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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 12 - Témoignages du 2 mai 2007


OTTAWA, le mercredi 2 mai 2007

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été déféré le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada et la Loi sur la sécurité ferroviaire et d'autres lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 18 h 15 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur David Tkachuk (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Honorables sénateurs, messieurs, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d'être venus aujourd'hui. Nous avons avec nous aujourd'hui Bob Ballantyne, de l'Association canadienne de transport industriel; Ian May, de Western Canadian Shipper's Coalition et Cam Dahl, directeur des relations gouvernementales à la Western Grain Elevator Association. Je crois que nous attendons aussi Avrim Lazar, président-directeur général de l'Association des produits forestiers du Canada.

Nous commencerons par M. Ballantyne, puis nous continuerons.

Bob Ballantyne, président, Association canadienne de transport industriel : Nous vous remercions de nous donner l'occasion de discuter avec vous du projet de loi C-11 aujourd'hui. Je ne propose pas de lire mon exposé, qui a été envoyé au greffier lundi; je crois comprendre qu'il a été distribué dans les deux langues officielles.

Premièrement, j'aimerais dire un petit mot sur l'Association canadienne de transport industriel, l'ACTI, qui a été fondée en 1916 pour faire valoir les préoccupations de l'industrie canadienne sur les questions portant sur tous les moyens de transport des marchandises. Les 116 entreprises membres de l'ACTI font partie des principaux groupes industriels, de l'exploitation minière à la vente au détail, et elles sont disséminées à travers le pays. Un grand nombre de nos entreprises portent des noms bien connus, une liste de nos membres a été jointe à notre mémoire.

L'ACTI a été fondée en 1916 et, en dépit des apparences, je n'ai pas assisté à sa première réunion. Je remarque que l'ACTI et les autres associations qui comparaissent devant vous aujourd'hui sont membres de la coalition des expéditeurs par rail qui regroupe 17 associations de l'industrie dont les membres génèrent, selon une estimation prudente, plus de 80 p. 100 des recettes du Canadien National et du Canadien Pacifique.

Cette coalition a bien des réserves à l'égard des dispositions relatives au transport par rail de la Loi sur les transports au Canada. Comme le ministre des Transports l'a dit au comité la semaine dernière, les expéditeurs recherchent des modifications à la loi afin de rééquilibrer le pouvoir de négociation entre les expéditeurs et les chemins de fer. Ce sera un débat pour une autre journée.

Nous travaillons aussi étroitement avec un grand nombre d'autres associations de l'industrie et je veux mentionner que l'Institut canadien des engrais, l'ICE, et l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques m'ont fait part de leur soutien concernant l'exposé de l'ACTI que vous avez reçu un peu plus tôt cette semaine.

Je vais résumer brièvement les quatre points soulevés dans notre exposé concernant le projet de loi C-11. Dans le mémoire écrit de l'ACTI, pour éviter toute confusion, les numéros d'articles que je mentionnerai sont les numéros des articles du projet de loi C-11, pas ceux de la loi.

Premièrement, dans l'énoncé de politique, le libellé révisé de l'article 2 du projet de loi C-11, qui modifie l'article 5 de la loi, répond aux objectifs de mise à jour et de simplification tout en veillant à ce que l'intention de l'énoncé de politique corresponde à celui de la Loi de 1996 sur les transports au Canada. Ce sens est fondamentalement important pour protéger la jurisprudence qui a évolué depuis la Loi de 1967 sur les transports nationaux. L'ACTI appuie l'énoncé de politique proposé à l'article 2 du projet de loi C-11.

L'article 7 du projet de loi C-11 visant à modifier l'article 36 de la loi traite de la médiation et de l'arbitrage. L'article 7 a été déposé sans consultation préalable des expéditeurs au moment où le Comité permanent des transports, de l'infrastructure et des collectivités de la Chambre des communes procédait à l'examen du projet de loi. Les expéditeurs n'acceptent pas l'inclusion de l'article 7 pour les cinq raisons mentionnées dans le mémoire de l'ACTI.

De plus, l'Institut canadien des engrais a fait d'autres commentaires. J'ai remis des copies de ces commentaires au greffier qui les distribuera quand ils seront traduits en français. Je vais vous lire ces commentaires.

Il est dit, en ce qui concerne le règlement des différends commerciaux et les conséquences sur l'article 7 du projet de loi :

En particulier, l'ICE, à titre d'association responsable dans les discussions sur le règlement des différends commerciaux entre les expéditeurs et les chemins de fer, soutiendrait que l'amendement viserait à pousser les associations d'expéditeurs à accepter un mécanisme de règlement des différends commerciaux qui limiterait le transport des marchandises par rail de leurs membres à l'intérieur du Canada seulement. L'ICE a, dès le début, dit très clairement que l'inclusion de toute la circulation en provenance du Canada...

que la destination soit au Canada, soit un port ou soit aux États-Unis...

est essentielle, et...

ce principe fondamental...

conforme aux droits canadien et international. Les sociétés ferroviaires avaient d'abord accepté cette proposition, elles se sont ensuite récusées, puis elles ont présenté des réponses partielles; cet amendement a pour effet de limiter la capacité de négociation des expéditeurs afin de conserver cet élément critique règlement des différends commerciaux, et il faut le supprimer.

L'ICE est très déçu que Transports Canada ait assumé ce rôle dans ce qui était supposé être des négociations commerciales. Le fait que l'Office puisse être amené à établir un processus similaire d'élaboration de politique de réglementation chaque fois qu'il prend des décisions sous le couvert du soi-disant arbitrage « commercial » nous préoccuperait. Il s'agit là d'un changement considérable dans l'équilibre entre les intérêts des expéditeurs et ceux des transporteurs. Ce changement doit faire l'objet d'un débat exhaustif réunissant toutes les parties intéressées.

Le projet de loi n'a pas fait l'objet des discussions lorsqu'il a été présenté à la Chambre des communes. Nous préférerions que l'article 7, qui modifie l'article 36 de la loi, soit retiré.

L'article 12 du projet de loi, qui modifie les paragraphes 53(1) et 53(2) de la loi traite de l'examen de la loi. Il est prévu que la loi fasse l'objet d'un examen au plus tard quatre ans après son adoption, en 2001, ainsi que l'exige la loi de 1996, or les modifications à la loi n'ont pas encore été faites et nous sommes au beau milieu de 2007. Nous estimons que la proposition de changement de l'examen de la loi à huit ans au lieu de quatre ans est un pas considérable en arrière.

L'ACTI n'appuie pas la révision proposée dans l'article 12 du projet de loi C-11, et recommande que les dispositions en vigueur dans la loi demeurent en place. L'ACTI recommande de supprimer l'article 12 du projet de loi C-11.

Finalement, je veux parler de l'examen sur la qualité des services des chemins de fer. Les chemins de fer de catégorie 1 ont lourdement détérioré la qualité des services marchandises ferroviaires au cours des dernières années, remontant probablement au moins à sept ans. Dans son exposé d'aujourd'hui, La Western Grain Elevator Association (WGEA) recommandera d'inclure un examen indépendant dans ce projet de loi. L'ACTI appuie la recommandation de la WGEA.

Je suis arrivé à la fin de ma déclaration. Nous sommes prêts à répondre, en temps opportun, à toute question que les membres du comité voudraient nous poser.

Le vice-président : Le projet de loi comporte-t-il des parties qui vous plaisent?

M. Ballantyne : Nous avons dit que nous aimons l'énoncé politique tel qu'il est rédigé. Nous sommes plus intéressés par les dispositions relatives au transport des marchandises. Nous n'avons pas de commentaires à faire sur les autres questions concernant, par exemple, l'aviation, la publicité des tarifs, l'accès des exploitants de services ferroviaires de banlieue aux terrains appartenant aux chemins de fer, et cetera.

Ces dispositions sont celles que nous voulons souligner, nous n'avons pas de commentaires particuliers à faire sur le reste du projet de loi.

Avrim Lazar, président-directeur général, Association des produits forestiers du Canada : Je vous prie de m'excuser d'être en retard. On m'a dit que je devrais dire que c'est à cause de la sécurité, mais ce serait lâche de dire cela; c'est vraiment ma faute.

Tout d'abord, l'Association des produits forestiers du Canada a très peu de choses à dire sur les services ferroviaires de banlieue, étant donné que personne ne peut les utiliser pour venir dans nos scieries qui sont situées loin des centres- villes, et nous expédions peu de produits par voie aérienne, nous sommes donc intéressés aux parties du projet de loi concernant le transport des marchandises.

Je formulerai mes observations en deux parties. Je présenterai d'abord des remarques générales sur l'importance de ce secteur; ce qu'il signifie pour les Canadiens. La deuxième partie se composera de remarques portant sur le projet de loi.

Au sujet de son importance, l'industrie forestière emploie 300 000 personnes et 600 000 autres emplois en dépendent. Ces emplois se trouvent dans des zones rurales et sont irremplaçables.

Comme tous ceux ici présents le savent, 60 p. 100 de nos produits sont commercialisés sur le marché mondial, ce qui signifie que nous avons pour concurrents des pays comme l'Indonésie, la Chine et le Brésil. C'est un secteur difficile. La seule façon pour nous de réussir est d'innover et de réduire les coûts. Ce que nous avons fait année après année et nous sommes le plus grand exportateur de produits forestiers au monde.

Le transport ferroviaire compte pour 20 p. 100 de nos coûts fixes. Nous sommes loin des villes; nous devons charger nos produits — le petit bois d'œuvre de deux sur quatre, les rouleaux de papier journal et les rouleaux de pâte — dans un train pour les livrer aux marchés. Quatre-vingt-dix pour cent de nos scieries sont à la merci d'une seule compagnie de chemin de fer.

Les monopoles ne sont pas une bonne chose. Ils intimident; ils font payer un prix excessif et peuvent détruire l'économie des villes. Les compagnies de chemin de fer sont une bonne chose. Le CN et le CP sont d'excellentes compagnies. Leur donner un monopole est une erreur grave parce qu'elles font ce que tout monopole veut faire — elles demandent un prix excessif.

Payer un prix excessif ne nous dérangerait pas si nous pouvions faire la même chose à nos clients et leur passer le problème, mais nous ne nous pouvons pas le faire; nos produits sont vendus sur le marché international. Nous avons fait une étude indépendante et objective afin de mesurer le prix excessif que nous payons. L'étude a révélé que notre industrie payait annuellement à elle seule 280 millions de dollars. Ce montant est bien supérieur au taux de rentabilité normal. En plus de faire de gros profits, les compagnies ferroviaires empochent 280 millions de dollars de plus parce qu'elles n'ont pas de concurrence.

Nous n'avons pas les moyens de payer ce montant. Ces coûts tuent nos localités rurales qui dépendent du transport au coût le plus réduit possible. Nous voulons que les compagnies ferroviaires gagnent de l'argent. Nous voulons qu'elles investissent l'argent. Nous voulons qu'elles continuent à être exceptionnellement bonnes, elles le sont, mais elles ne peuvent pas empocher de l'argent en plus. Elles ne devraient prendre que ce qu'elles gagneraient si elles avaient des concurrents.

Ce problème n'est pas un problème de chemins de fer; c'est un problème de gouvernement car les gouvernements qui se sont succédé n'ont pas réussi à mettre en place des mesures imposant une discipline de marché aux coûts du transport ferroviaire.

C'est à ce moment que je dois donner un coup sur la table : voilà, c'est fait. On m'a dit que je devais taper du pied et donner un coup sur la table; je veux que l'on sache, aux fins du compte rendu, que je n'ai pas tapé du pied.

Pour parler du projet de loi proprement dit, la période de huit ans est une grave erreur. Le commerce mondial change rapidement. Thomas Friedmann a dit dans l'un de ses plus récents livres que nous sommes passés d'un monde où le grand mangeait le petit à un monde où celui qui est rapide mange celui qui ne l'est pas. Si l'on fait de cette disposition une partie essentielle de notre compétitivité nationale — si on la met en œuvre et si l'on ne fait pas l'examen de quelque chose d'aussi important que cette loi tous les huit ans — cela voudra dire que nous serons lents, maladroits et incapables de s'adapter aux changements de la réalité mondiale. J'estime que quatre ans est la période maximale pour faire l'examen de cette loi.

Deuxièmement, comme tous nos collègues, nous avons des réserves à l'égard de l'article 7 du projet de loi présenté sans consultation préalable des expéditeurs. L'article 7 élargit le rôle de l'Office. Il est choquant que vous ayez ignoré les utilisations des chemins de fer, mais si on nous avait consultés, nous aurions dit que c'est une « mauvaise idée. »

Troisièmement, nous souhaiterions — pas dans ce projet de loi, nous espérons le voir dans des projets subséquents — que l'arbitrage final soit élargi puisque c'est le seul mécanisme compétitif qui a une certaine influence.

Quatrièmement, nous aimerions voir un examen législatif de la qualité des services.

Je vais maintenant parler du service. Nous avons une scierie. Les gens abattent des arbres qui sont envoyés à la scierie et en sortent sous forme de rouleaux de pâte. Nous devons les charger dans des wagons ou envoyer tout le monde de la scierie à la maison. Nous n'avons pas de place dans les terrains boisés pour entreposer tous ces produits. À moins d'être sûrs de recevoir un service de qualité et des wagons en bon état quand nous en avons besoin, nous ne pouvons pas fonctionner. Étant donné que nous sommes confrontés à un monopole et que 90 p. 100 de nos scieries sont captives d'une seule ligne de chemin de fer, nous prenons ce qu'ils nous donnent. Si nous nous plaignons, ils nous disent : vous verrez si vous allez avoir un wagon la semaine prochaine. Nous voulons qu'un examen de la qualité du service soit mis en place.

Nous ne critiquons pas les sociétés ferroviaires. Elles font très bien leur travail. Elles se conduisent cependant comme tous les autres monopoles économiques au monde. Elles exploitent leurs clients.

Cam Dahl, directeur des relations gouvernementales, Agricore United, Western Grain Elevator Association : Merci de nous avoir invités à vous faire part de notre point de vue concernant le projet de loi.

Je voudrais apporter une petite correction. Je ne suis pas employé par l'association. Je travaille pour l'un des membres de l'association, Agricore United, aux relations gouvernementales.

La WGEA est une association regroupant huit compagnies céréalières publiques et privées faisant affaire au Canada et appartenant à des producteurs qui, ensemble, manutentionnent plus de 90 p. 100 des exportations de grains en vrac dans l'ouest du Canada. Nos membres génèrent environ 20 p. 100 des recettes des chemins de fer au Canada et payent une facture totale de transport de plus de un milliard de dollars chaque année.

La WGEA a deux recommandations particulières visant à modifier le projet de loi C-11 : premièrement, l'ajout d'un article pour inscrire dans la loi un examen du niveau du service des chemins de fer; et deuxièmement, la réduction de huit à quatre ans du délai de l'examen prévu par la loi.

Permettez-moi de faire un petit historique pour situer ces recommandations dans le contexte. Les cultivateurs et les compagnies céréalières ont énormément investi dans le système de manutention des céréales de l'Ouest au cours des 20 dernières années. En réponse aux demandes des sociétés ferroviaires visant le regroupement des points d'expédition, les compagnies céréalières ont construit des silos à haute capacité pouvant charger jusqu'à 100 wagons en 24 heures et fermé des centaines de petits silos situés dans les Prairies.

Cela a été fait dans le but d'améliorer l'efficacité du système et les services des chemins de fer au niveau des silos. Malheureusement, nous avons de plus en plus de difficultés à nous acquitter de nos engagements contractuels à cause des carences, des inefficiences et des échecs des chemins de fer.

La législation fédérale actuelle nous est fort peu utile pour remédier à ces problèmes. Les services de transport ont entraîné des coûts supplémentaires en raison du personnel additionnel que nous avons dû placer dans les silos régionaux pour assumer nos responsabilités de chargement lorsque les wagons finissent par arriver et aussi en raison de la dotation en personnel quand les wagons n'arrivent pas.

Nous assistons aussi à une augmentation des coûts dans les gares à cause du manque de fiabilité des arrivées de trains, à cause des droits de stationnement et des pénalités contractuelles imposées lorsque les céréales n'arrivent pas au port dans les délais prescrits dans les contrats.

Il y a aussi un coût qui est difficile à mesurer et qui est dû à la possibilité de perdre des ventes ou de ventes effectuées après les périodes durant lesquelles les prix sont élevés. Ce coût augmente à mesure que s'accroît la réputation de fournisseur non fiable du Canada.

Les expéditeurs canadiens sont confrontés à un problème de responsabilité. Par exemple, les sociétés sont tenues de charger des trains de 100 wagons en 24 heures, ou de 50 wagons en 10 heures, pour toucher des incitatifs. En outre, quand les wagons arrivent au port, les exploitants de terminaux doivent les décharger en 24 heures s'ils veulent éviter des frais de surestaries.

Nous ne pensons pas que ces mesures relatives à la responsabilité financière soient mauvaises. Elles sont bonnes car elles accroissent et favorisent l'efficacité.

Malheureusement, il n'y a pas l'équivalent de cette responsabilité du côté des compagnies de chemin de fer pour ce qui est de livrer des wagons aux terminaux dans les délais impartis. En fait, les compagnies de chemin de fer ne reçoivent pas d'amendes si elles ne fournissent pas les services requis.

Nous, les expéditeurs, sommes pris en otage. Une entreprise de grain située sur une ligne de chemin de fer donnée n'a d'autre choix que d'utiliser cette dernière. Les services sont offerts dans des conditions qui minimisent les coûts d'expédition, pas nécessairement pour satisfaire aux besoins de transports de l'industrie du grain. On présume que le grain sera expédié de toute façon. Les conséquences négatives des retards dans l'expédition du grain, pour les extreprises et pour les fermiers, ne sont pas prises en compte dans les décisions ayant trait aux services offerts.

Encore une fois, comme l'ont dit mes amis, les sociétés ferroviaires ne fonctionnent pas de manière imprévisible. Elles maximisent leurs profits dans le cadre du régime législatif actuel. On ne peut s'attendre à ce qu'elles modifient leur comportement tant que la loi fédérale sur les transports n'aura pas été modifiée.

La WGEA est membre d'une vaste coalition d'expéditeurs. Le 5 mai 2006, un accord a été conclu entre le gouvernement et la coalition sur les changements qui devraient être apportés à la Loi sur les transports au Canada. Les modifications demandées sont destinées à prévenir l'apparition de problèmes dans le transport ferroviaire, essentiellement par la modification du comportement des chemins de fer en leur attribuant plus de responsabilités et en améliorant les recours des expéditeurs en cas d'incident.

L'accord du 5 mai comprenait aussi un engagement du ministre des Transports à entreprendre une révision plus détaillée du niveau de service et de la responsabilité des sociétés de chemins de fer dans les 30 jours suivant l'adoption du projet de loi.

Alors que le gouvernement avait déclaré au départ qu'il était prêt à considérer la mesure législative proposée par les expéditeurs, nous nous demandons aujourd'hui si nos demandes n'ont pas été mises de côté. Nous nous inquiétons que le projet de loi sur le transport ferroviaire ne soit pas présenté ou même pire, qu'il ne reflétera pas même de loin l'accord du 5 mai. La possibilité que l'examen du niveau de service ne soit pas considéré nous préoccupe aussi.

Quel est le rapport entre ces renseignements et le projet de loi C-11? Il est important de dire que le projet de loi C-11 ne règlera pas, à lui seul, la mauvaise qualité du service des chemins de fer et le manque général de responsabilité. Cependant, les deux amendements que nous proposons aideraient à établir une petite partie de l'équilibre nécessaire.

L'accord du 5 mai était un compromis, un accord sur ce qui aurait pu être inclus dans la Loi sur les transports au Canada pour commencer à résoudre des problèmes tels que le manque de responsabilité. Aucun des expéditeurs présents aux négociations du 5 mai ne croyait que la solution de compromis résoudrait tous les problèmes.

C'est la raison pour laquelle l'examen du niveau de service est si important. Un examen rapide permettrait au secteur et au gouvernement de mesurer l'effet et les carences du service, de revoir tous les secteurs de l'économie, d'identifier ce qui fait obstacle à un service fiable de la part des chemins de fer et de trouver les solutions législatives et non législatives qui permettraient d'améliorer le service.

À la réunion du 5 mai, des représentants du ministère ont accepté qu'un examen du niveau du service commence 30 jours après l'adoption du projet de loi sur le transport ferroviaire. Étant donné le temps écoulé et le fait qu'un tel projet de loi n'a pas été encore déposé, et encore moins adopté par le Parlement, et vu que les éléments essentiels de l'accord du 5 mai semblent avoir été oubliés, nous demandons au Sénat de modifier le projet de loi C-11 afin que cet examen soit obligatoire.

Nous ne croyons plus que cet élément essentiel de l'accord du 5 mai sera adopté sauf si la loi l'exige. Nous croyons que le projet de loi C-11 est l'instrument législatif approprié pour inscrire l'examen dans la Loi sur les transports au Canada.

Par exemple, le projet de loi C-11 prévoit déjà des modifications de l'examen et du processus de présentation de rapports au Parlement de la Loi sur les transports au Canada. Encore une fois, l'article 11 du projet de loi qui modifie le paragraphe 52(1) de la loi traite des rapports du ministre. L'article 12, qui modifie les paragraphes 53(1) et 53(2) de la loi, traite des modifications du processus de l'examen complet.

Certains pourraient proposer que la demande de cet examen soit faite dans le cadre du projet de loi sur le transport ferroviaire. Ce qui me préoccuperait dans ce cas, c'est que l'on pourrait dire que cet amendement aurait du être inclus dans le projet de loi C-11 et l'initiative serait alors mise de côté.

La WGEA croit que l'article 11 du projet de loi C-11 est approprié pour y inclure la demande d'un examen du niveau de service. À cet effet, nous avons préparé pour que vous l'examiniez un projet d'amendement du projet de loi. Je ne lirai pas l'amendement, il est joint à notre mémoire qui, me semble-t-il, a été remis aux membres du comité.

Mes amis ont déjà souligné les raisons pour lesquelles nous croyons que le délai de l'examen complet ne devrait pas être prolongé et, au regard des changements économiques rapides qui existent aujourd'hui dans les marchés internationaux, il serait peut-être plus logique de raccourcir le délai.

Je ne reviendrai pas sur les raisons, mais comme il a été souligné, le dernier examen a été déposé au Parlement en 2001 et nous attendons encore de voir la mesure législative requise présentée au Parlement.

Par conséquent, la WGEA s'accorde, avec les autres associations représentées ici, à ce que la période d'examen commence au plus tard quatre ans après l'entrée en vigueur du projet de loi C-11. En conclusion, notre objectif fondamental est d'instaurer un régime de responsabilité équilibré. Les chemins de fer devraient avoir, au niveau de la performance, le même degré de responsabilité que celui des expéditeurs. À moins que les chemins de fer aient une responsabilité pour apporter des améliorations importantes au niveau de service offert aux expéditeurs, la position de notre pays dans les marchés internationaux continuera de s'affaiblir, il est important de le savoir. Tout à l'heure, j'ai dit que le Canada s'était taillé une réputation de fournisseur non fiable : c'est le cas dans le marché de grains. Notre pays n'est pas considéré comme étant fiable dans la livraison de produits dans les délais prescrits. Cette réputation fait beaucoup de tort à l'industrie céréalière et aux cultivateurs. Les carences du niveau du service causent la perte de ventes de grains au pays et à l'étranger. Il y a une perte de recettes parce que les céréales seront vendues en dehors des périodes durant lesquelles les prix sont élevés. Il y a un grand risque de frais élevés de surestaries pour les navires, de perte de confiance envers le Canada en tant que fournisseur et de coûts plus élevés pour les cultivateurs. Tous ces coûts affaibliront la viabilité de la production de céréales, d'oléagineux et de cultures spéciales au Canada. Il faut, dans un premier temps, faire l'examen de la responsabilité des chemins de fer au niveau du service afin de bien comprendre les problèmes auxquels sont confrontés les expéditeurs et, espérons-le, de l'examen découleront des recommandations positives pour apporter des changements.

Ian May, président, Western Canadian Shipper's Coalition : Monsieur le président, honorables sénateurs et chers collègues, je vous remercie de prendre le temps d'écouter ce que nous avons à dire ce soir au sujet du projet de loi C-11. Je ne vais pas répéter ce que vous avez entendu. Vous comprenez que les expéditeurs ont des plaintes similaires. Comme je n'ai pas l'habitude de faire cela, je lirai mon texte.

La Western Canadian Shipper's Coalition (WCSC) est une coalition. Elle regroupe des sociétés de produits forestiers, des expéditeurs de céréales, mais aussi de charbon et d'autres marchandises, y compris le soufre, vers des ports. Nous avons une perspective plus large et nous subissons probablement plus le monopole des chemins de fer que les associations de mes deux collègues assis à ma droite. Le groupe de M. Ballantyne est aussi varié que le nôtre. Nos membres ont créé 280 000 emplois dans l'Ouest canadien et, il y a deux ans, leurs ventes s'élevaient à 24,5 milliards de dollars par an, ce n'est donc pas un groupe insignifiant.

Ainsi que l'a expliqué M. Lazar, les répercussions du monopole exercé par un transporteur ferroviaire sont coûteuses. Bien que ces coûts aient un effet négatif considérable sur les bénéfices nets des expéditeurs de marchandises, les problèmes sont beaucoup plus graves et complexes.

La WSCS compte parmi les membres des expéditeurs de marchandises très différentes et cette grande diversité est l'objet, en raison de ses répercussions sur les expéditeurs, de conversations intéressantes au sein du conseil. Selon les modalités de leur contrat, 40 wagons doivent être livrés aux expéditeurs de produits forestiers au cours de la semaine. Un certain nombre de wagons devraient arriver chaque jour entre le mardi et le vendredi ou entre le lundi et le jeudi, mais voilà que 40 wagons arrivent tous ensemble un vendredi. Pour la société ferroviaire, les délais sont respectés. Cependant, l'expéditeur va être obligé de charger 40 wagons alors qu'il n'a pas de moyens matériels de le faire. En attendant les wagons les mardis, mercredis et jeudis soirs, il avait des équipes supplémentaires sur place pour aider au chargement, mais les wagons arrivent finalement le vendredi. L'expéditeur a payé des heures supplémentaires à des équipes, conformément aux contrats qu'il a signés, et finalement les wagons sont tous arrivés la même nuit. Il lui est impossible de charger les wagons avant la fin de semaine et, pour l'insulter encore plus, on lui facture des droits pour le stationnement de ces wagons vides durant la fin de semaine et la semaine qui suit. Or, pour les sociétés ferroviaires les wagons ont été livrés dans les délais. Ce genre de comportement a fait naître en nous un état de frustration.

Le groupe d'expéditeurs ici présent est vraiment spécial car nous nous faisons la concurrence tous les jours. Nos objectifs, nos buts et nos ambitions sont différents. Nous sommes concurrents à l'intérieur et à l'extérieur du Canada, pourtant nous faisons front commun depuis le 5 mai et nous continuons peut-être plus encore que jamais. Le mauvais traitement que nous subissons de la part d'un ennemi commun est la seule chose qui nous rallie. Je ne suis pas aussi tendre envers les chemins de fer que M. Lazar. Ils prennent un certain plaisir à exercer leur pouvoir monopolistique. L'expression « nous nous sommes faits rouler » doit bien provenir de quelque part. Ils ne sont pas naturellement bienveillants et leurs actions ne sont pas bienveillantes. Non seulement ils font du mal aux expéditeurs, mais aussi, à mon avis, à l'économie du pays et à la réputation du Canada et cela ne se limite pas seulement aux expéditions de céréales. Ils nuisent aux expéditions de bois d'œuvre et aux produits de notre groupe.

J'aimerais faire une analogie entre une société ferroviaire et un taxi. C'est généralement le point de vue des sociétés ferroviaires. Si les affaires marchent bien pour elles, l'économie est florissantes et si les taxis sont occupés la ville est prospère, mais l'économie ne dépend ni des sociétés ferroviaires ni des taxis : ils en sont des indicateurs. Le fait que les sociétés s'accaparent tous les profits de l'économie est nuisible. Ce qui est en jeu, c'est la valeur des marchandises transportées par les sociétés ferroviaires, et si le Canada est une nation commerçante puissante, c'et en raison du volume et la quantité de ces marchandises. C'est historiquement vrai et ça le sera pour longtemps. Tout ce qui porte atteinte aux marchandises porte atteinte au Canada, d'ailleurs, je pense que nous reculons, en tant que nation, au niveau de ce qui est le fondement de notre pays, c'est-à-dire le commerce international. À moins que la situation ne change, nous continuerons à reculer jusqu'au point où nous ne serons plus du tout compétitifs.

Cette une grave accusation et une sérieuse déclaration, mais elles ne sont pas fausses. Malheureusement, nous ne pouvons pas tirer les oreilles des directeurs des sociétés ferroviaires et leur dire : « Réveillez-vous, vous faites du tort au pays. » Ils ont tendance à se préoccuper de la valeur pour l'actionnaire et ils le font parce que la Loi sur les transports au Canada le leur permet. Nous avons porté à votre attention deux ou trois problèmes particuliers que nous avons avec le projet de loi C-11 et nous vous en signaleront d'autres quand le ministre apportera éventuellement des changements visant à aider les expéditeurs. Permettez-moi de lire un article qui révèle les motivations des sociétés ferroviaires et explique pourquoi elles se comportent comme elles le font. L'extrait est tiré d'une analyse faite en 2006 par UBS, une banque d'investissements privés basée à Zurich et qui fait des affaires en Amérique du Nord. Il est question de CSX Corporation, une société ferroviaire de l'Est des États-Unis :

L'exploitation par rapport au compromis de commercialisation et le fait que la compagnie doit être plus inflexible avec les clients pour les aider en fin de compte sont un autre aspect de l'exploitation que CSX semble comprendre aujourd'hui. Cela peut sembler contre-intuitif, mais prenons un exemple simple pour comparer CSX à Northfolk Southern aujourd'hui. CSX offre aux clients une plus grande flexibilité au niveau de la date et du lieu de ramassage et de livraison des wagons. En revanche, Northfolk Southern encouragera et poussera les clients à interagir avec la société ferroviaire en imposant ses de façon à en faire profiter l'exploitation, c'est-à-dire moins de ramassages et de livraisons à des moments à des heures qui maximisent l'efficacité de l'exploitation...

Voici la phase capitale entre parenthèses :

Le Canadien National est le maître en la matière et c'est un élément essentiel de sa culture « d'expédition par rail de précision. »

Imaginez que vous commandez un taxi et que le chauffeur vous dise qu'il se présentera chez vous quand il en aura envie ou lorsqu'il déposera un autre client dans votre quartier afin de maximiser son efficience. Voilà la situation à laquelle nous sommes confrontés avec les sociétés ferroviaires.

Je voulais expliquer, de manière plus détaillée, nos réserves à l'égard de l'article 7 du projet de loi C-11, qui habilite l'Office des transports du Canada à agir à titre de médiateur et d'arbitre dans les différends entourant le transport des marchandises par rail et les frais accessoires liés au transport de ces marchandises. M. Lazar en a bien parlé et M. Dahl en a aussi parlé.

L'article 7 impose effectivement un régime de réglementation à ce qui est aujourd'hui un processus de règlement des différends commerciaux. Premièrement, il n'a pas la portée pour régler les différends aux États-Unis, pays qui est la destination de la majorité de nos expéditions et, deuxièmement, c'est une nouvelle réglementation alors que nous sommes supposés aller dans l'autre sens.

Je ne sais pas pourquoi il a été présenté à la onzième heure, mais si on nous avait donné la chance d'intervenir, nous aurions fait notre possible pour l'empêcher.

Je vais maintenant aborder l'accord du 5 mai. Un élément de cet accord dont on a parlé, c'est le silence des expéditeurs en échange des négociations difficiles avec des représentants de Transports Canada et du bureau du ministre, ce qui a abouti à un accord joint à notre mémoire et je pense, à d'autres mémoires.

Dans le cadre de cet accord, les expéditeurs ne devraient faire aucune déclaration négative au sujet du projet de loi C-11 : « Si vous n'avez rien de bien à dire à son sujet, ne dites rien. » Nous n'avons rien dit. Nous avons honoré notre engagement et le projet de loi a été présenté au Comité permanent de la Chambre des communes sans opposition et sans faire l'objet de discussions. Votre comité est le seul comité parlementaire à entendre notre point de vue sur le projet de loi C-11, parce que nous avions laissé passer cette occasion quand on nous avait promis que le gouvernement utilisera l'accord du 5 mai pour élaborer des modifications à la loi. On nous a dit depuis qu'il y avait une nouvelle réalité et que le gouvernement ne se servira pas de l'accord. Par conséquent, il est doublement important pour nous de vous faire connaître nos points de vue et que vous agissiez en conséquence.

Je vais résumer mes préoccupations. Cette information est presque superflue, mais je vais lire un extrait de notre journal concernant la proposition visant à prolonger la période de l'examen de la loi :

La proposition d'allonger la période d'examen de quatre à huit ans ne tient pas compte de la rapide évolution des marchés intérieur et international, est manifestement opposée à l'orientation des lois actuels et cadre mieux avec des lois historiques que des lois modernes.

Je vous remercie de votre attention, et comme les autres intervenants, je suis prêt à répondre à vos questions.

Le vice-président : Je suis originaire de Saskatoon, et après avoir entendu vos exposés, je dois avouer que j'ai vraiment l'impression d'être chez moi.

Le sénateur Zimmer : Messieurs, merci pour vos exposés. Je procéderai de même et commencerai par la gauche, en commençant par la Western Canadian Shipper's Coalition. Monsieur Ballantyne, je veux que vous sachiez que je suis un amateur de scotch et que j'ai toujours souhaité vous rencontrer. Je suis heureux de le faire ce soir.

Votre mémoire recommande que l'examen complet soit fait au plus tard quatre ans après l'entrée en vigueur du projet de loi C-11. M. May a mentionné le manque de consultation, mais votre coalition a-t-elle été consultée dans le passé pour des examens complets? Si oui, à quel titre avez-vous participé?

M. Ballantyne : À l'époque, chaque fois qu'un examen complet était fait, toutes les parties intéressées étaient consultées et avaient l'occasion de comparaître ou de soumettre des exposés au groupe chargé de faire ces examens. Pour ce qui est des expéditeurs, il y aurait surtout eu des associations individuelles, comme vous le voyez aujourd'hui, ou des entreprises individuelles qui voulaient faire des exposés.

Mes collègues ont fait allusion au fait que nous avons formé, l'année dernière en partie à cause de la demande expresse de nos amis à Transports Canada, une coalition plus vaste de groupes d'expéditeurs, afin qu'à l'avenir, lors de n'importe quel examen complet, nous puissions faire nos exposés à titre d'associations individuelles, mais aussi en tant que membres d'une plus grande coalition.

Le sénateur Zimmer : Monsieur Lazar, de l'Association des produits forestiers du Canada, votre mémoire indique que l'article 7 limitera probablement le processus de règlement des différends commerciaux y incorporant des mécanismes inutiles, sans avoir consulté les expéditeurs. Cependant, le libellé des articles 36.1 et 36.2 proposés prévoit que l'Office peut agir en tant que médiateur ou arbitre dans un différend si toutes les parties concernées le demandent.

Transports Canada a déclaré que le projet de loi donne à l'Office une autorité légale officielle pour mener une médiation, comme ils l'ont fait à titre expérimental durant plusieurs années. Le ministère a aussi déclaré que les expéditeurs ont une grande marge de manœuvre pour décider si et quand ils utiliseront les recours réglementés mis à leur disposition.

Je peux apprécier la vulnérabilité de vos membres, étant donné que la plupart d'entre eux font face à une situation monopolistique dans le secteur du transport ferroviaire. Toutefois, pouvez-vous donner des précisions sur la raison pour laquelle vous vous opposez à l'inclusion de ces articles s'ils visent à officialiser une option supplémentaire pour le règlement des différends?

M. Lazar : Notre expérience montre qu'en cas de règlement d'un différend avec un adversaire beaucoup plus puissant, ce dernier essaiera évidemment de chercher à gagner du temps, à intimider, et cetera. S'il sait que s'il ne change pas de position, le différend sera soumis à l'Office, il sera alors tenté de le faire. Pour nous, ce mécanisme de règlement des différends commerciaux est une indication claire de la part du Parlement que nous nous engageons dans la mauvaise direction.

Par opposition, l'arbitrage de l'offre finale, dans lequel les deux parties sont sur un pied d'égalité parce qu'elles font les propositions qu'elles estiment être les plus rationnelles, élimine le pouvoir excessif d'une partie dans la tentative de règlement de différends. Nous devons compter sur la raison, par opposition à la puissance économique. Nous préférerions un arbitrage de l'offre finale plus large au lieu d'en charger l'Office.

Le sénateur Zimmer : M. Ballantyne, de la Western Grain Elevator Association, Transports Canada a déclaré que les dispositions de l'examen prévu par la loi du projet de loi C-11 n'empêchent pas de faire un examen plus limité des éléments particuliers à la loi avant que la période de huit ans arrive à terme. Le ministère a cité des examens des politiques sur la manutention et le transport du grain en 1998 et en 1999 qui ont conduit à un certain nombre de changements relatifs aux grains touchant l'Association canadienne de transport industriel en 2000.

Est-ce que votre association a participé à ces examens? Si oui, pouvez-vous me dire ce que vous pensez de leur efficacité dans le règlement des problèmes?

M. Dahl : Premièrement, au sujet de la consultation, je crois que l'examen le plus connu est celui qu'à fait le juge Estey. Ce processus a conduit à des recommandations concrètes dont certaines ont été mises en œuvre. Il serait beaucoup plus long de déterminer quels autres examens il faudrait consulter. Certaines des recommandations présentées par le juge Estey portaient sur l'utilisation du pouvoir monopolistique par les chemins de fer. Il est important de mettre en œuvre certaines de ces recommandations.

Nous sommes convaincus qu'il serait avantageux d'inclure dans cette loi une exigence réglementaire pour un examen du niveau de service. Bien que cette loi n'empêche pas un tel examen, je suggère qu'en raison de l'importance de cet examen pour l'économie en général, nous ne devrions pas nous en remettre au hasard.

Le sénateur Zimmer : Monsieur May, c'est un plaisir de vous revoir. D'après vous, quels sont les avantages de l'arbitrage de l'offre finale comparativement aux recours offerts par l'Office des transports du Canada? Selon vous, quels sont les avantages de l'arbitrage final?

M. May : Je suis content que vous posiez cette question car je voulais ajouter quelque chose à ce que M. Lazar a répondu à votre question sur l'article 7 et les réserves que nous avons à son égard.

Les avantages de l'arbitrage de l'offre finale est que c'est un processus convenable où l'on sait exactement qui a gagné et qui a perdu, ce qui a tendance à effrayer les participants à tel point qu'ils font des offres sérieuses, par opposition à l'arbitrage normal dans lequel les participants adoptent une position radicale car ils s'attendent à donner un peu de lest à cause du médiateur ou de l'arbitre. Par conséquent, tout ce qui est insensé est éliminé et les parties proposent ce qu'elles ont de meilleur à offrir. Donc, c'est un processus beaucoup plus convenable.

En ce qui concerne l'arbitrage de l'offre finale, l'habilitation prévue par l'article 7 du projet de loi C-11 comprend de nombreux éléments qui peuvent être réglés de cette façon. Mais un problème se pose, en plus de celui mentionné par M. Lazar : si un membre de l'Office, qui agit à titre d'arbitre entre deux opposants, un expéditeur et un transporteur ferroviaire, prend une décision par rapport à un tarif ou à des frais accessoires, ce chiffre sera rendu public. Maintenant, lorsqu'un arbitre examine l'offre finale d'un expéditeur et celle d'une ligne ferroviaire, il a tendance à examiner d'autres sources d'information et à chercher ce qui semble raisonnable.

Si l'Office a rendu une décision concernant des frais accessoires dans un cas antérieur, il y a de fortes chances que ce chiffre soit utilisé et qu'il devienne la norme. Malheureusement, ce chiffre n'a peut-être rien à voir avec les circonstances de l'expéditeur et il n'y a aucun doute que les compagnies ferroviaires utilisent ce chiffre, surtout s'il est inférieur à celui proposé par l'expéditeur. Il s'agit aussi d'une grave préoccupation relativement à cette mesure législative.

Le sénateur Zimmer : Peut-on utiliser l'arbitrage de l'offre finale pour les différends qui concernent les expéditions transfrontalières?

M. May : Oui, certainement.

Le sénateur Zimmer : Merci, messieurs, de votre franchise.

Le sénateur Eyton : Vous semblez, tous les quatre, abonder dans le même sens. Après avoir écouté vos observations, je crois que vous essayez de faire valoir quatre ou cinq points, qui sont tous importants.

Le projet de loi C-11 est le deuxième dans la série, le premier étant le projet de loi C-3, qui a déjà été adopté; par ailleurs, un autre projet de loi, qui n'a pas encore reçu de nom, est en cours d'élaboration. Ensemble, ces projets de loi viendront remplacer la loi. On décrit vaguement la troisième partie comme portant sur les dispositions relatives aux services marchandises ferroviaires, peu importe ce que cela signifie.

Dans quelle mesure peut-on appliquer vos observations dans le troisième projet de loi, tel que vous l'imaginez? Il me semble que vous traitez de la même question. Comme vos positions sont assez semblables, je crois qu'une seule réponse suffirait.

M. Ballantyne : Je vais essayer de répondre à la question. Il y a eu un certain débat parmi mes collègues au sujet d'une réunion qui s'était tenue le 5 mai 2006. Cela fait presque un an. À cette réunion, plusieurs dispositions avaient fait l'objet de discussion, notamment l'extension de l'arbitrage de l'offre finale à des groupes d'expéditeurs, ce qui aurait été nouveau; et l'inclusion d'autres questions au lieu de se limiter uniquement aux tarifs de marchandises. Il y avait aussi la question de pouvoir s'adresser à l'Office pour les différends sur le niveau de service, ce qui est possible maintenant, mais encore une fois, cette disposition élargirait le mécanisme à des groupes d'expéditeurs.

Ces questions figuraient parmi les deux ou trois questions dont nous avions discuté avec les responsables de Transports Canada — parmi lesquels certains sont ici présents — et avec ceux du bureau du ministre. Au terme de cette réunion, nous avons cru comprendre que les dispositions seraient essentiellement incluses dans un projet de loi qui serait présenté par le ministre. Il est presque temps d'avoir un gâteau d'anniversaire avec une bougie pour souligner que cela fait un an que nous attendons de voir ce projet de loi. On nous avait promis que ce projet de loi serait présenté en l'espace de quelques semaines, de quelques semaines, et cela fera bientôt un an.

Nous nous attendions à ce que ces questions soient incluses. Ce sont probablement les principales questions qui permettent de rétablir un certain équilibre dans le pouvoir de négociation entre l'acheteur et le vendeur sur ce marché. Le problème fondamental, c'est que le marché du transport ferroviaire de marchandises n'est pas un marché commercial qui fonctionne normalement. Le marché ne comporte pas assez de vendeurs. Il s'apparente à ce qu'on appelle un double monopole, contrairement à un duopole. Comme l'a dit M. Lazar, les usines de la plupart des membres de son organisme sont desservies par une seule compagnie ferroviaire. Avec le temps, on pourrait assister à une certaine concurrence, mais pas à court ou à moyen terme. J'espère que cela répond à votre question, sénateur.

Le sénateur Eyton : Oui, c'est utile. Seriez-vous rassurés si l'on vous garantissait, sous une forme ou sous une autre, que certaines de ces questions seront traitées dans le troisième projet de loi?

M. Lazar : Nous avons eu des assurances sous une forme ou sous une autre il y a maintenant un an et notre confiance est ébranlée. Voilà notre premier point. Toutefois, nous serions ravis et reconnaissants si, à notre grande surprise, nous constations que le ministre avait bel et bien l'intention de le faire et qu'il ne s'agit que de délais réguliers.

La question de l'examen après quatre ans ou après huit ans fait partie intégrante de ce projet de loi et nous croyons qu'il faut en parler. Selon nous, c'est une grave erreur que de fossiliser le système en disant qu'il restera immuable pendant huit ans.

De plus, l'article 7 pointe dans la mauvaise direction. Si le prochain projet de loi doit comporter tous les bons éléments, j'ignore pourquoi l'article 7 pointerait dans la mauvaise direction. Si vous voulez savoir si l'article 7 est juste et équilibré, pourquoi n'a-t-on pas consulté les expéditeurs? Pourquoi tous les expéditeurs et utilisateurs des chemins de fer du Canada rejettent-ils unanimement cet article? Fort est à parier que ce sont les compagnies ferroviaires qui l'ont demandé et qu'il s'agit d'une tactique anticipée pour le prochain projet de loi. Notre confiance a été ébranlée, mais nous espérons qu'on prouvera que nous avons eu tort.

M. May : Permettez-moi d'ajouter que la promesse d'un nouveau projet de loi, même si elle est encourageante, est une situation du genre : « Tu m'y prends une fois, honte à toi; tu m'y prends deux fois, honte à moi. » La folie, disait Einstein, c'est de se comporter de la même manière et de s'attendre à un résultat différent. Voilà ce qui me vient à l'esprit.

Il n'est pas rare de voir une mesure législative qui, en surface, semble avantageuse aux expéditeurs, mais qui contient une pilule empoisonnée. Je vais vous donner un exemple classique qui, selon nous, résultera du projet de loi. Les prix de ligne concurrentiels ou les PLC étaient perçus, dès leur entrée en vigueur, comme le talon d'Achille des compagnies ferroviaires et on croyait qu'ils allaient engloutir tous leurs profits. Je crois que, dans toute l'histoire de la loi, on a eu un cas ou deux depuis l'avènement des PLC. La modification des PLC était formulée de telle façon qu'il fallait obtenir l'accord d'une compagnie ferroviaire de liaison. Ainsi, les compagnies ferroviaires devaient présenter une soumission sur le trafic pour être admissibles à un tarif spécial de l'Office. Mais les compagnies ferroviaires ont refusé de soumissionner, d'où le fait que ce recours n'a jamais fonctionné.

Dans la prochaine série de modifications qui portent, entre autres, sur l'arbitrage de l'offre finale à plusieurs parties, nous sommes préoccupés par un segment de phrase, à savoir l'exigence que le recours s'applique à tous les expéditeurs de façon égale. Nous avons demandé à Transports Canada de supprimer ce segment de phrase, chose que le ministère a fermement refusé de faire. Peu importe le recours pour ce groupe d'expéditeurs, il doit s'appliquer à l'ensemble des expéditeurs de façon égale. Le recours ne permet absolument pas de faire cela. Les expéditeurs ont différents points d'origine, différents trafics, et ainsi de suite. Il serait facile pour les compagnies ferroviaires de porter cette question devant les tribunaux. C'est ce qui nous inquiète pour l'avenir.

Le sénateur Eyton : J'ai un commentaire. Je n'ai pas besoin de discussion. Cela concerne votre opposition à la prolongation du délai de l'examen prévu par la loi qui passera de quatre à huit ans là où la loi prescrit actuellement quatre ans — cela fait maintenant six ans et nous n'avons toujours pas eu l'examen prescrit. J'interprète la prolongation de huit ans comme un ajout de 50 p. 100; donc, on parle vraiment de 12 ans. Je crois que c'est mal.

M. Lazar : Accepteriez-vous un commentaire sur ce sujet?

Le sénateur Eyton : Oui.

M. Lazar : Dans une vingtaine d'années, lorsque les gens examineront ce Parlement, ils se poseront les questions suivantes : avons-nous préparé le Canada pour qu'il puisse livrer concurrence dans la nouvelle économie mondiale? Avons-nous préparé le Canada pour faire face à la réalité économique mondiale? Avons-nous pris des mesures pour pouvoir faire concurrence au Brésil, à la Chine et à l'Indonésie?

C'est comme un vieux refrain. Les producteurs de céréales, les bûcherons et les houilleurs considèrent les compagnies ferroviaires comme des bêtes noires, alors que les compagnies ferroviaires disent que ces gens-là n'arrêtent pas de se plaindre.

Cela semble être une discussion aussi vieille que ce bâtiment, mais ce n'est pas le cas. Dans une vingtaine d'années, allons-nous pouvoir gagner notre vie dans ce pays, oui ou non?

Lorsque nous nous opposons à la période de quatre ans, ce n'est pas pour des raisons théoriques. Ce pays subit actuellement une pression. Nous avons besoin de nos chemins de fer pour être concurrentiels et pour faire face aux pressions concurrentielles.

Le sénateur Eyton : Vous avez fait votre point.

M. Lazar : Je vous remercie.

Le sénateur Johnson : Vous donnez l'impression que vous pensez que la médiation favorise le partenaire le plus puissant dans ce processus. Toutefois, le mémoire que nous a remis M. Lazar nous apprend que le règlement des différends commerciaux par les médiateurs du secteur privé a bien fonctionné pendant des années, alors pourquoi le résultat serait-il différent si c'est l'Office qui était le médiateur?

M. Lazar : Je m'en remets à quelqu'un qui a plus d'expérience que moi sur ce sujet.

M. Ballantyne : Encore une fois, dans un marché commercial normal où il existe un équilibre raisonnable entre les acheteurs et les vendeurs, la médiation et l'arbitrage feraient partie du cours normal des choses. Toutefois, si nous avons une situation où une partie est vraiment dominante et que cette partie décide de faire obstruction et de ne pas participer à la médiation ou à l'arbitrage, elle ne le fera pas.

Nous pouvons vivre avec l'arbitrage et la médiation dans un marché commercial normal. Nous n'estimons pas qu'il s'agit d'un domaine auquel devrait participer l'Office. Il faut aussi tenir compte des autres observations de mes collègues sur nos craintes face à ce sujet. C'est probablement la meilleure réponse que je peux vous donner.

Le sénateur Johnson : Quelqu'un a-t-il un commentaire à faire?

M. May : Sénateur Johnson, le processus de règlement des différends commerciaux que les compagnies ferroviaires ont proposé et dont on a parlé tout à l'heure — cela se trouve maintenant dans leur site web — comprend la participation de l'Office. Nous craignons que lorsque l'Office aura rendu une décision, même si cela dépasse son rôle en tant que tel, la décision sera quand même examinée par les arbitres commerciaux. L'Office n'effectuera pas d'arbitrages de l'offre finale. Les arbitres se tourneront vers l'Office pour voir quels règlements ont été conclus en matière de frais accessoires et de tarifs, et ils les considéreront comme la norme, même s'ils ne prendront pas en considération les circonstances des participants dans le nouvel arbitrage de l'offre finale. Cette situation nous préoccupe.

Pour vous dire franchement, nous sommes préoccupés par une intervention gouvernementale plus grande dans un processus que nous essayons de rendre plus commercial. En effet, le ministre nous a écrit une lettre dans laquelle il indiquait son intention de trouver des solutions plus commerciales aux difficultés avec lesquelles sont aux prises les expéditeurs et les compagnies ferroviaires. Notre réponse, c'est qu'il faut rendre les règles du jeu équitables et c'est exactement le résultat qu'il obtiendra. Nous ne considérons pas que l'article 7 uniformise les règles du jeu.

Le sénateur Johnson : Cela dit, combien coûtent les services de médiation du secteur privé?

M. May : Ce n'est pas le coût du service qui pose problème. Le problème, c'est le coût des litiges concernant le service, les requêtes continues, le besoin d'aller devant les tribunaux et ainsi de suite. Le processus de médiation qui sera habilité par le projet de loi C-11 ne servirait pas de substitut à l'arbitrage de l'offre finale. Il en sera un précurseur, ce qui augmentera les délais et les difficultés.

Le sénateur Johnson : Croyez-vous que les services de l'Office seraient plus coûteux ou de qualité moindre que ceux d'un médiateur du secteur privé?

M. May : Je crois qu'ils prolongeraient le processus, ce qui signifie de l'argent pour nous. Nous ne pouvons pas y arriver seuls, alors nous payons des avocats pour le faire. Ils s'ajoutent au processus. Honnêtement, nous ne sommes pas déçus de l'arbitrage de l'offre finale, sauf pour le fait qu'il est coûteux. Il est coûteux parce que les compagnies ferroviaires font en sorte qu'il le soit. Elles contesteront absolument chaque question soulevée dans un arbitrage de l'offre finale, y compris notre droit de les amener en arbitrage, car nous avons une concurrence efficace.

Le sénateur Johnson : Que faites-vous du chemin de fer?

M. May : On nous a forcé la main. Que puis-je vous dire? Cela révèle aussi notre position prématurément, ce qui est pour les compagnies ferroviaires un avantage stratégique que nous préférerions ne pas leur donner.

M. Dahl : Vous devez garder à l'esprit la question des coûts lorsque vous examinez les processus de médiation, les processus de règlement des différends. Je sais que nous entendons souvent dire que nous pouvons déposer une plainte sur le niveau de service auprès de l'OTC, mais personne ne le fait. C'est signe que la situation n'est pas aussi mauvaise que nous le disons. J'ai entendu ce commentaire plus d'une fois.

Je répondrais que ces services ne sont pas tellement efficaces pour régler des différends, d'une part, et coûtent extrêmement cher, d'autre part. C'est la raison pour laquelle ils ne sont pas utilisés : ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de problèmes, mais c'est plutôt parce que les recours actuellement offerts en vertu de la loi sont inefficaces et coûtent très cher.

Le sénateur Adams : Dans ma région, il n'y a pas de chemin de fer. Nous n'avons pas d'arbre dans l'Arctique. Certains d'entre vous transportent peut-être des marchandises dans le Nord.

Il y a un mois environ, nous avons visité le port de Vancouver. Les camionneurs nous ont dit exactement ce que vous nous avez dit ce soir au sujet des conteneurs du port. Ils disent que chaque fois qu'ils discutent avec le CN, c'est comme s'ils parlaient à un mur. Ils ne reçoivent aucune réponse, absolument rien, et c'est ce que vous dites.

La semaine dernière, le ministre est venu et voulait que le Sénat adopte rapidement le projet de loi C-11. Vous parlez d'amender l'article 7. Chaque fois que nous devons amender un projet de loi de la Chambre des communes, le ministre dit qu'un amendement apporté par le Sénat fera avorter le projet de loi.

Le ministre devrait entendre parler de vous demain. Vous devriez lui dire qu'il a commis une erreur en n'invitant pas les expéditeurs. Notre président reste donc sous l'impression que le Sénat est aux prises avec un problème quand le comité propose parfois un amendement. Que nous diront les gens du ministère? Nous pouvons leur faire part de nos préoccupations à l'égard de l'article 7 et d'autres articles qui doivent être amendés.

Je veux savoir si le ministre dit qu'il peut être amendé. Je ne le sais pas. Le président peut peut-être fournir plus d'explications. Il siège du côté du gouvernement. J'ignore jusqu'à quel point c'est urgent. Il ne nous reste plus qu'un mois avant d'ajourner pour l'été.

Vous voulez un amendement. Vous n'avez pas été consultés. Le projet de loi aurait peut-être dû être amendé à la Chambre des communes avant d'être renvoyé au Sénat.

M. Ballantyne : Nous nous demandions bien pourquoi le gouvernement ajoute ce nouvel article 7 au projet de loi à un stade aussi avancé sans avoir au préalable une discussion réelle avec les expéditeurs. C'était une violation du principe de la consultation dans ce dossier particulier au moment où il a été présenté.

M. Dahl : Permettez-moi de répondre en partie à cette question; je crois comprendre que nous ne sommes pas aussi intéressés à certains articles importants du projet de loi C-11. Je suis d'accord que ces articles devraient être adoptés. Cependant, nous nous épargnerions bien des soucis plus tard en consacrant un peu de temps à nous assurer que ce projet de loi est bon. Certains ajouts que nous demandons, concernant l'examen du niveau de service plus particulièrement, peuvent susciter les changements qui sont nécessaires, comme nous le savons tous.

Sénateur, vous avez parlé du voyage que vous avez fait à Vancouver, et l'un des concepts dont vous avez entendu parler et dont vous avez beaucoup parlé est la porte d'entrée du Pacifique et son importance pour l'économie canadienne. Malheureusement, l'initiative ne sera pas très fructueuse s'il n'y a pas de reddition de comptes en matière de transport ferroviaire de marchandises et si le goulot d'étranglement n'est pas éliminé.

M. May a parlé du caractère unique de cette coalition. Elle n'est pas maintenue ensemble parce que nous partageons des intérêts communs sur toute la ligne. Elle est maintenue ensemble parce que nous partageons un problème sérieux en ce qui concerne la reddition de comptes et le service des compagnies ferroviaires qui ont des répercussions fondamentales sur notre capacité de faire des affaires. Les groupes qui sont représentés ici reflètent les affaires de la nation.

Le vice-président : J'aimerais que vous clarifiiez un point. Dans l'article 7, l'article 36.2 proposé se trouvait-il dans l'ancien projet de loi C-44? Le comité a ajouté l'article 36.1 au projet de loi. Qu'est-ce que je ne comprends donc pas dans l'article 7 et quels changements voulez-vous qu'on apporte exactement? Êtes-vous contre l'amendement apporté par la Chambre?

M. Ballantyne : Oui, je suis contre.

Le vice-président : Vous êtes contre l'amendement apporté par la Chambre.

M. Ballantyne : Oui, l'amendement apporté par la Chambre ajoutait l'article 7 au projet de loi C-11, que je dois trouver.

M. Ballantyne : L'article 7 dit que « La loi est modifiée par adjonction de ce qui suit », soit les articles 36.1 et 36.2. Nous préférerions que l'article 7 du projet de loi soit retiré et que la loi reste telle quelle.

Le vice-président : L'article 36.1 proposé figurait dans le projet de loi à l'étape de la première lecture, n'est-ce pas? Était-il dans le projet de loi C-44?

M. Ballantyne : Je ne m'en souviens pas. Il y avait le projet de loi C-26 et le projet de loi C-44, mais je ne les ai pas avec moi et je ne me rappelle pas s'ils renfermaient l'article. D'après moi, il n'y figurait probablement pas.

M. May : Je ne crois pas qu'il y était.

Le vice-président : Vous devez savoir si l'article proposé y figurait ou pas.

M. May : Les représentants de Transports Canada pourraient répondre à cette question.

Le vice-président : Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est si vous étiez contre l'article proposé auparavant.

M. May : Je ne pense pas qu'il s'y trouvait. Je peux me tromper. Je ne crois pas que les articles proposés y figuraient.

M. Dahl : Je ne crois pas non plus.

Le vice-président : Moi non plus, mais nous verrons bien.

M. May : Oui.

Le vice-président : À part cela, y a-t-il autre chose que vous voudriez ajouter à ce projet de loi, parce que vous craignez que cela ne figure pas dans le prochain?

M. May : Non.

M. Ballantyne : Oui, nous aimerions que la période de l'examen complet prévu dans la loi demeure inchangée; la loi stipule que l'examen doit être effectué au plus tard quatre ans après l'entrée en vigueur de la loi et qu'il doit être terminé dans un délai d'un an. Dans sa forme actuelle, le projet de loi repousse le délai à huit ans après la sanction royale ou la proclamation de la loi. Par la suite, le comité d'examen dispose de 18 mois pour présenter son rapport. Comme nous l'avons déjà dit, même avec un délai de quatre ans pour procéder à un examen complet, cela fait maintenant 11 ans que la loi de 1996 a été passée en revue. Comme l'a dit le sénateur Eyton, nous pensons qu'il faudra un long moment avant que l'on propose des modifications législatives si le délai était de huit ans plutôt que de quatre ans. Nous aimerions que la loi reste dans sa forme actuelle et prévoie un délai de quatre ans pour procéder à un examen et une période de 12 mois avant que le comité d'examen présente son rapport.

Le sénateur Johnson : Pourquoi ne dites-vous pas cela au comité de la Chambre, devant lequel vous n'avez jamais témoigné?

M. May : Cela faisait partie de notre entente avec Transports Canada et le cabinet du ministre suite à l'accord du 5 mai. Ils souhaitaient l'adoption rapide et sans complications du projet de loi : « Allez-y. »

La réponse à votre question, sénateur, est l'examen des services. S'il y a un élément qui, d'après nous, ne fera pas partie de la prochaine vague, de la série d'amendements proposés relatifs au transport ferroviaire de marchandises, c'est l'examen des services.

M. Dahl : J'aimerais ajouter à cette observation — j'allais faire le même commentaire que M. May. Le projet de loi C-11 modifie les processus d'examen de la Loi sur les transports au Canada. C'est ce texte législatif qui traite de ces dispositions particulières de la Loi sur les transports au Canada. Par conséquent, nous croyons qu'il est pertinent que le projet de loi C-11 soit amendé afin d'inclure l'obligation de mener un examen complet du niveau de service.

Le vice-président : Je comprends très bien votre frustration, car nous avons un projet de loi de deux pages au Sénat, je veux dire deux pages dans les deux langues officielles, ce qui comprend la page couverture. Le 30 mai, cela fera un an que le projet de loi a été renvoyé au Sénat. Ce projet de loi est prêt, mais n'a pas encore été adopté. Ne perdez pas espoir.

Vous avez parlé de la concurrence entre les compagnies de chemins de fer. Quelqu'un a-t-il de brillantes idées sur la façon d'y parvenir, à part de l'exiger par le biais d'une loi, ce qui n'est pas vraiment de la concurrence, à mon avis? Nous ferions tout aussi bien de les nationaliser. Cela reste un monopole.

M. May : Nous devrions presque les considérer comme des services publics, car c'est bel et bien ce qu'elles sont. Elles sont essentielles; personne ne leur fera concurrence.

Le vice-président : Venez-vous de Regina ou quoi?

M. May : Attila le Hun siège à ma gauche, croyez-moi. Mon mémoire, de même que d'autres mémoires j'en suis sûr, en traitent. L'accord du 5 mai modifie légèrement la loi. Il n'y a rien de nouveau là-dedans. Nous ne présentons pas de nouvelles mesures. Cela fait déjà partie de la loi. Tout ce que nous faisons, c'est éliminer les pilules empoisonnées qui ont été glissées dans le projet de loi pour torpiller les recours prévus dans la loi.

Je comprends votre frustration et votre question, mais je n'ai pas de réponse. Personne ne construira une nouvelle ligne de chemin de fer. Cela ne se produira pas.

M. Dahl : Pour répondre en partie à la question, l'industrie céréalière et moi-même nous sommes attardés longtemps à la question de la reddition de comptes. Cela aiderait énormément. Ce ne serait peut-être pas la solution définitive, mais cela contribuerait grandement à régler quelques-uns des problèmes liés au service auxquels nous sommes confrontés.

Si nous, en tant qu'industrie céréalière ou société céréalière, sommes obligés de remplir 100 wagons en 24 heures sous peine de sanction pécuniaire si nous n'y arrivons pas, il est raisonnable, à mon sens, de nous attendre à ce que les sociétés ferroviaires soient elles aussi exposées à des sanctions pécuniaires si ces wagons n'arrivent pas au moment voulu.

Permettez-moi de vous donner un exemple concret, qui est survenu durant le long week-end de Pâques. En tant que société, dans un certain nombre de nos installations un peu partout dans l'Ouest canadien, nous avons fait appel à des équipes pour travailler durant le long week-end de Pâques afin de remplir des trains-blocs pour les acheminer au port. Aucun des wagons attendus n'est arrivé. Nous aurions fait face à des sanctions pécuniaires en tant que société si nous n'avions pas rempli ces trains-blocs dans un délai de 24 heures, alors nous avons fait entrer du personnel durant le long congé pour faire ce travail. Les wagons ne sont jamais arrivés. Lorsqu'ils n'arrivent pas, y a-t-il moyen de demander à la compagnie ferroviaire de nous rembourser ces frais? La réponse est non.

Une solution partielle serait peut-être d'imposer une certaine responsabilité financière.

M. Lazar : J'ai beaucoup de choses à dire, mais je serai bref. J'ai l'impression que les gens souhaitent retourner à la maison à temps pour le dîner.

M. Ballantyne : La partie de hockey va commencer.

M. Lazar : Les membres de l'industrie forestière évoquent souvent la solution des droits de circulation. J'ai entendu différentes opinions concernant l'efficacité de cette solution. Je m'oppose vigoureusement aux compagnies ferroviaires qui disent que cette solution pourrait très bien fonctionner. Si elles pensaient que cette solution permettrait de sortir gagnantes, elles l'accepteraient volontiers. Cependant, j'ai entendu des experts dire qu'il serait difficile de la mettre en œuvre efficacement.

Au fil des ans, nous avons passé beaucoup de temps avec des avocats qui nous représentaient, nous et d'autres expéditeurs, et nous leur avons demandé ce qui, à défaut d'une révolution, permettrait d'instaurer une discipline de marché dans le système. La réponse que nous avons reçue était claire : rendre le recours à l'arbitrage de l'offre finale plus accessible.

Pourquoi cette solution est-elle efficace? La norme, c'est le caractère raisonnable. Les parties ne peuvent s'intimider. Elles doivent présenter une solution et expliquer pourquoi elle est raisonnable. C'est le conseil d'experts que nous avons reçu. Si nous ne voulons pas réécrire l'histoire complètement et confisquer la propriété privée et toutes les autres horreurs, si tout ce que nous cherchons à faire était de mettre en place une mesure simple pour établir une discipline de marché, il faut accroître l'accessibilité au recours à l'arbitrage de l'offre finale.

Je m'intéresse aux questions liées aux transports depuis quelques années seulement, contrairement à mes collègues, et tout le monde croit que c'est irréalisable. En aparté, les fonctionnaires de Transports Canada m'ont dit : « Sois réaliste, on parle de compagnies de chemins de fer. Les parlementaires soupirent et se demandent si le CN se comportera correctement un jour. Tout le monde fait comme si cette question était un problème du mal. »

Ce n'est pas un problème du mal, mais une mauvaise loi. Il devrait incomber aux parlementaires de corriger la loi et les règles qui régissent les compagnies ferroviaires. Ce n'est pas le problème du CN. Les compagnies ferroviaires se comportent en tyrans avares, mais le problème n'est pas là. Le problème, c'est qu'une mauvaise loi leur donne le pouvoir d'agir ainsi. Les parlementaires peuvent corriger cette situation.

Le sénateur Zimmer : Le président a posé une excellente question : Quelle est la solution dans le cas du monopole? Je ne veux pas aggraver votre problème, mais durant mes voyages, je ne prends plus l'avion pour aller à Winnipeg ou à Vancouver. Je prends le train et j'ai fait des recherches en discutant avec les chefs de train.

Pour aggraver le problème, ils disent que VIA Rail tente d'amener des touristes de l'est vers l'ouest pour qu'ils participent à des voyages dans le Nord. Les touristes doivent être Vancouver à une heure donnée. Le problème, c'est que les trains de marchandises, qui peuvent comporter jusqu'à 100 et 180 wagons, passent. Aucune voie d'évitement ne peut accommoder 180 wagons. Les trains de passagers sont mis en attente pendant six à dix heures. À leur arrivée à Vancouver, les passagers ratent leur correspondance et VIA Rail perd des clients.

Je regrette d'aggraver la situation, mais la situation de VIA Rail n'est pas très reluisante, alors que le CN réussit extrêmement bien. C'est une autre question qu'il faut régler. C'est davantage un commentaire qu'une question.

Le vice-président : Si vous n'avez pas d'autres questions, messieurs, permettez-moi de dire que les 75 dernières minutes ont été très intéressantes. Merci d'avoir témoigné aujourd'hui. Vos témoignages nous ont beaucoup plu et c'était un excellent débat intellectuel. Nous verrons bien ce qui va se passer.

La séance est levée.


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