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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 10 - Témoignages du 28 mars 2007


OTTAWA, le mercredi 28 mars 2007

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 18 h 15 afin d'examiner, pour en faire rapport, les objectifs, le fonctionnement et le mode de gouvernance du Fonds canadien de télévision.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Nous accueillons aujourd'hui nos témoins Ken Stein, premier vice-président de Shaw Communications Inc. et Cynthia Rathwell, vice-présidente, Affaires réglementaires, Star Choice Communications Inc.

Bienvenue au comité. La parole est à vous.

Ken Stein, premier vice-président, Affaires corporatives et réglementaires, Shaw Communications, Inc. : Nous avons le plaisir de présenter notre point de vue sur le Fonds canadien de télévision. Son mode de gouvernance et ses dépenses de 2,3 milliards de dollars au cours des cinq dernières années posent, à notre avis, des problèmes graves. En septembre, Shaw a suspendu ses paiements en attendant que des mesures soient prises à la suite de notre demande d'une réforme en profondeur. Nous avons écrit à la ministre du Patrimoine canadien chargée du Fonds et nous l'avons rencontrée, afin d'exposer nos préoccupations et les mesures que nous avons prises. Nous avons également rencontré les représentants du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, afin d'exposer nos préoccupations. En février, nous avons repris nos versements après avoir reçu l'assurance que nos préoccupations seraient enfin sérieusement prises en considération. Par la suite, le CRTC a annoncé qu'il créerait un groupe de travail afin d'examiner les changements qu'il pourrait s'avérer nécessaire d'apporter au financement de la programmation canadienne. La création du groupe de travail du CRTC nous paraît être une démarche positive. La gouvernance et le rendement du Fonds nous paraissent être des éléments cruciaux, compte tenu des défis sans précédent de la concurrence sur le marché mondial des médias numériques. En tant que pays, nous devons définir quelle est la meilleure manière de s'assurer que les Canadiens qui disposent d'un choix et d'un accès illimité au contenu, puissent bénéficier d'une programmation canadienne de haute qualité. Dans un marché mondial du divertissement où la concurrence est vive, la programmation canadienne ne sera pertinente que dans la mesure où elle visera à satisfaire les goûts et les demandes des téléspectateurs, plutôt qu'à respecter un quota ou maximiser la capacité du producteur à accéder à des subventions. Les nouveaux produits doivent être le résultat de la demande des consommateurs et non pas de la réglementation.

Au cours des cinq dernières années, nous avons demandé à plusieurs reprises d'apporter des changements au Fonds. Ces demandes ont été continuellement rejetées et on nous a demandé de patienter en attendant la possibilité de changements à venir. Finalement, nous avons décidé que le moment d'agir était venu.

Plus précisément, nous ne pouvions pas nous acquitter correctement de nos responsabilités à l'égard de nos actionnaires dans une situation qui avait tout l'air d'une taxation sans représentation. De plus, nous estimons que le Fonds utilise des dizaines de millions de dollars de manière inefficiente pour offrir en contrepartie une valeur très faible aux téléspectateurs canadiens. C'est un terrible gâchis d'un actif canadien. Les mesures prises par Shaw sont légales. Puisque nos demandes n'ont pas été entendues, nous avons envisagé un recours légal et nous avons décidé d'aller dans ce sens. Nous présentons au CRTC des recommandations proposant une meilleure façon d'offrir une programmation canadienne de haute qualité à nos clients.

Les entreprises canadiennes de radiodiffusion par câble et par satellite sont en faveur d'une programmation canadienne de haute qualité. Les Canadiens réclament une programmation canadienne de haute qualité. Si la programmation canadienne n'est pas populaire, les consommateurs seront moins fidèles aux services de câblodistribution et de radiodiffusion directe par satellite que nous offrons en vertu de la licence qui nous a été octroyée. Les téléspectateurs se détourneront de notre système de radiodiffusion et des ressources nationales précieuses auront été gaspillées.

Cynthia Rathwell, vice-présidente, Affaires réglementaires, Star Choice Communications, Inc. : Les grands problèmes sont le mauvais rendement et l'iniquité. On nous a dit à plusieurs reprises que le financement est à l'origine de 23 000 heures d'émissions canadiennes. À part répéter les statistiques et citer quatre ou cinq émissions qu'il appuie, le Fonds n'explique pas comment ni même s'il mesure sa capacité à appuyer une programmation canadienne de haute qualité. Il est évident que les Canadiens méritent de savoir s'ils ont obtenu une valeur quelconque en contrepartie des dépenses de 2,5 milliards de dollars en provenance de leurs contributions. Le Fonds n'est pas tenu de rendre des comptes aux cotisants privés qui fournissent plus de la moitié de son budget. L'an dernier, Shaw a versé 44 millions de dollars au Fonds mais ne dispose que d'un siège au conseil d'administration. Le gouvernement, de son côté, verse 100 millions de dollars et dispose de cinq sièges. Au total, les cotisants privés ne disposaient que de quatre sièges sur 20. Le Fonds n'accorde globalement aux cotisants privés qu'une voix insuffisante, même si la production de la programmation canadienne est destinée en bout de ligne à leur clientèle. Au mieux, on pourrait qualifier cette situation de négligente. En revanche, le gouvernement dispose d'une entente officielle de contribution qui lie son apport financier à des exigences opérationnelles précises.

Pour ce qui est du rendement, nous savons pertinemment que si le Fonds a dépensé 2,3 milliards de dollars, le nombre de téléspectateurs des émissions canadiennes n'a pas augmenté. En outre, le financement du FCT n'a pas entraîné comme prévu une augmentation des investissements du secteur privé. Les radiodiffuseurs privés consacrent actuellement plus de crédits à la programmation non canadienne qu'aux émissions canadiennes. Par exemple, en 2005, les radiodiffuseurs privés ont bénéficié d'augmentations de 20 millions de dollars du financement du FCT alors que leurs propres dépenses consacrées à la programmation canadienne ont diminué de 21 millions de dollars. Voilà un traitement injuste pour la population canadienne. Les avantages nets que les abonnés canadiens à la câblodiffusion et à la radiodiffusion par satellite retirent du Fonds sont négatifs. Les radiodiffuseurs et les créateurs d'émissions ne sont pas incités à investir dans la programmation canadienne. Tout compte fait, les contributions au FCT contraignent nos clients à subventionner les grands services de programmation qui ont les moyens de financer eux-mêmes leurs activités de programmation. Ils continuent à trouver l'argent nécessaire pour financer de plus en plus des programmations non canadiennes.

M. Stein : Enfin, nous remettons en question l'équité du modèle de financement. Si nous pouvons contribuer au Fonds, c'est que nous avons bâti une entreprise florissante qui dessert 3,1 millions d'abonnés canadiens au câble et à la télévision par satellite. Nous avons investi, à grands frais, dans une infrastructure de niveau mondial pour offrir le plus grand choix possible à nos 3,1 millions de clients au Canada. Shaw a créé des services spécialisés canadiens extrêmement rentables et offre des émissions en haute définition et autres services de pointe. Citons par exemple les boîtiers de décodage qui permettent à nos clients de pouvoir continuer à recevoir les signaux télévisés tout en se prévalant d'autres services numériques efficients tels qu'Internet et les services de téléphone numérique.

Pendant ce temps, il y a des radiodiffuseurs qui se livrent à des fusions de plusieurs milliards de dollars ou qui reçoivent d'importants crédits parlementaires, tout en se plaignant de n'avoir pas les moyens d'offrir un contenu canadien. Ils reçoivent déjà 500 millions de dollars par an directement de nous, de Shaw, en paiements d'affiliation qui, dans une large mesure, sont garantis, étant donné que les services de programmation bénéficient de la distribution obligatoire. Bon nombre de ces services, comme les services en français dans l'Ouest et des services comme Book Television, Issue ou d'autres, ne sont même pas populaires auprès de nos clients. Pourtant, nous devons continuer à les distribuer et à les payer. Les câblodistributeurs et les compagnies de radiodiffusion par satellite payent indirectement et encore plus par l'intermédiaire du FCT, alors que leur engagement à l'égard de la programmation canadienne est à la baisse.

Nous avons également affaire à une industrie canadienne de la production qui est tellement habituée à recevoir des fonds que le comité permanent de la Chambre l'avait qualifiée de « château de cartes » entièrement dépendant du Fonds. Ce modèle reposant sur des subventions n'est ni équitable ni avantageux et ne peut être durable. Pour créer une industrie canadienne de la production télévisée viable et une programmation de haute qualité, il faut mettre en place une approche d'investissement plutôt qu'une approche de subvention de la télévision canadienne. Nous pensons qu'il est possible d'appliquer une approche privilégiant l'investissement en adoptant un régime de financement plus focalisé, équitable et assujetti à une obligation de rendre compte. Les téléspectateurs canadiens seraient beaucoup mieux servis par une telle approche que par une formule qui met l'accent sur la quantité plutôt que sur la qualité et qui place les intérêts commerciaux des radiodiffuseurs et des producteurs au-dessus de ceux des consommateurs.

En conclusion, nous réitérons l'engagement de Shaw à élaborer des mécanismes visant à encourager la production de contenu canadien de haute qualité. Nous avons joué un rôle clé dans la création du Fonds de production canadien. C'était notre idée. Nous avons l'intention d'être tout aussi constructifs en présentant des recommandations en vue de la réforme du financement de la production canadienne dans le but d'assurer la bonne marche du système canadien de radiodiffusion et de faire en sorte que nos clients obtiennent les émissions canadiennes de haute qualité qu'ils réclament et qu'ils méritent.

Merci de nous avoir invités à venir témoigner ce soir. Nous nous tenons à votre disposition pour répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup. Le 20 février, vous avez déclaré devant le Comité permanent du patrimoine canadien à la Chambre des communes que vous souhaitiez offrir un système plus équitable. Vous souhaitez mettre en place un mécanisme de financement qui soit indépendant et tenu de rendre des comptes aux personnes qui le financent. Pourtant, la nécessité d'atteindre des résultats mesurables est au cœur même de votre argument. D'après vous, le FCT n'est pas parvenu à mettre en place une industrie solide et autonome, qui soit en mesure de s'autofinancer. La lettre que vous avez fait parvenir au FCT le 20 décembre reflète cette préoccupation.

Notre marché est petit par rapport au marché américain. Nous nous démenons pour proposer de bonnes émissions de télévision qui seront populaires et suivies par les Canadiens. Au Québec, la production locale en français est de loin plus populaire que les émissions américaines ou étrangères. Au Canada anglais, certaines émissions canadiennes sont aussi extrêmement populaires. En revanche, les émissions canadiennes sont loin d'être aussi profitables que les émissions américaines. Pouvez-vous nous donner quelques exemples de mesures précises qui auraient votre appui en vue d'améliorer le rendement du FCT?

M. Stein : Je peux vous donner plusieurs réponses différentes. Premièrement, nous pensons qu'il est faux d'affirmer que les émissions canadiennes ne sont pas viables par elles-mêmes. Je suis membre du Fonds Shaw Rocket qui commandite des émissions pour enfants. Ces émissions sont les plus populaires produites par des Canadiens. Nous les exportons dans le monde entier. Elles sont extrêmement bien accueillies en Allemagne, en Australie, en France, et cetera. Le Fonds Shaw Rocket nous permet d'imaginer des moyens de mieux faire connaître les émissions canadiennes dans le monde entier afin d'augmenter les exportations et de les vendre de manière plus profitable.

Grâce à notre succès, le Fonds canadien de télévision a réduit les dépenses qu'il consacrait à la programmation canadienne pour la jeunesse. Compte tenu des changements apportés par le CRTC à sa politique en 1999, les crédits actuellement consacrés à la programmation canadienne pour la jeunesse sont inférieurs de 30 p. 100 à leur niveau de 1999. Nous estimons que cette situation est totalement injuste et inéquitable.

On nous a dit également que cela est dû au fait que Shaw est propriétaire de YTV, services de programmation pour la jeunesse et cetera alors que ce n'est pas le cas. Cette entreprise appartient à CORUS qui est une compagnie de structure différente, bien que la famille Shaw y détienne une participation majoritaire. Les fonds du Fonds Shaw Rocket sont disponibles pour tous. CBC, TVA et toutes sortes d'autres entreprises y ont accès. Ils sont attribués en vertu de la qualité des propositions qui sont présentées. Ce fonds est présidé par Annabel Slaight qui se fera, j'en suis certain, un plaisir de venir vous parler de la programmation pour la jeunesse et de ses préoccupations à ce sujet. Nous pensons que ce fonds est un exemple. Notre pays serait beaucoup mieux à même d'élaborer ce type de programmation si nous étions en mesure de nous concentrer sur certains domaines particuliers.

Deuxièmement, nous avons des exemples de créateurs canadiens qui ont produit des émissions nord-américaines populaires. C'est le cas de CSI. Nous pensons que les Canadiens ont la capacité de le faire. Les capacités sont là. Le fait que nous n'ayons pas été en mesure de produire cette programmation reflète uniquement l'état des structures qui ont été mises en place pour tenter de le faire.

La présidente : Dans la lettre qu'il a adressée au FCT le 20 décembre, le PDG de Shaw Communications écrit ceci : « Nous croyions comprendre que, après la période initiale de cinq ans, le Fonds serait autonome et se financerait de lui- même grâce au rendement des investissements dans les productions ayant du succès. »

S'agissait-il d'une condition explicite? Existe-t-il des écrits à ce sujet?

M. Stein : Le Fonds a connu des changements en 1993. Si cette notion nous paraissait évidente, elle ne l'était pas probablement pour d'autres. Une partie du problème tient au fait que la nature des activités du Fonds n'est pas claire et que l'on ne sait pas exactement comment il finance la programmation. Nous pensions que l'engagement prendrait fin en même temps que les dépenses en capital. Cependant, rien de tout cela ne s'est produit. En 1996, le gouvernement l'a soustrait à la surveillance du CRTC et l'a placé sous le contrôle du ministère du Patrimoine canadien, le combinant avec d'autres mesures et financement, afin de créer ce qu'on appelle un partenariat entre le secteur public et le secteur privé. On nous a dit qu'il en serait ainsi et c'est ce qui est arrivé.

On nous a toujours dit que nous aurions la possibilité de participer et que des rapports feraient état des résultats obtenus, mais nous n'avons jamais rien reçu de satisfaisant. Le Fonds a probablement changé par rapport à ce qu'il était au début et par rapport à la perception qu'en avaient les autres intervenants du secteur de la câblodiffusion et de la distribution, à savoir que le Fonds devait être plus axé sur les investissements. Je ne suis pas certain que l'on puisse dire que c'était totalement le cas, mais il était clair qu'il était axé sur l'investissement plutôt que sur autre chose.

La présidente : Le système de production télévisée lui-même nécessite l'apport de fonds publics de la part du FCT pour demeurer indépendant. L'intervention du FCT a été déterminante dans la création d'un secteur de la production fort et indépendant au Canada. Quel est votre point de vue sur le secteur indépendant?

M. Stein : Il est important de disposer d'un secteur de radiodiffusion et de production solide. Nous pensons qu'il faut laisser au marché le soin de déterminer l'évolution de ce secteur. Nous en avons parlé avec d'autres intervenants. Des entreprises comme Quebecor ont leur point de vue sur les critères de création de ce secteur. Nous pensons quant à nous qu'un ministère de la production indépendante est un élément important. Nous voulons disposer d'une plus grande indépendance pour autoriser l'émergence d'un esprit d'entreprise et d'idées pour la création de nouveaux types de programmation. Par ailleurs, nous ne pensons pas que les radiodiffuseurs devraient négliger eux non plus leurs responsabilités.

La présidente : Les représentants de CBC et d'autres intervenants du secteur de la télévision ont indiqué au comité que le Fonds canadien de télévision avait contribué à plus d'un titre à renforcer les émissions de télévision produites au Canada et à assurer la diversité.

Le Fonds doit bien avoir des cotés positifs et offrir de bons résultats dans certains secteurs. Quelles sont les émissions financées par le FCT au Canada anglais que vous pourriez qualifier de succès auprès du public? Avez-vous des exemples en tête? Est-ce trop vous demander?

M. Stein : Il me paraît ironique de dire d'un même souffle que le Fonds a connu certains succès tout en le décrivant comme un château de cartes. Leur perception de l'industrie est peut-être différente de la nôtre. Nous considérons l'industrie comme un secteur prospère et autonome, capable de créer des emplois, une industrie en croissance et concurrentielle.

Je suis le président de CPAC. Nous gérons CPAC de façon efficace, efficiente et responsable. Nous n'avons de secret pour personne. Nous négocions des ententes. Nous ouvrons nos livres à ceux qui nous demandent comment nous procédons. Ils peuvent venir voir sur place comment nous fonctionnons. Cela ne nous pose aucun problème. C'est une émission d'intérêt public qui est financée et dont les fonds sont distribués adéquatement. En revanche, il ne me paraît pas normal d'investir de l'argent dans une structure sans avoir aucune représentation ni entente, ni sans savoir à quoi sert cet argent, ce qu'il finance, ni comment il est géré.

La part d'écoute, voilà justement la question. Depuis dix ans, le comité permanent a produit des résultats d'écoute que nous avons fait analyser. On nous a dit que l'on disposait seulement d'une année de résultats d'écoute, sans points de comparaison.

Lorsque les représentants de la CBC ont témoigné devant le comité permanent, ils ont présenté un tableau exposant leurs résultats d'écoute. Il est intéressant de noter que l'on ne mentionne que quatre émissions qui sont toutes des émissions de CBC. À notre point de vue, le public finance déjà la CBC. Nous reconnaissons que ces émissions sont extrêmement populaires et réussies et qu'elles devraient être conservées.

Comme l'a dit Robert Rabinovitch au dernier comité permanent ou publiquement, le gouvernement devrait préciser les crédits dont la CBC a besoin pour remplir sa mission et lui confier ces crédits. C'est le rôle du gouvernement de financer un hôpital, la CBC ou l'éducation et nous appuyons ce rôle.

D'après les témoignages présentés par les radiodiffuseurs privés et la CBC, les deux seules émissions financées par le FCT à l'heure de grande écoute au cours d'une certaine semaine étaient présentées à 22 heures le dimanche soir, à l'heure du hockey. Une d'entre elles était l'émission intitulée Whistler et je ne me souviens plus de l'autre. Nous avons vérifié les parts d'écoute. Une des émissions avait attiré 173 000 téléspectateurs et l'autre 141 000. Ce sont des chiffres ridicules. Pourquoi dépensons-nous 2,2 milliards de dollars pour attirer 173 000 et 141 000 téléspectateurs? Nous avons comparé ces chiffres à deux éléments. Les dépenses consacrées à la programmation canadienne sont restées les mêmes au cours des cinq dernières années. Il n'y a eu aucune augmentation dans le secteur de la programmation canadienne. En matière de programmation étrangère, les dépenses ont augmenté de 25 ou 40 p. 100. Nous pensons que ce fonds est une subvention pour permettre aux radiodiffuseurs de se procurer des émissions étrangères. Nous estimons qu'il s'agit d'un jeu de gobelets. Nous voulions des réponses et nous continuons à les exiger.

Le sénateur Tkachuk : Monsieur Stein et madame Rathwell, je vous remercie pour les exposés que vous avez présentés. Je conviens avec vous que l'objectif est de créer un système de production fort et indépendant qui ne soit pas tributaire des subventions gouvernementales. D'après moi, un simple raisonnement économique nous montre que plus nous injectons d'argent dans le système, moins il est nécessaire d'en trouver ailleurs et c'est exactement ce qui se passe. Le seul problème avec les subventions, c'est que ceux qui les reçoivent s'y habituent et qu'il est pratiquement impossible de faire cesser cette dépendance.

Je ne sais pas exactement comment le FCT a commencé. Mes collègues sénateurs pourront peut-être me rafraîchir la mémoire sur ce qui s'est passé depuis quelque temps, puisque nous avons eu un arrêt de deux semaines. Je sais que la CBC nous a dit que ce fonds ne représentait pas vraiment l'argent des câblodistributeurs. Ces crédits ont été alloués à la suite d'une demande présentée en raison de l'augmentation des dépenses en capital. Le gouvernement a accepté de financer ces dépenses en capital et s'est même montré plus généreux, à condition que cet argent passe par le Fonds. C'est, je crois, à peu près ce que nous ont dit les représentants du FCT et de la CBC.

D'où exactement provient l'argent versé dans le Fonds par les câblodistributeurs? Est-ce votre argent ou est-ce une taxe imposée par le gouvernement fédéral? S'il s'agit d'une taxe, ce sont les consommateurs qui payent. Quel est le rôle des câblodistributeurs dans ce financement?

M. Stein : Tout d'abord, il s'agit bien d'une taxe. On la présente de diverses façons, mais c'est une taxe. Il n'y a aucun doute là-dessus. C'est une taxe payée par les consommateurs canadiens. C'est leur argent. Nous avons proposé de remettre cet argent aux consommateurs.

Lorsque cette entente a été conclue en 1993, la situation était compliquée, parce que des dispositions concernant les dépenses en capital étaient en place. Puisque j'étais président de l'association des câblodistributeurs, je suis en mesure de parler des arguments que nous avions présentés à l'époque. Selon notre proposition, un investissement nous paraissait dorénavant nécessaire puisque nous étions en train d'installer la technologie de la fibre optique et les services interactifs. Vidéotron était solide, Videoway aussi et l'adressabilité et d'autres aspects étaient à l'ordre du jour. Nous savions que nous nous dirigions vers l'ère de l'Internet, mais nous ne savions pas que nous y étions déjà. Nous étions conscients de la nécessité de faire ce type d'investissement. Parallèlement, nous avions insisté sur la nécessité d'investir dans le contenu. Je crois que c'était à l'initiative de J.R. Shaw.

Selon la proposition présentée, l'investissement devait être de 50-50 et prévoyait un montant discrétionnaire. Les câblodistributeurs pouvaient faire un choix. S'ils décidaient de conserver l'argent pour l'investir sous forme de dépenses en capital, ils devaient en remettre la moitié à ce fonds de production, mais ils pouvaient également le remettre aux consommateurs. Voilà quelle était la proposition.

Le CRTC a décidé de rejeter toute décision volontaire ou discrétionnaire et exigé que, dorénavant, aucun changement ne serait apporté aux dépenses en capital prévues dans la base et qu'il y aurait une contribution au Fonds.

Le sénateur Tkachuk : Une fois qu'ils avaient mis la main dessus, c'était fini.

M. Stein : Oui; en 1996, il y a eu un changement. Il y a sans doute eu des pourparlers entre le ministère et le CRTC, étant donné que le Conseil a décidé de placer ce fonds sous la responsabilité du ministère du Patrimoine canadien et d'imposer un prélèvement de 5 p. 100 sur les recettes brutes de toutes les entreprises de radiodiffusion par câble ou par satellite. Voilà les changements qu'a subis le Fonds.

Pour le moment, l'industrie du câble n'en tire aucun avantage. Il n'est pas question ici de notre argent, mais de celui des consommateurs. Nous payons déjà les services de programmation. Notre société débourse 500 millions de dollars par an pour les services que nous recevons des services canadiens de programmation.

Il est simpliste et faux d'affirmer qu'il s'agit là de montants d'argent encaissés par les câblodistributeurs. Ce n'est absolument pas le cas. Cet argent se trouvait déjà dans la base.

Comme l'avait dit M. Shaw lors des audiences, ce n'était pas une bonne affaire. Aujourd'hui, ce n'est toujours pas une bonne affaire. Nous avions proposé de remettre cet argent aux consommateurs. Lorsque nous avons suspendu nos paiements, nous avons conservé l'argent, nous l'avons fait fructifier et nous avons dit clairement que nous souhaitions le remettre aux consommateurs.

Le sénateur Tkachuk : Je me souviens des 500 millions de dollars dont vous parlez. Vous êtes affiliés à une des compagnies de programmation que je contribue à financer.

M. Stein : Ce sont toutes des sociétés florissantes.

Le sénateur Tkachuk : Elle a un bureau à Toronto et chaque mois, cette société reçoit un chèque qui était censé être investi dans une programmation canadienne de qualité. Avec l'avènement du câble et toutes les chaînes qui nous sont proposées, je dois m'abonner à un forfait regroupant plusieurs émissions plutôt que de choisir celles que je veux regarder, afin que l'argent ainsi recueilli soit investi dans la programmation canadienne.

À mon avis, tout cet argent n'est pas investi dans la programmation canadienne, mais va plutôt directement dans les poches des responsables des services de programmation qui ont, à mon avis, l'audace de se présenter devant le CRTC pour réclamer une licence de câblodistribution, l'obtiennent et perçoivent chaque mois l'argent de leurs abonnés canadiens qui, pour la plupart, n'ont pas d'autre choix que de payer. Et en attendant, il n'y a pas de programmation. Qu'est-ce qui arrive à ces 500 millions de dollars? Est-ce qu'ils vont entièrement dans les poches des dirigeants de Toronto? À l'origine, cet argent était censé profiter à l'ensemble de la population canadienne.

M. Stein : Je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi la question.

Le sénateur Tkachuk : Si tout cet argent revient aux entreprises de programmation que vous distribuez, on devrait assister actuellement à d'énormes investissements dans la programmation canadienne. Je ne pense pas que ce soit le cas.

M. Stein : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Tout d'abord, nous devons distribuer tous les services qui sont couverts par une licence.

Le sénateur Tkachuk : Je comprends.

M. Stein : C'est un fait incontournable. Ensuite, nous devons payer un certain nombre de services, que les abonnés s'en prévalent ou non. Ces services n'atteignent peut-être jamais les abonnés, mais nous devons malgré tout en assumer les coûts.

Nous avions espéré que la technologie numérique nous permettrait de donner plus de choix aux consommateurs. C'est ce qu'a fait Shaw. Nous proposons des forfaits à la carte à nos abonnés des services numériques. Près de 30 p. 100 de nos abonnés peuvent ainsi choisir les services qui les intéressent. Nous ne proposons pas cette formule dans le cas des services analogiques. Nous offrons ces services plus traditionnels sous forme de forfaits. Le Conseil nous contraint à offrir des forfaits.

Depuis deux ans, le CRTC a adopté une politique concernant le numérique exigeant que les services offerts sous format analogique soient également offerts sous format numérique dans des forfaits, alors que nous vivons actuellement dans l'ère nouvelle du numérique et que les consommateurs peuvent choisir les services qu'ils désirent obtenir et payer en conséquence. Nous n'approuvons pas cette approche, mais c'est la politique.

Le résultat, ce n'est pas un système qui donne le choix aux consommateurs; c'est un système qui garantit des recettes aux concepteurs d'émissions. Nous n'approuvons pas ce système, mais nous devons le subir.

Hier, à l'audience du CRTC sur les licences de services numériques présentés par les nouveaux demandeurs, Rogers a fait remarquer que huit Canadiens sur dix estiment qu'ils n'ont pas suffisamment de choix. Les consommateurs veulent choisir les services de télévision qu'ils reçoivent et n'ont pas actuellement l'impression de pouvoir le faire. C'est tout à fait logique. La plainte que nous recevons le plus souvent de la part de nos consommateurs est la suivante : Lorsque je vais au magasin pour acheter le magazine Time, je ne suis pas obligé d'acheter en même temps la revue Maclean's. Pourquoi dois-je acheter d'autres services alors qu'il n'y a qu'un seul qui m'intéresse?

Le sénateur Tkachuk : Je suis d'accord. Je vous pose la question puisque vous êtes ici. Il n'y a pas vraiment de lien avec le FCT, mais j'ai voulu vous poser cette question aux fins du compte rendu.

M. Stein : Toutes ces choses sont liées.

Le sénateur Tkachuk : Vous avez délibéré, bien entendu, et vous êtes passés à l'action. Vous avez retenu l'argent. Comment avez-vous envisagé de modifier le mode de gouvernance du FCT et la façon dont il dirige ses affaires et appuie le système? Au cours de vos discussions, vous avez bien dû définir ce qu'une compagnie de câblodistribution comme la vôtre souhaitait dans un monde idéal. Quelles sont exactement les raisons qui vous ont amenés à opter pour cette action?

M. Stein : Je peux vous en parler de manière générale, parce qu'il y a un groupe de travail au CRTC. Cependant, nous ne l'avons pas encore rencontré. Je crois qu'ils essaient d'obtenir un consensus. Nous voulons ouvrir une telle discussion.

De manière générale, nous estimons que les bénéficiaires d'un fonds ne devraient pas siéger au conseil d'administration de celui-ci. Le conseil d'administration d'un fonds chargé d'établir une industrie devrait mettre l'accent sur l'investissement. Il devrait concentrer toute son énergie sur la manière de bâtir cette industrie. Les administrateurs devraient être les représentants des consommateurs et des distributeurs qui contribuent au fonds, plutôt que ses bénéficiaires. Et les administrateurs devraient mettre l'accent sur l'investissement.

Deuxièmement, comme c'est le cas pour toute autre industrie, nous sommes convaincus que plus le Fonds sera axé sur l'investissement et plus il sera fort pour les Canadiens.

Il m'arrive d'aller à l'hôtel avec mes enfants. Quand ils entrent dans la chambre, ils n'allument pas la télévision. Ils ont avec eux leur ordinateur portatif et ils cherchent la prise de connexion pour Internet à haute vitesse. Je ne vous parle pas de l'avenir, mais d'aujourd'hui. Mes enfants consultent les sites MySpace et YouTube et font du clavardage. C'est vers là que se dirige le système. Il est décevant de constater que les entreprises canadiennes n'en font pas assez pour garantir le contenu canadien. Nous estimons que cela est imputable au fait que le système est trop protégé et subventionné. Une façon de le renforcer est de mettre l'accent sur l'investissement. Voilà quel est notre point de vue au sujet du FCT.

Nous verrons ce qui sortira des discussions.

Le sénateur Dawson : Pour commencer, je crois que le comité reconnaît qu'il est nécessaire d'examiner l'absence d'obligation de rendre compte, le mauvais rendement et l'iniquité. C'est la raison pour laquelle nous tenons ces audiences. À ce sujet, je pense que vous pouvez compter sur mon soutien.

Cependant, mon soutien s'arrête là. Lorsque les distributeurs demandent des licences et les obtiennent, ils sont mis au courant des restrictions concernant ce qu'ils peuvent et doivent faire, y compris en ce qui a trait à la télévision en langue française dans l'Ouest. Je suis furieux de constater que certains titulaires de licence considèrent qu'il s'agit là d'un moyen de se remplir les poches. Or, cette licence vous a été accordée à vous plutôt qu'à quelqu'un d'autre. Ces licences n'ont pas été imposées aux pauvres câblodistributeurs afin de les obliger à appuyer les industries culturelles du Canada. Ils présentent cette exigence comme un fardeau alors que, sans cette licence, ils n'auraient pas pu faire de tels profits.

D'après ce qu'on nous a dit, vous étiez censés réduire vos coûts. L'entente conclue entre le gouvernement, le CRTC et vous, prévoyait qu'une partie de vos recettes servirait à appuyer la programmation canadienne qui, à mon sens, mérite d'être encouragée. Vous pouvez affirmer que beaucoup de ces services, notamment les services en français dans l'Ouest, ne sont pas populaires, et pourtant, vous devez les proposer et en assumer les coûts.

Lorsque Shaw a demandé une licence, la compagnie connaissait bien les conditions canadiennes : obligation d'appuyer la culture, la programmation locale et la télévision de langue française. Franchement, je trouve plutôt insultant de vous entendre dire que cette condition vous surprend.

Cela étant dit, vous avez mentionné également que vous étiez les créateurs du Fonds. Pouvez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?

M. Stein : Tout d'abord, nous ne voulions insulter personne et notre intention n'était pas de pointer précisément les émissions de langue française.

Le sénateur Dawson : Vous l'avez écrit dans votre document.

M. Stein : Ce n'était pas une erreur, mais je l'ai mentionné en pesant bien mes mots et de manière réfléchie. Le problème est que la loi nous oblige à offrir ces services dans toutes les régions du pays. Nous ne pouvons échapper à cette obligation. Lorsque nous offrons un choix aux consommateurs, dans le cas des services numériques — je parle des services numériques de langue française — et que ces services n'intéressent personne, nous nous posons la question : pourquoi continuer à offrir ces services? C'est une autre étape. Il n'est pas question ici des services de Radio-Canada, TVA ou de certains autres services de langue française, mais de l'obligation d'offrir la totalité des services, même lorsque la demande n'est pas là. Voilà l'argument que nous tentons de faire valoir. Nous ne voulons blesser personne en soulevant cette question. Si vous le prenez de cette manière, c'est que vous ne nous avez pas bien compris. Si nous n'osons pas soulever ce genre de questions, c'est qu'il y a un problème, parce que nous souhaitons offrir de nombreux services à nos clients. Nous sommes prêts à en discuter à l'échelle nationale. J'espère que vous ne vous sentirez pas insulté.

Le sénateur Dawson : Je comprends. Mes enfants sont comme les vôtres. Ils utilisent probablement plus Internet que la câblodiffusion. À l'origine, les utilisateurs du câble n'ont pas demandé ce service pour se brancher à Internet. La réalité est que ce service est désormais pour vous un produit lucratif. C'est une licence qu'on ne vous a pas forcés à accepter mais que l'on vous a accordée puisque vous en aviez fait la demande. Cette licence était assortie de restrictions et d'exigences concernant le contenu. Encore une fois, je suis surpris que vous vouliez vous soustraire à ces obligations maintenant que vous avez la licence de câblodistribution. Je pense que cette obligation fait partie intégrante de la relation historique entre l'industrie de la câblodistribution au Canada, le gouvernement et le CRTC. Votre responsabilité consiste entre autres à assumer cette obligation.

Affirmer que les progrès techniques font en sorte que vos abonnés consultent désormais les sites MySpace ou YouTube et que cela vous libère par conséquent de vos obligations, c'est oublier que l'on ne vous a pas contraints d'accepter cette licence. D'ailleurs, cette licence vous permet de nos jours de faire encore plus de recettes, puisqu'à part la connexion par câble, vous n'avez aucun autre produit à fournir.

Même si nous comprenons — comme je l'ai dit au début — que vous ayez de bonnes raisons de vous plaindre du Fonds, je pense que certains se plaignent en oubliant comment ils ont obtenu cette licence qui leur permet de faire des profits.

M. Stein : Nous considérons la licence de câblodistribution comme un permis de dépenser.

Le sénateur Dawson : Si vous considérez votre contribution au Fonds comme un impôt indirect, je pense que les contribuables vous font aussi gagner de l'argent; vous devez les taxer pour un service que nous vous avons offert.

M. Stein : Je n'ai rien contre les taxes, mais s'il s'agit d'une taxe, il faut que ce soit clairement dit et que ce soit fait correctement. Or, nous pensons que ce n'est pas le cas et c'est là, à notre avis, un des grands problèmes.

Les câblodistributeurs n'ont pas un monopole. Le gouvernement libéral y a mis fin en 1994-1995. Auparavant, le câble était le moyen de distribution privilégié. Lorsqu'un câblodistributeur obtenait une licence, il devenait le distributeur privilégié de la région où il exerçait et personne ne pouvait l'en déloger.

À Winnipeg, sénateur Dawson, nous avons six concurrents. Deux d'entre eux sont illégaux et ni le gouvernement du Canada, ni le Parlement du Canada n'ont rien fait pour nous protéger, contrairement à ce qui s'est passé aux États- Unis où le gouvernement américain et le Congrès ont pris des mesures de protection contre le piratage et le vol des signaux.

Notre réseau Star Choice compte 870 000 abonnés. Les antennes paraboliques du marché noir sont de plus en plus nombreuses au pays, et pourtant personne ne prend de mesures pour nous protéger. Nous nous inquiétons du nombre de gens qui se tournent vers le marché noir pour capter les émissions d'ESPN et autres. Winnipeg est probablement le marché le plus concurrentiel du monde en matière de services de télévision, mais la concurrence est vive sur tous les marchés. La situation a changé lorsque le gouvernement du Canada a demandé au CRTC, en 1995, d'autoriser la concurrence sur le marché, de délivrer des licences de diffusion par satellite sur une base concurrentielle. La situation a radicalement changé lorsque ces mesures ont été mises en place.

Il est bien fini le temps où nous disposions d'un bon petit système de distribution bien protégé. Nous devons affronter la concurrence et nous avons relevé le défi. C'est ce que nous pensons. Dans notre exposé, j'ai dit que nous avons toujours ces obligations en tant que distributeurs. Nous les avons acceptées et nous nous en acquittons. Nous avons l'impression d'offrir un bon service, nous avons offert Internet.

Pendant un moment, nous avons eu plus d'abonnés à Internet à haute vitesse à Fort McMurray que AT&T à San Francisco. Nous avons relevé le défi et nous avons fait les investissements nécessaires afin d'offrir le service dans les petites localités. Nous fournissons ces services.

Nous ne pensons pas que l'industrie canadienne de la radiodiffusion et des services de programmation a fait son travail. Nous ne pensons pas qu'elle a produit le type de contenu canadien correspondant aux attentes des consommateurs canadiens. Tant qu'à dépenser 2,5 milliards de dollars, nous voulons nous assurer que le résultat est satisfaisant.

Lorsqu'on soulève une question, comme ce brave homme qui a poursuivi la Société des loteries de l'Ontario, on s'attend à ce que les gens cherchent à protéger leurs intérêts; mais nous décidons de contester. Nous essayons d'attirer l'attention depuis cinq ans. Nous avons examiné les règles et la loi; nous avons consulté tous nos avocats afin de leur demander ce que nous pouvions faire pour attirer l'attention sur cette question. Ils nous ont répondu que l'on n'est pas tenu de faire des versements mensuels. Par conséquent, nous avons retenu un paiement et nous avons attiré l'attention sur nos préoccupations.

C'est tout ce que nous tentons de faire. Nous voulons régler le problème. Nous sommes décidés à trouver une solution positive.

On peut nous rappeler que nous sommes des câblodistributeurs et que nous avons des obligations à respecter. C'est très bien. Nous respecterons toutes nos obligations. Nous voulons tout simplement nous assurer que tous les intervenants respecteront aussi les leurs.

Le sénateur Eyton : Vous êtes critique à l'égard du FCT. De quelle manière la société Shaw bénéficie-t-elle du FCT et de certains de ses investissements et activités?

M. Stein : Shaw ne reçoit aucun avantage direct de ses contributions au Fonds. Certains services de base reçoivent un financement pour YTV et certaines autres activités qu'ils entreprennent; mais Shaw et Star Choice ne reçoivent aucune part de ces fonds.

Le sénateur Eyton : Je suis abonné à Star Choice. Ce fournisseur ne reçoit-il rien du FCT?

M. Stein : Le FCT contribue aux services de programmation canadienne; beaucoup d'émissions sont partiellement financées par le FCT. À notre avis, vous payez déjà pour ces émissions, vous ne devriez pas avoir à payer deux fois. Une bonne partie de votre facture Star Choice sert déjà à financer ces services de programmation.

Le sénateur Eyton : Vos critiques sont très éloquentes. Mais je ne peux m'empêcher de constater que vous êtes seul et démuni. Quebecor était de votre côté pendant un certain temps, mais vous êtes le seul désormais à réclamer l'équité et l'obligation de rendre compte. Où sont tous vos autres partenaires?

M. Stein : Où sont les autres? Je ne suis pas certain que Quebecor occupe actuellement une position différente de la nôtre. Quebecor a eu des entretiens et a été convaincu de reprendre ses versements plus tôt que nous l'avons fait. Cependant, nous avons fait la même chose finalement, après avoir examiné avec eux et d'autres intervenants la nécessité de changements.

Par ailleurs, Quebecor se trouve dans une situation différente en raison du marché qu'elle dessert et des intérêts qu'elle a. Il est curieux de vous entendre dire que nous sommes isolés. Nous recevons de nombreux appels de la part de personnes qui nous disent : « Continuez, vous êtes sur la bonne voie. » Nous les invitons à venir nous prêter main forte, mais elles soutiennent qu'elles ne peuvent pas le faire.

Certains réalisateurs de CBC et du secteur privé nous disent : « J'ai travaillé à la réalisation d'un film qui était une vraie perte de temps et qui n'aurait jamais dû voir le jour. » Voilà le genre de choses qu'on nous rapporte, mais les gens nous disent qu'ils ne peuvent pas s'exprimer.

Je crois que nous allons poursuivre notre action. Nous allons continuer à dialoguer avec le CRTC. Nous avons recommencé à faire nos versements. Nous n'avons jamais imaginé pouvoir cesser de faire nos versements, mais nous voulons rétablir l'équité. Nous voulons que Star Choice soit traité de manière plus équitable. Nous ne cesserons pas de réclamer plus d'équité.

Le sénateur Eyton : C'est très bien. Vous en avez fait un enjeu et vous l'avez exposé sur la place publique; maintenant, le CRTC a décidé de se livrer à un examen. J'ai l'impression que cet exercice se fera essentiellement en privé.

M. Stein : Non : Le CRTC a déclaré qu'il souhaitait apaiser les tensions et examiner la question de façon rationnelle; de rassembler les parties et d'entendre d'abord leurs points de vue. Ensuite, il effectuera la synthèse de ces points de vue afin de déterminer s'il est souhaitable d'aller de l'avant. Bien entendu, ce processus serait public. S'il n'y a pas de consensus, ce sera public.

Je n'ai pas du tout l'impression qu'il y a des ententes secrètes. Je pense qu'il faut féliciter Konrad Von Finkenstein ainsi que la ministre pour l'appui qu'elle lui a accordé dans cette initiative.

Le sénateur Eyton : Pensez-vous qu'ils ont fait le bon choix?

M. Stein : Oui, il est normal d'écouter les gens. Nous sommes tous habitués aux négociations. Généralement, il y a d'abord des négociations et ensuite, on met au point une solution en tenant compte de l'apport de chacun.

J'ai l'impression que le CRTC ne prendra aucune décision avant d'avoir entendu le point de vue de chacun. Nous nous donnons pour objectif de veiller à ce que le processus soit transparent.

Les gens se demandent ce qui a provoqué toute cette activité. Le tout a commencé lorsque nous avons installé un réseau de câblodistribution à Kenora où se trouve une station de radiodiffusion. Cette station est si précieuse que le CRTC lui accorde une valeur nulle, mais elle dessert la région de Kenora et de Lake of the Woods. Ceux d'entre vous qui sont de Winnipeg savent que Lake of the Woods est à peu près le plus bel endroit du monde. La station de télévision qui dessert cette région est extraordinaire, mais elle ne rapporte absolument rien. Cette année, nous avons examiné cette station de manière rigoureuse. Nous avons pensé qu'il serait possible d'améliorer son rendement et qu'elle pourrait produire l'équivalent d'environ 20 000 $. Cependant, le représentant de Shaw au conseil s'est fait sortir de la réunion, parce que Shaw est désormais un radiodiffuseur. Nous estimons que cette règle est ridicule car elle ferme le système. Ce sont des questions comme celles-là que nous voulons résoudre. Pourquoi les réunions du conseil d'administration ne seraient-elle pas l'occasion d'une discussion ouverte et publique sur les types de financement et les activités? Pourquoi empêcher les gens de s'informer à ce sujet? Nous ne comprenons pas cette attitude. Nous pensons que la transparence que l'on exige aujourd'hui de nous et de notre conseil d'administration, devrait également s'appliquer à eux. Aux États-Unis comme au Canada, nos activités sont soumises à une loi qui exige la transparence.

Le sénateur Eyton : Au cours de son examen, le CRTC se penchera sur l'usage qui est fait des contributions requises, sur leur application, sur la taille et la structure appropriées du conseil d'administration du FCT et sur les mécanismes visant à régler les conflits d'intérêts réels ou apparents. Pensez-vous que cet examen devra, ou devrait porter sur ce qui me paraît être les orientations politiques données au FCT? Elles sont complexes. Je ne veux pas les lire, car elles ont déjà été lues une fois aux fins du compte rendu. Je suppose que vous les connaissez. Il y en a neuf. Elles sont complexes et, d'une certaine manière, contradictoires. Certaines d'entre elles concernent des aspects que nous avons évoqués ici ce soir. Aussi, je vais vous les lire rapidement : la première directive demande d'appuyer la création d'émissions de télévision de grande qualité distinctement canadiennes dans les catégories des dramatiques, et cetera; la deuxième demande d'allouer un tiers de ses ressources financières aux émissions de langue française, et deux tiers aux émissions de langue anglaise; la troisième, d'appuyer la production d'émissions en langues autochtones; la quatrième, d'appuyer la production d'émissions produites par des producteurs francophones établis à l'extérieur du Québec; la cinquième, d'allouer 37 p. 100 de ses ressources financières à des émissions ayant obtenu une licence de la CBC/SRC; la sixième, de consacrer un pourcentage minimum de ses revenus au développement d'émissions de télévision; la septième, de s'assurer que les émissions qu'il soutient financièrement sont produites dans toutes les régions du pays de manière équitable, quel que soit le sens qu'il faille accorder à ce terme; la huitième, d'appuyer le doublage et le sous-titrage des émissions; et enfin, la dernière directive demande de mettre au point un mécanisme améliorant l'accès aux programmes du FCT par des émissions qui sont appuyées par des télédiffuseurs éducatifs. Cette liste offre un menu qui me paraît difficile à gérer dans n'importe quelle circonstance.

M. Stein : Absolument, je suis d'accord avec vous. Je crois que vous faites allusion ici aux principes qui ont permis d'établir l'entente de contribution conclue entre le gouvernement et le FCT; cela nous ramène à un de nos arguments. Nous faisons remarquer en effet que le gouvernement a assorti son financement d'une entente de contribution aux objectifs précis.

Le sénateur Eyton : Les notes que j'ai en main m'indiquent que ces informations ont été fournies par le FCT à sa récente comparution devant le Comité permanent de la Chambre des communes sur le patrimoine canadien. Par conséquent, c'est un ensemble de directives auxquelles le FCT croit. Avez-vous également l'intention d'aborder ce sujet? Si vous souhaitez une orientation claire et appropriée, elle doit être simple. Vous ne pouvez pas avoir 15 directives différentes, car elles ne vous mèneront pas dans la même direction.

Mme Rathwell : Sans entrer dans les détails des présentations que nous allons faire au CRTC, nous donnerons notre point de vue sur certaines de ces exigences, mais nous proposerons une approche fondamentale totalement différente. La liste que vous venez de présenter se rapporte à des types d'émissions qui méritent essentiellement notre appui. Le FCT a alloué des fonds à de nombreuses productions différentes d'émissions sans vérifier dans quelle mesure ces fonds ont profité au système canadien de radiodiffusion ou aux téléspectateurs canadiens. Je suis certaine que nous donnerons notre opinion sur plusieurs de ces exigences, mais je crois également que nos recommandations contiendront des suggestions fondamentales proposant différentes orientations à prendre en matière de financement.

Vous avez noté la description du mandat du groupe de travail défini par le CRTC. Il s'agit du premier paragraphe qui concerne l'utilisation générale des contributions. Nous l'interprétons dans un sens général afin de déterminer quelle devrait être l'utilisation de ces fonds, et non pas dans le sens restreint consistant à déterminer ce que les groupes devraient recevoir. Voilà sur quoi nous voulons essentiellement mettre l'accent.

Le sénateur Eyton : J'aimerais maintenant prendre un peu de temps pour examiner la légalité des droits imposés aux radiodiffuseurs. Je vous rappelle que les tribunaux ont établi que les droits imposés aux radiodiffuseurs en vertu de la partie II étaient, en fait, une taxe qui n'avait pas été approuvée par le Parlement. Je m'intéresse particulièrement à cette question, étant donné que je suis coprésident du Comité mixte permanent du Sénat et de la Chambre des communes sur l'examen de la réglementation. Depuis sept ou huit ans et peut-être même plus, notre comité a adopté un point de vue similaire. Désormais, les tribunaux sont parvenus à la même conclusion. En raison de ce jugement, le CRTC a perdu le pouvoir de percevoir ces droits. Est-ce que Shaw soutient que les contributions au FCT constituent une autre taxe non autorisée? Est-ce un aspect que vous avez envisagé avec vos avocats? Deuxièmement, si les tribunaux déterminaient que les contributions au FCT constituent une autre taxe non autorisée, quel autre moyen pourrait être utilisé pour financer le FCT?

M. Stein : Nous pensons qu'il s'agit d'une taxe, mais nous ne sommes pas en mesure pour le moment de préciser si elle est autorisée ou non autorisée.

Le sénateur Eyton : S'il s'agit d'une taxe, elle ne serait pas autorisée. S'il s'agit d'un droit, il n'y a rien à redire.

M. Stein : Ce sera une discussion intéressante.

Le sénateur Adams : Je regarde parfois les émissions autochtones, à Ottawa ou à Rankin Inlet. Vous avez mentionné l'interprétation des émissions autochtones. Je sais que la station de Winnipeg distribue des émissions autochtones. Est- ce qu'il s'agit également d'un service que vous offrez? Je sais que certaines émissions autochtones sont financées par la CBC.

M. Stein : Beaucoup de nos activités dans ce domaine relèvent plutôt du tronc de base dont le personnel connaît mieux les questions linguistiques.

Dans le cas de Star Choice, nous avons pris soin d'offrir notre service dans ces secteurs. Nous leur avons accordé notre priorité. Nous ne sommes pas insensibles à la question de la langue et nous appuyons les initiatives à ce sujet. Il est clair qu'il s'agit là d'un usage approprié de ce type de fonds. Ce sont des initiatives indispensables. Je ne suis pas un expert des questions de langue, mais par contre, notre personnel du tronc de base est sensible à cette question dans le cas des émissions pour la jeunesse.

Le sénateur Adams : Puisque vous parlez des émissions pour enfants, pouvez-vous me dire si vous êtes le seul radiodiffuseur au Canada à produire des émissions pour la jeunesse? Est-ce que d'autres radiodiffuseurs comme le Canadian Documentary Channel, CDC, en proposent également?

M. Stein : Nous ne produisons pas de telles émissions. Ce secteur de production est très florissant. À ce propos, la présidente a parlé un peu plus tôt de faire confiance aux producteurs indépendants. Or, justement, la plupart des émissions pour enfants sont produites avec succès par des producteurs indépendants. Leurs émissions connaissent un grand succès dans le monde entier. Elles ne sont pas produites par Shaw. Certaines sont peut-être réalisées par YTV, mais la plupart des émissions sont créées par des producteurs indépendants, y compris Degrassi High.

Le sénateur Adams : Êtes-vous le distributeur?

M. Stein : Oui.

Mme Rathwell : À titre d'information pour le sénateur Adams, Shaw participe directement à la création des émissions pour la jeunesse par l'intermédiaire du Fonds Shaw Rocket. Nous versons une partie de nos recettes à ce fonds. Nous sommes au courant de ce qui se fait à l'intention de la jeunesse, mais nous ne sommes pas producteurs du contenu. Il s'agit d'un autre fonds que nous appuyons.

M. Stein : Il y a quelques années, nous avons commencé à décerner les prix Shaw Rocket. Nous allons inviter tous les membres du comité à assister à la cérémonie de remise des prix à Toronto, dans quelques semaines. Notre façon de procéder est intéressante. Nous sélectionnons plusieurs émissions qui ne sont pas nécessairement des émissions qui ont bénéficié de l'appui du Fonds Shaw Rocket, même si la plupart d'entre elles bénéficient de notre soutien financier. Les jeunes répartis en différents groupes sont invités au centre consultatif des médias afin de s'initier au cinéma. Ils choisissent des émissions qui seront sélectionnées en vue des prix. Nous avons un jury international constitué de spécialistes provenant d'Australie, d'Europe et des États-Unis. Les jeunes viennent parler de ce qu'ils ont appris sur la médiatique et la production télévisée. De ce fait, nous produisons des émissions pour les jeunes et nous les initions également aux techniques de création audiovisuelle. Nous sommes fiers de cette initiative. La plupart du temps, le prix revient au système. Je sais que Degrassi High a tendance à rafler tous les prix, mais ses producteurs ont financé un certain nombre d'initiatives amenant les jeunes à produire des projets médiatiques interactifs. Malheureusement, si les jeunes Canadiens excellent dans le domaine de la production télévisée, ils ont tendance à ne pas en faire beaucoup au Canada. Ils obtiennent un grand succès dans le monde entier et nous voulons prendre part à ce processus.

Le sénateur Adams : Au Nunavut, toutes les écoles proposent des programmes de ce type, avec des ordinateurs et d'autres équipements informatiques.

M. Stein : C'est quelque chose de tout à fait différent. Vous devrez demander à Bill Gates de venir témoigner devant votre comité. Il y a de grandes chances d'ailleurs qu'il accepte.

Le sénateur Adams : Vous êtes tout à fait en dehors de ce domaine.

M. Stein : En effet.

Le sénateur Adams : Je vois que vous dépensez plus de 3 millions de dollars. Ces dépenses ont-elles été consacrées à l'amélioration de la compagnie ou au réseau de câblodistribution? Sur combien d'années s'étalent vos dépenses de 2 milliards de dollars?

M. Stein : Monsieur le sénateur, je ne sais pas à quel chiffre vous faites référence. Notre société a investi plus de 4,5 millions de dollars dans nos installations au cours des cinq dernières années pour les convertisseurs numériques et les services de distribution par satellite. Les 2,5 millions de dollars auxquels vous faites référence représentent le montant que nous estimons avoir investi en pure perte dans le Fonds canadien de télévision qui a construit ce château de cartes. En fait, nous ne considérons pas qu'il s'agit d'un investissement. Par contre, les 4,5 millions de dollars représentent un réel investissement. Lorsque j'ai été embauché par notre société il y a 12 ans, nous avions entre 200 et 300 employés. Nous en avons désormais 9 000. Nous sommes fiers de notre croissance et de notre investissement et de ce que nous avons accompli.

Le sénateur Adams : Que font les 9 000 employés?

M. Stein : Ce sont des techniciens, des producteurs et des ingénieurs — de bons emplois.

Le sénateur Adams : Vous versez une autre tranche de 44 millions de dollars et vous payez 100 millions de dollars en impôts. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet?

M. Stein : Les 44 millions de dollars représentent la contribution que nous faisons au Fonds canadien de télévision. Le gouvernement verse 100 millions de dollars et dispose de cinq sièges au conseil d'administration, alors que nous qui versons 44 millions de dollars, nous n'avons qu'un seul siège. Le gouvernement a obtenu une entente de contribution et un droit de vérification, alors que nous n'avons obtenu rien de tel. Nous estimons que c'est injuste et inéquitable et qu'il ne s'agit pas d'un véritable partenariat entre le secteur public et le secteur privé. J'ai été fonctionnaire pendant une grande partie de ma vie et j'ai constitué de nombreux partenariats différents entre le secteur public et le secteur privé. J'ai travaillé avec Don Mazankowski et au moment de la mise au point des modalités concernant Air Canada et Petro Canada, mais je n'ai jamais connu un arrangement comme celui du FCT en vertu duquel nous sommes tenus de faire des versements sans avoir voix au chapitre.

Le sénateur Adams : Pendant tout ce temps-là, vous versez cet argent dont vous ne revoyez jamais la couleur.

M. Stein : C'est exact.

Le sénateur Tkachuk : Je suis un client satisfait de Shaw à Saskatoon. Cependant, ce que le CRTC vous impose me dérange beaucoup. Je veux parler du FCT. Je crois que 37 p. 100 des fonds sont alloués à la CBC. Un des représentants de la CBC nous a raconté des choses intéressantes. Je pense que ces fonds pourraient prendre de l'ampleur si les gens investissaient leur propre argent dans une initiative quelconque. Les producteurs ou les créateurs des émissions prendraient un plus grand intérêt dans leurs activités. Le représentant de la CBC nous a parlé d'un processus de propositions, mais j'étais tellement perplexe que je n'ai pas eu idée de poser des questions. Le témoin de la CBC nous a dit qu'ils disposaient d'un créneau pour des émissions familiales à une certaine heure. Ils l'ont donc annoncé dans l'industrie et des producteurs se sont présentés. Les responsables de la CBC les ont acceptés et leur ont donné des crédits, étant donné qu'ils ont aimé le scénario proposé. Et quand ils aiment le scénario, ils donnent plus d'argent pour la création de l'émission pilote. Quelqu'un a demandé quel était le processus et le témoin a répondu qu'il n'avait pas présenté de proposition au FCT, mais qu'il savait que l'argent était déjà disponible au FCT. Par conséquent, c'était l'argent du FCT que les responsables de la CBC dépensaient. Ils renvoyaient tout simplement les producteurs au FCT. Est-ce que cela se passe toujours de cette façon? Plus j'en entends parler et plus je pense que votre argument est valable. S'ils présentent la proposition, qu'ont-ils à donner en échange?

Mme Rathwell : Le système des enveloppes destinées aux radiodiffuseurs est au cœur même de ce type de répartition. Le FCT dispose d'une réserve et la part de la CBC est déterminée par le ministère du Patrimoine canadien dans le cadre de l'entente de contribution. Sinon, le FCT décide quel pourcentage de son magot attribuer à CTV, Global et aux autres radiodiffuseurs ou services de programmation autorisés. Par la suite, le service de programmation ou le radiodiffuseur décide lui-même comment utiliser cet argent avec les producteurs indépendants. Ils sont libres de prendre les décisions qu'ils veulent, car aucun contrôle n'est exercé sur ce processus.

Mon rôle n'est pas de décider quelles devraient être les règles, je veux tout simplement souligner que le radiodiffuseur n'est pas tenu de rendre compte de son utilisation des fonds. Il peut les utiliser pour récompenser un réalisateur qui a créé une bonne émission pour enfants l'année précédente ou au contraire pour prendre des risques dans le cadre d'une nouvelle initiative. Il peut utiliser cet argent pour financer le développement et passer au stade de la production. Le processus n'est pas transparent pour nous, mais il correspond tout à fait à la description de la CBC — le radiodiffuseur fait ce qu'il veut de ces crédits. La CBC a beau prétendre qu'il ne s'agit pas de son argent, que Shaw présente une vision fausse de la situation et que cet argent appartient aux producteurs indépendants, c'est bien le radiodiffuseur qui décide entièrement de quelle manière utiliser cet argent pour compenser ses droits de licence et de développement.

M. Stein : C'est un jeu de gobelets, puisque le gouvernement verse 100 millions de dollars et déclare que 37 p. 100 du total, soit 85 millions de dollars soient remis à la CBC. Notre raisonnement est le suivant : pourquoi ne pas donner directement 85 millions de dollars, soit 37 p. 100 à la CBC dès le départ? Si le gouvernement juge que la CBC en a besoin, qu'il lui donne cet argent. S'il juge que la CBC doit dépenser cet argent dans des productions indépendantes, que le gouvernement confie cette tâche au conseil d'administration de la CBC et à son directeur général. C'est le rôle d'un conseil d'administration. C'est ce que le gouvernement devrait faire.

Le système commence à se gâter lorsqu'on répartit ces fonds entre les différents radiodiffuseurs et les services de programmation. Grâce à ces fonds, ils sollicitent des projets. Dans les premiers temps, cela suscitait certaines inquiétudes, car ils recevaient plus de demandes qu'il n'y avait de fonds. Aujourd'hui, ils parviennent à équilibrer les deux. Je pense que c'est probablement ce qu'ils essayaient de vous expliquer : comment ils s'y prennent pour trouver le juste équilibre afin que les demandes ne soient pas plus nombreuses que la quantité qu'ils peuvent accepter.

Ce n'est certainement pas de cette façon que nous gérons le Fonds Shaw Rocket. Ce Fonds est administré de manière simple. Aucune attribution n'est garantie. Les producteurs présentent leurs projets.

Cependant, ils doivent avoir un radiodiffuseur. C'est là le problème. Si quelqu'un veut produire une magnifique émission qu'aucun radiodiffuseur ne s'est engagé à diffuser, il sera difficile de trouver un investisseur qui acceptera de consacrer 5 millions de dollars au projet. Et le producteur aura beau être très fier de sa production, il ne sera pas plus avancé si personne ne veut l'acheter. Il faut établir une relation.

Cette relation se développe grâce aux droits de licence. Le grand problème avec les droits de licence est que ceux des radiodiffuseurs canadiens ont diminué au cours des cinq dernières années. En effet, au lieu d'augmenter, leur investissement a diminué, dans certains cas s'établissant aussi bas que 10 p. 100. Pour une émission de 1 million de dollars, leur contribution est de 100 000 $ et ils n'obtiennent pas les droits de radiodiffusion avec une telle participation. Nous pensons que c'est une erreur. Nous estimons que les droits de licence devraient être plus élevés. C'est la seule façon de faire circuler l'argent.

La situation est telle au Canada que certains producteurs indépendants doivent leur succès uniquement à leurs compétences financières plutôt qu'à leurs compétences de producteurs d'émissions. Ils tirent leur épingle du jeu s'ils savent comment obtenir des crédits d'impôts provinciaux, des crédits d'impôts fédéraux, le financement du FCT, un droit de licence de radiodiffusion et peut-être obtenir des crédits du Fonds Shaw Rocket. Cependant, ils ont besoin de quelqu'un qui sache comment tirer toutes ces ficelles.

Pierre Péladeau expliquait très bien que la première tranche de 20 p. 100 est absorbée par des spécialistes qui savent agencer des idées d'émissions. Ils n'ont absolument rien à voir avec la production, mais c'est la part qui leur revient. C'est un peu comme les fiscalistes.

Nous pensons qu'il faudrait démonter cette partie du processus et repartir à zéro. Nous devons trouver une meilleure façon de procéder.

Le sénateur Tkachuk : Vous avez soulevé un point intéressant. Vous avez dit qu'ils ont adopté ce système parce qu'ils avaient trop de demandes. Il me semble qu'une telle situation est souhaitable, parce que cela permet de choisir entre les bonnes, les mauvaises et les excellentes propositions. Il me semble qu'il est souhaitable de recevoir beaucoup de propositions. S'ils reçoivent une centaine de propositions, ils peuvent en retenir 50 de bonne qualité.

Afin d'éviter d'avoir à faire tout ce travail, ont-ils désormais décidé de répartir les fonds et d'accorder de l'argent à tous ceux qui présentent une proposition? Est-ce que cela fonctionne de cette manière? Je ne fais pas le bon métier.

M. Stein : Chaque radiodiffuseur se voit attribuer des ressources. La CBC reçoit 37 p. 100, mais chacun reçoit une partie des ressources. C'est le processus d'affectation. Ce n'est pas un investissement.

Le sénateur Tkachuk : Je comprends.

M. Stein : Tout est décidé au préalable.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Stein et madame Rathwell d'être venus aujourd'hui. Votre témoignage sera utile lors de la préparation du rapport que nous devons terminer bientôt.

M. Stein : Merci. Comme toujours, nous lirons votre rapport avec intérêt.

La présidente : Nous allons suspendre nos travaux jusqu'au 17 avril, date à laquelle nous examinerons la version préliminaire du rapport. Le 18 avril, la ministre Oda nous rencontrera pour répondre à notre rapport sur les médias.

La séance est levée.


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