représente 8,4 milliards de dollars en PBI et 19 milliards de dollars en activités économiques en Colombie-Britannique. Les autres provinces de l'Ouest ont également bénéficié de ces activités, avec 4 400 nouveaux emplois directs et 2 000 emplois indirects, une contribution supplémentaire au PIB de 252 millions de dollars et une contribution à l'activité économique de 377 millions de dollars, tout cela, je le rappelle grâce à la porte d'entrée.
Le Canada est une nation commerçante qui se doit de sauter sur les occasions qui s'offrent à lui d'augmenter son niveau d'échanges avec la région Asie-Pacifique. Les fournisseurs de services de transport de notre Porte d'entrée ont investi des centaines de millions de dollars dans des infrastructures et du matériel, neuf ou additionnel, afin de participer à cette croissance. Notre régie régionale des transports, le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral ont, comme je le disais tout à l'heure, annoncé des projets d'infrastructure qui vont dans le sens de ceux que nous avons proposés. Toutefois, nous sommes très préoccupés par la lenteur avec laquelle ils sont mis en œuvre. On dirait que nous n'avons pas, au Canada, le même sens de l'urgence que celui constaté dans d'autres pays, comme la Chine. Par exemple, il a fallu trois ans pour obtenir une approbation au point de vue environnemental pour un simple poste de mouillage au DeltaPort, tandis que Shanghai, pendant ce temps, a construit un tout nouveau terminal dont la capacité est équivalente à celle de tous les terminaux de conteneur au Canada, en plus d'un tronçon d'autoroute à six voies de 32 kilomètres. Si le passé est garant de l'avenir, il y a lieu de s'inquiéter du temps qu'il faudra pour obtenir les autorisations environnementales nécessaires afin de construire le deuxième terminal de DeltaPort, étant donné que celui-ci sera essentiel pour nous permettre de profiter de la croissance prévue dans le domaine du transport de conteneurs. Nous ne recommandons pas d'adopter le processus d'approbation environnementale en vigueur en Chine, mais nous pensons qu'il va falloir apporter de véritables améliorations à nos procédures si nous voulons, en collaboration avec le gouvernement provincial, parvenir à mettre en place un processus harmonisé dans les délais précisés.
Voici les autres aspects qu'il faudra régler, selon nous. Nous estimons qu'il faut adopter une politique nationale des transports reconnaissant l'importance des transports pour l'économie canadienne, politique qui visera à favoriser la santé et la performance de notre système national et qui prévoira le contrôle et l'évaluation de sa performance pour s'assurer que le système est efficace.
Il nous faut un financement à long terme de la part du gouvernement fédéral pour répondre aux besoins des régions métropolitaines sur le plan des infrastructures et du transport en commun, surtout dans les régions où l'on trouve d'importantes portes d'entrée. Si nous voulons demeurer compétitifs, il nous faudra régler le problème de la saturation des réseaux routiers.
Nous devrons aussi améliorer les règles d'amortissement fiscal applicables aux chemins de fer et à l'industrie du camionnage. Moyennant certains incitatifs, les fournisseurs de services de transport pourraient amortir plus rapidement leur matériel. Ce faisant, nous pourrions rétablir l'actuel déséquilibre que nous avons par rapport aux États-Unis qui dispose d'un régime de déduction pour amortissement bien plus agressif que le nôtre. Un système d'amortissement fiscal plus compétitif inciterait les entreprises de transport à acheter du nouveau matériel, comme du matériel roulant ainsi que des camions moins polluants.
Nous devons aussi viser la paix industrielle qui est garante de régularité dans les services de transport par l'élimination des perturbations de travail. La situation actuelle risquerait d'être aggravée si le projet de loi C-236 devait être adopté, étant donné que celui-ci vise à interdire le recours à des travailleurs de remplacement en cas de grève.
Nous allons devoir faire preuve de leadership pour modifier l'approche traditionnelle selon laquelle les différents fournisseurs de services ne s'intéressent qu'aux problèmes qui les concernent directement.
Il faudra aussi veiller à ce que les mesures de sécurité mises en place soient conformes aux exigences des États-Unis qui sont notre plus important partenaire commercial.
Il faut que le gouvernement fédéral investisse dans tous les modes de transport. Nous nous sommes réjouis de la récente annonce d'un investissement de 50 millions de dollars pour régler les problèmes de passage à niveau dans le corridor ferroviaire du port Roberts Bank, ce qui permettra dès lors de réduire les délais associés à une augmentation du trafic ferroviaire dans ce corridor. Nous pensons qu'il s'agit-là d'un excellent exemple de participation et de financement multipartite qui devrait servir d'inspiration pour les autres modes de transport.
Et puis, il faut instaurer la stabilité sur le plan réglementaire. Il y a longtemps déjà qu'on aurait dû appliquer les amendements à la Loi sur les transports au Canada et à la Loi maritime du Canada, qui avaient été recommandés pour allonger les délais. L'industrie ne sait encore pas si des amendements vont être mis en œuvre, ni de quoi il s'agira. Tout cela n'est pas sans avoir des répercussions négatives sur les décisions d'investissement en capital.
Nous sommes favorables à l'intégration des trois ports de la région. Nous pensons que celle-ci permettrait d'améliorer certains aspects comme la concurrence dans les échanges avec l'Asie-Pacifique, qu'elle simplifierait la promotion de la région auprès d'auditoires étrangers et permettrait d'améliorer l'aménagement des terres.
Sans perdre de vue votre priorité, qui est le secteur des conteneurs, il ne faudrait pas négliger le transport de marchandises en vrac et de marchandises diverses qui représente l'essentiel du tonnage passant par nos ports. S'agissant de la progression du trafic de conteneurs, surtout en ce qui concerne les chemins de fer, nous ne devons pas oublier que l'acheminement des marchandises en vrac et des marchandises diverses dépend presque entièrement des chemins de fer et qu'il est prévu que les volumes de ces marchandises ne vont cesser d'augmenter dans les 10 à 15 prochaines années.
Nous espérons vous avoir donné quelques exemples de secteurs auxquels nous allons devoir nous intéresser si nous voulons que le système canadien de transport intermodal soit concurrentiel. Nous serons maintenant heureux d'essayer de répondre à vos éventuelles questions.
Paul Evans, coprésident-directeur général, Fondation Asie Pacifique du Canada : J'apprécie beaucoup l'occasion qui m'est donnée de rencontrer le comité cet après-midi, et j'en suis d'autant plus heureux que tout cela se passe dans ma zone horaire sans que j'aie à subir de décalage horaire.
La Fondation Asie Pacifique du Canada a été créée par une loi du Parlement en 1984. La Fondation, qui est financée par les gouvernements fédéral et provinciaux de même que par le secteur privé, a pour mission de faire mieux connaître l'Asie au Canada et d'être une ressource sur laquelle les Canadiens peuvent s'appuyer pour décider des politiques qu'ils vont appliquer pour réagir aux énormes changements qui sont en train de se produire de l'autre côté du Pacifique, et pour essayer et de les infléchir. La Fondation n'est pas spécialisée dans la réalisation d'études dans le domaine du transport, mais depuis deux ans, elle s'intéresse de près au concept de la porte d'entrée du Pacifique. Nous estimons, pour notre part, que les initiatives concernant la porte d'entrée et le corridor doivent essentiellement nous permettre de favoriser notre participation aux systèmes d'échanges et de logistique internationaux qui visent à resserrer les liens entre l'Amérique du Nord et l'Asie, plus particulièrement entre le Canada et le continent asiatique. Nous nous intéressons donc aux relations entre le Canada et l'Asie et estimons que la porte d'entrée est un élément essentiel de ces relations, étant entendu qu'elle a également une dimension internationale.
Nous avons entrepris quatre types d'activités relativement à la porte d'entrée. Premièrement, nous avons commandé une dizaine d'études sur des sujets concernant la porte d'entrée, études qui en sont à différentes étapes. La semaine dernière, nous avons publié une analyse sur la porte d'entrée de l'Atlantique, plus précisément en ce qui concerne la stratégie mise en œuvre dans le Canada atlantique ainsi que le lien entre cette stratégie et ce que nous estimons être le programme national qu'il faudra élaborer. Je vais distribuer à tous les membres du comité des exemplaires du rapport que nous avons rendu public la semaine dernière à Halifax. Certaines de nos autres études portent sur la protection de l'environnement et sur la durabilité du projet, en regard de la stratégie retenue pour la porte d'entrée. Nous effectuons aussi des études sur les industries culturelles. Nous étudions le phénomène de migration transnationale ainsi que les liens commerciaux, toujours par rapport à la porte d'entrée, y compris en ce qui concerne le tourisme. Nous effectuons une nouvelle étude sur la création d'une plate-forme électronique destinée à favoriser la collaboration des partenaires du secteur privé dans des entreprises du type porte d'entrée.
Deuxièmement, la Fondation a commandé plusieurs enquêtes notamment une qui porte sur les stratégies adoptées par un millier de membres environ de Manufacturiers et exportateurs du Canada en ce qui concerne la Chine, et un sondage national sur les attitudes face aux défis compétitifs que pose l'Asie et sur la façon d'y répondre.
Troisièmement, au cours de la dernière année, nous avons organisé une série de réunions auxquelles nous avons convié des experts, des hauts fonctionnaires, des chefs d'entreprise et des représentants de la société civile de sept villes canadiennes, de Vancouver à Halifax, afin de nous faire une idée de ce que disent les enthousiastes et certains critiques au sujet de la porte d'entrée et des systèmes de transport qui s'y rattachent.
Quatrièmement, nous essayons de communiquer —, par le truchement des médias et dans les nombreux discours que nous prononçons — certaines des constatations que nous avons tirées au sujet de la porte d'entrée à partir de nos études et de nos conversations un peu partout au Canada. C'est ainsi que nous avons donné 20 discours au Canada, aux États-Unis, au Mexique, au Japon, en Inde, en Chine et à Hong Kong sur la question de la porte d'entrée, et nous avons recueilli quelques réactions préliminaires, non seulement au Canada, mais aussi dans d'autres pays qui seront les partenaires éloignés de la porte d'entrée.
Dans le cadre de nos échanges sur le thème de la porte d'entrée, nous voulions savoir ce que la jeune génération pense de cette entreprise. Nous avons donc lancé un concours d'affiche s'adressant aux élèves du secondaire de la Colombie-Britannique à qui nous avons demandé d'exprimer leur vision au sujet de la porte du Pacifique. Nous avons reçu 280 affiches dont certaines ont été reproduites dans la documentation qui vous est destinée; j'en ai apporté une qui concerne plus particulièrement les conteneurs, pour vous la montrer. Nous estimons que la porte d'entrée mobilise énormément d'attention, une attention généralement positive, notamment chez ceux et celles qui formeront l'élite intellectuelle de la prochaine génération.
À partir de toutes ces activités, je viens soumettre deux idées forces au comité. La première est exprimée par le slogan que nous employons maintenant à la Fondation pour décrire la porte d'entrée, et que l'on pourrait traduire ainsi : « Pensez grand et vite, pensez national dans un contexte intercontinental et pensez global ». Le fait de raisonner grand n'est pas nouveau pour ce comité, puisqu'on vous en parle depuis un certain temps déjà, mais j'ajouterai qu'il faut penser ainsi non seulement pour trouver une réponse à la crise de capacité à laquelle nos ports sont confrontés, ainsi que nos corridors ferroviaires et routiers, comme M. Wilds l'a indiqué, mais aussi en ce qui concerne la porte d'entrée au vu de l'énorme bouleversement constaté sur les marchés mondiaux et dans les systèmes de production. Un grand nombre de ces bouleversements sont survenus en Asie et dans une Chine mondialisée qui ne se contente pas d'arriver sur l'économie mondiale, mais qui est en train de la transformer. Nos discussions et l'urgence d'agir ont pour toile de fond la taille des ports chinois ainsi que les défis que la Chine et une Asie intégrées nous posent sur le plan de la compétitivité.
Qui dit penser « national » dit adopter une stratégie qui va au-delà de la côte ouest, au-delà de Vancouver et de Prince Rupert pour s'étendre à l'ensemble de l'Ouest canadien, mais nous allons même plus loin puisque, selon nous, l'efficacité de la stratégie concernant la porte d'entrée et le corridor dépendra de la participation du reste de l'Ouest canadien de même que de l'Ontario et du Québec et du Canada atlantique. Dans nos publications et lors de nos réunions, nous nous sommes efforcés de présenter cette idée d'une porte d'entrée d'ampleur nationale, pas uniquement pour des motifs politiques, mais aussi pour parvenir à un système efficace susceptible d'attirer les ressources dont nous aurons besoin, puisque cela nécessitera un engagement véritablement national.
Enfin, il faut aussi raisonner de façon globale à propos de la porte d'entrée. Notre travail diffère un peu de ce qui vous a été présenté dans les exposés précédents, en ce sens que nous avons l'impression qu'un système de transport intégré, s'il est essentiel à la réalisation d'une porte d'entrée, n'en constitue pas l'alpha et l'oméga. Il va falloir tenir compte de la dimension ressources humaines pour faire fonctionner le système et, s'agissant de questions de main- d'œuvre par exemple, nous croyons qu'il ne sera pas simplement question de faire face à des pénuries, à des problèmes de relations industrielles ou à des problèmes de défaut de compétences. Dans le cas de la porte d'entrée, nous aurons besoin de spécialistes en logistique, de chercheurs universitaires s'intéressant au domaine des transports et de spécialistes de l'intégration avec l'Asie, autant de postes haut de gamme. Tout cela devra faire partie d'une approche globale à la porte d'entrée. La dimension humaine est toute aussi importante que la dimension physique, constituée par les infrastructures, et il faudra intégrer les programmes d'échange pour enseignants-étudiants de la prochaine génération en liaison avec les institutions asiatiques, sans oublier les aspects tourisme et immigration.
La deuxième chose que je voulais vous dire aujourd'hui, c'est qu'il sera délicat de parvenir à mobiliser et à entretenir l'appui de la population autour des activités de la porte d'entrée. Nombre de spécialistes des transports et de gens d'affaires sont emballés par les possibilités qu'offrent la porte d'entrée, la conteneurisation et des réseaux de transport plus importants et plus efficaces. Tous les ordres de gouvernement interviennent plus activement dans ce dossier. Pour bien des gens de notre génération, la porte d'entrée — que ce soit celle du Pacifique ou celle de l'Atlantique vers l'Asie — équivaut au projet de construction de la voie maritime du Saint-Laurent pour une génération qui nous a précédés, puisqu'elle nous donne la possibilité de nous appuyer sur un vaste projet d'infrastructures afin de restructurer l'économie canadienne et de changer les perceptions que les Canadiens ont d'eux-mêmes, de leur production et de leur participation aux échanges internationaux.
Ça, c'est le côté positif, mais nous ne devons pas perdre de vue que certains sont préoccupés par le genre d'image commerciale que nous projetons et par l'avenir qui se dessine derrière cette entreprise. Certains ne voient pas d'un bon œil les conteneurs qui sont le symbole même des portes d'entrée ainsi que du nouveau type d'échanges transpacifiques et des chaînes d'approvisionnement mondiales. Il y a des raisons pratiques à cela. Certains ne peuvent pas avoir accès aux conteneurs, comme on vous l'a dit tout à l'heure. À la faveur de nos réunions un peu partout dans les Prairies, on nous a dit que les conteneurs c'est bien, à condition de pouvoir mettre la main dessus. Et puis, il y a les problèmes d'embouteillage en Colombie-Britannique. Certaines collectivités sont coupées en deux par des voies ferrées, ce qui gêne beaucoup les résidents quand ils doivent passer d'un côté ou de l'autre durant la journée étant donné que le trafic de conteneurs augmente. Il y a aussi les problèmes d'ordre environnemental. Dans certains endroits au Canada, les gens ne sont pas vraiment favorables à la porte d'entrée et ils résistent à l'idée de l'agrandir à cause de véritables problèmes d'ordre économique. Ceux qui résident dans l'Ouest du Canada estiment que la porte d'entrée et les conteneurs ne sont que des bonnes nouvelles, puisqu'ils permettent de réduire le prix des importations en provenance d'Asie et d'acheminer plus efficacement nos produits plus coûteux vers l'Asie. Toutefois, partout où nous avons fait des sondages et organisé des réunions en Ontario et au Québec, nous nous sommes rendu compte que la perception n'est pas aussi bonne : pour les résidents de ces provinces, les conteneurs sont le symbole d'importations à bas prix dans leur région, ce qui est intéressant, si ce n'est que certains y voient un risque pour leurs emplois, une modification des règles de la concurrence économique dans leur région et, au bout du compte, un changement de qualité de vie et de mode de vie. Ces conteneurs symbolisent la mondialisation et il faut bien dire que tout le monde ne réagit pas positivement à l'évolution des choses.
Pour conclure, laissez-moi vous dire que, selon nous, il existe des réponses à toutes ces préoccupations exprimées au sujet de la porte d'entrée, mais que celles-ci dépendront, d'abord, de nouvelles statistiques montrant que le trafic de conteneurs bénéficie aux collectivités qui les voient passer et que les avantages ne se limiteront pas au seul plan national. Il faudra donc mesurer ces retombées à l'échelle locale. Deuxièmement, la réponse dépendra de la mesure dans laquelle nous parviendrons à inciter les nouvelles industries du secteur secondaire à se doter de nouveaux systèmes de transport. Troisièmement, il faudra adopter une stratégie verte, pas uniquement en ce qui concerne certains des aspects que l'on constate déjà dans nos initiatives relatives à la porte d'entrée et au corridor, mais aussi dans la façon dont nous allons créer une image pour nos portes d'entrée, afin de les présenter aux Canadiens et au reste du monde et de faire en sorte que tout le monde soit conscient que nous respectons les normes environnementales les plus élevées et que nous fixons même ces normes. Enfin, le Sénat, la Chambre des communes et tous les responsables à l'échelle du pays devront faire preuve de leadership pour dire aux Canadiens comment nous allons recourir à la porte d'entrée afin de hausser leur niveau de vie matériel et de faire concurrence aux autres pays, dans un environnement international de plus en plus difficile et exigeant.
La présidente : Merci beaucoup. Grâce au consensus que le Greater Vancouver Gateway Council a su établir en 10 ans, les gouvernements ont pu répondre assez vite à ces besoins, dans un esprit de collaboration. Les fonctionnaires de Transports Canada ont déclaré à ce comité que le Greater Vancouver Gateway Council et le gouvernement fédéral sont en train de chercher à améliorer leurs relations. Comment décririez-vous les relations actuelles entre le conseil et le gouvernement fédéral?
M. Wilds : Je dirais que ces relations sont bonnes depuis le tout début. Jusqu'à récemment, un représentant de Transports Canada était président honoraire du conseil. Nous avons régulièrement rencontré le ministre des Transports. À la suggestion du ministre Cannon, notre actuel président honoraire est le ministre Emerson en personne, qui est responsable du programme de la porte d'accès. Nous travaillons en étroite relation avec le personnel régional du ministère de même qu'avec les ministères des Transports de toutes les provinces de l'Ouest. Je crois pouvoir dire que nous entretenons d'excellents rapports avec le gouvernement fédéral de même qu'avec les gouvernements provinciaux de l'Ouest.
La présidente : À l'automne 2005, d'importants fournisseurs de services de transport, des producteurs de denrées, des expéditeurs et des détaillants, ainsi que les provinces de l'Ouest et Transports Canada se sont réunis pour la première fois afin de parler de prévisions et de projections. Les fonctionnaires de Transports Canada ont indiqué au comité qu'ils ont l'intention d'organiser une réunion de ce genre tous les deux ans. Dans quelle mesure pensez-vous que cette initiative puisse être utile?
M. Wilds : Il est essentiel de réviser régulièrement les prévisions de croissance des différentes marchandises pour un certain nombre de raisons, la plus importante étant que les exploitants de terminaux ou de compagnies de chemin de fer, les administrations portuaires ou n'importe qui d'autre dans le système n'a pas envie que la progression de leur capacité soit inférieure à la croissance de la demande. Nous n'avons jamais eu une tribune régulière où nous avons pu parler de croissance anticipée et nous n'avons, non plus, jamais eu la possibilité d'examiner la chose de façon régulière. Je crois pouvoir dire que le type de réunion dont vous venez de parler constitue une excellente tribune qui permet de rassembler tous ceux qui travaillent dans le domaine de l'import-export afin de discuter de la question et de faire en sorte que tous les joueurs de la chaîne logistique aient une assez bonne idée du genre de croissance qui s'annonce ou, au contraire, des replis auxquels il faut s'attendre, le tout pour favoriser la prise de décisions d'investissement réfléchies.
Le sénateur Eyton : Monsieur Wilds, vous avez commencé par nous parler des organisations que vous représentez aujourd'hui, et je dois dire que la liste est longue et impressionnante, mais Prince Rupert en est absente. Pourquoi cela? Y a-t-il eu des problèmes?
M. Wilds : Notre organisation a été créée en 1987, à l'époque où nous aurions été en mesure de reprendre d'importants volumes de conteneurs aux États-Unis qui accueillaient un gros volume de fret canadien conteneurisé, surtout à Seattle-Tacoma. Six organisations se sont rassemblées. Il se trouve que j'étais président de BC Maritime Employers Association et, avant que je ne prenne ma retraite, nous traitions avec deux administrations portuaires, deux sociétés ferroviaires ainsi que la International Longshoremen's and Warehousemen's Union. Notre mission était donc définie par ce projet qui visait à reprendre une part de marché aux Américains. Prince Rupert est d'ailleurs passée au centre des discussions en ce qui concerne la conteneurisation. Nous avons effectivement des échanges avec les gens de Prince Rupert, mais il se trouve que nous nous intéressons depuis toujours aux fournisseurs de services qui travaillent dans cette région et que nous représentons. Nous aimerions resserrer les liens avec le groupe du corridor du nord qui représente les intérêts de Prince Rupert et nous allons d'ailleurs continuer de travailler dans ce sens. Ce que nous voulons, c'est qu'il y ait suffisamment de marchandises pour tout le monde et nous voulons aussi maximiser tous les actifs à notre disposition sur la côte ouest.
Le sénateur Eyton : Merci. Dans votre intervention, vous avez dit qu'il conviendrait de réaliser un certain nombre de choses et je vais en rappeler quelques-unes. Vous avez réclamé l'adoption d'une politique nationale des transports. Vous avez parlé de la nécessité de régler le problème des infrastructures et du transport en commun dans les grandes régions urbaines. Vous avez mentionné la nécessité de stabiliser la main-d'œuvre. Tout cela concerne évidemment le gouvernement fédéral, et c'est une des raisons pour lesquelles vous êtes ici aujourd'hui, mais ça intéresse aussi les gouvernements provinciaux à cause des recoupements de compétence. J'ai l'impression que toutes ces questions, et j'en aurai encore plus à vous mentionner, devraient être traitées dans un plan d'entreprise cohérent qui rassemblerait tous les joueurs — un peu comme ceux que vous représentez — pour présenter le projet de la porte d'accès et expliquer comment il sera réalisé. Ce plan présenterait ou proposerait la politique nationale des transports et recenserait les infrastructures ainsi que les moyens de transport à mettre en œuvre. Il traiterait aussi de façon pratique de la stabilité de la main-d'œuvre.
Je dois vous dire que les généralités ne veulent pas dire grand-chose. C'est bien de vous entendre dire que vous reconnaissez l'importance des transports pour l'économie canadienne et qu'il faudrait s'appuyer sur une politique axée sur la santé et le rendement de notre système national. Tout cela est fort bien pour un exposé à caractère général, mais ça ne contribue pas beaucoup à expliquer ce que vous faites aujourd'hui, ni ce que vous ferez demain et l'année prochaine et ça ne nous donne aucune indication quant au genre de financement et d'engagement coordonnés qui seront nécessaires. Cela reviendra au secteur privé, de même qu'aux municipalités et bien sûr aux provinces et au gouvernement fédéral. Notre présidente a parlé d'une réunion d'échange d'information qui aurait lieu tous les deux ans. Ça non plus, ça n'est pas très utile. Il faut déployer un effort concerté et disposer d'un plan d'entreprise qui se tienne et qui puisse être mis en œuvre de façon réaliste par des gens qui seront spécifiquement chargés de cela. Est-ce que des efforts de ce genre ont été entrepris? J'ai entendu beaucoup de discours allant dans ce sens, mais on ne m'a pas prouvé que les gens vont être preneurs et faire fonctionner le tout.
M. Wilds : Très franchement, je crois pouvoir vous dire qu'il y a eu des preneurs à Vancouver grâce à qui les choses fonctionnent. J'estime que si l'Initiative de la Porte et du Corridor de l'Asie-Pacifique existe, c'est surtout grâce aux efforts déployés par tous les participants, y compris par les quatre provinces de l'Ouest. Transports Canada, les fournisseurs de services et les organisations de gens d'affaires se sont regroupés pour concevoir un plan dont nous avons dit qu'il est nécessaire afin de faire face à la croissance du volume. À l'époque, nous parlions de 4 millions de conteneurs, aujourd'hui, nous en sommes à 6 millions et je pense pouvoir dire que nous avons fait en sorte que les choses fonctionnent. De plus, l'organisation qui a été mise sur pied, sur la côte ouest, a maintenant un prolongement à Halifax et dans le sud-ouest de l'Ontario, parce qu'il est important que ces autres groupes viennent s'asseoir à la même table que leurs concurrents dans le système.
Le sénateur Eyton : Je songeais davantage à l'effort national qu'il faut déployer, parce que vous avez parlé de concurrents, puisqu'il s'agit effectivement de concurrents, qu'il faut rassembler pour que tout ça tienne debout et que les retombées se fassent sentir partout au Canada. C'est effectivement fantastique ce que vous avez réalisé avec le projet de la porte d'entrée, ici, dans l'Ouest. Il faudrait que ce soit mieux connu et que le projet fasse partie intégrante d'un système national bénéficiant à tous les Canadiens, mais je n'ai pas eu confirmation que c'est ce que vous êtes en train de faire.
M. Wilds : Je crois pouvoir dire que Transports Canada déploie des efforts dans ce sens; le ministre a joué un rôle-clé pour que des conseils semblables à celui-ci soient créés dans d'autres parties du pays. Je me plais à penser que l'intention visée à très long terme est de pouvoir compter sur un réseau national d'organisations qui s'occuperont de ce genre de questions. Nos problèmes ne sont pas les mêmes que ceux d'Halifax ou du Sud-Ouest de l'Ontario et nous n'avons pas pour rôle de traiter avec le gouvernement fédéral ni de veiller à ce qu'il implante le même système à l'échelle nationale. Je crois que Transports Canada assume un rôle de premier plan à cet égard et que l'objectif à long terme est de régler les problèmes qui sont propres à chaque région, sans perdre de vue les intérêts du Canada dans son ensemble. Cela appartient vraiment au gouvernement fédéral.
Le sénateur Eyton : J'entends bien. Je crois bien que le gouvernement fédéral pourrait effectivement assurer la coordination, mais je ne lui vois pas de rôle de leadership au quotidien en ce qui concerne la mise en œuvre.
M. Wilds : Je suis d'accord avec vous. C'est pour cela que nous travaillons ici et que d'autres conseils font la même chose ailleurs. J'aimerais que les gouvernements provinciaux s'engagent véritablement.
Le sénateur Eyton : Ce que j'essaie de faire, c'est de vous inciter à vous montrer plus ambitieux que vous l'avez été jusqu'à présent.
M. Wilds : Nous préférons y aller par étape et réussir à terme, plutôt que de faire de grandes enjambées et de dégringoler en bas de la falaise.
Le sénateur Eyton : Vous avez parlé des amendements devant être apportés à la Loi sur les transports au Canada et à la Loi maritime du Canada. Avez-vous suivi ce processus de près?
M. Wilds : Je crois comprendre que les choses avancent.
Le sénateur Eyton : Si nous parlons de là où nous en sommes aujourd'hui, diriez-vous que vous êtes satisfait des amendements?
M. Wilds : Je ne suis pas en mesure de vous dire que j'appuie les expéditeurs ou les sociétés ferroviaires à l'occasion de cet examen de la Loi sur les transports au Canada. En fait, c'est de certitude dont nous avons besoin. Personne ne sera complètement satisfait de la dernière mouture de la loi, mais ce qui est fondamental, au bout du compte, c'est que les membres de l'industrie sachent quelles sont les règles, qu'ils soient certains de pouvoir les respecter et qu'ils puissent prendre leurs décisions en conséquence. C'est plus important que d'avoir quelqu'un comme moi qui vienne dire qu'il y en a trop pour les expéditeurs et pas assez pour les compagnies ferroviaires ou vice-versa. Ce système doit être équitable et les expéditeurs comme les compagnies ferroviaires doivent avoir la possibilité de régler les aspects qu'ils estiment injustes et de trouver des façons raisonnables, rapides et abordables de résoudre leurs différends.
Le sénateur Zimmer : J'ai une question pour chacun de vous puisque, d'après ce que j'ai cru comprendre, vous avez quelque chose comme trois ans d'écart. Monsieur Wilds, vous avez plaidé avec force conviction en faveur d'un plus grand nombre d'infrastructures et d'un financement fédéral à long terme, mais pour cela, il vous faudra des terrains; vous avez aussi parlé des espaces actuellement non alloués. J'ai cru comprendre qu'une bonne partie des terrains vacants, notamment dans le voisinage du terminal, a été vendue à des promoteurs et à des particuliers. Vous savez, une fois que les condominiums auront été bâtis et que leurs résidents s'y installeront, ces gens-là vont devenir très territoriaux et ils réagiront promptement à la pollution par le bruit et à la couleur des édifices voisins. Envisagez-vous un problème en ce qui concerne les terrains dans cette région, du point de vue de la planification à long terme?
M. Wilds : Si nous n'agissons pas rapidement, nous aurons un problème. Notre organisation est en train de recenser les terrains zonés industriel dans la région. Nous avons recommandé d'acheminer davantage de marchandises dans la région en empruntant les cours d'eau afin d'alléger la congestion de notre réseau routier, mais pour y parvenir, nous devrons mettre la main sur de vastes superficies de terrain à vocation industrielle, avec accès aux réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux. Or, les emplacements de ce genre nous échappent régulièrement. Nous avons pris langue avec le gouvernement fédéral à ce sujet et nous collaborons aussi avec la Greater Vancouver Transportation Authority et différentes organisations de gens d'affaires, parce que nous avons le sentiment qu'il est urgent de protéger ce qu'il reste des terrains à vocation industrielle dans cette région pour que nous parvenions à faire face à la croissance. C'est un vrai problème, nous en sommes tous conscients et nous collaborons avec différents intervenants pour essayer de trouver une solution le plus rapidement possible.
Le sénateur Zimmer : À en juger d'après votre réponse, vous semblez fort bien maîtriser le dossier. Monsieur Evans, vous nous avez parlé des relations entre le Canada et l'Asie, dossier extrêmement important. Nous avons entendu dire qu'il y a des problèmes du côté des chemins de fer, du port et des services et que les ports de Vancouver ont une horrible réputation. D'abord, l'avez-vous constaté vous-même? Deuxièmement, je suis bien conscient que la meilleure façon de se faire une bonne réputation c'est d'offrir un bon service, mais pensez-vous que nous pourrions agir sur un autre plan pour améliorer nos relations avec l'Asie?
M. Evans : Il va falloir examiner de très près ce que nos collaborateurs en Asie, en Amérique, au Mexique et en Europe nous disent de notre rendement sur la côte ouest et à Halifax. À la faveur de notre première série de réunions, nous avons dégagé une liste de préoccupations qui sont régulièrement revenues sur la table à cause des problèmes réels ou imaginaires de notre système. Je n'essaierai même pas de généraliser et d'appliquer le raisonnement à l'ensemble de l'Asie. À Shanghai, les préoccupations que les gens entretiennent à propos de Vancouver sont un peu différentes de celles qui sont exprimées à Hong Kong. En règle générale, j'estime que nous devons faire un sort à de vieux mythes qui ne sont que cela, c'est-à-dire de vieux mythes. Les témoins précédents vous ont parlé de l'impression qu'avaient laissé nos différends industriels. Notre dossier à cet égard n'est pas parfait dans cette partie du monde, mais la situation apparaît un peu plus positive quand on se compare à d'autres parties de l'Amérique du Nord, ainsi qu'à certaines régions de l'Asie et à l'Europe. Ce problème de réputation qui nous accable est parfois le sous-produit de l'instinct compétitif d'autres acteurs sur le marché. Ce genre de propos assassin fait partie du jeu, mais il demeure qu'il y a des préoccupations véritables. L'une d'elles tient à l'attitude : en Asie et aux États-Unis, on nous pose notamment la question de savoir si notre stratégie nationale est viable, si elle est assez importante. Nos contacts entretiennent de nombreuses préoccupations à d'autres égards, surtout quand ils veulent savoir combien de ressources nous allons engager. Le complexe portuaire de Shanghai dont il a été question tout à l'heure a nécessité un investissement dix fois supérieur à ce qui est prévu dans toute la stratégie de la porte d'entrée. Je ne pense pas que le gouvernement fédéral ait à investir beaucoup plus dans la porte d'entrée, mais nous devons faire la preuve aux Asiatiques et aux autres que l'adhésion du secteur privé est véritable, et que la multiplication par 10 se fera grâce aux investissements du secteur privé. Nombre de nos amis asiatiques continuent de nous demander si cette stratégie nationale sera confirmée par les gouvernements successifs et si notre secteur privé va y adhérer comme il se doit. Par rapport à l'ensemble des éléments concernant la réputation, éléments que nous devrons régler, nous pourrons faire quelque chose avec celui-ci en prouvant qu'il s'agit d'un engagement national.
Le sénateur Zimmer : J'ai une autre question pour vous. J'aime beaucoup de dessin que vous avez apporté et qui vous a été remis dans le cadre du concours d'affiches du secondaire. Est-il à vendre?
M. Evans : C'est un bien public, sénateur, mais comme il est accessible en ligne sur notre site Internet, je vous invite à l'afficher sur votre écran. Nous avons versé une vingtaine d'affiches sur notre site Internet, de même que le rapport que je vous ai fait remettre. Comme je le disais, il y a eu des points de vue négatifs au sujet de la valeur véritable des conteneurs, mais nous avons enregistré beaucoup plus de points de vue positifs. Sur les 280 affiches que nous avons reçues, et cela fera plaisir à M. Wilds, 270 environ sont positives. La jeune génération estime que ce genre de lien, nouveau et plus étroit avec le Pacifique, fera partie de leur avenir et que l'avenir sera bon. Nous ne pouvons pas vendre cette affiche, ce qui n'empêche que nous pouvons la distribuer un peu partout parce qu'elle symbolise la porte d'entrée verte. Nous avons constaté que ces jeunes ont invariablement choisi des symboles de la nature, de la qualité de vie ainsi que des infrastructures de transport, et Dieu sait si c'est quelque chose de difficile à faire, même pour M. Wilds et son équipe.
Le sénateur Mercer : Monsieur Wilds, j'ai été impressionné, comme le sénateur Eyton, par la composition de votre groupe, si ce n'est que je n'y ai vu personne du monde syndical, mais j'ai compris pourquoi. Comme les syndicats ont contribué à ternir la réputation du port de Vancouver, je me demandais pourquoi, même si c'est ce que vous pensez, vous avez déclaré haut et fort que vous êtes contre le projet de loi C-236 qui concerne les travailleurs de remplacement. J'ai l'impression que si vous continuez à permettre le remplacement des travailleurs, vous vous dirigez droit vers le conflit social. Le projet de loi C-236 vous permettrait d'éviter cela. Quoi qu'il en soit, j'aimerais savoir pourquoi les syndicats ne participent pas à ce processus, parce que vous ne parviendrez pas à réaliser toutes ces belles choses et que vous n'auriez pas atteint le genre de résultats que vous avez obtenu au port de Vancouver sans une main-d'œuvre solide et déterminée à faire le travail.
M. Wilds : Les syndicats ont été représentés au Greater Vancouver Gateway Council il y a un certain temps, mais ils ont décidé de ne plus participer pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le conseil, ce qui n'empêche que nous traitons régulièrement avec eux. J'ai passé 34 ans de ma vie à négocier pour les syndicats, jusqu'à ce que je prenne ma retraite. Nous sommes en contact avec eux et nous réglons les problèmes qui sont importants pour le conseil de la porte d'accès. Les syndicats sont invités à venir nous voir s'il y a des aspects qui les touchent directement. Ils nous appuient à de nombreux égards. Je ne les inviterai pas à se pencher sur des dossiers qui ne les concernent pas, mais les syndicats ont été présents à nos côtés à maintes reprises quand nous sommes allés voir le gouvernement provincial, notamment sur la question de l'imposition, mais aussi sur d'autres dossiers. Nous n'avons pas de problème avec les syndicats, mais il se trouve simplement qu'ils ne siègent pas à notre conseil pour le moment.
Le sénateur Mercer : Je dois admettre que, comme vous avez été président de la BC Maritime Employers Association, vous êtes plutôt du côté syndical, ce que je comprends biens.
Monsieur Evans, la question de la réputation du port me préoccupe. Comme je viens d'Halifax, j'habite dans une ville portuaire et je sais bien ce que les réputations peuvent faire à des régions comme les nôtres. Comment entendez- vous vous attaquer à ce problème de façon globale? Vous avez un port qui s'en sort très bien d'après ce que nous avons vu et les témoignages que nous avons entendus — il est en croissance, il est moderne et on ne peut pas rêver mieux —, mais il est aux prises avec un problème persistant de mauvaise réputation : on lui reproche d'être congestionné et d'être le siège de conflits sociaux quand ce n'est pas une tempête de neige dans les montagnes qui provoque sa fermeture. Comment vous attaquez-vous à ce problème? Disposez-vous d'un plan énonçant tout ce qui peut être dit de négatif au sujet de la porte d'entrée du Pacifique et présentant des solutions dans chaque cas? Existe-t-il un grand plan que je n'aurais pas vu?
M. Evans : Il n'y a pas de grand plan, mais nous sommes en train de mettre en place ce qui pourrait en être des éléments. Hier, par exemple, j'ai eu l'occasion de rencontrer 40 délégués commerciaux canadiens en Asie et aux États- Unis; lors de la séance qu'on m'avait demandé d'organiser, ces gens-là nous ont rapporté ce qu'ils avaient entendu chacun de leur côté, à Shanghai, à Beijing, à Hong Kong, à Nagoya, à Buffalo et à Washington. Les plaintes et les préoccupations exprimées se rangent dans deux catégories. On pourrait baptiser la première de mythes du passé et je crois qu'on pourra les régler en effectuant des calculs prudents et en communiquant des statistiques réalistes. Il faudra que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ainsi que tous nos autres représentants à l'étranger aux États-Unis entreprennent un vaste effort pour faire passer ce message. Ça aiderait si les journalistes jouaient les courroies de transmission en y mettant vraiment les moyens.
Le sénateur Mercer : Bonne chance!
M. Evans : La seconde catégorie est celle des véritables défis. Tout à l'heure, j'ai dit que les gens se demandaient si ce projet allait effectivement bénéficier de l'appui soutenu du secteur privé et du secteur public au Canada. Nous devons réaliser des études exploratoires sur le concept de porte d'entrée verte. Certains de nos amis Asiatiques nous disent que l'environnement arrive en dixième, voire en quinzième position sur leur liste de priorité. Personnellement, j'estime que c'est un instantané d'une situation valable pour le moment, mais d'après les discussions que nous avons en Chine et à Singapour, nous constatons que les Asiatiques commencent à s'inquiéter au sujet des questions d'environnement, compte tenu de là où en seront nos ports dans trois à cinq ans d'ici. En fait, la dimension transport commence à occuper une place prépondérante dans le quotidien et la conscience des Asiatiques. Il suffit de prendre une bouffée d'air en Chine pour se rendre compte qu'il y a un problème.
Le vrai défi à nos yeux se situe par-delà les mythes pour toucher à des aspects bien réels, comme le genre de tarifs que vont imposer les compagnies d'assurance et le genre de ports sur lesquels vont miser les entreprises et les investisseurs qui réclament des stratégies environnementales ou des stratégies éthiques. J'ai personnellement l'impression que, si l'on considère la situation à l'horizon de deux ou trois ans, nous pourrions, moyennant quelques améliorations, transformer tout un pan de notre positionnement, de l'image des portes d'entrée en misant davantage sur le respect de l'environnement et en le faisant de façon plus intéressante.
Le sénateur Mercer : Tout à l'heure, un témoin nous a dit que Wal-Mart se préoccupe peu de la question de la pollution en Chine et qu'elle ne s'intéresse sans doute pas non plus à la pollution à Vancouver, tant qu'elle reçoit ses produits à bas prix pour dégager un intéressant bénéfice et que ses marchandises sont livrées à temps et en bon état. Je suis d'accord avec l'idée d'un port vert à Vancouver, mais je ne vois pas comment cela pourrait m'intéresser en tant que fabricant ou expéditeur de Shanghai ou de Hong Kong. Je ne vois pas où se situe l'avantage d'être plus vert, si ce n'est pour ceux et celles qui ont la chance d'habiter au Canada.
M. Evans : C'est sans doute ce que se disent un grand nombre d'entreprises, mais il y a notamment de grandes sociétés qui tiennent compte des évaluations environnementales dans le cadre de leurs stratégies d'emplacement. De plus, comme on a pu le constater à Los Angeles-Long Beach, la population est d'accord avec les pressions qu'exerce l'État. Il faut imaginer là où nous en serons dans deux ou trois ans : nous aurons peut-être adopté la vision de Wal- Mart, mais je suis d'avis que c'est un aspect que les investisseurs et leurs partenaires commerciaux ainsi que les gouvernements — pas uniquement en Amérique du Nord, mais aussi en Europe — sont en train d'évaluer. Qu'il s'agisse du secteur des entreprises ou des gouvernements qui adoptent les règlements et investissent dans ce genre d'opération, j'estime que nous sommes au seuil d'une révolution verte qui transpirera dans les stratégies des entreprises. Il se peut que je me trompe. Nous devrons faire des calculs prudents à cet égard, mais je ne pense pas que nous devrions miser contre cette possibilité à cause d'une résistance passagère.
Le sénateur Mercer : J'espère que vous avez raison. Merci.
Le sénateur Dawson : Vous avez dit que vos objectifs bénéficient de l'appui populaire et de l'appui politique. J'ai une brève remarque à faire à cet égard. Au cours des 35 dernières années, vous avez eu la chance d'avoir le sénateur Jack Austin, à Ottawa, qui a parlé de la porte d'entrée ainsi que de la Fondation Asie Pacifique du Canada. Comme il a pris sa retraite la semaine dernière, j'espère que vous vous trouverez quelqu'un d'autre pour défendre votre cause, parce qu'il a été un de vos grands champions à Ottawa au cours des 35 dernières années.
Sur le terrain de l'appui politique et de l'appui populaire, il faudra que vous fassiez passer vos idées. Vous aurez besoin de porte-parole; il vous faudra trouver des gens qui continueront de vous appuyer. Pour ce qui est du regroupement des ports, vous pourrez sans doute compter sur notre appui, mais d'un autre côté, si vous vous retrouvez face à 22 ou 23 conseils municipaux qui zonent leur terrain pour des usages différents de ceux qui vous intéressent ou pour se protéger contre l'étalement industriel, vous aurez des problèmes. Vous savez que ces municipalités construisent des quais à l'usage des propriétaires locaux, pour la navigation de plaisance, et qu'elles n'apprécieront pas que les cours d'eau servent à la navigation commerciale. Je pense que vous pouvez compter sur nous pour le regroupement des ports, mais nous ne pourrons pas vous aider pour ce qui est de la fusion des villes. Vous devrez déployer un certain effort localement pour vous assurer que ces gens-là comprennent qu'il s'agit d'une cause à long terme, parce que si vous voulez que nous vous appuyons et si vous voulez bénéficier de l'appui des gens de l'Est, vous devrez prouver que vous pouvez compter sur l'appui local et que vous faites quelque chose pour l'obtenir. Comme M. Williams nous l'a fait remarquer il y a un instant, c'est le marché qui décide. À en croire l'ouvrage The Box : How the Shipping Container Made the World Smaller and the World Economy Bigger, les véritables décisions du marché sont prises par un pays du nom de Wal-Mart qui exerce énormément de pression sur ceux avec qui elle traite.
Vous avez dit aussi qu'il faut penser rapidement, et vous savez que vous devrez également agir rapidement. Nous avons changé de ministre des Transports trois ou quatre fois en trois ou quatre ans. De nombreuses mesures législatives qui auraient dû permettre de dépoussiérer la situation ont été déposées pour systématiquement mourir au feuilleton un peu plus tard, ce qui m'amène à croire que vous ne devez pas abandonner votre bâton de pèlerin et que vous devez continuer à parler de ce projet, parce que sa réalisation exigera une grande volonté politique que je crois absente. C'est tout ce que je voulais dire.
Vous avez ajouté que c'est le marché qui décide. Que devrions-nous préciser dans notre rapport pour accélérer la prise de décisions qui vous permettraient de pouvoir réagir plus rapidement? Qu'est-ce que le gouvernement fédéral fait de mal et qu'il y aurait lieu d'améliorer?
M. Wilds : En ce qui me concerne, j'estime que c'est la lenteur des approbations environnementales des projets d'agrandissement qui fait problème. Je suis d'accord avec M. Evans pour dire que nous devrions faire beaucoup mieux et nous assurer que les gens comprennent bien ce que nous faisons dans le secteur des transports sur le plan de l'environnement. Nous habitons tous dans cette région. Nous buvons tous l'eau d'ici, nous respirons tous le même air et nos enfants et petits-enfants vivront ici. Nous ne sommes donc certainement pas là pour empirer la situation pour tout le monde. Les responsables pour tous les modes de transport déploient énormément d'efforts à ce titre, mais nous sommes lamentables quand vient le temps d'expliquer ce que nous faisons. Nous allons devoir énormément nous améliorer à ce sujet. Cela me ramène d'ailleurs à ce que vous avez dit à propos de nos relations avec 22 municipalités. Nous avions recommandé et avons obtenu la création d'une régie régionale des transports. C'est l'une des rares du genre en Amérique du Nord, si ce n'est la seule. Elle n'est pas parfaite, mais elle représente un grand projet par rapport à la situation antérieure où nous devions composer un à un avec 22 municipalités. Il y a bien des choses positives sur lesquelles nous devrons nous appuyer pour faire comprendre à toutes les collectivités, ainsi que par le biais du réseau scolaire, en quoi la porte d'entrée est une bonne chose, ce que les gens pourront en retirer et ce que nous sommes en train de faire pour réduire l'incidence de l'augmentation du trafic ferroviaire — avec ce que cela représente aux passages à niveau — sur la population et sur l'environnement. C'est déjà ce que ce nous faisons et il nous suffit de faire passer le message pour nous assurer que de plus en plus de gens seront de notre côté. D'ailleurs, une majorité nous appuie déjà, mais la minorité tapageuse est toujours celle dont on parle dans les médias.
M. Evans : L'une des choses positives à propos de l'idée de la porte d'entrée, c'est qu'elle est authentiquement bipartisane, pour ne pas dire multipartisane : c'est le gouvernement de M. Martin qui en a eu l'idée et vous avez parlé du sénateur Austin, qui a été un véritable visionnaire à propos des relations entre le Canada et l'Asie et de la place que pouvait occuper la porte d'entrée sur ce chapitre. La plupart des députés Conservateurs et Néo-démocrates adhèrent à cette vision. Je crois qu'en général les politiciens comprennent que quelque chose d'énorme est en train de se produire de l'autre côté du Pacifique et que nous sommes donc tenus d'adhérer davantage à ce mouvement, parce que nous ne pourrons que mieux nous porter et n'être que plus riches si nous nous connectons sur l'Asie-Pacifique plutôt que de nous protéger contre ce continent. Le consensus est donc multipartite.
Selon moi, le gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle prépondérant en mettant en place le mécanisme de gouvernance dont nous avons besoin, mécanisme qui s'apparente à une stratégie nationale des transports. La remarque du sénateur Eyton à ce sujet était on ne peu plus juste. On ne peut pas espérer qu'Ottawa sera le grand chef d'orchestre des stratégies concernant la porte d'entrée. Il faudra que le secteur privé et la population poussent dans le même sens, mais il demeure que le gouvernement fédéral devrait produire le genre de mécanisme de gouvernance qui sera susceptible de mobiliser tout le monde : du gouvernement fédéral au secteur privé en passant par les gouvernements provinciaux, l'Ouest et l'Est du Canada.
Soit dit en passant, le sénateur Austin avait eu l'idée de créer un conseil de la porte d'entrée, mais pour différentes raisons, son propre gouvernement ne l'a pas appuyé. La proposition du sénateur n'était peut-être pas parfaite, mais elle exprimait au moins la nécessité de disposer d'un nouveau conseil ou d'un nouveau groupe susceptible de réunir différents acteurs pour promouvoir une stratégie nationale. Penser rapidement et penser grand revient à dire qu'il faut également faire preuve d'innovation sur le plan de la gouvernance. Nous aimerions donc vous inviter, vous-même et votre comité, à nous faire part de vos idées sur la façon de parvenir à un juste équilibre entre ces trois acteurs que sont le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et le secteur privé, parce que ce serait une avancée qui, en outre, nous aiderait dans nos conversations avec nos homologues asiatiques à qui nous pourrions dire que les choses bougent vraiment. Je le répète, pour la prochaine génération, ce projet est l'équivalent de la voie maritime du Saint- Laurent. Les Canadiens l'appuient et les Canadiens sont capables d'innover.
Le sénateur Tkachuk : J'ai une série de questions à poser, mais avant cela, je veux dire deux mots au sujet de Wal- Mart et corriger un peu ce que mon bon ami le sénateur Mercer en a dit. Je ne pense pas que M. Campbell ait affirmé que Wal-Mart ne se préoccupe pas d'environnement. Ce qu'il a dit, c'est que cette société fait transporter chaque bouteille de bière pour une cent. Elle ne se préoccupe pas du genre de problèmes que nous pouvons avoir au port de Vancouver. Tout ce qu'elle veut, c'est que sa bouteille de bière lui coûte une cent en transport, et elle est prête à trouver d'autres façons de la faire venir ici pour ce prix afin de s'assurer que ses magasins tiennent le marché. J'ai jugé nécessaire de faire cette précision, parce que c'est bien ce que M. Campbell a dit et je suis certain qu'il serait d'accord avec moi.
Nous avons beaucoup parlé de la Chine. Au cinéma, le film King Kong a été très influent et il a transformé les choses par l'envergure du projet, pas uniquement pour des questions de technologie, mais parce qu'il a permis de faire de bonnes choses ou d'améliorer l'efficacité et d'augmenter le salaire des travailleurs. Peut-on dire que la Chine est en train de transformer l'économie mondiale parce qu'elle innove sur les plans de l'efficacité, des nouvelles technologies et des universités ou parce que c'est un pays colossal?
M. Evans : Je ne pense pas que j'appliquerais la métaphore de King Kong à la Chine, mais votre question n'en est pas moins importante. J'ai l'impression que, si la Chine s'inscrit en toile de fond de nos échanges d'aujourd'hui, c'est que la Chine mondialisée a trouvé une façon d'établir un lien entre la haute technologie, les investissements étrangers, des technologies parfois à la pointe du progrès et une main-d'œuvre à bas salaire dans le secteur manufacturier. Deuxièmement — même si d'autres pays font la même chose — compte tenu de la taille du marché intérieur, de la gouvernance de ce pays et du fait que ses entreprises peuvent évoluer très rapidement, la Chine est devenue l'atelier asiatique du monde entier.
Les chaînes d'approvisionnement mondiales et régionales ont transformé l'Asie en une vaste zone de production intégrée. Sur un plan historique, on peut faire le parallèle avec ce qui s'est produit aux États-Unis quand ce pays est entré en grand dans l'économie mondiale, juste avant et juste après la Première guerre mondiale avec son modèle T et ses chaînes d'assemblage façon Ford. C'est ce genre de système de production qui se cache derrière la poussée des exportations et derrière les nouveaux liens que la Chine a établis sur son territoire et avec le reste du monde. Nous sommes à présent tous connectés avec les chaînes d'approvisionnement internationales dont beaucoup ont leur origine en Asie. Ainsi, la Chine ne peut pas être comparée à un simple King Kong; c'est King Kong, mais qui s'installe chez ses voisins qui le nourrissent parce qu'ils en tirent un avantage. Je ne vois pas bien la place de Fay Wray dans tout cela, ni si elle est enserrée dans la main du monstre, pour poursuivre la métaphore, mais il ne se trouve pas un seul entrepreneur canadien qui ne soit pas conscient que, pour réussir en affaires, il devra passer par cette Chine mondialisée et par King Kong.
Le sénateur Tkachuk : Je ne suis pas d'accord avec vous sur les causes de l'entrée des États-Unis dans l'économie mondiale. S'il y a eu le modèle T, c'est que quelqu'un a inventé l'automobile, que quelqu'un d'autre a inventé le moteur à piston et qu'un autre a inventé une nouvelle façon de fabriquer les voitures plus rapidement et pour moins cher la concurrence. Tout cela, c'était entièrement nouveau. J'ai plutôt l'impression que la Chine fabrique exactement les mêmes voitures, mais pour moins cher, grâce à une abondante main-d'œuvre à bas prix. La main-d'œuvre est quasiment réifiée au point d'être consomptible. Les Chinois sont des milliards. Ils n'apportent rien de nouveau au reste du monde; ils font simplement la même chose, pour moins cher et plus vite. Qu'aura-t-on à leur offrir? Nous avons beaucoup parlé du fait qu'ils fabriquent beaucoup de produits. Je pense qu'il serait plus valable de faire un parallèle avec le Japon, parce qu vous vous souviendrez de tout ce que l'on disait à propos de ce pays qui fabriquait des tas de choses pour un prix tellement bas, mais le Japon a une économie libre et démocratique, on y trouve des syndicats et la main-d'œuvre a bénéficié des richesses qu'elle a contribué à créer. Ce sont les Japonais qui ont commencé à nous ressembler peu à peu, plutôt que l'inverse. La Chine, elle, est dirigée par un gouvernement communiste totalitaire qui se soucie peu des droits de la personne — en fait, il ne se soucie pas vraiment de grand-chose —, et qui peut exploiter ses travailleurs pendant très longtemps à la pointe du fusil, plutôt que de leur permettre de profiter de l'enrichissement du pays. Le gouvernement chinois n'a pas à se préoccuper de la répartition des richesses que nous prenons pour une évidence sous nos latitudes, mais nous devons tout de même commercer avec la Chine. Qu'est-ce que les Chinois attendent de nous, outre nos ressources naturelles? Que pourrait-on fabriquer, ici, pour créer des emplois et de la richesse chez nous, ainsi que des occasions d'affaires dont les Chinois pourraient bien vouloir?
M. Evans : Ce pays qu'est la Chine est tout à la fois « le bon, la brute et le truand ». C'est le pire et le meilleur dans une même incarnation. Si Charles Dickens devait écrire aujourd'hui son roman Le Conte des deux cités, il le situerait en Chine qui vit une fantastique transformation industrielle et sociale équivalente à celle qui s'est produite en Angleterre il y a plus de 150 ans, si ce n'est qu'elle intervient dans un seul pays et dans l'espace d'une seule génération. En 1979, quand la Chine était encore une économie autarcique, nous étions loin de nous imaginer ce qu'elle allait devenir. Nous n'aurions pas pu anticiper les changements — certains pour le mieux et d'autres pas — qui se sont produit dans ce pays. La question fondamentale que vous posez est celle que se posent de nombreux Canadiens : ce pays semble être une puissance concurrente très solide à laquelle nous faisons face et il y a lieu de se demander comment nous allons participer à l'essor des marchés? C'est là que la porte d'entrée devient essentielle. Les fabricants canadiens peuvent confier leurs produits aux travailleurs chinois. Nous aurons besoin de chaînes d'approvisionnement efficaces, pas uniquement pour importer des produits finis en provenance de Chine, mais bien pour instaurer une noria afin de transporter des composantes entre nos deux continents. À quoi ressemblera l'industrie automobile dans cinq ou dix ans d'ici? Je dirais que la Chine sera très présente sur le marché nord-américain. Cela étant, que voulons-nous de la Chine et qu'est-ce que pays attend de nous? Eh bien, les Chinois veulent investir chez nous. À en croire les sondages que nous avons réalisés à propos des décisions d'investissement chinois à l'étranger, ces gens-là veulent investir dans les ressources naturelles au Canada. Ce qu'il y a de plus important, cependant, c'est d'investir dans le secteur manufacturier au Canada, surtout en Ontario et au Québec. Les Chinois, tout comme les Japonais il y a 20 ans, veulent investir à l'extérieur. Je ne peux pas ramener toute la question à deux simples colonnes, avec le positif d'un côté et le négatif de l'autre, mais j'ai l'impression que notre intégration avec le marché chinois dans le cadre de la mondialisation ne soulève plus de question. C'est devenu une réalité économique quotidienne pour les Canadiens.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce que nous concentrons tous nos efforts sur la Chine? J'estime que l'Inde pourrait faire un aussi bon partenaire commercial. Son système éducatif produit des ingénieurs de haut niveau qui se retrouvent aux États-Unis, dans la Silicone Valley. Et puis, l'Inde est une démocratie. Ne pensez-vous pas que nous devrions nous intéresser tout autant à ce pays?
M. Evans : Je vous dirais que nous devrions nous intéresser davantage à l'Inde, sans pour autant nous intéresser moins à la Chine, au Japon et à la Corée. Le sénateur Mercer sera tout particulièrement intéressé de savoir qu'en ce qui concerne les portes d'entrée du Canada, Halifax considère l'Inde comme l'un de ses plus gros marchés potentiels de l'avenir. Pour l'instant, les fabricants chinois exportent environ 15 fois plus que les Indiens, mais le port d'Halifax s'attend à ce que les importations indiennes augmentent à termes de trois, cinq et dix ans. Halifax est moins éloignée que Vancouver de la côte occidentale indienne. Pour ce qui est des investissements, le monde est de plus en plus globalisé. Un de nos ministres se trouve actuellement en Inde. Nos relations commerciales avec ce pays et les exportations que nous lui destinons sont en pleine progression. À Halifax, vous nous avez aidé en ramenant l'Inde dans nos calculs. Nous nous disons que, dans le cadre d'une stratégie nationale concernant les ports d'entrée, Halifax et l'Est du Canada offriront, beaucoup plus rapidement que nous le pensons, les premiers ports qui seront reliés avec l'Inde.
La présidente : Merci beaucoup, messieurs, de vous être déplacés aujourd'hui. Nous ne manquerons pas de joindre vos exposés et d'intégrer vos réponses à notre rapport.
Sénateurs, le prochain témoin, qui est M. Paul Landry, représente la BC Trucking Association.
Paul Landry, président-directeur général, BC Trucking Association : J'apprécie cette occasion de prendre la parole devant le comité. La BC Trucking Association, la BCTA, représente l'industrie du transport routier en Colombie- Britannique. Notre association a été créée en 1913. Notre mission consiste : à renseigner nos membres sur toutes les dimensions qui ont une incidence sur le secteur du transport routier; à promouvoir et à protéger les droits et les intérêts des exploitants d'entreprises de transport routier, et à promouvoir la justice et l'équité en ce qui a trait à l'adoption et à l'application de règlements.
Nous sommes une vaste organisation. Vous aurez remarqué que j'ai parlé de transport routier et pas d'entreprises de camionnage. Nous représentons en effet des entreprises qui transportent toutes sortes de marchandises sur les routes, y compris des biens manufacturés, des produits secs ou liquides en vrac, des produits forestiers, des produits ménagers ainsi que de la marchandise générale que ce soit pour compte d'autrui ou pour compte propre. Nous représentons également une large fourchette d'entreprises de traitement de déchets, de nombreuses compagnies de location d'autocar et des sociétés de transport par autobus en Colombie-Britannique, des sociétés de transport de béton prêt à l'emploi, un certain nombre de compagnies de messagerie ainsi qu'une organisation du nom de Northern BC Truckers Association, qui est située dans la partie nord-est de la province. Certaines des sociétés que nous représentons sont parmi les plus grosses entreprises de camionnage, mais la plupart sont des PME familiales. Nous représentons également quelque 250 membres qui fournissent des biens et des services aux secteurs du camionnage et du transport par autobus. Dans le cadre de cette présentation, il convient tout particulièrement de mentionner que la BCTA représente des centaines de sociétés qui font affaires avec des installations intermodales ou qui entretiennent des relations commerciales avec des transporteurs oeuvrant dans ce domaine.
La BCTA est affiliée à des associations de camionnage semblables, dans d'autres provinces, de même qu'à la centrale nationale, l'Alliance canadienne du camionnage, qui a son siège à Ottawa.
Nous avons beaucoup de respect pour le Greater Vancouver Gateway Council. En ma qualité de membre de son conseil d'administration et de son bureau, c'est avec beaucoup d'enthousiasme que je souscris à son exposé de tout à l'heure. Je n'ai pas été ici pendant toute la durée du témoignage du conseil, mais j'ai pu entendre la plupart des questions et des réponses de la fin.
Je ne vais pas embêter le comité en répétant les importants messages que vous a communiqués M. Wilds. J'entends plutôt vous apporter des précisions au sujet de deux grands dossiers dont le conseil traite dans son mémoire : d'abord, le transport — surtout le camionnage en ce qui me concerne —, et l'environnement; deuxièmement, la stabilité des services de camionnage dans les ports du Lower Mainland.
Le secteur du camionnage joue un rôle critique pour transporter les marchandises au Canada. Nous acheminons environ 70 p. 100 de la valeur totale de marchandises transportées au Canada et plus de 60 p. 100 de nos échanges avec les États-Unis. Comme le camionnage est omniprésent, la BCTA estime que ce secteur est à la fois responsable et en mesure de protéger l'environnement et de préserver la qualité de l'air. C'est pour cette raison que notre association appuie le plan d'action national en 14 points qu'a élaboré l'Alliance canadienne du camionnage, l'ACC, en 2006, à titre de contribution à la solution « canadienne » qu'Ottawa propose d'apporter aux problèmes de la pollution atmosphérique. Le plan d'action de l'ACC appréhende le camionnage dans son intégralité, c'est-à-dire des pneus aux systèmes de chauffage et de climatisation, en passant par le mode de financement des camions afin de réduire les niveaux d'émission. L'ACC estime que la mise en œuvre de ce plan reviendrait, sur le double front de la qualité de l'air et de la réduction des gaz à effet de serre, à retirer plus de 10 000 camions lourds des routes canadiennes.
Voici quelques-unes des mesures que l'on retrouve dans le plan d'action de l'ACC en 14 points, mesures qui sont destinées à répondre à des objectifs distincts : la première consiste à accélérer la mise en circulation de camions ne produisant pas de smog grâce à l'application d'encouragements fiscaux. Si le parc canadien était entièrement composé de camions dotés de moteurs aux normes technologiques de 2007, l'effet sur la qualité de l'air équivaudrait à retirer plus de 90 p. 100 des camions qui roulent actuellement sur nos routes, d'où l'importance de consentir des mesures d'encouragement fiscal aux entreprises de camionnage afin de leur permettre d'acheter du nouveau matériel.
Deuxièmement, nous devrions favoriser l'adoption de systèmes de chauffage et de climatisation auxiliaires, selon une technologie que nous appelons « anti-ralenti », en relançant le programme des remises de Ressources naturelles Canada qui existait jusqu'au dernier budget fédéral de 2006. La cabine du camion est le lieu de travail du routier qui y passe énormément de temps, d'où la nécessité de maintenir cet espace de vie à une température confortable. Les technologies anti-ralenti permettent d'obtenir ce genre de confort sans qu'il soit nécessaire de laisser tourner le moteur au ralenti, ce qui permet donc d'économiser du carburant et de réduire les émissions. Madame la présidente, vous trouverez des précisions au sujet de ces propositions dans les deux annexes qui accompagnent mon mémoire.
Troisièmement, l'autre genre de mesure importante pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre consiste à réduire et à contrôler la vitesse des camions. La limitation de la vitesse permet de réduire la consommation et donc les émissions. Je suppose que c'est du simple bon sens. Notre plan prévoit notamment de réglementer la vitesse de tous les camions au Canada et de faire respecter les limitations.
Quatrièmement, le plan prévoit de favoriser la réduction des émissions de tous les modes de transport de marchandises au Canada en imposant des niveaux de réduction d'émissions qui soient comparables à ceux de l'industrie du camionnage.
Je me propose également de vous entretenir de la stabilité dans le secteur du camionnage, dans le Lower Mainland, et surtout dans nos ports. La plupart d'entre vous se souviendront sûrement que, le 27 juin 2005, quelque 1 000 ou 1 200 propriétaires-exploitants qui travaillaient à contrat pour 40 ou 50 entreprises de camionnage du Lower Mainland ont cessé d'offrir leurs services de transport de conteneurs dans cette région. Ils estimaient, et je juge que c'était en partie fondé, qu'ils ne recevaient pas une rémunération suffisante pour les services offerts. Plus de 400 autres entreprises de camionnage et quelques 6 000 propriétaires-exploitants ou chauffeurs salariés assurant des services de livraison et de prise en charge de conteneurs dans les ports du Mainland n'étaient pas directement concernés par ce différend, mais à force d'intimidation, ils ont dû interrompre leurs services.
La BCTA a régulièrement exhorté les gouvernements provincial et fédéral à déclarer publiquement et clairement que les intimidations de ce genre ne seraient pas tolérées et à assurer la protection de ceux qui voudraient continuer de travailler. Nous respectons bien sûr le droit de n'importe quel travailleur syndiqué de ne plus offrir ses services en situation de grève légale et nous respectons aussi celui des petits entrepreneurs de faire la même chose s'ils estiment qu'ils ne sont pas suffisamment payés. À l'époque, nous étions simplement préoccupés par le genre d'intimidation que nous avions constaté au niveau des barrages bloquant l'accès au port. Quoi qu'il en soit, il semble que le gouvernement provincial avait alors pour politique de traiter en douceur ce que tout le monde avait essentiellement interprété, mais à tort, comme étant une grève. Or, il ne s'agissait pas d'une grève, mais plutôt d'une interruption de service par des entrepreneurs indépendants. Il semble qu'à cause de ce conflit, des centaines de millions de dollars ont été perdus et que des milliers de gens ainsi que des entreprises ont souffert de la situation. Dans vos derniers échanges avec le Greater Vancouver Gateway Council, j'ai entendu que la réputation du port et de la porte d'entrée n'était pas reluisante auprès de nos clients outre-mer, et il est évident que le conflit de 2005 n'a rien fait pour l'améliorer.
Quoi qu'il en soit, le conflit de 2005 a finalement été réglé par l'imposition d'un protocole d'entente entre les transporteurs et les propriétaires-exploitants. Celui-ci a imposé le versement d'un taux minimum par voyage aux propriétaires-exploitants tout en provoquant indirectement une augmentation du taux minimal de fret. Comme ce protocole d'entente expirera le 2 août 2007, il convient tout de suite de s'intéresser à ce qui risque de se produire à ce moment-là.
Le protocole d'entente de 2005 a été arraché à force de violence et d'intimidation, et la BCTA craint que le même groupe de camionneurs n'aient recours à des tactiques semblables pour obtenir le renouvellement de ce protocole d'entente en 2007, surtout en ce qui concerne le barème de rémunération des propriétaires-exploitants. L'administration du port de Vancouver a déjà annoncé qu'elle n'a pas l'intention d'imposer un tarif minimum par voyage ni d'autres formes d'indemnité pour les chauffeurs de camion porte-conteneurs, ni de continuer, d'étendre ou de remplacer ce protocole.
En qualité d'organisme représentant un grand nombre d'entreprises de camionnage qui travaillent pour le port de Vancouver et qui sont touchées par les activités intermodales du port, la BCTA estime que, si Ottawa faisait rapidement connaître ses intentions, les différents intervenants sauraient de quoi il retourne. La BCTA juge que c'est le marché qui devrait fixer les barèmes de rémunération des propriétaires-exploitants, comme c'est le cas dans les autres secteurs et pour les autres participants au marché. Qui plus est, la situation d'aujourd'hui n'est plus comparable à celle qu'elle était à l'époque où le protocole d'entente a été imposé, c'est-à-dire en 2005.
Je vais vous donner quelques exemples. Premièrement, l'administration du port de Vancouver a modifié son système d'octroi de licence pour les exploitants afin de favoriser un modèle d'entreprise plus stable où les compagnies possèdent le matériel et où les chauffeurs sont des employés, ce qui permet dès lors d'éliminer le problème des temps morts non payés. Avec le temps, les propriétaires-exploitants seront appelés à jouer un rôle de moins en moins important dans ce secteur. Seules les entreprises possédant leur propre matériel peuvent demander une licence, bien que les autres disposent de droit acquis. Deuxièmement, les différents intervenants du port s'entendent pour reconnaître qu'il convient de faire plus pour améliorer l'efficacité avec laquelle les donneurs d'ordre utilisent les sociétés de camionnage, les propriétaires-exploitants et les chauffeurs, processus qui est d'ailleurs déjà enclenché. Par exemple, les gares routières de marchandises ont décidé de prolonger leurs heures d'ouverture pour l'accès aux portes de chargement, elles se sont dotées de nouveaux logiciels, plus perfectionnés, de réservation des camions et, enfin, elles ont acheté du matériel supplémentaire de manutention des conteneurs. Troisièmement, grâce à la création de la tribune des intervenants du transport de conteneurs dans le Lower Mainland, sous l'impulsion de l'honorable David Emerson et de l'honorable Kevin Falcon, tous les intervenants du milieu ont maintenant la possibilité de parler de ce qui les préoccupe, de trouver des solutions à un ensemble de problèmes communs et cela de façon constructive. Quatrièmement, sous les auspices de cette tribune, le gouvernement fédéral a conçu un outil éducatif grâce auquel les propriétaires-exploitants actuels et futurs pourront avoir une meilleure idée de leurs frais d'exploitation et seront donc en mesure de mieux définir la rémunération minimale qu'ils devront exiger pour leurs services. Enfin, nous avons assisté à une certaine syndicalisation des propriétaires-exploitants qui a permis d'instaurer des règles du jeu plus équitables à la suite de l'imposition des contrats. Dans une certaine mesure, ces contrats sont en train de remplacer ce que prévoyait le protocole d'entente.
Compte tenu de tout cela, l'effet lénifiant du protocole d'entente ou d'instruments de ce genre n'est plus, selon nous, nécessaire. Le maintien du protocole d'entente reviendrait à dire, à tort, que les entrepreneurs, comme les propriétaires- exploitants dans le secteur du camionnage, ne sont pas assez responsables pour assumer leur propre destin.
Je terminerai en disant qu'à cause de ses effets économiques et autres très importants, il faut éviter que le conflit de travail de 2005 se répète. Outre que le gouvernement fédéral devrait annoncer son intention de ne pas appuyer la prorogation du protocole d'entente, nous estimons qu'il est de la plus haute importance : que les gouvernements fédéral et provincial collaborent pour faire en sorte que la loi soit appliquée rapidement, de façon univoque et avec sévérité en cas de conflit de travail; que ces deux ordres de gouvernement ne recourent pas à une autre forme d'intervention réglementaire économique visant à calmer ceux qui enfreignent la loi, et qu'ils continuent à appuyer les améliorations opérationnelles apportées aux ports du Lower Mainland.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Landry. Le port de Vancouver utilise à présent un système de réservation sur Internet grâce auquel ses terminaux à conteneurs atteignent leurs objectifs de 20 minutes par rotation de camion. Êtes-vous au courant d'autres initiatives de ce genre qui seraient susceptibles d'améliorer la productivité du transport par camion en réduisant les temps de rotation?
M. Landry : Comme je le disais, je pense que l'achat de machines pour charger et décharger les camions aiderait beaucoup. On pourrait aussi améliorer le système de réservation afin que les entreprises de camionnage qui déposent les conteneurs après en avoir livrés, ou vice-versa, puissent planifier ces deux types d'opération dans le cadre d'une seule et même réservation. Ce serait très utile. Le maintien des heures d'ouverture prolongées serait aussi utile. Il serait très important de s'assurer qu'il y a un nombre suffisant de travailleurs dans les terminaux pour charger et décharger les camions. Je pense que les terminaux à conteneurs sont conscients de tous ces problèmes et qu'ils travaillent très fort pour parvenir à améliorer la productivité.
La présidente : La majorité des expéditeurs aiment les camions, parce qu'ils sont synonymes de souplesse et de rapidité. Le camionnage, beaucoup plus rapide que les chemins de fer, permet un service de type porte-à-porte. Toutefois, le camionnage sur longue distance a tué l'emploi, ce qui n'empêche que les services de l'immigration ne considèrent pas que le camionnage correspond à des emplois qualifiés. Des particuliers se sont engagé à mettre sur pied un programme afin d'attirer des groupes d'employés spéciaux, et certains ont tenu promesse. C'est ce qui s'est passé en Saskatchewan qui a attiré 150 camionneurs avec leurs familles de Grande-Bretagne. Apparemment, la formule a plutôt bien fonctionné. Que pensez-vous de ces questions d'immigration et d'emploi qualifié en ce qui concerne le camionnage sur longue distance?
M. Landry : C'est sans doute dans le domaine du camionnage sur longue distance que nous manquons le plus de chauffeurs professionnels. Nous sommes d'avis que des chauffeurs de camion qualifiés, venant d'autres pays, pourraient et devraient nous permettre de régler en partie les pénuries éventuelles, mais nous sommes également convaincus qu'il va falloir faire des investissement sur ce chapitre au Canada. Il nous faut promouvoir notre industrie auprès de ceux qui estiment que ce métier n'est peut-être pas rémunérateur. Nous pensons qu'il va falloir améliorer les conditions de travail, de même que le salaire des travailleurs de l'industrie du camionnage. Il faudra améliorer la formation de ces gens-là, ce que notre association a entrepris de faire de façon résolue dans son plan stratégique. Pour nous, l'immigration ne peut que nous amener à un petit complément de main-d'œuvre. Il y a peut-être des régions dans cette province où il y a des pénuries et pour lesquelles l'immigration sera la seule solution, mais il peut aussi y avoir un excédent de chauffeurs routiers dans le Lower Mainland. Je vais être franc avec vous. Nous pensons que le problème tient, en partie, à un surcroît de chauffeurs à cause des pressions compétitives que cela exerce sur le marché. Le Lower Mainland est une région où il fait bon travailler — on rentre chez soi tous les soirs et on travaille du lundi au vendredi —, mais il n'y a pas assez de travail pour tout le monde. Nous sommes actuellement en discussion avec les gouvernements fédéral et provincial pour essayer de comprendre pourquoi les travailleurs du secteur ne s'intéressent pas à d'autres marchés et pour déterminer ce qu'il faudrait pour les inciter à ne pas rester collés sur le Lower Mainland. Nous devrions peut-être, par exemple, affecter une partie de ces chauffeurs aux activités transfrontières. Il est possible qu'il y ait des problèmes de langue ou de papiers. Je n'en suis pas sûr, mais nous devons savoir où se situe le problème pour pouvoir aider les travailleurs à passer sur des marchés plus porteurs que le nôtre.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez parlé de l'arrêt de travail, en 2005, de 1 000 à 1 200 propriétaires-exploitants qui travaillaient à contrat pour quelque 40 ou 50 entreprises de camionnage. Est-ce que ces propriétaires-exploitants et ces 40 ou 50 entreprises de camionnage font partie de votre association?
M. Landry : C'est le cas pour certaines des entreprises de camionnage, mais pas pour les propriétaires-exploitants, parce que nous représentons essentiellement des entreprises de camionnage et non des propriétaires-exploitants ou des chauffeurs salariés.
Le sénateur Tkachuk : Quel problème ces 40 ou 50 entreprises de camionnages avaient-elles rencontré pour que les propriétaires-exploitants en subissent les conséquences, par rapport aux autres sociétés qui, elles aussi, engageaient des propriétaires-exploitants?
M. Landry : Les 40 ou 50 entreprises concernées assuraient sans doute 60 ou 70 p. 100 de l'activité. Elles fonctionnaient essentiellement au factage et avaient pour cela presque toutes recours à des sous-traitants, c'est-à-dire aux propriétaires-exploitants. Le problème, qui s'est retrouvé au cœur du conflit, c'est que les transporteurs estimaient que leurs clients ne leur versaient pas des tarifs assez élevés pour qu'ils puissent eux-mêmes consentir aux propriétaires- exploitants le genre de rémunération qu'ils réclamaient. Autrement dit, les prix étaient trop bas. Le mouvement entrepris par la suite avait donc une certaine légitimité. Quant au 400 autres entreprises, elles offraient toute une gamme de services sur longue distance en plus de participer occasionnellement aux activités portuaires. Autrement dit, leur camion allait au port une ou deux fois par jour, plutôt que 40 ou 50 fois comme les autres, et certaines prenaient part aux opérations de dépotage. Dans ce cas, le conteneur est livré par un transporteur qui fonctionne au factage, il est dépoté et son contenu prend différentes directions, une partie aux États-Unis, et une autre dans l'Ouest du Canada, par exemple. Toutes ces entreprises ont subi les conséquences de l'arrêt de travail. Beaucoup de ces transporteurs qui travaillaient pour le port et qui n'étaient pas partie à ce conflit appliquaient un modèle de rétribution différent. Dans certains cas, elles employaient des propriétaires-exploitants, mais elles les rémunéraient à l'heure, si bien que si le chauffeur indépendant se retrouvait bloqué à faire la queue quelque part, il était rémunéré. Cet aspect n'était donc pas une source d'irritant. Beaucoup de ces autres entreprises possédaient leur propre matériel et employaient des chauffeurs salariés. Là aussi, ces gens-là étaient indemnisés s'ils restaient bloqués dans une queue. Le fond du problème était donc le suivant : à cause des problèmes de productivité au port, à cause des délais à l'arrivée et au départ et à cause de la congestion de la circulation dans le Lower Mainland, les propriétaires-exploitants avaient du mal à tirer un revenu satisfaisant parce qu'ils n'étaient pas indemnisés pour le temps passé sur la route, ce calcul ne faisant pas partie du modèle retenu. C'était ça la différence essentielle. Beaucoup de compagnies étaient prêtes à offrir le service, et elles en avaient les moyens, mais elles en ont été empêchées.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez dit craindre que ce genre d'action se reproduise, parce que ce protocole d'entente arrivera à expiration en août 2007. Est-ce que des négociations ont été engagées entre les entreprises de camionnage et les propriétaires-exploitants pour éviter ce genre de problème? Va-t-on adopter, par accord des deux parties, un nouveau protocole d'entente dont le texte serait plus conciliant, ou va-t-il falloir en imposer un?
M. Landry : À ce que je sache, je ne pense pas que le groupe de propriétaires et les propriétaires-exploitants ont entamé des discussions officielles à ce sujet. Nous ne nous mêlons pas de relations industrielles. Nous représentons nos membres au sujet de questions de politique publique. Nous n'avons pas pris part à ce qui s'est passé en 2005 et nous ne sommes pas plus concernés aujourd'hui. Je crois que le marché est en train de changer. Étant donné le nouveau système d'octroi de licence qui vise à stabiliser le secteur, de plus en plus d'entreprises adoptent le modèle selon lequel elles possèdent leur matériel et engagent des chauffeurs salariés. S'il me fallait conjecturer, je dirais qu'il est sans doute trop tard maintenant pour que les deux parties entament des discussions.
Le sénateur Mercer : Vous pouvez toujours ne pas participer directement à ces négociations, mais il se trouve que vos membres, eux, y participent. Vous n'êtes pas assez nombreux pour ne pas entendre parler de ce qui se passe. Alors, selon vous, est-ce qu'il y a des négociations en cours?
M. Landry : Pas à ma connaissance.
Le sénateur Mercer : Eh bien, je crois que cela nous ramène à ce que disait le témoin précédent à propos de la réputation du port.
J'ai deux petites questions à vous poser. Est-ce que les réservations par Internet, dont la présidente a parlé dans sa question, permettent d'alléger une partie des problèmes que ces gens-là éprouvaient apparemment à l'époque du conflit?
M. Landry : Oui, je pense que le système permet d'alléger une partie des problèmes. Tout n'est pas parfait, mais c'est la direction qu'il faut prendre et je pense que ce système aide beaucoup. Je ne pourrais pas chiffrer avec précision ce que cela représente. Il y a eu des résistances à utiliser ce système et il y en a encore qui jouent des jeux sur le thème de la réservation, mais je pense pouvoir dire que les terminaux vont, très vite, parvenir à maîtriser les problèmes qui demeurent.
Le sénateur Mercer : J'imagine qu'il y en a toujours qui essaient de contourner le système de réservation.
M. Landry : C'est cela.
Le sénateur Mercer : Pour en revenir à la question de l'immigration, il se trouve que la Nouvelle-Écosse connaît une importante pénurie de chauffeurs de camion et que nous avons eu de la difficulté avec les responsables des services de l'immigration qui ne considèrent pas qu'être routier est une qualification professionnelle. À l'évidence, ils n'ont pas essayé d'attirer cette catégorie de travailleurs. Vous ai-je bien entendu dire qu'il y avait un sureffectif de chauffeurs à Vancouver pour les opérations portuaires, mais qu'il en manquerait dans le camionnage sur longue distance?
M. Landry : Oui, mais je crains que mon analyse ne soit pas du tout scientifique. Notre association est chargée d'émettre les laissez-passer de sécurité pour l'accès au port, pour le compte de notre industrie, parce qu'il faut posséder un laissez-passer pour pouvoir rentrer sur les terrains des ports. Nous en avons émis plus de 11 000 en trois ans.
Le sénateur Mercer : Y a-t-il 11 000 camions qui entrent et sortent de ces ports?
M. Landry : Je ne peux que vous citer les statistiques de ce que nous avons fait, mais vous avez tout à fait raison. Aujourd'hui, il n'y en a pas autant. Il n'y en a eu, en permanence, que quelques milliers à la fois. Une partie de ces laissez-passer d'accès au port a sans doute été remise à des transporteurs sur longue distance. Une autre partie a été émise à du personnel d'entretien des unités réfrigérées, par exemple. Il faut en effet un laissez-passer pour entrer aux ports, même si l'on n'est pas chauffeur. Nous estimons qu'à l'occasion de ce conflit en 2005, il y avait en circulation 8 000 ou 9 000 laissez-passer donnant accès au port. Disons que c'était sans doute 8 000. Comme 1 100 ou 1 200 chauffeurs étaient en arrêt de travail, j'ai donc l'impression que beaucoup d'autres étaient prêts et en mesure de sauter dans un camion pour offrir leurs services.
Le sénateur Mercer : Est-ce que ces laissez-passer ont une validité limitée? Ont-ils une date d'échéance?
M. Landry : Ils sont valables cinq ans.
Le sénateur Mercer : Du point de vue de la sécurité, vous nous dites que 11 000 laissez-passer ont été remis pour permettre l'accès au port, mais il y a un problème si vous ne savez pas si tous les laissez-passer sont utilisés. Ces laissez- passer sont-ils lus par des lecteurs électroniques à l'entrée?
M. Landry : Oui.
Le sénateur Mercer : Y a-t-il des vérifications visuelles de l'identité des chauffeurs, d'après les photos des laissez- passer?
M. Landry : Dans certaines circonstances, il y a effectivement des vérifications visuelles et il y a aussi des vérifications aléatoires, le tout dépendant du niveau de sécurité, mais la plupart du temps, c'est simplement le système d'ouverture de la barrière par carte qui est utilisé.
Le sénateur Mercer : Ne trouvez-vous pas trop longue la période de validité de cinq ans?
M. Landry : Nous avons réclamé ce genre de délai de validité parce que, sinon, ce serait très compliqué pour les chauffeurs de camion, surtout ceux qui font du transport sur longue distance, parce qu'il faut déposer une demande afin d'obtenir un tel laissez-passer. Je ne peux pas vous parler de ce qu'il en est du point de vue de la sécurité. Nous nous considérons comme de simples émetteurs de cartes d'accès. Ce n'est pas nous qui établissons les règles, et nous ne les faisons pas non plus respecter. Tous ceux qui font une demande et qui répondent aux critères établis reçoivent un laissez-passer. Comme je le disais, nous estimons que, dans le cas du chauffeur venant de la Saskatchewan une fois par mois pour rentrer dans le port, ce serait beaucoup exiger que de lui imposer de demander un laissez-passer tous les ans ou tous les deux ans.
Le sénateur Mercer : Peut-être faudrait-il fonder ce délai sur l'usage. Cela dépendrait d'un usage régulier. Même le chauffeur venant une fois par mois de la Saskatchewan ou du Manitoba en ferait un usage régulier. On aurait pu imaginer possible de rapatrier un laissez-passer n'ayant pas été utilisé pendant longtemps. Nous avons tous été préoccupés par les problèmes de sécurité dans les ports et ce genre de faille permet à des personnes mal intentionnées de pénétrer dans les ports. Bref, arrêtons-nous là.
J'avais commencé à vous parler de votre troisième recommandation, c'est-à-dire la limitation de la vitesse des camions. Bien que celle-ci paraisse raisonnable sur le plan environnemental, pensez-vous qu'elle le soit sur le plan économique dans le cas du camionnage sur longue distance? Un chauffeur routier sur longue distance gagne du temps chaque fois qu'il le peut. Quand il traverse les Prairies, il peut effectivement gagner beaucoup de temps, parce qu'il n'y a pas de collines. En revanche, dès qu'il attaque les Rocheuses, c'est une autre histoire, parce que ça grimpe. Alors, pensez-vous que ce soit aussi raisonnable du point de vue économique que du point de vue environnemental?
M. Landry : Tout à fait. Il est possible de réduire sa facture de carburant de 10 p. 100 environ quand on réduit la vitesse d'autant. Le carburant peut représenter jusqu'à 40 p. 100 des frais d'exploitation d'un transporteur. Les économies ne sont pas toujours proportionnelles à la diminution de la vitesse, mais il est possible d'économiser du carburant dans tous les cas. C'est vrai qu'on passe plus de temps sur la route, mais on réduit la consommation de carburant, on améliore la sécurité et on diminue les émissions.
Le sénateur Adams : Notre comité avait étudié l'industrie du camionnage au Canada il y a une dizaine d'années, surtout sous l'angle de la sécurité et des longues heures de conduite. Au Canada, les chauffeurs routiers sur longue distance peuvent devoir tenir le volant 12 heures d'affilée. Aux États-Unis, ils sont limités à neuf heures. À l'époque, il y a également eu une étude sur les problèmes que constituent l'alcool et la drogue. Nous avions appris que les syndicats n'étaient pas autorisés à faire subir des tests de dépistage de drogue aux chauffeurs. Après cette étude, une politique a été mise en place et voilà qu'il a fallu faire venir 150 chauffeurs de New York ou d'ailleurs. Est-ce que vous avez eu de la difficulté à recruter du personnel, à trouver des chauffeurs à cause de problèmes de drogues ou d'alcool? Est-ce pour cela qu'il a fallu faire venir des immigrants au Canada pour leur confier un volant?
M. Landry : Je suis désolé, sénateur, je ne suis pas certain d'avoir compris la question.
Le sénateur Adams : Un chauffeur de camion relève d'une association ou de votre syndicat. Comme je le disais, d'après l'étude sur la sécurité, les chauffeurs au Canada devaient conduire 12 heures d'affilée, ce qui était beaucoup trop, ils étaient fatigués et ils risquaient d'avoir des accidents. D'un autre côté, les syndicats ont dit qu'ils ne pouvaient pas soumettre leurs chauffeurs à des tests de dépistage de drogues. Avez-vous appliqué ce genre de politique au sein de votre organisation?
M. Landry : Effectivement. À compter du 1er janvier de cette année, le nouveau Règlement sur les heures de conduite de véhicule utilitaire a fait passer le nombre d'heures de service de 15 à 14 et les périodes de repos subséquentes de huit à 10 heures. Des limites ont donc été imposées quant au nombre d'heures de conduite pour un chauffeur. D'autres contraintes mentionnées dans le nouveau Règlement sur les heures de conduite vont, selon nous, compliquer encore plus notre quête de chauffeurs qualifiés. Nous estimons qu'il faudra jusqu'à 5 p. 100 de plus de chauffeurs pour nous conformer à ces nouvelles règles.
Pour ce qui est de votre question sur les drogues et les tests de dépistage de drogue et d'alcool, ceux-ci sont obligatoires pour tous les chauffeurs qui traversent la frontière pour aller aux États-Unis. Les Américains exigent que la moitié des chauffeurs d'une écurie soient testés au moins une fois par an pour les drogues et que 10 p. 100 d'entre eux le soient pour l'alcool — je crois que les pourcentages sont exacts — tout cela à l'occasion de tests aléatoires. Nous estimons qu'il faudrait adopter des dispositions semblables au Canada pour des raisons de sécurité. La bonne nouvelle, c'est que sur les dizaines de milliers de chauffeurs qui traversent la frontière chaque année, le nombre de tests positifs, qu'il s'agisse de drogue ou d'alcool, est minuscule. Il ne semble donc pas, du moins en ce qui concerne le trafic transfrontalier, que nous ayons un problème avec les chauffeurs sur ce plan.
Le sénateur Eyton : Le marché est en train de subir une progression rapide. Est-ce que les membres de votre association sont en mesure d'augmenter leurs effectifs et de devenir plus efficaces pour absorber ce nouveau volume d'affaires?
M. Landry : Je crois que nous allons avoir tout un problème à cause des ressources humaines. Nous allons être appelé à livrer une âpre bataille contre les autres secteurs d'activité pour parvenir à recruter le genre d'effectif dont nous avons besoin. Sur tous les autres plans, celui du matériel notamment, tout va bien et nous avons tous les moyens pour prendre de l'expansion. Le grand problème auquel nous sommes confrontés, c'est celui des embouteillages qui nuisent directement à notre productivité. Quand la circulation est ralentie, il faut mobiliser davantage de matériel et de chauffeurs et nous consommons aussi plus de carburant.
Le sénateur Eyton : Je veux satisfaire ma curiosité. Jusqu'où s'étend votre territoire? Je suppose que vos membres sont partout en Colombie-Britannique. Sont-ils ailleurs?
M. Landry : Nos membres comprennent différentes entreprises internationales, nationales, provinciales et locales. Par exemple, Yellow Freight est membre de notre association. Je crois savoir que c'est la plus importante association de camionnage d'Amérique du Nord qui compte quelque chose comme 13 000 ou 14 000 tracteurs.
Le sénateur Eyton : J'essaie plutôt de me faire une idée des destinations les plus éloignées que vous desservez.
M. Landry : Nous couvrons la quasi-totalité du territoire canadien, mais nos destinations se situent principalement dans l'Ouest du Canada, bien que certains de nos membres aillent aussi loin que la frontière mexicaine et les Maritimes.
Le sénateur Eyton : Est-ce que vous avez des destinations aux États-Unis également?
M. Landry : Beaucoup de nos membres travaillent le long de la côte ouest, sur la I-5.
Le sénateur Eyton : Pourriez-vous me donner une idée de la répartition des activités entre le Canada et les États- Unis?
M. Landry : Non, vous m'en voyez désolé. Je n'en ai aucune idée.
Le sénateur Eyton : Êtes-vous, votre association et vous-même, généralement satisfaits de la qualité des installations et des systèmes ainsi que de la gestion des terminaux portuaires à l'heure actuelle? Je suppose que vous entretenez un dialogue permanent avec ces gens-là.
M. Landry : Oui.
Le sénateur Eyton : Êtes-vous satisfait dans l'ensemble?
M. Landry : Oui. Nous progressons par à-coups, mais je crois que la direction des terminaux est résolue à améliorer la productivité et à collaborer avec notre industrie. Ça n'a pas été facile. Tout à l'heure, il a été question des systèmes de réservation. Eh bien, ces systèmes sont en place depuis cinq ou six ans maintenant et ils n'ont jamais très bien fonctionnés. L'un des problèmes, par exemple, tient au fait qu'il faut composer avec trois systèmes de réservation à l'heure actuelle. Une entreprise de camionnage qui travaille au DeltaPort, au Centerm et au port intérieur, de même qu'au port du Fraser, doit décider, au moment de brancher ses ordinateurs le matin, auprès de quel terminal portuaire elle va essayer d'obtenir des réservations. Si elle en obtient en un endroit, elle risque d'être exclue ailleurs. Il faut que ces systèmes de réservation soient fusionnés pour que les compagnies de camionnage puissent coordonner leurs activités et optimiser l'emploi de leur personnel et de leur matériel.
C'est la même chose dans le cas des conteneurs. On peut obtenir une réservation pour un conteneur destiné à l'exportation et une autre pour un conteneur destiné à l'importation, mais ce sont deux réservations différentes, si bien qu'il faut livrer le premier et retourner faire la queue afin de charger le second. Ça n'aide personne, mais je dois dire que les administrations des terminaux sont très au courant de ces problèmes et qu'elles essaient de les régler.
Le sénateur Eyton : Est-ce qu'une partie de la réponse ne consisterait pas à fusionner les trois ports intérieurs?
M. Landry : Faute d'une meilleure description, je dirais que ces ports sont administrés comme des biens immobiliers. Les terminaux qui s'y trouvent sont des entreprises indépendantes qui poursuivent leurs propres objectifs commerciaux.
Le sénateur Eyton : Parlons tendance. Si les ports se regroupaient autour de ce projet, est-ce que les choses ne s'amélioreraient pas?
M. Landry : Ce qui aiderait, ce serait que chaque port parvienne à mieux coordonner les activités de ses locataires, des entreprises qui y louent un espace.
Le sénateur Eyton : Dans votre exposé, vous avez surtout insisté sur la nécessité d'éviter une répétition du conflit de 2005 et vous n'avez pas mâché vos mots en réclamant que les gouvernements fédéral et provincial collaborent à cette fin. Vous avez mentionné trois choses en particulier. Où en est la situation à l'heure actuelle? Je suppose que des discussions sont en cours et que les uns et les autres font des représentations. Avez-vous de bonnes raisons d'être optimiste quand au genre de collaboration et de soutien que vous pourrez obtenir?
M. Landry : Si j'ai des raisons d'être optimiste, c'est que les choses sont plutôt calmes ces jours-ci. Je n'entends pas parler de grand-chose. Je pourrais sans doute dire, comme on ne m'appelle pas : « pas de nouvelles, bonnes nouvelles », mais ça n'est pas très solide, ça n'est pas très concret. Ce ne sont que des conjectures, encore une fois, mais j'ai l'impression que les gens sentent que le protocole d'entente sera prorogé et qu'il établira les bases des tarifs dans l'avenir.
Le sénateur Eyton : Mais vous avez beaucoup critiqué cela.
M. Landry : C'est vrai. Je n'ai rien contre la signature d'accords. Nous voulons évidemment que la situation soit stabilisée au port. Ce qui me préoccupait à l'époque, c'est qu'on a tiré sur des camions, qu'on a crevé des pneus et coupé des conduites d'air. Pour moi, ça n'augure pas un avenir très brillant du camionnage au service des activités portuaires. Nous aimerions que les accords soient négociés. Nous aimerions que les tarifs soient établis en collaboration avec les propriétaires-exploitants. Nous aimerions que tout le monde gagne raisonnablement sa vie grâce aux activités des ports. Nous estimons qu'il est possible de parvenir à tout cela. La seule chose qui nous a interpellés dans le cas de ce protocole d'entente, c'est la façon dont il a été conclu et nous ne voulons absolument pas que cela se répète. Il existe d'autres façons d'y parvenir, notamment la tribune qui a été créée par le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial où il est possible d'avoir des échanges, et j'espère que la tribune permettra de régler ce genre de questions. Quoi qu'il en soit, pour autant que je sache, on ne discute actuellement pas du protocole d'entente et il n'y a pas non plus de négociation. Je ne sais pas, en revanche, ce qui se passe du côté de la tribune. Je ne sais même pas quel est son rôle. S'il est établi que ce protocole d'entente ne sera pas prorogé, tout le monde dispose alors de quelques mois pour se réveiller et se dire qu'il vaudrait mieux commencer à négocier parce qu'il n'existe aucun mécanisme. C'est cela que nous voulons dire.
Le sénateur Eyton : Je vous dirai que vous ne pouvez pas vous permettre d'être un simple spectateur. C'est un enjeu très important exigeant des gens qu'ils fassent des représentations bien senties plutôt que d'attendre sur la touche que quelque chose se passe.
Le sénateur Zimmer : Monsieur Landry, je veux vous poser deux questions supplémentaires en prolongement de celles du sénateur Adams et du sénateur Mercer. Le sénateur Adams a parlé de la sécurité des véhicules et des infractions à cause de la drogue, mais ma question va porter sur les infractions au code de la route. Je suppose qu'un transporteur pourrait perdre sa licence si un chauffeur commettait des infractions au code. Il pourrait être tentant pour un transporteur de ne pas communiquer ce genre d'information aux autorités, précisément à cause de la pénurie de personnel. Existe-t-il des systèmes destinés à s'assurer que les transporteurs signalent les chauffeurs ayant commis des infractions à répétition et qui sont alors repris en formation, et sont-ils assez honnêtes et dignes de foi pour vous dire que leurs chauffeurs ont perdu leur permis? Quelle garantie avez-vous que des transporteurs n'emploient pas des chauffeurs à qui on a retiré le permis de conduire?
M. Landry : Tout d'abord, il n'est pas difficile de faire le lien entre une compagnie de camionnage et un chauffeur. Les infractions commises par les routiers sont arrimées au dossier du code canadien de sécurité concernant le transporteur, dossier qui est mis à la disposition de toutes les provinces et de tous les territoires. Ce système fonctionne plutôt bien et il est difficile pour un chauffeur d'échapper aux conséquences de ces infractions. Ça l'est d'ailleurs tout autant pour le transporteur.
Pour ce qui est des chauffeurs à qui on a retiré le permis de conduire, la question est un peu plus délicate, notamment à cause du délai d'inscription de ce genre de renseignement dans les dossiers publics. La loi oblige les transporteurs à vérifier le dossier de chaque chauffeur au moins une fois par an, mais beaucoup n'ont pas la possibilité de le faire ou passent à côté de l'occasion de constater qu'un chauffeur a perdu son permis de conduire dans une autre province ou un autre territoire. Nous incitons nos membres à consulter ce genre de dossier plus souvent qu'une fois par an, mais les délais nécessaires à la consignation de ce genre d'information peuvent poser problème.
Le sénateur Zimmer : Le sénateur Mercer a soulevé la question de la diminution de la vitesse sur les routes, de même que de la réduction de la consommation et des émissions polluantes. De quelle vitesse parle-t-on? Je suis certain que ça n'est pas 80 ou 90 milles par heure. Vous songez davantage à une fourchette se situant entre 50 et 60 milles par heure, parce que le chauffeur qui roulerait moins vite ne le ferait pas en dernière vitesse, qu'il consommerait davantage de carburant et donc qu'il polluerait plus.
M. Landry : Nous avons recommandé 105 kilomètres par heure aux gouvernements fédéral et provincial. Il s'agirait- là d'une vitesse maximale qui serait contrôlée grâce à un mouchard informatique placé à bord des camions.
Le sénateur Zimmer : Bien, parce que, si on se retrouve derrière un camion le long de la Transcanadienne entre Winnipeg et Ottawa, on risque d'y passer des journées entières et je pense que cette vitesse est sans doute bonne.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Landry, pour votre contribution à notre étude et sachez que nous avons apprécié votre présence parmi nous.
La séance est levée.