Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 5 - Témoignages du 26 février 2008


OTTAWA, le mardi 26 février 2008

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 40, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits, des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, honorables sénateurs et invités. Ce matin, nous poursuivons notre étude de la mise en œuvre des accords sur les revendications territoriales globales. À cette fin, nous entendrons des témoins. Comme les membres du comité le savent, nous avons déterminé qu'il était important de s'attaquer à cet aspect, et avons constaté que certains aspects du processus de mise en œuvre étaient désespérément lents. Nous espérons que le comité réussira, avec l'aide de divers témoins, à faire la lumière sur les aspects qui posent problème dans le but de recommander des améliorations.

Pour nous aider à mieux comprendre les difficultés auxquelles font face les revendicateurs, nous accueillons ce matin les représentants de la Nunavut Tunngavik Inc. et du Grand conseil des Cris.

Notre comité a suivi les travaux de la vérificatrice générale. Dans son rapport, celle-ci a signalé de graves lacunes dans la mise en œuvre de trois ententes de revendications territoriales globales depuis 2003. Nous aimerions savoir quels sont, à votre avis, les principaux facteurs qui nuisent à la mise en œuvre de ces ententes et quelles solutions vous pouvez nous proposer.

Le sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, lorsqu'il a comparu devant notre comité, a indiqué que l'un des obstacles est la capacité des parties de satisfaire pleinement aux obligations énoncées dans l'entente. Le comité aimerait savoir comment la capacité des gens sur le terrain, dans les régions visées par les ententes, a influé sur la possibilité pour les parties d'appliquer certaines dispositions des traités.

Cela dit, passons maintenant à nos témoignages. Comme je l'ai dit, nous entendrons ce matin les représentants de la Nunavut Tunngavik Inc. Il s'agit de James Eetoolook, président intérimaire, Alastair Campbell, conseiller principal en politiques, et Terry Fenge, consultant. Ils seront nos premiers témoins, puis nous entendrons les représentants du Grand conseil des Cris, que je présenterai lorsqu'ils prendront place.

Chacun des témoins fera un exposé d'environ cinq minutes, qui sera suivi des questions posées par les sénateurs. Ce matin, le comité est composé du sénateur Sibbeston, vice-président du comité et sénateur des Territoires du Nord- Ouest; le sénateur Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Dyck, de la Saskatchewan, le sénateur Dallaire, du Québec, le sénateur Peterson, de la Saskatchewan, le sénateur Campbell, de la Colombie-Britannique, le sénateur Gustafson, de la Saskatchewan, et le sénateur Adams, du Nunavut.

Monsieur Eetoolook, je vous laisse la parole, si vous êtes prêt.

James Eetoolook, président intérimaire, Nunavut Tunngavik Inc. : Merci, honorables sénateurs. Nous sommes heureux d'être venus à Ottawa, même si le temps n'est pas très clément. Mais comme il fait également froid dans le Nord, nous sommes quittes.

Au nom de la Nunavut Tunngavik Inc., la NTI, permettez-moi de vous remercier de nous donner cette occasion de vous faire part de notre point de vue sur l'application de l'entente sur la revendication territoriale du Nunavut. Je m'appelle James Eetoolook. Je suis président intérimaire de la NTI. Je suis accompagné aujourd'hui d'Alastair Campbell, à ma droite, et de Terry Fenge, à ma gauche.

La NTI est une organisation qui représente les Inuits du Nunavut en ce qui a trait aux responsabilités et obligations découlant de notre entente de 1993 sur les revendications territoriales.

La mise en œuvre de notre entente sur les revendications territoriales connaît d'importants problèmes, et je vous félicite de vous attaquer plus particulièrement à cette question complexe.

Pour nous, la signature de notre entente sur les revendications territoriales en 1993 marque le début d'une nouvelle relation entre notre peuple et le gouvernement du Canada. Il ne s'agissait pas d'une transaction foncière. Notre entente sur les revendications territoriales est un document complexe, issu de 20 années de discussions, de recherches et de négociations. Lorsque nous l'avons signé, nous estimions que c'était un nouveau pacte qui déterminerait la place que nous occupons au Canada pour les générations à venir. C'était un engagement solennel envers une nouvelle relation.

Nous avons déposé un mémoire dans lequel nous expliquons bon nombre des problèmes que pose la mise en œuvre de notre entente. Je ne vais pas lire tout le document, mais je vous en donnerai les grandes lignes.

Notre entente a été examinée à deux reprises par des consultants indépendants, et les rapports relatifs à ces examens ont été publiés en 2000 et en 2006. Ces examens révèlent que bon nombre d'articles de l'entente n'ont pas été entièrement mis en œuvre. En voici des exemples : les articles 8 et 9, qui prévoient la signature d'ententes sur les répercussions et les avantages avec les Inuits en ce qui concerne les parcs et aires de conservation; l'article 12, qui porte sur la surveillance environnementale et sociale; l'article 15, dans lequel on reconnaît le principe de la contiguïté pour l'attribution des contingents de pêche commerciale; l'article 23, qui prévoit l'embauche d'un nombre représentatif d'Inuits dans les gouvernements fédéral et du Nunavut; l'article 24, qui offre aux Inuits la possibilité de participer aux marchés de l'État, et l'article 38, qui porte sur l'arbitrage des différends.

Ce ne sont pas là des problèmes isolés. Ces problèmes viennent de l'inefficacité et de l'inefficience du fonctionnement du gouvernement du Canada.

Dans le témoignage que vous a présenté Michael Wernick, sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, il a déclaré qu'il ne pouvait obliger personne à l'extérieur de son ministère à prendre quelque mesure que ce soit pour appliquer les ententes sur les revendications territoriales.

Les ententes sur les revendications territoriales ne s'appliquent pas toutes seules. De nombreux ministères et organismes partagent des responsabilités à cet égard. Un grand nombre de ces responsabilités relèvent d'AINC, mais c'est un ministère responsable qui ne peut donner d'ordres aux autres.

Dans le cas d'autres priorités fédérales, dont les langues officielles, il serait inacceptable que l'inaction fasse l'objet de telles explications. Le commissaire des langues officielles fait rapport au Parlement et veille à ce que les ministères s'acquittent sérieusement de leurs obligations.

Nous avons signé des traités avec le gouvernement du Canada, mais lorsque les organismes fédéraux font fi des obligations que nos ententes leur imposent, à qui pouvons-nous demander des comptes? Les objectifs de notre entente ne pourront être atteints et l'honneur de la Couronne ne sera maintenu que si quelqu'un est chargé de sa mise en œuvre et en accepte la responsabilité.

De nombreux organismes fédéraux ont des fonctions importantes dans l'application des ententes sur les revendications territoriales. Ces organismes fédéraux doivent être pleinement engagés et leurs efforts doivent être orchestrés si l'on veut que les obligations et les devoirs imposés par nos ententes à la Couronne soient satisfaits. L'expérience montre qu'on ne peut compter seulement sur AINC pour orchestrer les efforts fédéraux. La grande question est donc de savoir s'il nous faudrait un nouveau chef d'orchestre.

M. Joe Linklater, du Conseil des Premières nations du Yukon, a déclaré que les traités modernes ne sont pas suffisamment utilisés à titre de moyens pour améliorer la vie des peuples autochtones. Il a raison. Par conséquent, que devriez-vous recommander au gouvernement du Canada? Au début du mois de décembre, la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales vous a dit que le gouvernement du Canada devrait adopter une politique officielle de mise en œuvre des revendications territoriales.

À notre avis, vous devriez recommander que le gouvernement du Canada adopte une politique d'application des ententes sur les revendications territoriales qui, premièrement, reconnaît que les traités modernes sont des documents constitutionnels et que l'honneur de la Couronne exige qu'ils soient pleinement mis en application; deuxièmement, reconnaît que les traités modernes ont pour parties les nations autochtones signataires et la Couronne, et que le gouvernement dans son entier doit les respecter; troisièmement, engage le gouvernement du Canada à coordonner efficacement la mise en œuvre des traités modernes; quatrièmement, accepte la recommandation de la vérificatrice générale du Canada, dans l'examen qu'elle a fait de la mise en œuvre des traités modernes; cinquièmement, fait en sorte que les cadres supérieurs se fondent sur des perspectives coordonnées et pangouvernementales dans la mise en œuvre des traités modernes; sixièmement, comprend des examens indépendants de la mise en œuvre; septièmement, élimine les obstacles du système budgétaire qui nuisent à la mise en œuvre de ces ententes; huitièmement, autorise l'arbitrage pour résoudre les différends, et neuvièmement, met en œuvre les traités modernes en vue d'atteindre les objectifs de politiques publiques.

La recommandation la plus importante que vous pouvez faire porte sur l'appareil gouvernemental. Nous avons deux recommandations : premièrement, il faut créer une commission de mise en œuvre des ententes sur les revendications territoriales dirigée par un commissaire des traités modernes. La commission serait chargée d'évaluer la mise en œuvre des traités modernes et d'en faire rapport chaque année au Parlement du Canada, ainsi que de conseiller le gouvernement du Canada et les nations autochtones signataires.

Il faut de plus mettre sur pied un bureau chargé des traités modernes au sein du Bureau du Conseil privé qui aurait pour mandat de s'assurer que tous les organismes fédéraux ont recours à une approche coordonnée pour s'acquitter des responsabilités de la Couronne dans les traités modernes.

J'aimerais en terminant vous lire le texte envoyé au gouvernement du Canada par la Lands Claims Agreements Coalition.

La Lands Claims Agreements Coalition exhorte le gouvernement du Canada à respecter l'esprit, l'intention et les objectifs socio-économiques généraux de toutes les ententes sur les revendications territoriales modernes — et ainsi assurer le développement et l'inclusion des peuples autochtones dans ce pays moderne et en plein épanouissement que nous appelons le Canada.

Cela met fin à mon exposé. Merci, monsieur le président.

Le président : Merci, monsieur Eetoolook. Les sénateurs Sibbeston et Campbell désirent poser des questions.

Le sénateur Sibbeston : Monsieur Eetoolook, je connais bien les habitants du Nunavut. J'ai œuvré dans les secteurs politique et gouvernemental dans le Nord, avant 1999, période pendant laquelle il y avait un mouvement très puissant de gens qui voulaient que l'on crée le Nunavut et qu'on règle les revendications territoriales.

Les Inuits, à bien des égards, sont chanceux. Ils ont leur propre gouvernement; ils ont un gouvernement au Nunavut. Les choses ne changeront probablement pas parce qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui voudront déménager du Sud pour aller vivre dans le Nord. Cette région représente le territoire des Inuits. À un certain égard, vous êtes très chanceux. Vous êtes probablement le peuple autochtone le plus chanceux au Canada parce que vous avez tout ce que recherchent nombre d'autres Autochtones dans d'autres régions du pays. Vous avez votre propre gouvernement, votre territoire, sur lequel personne ne viendra empiéter. Vous avez vos propres dispositions à l'égard de l'entente sur les revendications territoriales. À un certain égard, les gens se demanderont pourquoi vous vous plaignez puisque vous semblez tout avoir.

Cependant, je sais que votre entente sur les revendications territoriales n'a jamais été pleinement mise en œuvre. Je note en fait qu'elle prévoit un plan de mise en œuvre, une commission d'arbitrage du Nunavut ainsi qu'un comité de mise en œuvre. Tous ces éléments semblent exister mais pourtant vous êtes d'avis que le gouvernement fédéral n'a pas fait tout ce qu'il devait faire. En fait, vous avez essentiellement intenté des poursuites contre lui pour un milliard de dollars.

Pouvez-vous nous dire exactement ce qui s'est passé?

M. Eetoolook : Merci, sénateur Sibbeston, d'avoir posé cette question. Je suis très heureux d'avoir cette occasion de vous revoir.

Nous avons réglé les revendications territoriales, nous avons un accord que nous pensions que le gouvernement du Canada s'empresserait de mettre en œuvre. Ce n'est pas ce qui s'est produit. Nous lui demandons depuis des années d'agir. Cette revendication territoriale remonte à 1993, soit 15 ans. Il y a toujours des dispositions de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut qui auraient dû être mises en œuvre il y a environ dix ans, ou même avant, et qui n'ont pas encore été mises en œuvre par le gouvernement fédéral. Nous ne pouvons pas mettre en œuvre les dispositions tout seuls. Le gouvernement a une responsabilité c'est-à-dire celle de mettre en œuvre ces dispositions. Il en va de même en fait pour le gouvernement territorial.

La majorité des représentants à l'Assemblée législative du Nunavut sont des Inuits, mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un gouvernement populaire alors que nous sommes un organisme inuit privé. Lorsque nous négocions ces revendications territoriales, nous avions dit que nous accepterions d'avoir un gouvernement populaire lorsque le Nunavut se séparerait des Territoires du Nord-Ouest parce qu'on se disait que plus tard, si le gouvernement populaire s'écartait trop du principe de gouvernement qui tient à cœur aux Inuits, nous pourrions à ce moment-là constituer notre propre gouvernement, assurer notre propre autonomie politique. J'ai l'impression que cela ne saurait tarder.

M. Fenge veut ajouter quelques mots sur le problème auquel nous sommes confrontés quant à la mise en œuvre des dispositions de l'accord. Même si nous avons un plan de mise en œuvre, tout ne va pas comme ça devrait être.

Terry Fenge, consultant, Nunavut Tunngavik Inc. : Permettez-moi de répondre de façon générale à votre question d'abord. Nombre de dispositions de l'accord du Nunavut ont été mises en œuvre. Il est important d'entrée de jeu de reconnaître ce fait. À bien des égards et dans bien des secteurs, la mise en œuvre s'est bien déroulée. Nous ne sommes pas ici pour chigner ou pour nous plaindre. Nous essayons simplement d'améliorer les choses pour régler ce qui n'a pas bien fonctionné.

Ce que nous avons appris, c'est que très souvent, les fonctions répétitives, les choses plus simples, les choses à faire une seule fois dont parlent l'entente, tout cela a été fait, et bien fait. Là où le système semble ne pas fonctionner, c'est lorsqu'il faut de la créativité et de la coordination ici à Ottawa.

Dans son introduction, le président a parlé de capacité. On a assurément l'impression que les difficultés relatives à cette question de capacité sont exclusives au Nord, aux régions. Il y a également un problème de capacité ici à Ottawa, un problème qui empêche une mise en œuvre complète et totale de l'entente concernant le Nunavut, et c'est pour cette raison que dans notre long mémoire, que nous vous avons fait remettre, nous ne voulions pas simplement parler d'une litanie de problèmes, mais que nous voulions suggérer des pistes de solution qu'à votre tour, vous pourriez peut-être recommander au gouvernement. C'est la raison pour laquelle nous vous avons fait réentendre les commentaires que vous faisait il y a quelques semaines le sous-ministre, M. Wernick. Lorsqu'on relit le compte rendu, on constate que M. Wernick est passé à deux doigts de dire que, même avec une nouvelle politique, nous n'avons pas les moyens, nous n'avons pas la capacité de mettre l'entente à exécution. C'est la raison pour laquelle nous vous avons fait des recommandations relativement larges au sujet de l'appareil de l'État.

Le sénateur Sibbeston : Recourir aux tribunaux est vraiment une intervention de dernier ressort, animée par un sentiment de désespoir, pour pousser le gouvernement fédéral à bouger dans le sens de la mise en œuvre. Mais avec quel résultat? Pensez-vous que vous allez devoir aller jusqu'au bout de la poursuite ou plutôt que cet appel aux tribunaux a poussé le gouvernement fédéral à prendre conscience du sérieux de vos intentions et à comprendre que vous alliez vous adresser aux tribunaux si vous n'aviez pas d'autre choix? Cette poursuite a-t-elle fait bouger le gouvernement fédéral? Êtes-vous optimistes, pensez-vous que cela puisse être une solution?

Alastair Campbell, conseiller principal en politiques, Nunavut Tunngavik Inc. : Permettez-moi de revenir à autre chose, à une autre question que vous m'aviez posée et qui était directement en rapport avec cela. Vous aviez parlé d'arbitrage. Depuis quelques années, lors de nos rencontres avec un certain nombre de gens à qui nous essayons d'expliquer les problèmes que nous rencontrions pour assurer la mise en œuvre de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, les gens nous demandaient pourquoi nous ne traînions pas le gouvernement devant les tribunaux. Nous répondions alors que nous n'étions pas encore rendus à ce point-là. Or, au bout du compte, la NTI en est arrivée précisément à ce point-là jugeant qu'il n'y avait pas d'autre possibilité. Rien d'autre n'avait produit de résultat.

On trouve effectivement dans l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut une disposition relative à l'arbitrage, une disposition très semblable à ce qu'on trouve dans les autres accords sur les revendications territoriales. De prime abord, on pourrait croire que l'arbitrage est effectivement une solution. Si un litige persiste, on passe à l'arbitrage. Mais en réalité, il faut d'abord passer par deux étapes importantes. La première est celle de la conciliation, et en l'occurrence un conciliateur avait été nommé, monsieur le juge Thomas Berger. Le conciliateur avait déposé ses rapports et, en fait, ses rapports n'avaient guère été pris au sérieux par le gouvernement. À tout le moins, il ne leur avait pas donné suite. En second lieu, toujours en ce qui concerne l'arbitrage, l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut prescrit que les deux parties doivent s'entendre pour passer à l'arbitrage. Plusieurs fois, la NTI a essayé de renvoyer des différends à l'arbitrage, et chaque fois le gouvernement fédéral a refusé. Et c'est précisément l'absence d'un autre mécanisme de règlement des différends qui a contraint la NTI à se tourner vers les tribunaux.

J'ajouterais qu'en comparaison, la Convention définitive des Inuvialuit prévoit elle aussi un recours à l'arbitrage, mais, dans ce cas-là, chacune des deux parties peut, seule, invoquer ce recours. Les Inuvialuit l'ont fait plusieurs fois d'ailleurs, ils ont été capables de le faire, et ils ont eu gain de cause. Pour nous, cette possibilité n'existe pas.

Une explication qu'on peut trouver dans l'un des rapports du vérificateur général est que les fonctionnaires auraient affirmé ne pas pouvoir aller à l'arbitrage en raison de l'éventualité de répercussions financières et aussi que cela empièterait sur la souveraineté du Parlement en matière d'affectation de crédits. Monsieur le juge Berger affirme que pratiquement toutes les décisions rendues en arbitrage ont des conséquences financières directes ou indirectes, ou à tout le moins obligent à l'une ou l'autre dépense pour faire quelque chose. Or, s'agissant de monsieur le juge Berger, ce qu'il a dit, c'est que le gouvernement ne peut pas utiliser une excuse systématique pour refuser toute demande d'arbitrage, essentiellement ce qu'il fait actuellement. Il ne peut pas inscrire dans une entente une disposition disant qu'il peut y avoir arbitrage pour dire ensuite que cela ne veut rien dire parce qu'il faut qu'il donne son accord, alors qu'il ne le donne jamais. C'est un genre de disposition qui, d'une certaine façon, est ambiguë.

En ce qui concerne la poursuite et ce qu'il en adviendra, le gouvernement tente toujours de savoir jusqu'à quel point nos intentions sont sérieuses. Même s'il est peut-être ouvert à la possibilité d'examiner d'autres pistes, je dirais quant à moi que le processus de recours aux tribunaux semble devoir poursuivre sa route. Jusqu'à présent, nous n'en sommes même pas encore rendus au stade de la communication préalable. Le développement le plus récent a été que le gouvernement du Canada a tenté de pousser la NTI à citer le gouvernement du Nunavut comme codéfendeur, et la cour a pris cette demande en délibéré. Voilà essentiellement où nous en sommes pour l'instant.

Le sénateur Campbell : Je vous remercie beaucoup d'être venus aujourd'hui et je vous souhaite la bienvenue.

Je doute beaucoup que vous veuillez utiliser dans la même phrase le mot « créativité » et le sigle « AINC ». J'ai un peu le sentiment que le ministère est dépourvu de toute créativité. Ce que vous m'avez dit me le confirme. Tout ce que nous entendons du ministère, et cela vaut aussi pour le sous-ministre, ce sont des excuses, mais jamais des solutions. Souvent je m'interroge, ici à cette table, et je me demande ce qu'il en serait si vous étiez une grosse compagnie du secteur privé aux prises avec le même problème face au gouvernement. Je vous dirais dans ce cas-là, une solution aurait déjà été trouvée et vous n'auriez pas eu à vous adresser à nous.

Ce qui est intéressant, c'est que lorsqu'il est venu témoigner ici, le sous-ministre, M. Wernick, nous a affirmé qu'il y avait déjà eu de nombreux entretiens au sujet des dispositions en matière de financement qu'on trouve dans l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, surtout dans le domaine de l'éducation. Toutefois, il a ajouté que le ministère « offrait toujours d'essayer de négocier une entente appropriée sur ces éléments-là, et [que] cette offre tenait toujours. » Étant donné ce qu'affirme ainsi le sous-ministre, pouvez-vous nous dire pourquoi, jusqu'à présent, les négociations n'ont pas réussi à aboutir à un règlement satisfaisant? Il nous dit qu'il est prêt à vous écouter, à vous rencontrer, à vous parler, or chaque fois que vous lui dites : « Soumettons la chose à l'arbitrage et nous verrons bien ce qu'il adviendra », il refuse. Pouvez-vous me dire ce qui empêche d'arriver à un règlement dans chacun de ces dossiers?

M. Fenge : Tout d'abord, nous partons du principe qu'il y a, au gouvernement, de très nombreux fonctionnaires hautement qualifiés, diligents et dévoués, et cela, il est important de le dire. Par contre, il y a également des problèmes systémiques qui entravent le processus décisionnel et qui empêchent la prise de décision rapide, efficace et efficiente. Cela, le sous-ministre l'a reconnu devant vous.

En tentant de négocier la reconduction d'un contrat de mise en œuvre sur dix ans, nous avons rencontré une foule de problèmes. Il y avait d'abord le fait que le négociateur nommé par le gouvernement canadien n'avait pas un mandat suffisant, qu'en fait il était subordonné à une direction arbitraire, et il y avait également le fait que le ministère ne semblait ni pouvoir ni vouloir faire venir de l'extérieur les gens qui avaient les compétences voulues pour participer aux négociations. Le ministère s'est arrogé le droit de jouer les coordonnateurs, mais nous avons le sentiment que, lorsqu'il essaie de motiver les autres instances pour les faire venir à la table, il ne s'y prend pas très bien, ce qui explique pourquoi la plus grande partie de nos recommandations concernent le problème central, comment arriver à obtenir des décisions de la part de cette grosse machine bureaucratique qui se trouve ici à Ottawa.

C'est pourquoi nous avons dit qu'il serait utile que vous recommandiez le transfert de cette responsabilité du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, soit, essentiellement, une agence périphérique à Ottawa, au Bureau du Conseil privé. Le Bureau du Conseil privé, un organisme central, a de meilleures chances de réunir les divers intérêts du gouvernement du Canada en vue d'une mise en œuvre entière et complète de notre accord, et d'autres accords également j'imagine.

J'espère que cela répond, du moins en partie, à votre question.

Le sénateur Campbell : Je veux qu'il soit clair que lorsque je parle du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, je parle de l'organisme et non des gens qui y travaillent. Le ministère, pour être très honnête, a été créé de façon paternaliste et ne s'est jamais vraiment libéré de ce paternalisme pour arriver à l'ère moderne et régler les questions soulevées par nos Premières nations. Dans l'ensemble, je ne crois pas que ce soit les gens qu'il faille blâmer, mais bien plutôt la culture de l'organisation, qui refuse de changer.

Ma question concerne la participation insuffisante du gouvernement au processus d'arbitrage. En 2003, la vérificatrice générale a découvert qu'aucun cas n'avait été soumis au groupe d'arbitrage. Est-ce toujours le cas, même après 15 ans?

M. Campbell : Rien n'a changé.

Le sénateur Campbell : Il n'y a jamais eu d'arbitrage?

M. Campbell : Non.

Le sénateur Dallaire : Lorsque j'ai comparu devant le comité du Sénat américain sur les droits de la personne et le droit, un sénateur républicain a immédiatement déclaré qu'il ne croyait pas en l'ONU parce que ses représentants étaient tous des escrocs et prenaient 25 p. 100 de tout l'argent avant de faire quoi que ce soit. Ça ne m'a pas donné le goût de tenter de le convaincre du contraire.

Toutefois, je suis d'accord avec la position du sénateur Campbell relativement au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je ne crois pas que ce soit un ministère pour lequel les gens entretiennent nécessairement de la rancune. Aucunement. Toutefois, je ne suis pas certain que cet organisme soit en fait sorti de l'ère coloniale pour répondre aux défis qui sont soulevés.

Je tente de comprendre — tout comme mes collègues, j'en suis sûr — ce qui ne fonctionne pas dans le concept et le fondement de la méthode de travail de ce ministère. Ce qui m'amène, si vous le permettez, à votre accord.

En 1999, vous avez signé une entente, et les notes font état d'un règlement, de 1,17 milliard de dollars en avantages financiers sur 14 ans, avec un partage des ressources et ainsi de suite. Vous entamez maintenant une poursuite d'un milliard de dollars, parce que selon vous, la mise en œuvre des dispositions de l'entente représente environ 123 millions de dollars annuellement.

Ma question s'adresse à vous et à ceux qui étaient là en 1999 et avant. Durant les négociations, a-t-il à n'importe quel moment été question d'une source garantie de financement pour la mise en œuvre, en plus du montant que vous obteniez pour la revendication territoriale comme telle? Est-ce que quelqu'un, à un moment donné, a indiqué qu'il fallait prévoir 1,3 million de dollars par année dans le budget pour la mise en œuvre — ou vous a-t-on simplement promis de régler les détails et le financement plus tard?

M. Eetoolook : Soit M. Fenge, soit M. Campbell répondra à cette question.

Mais avant, vous parlez de l'indemnisation que nous avons reçue du gouvernement fédéral, soit 1,14 milliard de dollars. Il s'agissait d'une indemnité pécuniaire. En plus, le gouvernement a convenu de mettre en œuvre une partie de l'accord.

Il convient de noter que certaines des dispositions mises en œuvre coûtent cher aux Inuits. Surtout l'article 23, qui traite de l'embauche d'Inuits au sein du système gouvernemental. Cet article n'a pas été mis en œuvre, ce qui fait en sorte que nous perdons d'importantes sommes d'argent à cet égard, même si le gouvernement est un des signataires de l'accord. Nous aimerions que ces dispositions soient mises en œuvre afin que l'accord prenne davantage son sens.

Nous ne voulons pas utiliser l'indemnité pécuniaire des revendications territoriales; cet argent a été mis de côté pour les générations futures. Il est actuellement à la banque et rapporte des intérêts. Nous visons également d'autres dispositions de l'accord.

M. Fenge : De 1992 à 1993, un contrat de mise en œuvre sur dix ans a été négocié entre les deux parties. Lorsque l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut a été ratifié par les Inuits au moyen d'un vote et par le Parlement du Canada, un autre document, de 150 à 200 pages, a également été publié. Ce document contenait les données de budget pour les institutions du gouvernement populaire. Ce document prétendait enclencher la mise en œuvre.

Toutefois, il est évident que le document avait été négocié de façon naïve, parce que nous n'avions pas entamé la mise en œuvre de l'entente. Dix ans plus tard, nous avions des examens et toutes sortes d'expériences, dont nous voulions profiter dans le cadre du renouvellement et de la renégociation du contrat de mise en œuvre pour les dix prochaines années. Nous n'avons jamais pu en venir à une entente avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien à ce sujet, parce que celui-ci était profondément attaché à ce qui avait été convenu en 1992 et 1993.

Le sénateur Dallaire : J'y reviens. Dans une entente séparée, des fonds étaient affectés annuellement pour la mise en œuvre, bien qu'il soit possible que les données ne soient pas complètes. C'est bien cela? Le gouvernement fédéral s'est-il engagé à affecter des fonds pour la mise en œuvre de ces dispositions?

M. Fenge : La réponse courte est oui. Toutefois, il ne s'agissait pas de fonds affectés. Il s'agissait d'un document de 200 pages qui décrivait combien d'argent irait à chacun des organismes à diverses fins.

Le sénateur Dallaire : Ces divers organismes font-ils partie de votre structure?

M. Fenge : Oui.

Le sénateur Dallaire : Cependant, le gouvernement fédéral a-t-il identifié la source de financement? La source a-t-elle été identifiée dans un contrat?

Au cours des dix années qui ont suivi, le ministère en question a-t-il procédé à un examen des fonds qu'il s'était engagé à affecter au processus de mise en œuvre — parce que vous demandez probablement davantage aujourd'hui? Y a-t-il eu des discussions à ce sujet?

M. Fenge : Donnez-moi un instant pour y penser. La réponse à votre question est oui. Nous discutons régulièrement de la mise en œuvre de diverses dispositions et sections de l'accord.

Par exemple, nos discussions se poursuivent sur les ententes sur les répercussions et les avantages pour les Inuits, ERAI, en ce qui a trait aux parcs et aux aires de conservation. On a eu beaucoup de difficultés à faire financer ces ERAI. Vous parlez de la source de financement. On a eu beaucoup de difficultés à obtenir le montant qui, selon l'entente négociée, devait être accordé au Service canadien de la faune pour la mise en œuvre des ententes.

Je ne veux pas insister sur la question du financement, bien qu'il s'agisse évidemment d'une question importante. Nous ne sommes pas ici seulement pour parler d'obtenir davantage d'argent; nous voulons aussi parler de paramètres politiques et d'enjeux.

M. Campbell : Certains éléments de l'entente nécessitent des négociations, comme les ententes sur les répercussions et les avantages pour les Inuits qui traitent des parcs. Rien ne peut être décidé d'avance, parce que les sommes d'argent nécessaires doivent d'abord faire l'objet d'un processus de négociation.

Ce qui nous cause des difficultés, par exemple — et la NTI en a parlé lors de sa comparution du 4 décembre — c'est l'argent qui est affecté aux institutions du gouvernement populaire, comme la Commission du Nunavut chargée de l'examen des répercussions, la Commission d'aménagement du Nunavut, et ainsi de suite. Un budget leur a été alloué, et après dix ans, on se demande combien il leur faudra pour les dix prochaines années?

Ces institutions ont préparé leurs budgets, NTI a préparé ses prévisions budgétaires et le gouvernement du Nunavut, les siennes. Essentiellement, le gouvernement fédéral voulait donner suite à l'ancien budget.

C'est l'une des questions que le juge Thomas Berger a été appelé à examiner. Il a recommandé des montants sur lesquels au bout du compte, NTI, les institutions, le gouvernement du Nunavut et le gouvernement du Canada se sont entendus. Il a fallu quand même près de deux ans après cette entente pour que l'argent soit versé. Ces institutions vont fonctionner sans financement supplémentaire pendant deux ans encore.

Le sénateur Dallaire : Je n'essaie pas de savoir la méthodologie qui a été utilisée. La raison de votre présence ici, ce n'est pas parce que vous voulez plus d'argent. Cependant, pourquoi vous retrouvez-vous dans une situation catastrophique et sans argent pour financer pendant deux ans un programme lorsque le gouvernement établit des plans cinq ans à l'avance et d'autres ministères planifient d'importants projets 15 à 20 ans à l'avance?

À mon avis, cet exercice distinct de mise en œuvre est un projet général qui comporte une série de projets distincts qui relèvent de ministères distincts pour répondre aux exigences distinctes d'une mise en œuvre générale.

Avez-vous eu l'impression qu'il s'agissait d'un projet omnibus qui nécessitait une approbation de la part du gouvernement et l'établissement de postes budgétaires à cet égard?

Croyez-vous que Affaires indiennes et du Nord canadien avait été chargé d'influencer le financement et les autorisations au sein des autres ministères afin d'obtenir ces fonds des organismes centraux pour mettre en œuvre cette entente? Vous avez parlé du bureau de gestion de projet, mais avez-vous eu l'impression qu'on leur avait confié ce mandat et qu'il s'en acquittait effectivement?

M. Campbell : La réponse est simple : MAINC estime qu'il a le mandat de s'acquitter de sa responsabilité ministérielle, mais d'autres ministères qui ont des obligations doivent assumer leurs responsabilités.

Le sénateur Dallaire : Lorsque vous soutenez que cela relève du gouvernement du Canada, vous êtes voué à l'échec parce qu'il faut que ce soit un ministère au gouvernement fédéral qui ait la responsabilité générale d'un programme omnibus auquel participent d'autres ministères. Ce programme est bien entendu coordonné par le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, mais essentiellement, si un ministère ne prend pas l'initiative et ne demande pas un poste budgétaire deux ou trois ans à l'avance, personne ne se proposera pour défendre ces initiatives simplement parce qu'on leur a confié une tâche que personne ne semble chapeauter.

Avez-vous l'impression que tous les ministères considèrent qu'ils n'ont pas ce pouvoir ultime, et que cette responsabilité devrait relever de MAINC? Dans le cadre de vos négociations, avez-vous eu l'impression que MAINC considère qu'il n'a pas vraiment le pouvoir lui non plus de les influencer pour obtenir l'argent de sorte qu'il se trouve dans une situation incertaine?

M. Fenge : Votre analyse est essentiellement correcte. Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous venez de dire. Vous devez reconnaître qu'il s'agit en majeure partie d'activités qui se déroulent au sein du gouvernement fédéral, et nous n'avons qu'un aperçu restreint de ce qui se passe dans ce genre d'activité interne. Notre expérience de divers aspects et dispositions de l'accord conclu avec le Nunavut, c'est que MAINC semble incapable de coordonner, d'obliger, d'inciter ou d'encourager d'autres organismes à prendre les mesures voulues. C'est la raison, pour revenir au point fondamental qui a été soulevé, qu'il existe un problème de capacité de même qu'un problème de volonté, un problème structurel et un problème systémique. C'est la raison pour laquelle les critiques que nous vous exprimons en ce qui concerne la mise en œuvre visent la façon dont fonctionne le gouvernement du Canada.

Le sénateur Dallaire : Si on ne prévoit pas de postes budgétaires pour un projet comme celui-ci, on n'y consacrera pas les ressources humaines nécessaires. Il n'existe aucune garantie que vous recevrez l'argent qui est déjà prévu; ils ne s'en occuperont pas. Ils ont des millions d'autres tâches dont ils doivent s'occuper. Mon impression, c'est qu'il n'y a jamais eu de programme omnibus dans le cadre duquel un ministère principal se voit confier le mandat d'influencer d'autres ministères pour obtenir les fonds en question et pour garantir que ces fonds soient prévus dans le processus budgétaire. C'est, je crois, ce que vous êtes vous aussi en train de me dire. Ai-je raison?

M. Fenge : Oui, vous avez raison.

M. Eetoolook : Pourrais-je demander à Laurie Pelly de parler de l'Entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuits? Cela faisait partie de la question.

Le président : Chers collègues, le temps file et nous avons d'autres personnes que nous voulons entendre. Je propose que si nous avons des questions qui concernent directement NTI, nous devrions les poser. S'il s'agit de questions générales, nous pourrions proposer que ces questions soient posées au prochain groupe de témoins. J'essaie d'accélérer les choses pour que tout se déroule le mieux possible.

Que m'avez-vous demandé, monsieur Eetoolook?

M. Eetoolook : Je voulais que Mme Laurie Pelly nous parle de l'entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuit.

Le président : Oui, elle le peut, très brièvement. Pourriez-vous nous préciser votre nom et votre titre?

Laurie Pelly, conseillère juridique, Nunavut Tunngavik Inc. : Je m'appelle Laurie Pelly : je suis conseillère juridique auprès de NTI. Je pourrais vous donner un bref exemple d'une situation qui permettrait de répondre à votre question.

Les Ententes sur les répercussions et les avantages par les Inuit doivent être négociées en vertu de la revendication territoriale en ce qui concerne les parcs et les zones protégés. Le Service canadien de la faune, le SCF, était responsable de cette négociation. Nous avons entamé les discussions avec eux en 1998 afin d'élaborer l'entente en question. Au départ, ils n'avaient aucune idée qu'ils étaient tenus d'offrir des avantages monétaires aux Inuit dans le cadre de cette entente. Il s'agissait de personnes qui s'occupaient d'oiseaux. Ils ne comprenaient pas de quoi il s'agissait. Il a fallu quatre ans au NTI pour aider le SCF à déterminer une source de financement au sein du MAINC à laquelle ils pourraient avoir accès pour négocier une entente.

Quatre ans plus tard, en 2002, ils ont déterminé qu'il fallait un montant de 8,3 millions de dollars pour négocier cette entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuit. Nous attendons toujours ce financement de 8,3 millions de dollars. Nous avons négocié l'entente sur une période de deux ans, de 2002 à 2004. Jusqu'à présent, le SCF et Environnement Canada ne sont toujours pas en mesure de confirmer ce financement de la part de MAINC.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Ma question est simple. Étant donné que le gouvernement ne respecte pas les traités qui visent à assurer le bien-être des Premières nations, croyez-vous que l'ensemble des membres des Premières nations devrait poursuivre le gouvernement parce qu'il ne respecte pas les traités?

M. Fenge : Fondamentalement, la réponse à votre question c'est non. Cependant, vous avez entendu le témoignage de M. Linklater du Conseil des Premières nations du Yukon. Un certain nombre de sénateurs lui ont demandé pourquoi il était si satisfait de la mise en œuvre. Vous constaterez que les expériences diffèrent à cet égard. En ce qui concerne les poursuites intentées par NTI, c'est strictement en raison de circonstances propres à NTI.

Le sénateur Adams : Je tiens à vous remercier d'être revenu à Ottawa. Il est possible que le mois prochain on élise le nouveau président de NTI. Je tenais simplement à le préciser.

Il y a longtemps que j'entends parler de l'entente. Combien de ministères ont participé aux négociations? J'ai entendu dire que chaque ministère a participé aux négociations pour l'argent. Pouvez-vous nous donner une idée du nombre de ministères qui ont participé aux négociations? J'ai entendu dire que certains ministères considèrent que ce n'est pas leur responsabilité, que d'autres ministères sont responsables. Est-ce vrai? Ils négocient depuis les quatre ou cinq dernières années.

M. Fenge : Si je comprends bien la question, vous semblez indiquer qu'il y a des ministères qui se rejettent la responsabilité.

Le sénateur Adams : On pourrait peut-être commencer avec MAINC. MAINC dit qu'il n'a rien à voir avec cet accord. D'autres ministères, Pêches et Océans Canada ou Parcs Canada indiquent qu'ils n'ont aucune responsabilité à cet égard.

M. Fenge : Mes collègues me corrigeront si je me trompe, mais je ne crois pas que ce soit le problème. Ils ne se rejettent pas nécessairement la responsabilité. Les ministères fonctionnent selon leurs objectifs stratégiques. De nombreux ministères n'ont pas encore compris que les ententes sur les revendications territoriales globales prévoient des droits et des avantages enchâssés dans la Constitution, qui priment sur les politiques ministérielles. Il nous faut une présence solide, capable d'assurer la coordination — et nous proposons le Bureau du Conseil privé — pour sensibiliser les ministères à cette réalité et les aider à sortir de leur cloisonnement. Il ne s'agit pas simplement de se renvoyer la balle. Il s'agit d'accepter et d'assumer ses responsabilités.

Le sénateur Adams : Dans l'intervalle, nous avons besoin de l'argent, car le gouvernement du Canada a un rôle à jouer au chapitre de l'emploi aussi, si l'on veut que les Inuits aient accès à plus d'emplois. Or, le gouvernement du Canada nous affirme qu'il peut s'occuper de tous ces oiseaux, phoques et baleines, et qu'il n'a pas besoin des Inuits pour le faire.

Quand je me suis rendu au Nunavut la semaine dernière, j'ai assisté au débat sur le budget. Les gens commencent à en avoir assez de certaines questions, surtout quand ils entendent parler des ours polaires qui sont décimés à cause du changement climatique. C'est sans rapport. Les habitants du Nord me disent qu'ils voient plus de mammifères qu'auparavant. Les Inuits en savent davantage sur la préservation de leur avenir et la gestion de ces espèces dans le Nunavut, dans le Nord.

M. Eetoolook : Souvent, quand nous devons faire affaire avec les ministères fédéraux, nous devons d'abord faire de la sensibilisation, bien que j'estime qu'il incombe au gouvernement de renseigner ses ministères sur les revendications territoriales dans le Nunavut. Dans bien des cas, nous éprouvons de la difficulté quand nous tentons de faire respecter les revendications territoriales dans le Nunavut.

M. Campbell : Cela mérite peut-être d'être signalé, puisque vous avez parlé des moyens de subsistance des gens et ainsi de suite. Un aspect important est l'article 24, qui se rapporte aux marchés publics. Pour l'essentiel, le gouvernement du Canada n'a pas réussi à élaborer une politique pour mettre en œuvre l'article 24 de façon uniforme. Je peux vous donner un bon contre-exemple, c'est celui de la Défense nationale à qui on a confié l'assainissement des sites du réseau avancé de préalerte dans le Nord. Conformément à l'article 24, on a négocié avec la NTI. Cette entente garantissait que plus de 70 p. 100 des emplois seraient inuits et que plus de 70 p. 100 de la valeur des contrats profiteraient à des Inuits. Pour une raison quelconque, d'autres ministères fédéraux trouvent difficile de suivre cette voie. Ce n'est pas le cas de la Défense nationale. Ce cas illustre une bonne façon de faire les choses.

Le sénateur Hubley : Nous sommes saisis de la question de savoir à qui incombe le règlement de ces questions relatives aux revendications territoriales. Pour certains, ce devrait être le Bureau du Conseil privé. Cela règlerait-il tous les problèmes auxquels nous nous heurtons? Devrait-on prévoir du financement et des dates d'échéance pour tenter de résoudre quelques-unes de ces questions? Il semble y avoir une rupture entre les divers ministères fédéraux.

M. Fenge : Vous le savez mieux que nous, les choses progressent très lentement à Ottawa. En préparant nos recommandations, nous avons cherché à savoir comment faire progresser les choses rapidement. À notre avis, une coordination à des échelons supérieurs est nécessaire. D'après nous, il serait logique de retirer le dossier à un organisme périphérique, où les choses s'enlisent, pour le confier au Bureau du Conseil privé.

Nous savons aussi que pour que les choses progressent, il faut les secouer constamment. À cet égard, les rapports du vérificateur général constituent une façon de secouer les choses. L'autre recommandation principale que nous formulons est d'établir un commissaire pour la mise en œuvre des traités modernes. Il existe de nombreux modèles de commissions et de commissaires. Peu importe la solution retenue, il y aura toujours des problèmes quant il s'agira de faire bouger les choses. Nous vous avons fait deux recommandations, la première concerne la coordination et la deuxième concerne la création d'un poste de commissaire aux traités modernes pour faire avancer les choses. Nous estimons que ces deux recommandations vont de pair.

Le sénateur Hubley : Pour revenir aux dates d'échéance, devrions-nous fixer maintenant un délai raisonnable pour la conclusion de certaines questions liées à la mise en œuvre?

M. Campbell : Certaines dates d'échéance contenues dans l'entente n'ont pas été respectées. Oui, c'est bien d'établir des dates d'échéance, mais celles-ci ne sont pas suffisantes en soi.

Un bon exemple est la date d'échéance fixée en 1999 pour la création du gouvernement du Nunavut. On a procédé par voie législative, et ça s'est concrétisé, mais les circonstances étaient quelque peu uniques en leur genre, d'autant plus que c'était motivé par une volonté politique aux plus hauts échelons. L'échéance a donc été respectée. En revanche, les questions de moindre importance ne suscitent pas autant d'attention, et il est très difficile de faire des progrès.

Il faudrait s'attaquer au problème des processus d'affectation des crédits liés a la mise en œuvre des revendications territoriales.

Le sénateur Peterson : À mon avis, le MAINC est dysfonctionnel et semble incarner davantage le problème que la solution. Dans cette optique, votre proposition de créer un poste de commissaire à la mise en œuvre investi de certains pouvoirs pourrait être la solution qui nous mènerait vers la résolution des discussions interminables sur la façon de régler les choses.

Monsieur le président, j'ai l'impression que nous devrions le recommander et en assurer le suivi.

Le président : Merci, chers collègues. M. Eetoolook a bien résumé la situation quand il a dit que nous ne pouvons pas compter sur le MAINC pour diriger l'orchestre. Nous avons besoin d'un nouveau chef d'orchestre. À un moment donné, à sa comparution, le sous-ministre a indiqué qu'il était difficile d'assurer l'harmonie de l'orchestre.

Malheureusement, le temps est notre pire ennemi. Nous avons un autre groupe de témoins. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de nous rencontrer, d'être venus d'aussi loin; merci de votre exposé qui était excellent et direct. C'était un honneur de vous avoir avec nous. Je vous remercie.

Nous avons devant nous maintenant des représentants du Grand Conseil des Cris. Les témoins sont Brian Craik, directeur des relations fédérales et Bill Namagoose, directeur exécutif.

Messieurs, bienvenue au comité. Merci d'avoir pris le temps de comparaître devant nous. J'espère que vous serez en mesure d'éclairer la lanterne du comité et de répondre à des questions des membres du comité après votre déclaration.

Les sénateurs s'intéressent assurément à la résolution et à l'amélioration du processus de mise en œuvre de nos traités globaux signés avec l'État fédéral.

Monsieur Namagoose, vous avez la parole.

Bill Namagoose, directeur exécutif, Grand Conseil des Cris : Merci de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui. Je ferai une brève déclaration, car je crois que vous voulez poser des questions.

La Convention de la Baie James et du Nord québécois a été signée en 1975 après un règlement à l'amiable survenu après notre contestation réussie de la construction du complexe hydroélectrique La Grande devant la Cour supérieure du Québec. S'il est vrai que la décision relative à notre injonction a été infirmée plus tard par la Cour d'appel, il n'en demeure pas moins que la reconnaissance de nos droits a suscité des interrogations qui ont mené aux négociations avec le Canada et le Québec. Elle a aussi contribué à la raison d'être du cycle de négociation de traités modernes au Canada.

En 1975, les Cris et les Inuits du Nord du Québec, le Canada et le Québec ont signé la Convention de la Baie James et du Nord québécois. En 1982, les droits des Cris et des Inuits prévus dans cette convention ont été protégés par la Constitution du Canada. Entre autres, la convention contient des dispositions relatives aux droits des Inuits et des Cris dans divers domaines, notamment les échanges légaux, les éligibilités, les terres, les barrages hydroélectriques, les pouvoirs locaux, le gouvernement régional, la santé et les services sociaux, l'éducation, la police et les services de justice, la protection environnementale et le développement futur, la chasse, la pêche, le piégeage, l'indemnisation, la fiscalité, le développement économique et social, de même qu'une disposition relative à un programme de sécurité du revenu pour les chasseurs et les trappeurs cris.

En 1986, le gouvernement fédéral a éliminé la possibilité d'inclure la santé et les services sociaux, l'éducation, la justice, les services policiers et d'autres programmes relatifs à la formation et au développement communautaires des ententes sur les revendications territoriales.

Les Cris ont été critiqués en 1975 par de nombreux groupes autochtones au Canada pour avoir signé une convention avec le Canada et le Québec. D'une certaine façon, ils estimaient que cela affaiblissait la relation entre les Autochtones et la Couronne impériale. Or, nous cherchions à faire partie du Canada en des termes qui favorisaient le plus notre peuple.

Nous avions vu les services en santé que le Canada offrait à notre peuple à l'hôpital de Moose Factory et dans les postes infirmiers dans nos collectivités, et nous les avons comparés aux services sociaux et de santé qu'offre aujourd'hui le Québec, et nous n'avons jamais regretté notre décision.

Nous avons fait de même dans l'éducation. Nos écoles fédérales étaient en piteux état et dirigées par des gens qui, en général, s'engageaient peu et ne connaissaient pas bien la collectivité. Les provinces participaient plus et avaient des normes élevées pour la santé, les services sociaux et l'éducation, alors que le gouvernement fédéral utilisait une approche minimaliste, comme s'il attendait que le problème autochtone disparaisse. En conséquence, nous avons vu une amélioration immédiate dans la prestation de services. Cependant, même avec le Québec, il a fallu un certain nombre d'années pour que les normes provinciales soient appliquées. Avec le gouvernement du Canada, c'était pire.

Cinq ans après la signature de l'accord, les autorités fédérales prétendaient que la mise en œuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois coûterait quelques millions de dollars de plus. Dès 1980, nos collectivités souffraient d'épidémies semblables à celles de Walkerton. Les gens en mouraient. Nous avons fait des pressions auprès d'Ottawa et, en 1982, un rapport fédéral sur la mise en œuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois a été publié. Cet effort nous a permis d'obtenir des réseaux d'aqueducs et d'égouts, des aéroports pour nos collectivités éloignées, la rénovation des postes infirmiers de la clinique de santé des Cris, qui relevait auparavant du fédéral, et en 1984, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a été adoptée et le financement pour le fonctionnement et l'entretien a été triplé.

Nous n'avions toujours pas suffisamment de logements. Le gouvernement fédéral n'avait pas investi dans les services policiers et juridiques. Les fonds nécessaires et promis pour la formation ne nous ont pas été donnés. Les initiatives de développement économique étaient sous-financées ou pas financées du tout. Lorsqu'en 1989, le Québec a demandé d'autres barrages, notre peuple s'y est opposé parce que certaines parties de l'accord de 1975 n'avaient pas été respectées. En conséquence, notre peuple n'était pas prêt à accepter de nouveaux barrages. Pendant six ans, nous avons mené une campagne internationale qui a bloqué le projet hydroélectrique de Grande-Baleine et les projets NBR. Nous avons empêché le détournement de sept rivières importantes et nous avons sauvé 12 000 kilomètres carrés de terres.

En 1994, le Québec et les Cris ont entamé des discussions pour renouveler notre relation. Pourquoi avons-nous fait cela? Nous n'avancions plus, donc nous devions trouver une façon de vivre en paix. Après six ans de discussion, notre peuple ne voulait plus accepter d'autres projets hydroélectriques tels que proposés par Hydro-Québec et Québec, même si l'inondation ne touchait que quelques centaines de kilomètres carrés. Le problème était que la participation proposée à ce projet de développement économique ne remplissait pas les obligations du Québec envers les Cris en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Suite à d'autres discussions menées en 2002, un accord a été proposé à notre peuple. Dans cet accord, le Québec s'engageait à remplir ses obligations en vertu de la Convention de la baie James et du Nord québécois pendant 50 si les Cris acceptaient les projets de Eastmain-1 et Eastmain-1A. Malgré la vive opposition des Cris, après un référendum auquel une majorité des électeurs ont participé, les résultats du vote secret donnaient un taux d'approbation de 70 p. 100. L'entente offrait aux Cris une somme de 70 millions de dollars par année indexée, qui permettait aux Cris de décider leurs priorités pour la mise en œuvre des obligations restantes du Québec envers les Cris.

Pendant la période de 1986 à 2002, nous avons négocié avec six différents négociateurs fédéraux sur la mise en œuvre fédérale de l'entente, sans obtenir de résultats. En 2002, l'entente avec le Québec donnait cependant l'exemple de normes claires et connues sur la mise en œuvre des obligations souvent conjointes du Québec et du Canada envers les Cris. Une fois de plus, avec un nouveau négociateur fédéral, nous avons entrepris des négociations. Il en est résulté que le modèle de base de l'entente avec le Québec serait utilisé pour une somme annuelle d'argent comparable sur une période de 20 ans cette fois-ci, et encore une fois, les Cris pourraient décider des priorités de mise en œuvre.

Il y a deux différences dans l'entente fédérale. Le financement reçu par les Cris sur une période de 20 ans en vertu des obligations fédérales aura un effet sur le financement lors du renouvèlement de l'entente. L'entente comprend une initiative importante reconnaissant le gouvernement de la Nation crie, et l'établissement de certaines responsabilités fédérales qui seront suivies de négociations entre les Cris, le Canada et le Québec, accélérera le développement du gouvernement régional cri.

Le financement de l'entente sur la nouvelle relation Canada-Cri comprend un paiement comptant de 1,5 milliard de dollars, et un paiement supplémentaire de 100 millions de dollars lorsque les changements que le gouvernement a déjà acceptés dans la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec recevront la sanction royale. Un troisième paiement de 200 millions de dollars sera fait lorsque la sanction royale sera donnée à la Loi sur la gouvernance de la nation crie, dans probablement trois à cinq ans. Cinquante millions de dollars supplémentaires seront versés en avril 2008 afin de régler trois questions concernant les collectivités. En retour, toutes les poursuites contre le Canada ont été retirées, et ensemble, nous avons pavé la voie pour l'avenir.

En 1975, nous étions 6 500 personnes. Aujourd'hui nous sommes plus de 17 000. En 1975, le territoire était sous- développé. Aujourd'hui, il fournit plus de la moitié de l'électricité produite au Québec. De plus, le territoire a des mines de nickel, d'or et de diamants qui sont exploitées. Nous nous préparons à profiter de ces occasions, c'est-à-dire la création d'emplois pour notre peuple dans le développement des ressources, le développement d'institutions des services, et la mise en place de la gouvernance du territoire. Plus de 90 p. 100 de notre peuple parle toujours la langue crie, et 95 p. 100 de notre peuple vit toujours dans des collectivités cries. Nous avons le taux de suicide le plus bas des collectivités autochtones au Canada, et environ le même taux que le Québec. Notre taux d'emploi, bien que variable, est généralement autour de 80 p. 100.

Merci de nous avoir permis de faire cet exposé aujourd'hui.

Le sénateur Segal : À travers l'expérience de cette entente, quelle est la règle la plus fondamentale que vous avez apprise ayant trait à la négociation avec le gouvernement? Quel est l'aspect le plus fondamental qui a fonctionné pour vous pour que l'entente soit mise en place dans les secteurs où cela a été fait de manière appropriée par le gouvernement; et qu'est-ce qui a joué contre vous dans tout ce processus? Les réponses à ces questions seront très utiles pour le comité.

M. Namagoose : Nous avons signé la Convention de la Baie James et du Nord québécois en 1975, il y a 32 ans. Dans cette entente, il y a un échange au bénéfice évident d'un développement hydroélectrique considérable dans notre territoire et qui a eu des conséquences énormes sur notre mode de vie, notre culture et notre environnement. Voilà ce qu'était l'échange.

Pour que les gouvernements du Québec et du Canada nous écoutent, nous avons dû nous opposer au développement dans le territoire. Nous avons dû arrêter le développement hydroélectrique, ce qui a causé de grands torts économiques au Québec. Hydro-Québec a perdu environ 20 milliards de dollars de contrats d'exportation tout simplement parce qu'ils n'ont pas respecté la Convention de la Baie James et du Nord québécois. On ne nous a pas inclus dans le développement économique, contrairement à ce qui était dit dans la Convention de la Baie James et le Nord québécois. Le Canada n'a pas offert de formation et d'éducation, ou de financement pour la formation et l'intégration à l'emploi et le développement. Notre perception était que le Canada voulait que les Cris ne profitent pas du développement. Le Québec et le Canada voulaient mettre de côté les Cris pour avoir les mains libres.

Nous avons dû nous affirmer, et affirmer nos droits et nos traités. Voilà la leçon que nous avons apprise. Cette entente s'appelle la paix des braves. Pour avoir un traité de paix, je pense qu'il faut qu'il y ait la guerre. Nous étions en guerre, une guerre économique, avec le gouvernement du Québec sur la question du développement qui nous a coûté très cher et qui a coûté très cher à de nombreux de nos dirigeants. Voilà la stratégie qui a fonctionné pour nous.

Nous étions prêts à négocier une solution juste et équitable qui n'aurait ni annulé, ni limité, ni diminué nos droits issus de traités.

Le sénateur Segal : Vous avez évoqué le développement, notamment économique, des membres de votre nation, et j'aimerais savoir ce qui, selon vous, a été le plus grand progrès au cours des 32 dernières années et quel est le problème qu'on tarde le plus à régler?

M. Namagoose : Les gouvernements fédéral et québécois ont adopté l'approche minimaliste. En 1975, le Québec a déclaré qu'il n'était pas responsable des peuples autochtones, que le gouvernement fédéral en était responsable. Le gouvernement fédéral, lui, a affirmé n'avoir ni la capacité ni les budgets pour assumer une telle responsabilité.

Nous avons fait progresser notre développement économique en utilisant nos indemnités pécuniaires pour le développement communautaire. Nous avons obtenu des montants minimes du gouvernement fédéral, selon cette approche minimaliste. Cela faisait partie du développement économique.

Par suite de la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, nous étions sensés participer au développement du territoire; or, Ottawa et Québec n'ont prévu aucun fonds pour l'intégration professionnelle, la formation et l'accès au territoire. Ils étaient d'avis qu'Ottawa et Québec étaient les promoteurs et que les Cris devaient rester sur les terres de catégorie 1.

Nous voulions avoir accès au territoire. Nous ne voulions pas être enfermés dans les réserves de notre territoire. Nous représentons la majorité dans le Nord québécois, une région de la taille du Nouveau-Brunswick. On ne peut écarter les Cris du développement. Nous devons être des participants à part entière.

Ce n'est qu'il y a sept ans que le service de développement des ressources humaines cri a conclu un accord avec le gouvernement du Canada sur la création d'emplois, la formation et l'intégration au territoire. Cet effort a été couronné de succès. Nous avons, grâce à cette entente, créé 1 200 emplois dans la région; nous avons subventionné des entreprises forestières, hydroélectriques et de télécommunications qui ont recruté et formé des Cris qui bénéficiaient d'une subvention. Cela a été un succès retentissant. Mais imaginez que nous ayons pu faire cela dans les années 1970.

M. Craik, directeur des relations fédérales, Grand Conseil des Cris : Le plus important, c'est que nous avons fini par établir de bonnes relations avec le Québec. Nous avons donc maintenant un conseil scolaire qui fonctionne très bien, ainsi qu'un conseil de santé.

Le Québec a pris un engagement à long terme avec les Cris. Il tient à ce que tous les services s'améliorent. Il est très important que le Québec ait pris cet engagement avec les Cris — ce sont les Cris qui prennent les décisions en général, mais Québec intervient aussi — en pensant à l'avenir.

Comme l'a dit M. Namagoose, les investissements dans l'emploi ont été importants. Les gens veulent travailler. Les Cris veulent des emplois, beaucoup de jeunes cherchent un emploi. Le taux d'accroissement démographique étant très élevé, il importe que les Cris aient accès à ces emplois le plus rapidement possible. Nous avons collaboré non seulement avec des entreprises cries, mais aussi avec des entreprises non-cries, des entreprises francophones et de grandes multinationales qui sont présentes dans notre région. Ces sociétés veulent une bonne main-d'œuvre et une main- d'œuvre locale.

Nous avons conclu des accords avec la mine Troilus et nous travaillons actuellement à une proposition pour Goldcorp Inc. aux termes de laquelle les travailleurs cris constitueraient le gros de la main-d'œuvre. Il y a d'autres entreprises minières sur notre territoire, sans compter Hydro-Québec. Nous avons signé des accords à long terme avec Hydro-Québec pour l'emploi de Cris.

Le sénateur Dyck : Pour faire suite aux questions soulevées par le sénateur Segal, je constate que vous connaissez beaucoup de succès, mais que vous y avez travaillé pendant de nombreuses années. Dans les documents que nous avons reçus, on indique que vous avez intenté des poursuites dans les années 1980, peu de temps après la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, environ cinq ans après. Il semble donc que vous ayez évité de faire appel au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien en vous adressant très tôt aux tribunaux, n'est-ce pas?

M. Namagoose : Nous avons signé la Convention de la Baie James et du Nord québécois il y a 32 ans et avons lancé des procédures judiciaires il y a 19 ans. Quand un citoyen estime que ses droits ont été lésés, il ou elle a le droit de s'adresser aux tribunaux. Toutefois, parfois le gouvernement fédéral refuse de négocier avec ceux ou celles qui le poursuivent. On nous l'a souvent répété, mais cela ne nous a pas convaincus de renoncer à notre action en justice. Toutefois, pendant que la cause était en instance, nous avons quand même continué à négocier. Le gouvernement fédéral ne répondrait jamais à une grande société de la manière qu'il l'a fait à un bon nombre de groupes d'Autochtones du Canada. Le résultat de tout cela, c'est que le jugement des tribunaux reste lettre morte. Nous avons quand même maintenu notre poursuite.

Nos rapports avec le gouvernement du Québec remontent à il y a très longtemps et sont chargés d'histoire. Si nous pouvons exercer une influence quelconque auprès du Québec, c'est parce que le Québec et le Canada ont signé la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Le sénateur Dyck : Est-il vrai que le fait que vous vous soyez adressés aux tribunaux plutôt que de collaborer avec les Affaires indiennes et du Nord Canada soit l'une des raisons pour lesquelles vous avez réussi à obtenir des crédits dans le dernier budget supplémentaire des dépenses?

M. Namagoose : Oui, notre instance en justice a donné un grand élan à l'entente que nous avions signée. Nous avons averti les gens qu'ils devaient protéger leurs droits, recourir à toutes les institutions de la démocratie pour faire avancer leurs causes et celles de leur peuple.

Le sénateur Dyck : Il semble que vous ayez fait un choix judicieux de vos outils de négociation. Vous disiez que cela a pris la forme d'un blocus des barrages hydroélectriques, et que, d'ailleurs, votre territoire est aussi très riche en ressources. C'était vos atouts les plus forts dans cette négociation.

M. Namagoose : Nous n'avons rien bloqué, ou plutôt, notre blocus a pris la forme d'une action en justice.

[Français]

Le sénateur Dallaire : En ce qui concerne la Paix des braves, c'est vrai qu'il faut une paix pour pouvoir négocier et il ne fait aucun doute que pendant la période dont on parle, soit 1993 et 1994, la paix n'y était pas.

J'étais le commandant de tout le secteur du Québec en 1995 et 1996 et je me souviens très bien des soucis qu'on avait sur un volet de sécurité dans le contexte de l'établissement d'une paix et la possibilité que des actions soient prises. Croyez-vous que cette dimension aurait évolué plus loin si votre conflit avec la province de Québec avait perduré?

M. Craik : C'est difficile de prévoir ce qui se serait passé. Mais ce qu'on constate, c'est que les Cris ont toujours défendu leurs droits publiquement. Ils ont toujours pris la position que dans la défense de leurs droits, ils devraient informer le public de leur situation. Il y avait beaucoup de sympathie de la part de la population du Québec et du Canada pour leurs droits et pour la défense de leurs droits.

Cela se faisait toujours d'une façon respectueuse de la population du Québec et du gouvernement du Québec. Après avoir gagné une petite bataille dans le conflit contre Grande-Baleine, les avocats de Hydro-Québec nous ont félicités.

Le sénateur Dallaire : Je m'en souviens.

M. Craik : C'était parce que la bataille avait été menée de façon respectueuse pour tout le monde.

Le sénateur Dallaire : Je pose la question parce que le ton, à ce moment-là, avait une allure peut-être moins calme que ce que vous venez de décrire. Je suis content qu'on ait résolu cela d'une autre façon que par des actes qui auraient pu causer des dommages aux infrastructures ou autres.

Pour regarder vers le futur, il y a énormément de pressions contre le recours à l'énergie nucléaire pour éviter d'immerger la moitié de la province de Québec pour pouvoir fournir de l'électricité à l'Ontario et ainsi de suite. Quelle est votre perspective des pressions futures, dans 20 ans, qui sont des réalités aujourd'hui dans certaines provinces en termes de besoin d'électricité de source hydroélectrique?

M. Craik : C'est difficile de voir loin dans le futur. Les Cris n'ont jamais posé de gestes causant des dommages aux infrastructures du Québec ou d'Hydro-Québec. À l'époque, il y avait un groupe dans le sud du Québec qui avait causé des dommages aux tours d'Hydro-Québec ou sur les lignes dans le sud du Québec. Pendant un petit moment, les Cri avaient été soupçonnés, mais il a été prouvé plus tard que c'était un groupe religieux dans le sud du Québec qui avait causé ce problème.

Concernant le futur énergétique du Québec, les Cris discutent entre eux; ils ont quelques projets d'énergie éolienne et il y a une grande capacité de ce type de développement dans le nord du Québec. Il y a une communauté, actuellement, qui a un projet de 500 mégawatts de puissance éolienne; c'est une possibilité. Il y a peut-être d'autres possibilités toujours dans le nord du Québec, mais on n'en discute pas. Les Cris participent à la construction du projet Eastmain-1- A et on verra.

[Traduction]

Le président : Ma question s'adresse à tous les témoins. Vous étiez présents quand les représentants du NTI ont fait leur déclaration dans laquelle ils préconisaient la création d'un poste de commissaire des traités modernes et l'ouverture d'un bureau à cet effet au Bureau du Conseil privé. Cela fait 14 ans que je fais partie de ce comité, et les Cris et les Naskapis qui ont comparu devant nous ont dit à quel point l'échec de leurs efforts visant la mise en œuvre du traité signé en 1975 les mettait en colère.

Estimez-vous que les recommandations du NTI puissent vous aider à obtenir une véritable mise en œuvre?

M. Namagoose : Si nous nous reportons à notre expérience de la mise en œuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, le gouvernement fédéral s'est servi de son propre système pour la mettre en œuvre, et cela s'est soldé par un échec. Lors de la signature de cette entente, il tenait à ce que nous fassions affaire avec le bureau régional situé à Québec. Or, il s'agit là de bureaux de district.

Il a toutefois insisté pour que la mise en œuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois soit dirigée depuis Ottawa, non du bureau. Il a ouvert ce qui a été appelé le Bureau de mise en œuvre de la Baie James et du Nord québécois, ici à Ottawa, le service chargé strictement des relations avec les Cris, les Naskapis et les Inuits qui avaient signé la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Cela a été utile parce que le bureau était situé à proximité du Conseil du Trésor et des autres administrations centrales.

Malgré cela, nous appuyons le renforcement des mécanismes de mise en œuvre au moyen d'un poste de commissaire ou d'un bureau qui serait chargé de mettre en œuvre le traité ou l'entente ou qui aurait le pouvoir de faire enquête sur les raisons du manque de mise en œuvre.

Parfois, ce qui fait problème, ce n'est pas une structure quelconque mais plutôt un manque de volonté politique. Si nous nous reportons à notre propre expérience par rapport au traité que nous avons signé, si les négociations ont été si longues, ce fut à cause de la position adoptée par le gouvernement fédéral. Nous croyons en effet savoir que le gouvernement fédéral veut dénoncer les traités. On observe une mentalité d'écrasement des traités au sein de l'appareil administratif.

Ici par exemple, une des dispositions de notre traité prévoit la construction de centres communautaires dans chacune de nos collectivités. Le ministère a interprété cela comme l'obligation d'ériger un seul centre par collectivité, après quoi, il n'a plus aucune obligation à cet égard.

Nous estimons quant à nous qu'il faut construire des centres communautaires à chaque génération, donc en perpétuité, et nous négocierons le cycle de vie d'un centre communautaire donné. À nos yeux, chaque génération a droit à un centre communautaire. Il ne s'agit donc pas d'une obligation à ne remplir qu'une fois. C'est pour cela qu'il nous a fallu beaucoup de temps pour en arriver à une entente, car nous tenions à conserver la nature permanente du traité afin qu'il couvre de nombreuses générations à venir.

Quelle que soit la structure adoptée, si la volonté de mise en œuvre du traité et de respect des droits issus de traités n'est pas au rendez-vous et si l'appareil administratif dans son ensemble est déterminé à annuler le traité en question, alors, ça ne fonctionnera pas. Ce qui compte, c'est le respect du traité et sa permanence.

Le sénateur Dallaire : Ai-je bien compris, selon vous, lorsqu'on discutait des questions que vous avez évoquées au moyen d'exemples, aux yeux de vos vis-à-vis, il s'agissait d'une obligation unique, après quoi, ils n'auraient plus à rendre de comptes par rapport à la gestion, à l'entretien, ou mises à niveau et au remplacement des bâtiments; en fait, il y aurait une seule intervention, après quoi vous absorberiez tous les coûts à venir?

M. Namagoose : Oui, telle est la position que nous avons observée chez nos vis-à-vis.

Le sénateur Dallaire : C'est ce qu'on vous proposait en face. C'est comme cela qu'on interprétait les frais de mise en œuvre?

M. Namagoose : Oui, c'est exact. À titre d'exemple supplémentaire, l'Association des trappeurs cris nous a présenté une entente échelonnée sur cinq ans et couvrant la mise en œuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, et il y est écrit qu'à la fin de ladite période, on se sera conformé aux exigences de telle ou telle disposition, « conformé » signifiant alors que ce qui est fait est définitif et qu'il n'y a pas moyen de revenir en arrière.

Voilà les difficultés auxquelles nous nous sommes heurtés et contre lesquelles nous avons combattu pendant les négociations.

Le sénateur Dallaire : Cela signifie que, dans leur base de financement, les ministères ne tiennent pas compte de ces obligations permanentes par rapport à la gestion, à l'entretien ou aux mises à niveau et qui sont inhérentes aux processus de mise en œuvre. C'est tout comme s'ils lançaient de l'argent à leurs vis-à-vis en espérant que le problème disparaisse, plutôt que d'inscrire des crédits à cette fin dans le budget de base annuel qu'ils soumettent au gouvernement. Je vous remercie beaucoup de cet éclaircissement.

Le président : Pour ma part, fort de ma longue expérience en tant que membre de ce comité, je peux affirmer que la loi est impuissante à faire respecter l'honneur. L'honneur de la Couronne sera donc respecté ou ne le sera pas. Toutefois, en tant que sénateurs, nous sommes chargés de veiller à ce qu'il le soit et que les responsabilités fiduciaires connexes le soient elles aussi.

Le sénateur Segal : Je suis d'accord avec vos propos, à ceci près qu'on peut parler ici d'un déficit contractuel ou juridique. Autrement dit, la loi commande certaines choses. Des traités sont signés, en vertu desquels certaines initiatives doivent être prises. Ajoutons à cela la politique gouvernementale dont l'application dans le domaine administratif semble être la plus lente possible pour éviter qu'on ne donne suite aux engagements pris. Peut-être est-ce à cause des pressions exercées par les centres de décision financière ou parce qu'un nouveau gouvernement a changé de priorité.

Quoiqu'il en soit, les déficits sont bien réels et ils perdurent. Aucun autre groupe de Canadiens n'a probablement souffert autant de ces lacunes de manière aussi directe que nos Premières nations, bien que nous puissions sans doute trouver d'autres exemples de gens censés bénéficier d'une loi mais contrecarrés à cet égard par un ministère, même si la loi elle-même contraignait ces derniers à agir. Il s'agit là d'un problème plus général. Toutefois, le fait que les citoyens des Premières nations soulèvent la question et agissent, tant par l'entremise des tribunaux que par d'autres moyens, nous permet d'étudier plus profondément et en permanence la question.

Le sénateur Banks a souvent fait référence à son idée simple de la loi, soit que des lois sont adoptées par les deux Chambres du Parlement sans être ni signées ni proclamées. C'est précisément le cas qui nous occupe. Il faudra bien qu'un jour quelqu'un nous dise pourquoi.

Je ne crois pas qu'il s'agisse de mauvaise foi, mais il se peut que les fonctionnaires aient espéré que le Sénat oublie un certain projet de loi, ou aient espéré que le Sénat n'insiste pas trop pour en adopter un. La triste vérité est que l'histoire leur donne raison. Nous n'avons exercé des pressions que sporadiquement. Le président a parfaitement raison et j'ai apprécié ses propos.

Le président : Merci. S'il n'y a pas d'autres questions, j'aimerais remercier les témoins d'avoir été ici ce matin. Monsieur Namagoose et monsieur Craik, vos remarques nous ont été très utiles.

Si vous pensez pouvoir nous aider davantage dans nos travaux, surtout à la lumière de ce que les autres témoins nous diront, n'hésitez surtout pas à nous envoyer vos idées. Donc, merci une fois de plus.

Honorables sénateurs, je crois que c'est tout pour maintenant. Nous allons donc lever la séance jusqu'à demain lorsque nous accueillerons les représentants de la nation Nisga'a.

La séance est levée.


Haut de page