Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 14 - Témoignages du 14 mai 2007
MONTRÉAL, le lundi 14 mai 2007
Le Comité permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 14 h 34, pour examiner, afin d'en faire rapport, le trafic du fret conteneurisé actuel et éventuel manutentionné par les ports à conteneurs de la porte d'entrée du Pacifique, les ports à conteneurs de la côte Est et les ports à conteneurs du Centre du Canada, sur les principaux marchés importateurs et exportateurs desservis par ces ports et sur les politiques actuelles et futures à cet égard.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Aujourd'hui, le Comité sénatorial des transports et des communications se réunit pour étudier, afin d'en faire rapport, le trafic du fret conteneurisé actuel et éventuel manutentionné par les ports à conteneurs de la porte d'entrée du Pacifique, les ports à conteneurs de la côte Est et les ports à conteneurs du Centre du Canada, sur les principaux marchés importateurs et exportateurs desservis par ces ports et sur les politiques actuelles et futures à cet égard.
Comme témoin, aujourd'hui, nous entendrons M. Dominic Taddeo, président-directeur général du Port de Montréal. C'est un plaisir de vous retrouver pour une deuxième fois devant notre comité. Nous vous laissons la parole, Monsieur Taddeo, et je suis certaine que mes collègues auront plusieurs questions à vous poser.
Dominic J. Taddeo, président-directeur général, Port de Montréal : Je vous remercie, madame la présidente. Il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui.
Au nom du conseil d'administration de la Direction générale de l'administration portuaire de Montréal, je vous remercie de nous donner à nouveau l'occasion de comparaître afin de discuter du système des transports du fret conteneurisé au Canada.
Comme ce fut le cas à Ottawa, je suis accompagné de Jean-Luc Bédard, qui est le vice-président des opérations et capitaine du port ainsi que de Robert Masson, qui est vice-président du marketing, de la planification et du développement des affaires. J'ai également le plaisir de vous présenter Sylvie Vachon, vice-présidente de l'administration et des ressources humaines, de même que Jean Mongeau, vice-président des affaires légales et secrétaire de la corporation; ainsi que France Poulin, directrice des communications.
Comme vous le savez, le Port de Montréal est un port multifonctionnel et le seul port à conteneurs sur le fleuve Saint-Laurent. Par ailleurs, il joue aussi un rôle-clé dans le corridor de commerce Sainte-Laurent/Grands Lacs.
[Traduction]
J'espère que notre témoignage vous donnera une meilleure idée de la compétitivité de notre port, tant au Canada qu'ailleurs en Amérique du Nord et à l'étranger. Aujourd'hui et demain, votre comité entendra divers représentants de l'industrie du transport maritime et du Port de Montréal. Je suis convaincu que leurs propos vous permettront de mieux comprendre les efforts concertés que l'on déploie à Montréal afin que notre port continue d'être une plate-forme intermodale efficace et très compétitive ainsi que la porte d'entrée de l'Amérique du Nord — un système pleinement intégré, intermodal, continu, sûr et sécuritaire.
[Français]
Nos partenaires d'industrie ne sont pas seuls à avoir saisi l'avantage concurrentiel que leur procure Montréal. Le milieu des affaires comprend le rôle-clé du Port de Montréal dans la compétitivité de leur modèle d'affaires.
[Traduction]
De fait, la semaine dernière, Henri-Paul Rousseau, président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec, prenant la parole devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, a souligné l'importance de certains avantages compétitifs du Québec. Il a dit, et je cite :
[Français]
Le Québec possède plusieurs avantages concurrentiels de localisation. On n'a qu'à penser aux coûts d'exploitation, à l'hydro-électricité et à notre situation stratégique en Amérique du Nord. Rappelons, à cet égard, que les installations portuaires et les capacités intermodales qui s'y rattachent se situent sur la route maritime la plus courte entre l'Europe et l'Amérique.
[Traduction]
Le travail auquel se livre présentement le comité sénatorial donne donc une excellente occasion à l'industrie du transport maritime et au Port de Montréal d'expliquer notre importance par rapport à la compétitivité industrielle du Canada, et de faire valoir ce dont nous avons besoin afin de poursuivre notre croissance et de relever avec succès le défi de la mondialisation dans une conjoncture marquée par une concurrence de plus en plus vive. À cet égard, le Port de Montréal demeure un chef de file dans son secteur dans l'ensemble de l'Amérique du Nord et un modèle d'efficacité. Son importance sur le plan économique le prouve d'ailleurs.
[Français]
L'administration portuaire de Montréal est une agence fédérale autonome et rentable qui gère les installations portuaires de Montréal, sans subvention des différents paliers de gouvernement, et sans aucun impact financier pour les contribuables. En 2006, il a généré un bénéfice net pour une vingt-septième année consécutive. En générant des retombées économiques annuelles de 2 milliards de dollars et en créant quelque dix-huit mille emplois directs et indirects, le Port de Montréal est un moteur de développement économique pour Montréal, le Québec et tout le Canada.
Au cours des prochaines minutes, je ferrai le bilan des activités enregistrées au Port de Montréal depuis mon témoignage en février dernier à Ottawa.
[Traduction]
N'hésitez pas à me poser des questions au fur et à mesure de cet exposé.
Je crois savoir que les copies du texte que nous avons préparé à votre intention devraient nous parvenir d'un moment à l'autre. Elles sont en route — ça s'appelle la technologie.
[Français]
Nous avons plus de 175 ans d'histoire à Montréal. Nous sommes une Agence fédérale autonome et rentable créée par une loi en 1999 et relevant d'un conseil d'administration formé de sept membres qui représentent les trois paliers du gouvernement. Notre mission est de fournir à nos clients des installations et des services portuaires efficaces dans le plus grand respect de l'environnement, et de rehausser et promouvoir les avantages concurrentiels du Port de Montréal. Nos objectifs sont de favoriser le développement des affaires, d'accroître la compétitivité du système, d'assurer une autosuffisance financière, d'optimiser l'efficacité des ressources humaines et de maintenir de bonnes relations avec la collectivité.
En ce qui a trait à nos informations financières, entre 1980 et 2006, nous avons géré des bénéfices nets de 302 millions de dollars et dépensés en immobilisations, 420 millions de dollars. Nous avons payé des dividendes d'actionnaires ou des frais sur revenus bruts de 148 millions de dollars, et nous avons payé à la Ville de Montréal des paiements en remplacement d'impôts fonciers de 97 millions de dollars. Le Port de Montréal, le premier port à conteneurs dans l'Est du Canada, est la porte d'entrée vers le continent nord-américain. Chef de file sur le marché des conteneurs de l'Atlantique Nord, le port est le plus près des marchés du centre du Canada, du Midwest et du nord-est des États-Unis. Il est le seul port à conteneurs sur le fleuve Saint-Laurent qui relie Montréal à plus de 80 pays dans le monde. Vous pouvez voir le tableau comparatif vous démontrant la situation du Port de Montréal et celle de notre concurrence.
[Traduction]
Halifax, Boston, New York, le New Jersey, Philadelphie, Wilmington, Baltimore et Norfolk — et il s'agit là des chiffres pour 2005. On dit qu'une image vaut mille mots, et celle-ci vous situe exactement où nous sommes dans l'arrière-pays et qui sont nos concurrents.
[Français]
Notre emplacement stratégique est à 1 600 kilomètres au coeur du continent sur le fleuve Saint-Laurent, entre les marchés de l'Europe du Nord, de la Méditerranée et de l'Amérique, en exploitation 12 mois par année depuis 1964, même l'hiver.
[Traduction]
Ce tableau-ci montre nos principaux clients européens, les principaux ports avec lesquels nous commerçons et les marchés auxquels nous avons accès, à Montréal, à Toronto, à Detroit, à Chicago et le plus récent, à Freeport puis la Méditerranée. Ainsi que vous pouvez l'observer, par rapport à notre fret conteneurisé, 96 p. 100 de nos affaires se font dans la région de l'Atlantique Nord, 2 p. 100 au sud d'ici et 2 p. 100 au Canada. J'entends par là le trafic de marchandises destinées à Terre-Neuve et s'effectuant donc entre notre port et celui de St. John's.
[Français]
En ce qui concerne le modèle de performance, nous sommes desservis par deux transporteurs ferroviaires nationaux exploitant 45 trains conteneurs intermodaux par semaine vers Toronto, Chicago et Detroit. Nous sommes reliés aux grands réseaux routiers permettant à plus de 25 compagnies de camionnage d'accéder rapidement aux marchés du Québec, de l'Ontario et des États du Nord-Est américain. Nous recevons au Port de Montréal, chaque jour, 2 000 camions. Une plate-forme intermodale où 55 p. 100 des mouvements se font par trains et 45 p. 100 par camions.
Notre plaque tournante intégrée, par rails, représente 43 p. 100 pour les marchés canadiens, et 57 p. 100 pour les marchés américains; par camions, 86 p. 100 canadiens et 14 p. 100 américains. Nous avons des trains unitaires de conteneurs desservant surtout les marchés de l'Ontario, du Midwest américain et d'autres plus à l'ouest. Nous allons rejoindre le marché de Toronto par train en 10 heures, Detroit en 23 heures, Chicago en 33 heures. Et nous visons 24 heures pour Chicago.
Nos infrastructures offrent des tarifs portuaires parmi les plus concurrentiels et des temps de manutention parmi les plus courts. Nos services maritimes sont efficaces : services dédiés réguliers, hebdomadaires ou bihebdomadaires, entre Montréal et l'Europe du Nord, la Méditerranée ou les Bahamas.
Nous sommes rendus à la page 12, au point concernant les services équilibrés. Les navires sont entièrement chargés et déchargés. Nous sommes un port terminus. Et pour ceux qui, comme moi, sont de Montréal depuis fort longtemps, vous vous souviendrez du fameux Terminus Craig, où tout le monde débarquait du train puis rembarquait avec un transfert.
Nous sommes un port polyvalent, nous manutentionnons autant les vracs liquides que les solides.
[Traduction]
Voyons les principales lignes maritimes de transconteneurs qui empruntent le Port de Montréal — et il s'agit de neuf des 12 plus grands transporteurs de conteneurs au monde. Ce sont : Maersk, au 1er rang, MSC, au 2e rang, CMA CGM, au 3e rang, Hapag-Lloyd, au 5e rang, APL, au 7e rang, Senator/Hanjin, au 9e rang, OOCL, au 11e rang, NYK et MOL. Je le répète, il s'agit de neuf des 12 plus importants.
Les principaux transporteurs de vrac sont Fednav International Ltée, compagnie canadienne bien connue; CSL, aussi bien connue, Canfornav Inc., Algoma; Seaway Marine Transport, Upper Lakes Group Inc. et Petro-Nav.
Pour ce qui est des transporteurs canadiens et du transport maritime à courte distance sur le Saint-Laurent, on compte Oceanex, Transport Nanuk Inc. et le Groupe CTMA. Bien entendu, le transport maritime à courte distance fait arrêt à Montréal, premièrement parce que nous sommes ouverts 12 mois par année et deuxièmement, parce que la plupart de ces navires ne peuvent emprunter la Voie maritime.
[Français]
En ce qui concerne le trafic total depuis 2001, le graphique démontre une croissance continue. Notre trafic record est de 25,1 millions de tonnes totales en 2006, soit la meilleure année dans l'histoire du port, et qui devrait atteindre 25,3 millions en 2007. Le tableau illustre notre croissance depuis 1960, passant de 16 millions de tonnes totales à 25.1 millions. Je vous ferai remarquer en jaune, l'ampleur de la marchandise, conteneurisée et non conteneurisée. L'autre graphique démontre la croissance dans le vrac; le pétrole et le sec se maintiennent, même pendant cette longue période. Le prochain tableau illustre la croissance avec les petits carreaux; la croissance moyenne pour des périodes de cinq ans à dix ans, quinze ans à vingt ans, relative au trafic total et au nombre de conteneurs manutentionnés.
[Traduction]
Cette croissance a été constante, progressive et fiable. Ainsi que vous pouvez le voir sur cette diapositive montrant l'évolution de 1985 à 2006 il y a encore croissance.
Récemment, nous avons confié deux études à des spécialistes, leur demandant de projeter la croissance à venir du Port de Montréal et qui s'ajouterait à nos propres études internes, à celles de Drewry Shipping Consultants Limited ainsi qu'aux prévisions que nous avons reçues des lignes maritimes utilisant nos installations portuaires. Nous avons en effet estimé qu'il serait opportun de nous adresser à des spécialistes pour leur demander de nous fournir des prévisions fondées sur des facteurs économiques ainsi que sur la croissance, et leur avons donc demandé d'effectuer ce travail au moyen de trois hypothèses : celle d'une faible croissance, d'une forte croissance et d'une croissance de base.
L'hypothèse de forte croissance donne une croissance annuelle de 4,5 p. 100 jusqu'en 2015. C'est assez conforme à ce que nous avons connu et atteint ces 25 dernières années.
[Français]
Le conteneur est au coeur de notre croissance.
[Traduction]
Ici on peut voir une comparaison entre les diverses formes de trafic dans le Port de Montréal.
[Français]
Le tableau no 19 est plus loin dans la présentation. Vous pouvez aller au tableau no 20.
[Traduction]
Cette diapositive compare la situation des ports de la côte Est et celle du Port de Montréal, au cours des six dernières années. On y trouve le nombre de conteneurs manutentionnés, le total des équivalents vingt pieds et la croissance moyenne annuelle de ces ports : Boston, New York, Delaware, Baltimore et Hampton Roads en Virginie. La croissance a été de 4,4 p. 100 quand la nôtre a atteint 5 p. 100. Dans l'ensemble du système, le nombre total d'EVP est de 4,6.
Par conséquent, nos affirmations sont donc solidement étayées par des faits et des chiffres. Ce ne sont pas de belles paroles que nous prononçons parce que cela nous plaît, mais bien parce qu'elles sont fondées sur des faits.
Cette diapositive montre le classement de Montréal par rapport au total des conteneurs manutentionnés, car il faut garder à l'esprit que New York accueille aussi des conteneurs provenant d'Asie et d'Amérique latine, tout comme Hampton Roads. Montréal est trop éloigné de tous ces marchés et, de toute manière, les marchés de Montréal ne sont pas assez grands pour ces régions. C'est pour cela que nous sommes au troisième rang de tous les ports de la côte Est.
[Français]
Tout trafic confondu, nos marchés intérieurs au Canada.
[Traduction]
Les marchés intérieurs représentent 60 p. 100 de notre chiffre d'affaires, les États-Unis, 40 p. 100. Aux États-Unis, le marché du Nord-Est atteint par camion est de 15 p. 100, celui du Midwest, de 75 p. 100 et le reste, qui englobe l'Ouest et le Sud, représente 10 p. 100, ce qui donne 100 p. 100, et tout cela s'effectue par transport ferroviaire.
La sécurité est une préoccupation primordiale chez nous. Ce matin, votre comité a eu l'occasion de visiter notre centre de contrôle d'avant-garde, qui fait l'envie de tous les ports d'Amérique du Nord, sans oublier certains ports européens. Depuis 1998, nous avons investi 8 millions de dollars dans la sécurité et avons l'intention d'en investir 10 millions de plus afin que nos installations portuaires demeurent à la fine pointe. Ainsi, par exemple, lundi dernier, nous avons inauguré un système de portique de détection de rayonnements, qui servira à effectuer des scanographies des conteneurs pour y trouver des bombes radiologiques, des rayonnements ou du matériel susceptible de représenter un danger pour notre population et notre économie.
L'environnement est aussi au sommet de nos préoccupations, et nous en prenons soin. Ces deux dernières années, nous avons investi 3 millions de dollars dans des projets écologiques. Nous avons fait un inventaire de nos infrastructures portuaires et avons déjà accompli 99 p. 100 de ce que nous devons faire. Sur ce 99 p. 100, 3 p. 100 correspond à des projets permanents, conçus pour contenir les fuites observées, surtout dans le secteur pétrolier.
Cette diapositive illustre le trafic au cours des quatre premiers mois de cette année, et ici encore vous pouvez observer une croissance de notre trafic de conteneurs de 4,1 p. 100 et de 4,2 p. 100 en EVP, à la suite. En ce qui a trait aux marchandises diverses, car Montréal est un port multifonctionnel, on remarque une augmentation totale de 4,2 p. 100. Par conséquent, si la tendance se maintient, notre trafic total va encore atteindre des sommets inégalés en 2007.
[Français]
En conclusion, le Port de Montréal est un inestimable avantage pour les exportateurs de Montréal, du Québec et du Canada tout entier.
Les lignes maritimes sont engagées envers Montréal et introduiront des navires de plus de 4 200 EVP sur l'horizon 2010. Comme je vous l'ai mentionné, ces navires seront sensiblement de la même longueur, mais seront plus rentables et plus larges pour les armateurs. Ils utiliseront davantage nos trente-sept mètres sur le fleuve Saint-Laurent. À l'heure actuelle, comme vous le savez, nous sommes à 12,2 mètres et on garantit 11,3 mètres, soit 37 pieds. C'est donc, pour nous, très important. Nous travaillons étroitement avec la Garde côtière qui, sans doute, donnera la permission aux plus larges navires de transiter dans le Saint-Laurent ou dans la zone où il y a 250 mètres de largeur. Je ne crois pas que cela créera des problèmes, bien au contraire. C'est très important pour l'économie du Québec et du Canada tout entier.
Au sujet des engagements à long terme des arrimeurs, des armateurs des réseaux ferroviaires, je peux vous dire, avec fierté, que nous avons signé des baux de 40 ans avec nos arrimeurs.
[Traduction]
Les baux arrivent à échéance en 2041. Le matériel et le tonnage sont garantis. Les mêmes exploitants ont aussi signé des ententes avec les lignes ferroviaires. J'en connais les conditions, mais je m'en remets à eux pour vous en informer s'ils le souhaitent. Vous pouvez donc constater que nous avons déjà reçu de sérieux engagements.
[Français]
Et on prévoit investir 175 millions de dollars pour 2007-2011, sans tenir compte de l'étude.
[Traduction]
Selon Moffatt et Nichol — une entreprise d'experts-conseils qui nous aide à concevoir notre planification stratégique — si nous voulons accueillir la hausse prévue du trafic de conteneurs au cours de la prochaine décennie, il faudra que les exploitants de terminaux et nous dépensions encore 200 millions de dollars.
Compte tenu de cela, quels sont les besoins de l'industrie, de notre point de vue, à Montréal? Dans le cas des ports plus particulièrement, nous aimerions beaucoup — et je sais que vous avez entendu le même message auparavant, à Vancouver concernant l'Autorité portuaire de Vancouver, et de la part de M. Allan Domaas au nom de la Fraser River Port Authority, que d'autres vous le communiqueront sans doute aussi. Nous aimerions bénéficier du programme fédéral destiné aux infrastructures portuaires, à la sécurité et à la technologie. Certes, nous avons reçu du financement pour la sécurité portuaire, mais nous n'avons pas perdu espoir de nous voir accorder aussi le soutien du fédéral en ce qui a trait aux infrastructures portuaires, que nous consacrerions à l'agrandissement de nos quais et de nos bassins et au prolongement de nos réseaux routiers et ferroviaires internes.
Le Port de Montréal aimerait que le gouvernement fédéral substitue aux honoraires pour frais sur les recettes brutes, qui remontent à 1999, la mesure précédente, un dividende correspondant aux bénéfices nets. Allons même un peu plus loin; à notre avis, par rapport aux infrastructures fédérales, il nous paraît inutile de verser un dividende à nos actionnaires. À la place, nous estimons que dans le cas où il y aurait dividende, on devrait donner aux ports la directive de réinvestir ces sommes dans des immobilisations, comme c'est le cas avec tout le reste. Toutefois, il semble que nous soyons obligés de payer.
Nous voulons le remplacer parce que les sociétés privées, à la base de nos activités commerciales, versent des dividendes correspondant à leurs bénéfices nets mais pas nous. Par conséquent, les frais sur les recettes brutes nous coûtent de 600 000 à 700 000 $ de plus par année. Nous sommes même tenus de payer des droits sur les montants que nous réinvestissons dans des actions pour faire fructifier l'argent dont nous n'avons pas besoin pour nos immobilisations.
Nous aimerions que le gouvernement nous mette sur un pied d'égalité avec les autres afin que nous puissions appuyer les chemins de fer canadiens, tant le Canadien National que le Canadien Pacifique vis-à-vis de leurs concurrents américains, en accordant des crédits d'impôt qui couvriraient l'expansion des réseaux ferroviaires, des gares intermodales et des gares de triage, des parcs de locomotives, sans compter...
[Français]
... une revendication qu'ils font depuis plusieurs années.
[Traduction]
... un allégement fiscal relativement aux droits sur le carburant.
De plus, réitérant ici ce qu'ont déjà demandé la Ville de Montréal et Transports Québec, nous aimerions que le gouvernement fédéral nous accorde un soutien afin de pouvoir accélérer la modernisation et la transformation en boulevard de la rue Notre-Dame, la modernisation de l'autoroute 30, dont nous avons entendu parler et des quartiers à l'Est. Nous estimons aussi avoir besoin d'un ou de deux nouveaux ponts pour nous relier à l'Île de Montréal.
[Français]
Madame la présidente, je suis prêt à répondre à vos questions. Il s'agit de la mise à jour de notre présentation que nous avons faite à Ottawa, au mois de février. C'est un plaisir d'être ici encore une fois. Nous vous remercions de votre temps et, pour la deuxième fois, de votre patience.
La présidente : Cela ne demande pas de la patience, mais de l'intérêt.
M. Taddeo : Merci beaucoup, madame la présidente.
La présidente : Je vais débuter avec les premières questions; je laisserai la parole à mes collègues par la suite. Lors de votre premier passage, vous avez parlé avec beaucoup de fierté de l'augmentation du trafic de conteneurs de 30,3 p. 100 au cours de cinq dernières années au Port de Montréal. Vous aviez aussi mentionné qu'une étude sur la capacité du port avait été commandée suite à un manque d'espace sur l'île de Montréal et qui devrait être pris en considération. Vous aviez parlé aussi d'une étude du IBI Group, si je ne fais pas erreur, qui confirmait que le Port du Montréal allait connaître une croissance soutenue du trafic commercial. Cette étude confirme également que vos plans d'amélioration d'infrastructures prennent en considération les besoins additionnels en capacité auxquels le Port de Montréal sera confronté dans un avenir rapproché.
Pourriez-vous nous présenter les grandes lignes de la conclusion de l'étude du IBI Group? Également, est-il possible de nous acheminer un exemplaire de cette étude ou si celle-ci appartient strictement au Port de Montréal?
M. Taddeo : Dans un premier temps, c'est le IBI Group qui a fait cette étude sur l'aspect concurrentiel du Port de Montréal; sur notre capacité à rester concurrentiel pour le trafic, soit notre marché principal, Toronto, le Midwest des États-Unis et le Nord-Est des États-Unis. Terminée en 2005, cette étude confirme qu'effectivement d'un point de vue strictement monétaire, nos tarifications sont avantageuses. Par exemple, envoyer un conteneur de Stuttgart en Allemagne à Chicago, incluant tous les coûts reliés au transfert, au transport du conteneur, soit en Europe, sur le navire, le camion en Europe ou le chemin de fer; la manutention en Europe et le passage sur la mer; les coûts à Montréal, les pilotes, la Garde côtière, tout cela démontre que nous avons toujours un avantage monétaire. C'est un facteur, vous le constaterez, assez important, et qui se rallie, bien sûr, au service d'efficacité. Nous pourrons certainement communiquer cette information, après avoir vérifié la Loi sur l'accès à l'information. Je ne connais pas cette loi par coeur, mais étant de l'information qu'on a partagée avec l'industrie, cela nous fera plaisir de vous l'envoyer. Sinon tout le rapport, du moins un sommaire exécutif qui donne les faits saillants.
Pour ce qui est de la deuxième étude, c'est une étude que nous avons commandée.
[Traduction]
Nous l'avons donnée au groupe Moffatt qui est renommé à l'échelle internationale. Il a effectué d'importantes études dans l'Ouest canadien, à Vancouver et à Prince Rupert de même qu'à Long Beach et Los Angeles, pour ne mentionner que quelques ports de la côte Ouest. Bien que l'étude ne soit pas terminée, j'en ai présenté un résumé à mon conseil d'administration la semaine dernière. Le groupe Moffatt nous a dit que nous devrons améliorer la manière dont fonctionnent nos terminaux. Demain, vous entendrez M. Carré, qui est des nôtres, et M. Doherty. Il faudra que nous leur communiquions ces renseignements.
Nous avons déjà discuté de certains des changements qu'il faudra apporter aux terminaux afin de porter au maximum l'utilisation des terrains les entourant, en raison du fait qu'à Montréal...
[Français]
... nous sommes reculés sur la rue Notre-Dame. Nous avons un taux de productivité qui est assez élevé. Cette étude démontre, que parmi les ports des Amériques, nous sommes les premiers au niveau de productivité. Cette étude démontre aussi une croissance prévue où le trafic passera à 1,9 million de conteneurs manutentionnés. Si on ne pose pas de geste, d'abord au modus operandi, des armateurs et des arrimeurs, suivis par les investissements qui doivent être faits au réseau ferroviaire, à la route du port, à nos infrastructures, ainsi qu'aux investissements qui doivent être faits par les arrimeurs, nous ne pourrions pas répondre à la croissance, que ce soit sur l'île de Montréal ou ailleurs.
La prochaine étape — et le conseil en a été saisi la semaine passée — sera de rencontrer les arrimeurs qui sont déjà passablement au fait, afin d'obtenir leur accord, car cela implique des gestes de leur côté. Ils nous ont déjà indiqué qu'ils sont prêts à investir dans les grues-portiques qui seront nécessaires.
Il faut améliorer l'accès des camions au Port de Montréal. Il faut avoir un centre de repères qui sera utilisable partout. Les compagnies de camionnage qui pourront aller à n'importe quel terminal, selon leur volonté. Et, bien sûr, parler avec les armateurs au sujet des cédules et leur offre de services. Déjà ils ont prévu la croissance en faisant une étude pour élargir leurs navires.
Donc, on est confiant, et comme on dit : «they will jump on board» et qu'ils vont donner suite.
Par la suite, nous avons examiné au-delà de 2015. Est-ce que le trafic continuera à croître? Cela se confirme. Est-ce que ça peut être manutentionné sur l'île de Montréal? La réponse est oui. Sur l'île de Montréal, il y a déjà des sites d'identifiés. Mais, à ce stade-ci, c'est prématuré, parce que nous avons d'autres choses à normaliser avec certaines personnes, avant d'en discuter. Il y a des bassins qu'on peut remplir, mais qui vont coûter très cher. C'est donc une grosse décision.
Cette étude démontre que d'ici 2015, au-delà du 170 millions de dollars que nous voulons investir dans les autres infrastructures, il faudra que le Port, les armateurs et les arrimeurs dépensent presque 200 millions de dollars sur l'île de Montréal, pour rester le joueur important que nous sommes. Donc, nous sommes très confiants et continuerons de l'être. Mes successeurs s'assureront que cela continue.
La présidente : Certaines administrations portuaires ont évoqué devant le comité des craintes quant à l'approvisionnement de conteneurs par voie ferroviaire. Il y a un conflit de travail potentiel au Canadien Pacifique à l'heure actuelle avec le personnel d'entretien. Quelle serait votre appréciation des services assurés par le rail auprès du Port de Montréal? Et, avez-vous des suggestions à formuler pour améliorer le service ferroviaire à Montréal?
M. Taddeo : À Montréal, je dois vous dire que les plaintes sont mineures. Le service, qui rejoint le marché de Chicago en 33 heures, comme je l'ai mentionné tantôt, le Canadien Pacifique vient de l'introduire. À Montréal, nous avons deux chemins de fer et il y a une vraie concurrence entre le CN et le CP. Il y en a presque 60 p. 100 du trafic conteneurisé qui sont manutentionnés; ce qui entre ou ce qui sort du port par chemins de fer, CP a presque 80 p. 100 et CN en a 20 p. 100. Donc, le CP est le gros joueur. Il y va de leur intérêt d'avoir un service efficace.
Au sujet de la grève qui est annoncée, on m'a mis au courant. Du côté du CP, tout est en place pour continuer à donner le service avec les gens de l'administration. Ils ont déjà vécu ce problème, il y a trois ans, et ils sont passés au travers, au point où les syndicats ont demandé un retour à la table pour continuer à discuter.
Mais pour ce qui est du Port de Montréal, le CN aussi a déjà sa nouvelle cour le long de l'autoroute 13, qui s'appelle la cour Taschereau. Le CP a acheté des terrains à Rigaud, qu'ils préparent, afin de sortir leur cour de triage du centre-ville de Montréal à Outremont, pour l'utiliser et donner accès aux camions; cela avantagera surtout les conteneurs qui doivent quitter Montréal pour aller à New York, Boston, Toronto, Albany, Burlington, par camion. Ils n'auront plus à être dans le centre-ville. Ils vont avoir des ponts.
C'est pour cela que l'autoroute 30, pour nous, est primordiale. Une fois installés là-bas, ils pourront emprunter la 40 et aller rejoindre Valleyfield pour revenir sur leurs pas si besoin est. Selon le point de vue du Port de Montréal, la concurrence entre le CN et le CP, est due au service. On ne vit pas les mêmes problèmes que ceux de Vancouver et d'Halifax.
[Traduction]
Nous connaissons bien certaines difficultés mais pas au même niveau.
[Français]
La présidente : Du point de vue des finances, le Port de Montréal est rentable et vous en avez fait plusieurs démonstrations. Par contre, il y a deux irritants financiers pour le port. Vous devez verser une partie de vos revenus bruts au gouvernement fédéral, alors que votre souhait serait de verser un pourcentage des recettes nettes, si je vous ai bien compris. De plus, le port paie des impôts fonciers au nom du gouvernement fédéral à la Ville de Montréal, malgré le fait qu'il soit responsable de ses propres routes et de son propre service d'égouts. Est-ce que vous avez entamé des discussions avec le gouvernement fédéral et la Ville de Montréal, relativement à ces deux éléments?
M. Taddeo : Je suis président du conseil d'administration de l'Association des autorités portuaires du Canada et le sujet qui est très populaire ces jours-ci, c'est « bills, payments and newest taxes ». Nous disons aux représentants, aux agences centrales à Ottawa, que nous ne devrions pas les payer. La raison principale est qu'à Montréal, on paye notre déneigement; on répare nos routes; on paye l'enlèvement de nos déchets, et ainsi de suite. Mais du côté de la Ville de Montréal, ils essaient d'avoir plus l'argent du gouvernement fédéral. C'est un sujet de discussion. Nous n'avons pas objection à contribuer, sauf qu'on aimerait participer seulement pour les services que nous recevons. Nous croyons que les montants que l'on paye dépassent les services que l'on reçoit de la Ville de Montréal.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : J'ai quelques questions à poser. Je vais d'abord me concentrer sur les besoins de votre industrie, puis poursuivre sur la lancée de Mme Bacon.
Par rapport aux programmes fédéraux de soutien aux infrastructures portuaires, à la sécurité et à la technologie — et vous nous avez dit, aujourd'hui mais aussi à d'autres occasions, que les ports doivent améliorer leurs immobilisations et leurs infrastructures. En même temps, vous réclamez du soutien des programmes fédéraux destinés aux infrastructures portuaires.
Existe-t-il une politique quelconque répartissant la part des frais que vous devez assumer vous-mêmes et celle que vous attendez du fédéral à cet égard? Pourquoi la sécurité est-elle financée par le fédéral tandis que les autres aspects des infrastructures doivent être financés à même vos recettes et les bénéfices de vos activités portuaires?
M. Taddeo : Sénateur Tkachuk, cela tient au fait que l'article 25 de la Loi maritime du Canada nous interdit de recevoir des subventions à même les fonds fédéraux.
Après les attentats du 11 septembre, le Port de Montréal et les autres ports canadiens ont discuté de sécurité avec Transports Canada et en ont conclu que la sécurité concernait tous les Canadiens. Votre question est très légitime. À nos yeux, puisque la sécurité est primordiale et les ports indispensables au succès de l'économie de notre pays, pourquoi n'adopterait-on pas une loi spéciale qui leur donnerait accès aux fonds destinés aux autoroutes, aux ponts et même aux ports? La proposition est à l'étude, et nous espérons qu'on y répondra favorablement.
Lorsque la Loi maritime du Canada est entrée en vigueur en 1998, les critères auxquels nous devions nous conformer voulaient que nous nous chargions nous-mêmes de notre propre financement puisque nous avions réclamé la pleine autonomie et nos conseils d'administration locaux et que nous les avions obtenus. La loi nous accorde donc des facilités de crédit afin d'emprunter des montants sur les recettes prévues du trafic à venir mais non sur les propriétés portuaires.
À Montréal, la situation financière du port était bonne. Toutefois, dans d'autres ports — depuis, le gouvernement fédéral a augmenté les limites de crédit des ports de Vancouver et de Montréal. Cela étant dit, nous maintenons que si la sécurité revêt tant d'importance pour la nation tout entière, la même chose vaut pour les ports du Canada. Par conséquent, si l'on prévoit réserver des sommes à cette fin et si l'économie canadienne poursuit son expansion, donnez-nous accès à une part de vos fonds; laissez-nous au moins avoir droit aux subventions destinées aux infrastructures portuaires afin que nous puissions agrandir nos postes à quai, prolonger les lignes ferroviaires portuaires, et cetera.
Le sénateur Tkachuk : En règle générale, c'est le genre de choses que vous financez vous-mêmes à l'interne.
M. Taddeo : Oui. Si nous n'avons pas l'argent voulu, nous devons nous adresser aux banques. Telle est la loi actuelle.
Sur le plan de la sécurité, nous faisons la même chose. Nous n'avons pas attendu la tragédie du 11 septembre pour agir. Nous avons commencé à améliorer notre système de sécurité dès 1998. Nous avions déjà prévu des dépenses à cette fin par souci de compétitivité. Nous avons fait de la sécurité une priorité au même titre que nos services ferroviaires et routiers et l'agrandissement de nos aires de mouillage.
Le gouvernement fédéral, voyant ce que faisaient nos concurrents aux États-Unis — où l'on y affecte beaucoup de crédits budgétaires — a décidé de mettre en œuvre un programme spécial. Nous avons donc décidé de demander le soutien fédéral pour la sécurité portuaire plutôt que d'utiliser nos propres fonds. Toutefois, même dans le cas où nous ne recevrions pas une réponse favorable du gouvernement, nous estimons avoir une responsabilité et l'avons assumée, ce qui explique pourquoi nous avons décidé d'investir dans la sécurité.
Toutefois, maintenant que l'argent est disponible, nous avons demandé du financement — répondu aux questionnaires et rempli des formulaires — ce qui a accéléré certains de nos projets. Il a fallu que nous établissions un ordre de priorité — il y a une limite à ce qu'on peut dépenser au moyen de ses propres liquidités; il faut se garder des réserves. Dans le cas de la sécurité, nous avons accéléré certains des projets.
Ainsi, à l'heure actuelle, le contrôle de l'accès à nos terminaux s'effectue à la main, mais nous sommes en train d'installer un système électronique. Nous espérons qu'il sera en fonction d'ici la fin de l'année ou au plus tard le printemps prochain.
Le Port de Montréal avait prévu faire cela en 2008, ou même à la fin de 2008, mais lorsque les fonds fédéraux sont devenus accessibles, nous avons décidé d'accélérer le processus.
Il n'empêche qu'on ne nous accorde pas de fonds afin de soutenir nos travaux d'infrastructure. Votre question tombe à point nommé. En effet, si, dans l'intérêt national, on nous accorde de l'argent à affecter à la sécurité, pour la même raison, on devrait aussi nous en donner pour l'expansion portuaire, la croissance du port, le développement de notre pays.
Le sénateur Tkachuk : Au sujet des honoraires relatifs aux frais sur les recettes brutes — l'usage du terme « honoraires » est intéressant — comment est-ce que cela fonctionne? S'agit-il d'un pourcentage des recettes brutes?
M. Taddeo : C'est précisément cela.
Le sénateur Tkachuk : Pour chaque dollar qui rentre, quelle part devez-vous payer?
M. Taddeo : C'est calculé selon une formule. Jusqu'à 500 000 $, la proportion est de 1 p. 100; de 500 000 à 3 millions de dollars, c'est X p. 100; de 3 millions de dollars — en fait, les chiffres sont plus élevés que cela, parce que l'année dernière, nos recettes ont totalisé 78 millions de dollars.
Il s'agit donc d'une échelle, qui est à l'opposé de celle des bénéfices nets, des dividendes. Grâce à ce mécanisme, le gouvernement vient chercher chez nous 1 million de dollars de plus en « impôt » si on peut dire — ou 600 000 $, 700 000 $, 800 000 $ de plus par année, et cela en échange d'à peu près aucun service ou d'aucun service. C'est tout simplement un moyen lui permettant d'aller chercher des recettes fiscales et de nous tenir la bride.
Pour justifier cela, certains ont estimé que si nous utilisions nos bénéfices nets, nous gonflerions nos dépenses. Cet argument ne me paraît pas sérieux. Nous faisons l'objet de vérifications. Pourquoi est-ce que je créerais toutes sortes de réserves? Les vérificateurs ne nous le permettent pas, ni mon comité de vérification, ni encore mon conseil d'administration. Pourquoi voudrais-je faire cela? Malheureusement, cette logique échappe aux gens qui ont pris la décision. Ils ont décidé que nous paierions à même nos recettes brutes, et c'est ce que nous faisons.
Le sénateur Tkachuk : Pour ce qui est de l'accès aux subventions destinées aux infrastructures routières — autre besoin dont vous nous avez fait part — plus précisément à celles de la rue Notre-Dame et de l'autoroute 30, est-ce que ça ne devrait pas être à la province et à la ville de financer ces projets au moyen de leurs budgets d'infrastructure?
M. Taddeo : La province a affecté des crédits.
Le sénateur Tkachuk : La ville aussi devrait le faire, n'est-ce pas?
M. Taddeo : La ville et la province demandent précisément cela au gouvernement fédéral. Par conséquent, par rapport aux infrastructures de Montréal et de son économie, je viens ajouter ma propre voix au chapitre afin de souligner l'importance de ce qu'elles réclament. C'est important parce que cela compte pour l'économie de Montréal, et parce que le Port de Montréal contribue de façon non négligeable à l'économie tant canadienne que montréalaise.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez affirmé que les compagnies de chemin de fer devraient recevoir un crédit d'impôt dans le cas de l'expansion de leurs services, afin qu'elles bénéficient de chances égales. Quels avantages économiques reçoivent leurs concurrentes américaines à notre détriment?
M. Taddeo : Les compagnies américaines reçoivent des allégements fiscaux de leur gouvernement pour leurs plates-formes.
Le sénateur Tkachuk : En plus du fait qu'elles peuvent aussi les amortir?
M. Taddeo : Oh, oui. Oui, ces compagnies bénéficient d'avantages. Je suis sûr que les représentants des nôtres vous l'expliqueront de manière beaucoup plus détaillée. La Burlington Northern Santa Fe et la Norfolk Southern ont toutes deux des avantages.
Cela fait déjà quelque temps que les études sur le sujet ont été effectuées. Comme on le dit au Québec, « des revendications » ont été présentées plus d'une fois, mais jamais à la satisfaction des compagnies de chemin de fer. Or, ces dernières font partie de nos infrastructures et participent à notre succès.
Le sénateur Tkachuk : Je vous remercie beaucoup. Je vous poserai encore d'autres questions au second tour.
Le sénateur Mercer : Monsieur Taddeo, merci beaucoup de votre présence parmi nous et de votre constante hospitalité à l'endroit de notre comité et à mon endroit.
Vous avez mentionné l'évaluation environnementale. D'autres ports et exploitants de terminaux nous ont parlé du processus fédéral d'évaluation environnementale, nous disant qu'il est trop long et complexe, superflu même étant donné l'existence d'un processus semblable au niveau provincial. Que pouvez-vous nous dire de votre propre expérience par rapport à l'évaluation environnementale fédérale?
M. Taddeo : Il est effectivement trop long, très exaspérant et très coûteux. N'est-ce pas, monsieur Bédard?
Le sénateur Tkachuk : Êtes-vous obligés aussi de le subir deux fois, comme c'est le cas en Colombie-Britannique, où la province a son propre processus.
M. Taddeo : Oui, il faut obtenir l'autorisation des deux ordres de gouvernement.
Le sénateur Tkachuk : Les processus ne s'effectuent pas en parallèle, il faut les subir en succession?
M. Taddeo : Non, nous nous sommes arrangés pour que les choses se passent simultanément.
Le sénateur Mercer : C'est une bonne chose. C'est une amélioration par rapport à ce qui se passe en Colombie-Britannique.
M. Taddeo : Oui, nous veillons à ce que le gouvernement du Québec participe à toutes nos discussions, à ce qu'il soit présent. C'est très important.
Le sénateur Mercer : Ce matin, il a été dit que les exploitants de terminaux se sont vu interdire le déversement direct de la neige dans le fleuve en hiver. Toutefois, cette neige y aboutit de toute façon, mais après qu'on l'a enlevée, chargée sur des camions et transportée ailleurs. Est-ce que c'est un règlement fédéral, provincial ou municipal qui vous cause ce problème et vous coûte tant d'argent?
M. Taddeo : C'est un règlement provincial, qui déplaît d'ailleurs aux exploitants, car ce sont eux qui doivent défrayer le déneigement de leurs terminaux. Dans le passé, ils nous ont demandé de pouvoir déverser de la neige sur certains de nos terrains. Nous le leur permettions quand le trafic était faible. Ils le faisaient donc; la neige fondait, s'écoulait dans les égouts et aboutissait de toute manière dans le fleuve. Toutefois, maintenant, nous manquons d'espace libre, ce qui les oblige donc à enlever la neige puis à la transporter quelque part. Ainsi que le disait M. Doherty ce matin, de toute manière, elle finit par aboutir au fleuve.
Le sénateur Mercer : Combien est-ce que cela coûte aux exploitants?
M. Taddeo : Je ne suis pas en mesure de vous répondre, mais je suis sûr que M. Doherty pourra le faire, ainsi que M. Carré lorsqu'il témoignera demain.
Le sénateur Mercer : Bien. Récemment, le service du CN a été interrompu à quelques reprises, et l'on prévoit que la même chose se produira au CP. Lors de notre passage en Colombie-Britannique, on nous a dit qu'après les conflits de travail et un très rude hiver dans les montagnes, marqué par des éboulements et des fermetures de lignes, et cetera, le CN n'a rien fait pour combler les retards de service.
Avez-vous observé la même chose ici, dans le cas de travail en retard; est-ce que les deux compagnies de chemin de fer se sont abstenues de mettre des trains supplémentaires, d'allonger les trains ou d'ajouter un quart de travail le cas échéant?
M. Taddeo : Non, nous avons peut-être perdu une journée à Montréal lorsque le CN a eu ses problèmes. Il y a seulement eu un retard. Ainsi que je le disais plus tôt, de mon point de vue et du point de vue du Port, la question est importante, car les compagnies maritimes, les importateurs et les exportateurs ont le choix : ils peuvent aller à New York, à Baltimore ou à Hampton Roads. Quoi qu'il en soit, dans le cas de Montréal, le CN a fourni le service attendu de lui.
En fait, le CN a tout de même laissé certains de ses conteneurs un peu trop longtemps dans la gare de transbordement que vous avez visitée ce matin, et nous venons de le joindre au téléphone. N'est-ce pas, monsieur Bédard?
M. Bédard : Oui.
M. Taddeo : Nous lui avons dit : « Si vous n'enlevez pas ces conteneurs, ce sera fini : nous mettrons fin à votre service ». Le CN ne voulait pas cela. Il tient à demeurer compétitif à Montréal, et je suis sûr qu'il fait tout son possible pour attirer la clientèle des autres transporteurs maritimes et pour les inciter à choisir sa liaison ferroviaire.
Le sénateur Mercer : Plus tôt, le sénateur Tkachuk a posé une question au sujet de l'article 25 de la Loi maritime du Canada interdisant l'octroi de subventions fédérales. Ma question n'est pas directement liée à notre étude de la conteneurisation du fret mais plutôt à la gestion des ports et à l'industrie de la navigation de croisière. Est-ce qu'on aide les autorités portuaires d'une manière ou d'une autre à aménager des ports comme celui de Montréal afin qu'ils puissent accueillir le nombre croissant de navires de croisière?
M. Taddeo : Pas à l'heure actuelle. Je vous remercie cependant de votre question. À Montréal, nous avons effectivement besoin d'une nouvelle gare de voyageurs maritimes. La saison est très courte et nous accueillons 40 000 voyageurs. Nous avons mis sur pied tout un système, de concert avec le Port de Québec, avec la porte d'entrée du Saint-Laurent, avec les ports d'Halifax, de Saint John et de New York, et nous collaborons aussi étroitement avec la Société du Vieux-Port de Montréal. Nous avons déjà signé un protocole d'entente avec elle dans le cadre d'un projet conjoint. Ce dernier nous permettra de renforcer, sinon de reconstruire les infrastructures actuelles — le bassin qui remonte à 1908. Or, la Société du Vieux-Port de Montréal a droit aux subventions fédérales, et dans le protocole d'entente, nous affirmons être disposés à utiliser la gare de voyageurs; s'agissant d'un projet conjoint, nous l'exploiterons cinq mois par année et les sept mois restants, c'est la Société qui le fera et qui pourra la louer à des fins de réceptions et autres. Je crois que ce genre de projet permettra qu'on nous accorde du soutien financier.
L'investissement par le Port de Montréal de 20 à 25 millions de dollars dans la construction d'une gare desservant 40 000 voyageurs qui rapporteront 1 million de dollars en recettes touristiques constituera un apport considérable à l'économie, à la ville et à l'hôtellerie — beaucoup d'argent et à long terme. C'est pour cela que nous collaborons aussi étroitement avec le Vieux-Port. Nous espérons que ce projet conjoint nous rendra admissibles aux subventions par le truchement du Vieux-Port.
Le sénateur Mercer : Vous êtes ingénieux.
M. Taddeo : Je vous remercie.
Le sénateur Merchant : Vous êtes très enthousiastes, et c'est un atout important pour votre organisme. Le port est manifestement un grand succès, mais il semble quand même y avoir un problème à l'horizon, celui de l'empiètement. Étant donné le nombre croissant de tours d'habitation en copropriété, l'agrandissement de la rue Notre-Dame, la possibilité qu'on surélève le viaduc Bonaventure et la cession de terres domaniales naguère administrées par les autorités portuaires à la Société immobilière du Canada Limitée, le port aura indiscutablement moins de terrains sur lesquels prendre de l'expansion et il devra aussi faire affaires avec des voisins encore plus susceptibles.
Lesquels de ces projets risquent le plus de compromettre la croissance prévue du trafic de conteneurs dans le Port de Montréal?
M. Taddeo : La rue Notre-Dame est une priorité parce que le nombre de camions qui y circulent augmente sans cesse. Bien que les camions utilisant le Port de Montréal ne représentent que 17 p. 100 de ceux qui empruntent la rue Notre-Dame, la question demeure tout à fait primordiale. En second lieu vient la question de l'autoroute 30.
Pour ce qui est de l'arrière-port, à mon avis, la population de Montréal, les chambres de commerce et la ville de Montréal ont compris que le trafic interne avec Terre-Neuve et les 90 000 conteneurs qui arrivent ici sont tous transbordés sur 45 000 camions, qui entrent et qui sortent. Ils se trouvent à l'embranchement même de l'autoroute Bonaventure, et nous avons mis les autorités en garde à ce sujet. Nous avons collaboré avec elles, nous leur avons dit comprendre leur projet de création d'un boulevard et d'embellissement des abords de la ville, mais aussi que cela pourrait avoir des conséquences pour la circulation des camions vers le bassin Bickerdyke, parce que les gens qui y sont ont signé un bail de 20 ans. C'est donc une préoccupation.
La rue Bridge va créer un problème pour le CN, et ils en sont conscients; nous le leur avons signalé. En ce qui concerne la rue Notre-Dame, nous leur avons dit que nous collaborons avec eux, mais qu'ils ne doivent pas empiéter sur l'activité portuaire. Ils sont au courant de la situation et ont collaboré avec nous.
Nous donnons par derrière sur la rue Notre-Dame, vous avez tout à fait raison. Notre principale préoccupation, c'est que les gens du quartier, des milieux d'affaires et des milieux politiques continuent de se rendre compte de l'importance du projet et comprennent qu'effectivement nous vivrons avec eux et qu'ils doivent eux aussi apprendre à vivre avec nous. Tout cela revient aux liens qui doivent être établis entre les services ferroviaires, les services de camionnage et les lignes de navigation.
C'est très bien de croire que nous étendrons nos activités à l'extérieur de l'île un jour, d'ici 20 ou 30 ans, mais il y a très peu de place sur l'Île de Montréal, et pour continuer à maintenir une présence ici compte tenu de l'engagement que les lignes de navigation ont pris avec le CP, il faudra prévoir des fonds pour remplir les bassins.
Cela nous ramène à la question environnementale que vous avez posée à propos du temps qu'il faudra pour remplir les bassins de manière à pouvoir accueillir le trafic maritime que nous souhaitons.
Par conséquent, il s'agit d'un ensemble de facteurs. La priorité, c'est la rue Notre-Dame; après, c'est l'autoroute 30. De plus, je sais qu'il y a un grave problème concernant le pont dans l'Est — l'autoroute 25 — et qu'il s'agit d'une question très controversée. Cependant, en tant qu'homme d'affaires, en tant que citoyen de Montréal, il est impossible d'avoir tout ce que l'on veut; et tout semble indiquer que ce pont sera construit et il faut qu'il soit construit. Il faudrait envisager de construire un autre pont, mais cela est pour plus tard. Les ponts Champlain et Victoria sont déjà très congestionnés et selon des études qui ont été faites dans notre région, il nous faut plus de ponts. Cependant, c'est aux citoyens d'en décider avec les politiciens et ceux qu'ils ont élus pour administrer cette ville, cette île.
Cependant, le Port de Montréal est là; on reconnaît les services que nous offrons. Parfois on nous trouve gênants, mais comme je l'ai dit dans l'exposé que j'ai donné lors de la conférence de presse annuelle, nous savons que nous devons cohabiter. Nous ne voulons pas occuper tout l'espace, mais nous avons un mandat qui nous a été donné par le gouvernement, la population de Montréal. Nous tenons à nous assurer que ce mandat continue d'être respecté.
Certains préféreraient peut-être que le chemin de fer ne traverse pas le Vieux-Port en ce qui concerne le CN; mais si nous y apportons des changements, cela représentera 155 à 160 millions de dollars supplémentaires que devront assumer les citoyens pour permettre au CN de contourner le Vieux-Port, ce qui le rendra encore moins concurrentiel à partir de Montréal, parce que cela représentera alors un retard d'environ huit à dix ou douze heures de plus pour contourner l'île.
Ce sont des questions auxquelles nous travaillons avec toutes les parties intéressées pour nous assurer qu'elles continuent de comprendre l'importance de leur rôle, mais aussi qu'elles se rendent compte que nous faisons ce que nous devons faire. J'ai été heureux de constater, par exemple, la présence au déjeuner de Henri-Paul Rousseau, qui est extrêmement respecté à Montréal. C'est la première fois que j'ai entendu un homme d'affaires de cette envergure faire ce genre de commentaires — et cela, sans que je l'y incite, croyez-moi. En fait, Mme Poulin était présente à ce déjeuner, et nous avons dû faire des pieds et des mains pour obtenir l'extrait en question.
C'est au fruit qu'on juge l'arbre : Morgan Stanley a investi dans notre terminal; les Japonais ont investi dans le terminal Termont, la famille Logistic, Mediterranean Shipping Company, MSC, la deuxième compagnie de navigation au monde a investi dans notre terminal. Lorsque ses représentants sont venus y jeter un coup d'œil, ils se sont rendu compte qu'il s'agissait d'une porte d'entrée importante et ont dit qu'ils investiraient dans cette porte d'entrée parce qu'ils croyaient dans son avenir. Nous ne pouvons pas demander mieux que la Banque Morgan Stanley; c'est elle qui a permis la création du nouveau terminal et qui l'a acheté de Touristik Union International, TUI, et Hapag-Lloyd.
Lorsque j'étais à Houston la semaine dernière, Drewry Shipping Consultants était présent. Ce groupe a fait une étude des terminaux qui sont achetés par les fonds de pension, et notre terminal à Montréal s'est classé au premier rang quant aux gains avant intérêt, aux taxes, à l'amortissement pour dépréciation et à l'amortissement financier, à l'excédent brut d'exploration, avec un ratio des gains de 22,4. Les représentants de Morgan Stanley m'ont dit personnellement; « Certaines de vos autres infrastructures nous intéressent, peut-être même celles concernant le vrac. Nous sommes en train d'examiner la question parce que nous savons que ces infrastructures existent; nous savons qu'elles sont importantes; et nous savons qu'elles connaîtront une croissance. Le Canada continuera de croître et de jouer un rôle important dans l'économie mondiale. »
Le sénateur Merchant : Considérez-vous que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour atténuer les répercussions?
M. Taddeo : Tout à fait, et j'ai été très heureux de constater que dans le cadre de discussions que nous avons eues avec les représentants de M. Cannon et de M. Fortier, sur la question, par exemple du port intérieur — le Nouveau Havre de Montréal, qu'après avoir examiné et analysé la situation, ils ont vu ce que nous faisons et ont indiqué que certaines des terres en question n'étaient pas vraiment utilisées à des fins portuaires ou maritimes et que par conséquent ils voulaient transférer cette responsabilité à des spécialistes en aménagement des terres. Nous avons indiqué n'y voir aucune objection mais lorsqu'il s'agit du bassin Bickerdyke, du chemin de fer et du terminal passagers, il s'agit d'une activité maritime qui relève par conséquent de leur mandat; c'est important pour Montréal, indépendamment des souhaits de certaines personnes à Montréal qui considéraient que ces terres devraient être transférées à des fins d'habitation ou de commercialisation. Ils ont répondu : « Non, cela doit demeurer une activité portuaire. » De la façon que la ville de Montréal est construite, l'activité portuaire est étendue et ne peut pas être concentrée dans une seule zone comme c'est le cas pour certains ports ailleurs dans le monde.
Par conséquent, le gouvernement fédéral comprend pleinement notre rôle et l'apprécie beaucoup. Si vous me le permettez, M. Cannon a félicité notre administration lorsqu'il a prononcé son discours, ce qui était très aimable; il était sincère.
[Français]
Le sénateur Dawson : On va peut-être en profiter pour demander à M. Cannon de vous venir en aide pour le dossier des croisières et particulièrement au sujet de l'Est canadien. On ne peut pas avoir un maillon faible dans l'industrie des croisières, soit d'avoir un excellent accueil à Québec et un accueil moins bon à Montréal. Ce n'est pas tout à fait dans notre mandat, mais je pense que vous pouvez compter sur notre collaboration.
M. Taddeo : Merci beaucoup.
Le sénateur Dawson : Vous êtes là pour soutenir la Ville de Montréal dans ses projets d'infrastructures, le gouvernement du Québec et du Canada dans l'autoroute 30. Vous êtes là pour qu'on change les programmes de taxation pour les compagnies de chemin de fer. Je vous trouve généreux pour les autres, mais dans votre cas, il me semble évident qu'on doit moderniser ou simplifier la façon dont le gouvernement canadien peut vous venir en aide. Nous aurons, dans les prochaines semaines ou les prochains mois, à formuler des recommandations sur la façon dont les ports canadiens peuvent être compétitifs, parce que vous n'êtes pas en compétition avec Halifax ou Vancouver, au fond, mais bien avec le monde. Si on ne vous donne pas les outils pour vous moderniser comme port, avec les contraintes que vous avez, vous allez avoir des difficultés.
Voici ma question : vous parlez dans vos chiffres de doubler votre trafic dans les dix prochaines années. Vous n'avez que des petits terrains de disponibles pour faire ce développement et même si vous le faites avec la collaboration du ministère des Transports en leur cédant des terrains, comment pouvez-vous atteindre une croissance d'un tel niveau avec si peu de terrains de disponibles?
Ma deuxième question est beaucoup plus technique et plus simple. Vous parlez de Chicago qui est maintenant fait en 33 heures et que vous espérez réduire à 24 heures. Quand vous dites que vous allez tenter de le faire, est-ce en collaboration avec les compagnies de chemin de fer?
M. Taddeo : Effectivement, et les armateurs.
Le sénateur Dawson : Et sans tomber dans la technique, de quelle façon pourrez-vous y arriver?
M. Taddeo : C'est un processus qui est assez complexe. On parle de temps d'arrivée et de temps de départ des navires. S'il y a un conteneur à Chicago, et que l'exportateur veut envoyer de la marchandise, cela veut dire accélérer le processus, l'améliorer et utiliser la technologie davantage. Et réduire les temps d'attente et les temps de transfert. C'est tout ça qui a été fait au fil des ans.
Le sénateur Dawson : D'accord.
M. Taddeo : Au début, en 1986-1987 notre système prenait 72 heures. Aujourd'hui, nous avons réduit le temps à 33 heures en grugeant des heures ici et là. Ce sont des choses semblables. Vingt quatre-heures c'est peut-être utopique, mais pourquoi pas le viser, hein!
Pour répondre à votre question sur la grandeur de nos terrains et le niveau de croissance, on parle du modus operandi et des informations que nous avons présentement. Je vais vous donner un exemple, qui n'est pas étranger aux opérateurs des terminaux, sur le temps passé par les conteneurs vides sur nos terminaux; on a fait toute l'analyse et l'examen, et d'après l'opérateur du terminal, un conteneur vide reste sur le terminal huit jours. Le modus operandi du terminal ne nous regarde pas en soi, c'est leur responsabilité. Ils sont là, eux aussi, pour générer des revenus et faire des affaires. Mais on leur dit : écoutez, vous êtes là, vous avez des contrats à long terme avec nous et vous avez des garanties de tonnage. Il faut donc se rendre à l'évidence qu'il faut faire quelque chose avec les conteneurs vides. Ils vont nous répondre : « Oui, mais on veut qu'ils soient proches de nos terminaux. Avez-vous de la place? » On va les entreposer seulement deux jours sur nos terminaux. Cela va créer de l'espace, ça va faire plus de roulement.
En ce qui a trait aux conteneurs à l'exportation, Kevin nous a parlé aujourd'hui des conteneurs en importation, là aussi, les temps d'attente sur nos quais sont importants. Peut-être vont-ils rester dans les cours de triage lointaines de Montréal et vont arriver juste à temps. On n'aura pas à les amener par train, les décharger, les mettre sur le terre-plein et ensuite les transférer. Ils vont peut-être aller directement du train au navire, comme on fait pour l'export. Ce sont des choses semblables.
On va demander aux opérateurs d'acheter ou d'installer des grues-portiques. Ils sont déjà au courant, mais on va leur demander de mettre plus d'équipements pour faire un roulement encore plus rapide. Nous investirons dans le réseau ferroviaire en ajoutant 25 000 pieds de plus. Dans notre cour d'interchange, avant ça les trains y attendaient. Mais, on a dit aux compagnies de chemins de fer qu'ils ne peuvent plus attendre. On n'a pas le choix, on est vraiment tassés. Donc, l'étau est là. Entre le navire qui arrive, les camions qui viennent au port, les conteneurs qui doivent attendre, c'est tout un processus. Et avec la technologie, on est fiers de rapporter que ça fonctionne bien.
Mais au-delà de 2015 et 2020, sur l'île de Montréal, il y aura d'autres choix à faire. Cela dépend du partenariat entre les chemins de fer et l'armateur, les compagnies qui amènent les navires. Cela dépend beaucoup d'eux. Le CP est seulement sur l'Île de Montréal, ils n'ont pas accès à la rive-sud. Ils pourraient avoir un accès sur le chemin de fer du CN, mais cela coûterait trop cher et le rendrait non concurrentiel. Donc, ce sont des méthodes qu'on va utiliser, dans un premier temps, pour doubler. Et nous sommes persuadés que nous allons atteindre notre objectif.
À l'époque où l'on avait 630 000 conteneurs sur l'île de Montréal, on nous disait : C'est assez, vous allez étouffer. On est rendus à 1,3 million et on est encore en vie. On va donc continuer à progresser avec l'implication des gens chez nous et la collaboration des débardeurs, des vérificateurs, des pilotes et de la Garde côtière. Une collaboration totale est nécessaire. Quand on parle de partenariat, nous en avons un, sans vouloir dire que les autres ports n'en ont pas, mais nous devons en avoir un. On se réunit deux fois par année, minimum, et on discute. Il y a eu, justement, vendredi passé, la réunion du Comité de compétitivité. La semaine prochaine, il y aura celle du Comité d'accès.
Les différents intervenants sont au courant de ce qui arrive et de ce que sera l'impact pour le port si on ne fait pas telle ou telle chose. Que l'on parle des navires plus larges ou encore de l'environnement, c'est très important que nous recevions l'accord le plus vite possible de la Garde côtière. Cet accord est important pour connaître les risques possibles. Parce que, quelqu'un, à un moment donné, pourrait ne pas être d'accord et bloquer le processus. Ce n'est pas la façon. Il y a des moyens de le faire. On peut dire qu'on sait qu'il y a deux bateaux qui s'en viennent, il y en a un qui peut attendre et puis l'autre va passer. Ce sont toutes des choses qu'on peut réaliser.
Au sujet du niveau d'eau, c'est la même chose. Il y a 20 ans, on ne pouvait pas faire des prévisions sur le niveau d'eau, aujourd'hui, avec Internet, c'est possible.
La question est très appropriée. Parce que c'est vraiment un défi pour mes successeurs. La collaboration totale de l'arrimeur, de l'armateur, du chemin de fer et du camionneur, des débardeurs, est primordiale. Si tous ces gens ne participent pas, on a un sérieux problème.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : Monsieur, vous avez indiqué que vous êtes sur le point de prendre votre retraite. De toute évidence il va falloir vous remplacer. Je pense que cela sera difficile. Je voulais vous demander, comme vous êtes sur le point de prendre votre retraite, comment vous envisagez l'avenir des ports canadiens. Si vous deviez établir une politique pour le Canada, quelles seraient vos priorités, et quelles sont les mesures que vous aimeriez que l'on prenne?
M. Taddeo : Je tiens à vous remercier pour vos commentaires concernant ma carrière et ma retraite. Je rationaliserais le système portuaire, je réduirais la réglementation, je commercialiserais l'administration des ports et j'en établirais les grandes lignes. Un exemple classique, c'est le système qui existe à l'heure actuelle à Vancouver où il y a trois ports qui jouent tous un rôle particulier et qui ont tous leur conseil d'administration local, leur PDG local. On parle maintenant d'avoir une structure, comme cela devrait. À Vancouver, cela a pris beaucoup de temps — pourquoi, je l'ignore; mais ils ont tous un rôle à jouer.
Le sénateur Tkachuk : Tout prend du temps à Vancouver.
M. Taddeo : Dans le reste du Canada, on est en train de tenir des discussions; par exemple, nous parlons maintenant du projet Atlantica. Je suis sûr que vous avez eu connaissance des commentaires de Al Soppit, de Saint John, au Nouveau-Brunswick, qui dit que c'est très bien que l'on accorde autant d'attention à Halifax mais pourquoi ne pas envisager Saint John au Nouveau-Brunswick comme porte d'entrée? Il a raison. Il en est de même de notre corridor Saint-Laurent-Atlantique.
J'aimerais et en fait j'encouragerais vivement que l'on fasse une étude. Tout le monde veut être important, et les économies sont importantes. Cependant, il existe certains mythes qu'il faut dissiper. Il faudrait que le gouvernement confie à quelqu'un la tâche de parler aux lignes de navigation, aux investisseurs et de leur demander quelles sont leurs portes d'entrée et la raison pour laquelle ils utilisent ces portes d'entrée. Croient-ils, par exemple, qu'ils peuvent amener un gros navire qui transporte des conteneurs de l'Inde que l'on peut alors transférer sur un petit navire et aller, sauf votre respect, de Halifax à Montréal à Toronto et ensuite en hiver transporter ces conteneurs par chemin de fer? Cela ne marchera tout simplement pas. On a essayé de le faire et cela n'a pas marché. Certains diront : « Eh bien, nous espérons que cela se fera aujourd'hui ». Mais cela ne se fera pas. Les lignes de navigation mêmes n'attendent pas que le gouvernement agisse; elles examinent ces options parce qu'elles cherchent des solutions rapides et efficaces.
Nous exerçons effectivement une concurrence avec Halifax. Nous n'aimons pas l'avouer au Canada, mais nous faisons concurrence à Halifax. Les lignes de navigation de l'Atlantique Nord ont transféré certaines de leurs activités au Port de Montréal pour avoir accès aux marchés plus rapidement et à meilleur prix. Si je l'ai dit, ce n'est pas par manque de respect envers Halifax mais parce qu'il s'agit d'une réalité. Elles ont retiré leur trafic du Port de New York; c'est la raison pour laquelle nous constatons une croissance et une part accrue du marché — MSC, Hapag-Lloyd. C'est la raison pour laquelle nous continuons d'investir. Nous sommes donc allés les voir et nous leur avons dit : « Vous dites avoir pris un engagement envers Montréal; vous dites vouloir de meilleurs incitatifs de la part de Montréal et une meilleure productivité. Nous sommes prêts à le faire. Que nous donnerez-vous en retour? » Ils nous ont donné ce que nous voulions.
En compagnie du prédécesseur de M. Masson, à l'automne de 2005, je suis allé voir MSC, et ils nous ont dit qu'ils voulaient utiliser le chemin de fer pour pénétrer plus profondément dans le Midwest américain, mais que nous devions améliorer notre plan d'incitatifs. Je leur ai dit que nous l'améliorerions à condition qu'ils nous offrent un tonnage beaucoup plus important. Ils ont dépassé de 50 p. 100 le tonnage qui, selon ce qu'ils avaient dit, transiterait par Montréal et ils l'ont fait aux dépens du Port de New York. Il est plus rapide d'aller au Midwest américain à partir de Montréal qu'à partir de New York, parce que leur réseau ferroviaire n'est pas efficace.
En août dernier, j'ai envoyé une note à M. Fratianni pour le féliciter d'avoir tenu son engagement et je lui ai fait remarquer que le trafic avait plus que doublé par rapport à ce qu'il avait dit. Il a répondu : « Très bien, maintenant bonifiez davantage les incitatifs que vous m'offrez ».
C'est ainsi que j'envisage les choses. J'aimerais que dans l'ensemble du Canada, nous procédions à une déréglementation et que nous reconnaissions davantage ce qui se passe; et que nous comprenions mieux et nous inquiétions moins. Il faut qu'il existe des règlements, mais compte tenu de la Loi maritime du Canada et des outils dont disposent les administrateurs des ports, la responsabilité existe déjà; mais il faut quand même continuer à exercer une surveillance. C'est peut-être un exemple insignifiant, mais nous avons une Loi maritime du Canada, des conseils d'administration, des vérificateurs, des gens comme moi, des règles régissant la gouvernance d'entreprises, et cetera, mais nous devons envoyer des rapports à Ottawa, à un fonctionnaire de Transports Canada, pour indiquer que nos états financiers ont été vérifiés. Cette personne vient vérifier que nous tenons correctement nos procès-verbaux.
En tant qu'être humain normal, je suis par conséquent appelé à me demander à quoi servent ces gens? Je suis ici, j'ai un conseil d'administration qui se compose de gens d'affaire intelligents et responsables; j'ai des vérificateurs qui déclarent que ces relevés sont satisfaisants. Cependant, la loi prévoit que je dois déclarer lors de l'assemblée annuelle que nos relevés financiers ont été vérifiés par des vérificateurs, parce que quelqu'un quelque part n'était peut-être pas sûr et a dit : « Vous devez le déclarer ». Quelqu'un quelque part était inquiet et a envoyé certaines personnes — vous avez des personnes à Montréal, à Québec et vous en avez aussi en Colombie-Britannique — pour qu'elles assistent aux réunions afin de s'assurer que nous respectons la loi. Pourquoi agissent-ils ainsi? Cela est inutile. C'est là où intervient la rationalisation qui permet alors de réduire les coûts et d'aider les ports à aller de l'avant.
Il faudrait que l'on examine la structure dans son ensemble et la réalité. La Voie maritime est importante. Nous parlons du corridor commercial et c'est pour moi un honneur qu'on le considère important. Cependant, il sert principalement au trafic de vrac.
On me pose encore des questions. Certains disent que des études sont en train d'être faites et qu'ils enverront des porte-conteneurs qui emprunteront la Voie maritime. Je leur réponds, non, ils ne peuvent pas leur faire emprunter la Voie maritime parce qu'elle est fermée trois mois par année, qu'elle n'est pas suffisamment profonde ni suffisamment large et que cela est trop coûteux. Ce sont les faits. Cependant, certains croient que c'est la faute de Montréal. Ce n'est pas Montréal qui est responsable. Il s'agit de la réalité, et il s'agit de faits, pourtant pour une raison quelconque on ne semble pas vouloir en tenir compte.
Il y a la réglementation, notamment, en plus du fait qu'il faille s'assurer — comme on l'a fait à Vancouver — qu'on se serve de l'ensemble des infrastructures plutôt que de permettre que les différents ports se fassent concurrence. Par exemple, le port d'Halifax a un rôle plus important à jouer que Montréal pour ce qui est des échanges avec l'Inde. Montréal bénéficie déjà de chargements qui transitent par les ports européens. Par contre, les cargos plus importants qui peuvent naviguer dans le canal de Suez visent plutôt Halifax, ce qui est très bien. On devrait tenter de déterminer comment ces activités peuvent profiter à la région et au reste du Canada. Les différents ports ne devraient pas se faire concurrence les uns les autres; après tout, nous tentons de faire ce qu'il y a de mieux pour l'ensemble du pays.
Le sénateur Tkachuk : En plus de nous intéresser au phénomène du fret par containeur, nous voulons élaborer des recommandations. Étant donné le temps qu'il nous reste pour terminer notre étude, qui d'autre, au Canada ou ailleurs, devrions-nous consulter ou inviter à comparaître, comme vous l'avez si bien fait aujourd'hui?
M. Taddeo : J'ai vu que vous avez repris les personnes que j'avais suggérées pour Montréal. J'ai également pris connaissance des personnes que vous avez interviewées à Vancouver et, très franchement, je pense que vous avez fait le tour des témoins. Si vous discutiez avec des autorités portuaires américaines, elles vous diraient qu'elles sont mécontentes du fait que Montréal leur fait concurrence, par exemple, mais il faut savoir que le Port de New York reçoit de l'argent des citoyens pour ses infrastructures. Les autorités américaines peuvent également emprunter de l'argent ou émettre des obligations, comme vous le savez. Pour ce qui est de Montréal, nous avons vu une liste qui comprend, d'après nous, tous les principaux intervenants. J'espère par exemple que Holger Oetjen témoignera, par exemple. D'autre part, on m'a dit qu'il y aurait des représentants du CP et du CN qui comparaîtraient à Ottawa. Je suis sûr que M. Bilodeau vous dira ce qu'il a sur le cœur. Par contre, je ne sais pas qui témoignera au nom du CN.
J'espère que M. Oetjen, du secteur du transport des marchandises, aura l'occasion de prendre la parole à Montréal. Je sais que MM. Kevin Doherty et Roger Carré sont des porte-parole efficaces et fiables des terminaux et transporteurs qu'ils représentent et je suis convaincu qu'ils répéteront ce que vous avez entendu ce matin à Montréal. Ils se sont investis dans cette ville, dans le port et la porte d'entrée, et ils font tout leur possible pour en assurer la croissance.
Le sénateur Tkachuk : Je pense que ça devrait suffire, à moins que vous ne puissiez nous donner le nom de la personne qui vous a dit qu'il vous fallait déneiger plutôt que de laisser la neige fondre et s'écouler dans le fleuve. J'aimerais bien savoir ce qu'elle a à dire.
M. Taddeo : J'enverrai un courriel à Kevin Doherty, pour qu'il puisse nous donner la réponse demain.
[Français]
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Taddeo, de votre présence aujourd'hui. On a presque abusé, parce qu'on a dépassé le temps prévu. Mais c'était une période de questions/réponses très importante pour nous dans la préparation de notre rapport. Nous vous souhaitons, si nous n'avons pas l'occasion de vous revoir, une heureuse retraite. Elle sera certainement une retraite active. Tel qu'on vous connaît, je suis certaine que vous ne serez pas arrêté à rien faire. On vous souhaite la meilleure des chances et bonne santé.
M. Taddeo : Merci beaucoup, madame la présidente, c'est un plaisir de vous revoir et de témoigner devant votre comité une deuxième fois.
La présidente : Nous allons faire une pause de cinq minutes et nous reprendrons ensuite avec les autres témoins.
(La séance est suspendue.)
(La séance reprend.)
La présidente : Nous allons poursuivre avec de nouveaux témoins, de Robert Transport Inc., Claude Robert, qui est président et chef de la direction; et de l'Association du camionnage du Québec, Sophie Tremblay, qui est coordonnatrice des dossiers techniques et opérationnels. Nous vous avons fait attendre un peu, mais ne vous inquiétez pas, nous prendrons tout le temps dont on aura besoin pour vous entendre et vous posez les questions nécessaires. Je pense que vous avez pu voir l'intérêt des sénateurs pour le dossier. On vous souhaite la bienvenue à notre comité. Madame Tremblay la parole est à vous.
Sophie Tremblay, coordonnatrice des dossiers techniques et opérationnels à l'Association du camionnage du Québec : Je vous remercie, madame présidente, ainsi que les membres du Comité sénatorial d'avoir invité l'Association du camionnage du Québec, ainsi que Robert Transport Inc., à vous présenter le volet camionnage et l'interaction avec les ports, principalement le Port de Montréal.
Je ferai rapidement le portrait de l'Association du camionnage. Fondée en 1951, l'Association regroupe environ 700 transporteurs membres. Nos membres ont 5 véhicules et plus, ce sont des flottes d'entreprises de transport. On a une centaine de membres qui effectuent du transport de conteneurs, soit de façon exclusive ou à l'occasion. Les membres de l'Association du camionnage effectuent près de 80 p. 100 du transport contre rémunération au Québec. C'est quand même important. Le mandat de l'Association est principalement de défendre les intérêts des transporteurs du Québec; d'assurer une harmonisation au niveau réglementaire, entre les provinces et une harmonisation canado-américaine également; d'informer nos membres sur les sujets d'intérêt qui les préoccupent, soit la fiscalité, la réglementation, et les infrastructures. Nous travaillons à maintenir un niveau de compétence des gestionnaires le plus élevé possible, par une offre de formation, en lien avec les besoins des entreprises. Nous offrons également, à bon prix, des outils d'aide à la conformité, qui sont exacts et personnalisés, grâce au volume d'achat. Il y a aussi un service d'aide en ligne sur la réglementation, les procédures, des conseils relatifs à la conformité à l'égard de la sécurité routière et autres réglementations qui nous régissent. Enfin, l'Association du camionnage du Québec est une association parmi sept autres associations provinciales, qui couvrent d'un océan à l'autre, soit de Terre-Neuve à Vancouver. Ces associations sont regroupées sous l'Alliance canadienne du camionnage. M. Robert, président de l'Alliance canadienne, vous parlera de l'Alliance.
Claude Robert, président et chef de la direction de Robert Transport Inc. et président de l'Alliance canadienne du camionnage : Madame la présidente, merci de nous accueillir. Je pourrais vous parler de Transport Robert, mais je vais surtout vous parler en tant que représentant de l'Alliance canadienne des camionneurs. Mon mandat et ma préoccupation la plus grande, c'est que l'on retrouve au Canada une harmonisation, et ce, dans le but d'être à la hauteur de la compétitivité mondiale avec laquelle nous sommes confrontés actuellement. Je vous parlerai d'abord de l'absence d'harmonisation au Canada dans le domaine du camionnage, et ensuite, de la préoccupation concernant les mouvements par conteneurs, communément appelé l'intermodalité, parce qu'on s'y réfère davantage en termes d'intermodalité, mais on parle surtout de mouvement de conteneurs.
[Traduction]
À titre d'information, il est important que tout le monde comprenne qu'on ne parle jamais de notre secteur en premier lieu, comme vous avez pu le constater pendant les exposés. On parle tout d'abord du transport aérien, puis du transport maritime et ferroviaire, et ce n'est qu'à la toute fin qu'on parle du transport par camion.
Nous sommes toujours les méchants, ceux qu'on retrouve sur les routes et les autoroutes, ceux qui ont le pire impact sur l'environnement, ceux qui font toujours la une lorsqu'il y a un incident. Mais il faut savoir que les gens qui pensent comme ça connaissent mal le camionnage. L'intermodalité ne pourrait fonctionner s'il n'y avait pas de camions pour livrer les marchandises.
Les gens se déplacent en avion, certes, mais ils ont besoin de taxis, de bus ou de voitures pour rentrer chez eux. Le transport aérien dépend d'infrastructures en aval et pourtant, on ne parle que d'aéroports. Dans le secteur du transport des marchandises, la situation est exactement la même. Si les biens en provenance d'Asie, ou d'ailleurs, qui traversent l'océan pour arriver ici n'étaient pas chargés dans des camions pour être livrés aux particuliers ou aux points de vente où vous les achetez, où vous allez les chercher en voiture, votre maison serait complètement vide.
Pourtant, quand il est question de transport, nous sommes systématiquement relégués en quatrième position. C'est légèrement inquiétant. Aujourd'hui, vous parlerez de tout, comme dans votre rapport, et vous entendrez beaucoup d'experts en transport de marchandises et en transport ferroviaire qui vous demanderont des subventions, et cetera. Nous sommes le seul secteur qui n'est pas du tout subventionné. On n'a droit à rien du tout. Il faut toujours qu'on tente de défendre nos intérêts. Nous acceptons les règles environnementales que vous nous imposez et nous les respectons.
En 2010, l'air qui sort de nos tuyaux d'échappement sera encore plus propre que l'air environnant. Nous y sommes presque avec les règlements de 2007. Nous continuons à acheter des camions et à assurer nos services même si nos coûts ne cessent d'augmenter et pourtant personne ne lève le doigt pour nous venir en aide. On ne pense même pas à nous aider en nous accordant des crédits d'impôt accélérés ou des mesures de dépréciation, rien de tout cela. Je suis très inquiet.
Aujourd'hui, on parle du transport de fret par conteneur. Certaines de vos questions portent sur l'efficacité, d'autres sur l'environnement. Vous avez également soulevé la nécessité d'une meilleure coordination entre les différents modes de transport. Je suis heureux que nous ayons pu comparaître, mais je m'inquiète beaucoup du fait que seule une toute petite partie, peut-être un paragraphe ou deux, de votre rapport portera sur le transport routier. J'attends avec impatience de voir le rapport parce que je pense que mes inquiétudes seront vérifiées.
Ça s'est déjà produit et ça se produira encore demain. J'en suis sûr parce que c'est facile de parler des grandes infrastructures, des investissements de milliards de dollars et des recettes des compagnies ferroviaires. Le secteur du transport de marchandises, quant à lui, ne comporte que de petites sociétés. Sachez qu'il y a une compagnie au Canada qui brasse un chiffre d'affaires d'un milliard de dollars et deux compagnies ferroviaires dont les recettes dépassent les 100 millions de dollars.
Dans quelle mesure notre secteur est-il fragmenté? Dans quelle mesure sommes-nous petits et avons-nous notre mot à dire? Les gens s'intéressent-ils vraiment au sort de nos camionneurs, qui assurent le transport de biens la nuit, et cetera? Les gens se plaignent toujours du fait qu'ils sont pris dans des embouteillages le matin parce que les camions bloquent la circulation.
Sachez que les camionneurs roulent toute la nuit pendant que les autres dorment. Le matin, si nous ne livrons pas les biens qui étaient autrefois transportés par rail, vous ne les aurez pas. Voilà pourquoi les camionneurs sont sur les ponts à 7 heures du matin, c'est pour livrer les marchandises aux consommateurs.
Pour ce qui est du transport par conteneur, je ne sais pas pendant combien de temps vous voulez m'entendre parler, mais permettez-moi de vous dire que même si tout le monde semble dire que nous sommes en 2007, à mon avis, nous sommes toujours dans les années 1980. Vous devriez aller en Europe, plus particulièrement à Rotterdam, si vous voulez voir de vraies technologies. Vous devriez aller voir comment ça se passe dans les grands ports.
À Montréal, nous travaillons de 8 à 16 heures. Ça nous prend 30 minutes pour nous préparer et ensuite nous allons chercher les premiers conteneurs à 8 h 30. Les transporteurs doivent se lever à 6 heures du matin afin de traverser les ponts, de faire la queue, d'attendre leur tour pour enfin récupérer les conteneurs. Il est alors 9 heures ou 9 h 30 et ils doivent procéder à leur livraison, c'est-à-dire livrer un conteneur ou en récupérer un. Des fois, les camionneurs ne font qu'un seul tour en une journée, ceux qui sont plus chanceux pourront en faire deux. Ceux qui sont très bien organisés en feront trois par jour. Mais après 16 heures, il ne faut même pas y songer, c'est impossible de récupérer ne serait-ce qu'une boîte.
Nous sommes toujours à l'âge de la pierre. En tout cas, nous sommes en retard sur notre temps. À l'heure actuelle, nous avons deux compagnies ferroviaires, dont l'une a décidé qu'elle n'accepterait pas d'entreposer des conteneurs vides parce qu'elle avait besoin de l'espace pour les conteneurs chargés.
Savez-vous comment fonctionne le transport par conteneur? Le camionneur doit récupérer les conteneurs vides. Mais il faut savoir qu'il faut parcourir 20 milles ou 15 milles vers l'est pour aller récupérer ce conteneur vide. Il faut ensuite aller récupérer la marchandise auprès du client, qui peut être sur la rive-sud comme sur la rive-nord pour ensuite acheminer les conteneurs chargés jusqu'à la zone de déchargement. Il faut prendre rendez-vous deux jours à l'avance et c'est à 11 heures du soir que le rendez-vous est fixé.
Si vous étiez obligés de faire vos courses comme cela, qu'en penseriez-vous? Vous iriez au Wal-Mart à l'autre bout de la ville pour acheter vos sacs et iriez au centre commercial à l'autre bout de la ville à minuit pour ensuite rentrer chez vous. C'est comme ça qu'on nous traite. Si vous ne nous croyez pas, on pourrait écrire un livre ou bien faire appel à l'Office national du film pour en faire un film, pour que notre histoire passe au grand écran.
Le sénateur Tkachuk : Alors, vous pourriez obtenir des subventions.
M. Robert : Effectivement, on pourrait être subventionnés pour réaliser un film.
Le sénateur Tkachuk : Ça ne ferait qu'augmenter votre mécontentement.
M. Robert : Oui. Au moins, on pourrait montrer en images ce qui se passe. La situation est vraiment terrible. Notre société a des installations à Toronto qui ne sont pas bien mieux que celles de Montréal même si là-bas on ne fait affaire qu'avec les compagnies ferroviaires; il n'y a pas de port ou de restrictions sur le nombre de conteneurs qui peuvent transiter par le port.
On parle beaucoup du fait que le Port de Montréal joue un rôle déterminant dans le développement de la ville, et je suis d'accord. Mais j'ai l'impression qu'on n'en tire pas pleinement profit. Les infrastructures du port doivent être améliorées. Les autorités portuaires de Montréal ont acheté des installations à Contrecœur non sans influence du gouvernement fédéral et je suis d'avis qu'on devrait tirer pleinement profit de ces infrastructures.
Premièrement, les capacités fluviales étant plus importantes, de plus gros bâtiments pourraient naviguer. Deuxièmement, il n'y aurait plus de congestion dans la ville de Montréal, ni rue Notre-Dame ni sur l'autoroute Bonaventure. Sachez que les produits dangereux ne sont pas permis dans les tunnels et par conséquent les camions doivent emprunter le pont Jacques-Cartier ou le pont Champlain, qui sont de l'autre côté de la ville, il n'y a pas d'autre choix. Mettez-vous à la place des camionneurs pendant quelques instants pour vous demander comment vous feriez pour récupérer et livrer les conteneurs. Vous vous rendrez alors compte de la frustration que doivent ressentir les camionneurs. C'est terrible.
Il est clair qu'il nous aurait fallu une vision, mais Transports Canada a décidé il y a longtemps que le transport routier n'était pas important. Le ministère a décidé de refiler la responsabilité, après la déréglementation de 1988, aux provinces.
Maintenant, vous nous parlez d'une vision pour l'intermodalité et nous savons que l'un des éléments les plus importants en aval, au bout du processus, c'est le transport routier et pourtant Transports Canada ne s'y intéresse pas du tout. Par conséquent, que faisons-nous ici? Nous discuterons de questions qui, à long terme, feront l'objet de débat après débat. Dans la vie, quand on veut parvenir à quelque chose, il faut avoir une vision. Il faut avoir un plan à long terme pour savoir exactement ce qu'on a à faire.
Vous avez beau vouloir que toutes les parties travaillent ensemble, mais il y a une pièce du puzzle que vous ne contrôlez plus puisque vous vous en êtes débarrassés en 1988. Le camionnage relève maintenant des provinces comme les infrastructures.
Il y a le gouvernement provincial et le gouvernement municipal. Les inquiétudes de M. Taddeo sont tout à fait justifiées. Il ne faut pas oublier le maillon de la chaîne que représente le secteur du camionnage et c'est ce secteur qui complète la chaîne d'approvisionnement entre les expéditeurs et les consommateurs. Le bien-être de notre économie, ou, au contraire, son déclin, repose sur notre secteur. À l'heure actuelle, nous sommes pris entre l'arbre et l'écorce. Dans cette position précaire, nous n'avons pas notre mot à dire.
Mme Tremblay et tous les membres de l'organisation provinciale font ce qu'ils peuvent. Pour ce qui est de l'organisation fédérale, au niveau de l'Alliance canadienne du camionnage, je parle à chacune des provinces, à l'association, au ministre ou au sous-ministre, pour tenter de dire que nous avons besoin d'harmonisation partout au pays.
Savez-vous que nous n'avons pas le droit d'aller en Ontario ou dans les Maritimes avec la nouvelle technologie que nous avons au Québec? Nous avons d'autres technologies, par exemple les ensembles routiers longs, deux remorques qui sont permises au Québec, en Alberta et en Colombie-Britannique. Nous parlons de libre-échange, mais nous ne sommes pas capables d'harmoniser la situation dans notre propre pays. Nous parlons de libre-échange, d'aller aux États-Unis pour faire ceci, faire cela, et nous ne pouvons même pas harmoniser la situation au pays.
Prenons par exemple les appareils environnementaux comme les pneus simples qui pourraient réduire jusqu'à 10 p. 100 de la consommation du carburant des camions. À l'heure actuelle, nous avons des règlements différents pour le Québec et l'Ontario. Ça n'est pas permis ailleurs au pays. Faisons-nous partie d'un pays? Vivons-nous dans le même pays? Il y a des gens qui veulent mettre tout cela ensemble et harmoniser les différents modes de transport. Il y a quelque chose qui ne va pas.
Nous sommes sans doute le plus gros employeur unique au Canada dans un secteur unique. Nous avons plus de 250 000 employés au Canada. Veuillez nommer un autre secteur qui emploie autant de gens. Je ne pense pas qu'il existe un tel employeur. Je ne pense pas qu'il en existe un. D'un autre côté, le gouvernement nous dit constamment qu'au nom de l'environnement, il vaudrait mieux qu'il y ait moins de camions sur les routes, il ne veut pas investir dans l'infrastructure, il nous dit qu'il vaudrait mieux transporter les marchandises par train ou par bateau. En fin de compte, on a quand même besoin des camions, des routes et des infrastructures pour livrer les marchandises.
Je riais l'autre jour, car quelqu'un disait à Toronto que ce ne serait pas si mal s'il n'y avait pas autant de camions et que l'on utilisait surtout les chemins de fer. Je riais. Avez-vous déjà vu un train sur la 401? Ce serait drôle. S'il n'y avait pas de camions pour prendre les marchandises du train pour les livrer aux clients ou aux expéditeurs, qu'arriverait-il?
Eh bien, ce n'est pas notre faute si les gens travaillent de 8 heures du matin à 17 heures de l'après-midi. Les transporteurs, les camionneurs, doivent livrer les marchandises entre 8 heures et 17 heures. Il se trouve que nous devons travailler avec des gens qui travaillent eux aussi, et nous devons livrer ou aller chercher la marchandise. C'est la réalité avec laquelle nous devons composer.
Si vous allez sur la 401 ou la 40 le soir, c'est drôle, mais il n'y a personne sur la route sauf les camions. Pourquoi? Parce que nous utilisons la route le soir, et c'est une bonne chose que nous soyons là pour payer la taxe sur la route, pendant la nuit, pendant que les gens dorment. Sinon, les taxes que vous devriez payer sur les carburants pour vos voitures seraient deux fois, sinon trois fois plus élevées.
Donc, nous n'aimons pas que les gens nous disent : « Nous allons donner moins de marchandises à transporter » ou « Nous allons vous donner moins de travail ».
Chaque fois qu'un camionneur emmène un conteneur à New York, qu'est-ce qui se passe? Nous exportons du travail. Les entreprises sont subventionnées parce qu'elles construisent une nouvelle usine et créent 240, 50 ou 75 emplois. Qu'est-ce qui se passe avec le camionneur ou la compagnie de transport qui a 200 chauffeurs qui partent tous les jours aux États-Unis? Est-ce qu'on dit qu'ils exportent des emplois? Les gens disent en général : « Oh, j'avais oublié cet élément. » Si deux locomotives vont à Chicago, ça veut dire qu'on exporte deux emplois, et que le travail est alors fait aux États-Unis. Lorsqu'un camionneur canadien part avec la marchandise, un exploitant canadien fait le travail aux États-Unis, et on crée de l'emploi. Notre industrie exporte de nombreux emplois et, oui, le Port de Montréal contribue avec nous à amener des chargements aux États-Unis, à les livrer et à recharger les camions. M. Taddeo a mentionné qu'il exportait vers trois marchés : le Midwest, la côte Est et Toronto, et dans le cas de Montréal, il y a très peu qui va vers l'ouest. Comment pensez-vous que la côte Est est desservie? Les camions desservent la côte Est parce qu'il n'y a pas de chemins de fer. Il y en a un, mais il faudrait tellement de temps pour livrer les conteneurs sur la côte Est qu'ils perdraient leur clientèle en faveur des ports américains. Ils ont désespérément besoin de camions. Nous avons besoin de bonnes infrastructures. Nous avons besoin de bonnes routes. Nous avons besoin de souplesse dans les ports.
Il y a quatre ou cinq mois, le gouvernement canadien a imposé de nouvelles heures de service à nos camionneurs. Nous devons pouvoir faire charger les conteneurs sur nos camions tôt le matin pour respecter les heures de service, de façon à ce que nos camionneurs puissent se rendre à destination, dormir 8 heures et être prêts le lendemain matin à décharger. C'est la loi. Cependant, le camionneur doit parfois attendre jusqu'à 6 heures avant d'être servi. Il doit attendre pour recevoir des conteneurs dans la cour à conteneurs — sans nommer de qui il s'agit — soit au port, soit au chemin de fer. C'est un gros problème. Si, à la fin du voyage, il doit retourner le conteneur vide à un quatrième ou un cinquième endroit, avant d'aller chercher le suivant, cela ralentit sa productivité. Comment pouvons-nous être concurrentiels?
Comme l'a dit le président de l'Alliance canadienne du camionnage, je suis très préoccupé par certains de ces éléments, et je dois vous laisser savoir qu'au Canada, le mot « harmonisation » ne veut absolument rien dire.
J'ai rencontré M. Cannon, je peux vous garantir que nous avons réussi à attirer son attention, et il n'arrivait pas à croire certaines des choses qu'il a entendues. Des spécialistes techniques qui travaillent pour Transports Canada sont venus visiter nos installations et nous leur avons montré la nouvelle technologie. Les représentants de Transports Canada n'arrivaient pas à croire que nous ne pouvions pas utiliser cette technologie ailleurs. Nous parlons de l'environnement. Nous parlons de faire des choses pour protéger l'avenir, mais les gens ne sont pas à l'écoute du vrai problème, des vraies préoccupations.
Ce sont là les questions que je voulais aborder avec vous. Je vais laisser Mme Tremblay parler d'autres questions comme celles de la sécurité, et ensuite, nous pourrons répondre à vos questions.
[Français]
Mme Tremblay : Madame la présidente, j'ai préparé ma présentation en suivant la liste des questions que vous posiez. Alors, je vais procéder chapitre par chapitre.
Au chapitre de la sécurité, il faut savoir que l'industrie du camionnage est très réglementée, notamment au niveau de la sécurité des frontières. Vous n'êtes pas sans savoir que nos voisins américains sont très chatouilleux là-dessus et imposent des mesures de sécurité très strictes, que nous devons suivre sinon, nous ne traversons pas la frontière. Dans les entreprises, il y a des installations de sécurité qui sont extrêmement importantes. Le suivi et l'embauche du personnel sont également encadrés juridiquement. Évidemment, il y a la sécurité routière, qui est essentielle pour la protection des usagers de la route. Il y a, comme vous n'êtes certainement pas sans savoir, une réglementation uniforme à travers les ports. Il y a des mesures de sécurité qui doivent être prises. Par contre, ce n'est pas appliqué de façon égale dans chacun des ports. Surtout en ce qui concerne les cartes d'accès ou les procédures d'accès aux ports par le personnel de sécurité, le personnel du port, mais aussi de nos camionneurs pour aller prendre ou livrer des conteneurs, mais également pour aller approvisionner les navires en carburant, en produits alimentaires ou en toutes sortes de services. D'un port fédéral à l'autre, les règles ne sont pas les mêmes. Résultat : les camionneurs se retrouvent avec de multiples cartes dans leurs poches, doivent passer des mesures de sécurité, des procédures de sécurité lourdes, complexes, et redondantes. Alors, si vous aviez un message à lancer aux administrations portuaires, c'est : de grâce, instaurez des systèmes uniformes; si une personne est qualifiée sécuritaire dans un port, qu'elle le soit également chez le voisin. C'est une aberration totale que de multiplier les procédures. Et jusqu'à maintenant, nos demandes ne sont pas entendues, puisque les ports sont souverains dans leur administration et ils ne veulent pas nécessairement partager ces choses-là. En ce qui concerne le port du casque de sécurité, les gestionnaires d'entreprise et les camionneurs eux-mêmes vivent présentement des problèmes et des frustrations. Dans l'Ouest canadien, peu importent l'origine ou la religion, le port du casque de sécurité est une obligation et c'est strictement respecté. Dans l'Est, ce n'est pas le cas; on exempte à certaines personnes qui doivent porter des effets sur la tête, le port du casque de sécurité. Cette situation crée beaucoup de frustration entre les chauffeurs et au sein des entreprises.
Alors, s'il y a une règle de sécurité quelque part, il faut qu'elle soit appliquée également partout. Notamment, au CN, sous l'égide de la Charte canadienne des droits, s'en est fait exempter. Alors, si le CN Montréal fait ça et puis le CN Winnipeg fait autre chose, il me semble que cela ne donne pas un message très ferme du respect de la réglementation.
Concernant le chapitre sur la transparence de la chaîne d'approvisionnement, vos questions sont très pertinentes. Les transporteurs routiers, sont pris entre deux feux, c'est à eux de s'adapter aux procédures des grandes entreprises, que ce soit les ports ou les chemins de fer. On s'adapte de bonne grâce aux divers changements, parce que nous sommes un mode de transport souple et polyvalent. Il existe présentement aux États-Unis, vous pourrez peut-être renchérir, monsieur Robert, ce qu'on appelle le UUIA, qui est le Uniform United Interchange Agreement. C'est un seul et unique document sur le transport intermodal, où l'information est uniformisée. Elle est claire et adaptée à chacun des modes. Alors, que le conteneur passe du bateau, au train, au camion ou du camion au bateau, vers le train, et ainsi de suite, tout cela est uniformisé. Nous suggérons que cette application soit transposée dans les ports canadiens. Cela aiderait grandement le transport intermodal et le transport transfrontalier.
Comme je le disais plus tôt, les grandes entreprises intermodales avec lesquelles nous faisons affaire, que ce soit les ports ou les chemins de fer, utilisent beaucoup la technologie de l'information. C'est extrêmement utile, mais chacun a son système et l'on doit les consulter généralement sur Internet. Cependant, l'aide ou le service à la clientèle pour les camionneurs est minimal et souvent absent. Résultat : nos transporteurs ont beaucoup de difficulté à avoir de l'information sur le statut des conteneurs, sur le contenu des marchandises et sur leur disponibilité. Cela crée des retards, des erreurs et de la frustration de la part de tout le monde.
Monsieur Taddeo l'a mentionné plus tôt, les entreprises ferroviaires, comme CN et CP, dans l'Ouest, subissent de gros problèmes de congestion des conteneurs, surtout en provenance de l'Asie, et il y a des répercussions dans l'Est également. À Montréal, on a des pénuries de wagons, ce qui entraîne des difficultés, des retards surtout en haute saison, de la fin de l'été au début de l'automne, c'est extrêmement difficile. Alors, les problèmes de l'Ouest se répercutent chez nous également. Cette situation fait en sorte que les réseaux ferroviaires deviennent de moins en moins efficaces et il s'est créé un marché parallèle. Les clients ou les propriétaires des marchandises qu'il y a dans les conteneurs, surtout quand on parle de produits périssables, ne peuvent plus utiliser le chemin de fer pour amener des produits, par exemple, de Vancouver vers l'Ontario ou le Québec, et inversement pour aller vers l'Ouest. Il y a une demande croissante pour du transport de conteneurs par camion, de Montréal vers Vancouver; ce qui, sur le plan de l'efficacité, n'est peut-être pas idéal, mais il se crée un marché en ce moment. Nous n'en sommes pas mécontents, mais cela n'existait pas il y a quelques années et c'est carrément dû à l'inefficacité des réseaux ferroviaires.
M. Robert : J'aimerais parler de la technologie de l'information. Il est certain que des sommes importantes devraient être investies, dans les ports ou encore dans les systèmes. Par contre, lorsqu'on parle du rail, c'est davantage des entreprises privées qui ont déjà fait certains investissements.
La réalité c'est qu'à l'arrivée de camions dans la cour de conteneurs, il n'est pas rare de voir le chauffeur attendre de deux à trois heures, et à l'occasion quatre heures, pour avoir un conteneur. C'est épouvantable. Nos chauffeurs sont limités à un nombre d'heures de service par jour en vertu de la loi, après ça, c'est terminé. Il faut qu'ils se couchent, avec raison aussi, parce qu'ils ont été debout pendant « X » heures. Mais d'un autre côté, sur le plan de l'efficacité et de la productivité économique, on n'est pas là du tout. On sait très bien qu'actuellement notre pays vit des difficultés économiques, on n'a pas les niveaux de croissance qu'on a déjà eus. Le consommateur achète au meilleur marché des produits asiatiques, d'où la répercussion sur l'achalandage au Port de Vancouver.
Mais en dehors de cela, c'est que le peu d'exportations ou le reste qui doit transiter à travers les ports ou à travers les systèmes de chemins de fer, il y a toutes les difficultés opérationnelles qui sont reliées autour des systèmes en place. Si notre économie ressemblait à celle des années 2000 ou 2004, vous retrouveriez les mêmes problèmes qu'on a vécu, par exemple, les chauffeurs qui font des grèves, des temps d'attente épouvantables, des files d'attente un peu partout. Ça serait absolument indescriptible.
Le risque de doubler les volumes au cours des dix prochaines années est éminent, je pense qu'il vaut mieux sortir de cette industrie parce qu'on ne pourra jamais y arriver. Pourquoi? Parce qu'on n'a pas su investir au bon moment. Et aujourd'hui tout se fait sur le dos d'une industrie qui n'a aucun moyen de défense. L'industrie est tellement morcelée que, ce sera le camionneur suivant qui prendra le travail et le fera au noir, et ce, avec toutes sortes de gens dans l'industrie, des gens qui ne respecteront pas les règlements, et qui trouveront moyen quand même de faire tourner la roue.
C'est difficile d'être un camionneur qui est à la fois respectueux des règles, des normes et de ses employés, et de composer avec ces situations, parce qu'actuellement c'est impossible de gagner sa vie de façon légitime. Une bonne partie du problème, c'est premièrement la réglementation; deuxièmement, l'absence d'investissement dans les infrastructures; troisièmement, l'absence d'investissement dans les technologies de pointe. Et pour compléter, il y a aussi un peu de mauvaise foi.
Mme Tremblay : Au chapitre de l'environnement, vous posiez la question sur les normes en vigueur dans chacun des modes? Dans le mode routier, nous avons plusieurs réglementations, je vais n'en nommer que quatre.
D'abord, en ce qui concerne les moteurs, il y a eu différentes générations de moteur diesel : moteur 2002, 2004 et maintenant 2007. Ce sont des moteurs de moins en moins polluants, tellement que l'air qui en sort sera plus propre que celle qui y rentre. Comme vous l'avez si bien dit tout à l'heure, nous avons aussi une réglementation très sévère au niveau des carburants. Le niveau de soufre dans le carburant s'élimine ou se restreint de plus en plus au fil des ans et seule l'industrie du transport routier subit ces transformations, puisque les diesels destinés aux locomotives et aux bateaux en sont exemptés. Résultat : ils peuvent acheter du carburant moins raffiné, avec plus de soufre à l'intérieur, tout en étant évidemment moins taxés que nous. Ils polluent davantage, litre pour litre de carburant, il y a beaucoup plus d'émissions de gaz à effet de serre et beaucoup d'émissions de particules de suie. Il y a un plan au fédéral de réduction du soufre dans les carburants pour les véhicules hors route, mais il ne sera pas en vigueur avant 2014.
Il y a donc une volonté d'harmoniser l'ensemble des transports à l'utilisation de carburant plus propre. Nous sommes régis par cela depuis de nombreuses années, mais on ne fonctionne pas sur les mêmes bases avec nos confrères des autres modes et c'est déplorable. La réglementation québécoise et dans quelques provinces, notamment en Colombie-Britannique, nous soumet à des tests des émissions atmosphériques sur route. Donc, un véhicule qui laisse échapper de la fumée peut être testé, et s'il dépasse les niveaux d'opacité ou le niveau de densité de suie, il est mis à l'amende et il y a obligation de réparer les véhicules ou de le mettre au rancart carrément. Il y a aussi la réglementation fédérale que vous connaissez certainement, sur le transport des marchandises dangereuses, qui touchent tous les modes, mais qui est quand même très sévère et très importante.
Un des équipements que nous souhaitons utiliser et que nous utilisons depuis 1985 au Québec, mais qui malheureusement n'est pas harmonisé au Canada, c'est ce qu'on appelle en anglais les « Longer Combination Vehicles » ou les grands trains routiers en français. Il n'y a que le Québec et les Prairies qui l'acceptent. Donc, entre les deux, les Maritimes et l'Ontario ne le permettent pas, comme l'a dit un peu plus tôt M. Robert. Pour vous donner un petit topo, un grand train routier qui partirait de Québec vers Toronto pourrait économiser 50 p. 100 d'énergie par rapport à la situation actuelle de deux tracteurs pour tirer les semi-remorques. Ce quand même avantageux pour l'environnement, et on a besoin que l'Ontario et les Maritimes emboîtent le pas rapidement. C'est un équipement qui a démontré son efficacité, autant pour l'environnement que pour sa sécurité. C'est une configuration qui circule dans un contexte très précis, limité aux autoroutes, avec des chauffeurs d'expérience et tout cela est très bien encadré. Nous ne voyons aucun obstacle à ce que ce soit adopté ou permis dans les autres provinces.
Finalement, les temps d'attente dans les terminaux intermodaux ont un impact environnemental certain. Que ce soit l'hiver ou l'été dans les grosses chaleurs, les véhicules doivent continuer de circuler ou s'ils attendent en file et qu'ils avancent de six pieds toutes les cinq minutes, on ne peut pas éteindre les moteurs à chaque fois. C'est de la consommation de carburant inutile et des gaz à effet de serre qu'on pourrait facilement économiser, si les gares intermodales réussissaient à garantir une livraison ou une disponibilité des conteneurs, en respectant les rendez-vous que les camionneurs prennent.
Au sujet du plan des politiques et les programmes fédéraux qui visent à promouvoir l'intermodalité, la vision que nous, les transporteurs routiers, avons, est fort simple, que ce soit face au gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux : prenons le maximum de marchandise qui roule par camion et mettons-la autant que faire se peut sur des trains et des bateaux. Sauf qu'au bout du compte, c'est irréaliste et irréalisable parce qu'il y a toujours un camion qui est nécessaire aux deux bouts de la chaîne de transport. La vision de l'intermodalité préconise ceci : sortons les camions des routes. Mais pour le faire, il faut que quelqu'un paie la note à quelque part. Et avec l'efficacité actuelle des réseaux ferroviaires, cela n'est pas possible à court terme. L'efficacité et la disponibilité ne sont pas là. Donc, le camion demeure essentiel. Et on subventionne à coups de millions les industries ferroviaires et les industries maritimes pour, supposément augmenter la fluidité, mais les résultats ne sont pas concluants. Il y a une croissance, mais elle vient du marché, et non pas des infrastructures de transport ferroviaire ou maritime qui sont meilleures. C'est ce que nous croyons.
M. Robert : Cela complète notre perception et on ose espérer qu'on aura droit à plus qu'un paragraphe dans votre rapport.
La présidente : J'ai de la misère à comprendre que vous ne nous fassiez pas plus confiance, monsieur Robert.
M. Robert : Non, c'est peut-être 40 ans d'expérience dans le domaine.
La présidente : Bien, vous avez peut-être affaire à des nouveaux et des gens qui sont intéressés par le milieu.
M. Robert : J'y compte bien.
La présidente : Nous sommes intéressés par le dossier et cela comprend aussi le camionnage. Alors, faites-nous confiance. Nous avons amorcé notre travail il y a plusieurs mois. Nous sommes allés, comme vous le savez, à Vancouver et on se rendra à Prince-Rupert bientôt. Nous irons à Halifax et nous sommes ici à Montréal. Alors, nous voulons savoir ce qui se passe dans le domaine, autant dans le camionnage que dans le reste. C'est un tout pour nous.
M. Robert : Je suis bien content de l'entendre.
La présidente : Il y a un dossier qui est aussi important, et qui n'a pas été mentionné tantôt, c'est celui de la démographie, qui pose quand même un problème important à l'industrie du transport, à cause du vieillissement des travailleurs. Les longues heures travaillées et les longues distances à parcourir peuvent compliquer le recrutement. Est-ce que vous éprouvez des difficultés en matière de recrutement du personnel? Et parmi les solutions envisageables, est-ce qu'une certaine réduction du temps de travail pourrait s'avérer une solution intéressante comme c'est le cas ailleurs selon ce qu'on nous rapporte?
M. Robert : La pénurie de travailleurs spécialisés existe dans tous les secteurs et dans le domaine du camionnage, ce n'est pas différent. Qu'il s'agisse d'un bon mécanicien diesel, d'un bon dessinateur ou de bons employés, il existe une pénurie actuellement.
[Traduction]
Je crois effectivement que oui, nous encourageons nos jeunes à aller à l'université. Nous avons du mal à trouver de bons conducteurs de chariot élévateur et de bons travailleurs d'usine. Nous avons du mal à trouver des machinistes. Trouver des gens pour travailler dans l'industrie est une préoccupation importante. En particulier au Québec, avec le taux de natalité qui est peu élevé, nous avons un gros problème à cet égard.
En même temps, nous proposons toutes sortes de solutions au gouvernement qui pourraient améliorer l'efficacité. Par exemple, et je l'ai déjà mentionné, lorsque nous aurons les grands trains routiers, un camionneur tirera deux remorques. Vous savez, dans l'Ouest, un camionneur tire trois remorques de 20 pieds. Ce sont là des exemples d'une façon dont nous pourrions mieux utiliser nos gens.
Une chose qui est terrible, c'est que la plupart de nos employés doivent faire des semaines de 60 heures selon la réglementation. Pour travailler 60 heures par semaine, les gens sont parfois obligés de travailler sept jours par semaine. Qu'est-ce que cela signifie? Cela veut dire qu'il y a des gens qui attendent, ou qui ne peuvent tout simplement pas faire une journée de travail décente.
Nous parlons d'intermodalité, mais demain je serai à une autre rencontre et je parlerai à des expéditeurs, à la ligue des expéditeurs, à d'autres gens, à ceux qui reçoivent de la marchandise, à l'industrie de l'alimentation, tandis que nos camionneurs passent énormément de temps — et nous sommes en train de compiler les temps d'attente par rapport au temps qu'ils passent sur la route.
Lorsqu'on parle des camionneurs, on voit le camion sur la route. On imagine le camionneur qui conduit le camion, mais nous savons d'après notre expérience, que le camionneur ne passe qu'environ 60 à 65 p. 100 de son temps sur la route. Le reste du temps, il attend. Chaque fois qu'il attend, pour gagner décemment sa vie dans notre industrie, il doit passer plus de temps au travail, sans travailler, mais au travail.
Je vais vous donner un exemple. Si le camionneur, à cause d'un retard, amène un chargement à Québec, il est retardé pendant cinq ou six heures à Montréal, et lorsqu'il arrive à Québec, l'entreprise est fermée. Qu'est-ce qu'il fait? Il doit passer la nuit à Québec, attendre au lendemain, décharger et revenir à Montréal pour ramener les conteneurs vides. Je parle d'intermodalité. La même règle s'applique pour les autres produits. Les gens n'ont pas de respect pour les camionneurs.
Pour répondre à votre question, oui, nous sommes inquiets de l'avenir des camionneurs. Pourquoi? Parce que les gens ne veulent plus travailler dans ce secteur, étant donné qu'ils ne sont pas traités avec respect. Je continue malgré tout à conduire des camions. Je vais vous donner un exemple. Je devais livrer un chargement à une très grande entreprise. Ma femme m'accompagnait. Nous avions un rendez-vous à 22 heures et j'ai donc reculé le camion pour décharger. Ma femme avait besoin d'aller aux toilettes et lorsque j'ai sonné à la porte, j'ai dit à l'homme qui était à l'intérieur que ma femme avait besoin d'utiliser les toilettes. Il nous a répondu que nous n'avions pas le droit d'entrer à l'intérieur de l'immeuble et que nous devions attendre à l'extérieur. Ma femme n'a donc pas eu d'autre choix que de faire ses besoins sous la remorque. Cela est peut-être stupide de parler ainsi devant des sénateurs, mais vous devriez en parler devant des vraies personnes. Ces gens vivent sans doute dans des grandes maisons. Je suis certain que le président de l'entreprise ne laisserait jamais sa femme faire ses besoins sous une remorque. C'est ça, la vie d'un camionneur.
J'ai écrit au vice-président le lendemain. Il était si gêné qu'il a envoyé une lettre personnelle adressée à ma femme. Cependant, la lettre n'a pas résolu les problèmes de tous les autres camionneurs dans le monde qui se font accompagner de leur femme; on les traite toujours comme des moins que rien.
Vous vous posez des questions au sujet de cette industrie, eh bien, c'est le cas, et nous sommes très préoccupés par la situation. Il y a un manque terrible de respect, et pire encore, les gens ne considèrent pas les camionneurs comme étant des intervenants clés dans l'économie d'aujourd'hui. C'est un fait. Cela me désole, car, personnellement, j'aime conduire des camions, j'aime tous mes camionneurs et je suis très fier, vous savez, de dire quoi que ce soit, et je les défendrais n'importe quand. Vous savez, c'est la réalité dans laquelle nous vivons. J'espère qu'en vous parlant de nos préoccupations, j'aurai répondu à votre question.
Nous pourrions faire bien des choses pour attirer de nouveaux arrivants dans notre industrie, il n'en fait aucun doute.
[Français]
La présidente : Il y a aussi la conduite de camion sur longue distance, qui est un emploi spécialisé, mais qui n'a pas ce statut auprès de Citoyenneté et Immigration Canada. Certaines provinces ont décidé de prendre la chose en main, comme la Saskatchewan, qui a mis sur pied un programme pour faire venir, vous êtes au courant certainement, quelque 150 camionneurs de la Grande-Bretagne et il semble que ce fut un réel succès. Que pensez-vous de cette initiative et comment voyez-vous la situation actuelle pour la main-d'oeuvre dans le camionnage de longue distance?
Mme Tremblay : D'ailleurs, on applaudit les assouplissements qu'Immigration Canada a donnés récemment; de permettre à une personne, pendant la procédure où il fait sa demande de résidence, de rester 24 mois sans avoir à retourner dans son pays. Nous approuvons grandement cette initiative. D'ailleurs, à l'Association du camionnage du Québec, on travaille avec nos partenaires d'Emploi-Québec et d'Immigration Québec, pour mettre sur pied un tel programme à l'instar de la Saskatchewan, pour tenter de recruter des travailleurs étrangers et les inviter à venir travailler comme chauffeurs de camion chez nous. Nous visons évidemment les pays francophones, puisque c'est ce dont nous avons besoin ici. Alors, oui, nous sommes également préoccupés par la pénurie et nous voulons utiliser l'expérience de la Saskatchewan pour la transposer chez nous.
La présidente : En ce qui a trait aux relations de travail, les représentants du Port de Montréal sont satisfaits de la paix industrielle qu'ils ont en ce moment. Dans le secteur du camionnage, quelles sont les principales difficultés en regard des relations de travail? Est-ce que vous anticipez des problèmes dans l'avenir et qu'est-ce qu'on doit faire pour assurer la paix industrielle dans ce secteur, à long terme?
M. Robert : Premièrement, la situation est très différente, dépendant où vous êtes au Canada. Comme vous savez, si vous êtes des provinces maritimes, la disponibilité de chauffeurs est beaucoup plus grande qu'à Toronto. C'est encore pire à Calgary. À mon avis, la paix industrielle est une question d'attitude. La façon dont vous traitez vos employés encourage la paix industrielle. Je n'aime pas utiliser ce mot-là, mais ce qui est déplorable dans le monde du camionnage, c'est par exemple la situation qui a été vécue à Vancouver au cours de la dernière année, ou les grèves dans les ports américains, à Los Angeles ou encore à Seattle. Pourquoi? C'est une forme d'écoeurement à cause des listes d'attente à n'en plus finir. Par exemple, ici à Montréal, ce n'est pas une coutume très développée, où les châssis conteneurs appartiennent aux entreprises de camionnage; alors qu'à Vancouver, c'est l'inverse, les châssis appartiennent à des entreprises, des armateurs ou à des gens qui travaillent au port. Donc, pour ces gens-là, c'était une chicane noire pour avoir des véhicules sécuritaires. Vous avez, d'une part, le fédéral, les gens des provinces qui disent : « Vous devez aller sur la route avec des véhicules sécuritaires ». Et ces gens-là fournissaient ce qu'on appelle des châssis qui étaient non sécuritaires. Ça fait que là, les chauffeurs étaient pris « in the middle », comme on dit. Ils passent sur une balance publique, se font vérifier par le ministère, et leur véhicule est non conforme. De plus, leur vie en danger, parce qu'ils n'ont pas un véhicule sécuritaire; et à l'inverse, vous avez des gens qui ne veulent pas faire l'entretien des véhicules. Ici au Québec, c'est très rare que les camionneurs ne fournissent pas leur châssis. Donc, on ne vit pas ça. Par contre, on vit des situations de temps d'attente qui sont absolument déplorables.
Est-ce que la situation va se dégrader à Vancouver? Pour l'instant, non. Pourquoi? Parce que les volumes ne sont pas là. Vous savez l'état de l'économie québécoise, l'état de l'économie de l'Est du Canada, ce n'est pas jojo comme on dirait. Par contre, lorsque vous regardez les volumes qui transitent à Vancouver, ils ont actuellement un surplus par rapport à la capacité du port. Les bateaux sont, à certaines occasions, obligés de se déplacer vers les ports américains et les gens font la navette des ports américains vers Vancouver encore ou vers les provinces des Prairies, ce qui démontre clairement qu'il y a une sous-capacité au niveau du port et de l'organisation maritime ou portuaire, si je peux dire, à Vancouver.
Il y a certainement un mécontentement général, parce que lorsqu'il y a un surplus de travail, c'est la même chose ici. Vous savez, quand sont arrivées des situations de ralentissement de quelques jours de travail avec le CN ou encore lorsqu'il y a eu les problèmes d'avalanche dans l'Ouest canadien, la conséquence directe c'est qu'il est arrivé huit, dix, 12, 15 ou 20 trains en même temps.
Les camionneurs sont mal servis, les conteneurs sont en attente. Il faut les décharger, ils vous enlèvent vos délais. On a que 48 heures, après ce délai, nous sommes en détention. Imaginez que vous êtes une compagnie de camionnage possédant 100 camions, et que soudainement il vous arrive 300 conteneurs. S'il y a le moindre délai à quelque part, vous êtes obligé d'absorber, à l'intérieur de vos coûts, tous les frais relatifs à la détention. Cela ne fait pas de bon sens, parce que ce n'est pas vous qui êtes responsable des délais ou des avalanches qu'il y a eu au Port de Vancouver, mais vous devez en payer le coût. Le client, lui, ne veut pas payer, parce qu'il a un prix « door to door ». Donc la victime qui est « stuck in the middle », c'est encore le camionneur. On est obligés, à certaines occasions, de dire à un client : « Non, on ne prendra pas votre marchandise, parce qu'on ne peut pas ramasser la marchandise dans les délais requis. » Alors, ils font affaire avec d'autres, mais ils sont pris pour payer des détentions. J'ai vu des clients qui ont été obligés de payer jusqu'à 1 000 $ de détention, pour un transport local qui coûte 175 $. Cela n'a pas de sens!
C'est une réalité avec laquelle on doit vivre. C'est l'histoire de David contre Goliath, comprenez-nous? Vous ne pouvez pas aller dicter des règles à quelqu'un d'autre. Moi, je ne peux pas dire, par exemple, au port : « Vous allez faire débuter les gens à 6 heures le matin, parce qu'il y a eu des glaces sur le fleuve, puis il est arrivé soudainement six bateaux. » Il y a la même quantité de chauffeurs, il y a la même quantité de camions, puis il y a la même quantité de châssis conteneurs. Puis ça, ça ne fluctue pas, puis tu n'en achèteras pas au cas où parce que, de toute façon, l'activité n'est pas là.
Cela explique pourquoi, à l'occasion, il y a du mécontentement. Et ne soyez pas étonnés, lorsque vous regardez sur une base nationale, pourquoi il y a du mécontentement dans l'Ouest actuellement, c'est à cause de ça. S'il fallait que la situation empire dans l'Est, il y aurait de forts risques de mécontentement, comme il y en a déjà eu dans le passé, avec des grèves au cours desquelles les routes et les ports ont été bloqués, et ainsi de suite.
Ce sont les risques. Vous êtes dans une industrie où effectivement, il y a des gens qui se désintéressent complètement de ce qu'est l'étape suivante. Avec une telle attitude, des fois on sème le vent puis on récolte la tempête. Donc, tempête il pourrait y avoir. Mais pour l'instant, dans l'Est, ce n'est pas un problème. Comprenez-vous? Alors que dans l'Ouest, c'est imminent.
La présidente : À cause du volume aussi.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : Merci, madame Tremblay et monsieur Robert de vos exposés informatifs, car si nous avions l'intention de ne pas tenir compte de l'industrie du transport routier, ce qui n'est pas le cas à mon avis, nous ne pourrions certainement plus ne pas en tenir compte maintenant.
Monsieur Robert, au début de votre exposé, vous avez parlé de notre efficience en ce qui a trait aux conteneurs ainsi que de l'Europe, mais je ne suis pas certain de ce que vous vouliez dire. Je ne sais pas si vous vouliez parler spécifiquement des ports — vous avez abordé la question du mouvement des produits à partir du port, jusqu'au camion, jusqu'au client — alors vous pourriez peut-être préciser.
M. Robert : Vous serez d'accord avec moi pour affirmer que les ports sont beaucoup plus gros, mais qu'ils ont été développés avec une vision. Les Pays-Bas par exemple ont une longue tradition commerciale et, naturellement, lorsque le moment est venu de construire un port, ils en ont construit un qui devait être un grand port de commerce, la porte de l'Europe. C'est la même chose en Allemagne, mais on ne peut pas dire que la France est le pays le mieux équipé en ce qui concerne les ports. Il y a des ports en France, mais ils ne sont pas à la fine pointe de la technologie. On peut trouver des ports qui sont à la fine pointe de la technologie aux Pays-Bas, en Allemagne et en Belgique. Il y a de grands ports, des ports efficaces, en Asie et dans certaines villes américaines.
La côte ouest des États-Unis ne peut plus accueillir tout le trafic maritime provenant de l'Asie. On envisage donc de devoir faire le détour par l'Amérique du Sud ou de construire un autre canal, car, comme vous le savez, celui de Panama n'est pas assez grand pour les gros navires. Pourquoi? Parce que le commerce se déplace de plus en plus vers Atlanta, les Carolines, Charleston, en Virginie, et New York. Pourquoi? Parce que le Port de New York est un bon port, mais pas le plus rentable qui soit. Les syndicats y sont très puissants et, évidemment, on ne peut pas toujours y faire ce qu'on voudrait.
Aux États-Unis, le secteur de l'automobile se déplace vers le Sud en raison des nombreux problèmes qu'on connaît dans le Nord avec les syndicats. C'est la même chose dans les ports. Dans le passé, il y avait Elizabeth, au New Jersey, et New York, et aucune autre possibilité. Puis, d'autres ports sont apparus le long de la côte à Philly, Trenton, Wilmington, et ainsi de suite. Au fur et à mesure que les grands navires se dirigeront vers l'Est, de nombreux ports feront leur apparition le long de la côte est des États-Unis. Ce n'est qu'une question de temps. Pourquoi? Le trafic maritime arrive de l'Asie et les cargaisons doivent se rendre jusque sur la côte Est, mais le chemin de fer ne suffit pas. Par conséquent, les conteneurs devront être transportés jusque sur la côte Est par bateau.
Quand j'ai parlé de l'Europe, j'ai parlé de ce que je connais le mieux. Dans les ports, le travail est en grande partie automatisé. De plus, les camionneurs chargent les conteneurs sur leur camion au moyen de contrôles électroniques automatisés. Il leur suffit, s'ils ont une carte, d'entrer les numéros des conteneurs, les numéros des contrats, les numéros personnels d'identification et les mots de passe. Le système leur dit alors où aller, par exemple, dans l'allée 122. Le conducteur fait reculer son camion dans cette allée, reçoit une carte, l'entre dans le système et la grue prend le conteneur et le dépose sur le camion. Tout est automatisé. C'est à la fine pointe de la technologie.
La moitié du Port de Rotterdam emploie beaucoup de main-d'œuvre, mais l'autre moitié est totalement automatisée. Ce ne sont même plus des êtres humains qui conduisent les camions et déplacent les conteneurs, mais des robots.
Je ne veux pas dire que nous devrions aussi avoir des robots. Toutefois, le système pourrait être plus perfectionné. À l'heure actuelle, on travaille de 8 heures à 16 heures. Dans ces pays européens, on travaille sept jours par semaine, 24 heures par jour et on emploie beaucoup moins de gens. Nous avons toléré une augmentation excessive des effectifs. Si nous voulons faire entrer un camion, nous devons faire appel à 15 personnes pour déplacer une dizaine de conteneurs. Cela ne vaut pas la peine et, par conséquent, on préfère fermer le port.
Par contre, c'est à cette période que le trafic est moins important. C'est pendant cette période qu'on peut travailler et faire des livraisons. Beaucoup de clients sont prêts à faire la réception et l'expédition 24 heures par jour. Vous n'avez qu'à penser aux magasins. Les gens peuvent aller au magasin le samedi ou le dimanche, et nous devons faire des livraisons ces jours-là. Ce ne sont malheureusement pas tous les secteurs de notre industrie qui se sont adaptés à cette réalité.
Imaginez que les chauffeurs d'autobus des services de transport urbain demandent à ne travailler que de 8 heures à 17 heures. Et pourquoi pas? Bien d'autres gens travaillent de 8 heures à 17 heures. Pourquoi eux devraient-ils travailler jusqu'à minuit? Cela n'a aucun sens.
Il en va de même dans notre industrie. Nous nous sommes adaptés à la nouvelle réalité, et la nouvelle réalité, c'est qu'il faut fournir le service sept jours par semaine, 24 heures par jour. Nos conducteurs ont des quarts de travail, mais certaines installations ne leur sont accessibles que pendant certaines périodes. Qui en fait les frais? Les camionneurs et l'industrie du transport routier.
Le temps est venu d'agir. Ce n'est pas une question d'espace. Je vous donne l'exemple de l'espace de bureau. Mes employés m'ont dit qu'ils manquaient d'espace. Je leur ai répondu : « Non, nous ne manquons pas d'espace, parce qu'à 16 h 30, l'immeuble est vide. Pourquoi une partie des employés ne travaillent-ils pas l'après-midi et les autres, en soirée? ». Ils m'ont répondu qu'ils devaient travailler de 8 heures à 17 heures. Moi, j'ai voulu savoir qui avait pris cette décision et pourquoi dans notre industrie on ne travaillait pas 24 heures par jour.
Voici où je veux en venir. Nous devons apprendre à travailler 24 heures par jour. Nous voulons que notre pays soit compétitif en matière de coûts. Il faut donc que nous utilisions notre infrastructure 24 heures par jour. Il faut s'adapter à cette réalité. Nous devons être compétitifs. Pour ce faire, nous devons sortir des sentiers battus. Actuellement, tout le monde travaille de 8 heures à 16 heures, tout le monde rentre à la maison dans les bouchons de circulation à la même heure et tout le monde est satisfait. Puis, les gens se plaignent qu'il y a trop de camions sur les routes et les ponts. Quelle belle vie.
Entre-temps, nous avons besoin de subventions, de plus d'infrastructures et de bien d'autres choses. Quand nous allons en Australie, nous n'avons pas d'objection à prendre un vol de nuit. Quand nous allons en Europe, nous n'avons pas d'objection à prendre un vol de nuit. Mais quand nous travaillons en ville, nous devons être à la maison à 17 heures. Ça ne va pas. Nous devons être compétitifs; sinon, vous allez devoir m'expliquer pourquoi pas, car je ne suis pas assez intelligent pour comprendre.
Le sénateur Tkachuk : Madame Tremblay, vous avez donné un exemple de denrées périssables dont le chemin de fer n'avait pu assurer la livraison de Montréal à Vancouver et de Vancouver à Montréal. Il a alors fallu des camions pour transporter ces denrées périssables. Pourriez-vous me donner un exemple de ce que vous vouliez dire? Je n'ai pas très bien compris ce à quoi vous avez fait allusion. Pourriez-vous nous en dire plus long? S'agit-il de laitue? Je ne sais pas ce que c'était mais je ne comprends pas pourquoi ces denrées n'ont pu être expédiées par voie ferroviaire. Pourquoi doit-on expédier des produits par camion sur des distances aussi longues que celles qui séparent Montréal de Vancouver?
[Français]
Mme Tremblay : Mon anglais n'est pas très bon.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : Nous avons de bons interprètes. Là n'est pas le problème.
[Français]
Mme Tremblay : J'expliquais que pour certaines marchandises, certaines commodités, les réseaux ferroviaires sont surchargés, ils sont surutilisés. Ils fonctionnent à 105 p. 100 ou 110 p. 100 de capacité sur les grands réseaux Est/Ouest. C'est donc pour ça qu'il y a eu une demande parallèle auprès des camionneurs pour transporter certaines marchandises, surtout les marchandises qui ont besoin d'une livraison rapide, dans un délai limité et avec un service garanti. C'est un service parallèle de conteneurs qui s'est fait entre Vancouver et Montréal. Parce que le réseau ferroviaire n'était pas capable de répondre dans les temps et les délais fixés par les clients. Alors, c'est surtout pour les produits périssables, soit les fruits et légumes, les viandes, et ainsi de suite. C'est un service parallèle où les camionneurs prennent des marchandises au Port de Vancouver, qui arrivent d'Asie ou de la côte Ouest-américaine par conteneurs, et les amènent ensuite pour être redistribuées dans la région de Montréal; et inversement, des produits locaux, du Québec ou de l'Est du pays, qui sont ensuite transportés vers l'Ouest, pour être embarqués dans les ports, par exemple, le Port de Vancouver ou celui de Seattle.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : C'est là que surgissent les problèmes d'harmonisation, quand vous avez trois remorques, deux remorques, des roues à un pneu, des roues à deux pneus...
Mme Tremblay : Précisément.
Le sénateur Tkachuk : Nous examinons ces questions, nous, les sénateurs, et nous avons entendu parler des problèmes d'harmonisation qui existent au sein du monde commercial et du monde du transport routier. Je suis pour le système fédéral, mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi dix personnes ne pourraient pas, ensemble, régler cette question, car elle n'est pas si compliquée. Peut-être que je ne sais pas tout, mais peut-être qu'on ne m'a pas tout dit non plus.
Quoi qu'il en soit, peut-être que si les citoyens du pays étaient vus comme des clients plutôt que des sujets, tout irait mieux.
[Français]
Le sénateur Dawson : J'appuie les paroles de madame la présidente et du sénateur Tkachuk concernant le fait que vous nous avez sensibilisés fortement à votre dossier. Mais je peux vous assurer qu'on avait entendu parler aussi, lorsque nous étions à Vancouver, des complications et de la difficulté. Je pense qu'une des faiblesses du côté de Vancouver, c'est qu'ils n'ont pas collaboré, comme vous le faites, tant au niveau de l'association qu'au niveau individuel, auprès des gouvernements. Vous avez parlé également d'harmonisation, c'est quelque chose qui revient assez régulièrement dans les messages qu'on reçoit. Pris individuellement, le maritime, le train, le camionnage, sont des composantes très efficaces, mais c'est quand on essaie de les faire s'harmoniser ensemble, quand l'intermodalité devient une réalité et non pas un concept, qu'on commence à comprendre. Le message très clair auprès du comité.
Vous avez parlé, madame Tremblay, d'un outil qui est utilisé aux États-Unis.
Mme Tremblay : UUIA.
Le sénateur Dawson : Pouvez-vous préciser un peu sur ce sujet?
Mme Tremblay : UUIA, est un document uniforme qui a été élaboré par un consortium intermodal de gens du maritime, de gens du ferroviaire et du transport routier. En ce moment, un conteneur qui part de la Chine vers Vancouver a un document qui l'accompagne; quand il est pris en charge par le ferroviaire, un autre document est utilisé pour le transport vers une autre gare ferroviaire; ensuite, si c'est donné aux routiers, il faut faire un autre document, qui va ensuite amener le conteneur du ferroviaire jusqu'à la destination finale. Alors, ce que fait le UUIA, c'est qu'il réunit toutes les informations pertinentes pour chacun des modes, sur un seul et unique document qui, lui, est électronique et accessible par toute la chaîne de transport, avec des informations précises pour chacun des modes et accessibles à tous les partenaires. C'est une entente que les camionneurs signent, ainsi que toutes les entreprises de transport de la chaîne afin d'utiliser ce document pour tous les mouvements intermodaux. Cela élimine d'abord beaucoup de papier, mais surtout des recherches informatiques qui doivent être faites avec chacun des clients de la chaîne de transport. Enfin, cela permet d'avoir l'accès à l'information, en ligne, en tout temps.
Le sénateur Dawson : Cela vaudrait la peine, madame la présidente, qu'on étudie davantage cet aspect du dossier. Je pense que c'est certainement un point intéressant pour nos recommandations.
En terminant, M. Robert, je voulais vous dire, que puisqu'il y a beaucoup plus de camionneurs que de présidents de compagnie de chemin de fer ou de présidents de port, un lobby efficace de votre part serait utile. Vous avez plus d'électeurs dans votre club qu'ils ont d'électeurs dans le leur. Je pense que vous avez certainement avantage à continuer de faire passer le message et à communiquer l'importance de l'industrie. Parce qu'effectivement, sans y aller par ordre alphabétique, on a peut-être tendance à vous mettre en quatrième position, tandis que vous êtes probablement celui qui est le plus proche de la maison et on devrait vous mettre un peu plus près.
M. Robert : Tantôt vous avez fait une remarque, sénateur, et il m'est venu tout de suite une idée : c'est à l'occasion, pour nous, l'industrie du camionnage, la biche qui rencontre le lion. La conversation ne dure pas très longtemps. C'est ce qui arrive lorsqu'on est en présence de certains grands intervenants, et lorsqu'on essaie de faire valoir des points, la conversation se termine rapidement. Bien qu'on essaie de représenter l'industrie, je peux comprendre, pourquoi certaines catégories de camionneurs revendiquent soit en bloquant les routes ou en posant des gestes semblables. Pourquoi? Parce que les forces en présence ne sont pas égales. Et lorsque vous êtes devant le lion et la biche, vous savez très bien comment se finit la conversation et c'est ce que nous vivons au quotidien. Il vient un temps où arrive la goutte qui fait déborder le vase et cette goutte-là n'entraîne peut-être pas des catastrophes, mais des situations qui sont plutôt désagréables et qui viennent ternir l'image de l'industrie dans le monde du consommateur ou du quotidien. Mais en réalité, si ces gens-là étaient bien informés de la réalité, je pense qu'ils seraient les premiers à appuyer ces gars-là. On n'est pas là pour les condamner, mais pour essayer de les comprendre et saisir le pourquoi.
Vous avez fait une intervention tout à l'heure qui m'a touché. C'est important de soulever ces choses-là parce que c'est en rapport avec votre préoccupation.
Le sénateur Dawson : C'est pour cela que nous, quand on reçoit les gens, on traite le lion de la même façon que la biche et même probablement que la biche a beaucoup plus de sympathie.
M. Robert : On a bien hâte de voir ça. On va avoir plusieurs paragraphes dans ce cas-là.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Merci à vous deux d'être venus. J'ai trouvé intéressant que vous employiez des termes que d'autres représentants du secteur du camionnage n'ont pas utilisés. Surtout en Colombie-Britannique, nous n'avons pas entendu parler de technologies de l'information, de modernisation ou d'harmonisation. Les témoins ne nous ont pas parlé de cela. Ils nous ont plutôt dit qu'il y avait beaucoup d'affrontements avec l'employeur.
Au début de votre exposé, l'un d'entre vous a parlé des problèmes que causent les différents codes d'accès — les cartes pour les différentes parties, et vous avez dit qu'il fallait normaliser tout cela. Si je fais le lien avec vos remarques sur l'harmonisation, votre emploi accru des technologies de l'information et la modernisation, j'en conclus que l'accord uniformisé d'échange intermodal a aussi à voir avec cela.
Cela nous ramène à la question de la sécurité, car quand nous interrogeons des témoins à ce sujet, nous recevons rarement la réponse que nous attendions. Dites-vous que les camionneurs n'auraient pas de difficulté si nous avions un tel programme d'identification, et que les camionneurs du Canada seraient disposés à se soumettre à des vérifications de sécurité?
La situation a changé depuis le 11 septembre; nous devons mieux surveiller les quais de chargement et de déchargement des conteneurs et les véhicules qui pourraient contenir des matières dangereuses. Croyez-vous qu'un tel programme d'identification serait bien accepté?
[Français]
Mme Tremblay : C'est certain que mon intervention avait pour seul et unique but de vous sensibiliser à la situation. Pour une zone donnée dans un port, dépendamment où le chauffeur va chercher un conteneur, ce n'est pas la même zone de sécurité que s'il a accès à une livraison, par exemple, de carburant directement au navire. À ce moment-là, la zone de sécurité est beaucoup plus importante. Par contre, un camionneur qui va chercher un conteneur situé après les « background checks », après toutes les mesures de sécurité, s'il est reconnu comme étant sécuritaire au Port de Montréal, il n'y a aucune raison afin qu'il ne soit pas reconnu au Port de Halifax, au Port de Baie-Comeau ou à celui de Vancouver. Alors, pourquoi multiplier les processus? En fait, mon intervention allait dans ce sens. Étant donné que la loi est fédérale, les mesures de sécurité sont normalisées, les critères de sécurité sont connus, alors pourquoi répéter le processus et, par le fait même, dédoubler les frais et les procédures ainsi que le temps de traitement et la procédure administrative? C'était le but de mon intervention.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : À Vancouver, des témoins nous ont dit — j'ai oublié en quels termes précis — qu'un nombre considérable de laissez-passer avaient été accordés à des camionneurs pour le Port de Vancouver. Mais après avoir évalué l'usage de ces laissez-passer — en tenant compte du fait que les conducteurs de camion sur de longs parcours ne vont pas au port tous les jours, comme ce serait le cas du camionneur en zone courte qui fait des livraisons dans la région de Montréal — on a constaté qu'un grand nombre de ces laissez-passer n'étaient pas utilisés. Les autorités de ce port s'inquiètent donc des conséquences que cela pourrait avoir pour la sécurité. Croyez-vous qu'elles ont raison de s'inquiéter?
M. Robert : Pour vous faire comprendre le fonctionnement du transport routier, je vous dirai que c'est comme si vous serviez un repas et que tout le monde venait manger à la maison, dans la même assiette. S'il y a 300 conducteurs, on inscrit 300 conducteurs, car on ne sait jamais lesquels iront au port quel jour et où ils iront.
Il faut donc que chaque entreprise se dote de normes pour l'attribution de ces laissez-passer. Au Canada, comme vous le savez, avec la Charte des droits, ce n'est pas facile. Tous les camionneurs ne seraient pas nécessairement admissibles. Étant donné que certains camionneurs ne peuvent aller à certains endroits, on accorde toujours plus de laissez-passer qu'il n'en faut tout simplement parce que certains camionneurs n'iront pas à certains endroits. Une fois que le camionneur travaille dans une autre région, il faut le remplacer. À Vancouver, cela a causé des problèmes.
Il en va de même pour le programme EXPRES, pour aller aux États-Unis. On ne peut y inscrire tous les camionneurs. Certains camionneurs, en raison d'une faute commise dans le passé, ne sont pas admissibles à ce programme. On pourrait élargir le programme EXPRES pour qu'il s'applique aux ports. Toutefois, on empêcherait probablement 50 p. 100 des camionneurs d'entrer dans les ports. Il faut donc être prudent. Ce serait donc tout un problème.
Le sénateur Mercer : Vous croyez néanmoins qu'il serait souhaitable de créer une carte d'accès normalisée qui serait accordée après une vérification de sécurité?
M. Robert : Oui, c'est souhaitable, mais autant que l'est la réglementation du secteur du transport routier. Or, nous venons de dire qu'il y a déjà trop de règlements.
Le sénateur Mercer : C'est vrai.
M. Robert : Il y a toutes sortes de règlements, mais l'entrée dans les ports n'est pas réglementée. C'est comme si je vous permettais d'entrer dans les immeubles d'une université avec trois fusils mais que je contrôlais l'accès à chaque salle de classe.
Le sénateur Mercer : Je comprends.
M. Robert : C'est l'entrée dans l'industrie qui est problématique. De nos jours, la porte est grande ouverte. Toutefois, une fois qu'on est entré, on doit respecter les règlements. Notre entreprise fait partie du programme EXPRES et C-TPAT. La grande majorité de nos conducteurs ont leur carte EXPRES et tout le reste. Moi, le président de l'entreprise, je n'ai pu obtenir ma carte EXPRES. Pourquoi? Parce qu'en 1992, j'ai contesté une situation qui était tout à fait légale en théorie. Il s'agissait de cabotage aux États-Unis. Parce que je ne voulais pas que mon conducteur soit tenu responsable, et que son dossier l'indique, je me suis porté volontaire pour faire franchir la frontière à mon camion. Cela figure à mon dossier. J'ai reçu la décision de la Cour du district de Washington, j'ai ensuite été réhabilité, mais je ne peux obtenir ma carte EXPRES. Je suis le président de la société, nous comptons environ 1 100 conducteurs qui ont leur carte EXPRES, mais moi, je ne peux l'avoir. Pourtant, je n'ai rien volé, je n'ai jamais consommé de drogue et je n'ai rien fait de mal. Vous comprenez? C'est stupide.
Les tracasseries administratives imposées par la bureaucratie finiront par empêcher de nombreux camionneurs de transporter des conteneurs, si nous ne faisons pas attention. Vous dites qu'on manque de camionneurs, et, en effet, c'est vrai. Mais il est insensé d'imposer des exigences strictes comme tente de le faire la bureaucratie du Canada et des États-Unis, mais surtout celle du Canada, qui doit composer avec la Charte des droits.
Le sénateur Mercer : Monsieur Robert, les tracasseries bureaucratiques ne datent pas d'hier; elles existent depuis très longtemps.
Merci beaucoup de votre franchise.
Le sénateur Merchant : Je m'en voudrais de ne pas vous remercier d'être venu et de nous avoir parlé avec tant de franchise. Je crois que nous avons pris bonne note de vos observations. Nous comprenons vos préoccupations. Quand vous faites affaire avec les ports, vous faites affaire avec un monopole absolu. Vous avez peu de choix.
Vous avez soulevé de nombreuses questions. Notre principal partenaire commercial s'inquiète, à juste titre, de la sécurité et des retards. Vous avez répondu à nos nombreuses questions et nous avez donné des informations très utiles.
M. Robert : Je vous en prie.
[Français]
La présidente : Merci infiniment. J'espère que vous avez le sentiment d'avoir été entendus et compris.
M. Robert : En tout cas, on a été écouté, c'est sûr.
La présidente : Nous vous souhaitons la meilleure des chances dans tout ce que vous entreprenez et nous espérons que nous trouverons des façons de faire des propositions au gouvernement qui faciliteront votre travail.
M. Robert : Merci beaucoup. Merci à vous tous.
Mme Tremblay : Ce sera un plaisir de lire le rapport.
La séance est levée.