Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 12 - Témoignages du 1er mai 2007
OTTAWA, le mardi 1er mai 2007
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada et la Loi sur la sécurité ferroviaire et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier ce projet de loi.
Le sénateur David Tkachuk (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Honorables sénateurs, nous sommes ici aujourd'hui pour étudier le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada et la Loi sur la sécurité ferroviaire et d'autres lois en conséquence.
Nous accueillons aujourd'hui comme témoins M. John Bodrug et Mme Tamra Thomson, de l'Association du Barreau canadien, ainsi que M. Michael Pepper et Mme Christiane Théberge, de la Travellers' Protection Initiative.
Tamra L. Thomson, directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien : L'Association du Barreau canadien est heureuse d'avoir l'occasion de vous entretenir de certains aspects du projet de loi C-11. Nous sommes un organisme national représentant plus de 36 000 avocats dans l'ensemble du Canada. Dans le cadre de l'examen de mesures législatives, notre objectif est d'améliorer le droit et l'administration de la justice. C'est dans cette optique que nous avons étudié le projet de loi C-11 et présenté le mémoire que vous avez reçu.
Le mémoire a été élaboré par des membres de la Section nationale du droit de la concurrence et de la Section nationale du droit aérien et spatial. J'invite M. Bodrug à discuter des aspects du projet de loi sur lesquels porte le mémoire.
John D. Bodrug, vice-président, Section nationale du droit de la concurrence, Association du Barreau canadien : Honorables sénateurs, nous vous remercions de nous donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Nous aimerions surtout discuter des dispositions du projet de loi concernant l'examen des fusions. L'ABC a commenté le projet de loi actuel ainsi que les versions antérieures qui ont été présentées depuis 2003.
En premier lieu, nous ne voyons pas la nécessité de prévoir un processus d'examen de l'intérêt public concernant les fusions qui soit spécifique au domaine des transports. Il est vrai que l'industrie des transports est très importante, mais de nombreuses autres industries au Canada le sont tout autant et, en ce qui les concerne, il est considéré suffisant de se fonder sur les forces du marché et l'examen réglementaire prévu dans la Loi sur la concurrence et la Loi sur Investissement Canada.
À notre avis, il doit appartenir aux partisans de la procédure spéciale d'examen des fusions de montrer qu'elle est justifiée. Nous pensons aussi que cet examen manque de prévisibilité, d'uniformité et de transparence, tous des facteurs importants pour favoriser un climat commercial sain au Canada.
J'aimerais discuter principalement de certains aspects qui nous préoccupent concernant ce processus d'examen des fusions. En premier lieu, la portée des dispositions relatives à l'examen des fusions manque de clarté et elle est trop large. Deuxièmement, ces dispositions feraient en sorte que les deux parties visées par la transaction vivraient une période d'incertitude inutilement longue; de plus, le commissaire de la concurrence serait aussi en attente pendant une longue période. Troisièmement, le commissaire serait forcé de jouer un rôle politique inapproprié, ce qui n'est pas souhaitable.
Notre mémoire comprend quelques autres points que j'aimerais soulever si le temps le permet. En ce qui concerne la portée imprécise et large des dispositions relatives à l'examen des fusions, le comité devrait prendre en considération la très vaste gamme de transactions qui y seraient assujetties. L'examen de l'intérêt public des fusions s'appliquerait à toutes les transactions dont la valeur excède certains seuils financiers précisés dans la Loi sur la concurrence, notamment que toutes les parties et les sociétés affiliées aient plus de 400 millions de dollars en actifs et en chiffres d'affaires bruts au Canada; ensuite, que l'entreprise qui sera acquise ait plus de 50 millions de dollars en actifs ou en chiffre d'affaires brut au Canada. En plus, il doit s'agir d'une transaction visant une entreprise de transport.
Il importe de souligner que cela ne se limite pas aux acquisitions de sociétés de transport aérien et ferroviaire. L'examen proposé de l'intérêt public s'appliquerait à toute entreprise qui transporte des personnes ou des choses au- delà d'une frontière provinciale de façon continue ou régulière, même si cette activité représente une très petite partie des activités totales de l'entreprise. Pour vous donner un exemple concret, un détaillant de meubles ayant un magasin à Ottawa qui ferait régulièrement des livraisons à des clients de Gatineau serait considéré comme une entreprise de transport selon ces critères. De même, il importe de souligner que les seuils financiers prévus dans ces critères ne dépendent pas seulement de l'actif lié au transport. L'aspect transport pourrait représenter une très petite partie d'une grande transaction. Par exemple, si une entreprise de 400 millions de dollars acquiert une autre entreprise dont l'actif s'élève à 50 millions de dollars, même si le transport ne représente qu'un million de dollars ou moins pour cette entreprise, ses activités seront frappées par ces dispositions.
Un autre aspect de la grande portée de ces dispositions, c'est que le concept d'entreprise de transport n'englobe pas que les activités de transport elles-mêmes, mais aussi toute la jurisprudence qui s'est développée autour de ce terme et qui touche les entreprises dont les activités sont liées aux sociétés de transport. Par exemple, les tribunaux ont statué que les activités des arrimeurs qui chargent les bateaux sont des entreprises de transport même si l'on ne serait pas naturellement porté à les considérer comme des sociétés ferroviaires ou aériennes. C'est parce que les sociétés de transport maritime dépendaient des arrimeurs que ces derniers ont été considérés comme des entreprises de transport fédérales.
Un autre aspect de cette grande portée, c'est le critère qu'une entreprise de transport participe à la fusion. Cela ne se limite pas seulement aux acquisitions d'entreprises de transport. Même s'il n'y a qu'une partie à la transaction qui constitue une entreprise de transport, les dispositions sur les fusions s'appliquent. Si une entreprise de transport acquiert un hôtel pour moins de 50 millions de dollars, elle pourrait être tenue de le déclarer. Si une société qui se concentre surtout sur d'autres activités mais fait aussi du camionnage interprovincial acquiert des bureaux pour plus de 50 millions de dollars, la transaction pourrait devoir être déclarée. Les dispositions sur l'examen des fusions peuvent également s'appliquer à l'acquisition d'éléments d'actif et non seulement de sociétés au complet. Les lignes directrices du Bureau de la concurrence sur la déclaration obligatoire mentionnent un exemple selon lequel l'achat de locomotives usagées pourrait constituer une transaction devant faire l'objet d'une déclaration obligatoire.
Ces dispositions vont donner beaucoup de travail aux avocats de sociétés comme moi, donc je ne m'en plains pas, mais je me demande s'il est dans l'intérêt public général que d'adopter un concept si vaste. Si les grandes acquisitions de chemins de fer ou de compagnies aériennes représentent un véritable risque pour le public, nous devrions prévoir un examen des fusions beaucoup plus ciblé.
Je vais vous parler des incidences de l'incertitude que crée le projet de loi C-11 sur le plan des échéances. On présume que toutes les transactions de déclaration obligatoire devront faire l'objet d'un examen de l'intérêt public à moins que le ministre, qui dispose de 42 jours pour décider de l'opportunité de cet examen, ne les en exempte. Le Bureau de la concurrence autorise la plupart des fusions beaucoup plus vite, de sorte que la plupart de ces transactions sont autorisées en deux semaines parce que la plupart des transactions déclarées qui respectent ces seuils ne présentent pas de problème sur le plan de la concurrence.
Pendant la période de 42 jours dont bénéficie le ministre pour déterminer si une transaction doit faire l'objet d'un examen de l'intérêt public, ni le commissaire à la concurrence, ni les parties, ni les intervenants ne sauront si cet examen découlera de la Loi sur la concurrence ou d'une autre norme de la Loi sur les transports.
Selon l'Association du Barreau canadien, il serait préférable de n'exiger un examen de l'intérêt public que quand le ministre décide pendant une période plus courte de peut-être 10 ou 14 jours plutôt que de 42, qu'il faut en faire un. On peut présumer que cette disposition vise à toucher les fusions exceptionnelles, qui seraient naturellement de grandes transactions nécessitant un examen de l'intérêt public.
En quoi est-ce préjudiciable pour les parties que le ministre jouisse de 42 jours pour déterminer s'il faut effectuer un examen de l'intérêt public? Dans les transactions d'entreprises, le temps peut être critique, et un délai de 42 jours, voire même plus, pour l'examen de l'intérêt public pourrait faire avorter des transactions. Si un grand conglomérat canadien ayant des actifs de plus de 400 millions de dollars dans différentes entreprises souhaitait acquérir une société dont l'actif s'élève à plus de 50 millions de dollars, la transaction devrait être déclarée selon la Loi sur la concurrence. Si une entreprise de transport était touchée d'un côté ou de l'autre, elle devrait être déclarée au ministre. Du coup, cette entreprise serait en désavantage concurrentiel quand elle présenterait des soumissions à d'autres entreprises du Canada.
S'il y avait deux soumissionnaires pour une entreprise d'un autre secteur que le transport et que l'une d'entre elles possédait une entreprise de camionnage interprovincial, le vendeur préférerait l'autre acheteur, parce qu'il n'aurait pas à se soucier du délai de 42 jours. Ce serait pire pour l'entité désavantagée établie au Canada, l'entreprise canadienne, si l'autre soumissionnaire venait de l'étranger et qu'il n'avait aucune entreprise au Canada, donc pas d'entreprise de transport. Le projet de loi C-11 aurait le résultat pervers de favoriser les acheteurs étrangers dans ces circonstances.
À notre avis, il serait anormal de mettre en place d'autres obligations d'examen potentiellement très lourdes et très longues pour les fusions alors que le gouvernement essaie de favoriser les avantages pour les entreprises canadiennes. Dans son dernier budget, le gouvernement a annoncé qu'il s'apprêtait à nommer un groupe d'experts qu'il chargerait d'entreprendre un examen en profondeur des politiques du Canada en matière de concurrence, y compris de l'examen prévu dans la Loi sur investissement Canada, et ce groupe pourrait tirer une conclusion différente sur le fardeau supplémentaire que représenterait la duplication de règlements sur l'examen des fusions. En même temps, le gouvernement essaie d'adopter des règlements dans une perspective d'efficacité, de rapidité et de rentabilité. Il faudrait envisager de retarder la mise en œuvre de ces dispositions sur les fusions jusqu'à ce que ce groupe d'experts indépendants ait terminé son rapport, qui devrait sortir avant le prochain budget, si j'ai bien compris.
Bref, ces dispositions sur l'examen des fusions risquent de dissuader de grandes entreprises de participer aux marchés du transport au Canada, même dans une très petite mesure, parce qu'elles vont être en désavantage concurrentiel quand elles vont soumissionner ou essayer d'acquérir d'autres sociétés du Canada. Si le Parlement croit qu'il faut prescrire un examen spécial pour certains types d'entreprises de transport au Canada, l'ABC recommanderait qu'il adopte une disposition sur l'examen des fusions plus ciblée.
Nous abordons quelques autres arguments dans notre mémoire écrit, dont le rôle prévu pour le commissaire dans ces dispositions. Ce rôle serait plus politique que nécessaire dans d'autres contextes semblables, comme dans celui de l'examen des fusions de banque. Nous abordons également quelques lacunes dans les dispositions sur la confidentialité et l'absence de dispositions sur une période de transition dans le projet de loi. À notre avis, les règles sur la publicité des tarifs aériens ne sont pas nécessaires à la lumière des dispositions actuelles de la Loi sur la concurrence et du pouvoir du ministre de l'Industrie d'instruire le commissaire à la concurrence de mener enquête sur ces pratiques au besoin.
Michael Pepper, président-directeur général, Travel Industry Council of Ontario, Coalition pour la protection des voyageurs : Mesdames et messieurs les sénateurs, bonjour. Je représente la Coalition pour la protection des voyageurs et suis PDG du Travel Industry Council of Ontario, le TICO. La Coalition pour la protection des voyageurs se compose de représentants du Travel Industry Council of Ontario; de l'Association canadienne des agences de voyages, l'ACTA, du Centre pour la défense de l'intérêt public, le PIAC, et d'Options consommateurs, au Québec. Nous avons également la collaboration de membres de la Canadian Association of Airline Passengers, la CAAP, qui comprend des membres de l'Association des consommateurs du Canada (Saskatchewan); de Transport 2000; du Conseil des consommateurs du Canada; du Air Passenger Safety Group; de la Manitoba Society of Seniors; de l'Ontario Society of Senior Citizens' Organizations et de Dignité rurale du Canada. Beaucoup de groupes de consommateurs se sont réunis pour mettre en lumière les problèmes liés à la protection des consommateurs.
Nous nous préoccupons surtout de la publicité des tarifs aériens et de la tarification, de même que de quelques autres questions que nous avons présentées au comité permanent de la Chambre des communes sur les fonds de roulement et la situation financière des transporteurs aériens.
Le cadre législatif du Canada laisse la protection des consommateurs qui voyagent à chacune des provinces. Sur papier, cela semble très bien pour beaucoup d'entreprises qui ne sont pas d'envergure nationale ni internationale. Pour la gestion des activités, les provinces ont le pouvoir de régir et d'assurer la protection des consommateurs par des lois provinciales. Cependant, le voyage est un service de portée très internationale qui nécessite un degré de surveillance bien supérieur à ce qu'offrent les trois seules provinces du Canada ayant une loi sur les voyages, soit la Colombie- Britannique, l'Ontario et le Québec.
Beaucoup de Canadiens voyagent abondamment au Canada, et le voyage est un produit de plus en plus populaire. Il faudrait suivre de plus près la vente de voyages à l'échelle fédérale. Le voyage est l'une des seules industries où les consommateurs paient pratiquement la totalité des services des semaines ou même des mois avant de les recevoir. Le manque d'uniformité montre un manque d'équité évident pour les consommateurs. Nous comprenons qu'il ne revient pas au gouvernement de diriger les lignes aériennes, mais le gouvernement a la responsabilité de protéger les consommateurs en suivant de près ce qui se passe dans le domaine et comment les consommateurs sont touchés. Par exemple, la faillite de Jetsgo en mars 2005 a été la plus grande faillite d'une ligne aérienne. L'entreprise est née après la disparition de la ligne aérienne Canada 3000, après le ralentissement du 11 septembre, en novembre 2001. Jetsgo a été mise sur pied et s'est mise à offrir du transport aérien seulement vers diverses destinations, surtout au Canada. L'entreprise avait également quelques ententes contractuelles avec des voyagistes afin de transporter par avion nolisé des consommateurs vers des destinations soleil. La faillite de Jetsgo a été la dernière grande faillite d'un transporteur aérien au Canada et a beaucoup perturbé les voyageurs quand l'entreprise a fermé ses portes en mars 2005. Pourquoi Jetsgo a-t-elle fait faillite? Parce qu'elle manquait de capitaux. C'est notre argument. Jetsgo a reçu l'autorisation d'exploiter une ligne aérienne alors que ses affaires financières étaient très peu surveillées malgré les signaux d'alarme que nous trouvions inquiétants dans l'industrie, comme les ventes fréquentes de sièges à des prix ridiculement bas. Rien n'a été fait pour empêcher les consommateurs d'acheter des voyages à l'avance. Les lignes aériennes ne sont pas réglementées par les provinces, et la vente de sièges s'est poursuivie jusqu'à ce que l'argent avancé soit épuisé. Cette situation a fait naître une coalition de défense des consommateurs; en fait, notre coalition s'est formée juste avant la faillite de Jetsgo. Nous avons déploré quatre problèmes devant le comité afin de réclamer des modifications et pour que les lignes aériennes divulguent leurs prix dans leur totalité.
On observe une disparité entre les provinces et le gouvernement fédéral. Toute l'information sur les voyages doit être divulguée. Tout le prix du voyage doit être divulgué dans les trois provinces les plus grandes, et il existe des disparités dans les tarifs aériens quand les lignes aériennes ne divulguent pas tous les coûts de transport dans leurs tarifs au public.
Nous avons aussi souligné la nécessité de protéger les consommateurs grâce à des critères de performance financière et de service. Nous avons demandé au gouvernement d'envisager à tout le moins d'effectuer un suivi continu des fonds de roulement et de placer l'argent des consommateurs dans des comptes en fiducie ou sinon, d'établir un fonds d'indemnisation des consommateurs semblable à celui des trois grandes provinces, le Québec, la Colombie-Britannique et l'Ontario, pour rembourser les consommateurs en cas d'insolvabilité ou de faillite. Cela augmenterait la transparence. Nous avons également demandé la création d'un organisme pour répondre aux plaintes des consommateurs sur les lignes aériennes. On a déjà créé la figure de proue de cet organisme grâce à une initiative interne entreprise par Transports Canada et l'OTC.
Nous avons fait quatre recommandations au Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités, et ce dernier en a suivi une : que les lignes aériennes divulguent la totalité de leurs tarifs et de leurs conditions dans leurs publicités. Nous sommes très contents de ce premier pas dans la bonne direction. En ce moment, les lignes aériennes peuvent afficher un tarif net sans divulguer les coûts de transport ni les droits à payer dans leurs publicités. Ce n'est pas ce qu'on appelle de la transparence et c'est contraire à ce que les provinces doivent faire.
Les propositions adoptées par le comité vont contribuer beaucoup à ce que les voyageurs canadiens soient pleinement informés du prix qu'ils doivent payer pour les services de voyage et à ce qu'ils puissent prendre des décisions éclairées sur l'achat de ces produits.
C'est un bon point de départ; nous appuyons la modification des règles de publicité. Nous allons continuer notre croisade pour que le gouvernement fédéral apporte d'autres modifications afin de surveiller la viabilité financière des transporteurs aériens pour que les consommateurs ne soient plus jamais laissés en plan et floués par des transporteurs comme Jetsgo, qui a pu continuer ses activités même si elle était insolvable.
Notre mission est d'encourager le gouvernement fédéral à adopter un projet de loi constructif qui va obliger les transporteurs aériens à respecter des exigences de fonds de roulement minimal pour mettre l'argent des consommateurs en fiducie jusqu'à ce que les services leur soient fournis et créer un fonds national d'indemnisation semblable à celui qu'administrent les trois provinces les plus grandes au Canada.
Le gouvernement fédéral a les outils qu'il faut pour cela, et l'industrie du voyage du Canada est prête à travailler en partenariat avec le gouvernement vers l'atteinte de cet objectif grâce à un modèle d'autogestion semblable à celui de l'Ontario. L'industrie a besoin de ce cadre législatif pour donner du mordant à ce modèle.
Voilà ce que je voulais vous dire. Nous appuyons cette initiative de modification des règles de publicité. Je vous remercie de nous avoir donné du temps pour nous exprimer devant vous aujourd'hui.
Le vice-président : Pour mettre tous les honorables sénateurs au parfum, c'est la modification que le comité de la Chambre a adoptée.
M. Pepper : C'est juste, la Chambre a accepté les propositions de paragraphes 86.1(1) et 86.1(2).
Le sénateur Mercer : Est-ce que l'Association du Barreau canadien a fait un témoignage semblable sur ce projet de loi au comité de la Chambre des communes?
M. Bodrug : Nous avions présenté nos observations au comité de la Chambre en 2003 sur une mouture précédente de ce projet de loi. Sur le dernier projet de loi, nous avons soumis un mémoire écrit et avons demandé à comparaître, mais nous n'avons pas été invités à le faire.
Le sénateur Mercer : Nous devons examiner un projet de loi qui a été adopté à la Chambre des communes sans la participation de l'Association du Barreau canadien, un organisme assez important. Je trouve ces observations sur les fusions dérangeantes. Vous soulevez des arguments intéressants, surtout sur les acquisitions. S'il y avait deux entités qui voulaient acheter quelque chose et que l'une d'elles avait des activités de transport, elle serait désavantagée. Il est incroyable qu'on mette un autre bâton dans les roues de l'industrie canadienne.
Vous n'avez pas témoigné devant le comité de la Chambre des communes. Vous avez déploré l'absence d'une période de transition. Y aurait-il une période optimale pour rendre ces règles les plus efficaces possible à l'avenir?
M. Bodrug : C'est peut-être un élément très technique, mais habituellement, dans ce type de dispositions, je vois souvent une mesure selon laquelle les accords conclus avant l'adoption de la loi ne sont pas assujettis au nouveau régime. Il va y avoir une période de transition et d'incertitude pendant la mise en œuvre de cette loi, où l'on va se demander si elle va s'appliquer aux transactions pour lesquelles un accord est sur la voie d'être conclu, mais n'est pas encore signé. Je présume qu'on n'a pas l'intention de rendre ces dispositions rétroactives aux transactions déjà conclues. C'est un aspect important, mais qui découle d'un aspect technique de moindre importance dans notre exposé.
Le sénateur Mercer : Contrairement à M. Pepper, vous n'avez fait aucune observation précise et directe sur les règles liées à l'établissement des prix des compagnies aériennes. L'Association du Barreau s'est-elle prononcée là-dessus?
M. Bodrug : Je peux vous présenter notre point de vue sur cette question de façon assez succincte. Je reconnais les problèmes posés par la divulgation du prix total dans la publicité; à nos yeux, il ne s'agit pas d'un problème unique à l'industrie du transport aérien. Ce problème se classe dans la catégorie générale de la publicité trompeuse. Si la non- divulgation du prix total dans une publicité donne au public des indications trompeuses d'une façon importante, il s'agit déjà d'un problème en vertu de la Loi sur la concurrence. Notre argument ici, c'est que nous ne voyons pas la nécessité d'adopter des lois à la pièce pour différentes industries alors qu'il existe déjà une disposition pour traiter ce problème. S'il y a une préoccupation particulière concernant l'industrie du transport aérien, le ministre de l'Industrie a déjà le pouvoir en vertu de la Loi sur la concurrence d'ordonner au commissaire de mener une enquête sur un domaine de conduite particulier.
Le sénateur Mercer : Monsieur Pepper, les compagnies aériennes, particulièrement Air Canada et WestJet, nous diront que l'obligation de divulguer le prix total dans les publicités les placera dans une situation désavantageuse, car les agents de voyages et les transporteurs américains ne sont pas obligés d'en faire autant.
M. Pepper : Je ne crois pas que ce soit exact. Les transporteurs américains doivent bel et bien annoncer le prix total, à l'exception des taxes fédérales. Il n'y a aucun doute qu'au Canada, les grossistes sont tenus d'annoncer le prix total, à l'exception de la TPS et de la TVP. Même lorsque des tierces parties comme les grossistes et les agents de voyages vendent des services de voyage dans notre pays, ils sont obligés de divulguer le prix total, contrairement aux compagnies aériennes au niveau fédéral.
Si la loi est adoptée telle qu'elle est proposée, elle visera tous les transporteurs étrangers qui font de la publicité au Canada. Le consommateur a besoin de cette information pour prendre une décision éclairée.
À titre d'exemple, nous n'avons qu'à visiter le site web de n'importe quelle compagnie aérienne. Il y a moins de dix jours, WestJet annonçait des places soldées à 11 et à 29 $ le billet entre Toronto, Montréal et Ottawa. Mais les taxes et les frais supplémentaires sur ces sièges à 11 $ s'élevaient à 58 $. Il ne s'agit donc pas d'une annonce honnête.
Le sénateur Mercer : Ces taxes et autres frais s'appliqueront à tous les tarifs passagers, peu importe s'il s'agit de billets en solde à 11 $ ou de billets réguliers à 500 ou 600 $.
M. Pepper : Tout à fait, mais les taxes que les compagnies aériennes prélèvent pour les tierces parties, comme les frais de NAV CANADA, les frais de sécurité, les frais d'atterrissage, et cetera, ne sont pas divulguées dans le prix. Nous préconisons l'inclusion de ces frais dans le prix pour que les consommateurs puissent prendre une décision éclairée sur le prix à payer.
Le sénateur Mercer : Je me trompe peut-être, mais j'ai consulté le site web d'une des compagnies aériennes, il n'y a pas plus de dix jours, pour chercher un solde de places pour un vol Ottawa-Toronto. Il y avait de très bons prix mais, si je me souviens bien, le site web disait « frais applicables en sus », ce qui signifie les taxes, les frais d'atterrissage et les frais de NAV CANADA.
M. Pepper : Oui, mais le consommateur ignore le coût de ces frais.
Christiane Théberge, présidente et chef de la direction, Association canadienne des agences de voyages (ACAV) : Si je peux me permettre d'ajouter un commentaire, il s'agit ici de protéger les consommateurs et de s'assurer qu'ils sont au courant du prix à payer pour leur siège d'avion. En même temps, il s'agit aussi de rendre les règles du jeu équitables pour les autres acteurs dans l'industrie. Comme l'a mentionné M. Pepper, dans les provinces réglementées du Québec, de l'Ontario et de la Colombie Britannique, la loi provinciale empêche les voyagistes et les agents de voyages d'agir de la sorte. Ils ne peuvent pas annoncer des prix comme celui d'Air Canada dans cet exemple : 1 046 $ pour un vol vers New York. Ils sont tenus d'indiquer le prix total, incluant les surtaxes, les taxes et les frais, y compris les frais de NAV CANADA et tous les autres. Il s'agit donc d'établir des règles du jeu équitables pour ces trois marchés, qui constituent les plus grands marchés des voyages au Canada.
C'est là un autre de nos arguments. Parfois le prix de départ annoncé peut être de 146 $, mais lorsqu'on parcourt le site web, le prix réel peut s'élever à un montant qui est supérieur de 95 p. 100 au prix annoncé.
Le sénateur Mercer : Cela dépend du prix qu'ils offrent, bien sûr. Tout le monde est assujetti à ses frais, alors je ne vois pas en quoi cet argument est valable. Si vous réservez un vol en utilisant vos points de voyage dans le cadre des programmes Aéroplan, Air Miles ou Voyages RBC, ou n'importe quel autre programme de récompenses, vous êtes toujours assujettis à tous les frais. Le vol gratuit finit par vous coûter le montant des taxes que vous auriez à payer pour un vol au tarif régulier.
Je ne comprends vraiment pas l'argument selon lequel on est désavantagé si la compagnie aérienne annonce qu'elle vend des sièges à 11 $ lorsqu'il faut ajouter le prix des taxes et des frais réguliers. Cela revient toujours à un prix nettement inférieur au tarif régulier.
M. Pepper : Les frais supplémentaires ne sont pas les seuls coûts à ne pas être divulgués; ce ne sont pas juste des taxes. Il y a aussi des frais qui représentent le coût des affaires : les frais d'atterrissage, les frais de survol, les taxes sur l'aéronef. Ce sont les coûts d'affaires de la compagnie aérienne et ils doivent être inclus dans le tarif.
Le sénateur Mercer : Sont-ils inclus dans le prix d'un billet régulier?
M. Pepper : Non.
Le sénateur Mercer : S'appliquent-ils uniquement aux prix des billets en solde?
M. Pepper : Non, ils ne s'appliquent pas uniquement aux prix des billets en solde; les coûts supplémentaires s'appliquent à tous les billets. Les compagnies aériennes fractionnent le prix et prennent non seulement les taxes, mais aussi les frais de transport et les séparent.
Mme Théberge : La question ne concerne pas les taxes et les surtaxes; nous savons que les compagnies aériennes paient ces taxes et surtaxes. Elles veulent montrer que leurs tarifs sont bas et que le gouvernement est responsable des tarifs élevés. Elles veulent montrer que le gouvernement impose les taxes et surtaxes.
Le vice-président : Les frais d'atterrissage à l'aéroport de Toronto sont différents de ceux d'un autre aéroport. Leur divulgation peut s'avérer très difficile. Il faudrait annoncer différents frais d'atterrissage pour différents aéroports.
Mme Théberge : Comme ces frais font partie de leurs coûts d'affaires, ils devraient être inclus dans le prix. Nous ne parlons pas des tarifs aériens; nous parlons de la publicité portant sur les tarifs aériens, ce qui est très différent.
Le sénateur Mercer : Lorsque j'ai acheté de l'essence pour ma voiture l'autre jour, à Mount Uniacke, en Nouvelle- Écosse, le prix était ridiculement élevé : 1,12 $ le litre. J'ai pu lire sur la pompe le prix de la taxe provinciale, de la taxe fédérale et de tous les autres frais qui étaient ajoutés au prix de l'essence. L'industrie pétrolière affiche cet avis pour faire savoir aux consommateurs que le prix qu'ils paient est exceptionnellement élevé à cause des taxes qui y sont imposées.
M. Pepper : La station-service n'annonce pas que l'essence est à 50 cents le litre. Là où je veux en venir, c'est que le consommateur sait que l'essence lui coûtera 1,12 $ le litre à la caisse.
Le sénateur Mercer : Je comprends bien ce point.
Mme Théberge : Le prix annoncé à la pompe est le prix que vous allez payer.
Le sénateur Mercer : Est-ce que ce serait une partie de la solution au problème?
M. Pepper : Oui, je crois que ce serait une partie de la solution. Si les grossistes et les détaillants veulent annoncer un tarif net, ils peuvent le faire, mais ils doivent divulguer les frais supplémentaires pour que le consommateur puisse prendre une décision éclairée en additionnant les deux montants afin d'obtenir le prix total.
Le sénateur Segal : Je suis ravi que l'Association du Barreau canadien soit parmi nous aujourd'hui. Je sais que vos conseils sur les questions techniques sont très constructifs et utiles, et j'aimerais que le gouvernement consulte votre association plus souvent.
Il ne ressort pas clairement de votre exposé si vous êtes préoccupé par le délai dont disposera le ministre des Transports pour exprimer un intérêt public en cas de fusion. Il n'est pas clair si vous êtes préoccupé par les cadres qui définissent ce délai ou par le fait que le ministre puisse exprimer un intérêt public en vertu des dispositions de ce projet de loi; autrement dit, tirer la conclusion qu'une fusion particulière, parce qu'elle met en jeu des actifs du secteur des transports, pourrait avoir un intérêt public au-delà de la simple question de la structure concurrentielle de l'industrie. Il me semble que ce sont des arguments très différents.
Le premier argument concerne la rapidité d'exécution pour mettre en place un climat de certitude dans lequel les affaires peuvent être menées de façon normative. L'autre argument vise à déterminer s'il existe un intérêt public distinct.
Je vais prendre votre exemple de deux grands conglomérats, dont l'un possède une infime partie d'une entreprise de camionnage qui fait des aller-retour de part et d'autre d'une frontière provinciale. Du point de vue du consommateur, l'intérêt public réside dans cette petite entreprise de camionnage et il me semble qu'il est normal pour un ministre de vouloir avoir un fondement législatif pour décider s'il y a un intérêt public. Vous avez peut-être des indicateurs contraires, mais j'ignore s'il existe un ensemble de données qui indiqueraient qu'un ministère ou un ministre utilise ce droit de façon capricieuse ou excessive. Si vous avez des indications dans ce sens, veuillez nous en faire part.
M. Bodrug : Je n'avais certainement pas l'intention d'insinuer qu'il y a des indications qu'un ministre utilise ce type de pouvoir de façon capricieuse. La position que nous défendons, c'est que nous ne voyons pas la nécessité de mener un examen spécial d'intérêt public pour le secteur des transports. Les transports sont importants, mais il en est de même pour de nombreuses autres entreprises. Nous considérons que la Loi sur Investissement Canada et la Loi sur la concurrence sont suffisantes.
Le sénateur Segal : Lorsqu'un véhicule sert à assurer le mouvement public de produits ou de personnes, la nature de l'entreprise qui exploite ce véhicule a un impact sur les autres joueurs innocents du marché qui se trouvent peut-être sur la même route, qui traversent peut-être un passage à niveau ou qui sont touchés d'une autre façon. Est-ce que c'est cela la différence dans le cas du secteur des transports? Est-ce pour cette raison que nous avons une si longue tradition de lois en matière de transports au Canada depuis le tout début? Êtes-vous en train de dire que l'intérêt n'y est plus et que cette question n'est plus importante?
M. Bodrug : Non, nous ne suggérons pas que le secteur des transports ne doit pas être réglementé — et cela commence à dépasser un peu mon champ d'expertise. Le point que nous voulons faire valoir, c'est que si nous sommes en présence de préoccupations liées à la façon dont les entreprises de transport sont exploitées, alors ces préoccupations doivent être réglementées selon ce que juge le Parlement. Nous nous demandons quelle est la circonstance spéciale qui entoure les fusions. Pourquoi y a-t-il un tel besoin de réglementer les fusions à ce stade-ci?
Le sénateur Segal : N'importe quel projet de loi comporte une série de règlements qui sont rédigés et qui sont adoptés par la suite. Si ces règlements abordaient la question du délai pour que le délai potentiel, dans le pire des scénarios, soit en quelque sorte restreint, cela serait-il utile?
M. Bodrug : Oui, ce serait certainement utile. Nous avons présenté notre perspective globale, mais nous avons ensuite dit que si vous décidez de le faire quand même, alors nous croyons que les dispositions seraient améliorées de beaucoup et que les répercussions négatives seraient réduites si le dilemme pouvait être résolu rapidement. Si, par exemple, le ministre avait dix jours pour décider, alors l'entreprise canadienne dans le secteur du camionnage serait beaucoup moins désavantagée. Il est plus probable qu'un vendeur éventuel accepte cela plutôt qu'un délai de 42 jours, où les autres soumissionnaires éventuels auraient déjà surmonté les obstacles réglementaires.
Le sénateur Segal : J'ai une question pour les représentants de la Coalition pour la protection des voyageurs. Je suppose que votre organisation comporte une hiérarchie dans le cadre de laquelle vous classez par ordre de priorité les sujets les plus importants pour les voyageurs et les moyens de protéger leurs intérêts. Le secteur que vous représentez est très vaste.
Pour tous ceux d'entre nous qui ont déjà vu leur vol annulé sans raison, pour tous ceux d'entre nous qui ont reçu de la part des compagnies aériennes une explication inexacte concernant l'annulation ou le retard d'un vol, pour tous ceux d'entre nous dont les bagages se sont retrouvés ailleurs qu'à l'endroit où ils étaient censés aller, pensez-vous que la publicité portant sur les tarifs aériens constitue notre préoccupation la plus importante?
Pensez-vous que les Canadiens qui voyagent régulièrement voudraient que vous consacriez du temps ici pour discuter des tarifs au lieu de vous plaindre que ce projet de loi n'oblige pas les compagnies à offrir une meilleure protection et indemnisation aux passagers qui sont traités délibérément sans égard par de mauvaises organisations et par des structures inadéquates?
Vous avez choisi ce qui est important à vos yeux. J'accepte et je respecte ce choix, mais pourquoi avez-vous choisi cette question plutôt que tous ces autres problèmes de taille que l'on impose aux voyageurs et qui semblent coûter beaucoup plus cher en temps et en argent?
M. Pepper : En réalité, nous n'avons pas choisi uniquement la question de la publicité; c'était une question parmi d'autres. Si vous examinez la Loi sur les transports, il y a très de peu de dispositions qui offrent une protection directe aux consommateurs. Il incombe aux provinces de s'occuper de la protection des consommateurs.
Le sénateur Segal : Si je comprends bien vos propos, vous voulez des règles du jeu équitables. Vous ne voulez pas que la réglementation provinciale diffère d'une région à l'autre. J'aimerais savoir pourquoi vous voulez traiter de la publicité sur les tarifs aériens et non des autres sujets, une fois que vous avez décidé d'essayer d'étendre la compétence fédérale.
M. Pepper : Nous ne réglementons pas les compagnies aériennes. Les gouvernements provinciaux ne réglementent pas directement les transporteurs aériens. Nous réglementons les grossistes et les détaillants de services de voyage. Ils doivent se conformer à des exigences de publicité à l'intérieur des provinces. C'est pourquoi nous avons visé cette question en particulier.
Dans le même ordre d'idées, au chapitre des critères financiers, un de nos objectifs concernait le fonds de roulement et l'argent des consommateurs dans les fiducies. Cette question occupe un rang élevé dans notre liste, car les consommateurs ne sont pas protégés à l'échelon fédéral. Nous avons dû rembourser des consommateurs qui ont fait affaires avec une agence de voyages à partir d'un fonds de l'industrie financé par les agences de voyages et les grossistes dans le contexte d'une faillite d'une compagnie aérienne. Ce n'est pas juste, mais nous avons quand même dû le faire. Nous nous sommes donc concentrés sur des questions qui nous touchent directement à l'intérieur des provinces plutôt que d'autres questions comme la perte de bagages.
Le sénateur Segal : Puis-je vous poser une question sur votre proposition du fonds de roulement? D'après une évaluation très prudente, je dirais que, depuis Enron, les règles comptables de l'ICCA en matière de fonds de roulement ont changé au moins une douzaine de fois. Comment peut-on amener un organisme gouvernemental à interpréter et à comprendre précisément la nature du fonds de roulement dans une compagnie quelconque, à un moment quelconque ou dans des circonstances particulières quelconques, à moins que ce fonds de roulement soit rétroactif ou déjà périmé au moment où l'organisme gouvernemental se penche sur la question? Comment le feriez-vous de manière concrète?
M. Pepper : Nous avons réussi à le faire en Ontario en recevant régulièrement des états financiers que nous examinons, car les grossistes et les détaillants de services de voyage doivent observer une exigence de fonds de roulement minimal.
Le sénateur Segal : Les recevez-vous jusqu'au dernier trimestre?
M. Pepper : Oui, selon le chiffre d'affaires brut. Si le chiffre d'affaires est plus élevé, ils sont tenus de présenter des états financiers trimestriels. Tous les grossistes et détaillants doivent présenter des états financiers qui comportent au moins un engagement d'examen. Si le chiffre d'affaires brut est supérieur à 10 millions de dollars, les états financiers doivent être vérifiés. À mesure que le chiffre d'affaires augmente, ils doivent présenter des états financiers plus souvent. Nous surveillons les états financiers et nous avons obtenu de bons résultats. Si vous examinez la situation de l'Ontario, notre fonds de compensation est passé de 4 à 30 millions de dollars au cours de nos dix années d'autogestion. En même temps, nous avons réduit les réclamations de façon considérable au point où nous avons accordé à l'industrie une réduction de 80 p. 100 des frais par la surveillance des critères financiers et la collaboration avec les joueurs de l'industrie afin de maintenir un niveau de fonds de roulement. C'est notre objectif, et nous pouvons y arriver. Cela peut se faire grâce à un examen des états financiers et à une surveillance fréquente.
Mme Théberge : Nous avons fait valoir devant la Chambre des communes les problèmes entourant le rendement du service, les bagages perdus et les surréservations. Ce problème fait aussi partie de nos préoccupations. Nous demandons une meilleure transparence au niveau du rendement du service et nous serions certes heureux de collaborer avec Transports Canada et l'Office pour déterminer la façon de le faire.
J'aimerais revenir sur la situation de WestJet. Le sénateur Mercer a évoqué la crainte du transporteur aérien WestJet d'être désavantagé si le projet de loi était adopté. Je suis très étonnée d'entendre que WestJet serait désavantagé parce qu'il craint d'être tenu d'annoncer ses prix réels en vertu de cette mesure législative, qui serait une loi fédérale. Les provinces, les agents de voyages et les organisateurs de voyages qui ne sont pas soumis à une réglementation ne seraient pas réglementés parce que seules les provinces du Québec, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique le sont. WestJet redoute que ce qu'il fait actuellement, d'autres le lui feront. Cette situation est étrange, mais intéressante à examiner.
Le sénateur Munson : Je vous remercie d'être ici pour donner votre avis sur le projet de loi C-11. Monsieur Bodrug, dans votre mémoire, vous dites que l'absence de mécanismes d'appel dans l'examen proposé des fusions et des acquisitions est un des problèmes du projet de loi. Pourriez-vous décrire le processus d'appel prévu par la Loi sur la concurrence? Pouvez-vous donner au comité un exemple dans lequel le processus d'appel en vertu de la Loi sur la concurrence a été utilisé? Quel en a été le résultat?
M. Bodrug : Dans une optique plus générale, aux termes du présent projet de loi, la commissaire est le véritable décideur, alors que dans le processus d'examen de la Loi sur la concurrence, la commissaire est l'agente d'enquête, l'exécutrice de la loi. La commissaire recueille les éléments de preuve et possède des outils complets pour le faire. Si la commissaire veut ensuite interrompre une fusion ou obtenir réparation, elle doit présenter ses arguments devant le Tribunal de la concurrence, qui est un organisme quasi judiciaire formé de juges et d'autres membres de la Cour fédérale, ainsi que d'entrepreneurs et d'économistes à la retraite. Le Tribunal de la concurrence a, en fait, interjeté appel devant la Cour d'appel fédérale. Notre argument de base est que vous politisez le rôle de la commissaire en faisant d'elle l'agente d'enquête et la décideuse.
Il y a eu un certain nombre d'affaires. Juste pour en choisir une de manière arbitraire, dans le secteur des transports, une affaire portait sur les remorqueurs dans le port de Vancouver. La commissaire a contesté et l'affaire s'est finalement réglée à l'amiable. Plus récemment, des recours ayant trait à la distribution du propane ont été introduits. Dans l'un d'eux, le tribunal a jugé qu'il n'y avait pas de problème, puis il y a eu d'autres appels qui ont été ballottés entre la Cour d'appel fédérale et le Tribunal.
Le sénateur Munson : Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral est intervenu dans l'industrie du transport aérien durant les périodes de crise. Par exemple, en 1999, le ministre des Transports a proposé une loi permettant à Air Canada d'acheter Canadian Airlines International et comportant des dispositions obligeant Air Canada à continuer à desservir des marchés plus petits pendant la période de transition. On craignait que ces collectivités ne soient plus desservies.
Après les attaques terroristes aux États-Unis en 2001, le gouvernement fédéral a garanti la protection d'assurance contre les risques de guerre aux compagnies aériennes et a contribué aux nouvelles mesures de sécurité instaurées dans les avions, en permettant aux compagnies aériennes de continuer leurs activités dans un contexte de sécurité accrue.
Dans votre mémoire, vous avez déclaré que l'intervention politique dans le secteur des compagnies aériennes s'est révélée infructueuse, en nuisant à l'industrie et en n'offrant pas aux consommateurs une meilleure protection que celle offerte à d'autres industries. Pourriez-vous nous expliquer plus clairement ce que vous voulez dire par là en donnant quelques exemples récents d'échecs de l'intervention politique?
Le sénateur Mercer : Vous avez rendu perplexes les représentants de l'Association du Barreau canadien.
M. Bodrug : Je suis en position désavantageuse. Cette partie du mémoire a été rédigée par la Section nationale du droit aérien et spatial et je suis ici aujourd'hui pour parler principalement des dispositions relatives aux fusions. Je suis un peu perdu. Veuillez m'en excuser.
Le sénateur Munson : Je ne veux pas vous mettre sur la sellette mais si quelqu'un peut répondre à cette question, nous en serions reconnaissants.
Le Comité des transports, de l'infrastructure et des collectivités a adopté dans une large mesure la Coalition pour la protection des voyageurs et votre proposition d'amendement concernant de meilleures exigences d'obligation de rendre compte de l'Office en ce qui a trait aux plaintes relatives au transport aérien. Êtes-vous maintenant satisfait de l'incidence qu'a sur les passagers l'élimination du poste de commissaire aux plaintes relatives au transport aérien?
M. Pepper : Je ne suis pas sûr si l'amendement a été adopté. Le poste de commissaire aux plaintes a été supprimé, mais les plaintes seront réglées par l'Office, l'OTC. C'est ce que je crois comprendre. J'ignore s'il y a eu des amendements.
Le sénateur Johnson : Ma question s'adresse aux représentants de l'Association du Barreau canadien. Le ministre des Transports nomme à l'occasion des comités ou des personnes pour examiner l'intérêt public en son nom en ce qui concerne l'efficacité de la législation sur les transports. Citons notamment le Comité d'examen de la Loi sur les transports au Canada, le Comité d'examen de la Loi maritime du Canada et le Comité consultatif chargé de l'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire ainsi que des secteurs de l'industrie des transports. Il y a aussi la Commission royale sur le transport des voyageurs au Canada. Dans votre mémoire, vous vous demandez cependant s'il est approprié que le ministre effectue un examen de l'intérêt public. Pourquoi l'examen de l'incidence sur l'intérêt public d'un regroupement d'entreprises dans l'industrie des transports, proposé à l'article 13, serait-il moins approprié à votre avis?
M. Bodrug : Je ne pense pas que notre position soit, même en faisant référence à l'autre article, que le ministre ne devrait pas du tout pouvoir faire d'examens de l'intérêt public. Je ne sais vraiment pas. À notre avis, cette proposition sera mise de l'avant chaque fois qu'une fusion respecte ces seuils financiers et vise une entreprise de transport. Je m'attends à ce que la majorité de ces avis n'aboutissent pas à un examen des fusions à des fins d'intérêt public parce que dans la plupart des cas, le ministre jugera que ce n'est pas assez important pour faire l'objet d'un examen de l'intérêt public. C'est vraiment le point central de notre préoccupation. Cela créera une procédure d'examen inutile et pénible. J'ai du mal à comprendre pourquoi des fusions en particulier devraient déclencher cet examen de l'intérêt public au-delà des questions qui se présentent dans le cadre d'une diminution de la concurrence. Autrement, si un comportement dans l'industrie est préoccupant, je présume que le ministre et l'organisme approprié devraient s'y attaquer dans le cadre normal de leurs activités.
Le sénateur Johnson : Vous avez répondu à la question.
La semaine dernière, le ministre des Transports a aussi déclaré devant le comité que les dispositions relatives aux fusions et aux acquisitions prévues dans le projet de loi ont été rédigées en consultation avec le Bureau de la concurrence. Le comité a entendu que la commissaire du Bureau de la concurrence ne serait pas influencée par les décisions du ministre lors de l'examen d'une demande de fusion ou d'acquisition.
Compte tenu de ces assurances données par le ministre, pensez-vous toujours que les dispositions contenues dans le présent projet de loi compromettent l'indépendance de la commissaire?
M. Bodrug : Je ne suis pas sûr de comprendre votre observation. La commissaire se voit contrainte de consulter directement le ministre des Transports au lieu de prendre des décisions en fonction d'un critère prévu dans la Loi sur la concurrence. À l'heure actuelle, la Loi sur la concurrence renferme une norme qui prévoit que si la commissaire a des raisons de croire que la transaction diminuera considérablement ou empêchera la concurrence, elle peut s'y opposer et interrompre la fusion ou obtenir des mesures de redressement. Ce n'est pas une norme aux termes du présent projet de loi. La norme stipule toute entrave à la concurrence et ne prévoit aucun seuil considérable; le critère est donc différent. Je sais que la commissaire a dit qu'elle avait l'intention d'appliquer le même critère, mais en faisant cela, on met la commissaire dans une situation délicate et elle s'expose à davantage de pressions politiques plutôt que de remplir sa fonction actuelle pour appliquer la loi.
Le sénateur Johnson : Vous avez proposé que le projet de loi C-11 soit amendé pour exiger que les transporteurs aériens fournissent des renseignements sur leur santé financière et la prestation de leurs services à l'Office et que ce dernier ait une obligation analogue de faire rapport de la santé financière des compagnies aériennes au ministre, qui en informerait ensuite les consommateurs.
Comment proposez-vous d'aborder le fait que certaines compagnies aériennes, en particulier les petites compagnies non régulières dont la situation financière est peut-être la plus précaire, sont des sociétés privées qui doivent protéger leurs renseignements financiers pour des raisons de concurrence?
M. Pepper : Je suppose que le gouvernement fédéral ne divulguera pas les renseignements qu'il reçoit. Je peux faire un parallèle avec ce que nous faisons dans la province de l'Ontario. Nous recevons les états financiers de toutes les sociétés privées, dont la plupart sont privées en raison de leur situation financière; elles ont un fonds de roulement, et cetera. Nous sommes tenus à la confidentialité et le gouvernement fédéral devrait aussi être lié à des règles de confidentialité similaires. Nous ne pourrions pas divulguer publiquement ces renseignements.
Le sénateur Johnson : Dans le témoignage précédent que vous avez présenté devant la Chambre des communes, vous vous êtes prononcés sur l'élimination du poste de commissaire aux plaintes, mais vous ne l'avez pas fait aujourd'hui. Pourriez-vous nous donner votre point de vue à cet égard?
M. Pepper : Quand le poste de commissaire aux plaintes a été supprimé, nous étions très préoccupés non seulement de l'élimination du poste mais également de l'abolition du processus actuel. Depuis que nous avons soumis le présent mémoire, nous avons rencontré des représentants de Transports Canada et de l'OTC et ils nous ont garanti le maintien en place du programme. Les plaintes seront toujours traitées et les consommateurs recevront une réponse.
Le sénateur Johnson : Vous n'avez pas le même problème en ce qui concerne le chef de file.
M. Pepper : C'était ce qui nous préoccupait au départ. Nous pensions que le rôle de traitement des plaintes disparaîtrait parce que non seulement on abolissait le poste du commissaire, mais également les postes du personnel du bureau du commissaire. On nous a toutefois assuré que le processus continuera.
Le sénateur Johnson : Pensez-vous que cette mesure a simplifié le processus de traitement des plaintes? Est-ce à peu près la même chose?
M. Pepper : À mon avis, ce sera pas mal du pareil au même. Le chef de file était une personne que le consommateur pouvait voir et à qui il pouvait faire appel, mais on m'a assuré que l'OTC continuera de répondre aux plaintes de la même manière.
Le sénateur Johnson : Pensez-vous, selon votre expérience, que le processus est efficace auprès des consommateurs? Y a-t-il eu beaucoup de plaintes?
M. Pepper : Il est difficile de calculer le nombre de plaintes, car ce n'est pas moi qui les recevais. Nous recevions les plaintes quand elles portaient sur des questions fédérales. Je ne peux pas vraiment vous donner une bonne réponse.
Le sénateur Johnson : J'ai envoyé des lettres au sujet du service.
Mme Théberge : Ce qui nous préoccupe concernant le poste de commissaire aux plaintes relatives au transport aérien, c'est son manque de visibilité, il en faut pour que les consommateurs sachent que le processus existe. On en fait peu de publicité et les gens doivent vraiment chercher pour le trouver.
Le sénateur Johnson : C'est une excellente observation. Je l'ignorais. J'ai envoyé ma lettre au président et il l'a transmise à quelqu'un d'autre. Personne ne m'avait parlé du commissaire aux plaintes.
Mme Théberge : C'est justement cela. Le rôle et le poste du commissaire aux plaintes relatives au transport aérien sont maintenant intégrés à l'Office. Nous voulons nous assurer que les consommateurs savent que le poste existe et qu'ils en comprennent le rôle et les responsabilités afin d'envoyer leurs plaintes. C'est l'une des questions plus importantes.
Le vice-président : Si vous perdez vos bagages, vous pouvez téléphoner au gouvernement, seulement au Canada.
Mme Théberge : Seulement après vous être plaint à la compagnie aérienne.
Le sénateur Zimmer : Je ferai quelques observations à l'égard des questions posées par le sénateur Mercer et le sénateur Johnson, car elles portent sur des sujets de première importance. Le sénateur Mercer a soulevé la question des prix dans le secteur du transport aérien. Les règles du jeu ne semblent pas être les mêmes pour tous. Une plus grande uniformité s'impose pour que les voyageurs puissent comparer des pommes avec des pommes. Bien entendu, les agents n'annoncent pas les frais additionnels de l'ordre de 8 ou de 9 p. 100 qu'ils touchent, comme si cela ne suffisait pas.
Le sénateur Segal soulève un bon point concernant d'autres priorités auxquelles nous sommes tous confrontés quand nous voyageons, telles que les retards et les bagages perdus. Il incombe au voyageur de démontrer le préjudice qu'il a subi et souvent nous ne portons pas plainte, car notre voyage nous a tellement épuisés que nous sommes heureux de récupérer nos bagages et de rentrer à la maison. Nous avons d'autres priorités dans la vie. Ces situations sont fâcheuses mais nous les supportons. Un grand nombre d'industries imposent aux particuliers la responsabilité de prouver qu'ils ont subi un préjudice, car elles savent qu'ils ne se plaindront pas. En plus de ce qu'a dit le sénateur Segal, je vous prierais de vous pencher sur ces questions, même si je sais bien qu'elles n'émanent pas de votre domaine.
En ce qui a trait à la question du sénateur Johnson, je tiens à apporter quelques précisions au sujet de préoccupations particulières concernant le rôle de l'OTC à l'égard du traitement des plaintes relatives au transport aérien en comparaison à celui du commissaire aux plaintes relatives au transport aérien, et vous avez répondu à cette partie de la question.
Mes questions s'adressent aux représentants de l'Association du Barreau canadien. Votre mémoire semble être en faveur du statu quo, c'est-à-dire que vous préféreriez que la commissaire de la concurrence continue de régler les cas de publicité mensongère conformément à la Loi sur la concurrence.
Comment répondriez-vous à des plaintes dénonçant que depuis de nombreuses années la plupart des consommateurs subissent « l'effet de surprise », comme on l'appelle dans l'industrie, car les taxes et les frais ne sont pas annoncés d'entrée de jeu?
À supposer que les frais et les taxes continuent d'être perçus pour les voyages par avion, quel plan d'action devrait être adopté pour changer la situation?
M. Bodrug : Je ne suis pas sûr de pouvoir vous répondre de façon précise, mais je peux vous dire que nous n'avons pas fait d'étude sur la publicité ou quoi que ce soit du genre. Cependant, quand la publicité dans cette industrie ou dans toute autre industrie trompe le grand public sur un point important, il y a deux solutions : une disposition pénale prévue dans la Loi sur la concurrence et une disposition civile, qui a été adoptée expressément pour qu'il soit plus facile pour la commissaire de la concurrence de présenter des cas et de s'attaquer à des questions sans la norme criminelle de preuve plus stricte pour régler de telles affaires et obtenir des ordonnances pour les faire cesser ou pour prendre d'autres mesures de redressement appropriées.
Quand le consommateur est induit en erreur, c'est un problème, qui n'est cependant pas propre à l'industrie du transport aérien. Les gens achètent et vendent de nombreux autres produits qui comportent des frais additionnels qui ne sont pas divulgués dans le prix d'achat total, et cela peut poser problème. Dans l'ensemble, nous croyons que c'est une situation qui ne s'applique pas uniquement à l'industrie du transport aérien. Quand cela devient un problème, la commissaire de la concurrence peut faire enquête. Les gens ont accès à de tels endroits pour déposer des plaintes. Le Bureau de la concurrence n'a pas de formalités excessives. Par exemple, les gens peuvent visiter le site web et envoyer un courriel. Le site comporte un mécanisme pour six types de résidents canadiens qui veulent déposer une plainte auprès de la commissaire à la concurrence et demander une enquête, ou le ministre de l'Industrie peut demander au Bureau de la concurrence de mener une enquête.
Nous ne savons pas très bien si le mécanisme n'est pas déjà en place, alors pourquoi ajouterions-nous un fardeau réglementaire à une industrie en particulier pour protéger quelque chose déjà protégé?
Le sénateur Zimmer : Merci. Pourriez-vous nous faire part de votre appréciation sur les circonstances qui ont donné lieu aux nouvelles dispositions relatives aux fusions visant les entreprises aériennes? Pourriez-vous nous en dire plus long sur ce que sont, d'après vous, les lacunes de ces mesures?
M. Bodrug : Si je comprends bien, les dispositions de la Loi sur les transports au Canada en vigueur concernant les fusions des lignes aériennes par des entreprises aériennes ont été adoptées à peu près au moment de la fusion d'Air Canada et de Canadian Airlines ou dans la perspective de cette dernière. Je ne connais pas le dossier de cette fusion à fond et je ne sais pas si elle a eu beaucoup d'effet. Par exemple, j'ignore si la compagnie Air Canada a avisé le ministre des Transports des transactions auxquelles elle a pris part. À l'adoption de cette disposition, l'Association du Barreau canadien a exprimé une préoccupation similaire à celle dont nous vous faisons part maintenant, sauf qu'aujourd'hui le problème est beaucoup plus grave.
Je tiens à préciser que même le Bureau de la concurrence, dans son mémoire présenté au comité de la Chambre des communes, a signalé qu'il préférerait aussi que cette disposition soit supprimée. Je ne peux pas mettre en évidence des préjudices particuliers qui découleraient de cette disposition. En théorie, elle pourrait désavantager les compagnies aériennes de la façon que j'ai mentionnée plus tôt. Le projet de loi actuel intensifierait l'ampleur du problème.
Le sénateur Peterson : Monsieur Bodrug, le projet de loi prévoit-il une disposition relative aux décisions préalables? Autrement, serait-il avantageux d'en avoir une et éliminerait-elle du moins quelques-unes des fusions mineures pour pouvoir aller de l'avant?
M. Bodrug : La Loi sur la concurrence prévoit un mécanisme pour l'obtention de certificats de décision préalable afin que le Bureau de la concurrence puisse donner son autorisation. Ce commentaire prête peut-être à interprétation, mais une façon de comprendre le projet de loi, c'est que si le Bureau approuve la délivrance d'un certificat de décision préalable, il ne sera alors jamais nécessaire d'aviser le ministre. J'ignore si c'est l'objectif visé ou si le Bureau de la concurrence sera tout simplement plus réticent à délivrer des certificats de décision préalable en raison des répercussions sur la Loi sur les transports au Canada. Nous allons bien voir.
Rien dans les amendements proposés à la Loi sur les transports au Canada ne concerne une décision préalable. Toutefois, c'est peut-être quelque chose que le ministre des Transports serait disposé à faire sur le plan administratif. Ce n'est pas expressément prévu dans le projet de loi.
Le sénateur Peterson : Aimeriez-vous que le projet de loi en fasse mention?
M. Bodrug : Si le présent projet de loi est adopté, nous serons plus en mesure de savoir si les fusions seront soumises à cet examen pouvant être très coûteux.
Le vice-président : Critiquez-vous le processus de fusion ou d'acquisition parce que c'est une mauvaise loi ou parce que c'est une mauvaise politique gouvernementale, ou les deux?
M. Bodrug : Je n'emploierais pas le mot « mauvais ». À notre avis, il serait préférable que cette disposition n'existe pas du tout. S'il doit y avoir une disposition relative à un examen de l'intérêt public, il vaudrait mieux qu'elle soit plus ciblée et plus axée sur le préjudice potentiel.
Qu'est-ce qui suscite la préoccupation qui mène à cet examen spécial de l'intérêt public? Tout ce que j'ai pu constater dans les registres publics, c'est qu'on s'inquiétait d'une importante fusion proposée dans l'industrie ferroviaire. Si le Parlement décide qu'il veut mettre en place un mécanisme pour les fusions de grandes sociétés ferroviaires alors, à notre avis, en acceptant cela comme principe, il faudrait que la disposition soit plus précise au lieu d'avoir une application aussi générale.
Le vice-président : Notre comité a fait des recommandations au sujet des médias d'information pour que le CRTC joue un plus grand rôle dans les fusions et les acquisitions de journaux parce que nous estimions que le Bureau de la concurrence ne s'acquittait pas convenablement de son rôle à cet égard. Je note que nous avons aussi des lois sur les banques distinctes du Bureau de la concurrence. Nous y avons un processus d'examen de l'intérêt public et la participation du ministère. Le CRTC intervient aussi dans les fusions de médias. Des audiences concernant la fusion entre CTVglobemedia et CHUM ont lieu actuellement. Ce n'est pas inhabituel. Vous pensez que c'est de grande portée. En tant qu'habitant de l'Ouest, je serais très préoccupé s'il y avait une ingérence politique dans une fusion de deux sociétés ferroviaires, car la région compte déjà des monopoles dans certains secteurs, même s'il y a deux sociétés ferroviaires. La Colombie-Britannique en a une en plus et quelques petites sociétés ferroviaires ici et là, mais malgré tout, nous souhaitons la mise en place d'un processus qui protégerait les agriculteurs contre une fusion de ces deux monstres, comme je les appelle.
M. Bodrug : Utiliser un examen des fusions pour réglementer les transporteurs, c'est un peu improviser quand il y a une fusion. Si le comportement d'un transporteur est jugé préoccupant, alors réglementer ce comportement est une chose; c'en est une autre de le réglementer pour une entité qui fusionne à une autre ou effectue une transaction qui techniquement déclenche un processus.
Le sénateur Segal : Quand une fusion se produit, et prenons l'exemple des sociétés publiques, l'un des grands différends entre les vendeurs et les acheteurs porte sur la valeur des synergies. Le grand litige a trait à la façon de répartir équitablement les synergies entre les actionnaires de l'acheteur et du vendeur. C'est un débat classique dans le marché et il est réglé sur le marché.
Pour insister sur le point qu'a fait valoir le président, ce sont ces synergies dans les sociétés de transport qui font dire aux gens que si nous fusionnons A et B, nous pouvons éviter le chevauchement. Le chevauchement tel que perçu par un groupe de Canadiens de Bay Street peut sembler être une vaste étendue du marché pour un autre groupe de Canadiens des Prairies.
L'idée selon laquelle le ministère des Transports ne serait aucunement intéressé à ce genre de questions, qui sont plus difficiles à saisir lorsqu'elles impliquent des intervenants du secteur privé, me paraît presque une rétractation du principe réglementaire en place depuis un certain temps, et pour lequel cela constitue une légère amélioration.
Seriez-vous plus apaisé s'il y avait un seuil qui permettrait à un grand nombre des préoccupations de moindre importance d'être réglées sans susciter cet intérêt, ainsi le seuil suffirait à impliquer une taille du marché où l'intérêt public pourrait plus être applicable du point de vue du ministère des Transports contrairement à votre préoccupation?
M. Bodrug : Dans le genre de situation dont vous parlez et où il y a des synergies, on compte généralement deux concurrents. C'est une situation où le Bureau de la concurrence s'engagera pleinement pour s'attaquer aux conséquences sur les clients et les fournisseurs.
Le sénateur Segal : Sauf votre respect, je ne suis pas d'accord. Une grande société qui achète une petite société peut peut-être dire cela, même si ce n'est pas une question de concurrence parce que la petite société n'était pas un intervenant de premier plan sur le marché en termes de pourcentage, elle a pu être importante dans son créneau. Ces synergies sont peut-être utiles à la subdivision régionale de la grande société qui entreprend l'acquisition. Je ne suis pas absolument sûr que cela susciterait l'intérêt de la concurrence autant que vous l'appréhendez.
M. Bodrug : Votre second argument se rattachait au moment et au seuil. C'est vraiment ce que nous tentons de faire valoir concernant l'orientation réglementaire. À toutes fins pratiques, le ministre se préoccupera-t-il réellement de ces petites fusions ou des petites entreprises de transport? La mesure réglementaire serait certainement plus ciblée si elle stipulait qu'une fusion d'entreprises de transport dépassant un certain seuil financier les soumettrait à cet examen. Cette mesure réduirait la portée de ces dispositions relatives aux fusions. Ce serait utile.
Le vice-président : Pour revenir sur ce point, selon le libellé du projet de loi, le ministre prend cette décision. Il ne va pas prendre une décision qui n'aura aucune conséquence politique. C'est un politicien. Il doit rendre des comptes à ses membres.
La raison pour laquelle le projet de loi n'a pas de grande portée est que l'acquisition de Yanke par CN Rail ne représente peut-être pas grand-chose à Winnipeg, mais c'est une transaction énorme à Saskatoon parce que le Yanke Group of Companies est la plus grande entreprise de camionnage. C'est une entreprise locale de Saskatoon et les deux sociétés fusionnées pourraient devenir un joueur important. Les députés de la région, les associations agricoles ou les exportateurs soutiendraient peut-être qu'ils croient que le ministre devrait examiner l'acquisition, car la concurrence sera réduite tout à coup dans leur région. Le ministre n'interviendra pas dans un processus sans conséquence.
M. Bodrug : Dans le cas des questions relatives à la concurrence, le Bureau de la concurrence s'y est déjà attaqué. Pour les autres questions, on nage dans une très grande incertitude qui amènera les entreprises canadiennes à craindre d'entrer dans le secteur du transport, car elles pourraient s'exposer à des délais très longs.
C'est un compromis entre conserver une très grande latitude pour potentiellement examiner un très large éventail de transactions au lieu de créer un milieu plus propice à l'investissement et aux dépenses en capital.
Le sénateur Segal : Vous faites un commentaire général sur une entrée dans des secteurs réglementés. Les aspects économiques du marché révèlent qu'il y a des coûts et des avantages tant dans les marchés non réglementés que dans le marchés réglementés. On peut supposer qu'un grand nombre des participants actuels dans le marché du transport réglementé y sont parce qu'ils croient qu'il y a des profits à faire. Il n'est pas nécessairement vrai que la réglementation proprement dite ou toute autre modification, si elle est mise en place pour offrir à tous des chances équitables, dissuade les investisseurs. C'est peut-être vrai dans certaines circonstances, mais de façon générale, ce n'est pas forcément le cas.
M. Bodrug : Merci, sénateur Segal. Je n'avais pas l'intention de généraliser. Je faisais ressortir ce qui est probablement, à mon sens, une conséquence involontaire du projet de loi en vue de dissuader les grandes entreprises canadiennes d'avoir une certaine présence dans le secteur, car cela réduirait leur capacité de conclure d'autres types de transactions.
Le vice-président : Merci aux témoins et merci aux sénateurs.
La séance est levée.