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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 8 - Témoignages du 1er avril 2008


OTTAWA, le mardi 1er avril 2008

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 34 afin d'examiner, en vue d'en faire rapport, les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis, et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs et les témoins. Nous poursuivons ce matin notre examen de la mise en œuvre des revendications territoriales globales. Nous entendrons deux groupes de témoins pour nous aider dans nos travaux. Le premier est composé de représentants du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, de Finances Canada et du Secrétariat du Conseil du Trésor. Invité à comparaître, le Bureau du Conseil privé a décliné l'invitation. Le second groupe est composé de représentants de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, de Parcs Canada et de Pêches et Océans Canada.

Avant de commencer, j'aimerais présenter les membres du comité. Je suis le sénateur St. Germain de la Colombie- Britannique. À ma droite se trouve le sénateur Dyck et le sénateur Peterson, tous deux de la Saskatchewan.

Les signataires des ententes modernes sur les revendications territoriales ont beaucoup critiqué le gouvernement fédéral pour le manque de coordination de ses obligations conventionnelles. Même s'ils ont conclu leurs traités avec la Couronne — et non pas avec un ministère — ils doivent interagir avec différents ministères pour s'assurer qu'ils s'acquittent de leurs obligations. Ce travail est souvent coûteux, long et frustrant parce qu'il est impossible de traiter avec un seul ministère ou organisme représentant la Couronne. Le comité aimerait savoir dans quelle mesure, d'après vous, la structure organisationnelle fédérale en place est adéquate pour répondre aux nouvelles obligations du gouvernement fédéral découlant des traités et quelles améliorations pourraient être apportées.

Représentant le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, les témoins sont Mavis Dellert, directrice générale par intérim, Direction générale de la mise en œuvre ainsi que Michel Roy, sous-ministre adjoint principal, Revendications et gouvernement indien. Représentant Finances Canada, nous recevons M. Yves Giroux, directeur, Politique sociale, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale ainsi que M. Greg Gallo, chef, Politiques sur les affaires autochtones, Politique sociale. Enfin, représentant le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, nous accueillons M. Bruno Jean, analyste principal, Affaires indiennes et santé, Secteur des programmes sociaux et culturels.

Soyez les bienvenus, mesdames et messieurs. Si vous êtes prêts à commencer, nous aimerions entendre vos exposés. Nous vous poserons ensuite des questions qui nous aideront à préparer un rapport et à formuler des recommandations.

[Français]

Michel Roy, sous-ministre adjoint principal, Revendications et gouvernement indien, ministère des Affaires indiennes et du Nord : Monsieur le président, merci beaucoup pour l'invitation que vous nous avez lancée afin de discuter de la question de la mise en œuvre en compagnie de nos collègues des agences centrales.

Vous vous souviendrez que le 12 février dernier, j'ai comparu ici avec M. Michael Wernick, le sous-ministre, et M. Terry Sewell, le directeur général de la mise en œuvre. Ce matin, je suis accompagné de Mme Dellert, directrice générale intérimaire pour la mise en œuvre.

Le comité a entrepris de faire un examen minutieux des travaux du Canada en vue de mettre en œuvre des ententes sur les revendications globales et sur l'autonomie gouvernementale.

Je suis très heureux que vous ayez pris le temps, parallèlement à votre examen de la mise en œuvre des traités modernes, d'entendre plusieurs de mes collègues des autres ministères et organismes fédéraux. Cela témoigne de l'importance du fait que ces 22 traités modernes conclus dans trois provinces et trois territoires canadiens, établissent de nouvelles relations avec le gouvernement du Canada. Affaires indiennes et du Nord Canada joue un rôle important de direction, mais la réussite de la mise en œuvre est également une affaire qui concerne les nombreux autres ministères et organismes.

Nous avons suivi très étroitement les procédures du comité au cours des quatre derniers mois. Vous avez entendu les représentants d'environ les deux tiers des signataires autochtones de ces ententes modernes, de même que ceux de la coalition pour les ententes sur les revendications territoriales qui est affiliée à tous les signataires des traités modernes au Canada, ainsi que d'autres intervenants qui ont une expertise et un point de vue sur la mise en œuvre des traités modernes.

[Traduction]

En 2007, les représentants de mon secteur ont effectué des consultations complètes auprès de plusieurs des représentants que vous avez entendus au cours des quatre derniers mois. Nous avons également communiqué avec les représentants des provinces et territoires dans lesquels les traités modernes sont mis en œuvre, et nous avons écouté nos collègues des autres ministères, tant à Ottawa, où les ententes sont élaborées, que dans les régions, où est effectuée au quotidien une grande partie des travaux visant à concrétiser la mise en œuvre des traités modernes, dans toute leur complexité. Je suis convaincu que nous trouverons d'importantes similitudes dans les constatations de ces deux sources d'information.

[Français]

Je crois que nous conviendrons tous que la mise en œuvre des traités modernes est une affaire complexe et souvent difficile. Elle demande une coordination et une collaboration étroite au sein de la famille fédérale et entre le gouvernement fédéral et les autres parties signataires de l'entente : provinces, territoires et Premières nations. Malgré les difficultés à régler et les défis à relever, nous continuons à faire des progrès.

[Traduction]

Nous avons aussi collaboré avec nos collègues de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et du Secrétariat du Conseil du Trésor au sujet des nouvelles initiatives stratégiques et de formation visant à améliorer notre surveillance des ententes relatives à la passation de marchés, ainsi que notre production de rapports à cet égard. Le lancement d'un programme d'apprentissage destiné aux agents des achats du gouvernement du Canada au sujet des particularités de la passation de marchés dans les régions visées par les ententes de règlement devrait avoir lieu très prochainement. Il sera fait par l'école le 22 avril.

Je suis heureux de dire qu'un nouveau processus rationalisé vient d'être approuvé, grâce auquel nous pourrons accéder aux ressources supplémentaires requises pour mettre en œuvre les ententes sur les revendications territoriales plus rapidement. Ce nouveau cadre de financement est le résultat de l'appui et de l'étroite collaboration des organismes centraux. Nous nous réjouissons à la perspective de pouvoir compter sur leur appui constant tandis que nous nous pencherons sur la question de la durabilité des ententes sur l'autonomie gouvernementale.

[Français]

Je peux également affirmer que depuis notre dernière comparution en février, nous avons accompli des progrès sur la question du transfert des terres conformément à la convention définitive des Inuvialuits. En fait, nous avons conclu un accord de principe sur les transferts que les parties examinent actuellement dans le contexte de leur système respectif d'approbation.

De plus, en ce qui concerne les mesures de nature économique, je suis heureux de pouvoir vous dire que les parties ont convenu d'une approche pratique dans le cadre de laquelle un consultant entreprendra l'évaluation du potentiel du développement économique de chacune des collectivités inuvialuites.

Le Canada a fourni plus de 200 000 dollars à cet égard au cours du présent exercice et prévoit continuer d'offrir son appui au cours de la prochaine année. Comme l'a dit le sous-ministre Warnick au cours de sa comparution, les traités modernes constituent un pas de géant pour les Canadiens autochtones ainsi que des progrès fondamentaux en matière de perspectives et de possibilités.

Ils ouvrent la voie à l'autonomie gouvernementale, à une capacité accrue ainsi qu'à une influence et une participation plus grande dans la vie économique de notre pays.

[Traduction]

Vous avez entendu ce même message de la part du chef Joe Linklater, de Bill Namagoose, de James Eetoolook et de Terry Fenge. À présent, bon nombre d'ententes doivent passer à l'étape de la mise en œuvre. Ces ententes couvrent 40 p. 100 de la masse terrestre du Canada et elles engagent plus de 22 gouvernements et organisations autochtones, de même que trois gouvernements provinciaux et trois gouvernements territoriaux.

Aujourd'hui, un nouvel exercice financier commence. Au cours de cet exercice, je travaillerai avec la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales, les représentants des provinces et territoires, ainsi que mes collègues du gouvernement fédéral pour élaborer un cadre de travail et un plan d'action complet visant à transformer la façon dont le Canada met en œuvre les ententes sur les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale.

[Français]

Je me réjouis de la perspective d'entendre les discussions qui auront lieu ce matin et de vos recommandations sur les façons d'améliorer la mise en œuvre des traités modernes.

Yves Giroux, directeur, Politiques sociales, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale, Ministère des Finances : Si cela vous convient, nous allons laisser M. Jean faire une présentation comme M. Roy l'a si éloquemment fait. Par la suite, nous répondrons aux questions du mieux que nous le pouvons.

Le président : C'est excellent. Monsieur Jean, vous avez la parole.

Bruno Jean, analyste principal, Affaires indiennes et santé, Secteur des programmes sociaux et culturels, Secrétariat du Conseil du Trésor : La même situation s'applique pour le ministère Finances Canada.

Le président : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Dallaire sera le premier à poser des questions. Je signale aux fins du compte rendu que nous sommes en compagnie du sénateur Dallaire et du vice-président du comité, le sénateur Sibbeston. Sénateur Dallaire, vous avez la parole.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Je vous souhaite la bienvenue. Je suis heureux d'avoir l'occasion d'échanger avec vous au sujet des rapports du Bureau du vérificateur général qui, parfois, sont cinglants vis-à-vis le processus d'implantation.

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a-t-il une philosophie fondamentale qui guide l'atmosphère et l'orientation des politiques, qu'il peut utiliser dans le processus d'évolution des autonomies ou des semi-autonomies des peuples autochtones?

Par exemple, le ministère de la Défense nationale possède sa Loi sur la Défense nationale et il y a une philosophie qui a été créée par le corps des officiers. On suit une méthode de guerre qui a été étudiée.

Est-ce que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien dispose d'une telle philosophie? A-t-il une institution qui étudie à fond tout le domaine autochtone au sein d'un pays développé? Existe-t-il un plan de développement des cadres axé spécifiquement sur l'étude du monde autochtone? Est-ce que les cadres suivent une formation dans le but, par exemple, d'obtenir une maîtrise en anthropologie ou une formation spécialement ciblée?

Je regrette d'avoir été si long dans ma question.

M. Roy : Merci beaucoup, ce sont de très bonnes questions. Si on parle de la question de la philosophie au sein du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, nous sommes régis par la Loi sur les Indiens.

Par contre, tout le processus de revendication territoriale et d'autonomie gouvernementale vise à donner aux Premières nations ou aux groupes autochtones les juridictions qu'ils ont besoin pour se retirer de la Loi sur les Indiens. On prend cette philosophie d'un continuum en termes d'autonomie gouvernementale, où on a différentes initiatives au sein du ministère, qui sont dans mon secteur et dans d'autres secteurs.

Par exemple, on peut signer une entente avec un groupe autochtone sur la gestion des terres à l'extérieur de la Loi sur les Indiens. On vise à donner aux groupes autochtones l'autonomie nécessaire et les outils dont ils ont besoin pour se prendre en main en sortant de la Loi sur les Indiens. C'est un peu ce qui guide notre approche sur le plan des négociations territoriales et de l'autonomie gouvernementale.

En ce qui concerne la formation des employés, dépendamment du secteur d'activités, nous avons beaucoup d'anthropologues qui travaillent dans mon secteur parce que plusieurs recherches se font sur l'histoire. C'est pourquoi on a des gens qui sont très spécialisés dans ce domaine, mais on a aussi plusieurs négociateurs parce qu'on négocie à peu près à temps plein avec les différents groupes.

Et il y a aussi tout un processus de sensibilisation à la culture autochtone pour tous les nouveaux employés au ministère. Un programme existe où tous les employés doivent passer au travers d'un processus de sensibilisation : rencontre des groupes autochtones et visite des communautés autochtones pour mieux comprendre la situation des Autochtones.

Il y a différents programmes et, bien entendu, il y a aussi le fait qu'on essaie le plus possible d'attirer des Autochtones pour venir travailler au sein de la fonction publique fédérale et du ministère.

Le sénateur Dallaire : Vous dites que vous essayez de travailler autour de cette loi qui est fondamentalement une loi d'assimilation afin de répondre à leurs besoins dans l'ère moderne. Mais il n'y a pas eu une articulation d'une façon rigoureuse, intellectuellement défendue et étudiée pendant des décennies et inculquée par des cours formels de calibre universitaire pour votre personnel afin de connaître la façon de fonctionner avec les Autochtones dans un pays développé.

Avez-vous un centre de formation auquel vous pouvez envoyer étudier les employés pendant un an?

M. Roy : Non.

Le sénateur Dallaire : C'est de l'apprentissage et de la familiarisation. Ils amènent leur spécialité et on essaie de l'adapter aux besoins.

M. Roy : Oui. Mais on a aussi un secteur de recherche au ministère. Des recherches se font au sujet des revendications territoriales. Il y a aussi un secteur de recherche de développement socioéconomique des groupes autochtones et il se fait beaucoup de recherche aussi dans le domaine du bénéfice de l'autonomie gouvernementale.

On examine ce qui s'est passé un peu partout dans le monde et l'évolution de ces différentes communautés qui sont devenues davantage autonomes. Il y a des études et des recherches qui se font, mais nous n'avons pas de centre où on envoie nos employés.

Le sénateur Dallaire : Au ministère de la Défense nationale — je ne veux pas faire trop de liens parce que c'est tout de même une structure différente —, on fait de la recherche et du développement, mais aussi, on développe notre personnel, on recherche des gens ayant des compétences pour remplir un rôle très spécifique dans le monde militaire. Avec les Autochtones, ce n'est pas un travail facile, par exemple avec les agriculteurs qui ont une orientation différente de celle de notre société développée. Après tant d'années, je considère cela comme une déficience monumentale lorsqu'on sait qu'un million de gens de notre société ont des besoins.

Je m'adresse maintenant à vos collègues — j'aime toujours les gens du Conseil du Trésor. J'avoue que j'ai eu bien de la misère à comprendre. J'ai lu, j'ai lu et j'ai relu. Je vais vous donner un exemple et vous me direz pourquoi c'est différent. On a besoin de nouvelles capacités, que ce soit un système d'entraînement ou de l'armement, alors on crée dans le ministère ce qu'on appelle « un projet ». Le projet a une phase de définition, une phase d'analyse, une phase d'approbation et une phase de mise en oeuvre. Lorsque l'idée de ce projet est initiée au sein du ministère, on identifie les ressources, par exemple que ce projet va coûter deux milliards sur 15 ans et on commence alors à identifier les paramètres pour tout le projet. Au fur et à mesure que le projet avance, les approbations sont données et lorsque vient le temps de l'implanter, on a un système d'armes pour 25 ans pour lequel on a identifié les coûts d'opération et on le met alors en application.

Ici, il est question d'un traité et d'un processus de mise en œuvre.

[Traduction]

On m'a dit qu'il n'y a pas de poste budgétaire distinct pour mettre en œuvre ce projet. Ce ne sont pas de nouveaux fonds provenant d'un nouveau projet, mais il peut s'agir de fonds internes ou qui n'appartiennent pas aux Affaires indiennes. Ils peuvent relever d'un autre ministère, qui doit financer le projet ou faire une demande de fonds.

Plus je regarde le processus, plus il semble que les pratiques de mise en œuvre ne ressemblent pas à un projet et n'ont pas de source de financement. Les Affaires indiennes n'ont pas le pouvoir d'exiger des autres ministères qu'ils fournissent du financement et ne peuvent pas non plus s'adresser, pour le compte d'autres ministères, au Conseil du Trésor pour obtenir des fonds de mise en œuvre. On voit donc des plans de mise en œuvre qui essaient d'affecter des fonds au projet, essaient d'avoir une idée, et peut-être cinq ans plus tard, décider quoi faire. Ce processus est absurde. Ce n'est sûrement pas le processus. Sinon, qu'est-ce que c'est?

[Français]

M. Jean : Vous avez très bien imagé le processus d'approbation des crédits parlementaires qui est un processus assez long et complexe. C'est le processus qui nous gouverne. Le secrétariat du Conseil du Trésor, comme vous le savez, est une agence centrale qui appuie les ministres du Conseil du Trésor — qui est un comité du Cabinet — et nous sommes à ce titre le bureau de gestion et le bureau des budgets qui sont approuvés par le Parlement selon le processus du Budget principal des dépenses et des budgets supplémentaires.

Le Conseil du Trésor est responsable de recevoir ces demandes des différents ministères pour les initiatives qu'il développe telles que celles que vous avez évoquées. Nous posons des questions pour favoriser le développement de programmes efficaces, également des plans de dépenses. Maintenant, le secrétariat du Conseil du Trésor ne fait pas de microgestion des ministères. Ce sont les ministères qui, à la suite de ces approbations de programmes et de financement, ont la responsabilité de la mise en œuvre de ces plans. Selon les mandats des ministères, les crédits seront donc octroyés à ces ministères selon les mandats législatifs qui gouvernent l'ensemble de l'appareil fédéral.

La plupart du temps, ces autorités de programmes sont pour un temps limité, qui va varier selon l'initiative elle- même. Les ministères doivent faire des rapports au Parlement, produire des évaluations et des vérifications. Au moment du renouvellement de ces autorités de programmes, le Conseil du Trésor doit parfaire et peaufiner la livraison des programmes. C'est ce rôle qui est présentement joué par le secrétariat du Conseil du Trésor.

Le sénateur Dallaire : J'essaie de comprendre pourquoi Affaires indiennes et du Nord Canada qui a, selon moi, la responsabilité primaire de négocier ce traité et aussi d'en assurer le suivi lors de sa mise en oeuvre, ne semble pas avoir l'autorité nécessaire pour amener les autres ministères en ligne à s'assurer qu'ils ont le financement requis pour la mise en œuvre du traité. Cet argent devrait être géré par les trois, quatre ou cinq ministères pour sa mise en oeuvre. On nous dit qu'il n'a pas d'autorité sur les autres. S'ils veulent jouer tant mieux, sinon tant pis. Cela me semble très volontaire et ad hoc dans ce que je considère tout de même fondamental pour l'évolution du dossier.

M. Giroux : Il y a une réponse à cette excellente question sur l'apparent manque de coordination ou de rôle central. Je peux vous rassurer en disant que Finances Canada, le Conseil du Trésor et le Bureau du Conseil privé sont très actifs lors de la mise en œuvre de ces ententes. Lorsque nos collègues d'Affaires indiennes et du Nord Canada nous disent, par exemple, que Pêches et Océans Canada est très réticent à utiliser une partie de ses ressources pour la mise en oeuvre d'une entente, à ce moment-là, Finances Canada et le secrétariat du Conseil du Trésor — et certaines fois, le Bureau du Conseil privé —, tombent à bras raccourcis sur Pêches et Océans Canada et leur ordonne de se conformer à l'entente. Pour les agences centrales, ainsi que pour les politiciens qui nous dirigent, les ententes d'autonomie gouvernementale et les ententes en général sont très importantes. Nos patrons politiques ne veulent pas mettre en péril la mise en œuvre d'ententes parce qu'un ministère est réticent à laisser aller un programme de quelques centaines de milliers de dollars. Cela fait partie des politiques qui nous régissent. Lorsque de tels cas surviennent, nous sommes impitoyables avec ces ministères afin de les forcer à transférer l'argent et les ressources pour la mise en oeuvre.

Il n'y a pas de bureau de projet mis en place pour procéder à la mise en oeuvre. Cependant, M. Gallo et son équipe, M. Jean et ses collègues, de même que nos collègues du Bureau du Conseil privé, sont en contact quotidien avec les gens d'Affaires indiennes et du Nord Canada. Lorsque des problèmes surgissent, Affaires indiennes et du Nord Canada essaie de les régler avec les ministères en question, mais lorsqu'il y a plus de tension, nous sommes appelés en renfort et de façon générale, cela fonctionne très bien. Évidemment, s'ils ne veulent pas se conformer à ces ententes, il y a toujours la menace d'une réduction budgétaire ou d'autres mesures disciplinaires.

Le sénateur Dallaire : L'impression qui nous est laissée, c'est qu'on va négocier afin de verser beaucoup d'argent pour le territoire et on pensera à la mise en œuvre après. Et si cela ne marche pas, ils nous emmèneront en cour. Aux Affaires indiennes et du Nord Canada, l'impression est qu'ils ne sont pas assez puissants pour créer, justement, des bureaux de projet afin de faire le suivi de ces mises en oeuvre pendant 20 ans ou 30 ans.

C'est sur cela que semble orienter nos questions.

M. Giroux : Cela m'étonne un peu que vous ayez cette impression parce que la mienne est tout à fait contraire.

Le sénateur Dallaire : C'est exactement ce qu'on est en train de chercher!

M. Giroux : Selon moi, Affaires indiennes et du Nord Canada a une très bonne vision d'ensemble de la mise en oeuvre de ces ententes. Peut-être que je me trompe.

Le sénateur Dallaire : On va en parler au client!

[Traduction]

Le sénateur Peterson : Nous avons entendu de nombreux groupes de Premières nations. Ils nous ont dit qu'une fois l'entente conclue, ils n'ont aucune idée à qui s'adresser ou comment procéder à la mise en œuvre. Dans votre allocution, vous avez dit que de nombreux organismes sont en cause. À votre avis, devrait-il y avoir un organisme responsable unique; dans l'affirmative, duquel devrait-il s'agir?

M. Roy : Je m'étonne que les groupes autochtones vous aient dit qu'ils ne savent pas à qui s'adresser après une entente. Nous négocions une entente de mise en œuvre avec tous ces groupes. Après avoir conclu une entente sur des revendications territoriales, nous avons une entente de mise en œuvre. Le principal point de contact est notre direction générale au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nous participons aux négociations.

À certaines étapes des négociations, nous faisons venir nos collègues de la mise en œuvre pour servir de courroie de transmission et nous assurer que nous négocions quelque chose qui tient et qui peut être mis en œuvre. C'est le rôle de la mise en œuvre et c'est guidé par des politiques.

Il est important de conserver ce lien entre la mise en œuvre et les négociations. Quand nous négocions une entente, il importe d'être informé de ce qui se fait du côté de la mise en œuvre et inversement. Je pense que le système que nous avons actuellement permet de garder ces deux liens ensemble.

Le sénateur Peterson : Lors de comparutions précédentes, votre ministère a affirmé qu'il n'appartient pas au ministère de s'occuper de la mise en œuvre. Pourquoi les avis sont-ils différents actuellement? C'est dans le compte rendu.

Mavis Dellert, directrice générale par intérim, Direction générale de la mise en œuvre, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien : Quand le sous-ministre Michael Wernick a comparu devant le comité, il a dit qu'il ne disposait pas de tous les leviers dans la famille fédérale pour mettre en œuvre. Je ne pense pas qu'il voulait dire que nous n'étions pas responsables de la mise en œuvre.

Une chose importante sur laquelle il faut insister ici, c'est que des comités de mise en œuvre sont créés pour la mise en œuvre de chaque entente. Ces comités ont des représentants du Canada. J'ai le privilège d'être la représentante du Canada dans deux d'entre eux. Les comités ont aussi des représentants du gouvernement provincial ou territorial et des groupes autochtones. Un organe est donc créé en fonction de chaque entente et qui est responsable de mettre en œuvre l'entente du point de vue et en fonction des responsabilités des trois parties.

Quant à moi, je pense que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien est bien placé pour fournir le leadership constant en matière de mise en œuvre. Comme M. Roy l'a dit, nous négocions ces ententes, nous les comprenons, nous tissons des liens quand nous les négocions et nous avons les connaissances et le savoir-faire nécessaires à une mise en œuvre réussie.

Autre chose importante, nous avons développé des relations avec les groupes autochtones. Je sais que vous avez entendu beaucoup de signataires de ces ententes et qu'ils vous ont dit qu'ils avaient signé ces ententes avec le Canada tout entier. C'est tout à fait juste. Ils ont aussi dit que, peut-être, quelqu'un d'autre que les Affaires indiennes devrait être chargé de gérer la mise en œuvre de ces ententes. Comme je l'ai dit, je pense que le ministère des Affaires indiennes est bien placé pour mettre en œuvre les ententes, mais je crois aussi que l'on a besoin d'un cadre de gestion différent à l'intérieur du Canada pour veiller à ce que ceux d'entre nous qui sont chargés de mettre en œuvre ces ententes rendent des comptes et que les rapports et les réactions sur ces comptes à rendre soient fréquents, réguliers et transparents.

Le sénateur Peterson : Monsieur Roy, pouvez-vous nous décrire le nouveau cadre de financement créé en collaboration avec les organismes centraux? Il est évident que le financement est primordial dans le cas de ces ententes.

M. Roy : Je peux vous expliquer brièvement le cadre, après quoi je demanderai à Mme Dellert de vous donner des précisions. Essentiellement, ces dernières années, nous avons eu des difficultés au sujet des délais pour la prise de décisions relatives au financement, par exemple; ce que nous appelons l'institution de gouvernance publique comme les conseils dans le Nord, par exemple, au Nunavut, et les comités environnementaux. Ce genre de structures sont celles dont je parle.

Nous avons eu du mal à obtenir du financement, quel qu'il soit; il a fallu du temps pour obtenir le financement nécessaire pour faire fonctionner ces conseils basés sur l'analyse de la charge de travail de leurs besoins. Nous avons maintenant une entente avec le centre en vertu de laquelle nous pouvons avoir accès à du financement sous certaines conditions sans qu'il y ait un long processus d'approbation.

Mme Dellert : M. Jean pourra peut-être aussi donner un complément de réponse. La question est importante et souligne ce qu'a dit le sénateur Dallaire tout à l'heure au sujet de la manière dont nous finançons la mise en œuvre. Sénateur Dallaire, vous avez fait une analogie avec la gestion de projet et cette analogie tient, mais seulement en partie.

Grâce à la mise en œuvre de ces ententes, nous sommes en train de créer une nouvelle relation entre le Canada et les signataires de ces ententes. La mise en œuvre est donc quelque chose de constant, de durable et qui évolue. Je suis très enthousiasmé par ce nouveau cadre. Je pense qu'il fournira la flexibilité au Canada, non seulement aux Affaires indiennes mais aussi aux autres ministères qui ont des responsabilités, d'être capables de réagir en temps plus opportun aux changements dans le milieu de fonctionnement.

Comme vous le savez, une de nos plus belles réussites dans le cadre des ententes dans le Nord est la création d'institutions de gouvernement public chargées notamment des régimes réglementaires dans les territoires. Ces conseils ont besoin de financement stable, prévisible et réactif. Je pense que ce nouveau cadre fera beaucoup pour faciliter ce financement. Évidemment, ce cadre procurera des avantages non seulement aux groupes autochtones mais à tous les habitants de territoires et, en fait, à tous les habitants du Canada.

Le sénateur Dyck : Vous avez apparemment tenu plusieurs réunions au cours de l'année écoulée et je trouve cela intéressant. Dans votre exposé, monsieur Roy, vous avez dit que la réussite de la mise en œuvre des ententes sur les revendications territoriales est également une affaire qui concerne de nombreux autres ministères et organismes. Vous avez aussi dit qu'il y aura désormais un processus rationalisé grâce auquel vous pourrez accéder aux ressources supplémentaires requises pour la mise en œuvre.

Pensez-vous qu'un processus rationalisé est préférable à l'idée avancée par la Coalition pour les ententes sur les revendications territoriales, qui préconise un organe distinct? Pouvez-vous nous donner des précisions au sujet de ce nouveau processus rationalisé? En quoi ce processus rationalisé est-il préférable à la création d'un nouveau cadre ou d'un nouveau mécanisme de gestion?

M. Roy : Je vous remercie de la question. Il y a une chose qu'il ne faut pas oublier. Quelle que soit la structure en place, il faut trouver un moyen pour que tous les ministères travaillent ensemble avec l'appui de l'organisme central.

Je pense que la rationalisation à laquelle nous procédons actuellement est un bon exemple de réussite et de collaboration. Il est aussi question d'un autre projet, la formation des agents des achats, qui sera mise en place dans quelques jours. Le projet est un suivi de collaboration avec l'École de la fonction publique du Canada et le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux pour veiller à ce que nous développions les outils.

Je ne suis pas convaincu que la création d'un autre organe aidera à ce genre de collaboration. Comme Mme Dellert l'a dit, il s'agit d'une nouvelle ère dans la relation avec les groupes autochtones. C'est aussi une nouvelle ère pour nous au gouvernement pour travailler avec ces gouvernements. Je ne suis pas convaincu qu'un organe distinct va faciliter cette collaboration. Il s'agit désormais de travailler ensemble au sein de la famille fédérale.

Le sénateur Dyck : Toujours dans la même veine, y a-t-il moyen de s'assurer de la pérennité du mécanisme en place? Vous avez convenu de travailler ensemble, mais y a-t-il un mécanisme qui garantisse que vous continuerez de collaborer les uns avec les autres dans le respect des échéances? Quelle garantie avons-nous que ce mécanisme continuera de fonctionner comme vous l'escomptez?

M. Roy : Un outil que nous avons, dans le contexte de la négociation des revendications et des ententes de règlement, est un comité de sous-ministres adjoints, de SMA. Le comité est un regroupement des organismes centraux et d'autres ministères, dont celui des Affaires indiennes. Le comité est mandaté par le cabinet pour décider, par exemple, des ententes-cadres dans le contexte des négociations et de surveiller tout en termes de négociations.

Le comité est un groupe de SMA au fait des enjeux qui concernent les revendications territoriales et l'autonomie gouvernementale; nous allons maintenant élargir son mandat pour qu'il s'occupe aussi de la mise en œuvre. Nous allons nous servir de ce comité de SMA pour surveiller la mise en œuvre et maintenir tout le monde sur la bonne voie. Évidemment, nous continuons de travailler avec nos collègues de l'organisme central, parce qu'il nous reste encore du travail à faire pour améliorer les méthodes et les pouvoirs. Nous travaillons avec eux, mais ce comité de SMA va nous aider dorénavant.

Le sénateur Sibbeston : Je suis surpris par la réponse de M. Roy, qui dit que nous n'avons pas besoin d'un autre organe ou mécanisme de gestion pour s'occuper de la mise en œuvre, vu les problèmes que le pays connaît en matière de mise en œuvre. Pourquoi est-ce que tous les groupes autochtones — les auteurs de revendications territoriales modernes — sont en train de se rallier? Pourquoi se rassemblent-ils pour pouvoir faire face au problème de la non mise en œuvre? Il me semble qu'il y a un gros problème au pays.

Les revendications territoriales sont faites avec des auteurs de revendications territoriales et tout le monde se réjouit des ententes qui sont conclues, puis rien ne découle de ces ententes. Je ne devrais pas dire « rien ». Certaines choses sont faciles à accomplir — l'argent, les terres et le reste sont réglés — mais le problème existe dans un grand nombre de détails.

Je trouve renversant que vous nous disiez aujourd'hui que tout va bien et qu'il n'est pas nécessaire de faire plus de travail ou de former d'autres groupes. Votre réponse est que vous avez une nouvelle politique et des initiatives de formation, et que vous avez un processus rationalisé. Vous n'êtes en train de faire ce travail que parce que l'attention est braquée sur vous. Vous n'êtes en train de faire ce travail, j'imagine, uniquement parce que des pressions pèsent sur vous actuellement pour que vous fassiez quelque chose au sujet de la mise en œuvre.

Mais sur le plan de la réponse du gouvernement, qu'est-ce qui arrivera si vous deviez mourir ou tomber malade? C'est vous le type chargé de tout ce processus, j'imagine. Je suis certain que vous êtes plein de bonne volonté, que vous travaillez dur et que vous êtes bien intentionné, mais on dirait que les seuls efforts sont les vôtres.

Vous avez parlé de coordination et dit que vous collaboriez avec vos collègues. C'est ça le problème. Le ministère n'a pas les moyens, le pouvoir ou le mandat de faire intervenir les autres ministères et de les forcer à prendre au sérieux les engagements du gouvernement.

Vous n'êtes que quelqu'un au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Êtes-vous en train d'essayer d'amadouer le comité en disant que vous êtes en train de faire toutes ces choses, alors que tout le monde pense qu'il faudrait faire plus. Je pense que vous vous donnez trop de mérite. Mme Dellert dit en quelque sorte que tout va bien mais du même souffle admet qu'il faut un mécanisme de gestion différent et un nouveau cadre. Dire comme vous le faites que cet effort est suffisant, pour moi, ça ne vaut pas grand-chose.

M. Roy : Je ne suis pas en train de dire que c'est suffisant et que c'est tout. Il y a toujours davantage à faire, mais il faut mettre les choses en perspective. Mme Dellert vous en dira davantage sur ce point.

On parle d'un changement dans la relation avec les groupes autochtones. Jusqu'à la signature de ces ententes, ils relevaient de la Loi sur les Indiens et étaient assujettis au contrôle du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et du gouvernement du Canada en vertu de la Loi sur les Indiens.

Avec ces traités modernes, nous sommes en train de changer la dynamique. Ce qu'on voit maintenant, c'est le genre de relation que nous voyons même aux niveaux provincial, territorial et fédéral, où il y a des luttes entre les niveaux de gouvernement au sujet du niveau de financement et toutes ces autres questions. Ce genre de relation est essentiellement où nous en sommes actuellement avec le gouvernement autochtone. C'est correct; je pense que cette relation est un grand pas en avant dans ce contexte.

Cela ne signifie pas que nous ne devons pas faire davantage. Au contraire — et je ne prétends pas m'attribuer le mérite de quoi que ce soit. Cette relation s'élabore depuis des années. Nous avons maintenant 22 traités modernes en place. Et nous tirons bien sûr des leçons au fur et à mesure de nos travaux.

La première convention, celle de la baie James — ou même la convention avec les Inuvialuit, qui a fait l'objet d'un examen par la vérificatrice générale — ne comprenait pas de plan de mise en œuvre. Lorsque le gouvernement a négocié ces conventions, on n'avait pas prévu de plan de mise en œuvre. Nous avons tiré des leçons de cette expérience. Maintenant, nous négocions toujours un plan de mise en œuvre avec les ententes, car cela nous aide à la mise en œuvre.

Je ne saurais vous fournir de chiffres absolus, mais de 90 à 95 p. 100 des obligations de la Couronne fédérale ont déjà été réalisées en ce qui concerne les traités modernes signés avec les 22 groupes.

Je ne dis pas que nous ne devons pas faire davantage. Il reste encore beaucoup à faire, bien sûr. Nous devons concentrer nos efforts à changer la dynamique de notre relation, parce que les obligations sont respectées. Il nous reste encore à faire — certaines obligations n'ont pas encore été remplies — mais elles l'ont été en majorité. Il s'agit maintenant de changer la relation, de nous adapter à ce genre de relation.

[Français]

Si on peut arriver à une relation de travail semblable à celle que nous avons avec les provinces et les gouvernements territoriaux, c'est ce que nous visons. Ce n'est pas à la même échelle, bien entendu; on parle de gouvernements autonomes autochtones. C'est cette dynamique qui s'installe graduellement dans nos relations.

[Traduction]

Mme Dellert : Sénateur Sibbeston, vous avez raison de dire que notre travail est difficile. Je suis entièrement d'accord avec vous. Vous avez également fait remarquer que le travail réalisé précédemment était la partie facile. Là encore, je suis entièrement d'accord avec vous. Nous avons eu raison de décider de commencer par les tâches faciles dans la mise en œuvre des ententes.

Nous sommes maintenant confrontés aux éléments complexes et difficiles de la mise en œuvre de ces ententes. Notre relation change, elle évolue.

Je ne crois pas qu'un autre organisme fournira la solution. Nous devons examiner soigneusement les outils et les leviers dont nous avons besoin pour mettre en œuvre ces traités modernes. C'est là un premier pas important. Omettre cet examen soigneux aurait pour effet de simplement changer le mal de place.

Examinons ce qui donne de bons résultats. Il existe de grandes réussites, et les groupes autochtones qui participent à ces ententes seront d'accord. Nous devons toutefois nous entendre pour résoudre ensemble de nombreuses difficultés. Nous devons déterminer l'ordre de priorité de ces difficultés et voir par quoi il faut commencer. Le gouvernement fédéral et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ont un rôle important à jouer dans la direction de ces efforts, mais nous ne devons jamais oublier que c'est nous qui mettons en œuvre ces accords. C'est important.

Pour répondre à votre question au sujet d'un autre organisme, je ne suis pas sûre que ce soit la solution. Je reconnais cependant que nous devons faire davantage et que nous avons encore à résoudre des difficultés.

Le sénateur Sibbeston : Je vous remercie de votre opinion. D'une certaine façon, cela démontre que vous avez confiance en vous et que vous constatez ce qui se fait sur le terrain dans la perspective du gouvernement. Je comprends votre position, mais je ne crois pas que vous ayez un mandat qui vous permet d'insister pour que d'autres ministères respectent les ententes. Je ne crois pas que les fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien aient les pouvoirs nécessaires pour exiger la collaboration de tous afin que les ententes soient mises en œuvre.

Voilà pourquoi il nous faut un autre organe, doté de plus de pouvoirs et d'un mandat de mise en œuvre rapide et efficace des ententes. Tous ces groupes revendiquant des terres ont signalé collectivement au gouvernement et à la population qu'il existait un problème. Ils ont souligné la nécessité pour le gouvernement de se montrer plus efficace dans la mise en œuvre des ententes. Cela illustre que vous n'êtes pas assez fermes, pas assez diligents et que vous n'en faites pas assez pour concrétiser les ententes. Autrement, pourquoi les intéressés viendraient-ils collectivement nous dire qu'il y a un grave problème?

Un groupe du Yukon est venu témoigner devant nous il y a quelques semaines. Il venait à Ottawa pour rencontrer les fonctionnaires à propos de la mise en œuvre. J'ai trouvé admirable leur enthousiasme et la confiance qu'ils avaient d'obtenir gain de cause auprès du gouvernement.

Quel a été le résultat de leur visite à Ottawa? Avez-vous pu, en l'occurrence, donner à ce groupe venu à Ottawa pour discuter de la mise en œuvre une réponse satisfaisante?

M. Roy : Cette visite s'est faite à l'issue d'une entente entre le ministre, les Premières nations du Yukon et les représentants du gouvernement territorial qui souhaitaient organiser un Jour du Yukon, comme il est convenu de l'appeler. Ainsi, c'était l'occasion pour les Premières nations du Yukon et les représentants du gouvernement du Yukon de rencontrer tous les principaux intervenants ayant un rôle à jouer dans la mise en œuvre.

Tous les participants à cette mission reconnaissaient clairement qu'il ne s'agissait pas d'une séance de négociation. Nous ne cherchions pas à obtenir quelque engagement que ce soit à l'issue de la rencontre. C'était l'occasion pour les Premières nations et le gouvernement du Yukon de venir à Ottawa expliquer à nos collègues des organismes centraux et des ministères leur vision de l'évolution de l'autonomie politique à l'avenir. À cet égard, la visite a été fructueuse. Nous avons tenu de bonnes discussions et entendu des exposés des représentants du gouvernement du Yukon et des Premières nations du Yukon. Nos collègues ici à Ottawa ont accueilli cela avec vif intérêt.

Greg Gallo, chef, Politique autochtone, Politique sociale, ministère des Finances Canada : Merci des propos encourageants que vous nous avez adressés, sénateur. J'ai moi-même participé à cette rencontre avec les membres de mon équipe qui s'occupent du Yukon. Les mandats financiers figurant dans ces ententes doivent être reconduits. La rencontre a été utile pour la préparation de notre discussion interne car elle nous a fourni l'occasion de mieux comprendre les enjeux qui préoccupent les Premières nations et le Yukon. Les membres de mon équipe accordent une attention vigilante à ces enjeux et il a été bénéfique de connaître la perspective des intéressés afin de l'intégrer à nos décisions internes.

Le sénateur Sibbeston : Les Yukonais qui se sont présentés devant nous avaient une attitude et un état d'esprit positifs. Ils n'avaient pas adopté le cynisme ou les sentiments négatifs qui parfois animent les représentants des peuples autochtones en raison des interminables tractations avec le gouvernement, qui n'ont pas abouti à grands résultats. J'ai trouvé admirable leur enthousiasme et la confiance qu'ils avaient d'obtenir du gouvernement une réponse positive. C'était rassérénant. Je souhaiterais que le gouvernement réponde à leurs aspirations et ne les déçoive pas. Voilà pourquoi je voulais savoir ce qu'ils avaient obtenu.

Avez-vous pu leur donner satisfaction? Les avez-vous déçus de sorte qu'à leur tour, ils entretiendront cynisme et méfiance à l'égard du gouvernement?

M. Gallo : Je ne pense pas que nous les ayons déçus. Pour ma part, je suis animé du même optimisme, confiant de pouvoir régler les questions qu'ils ont soumises. Ces réunions ont débouché sur une bonne volonté et une compréhension énorme.

Le sénateur Campbell : Je doute très fort qu'en trois semaines vous ayez pu régler des difficultés qui accablent le Yukon depuis tant d'années.

Il est indéniable que ces situations sont pénibles. Ce qui me contrarie, c'est qu'après des dizaines d'années, nous en sommes encore à nous occuper de la dynamique de la relation. Mme Dellert, ou c'est peut-être quelqu'un d'autre, a dit que si nous pouvions, avec les Premières nations obtenir une entente semblable à celle que nous avons avec les gouvernements provinciaux, alors nous serions en bonne posture.

Il a fallu beaucoup de temps et nous en sommes encore à essayer de résoudre le problème de la dynamique. Je ne suis pas persuadé qu'il faille un autre organisme. À un moment donné, je croyais que nous en avions besoin, mais je crains maintenant que, si nous en créons un, il faudra encore 20 ans pour décider de sa nature.

Combien de temps nous faudra t-il pour déterminer quels sont les leviers nécessaires, ceux dont vous avez parlé? Les gens qui se présentent devant nous se disent frustrés de ce qu'il faut tant de temps, et cette frustration continuera de persister. Combien de temps faudra t-il pour que tous les partis signataires à ces ententes les appliquent et les respectent?

Mme Dellert : Dans ses remarques préliminaires, M. Roy a dit qu'un groupe de mes collègues avait tenu des consultations approfondies auprès des signataires des ententes, de représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi que de représentants d'un éventail de ministères et d'organismes fédéraux. De ces consultations, est issue une série de recommandations. Par conséquent, nous avons une bonne idée des leviers qui sont nécessaires. Nous en avons identifiés certains, et nous croyons que nos partenaires aux ententes seront tout à fait d'accord pour dire que cette liste est plus ou moins bonne.

Au cours du prochain exercice financier, nous espérons élaborer un cadre et un plan d'action qui tiendront compte du contexte actuel de la mise en œuvre des ententes. Nous reconnaissons tous que le contexte évolue, qu'il n'est plus le même. Nous devons déterminer quelles mesures doivent être prises et quelles structures doivent être mises en place afin que le Canada dispose d'une stratégie ou d'un cadre de mise en œuvre bien réfléchi.

J'espère que nous prendrons des mesures pour élaborer ce plan d'action au cours de l'exercice financier. Le nouvel exercice financier commence aujourd'hui. C'est peut-être un bon point de départ.

Le sénateur Campbell : Nous pouvons donc nous attendre à ce que vous ayez fait des progrès importants lorsque nous vous rencontrerons l'an prochain, le 1er avril?

Mme Dellert : J'espère que ce sera le cas. J'attends avec impatience cette rencontre.

Le président : Nous avons demandé à des fonctionnaires du Bureau du Conseil privé d'assister à cette réunion. Comme vous le savez peut-être, je suis moi-même un ancien ministre. Il y a 27 ans environ, je me suis occupé du Bureau du Conseil privé et du ministère des Finances Canada. Les fonctionnaires du BCP ont cependant refusé de comparaître parce que, disent-ils, ils prennent très peu part à la mise en œuvre de ces ententes.

À titre d'ancien ministre de la Colombie-Britannique, je sais que quand nous avions un projet à réaliser, nous devions consulter le ministère des Finances, le Conseil du Trésor, et cetera. Néanmoins, à peu près tout passait par le BCP.

Pouvez-vous me dire s'il serait possible de mieux coordonner cette mise en œuvre afin que, lorsque des représentants des Premières nations viennent à Ottawa, ils n'aient pas à se retrouver dans un dédale de ministères? On pourrait mettre sur pied un guichet unique à leur intention, du moins un seul endroit où ils pourraient exprimer leurs préoccupations, plutôt que de devoir s'adresser au ministère des Finances, au Secrétariat du Conseil du Trésor, au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, à Pêches et Océans Canada et à Environnement Canada. Le BCP joue-t-il un rôle de chef de file pour ce qui est de faciliter et d'accélérer la mise en œuvre des ententes?

Je sais que c'est une question délicate; je sais comment fonctionne le BCP. Mais si je ne pose pas la question, nous ne connaîtrons pas la réponse. Notre comité essaie de trouver des solutions pour la mise en œuvre des ententes. C'est bien par le truchement de nos comités que les problèmes du système pourront être résolus. Nous devrions mettre cartes sur table. Je sais que nos questions peuvent mettre des sous-ministres et des sous-ministres adjoints dans l'eau bouillante, mais nous devons néanmoins les poser.

M. Roy : Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Nous avons parlé tout à l'heure de la Journée du Yukon. Cette journée organisée par MAINC, a été un succès.

[Français]

Il y avait vraiment une volonté de participation de l'ensemble des ministères impliqués au Yukon. Je sais que d'autres groupes qui sont sous l'autonomie gouvernementale aimeraient aussi bénéficier de ce genre de journée ici, à Ottawa.

Par exemple, une journée organisée pour un groupe des Territoires du Nord-Ouest permettrait à ce groupe de rencontrer l'ensemble des ministères pour leur donner des perspectives. Il faut peut-être refaire un modèle parce qu'il y avait un intérêt marqué de la part des collègues à Ottawa et il y avait aussi un intérêt très sérieux de la part des Autochtones.

[Traduction]

Le président : Cela ne répond pas à ma question sur le BCP. Je vais vous demander d'être bref, sénateur Dallaire, car nous avons un autre groupe de témoins.

[Français]

Le sénateur Dallaire : On parle d'un nouveau cadre de travail et d'échange d'information. Vous nous avez dit qu'on entrait dans une nouvelle ère et que ce n'était plus la Loi sur les Indiens qui servait de guide. On est au début des négociations. Vous avez signé 22 revendications, mais combien il en reste à signer? Est-ce qu'il en reste 300, 400, 500?

On a vu l'énormité du problème. On a même vu des situations où le plan d'implantation n'a jamais été élaboré ou financé. Non seulement il n'a pas été financé du point de vue de votre ministère, mais il ne l'a pas été de la part des autres ministères qui ne veulent pas investir et qui vont se battre contre leur obligation d'affecter des ressources.

On n'a pas vu un désir d'aller chercher du nouvel argent pour chaque traité et de la part de chaque ministère pour l'implantation. J'ai déjà posé cette question à la vérificatrice générale, à savoir si au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien il existe un désir de changer complètement la méthodologie de cette structure basée sur une entité coloniale du passé.

Est-ce que votre ministère a fait une analyse fondamentale de la doctrine d'implantation?

[Traduction]

De combien de personnes disposez-vous dans votre équipe pour la mise en œuvre de ces ententes? Avez-vous suffisamment de ressources humaines et financières pour accomplir ces tâches très difficiles et exigeantes, pour faire la coordination avec les autres ministères et les autres ordres de gouvernement et pour faire tout ce travail dans les délais, en plus de faire le suivi?

Mme Dellert : C'est une question délicate.

Le sénateur Dallaire : Si vous répondez par l'affirmative, vous serez le seul ministère de tout le gouvernement à le faire. Je suppose que vous préférez ne pas répondre à la question.

Mme Dellert : Pour ma part, je crois que nous pouvons toujours avoir plus de ressources pour faire les choses mieux et différemment. Cependant, je ne crois pas que ce soit simplement une question de ressources. C'est aussi une question de structure et cela dépend de la façon dont nous abordons les choses. Le moment est venu de faire une pause et d'examiner la mise en œuvre.

Nous savons tous que souvent la solution la plus simple, qui consiste à augmenter les budgets, n'est pas la meilleure. À l'heure actuelle, tout le personnel de la direction de la mise en œuvre et moi-même travaillons avec ardeur pour faire le travail que nous devons faire dans l'immédiat. Nous avons à cœur de réussir et j'estime que nous faisons des progrès. Pourrions-nous avoir plus de ressources? Évidemment. Vous m'offrez une belle occasion de le dire, puisque mon patron est assis à mes côtés. Cependant, je ne suis pas certaine que des fonds supplémentaires suffiraient si l'on n'arrive pas à comprendre que cette approche est une idée excellente.

Le sénateur Sibbeston : On vous a demandé de combien de gens vous disposiez et quelles étaient vos ressources. Pourriez-vous s'il vous plaît répondre à cette question?

Mme Dellert : Je vous prie de m'excuser; je n'ai été directrice générale intérimaire qu'une seule journée. C'est la deuxième journée aujourd'hui. Je crois que nous disposons d'environ 50 équivalents temps plein, des ETP, au sein de la direction. Je ne suis pas certaine quant au budget total. Je peux cependant m'informer.

Le sénateur Dyck : Monsieur Roy, vous avez dit que MAINC se fonde sur la Loi sur les Indiens. Ma question est dans le même ordre d'idées que les propos du sénateur Sibbeston. Si MAINC se fonde sur la Loi sur les Indiens, le ministère a-t-il le mandat de s'occuper de la mise en œuvre des revendications territoriales modernes lorsque la mise en œuvre des ententes a pour effet d'exempter les signataires de ces ententes de l'application de la Loi sur les Indiens?

[Français]

M. Roy : Ce que je voulais dire lorsque je parlais de la Loi sur les Indiens, c'est que plusieurs de nos relations de travail avec les groupes autochtones sont régies par la Loi sur les Indiens. Mais ce n'est pas la seule loi qui nous guide. C'est une des lois avec lesquelles nous devons travailler, et cette loi est encore en vigueur.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, nous avons un autre groupe de témoins. Je sais que ce groupe-ci est important pour nous, puisqu'il représente le ministère lui-même : le Conseil du Trésor et le ministère des Finances Canada. Cependant, permettez-moi de répéter ce qu'a dit le sous-ministre lorsqu'il a comparu devant nous, c'est-à-dire que la mise en œuvre des obligations découlant de traités actuels est souvent trop épineuse, trop lente et trop lourde. Il a ajouté qu'il était parfois laborieux d'obtenir l'accord du Secrétariat du Conseil du Trésor et qu'il faudrait mettre en place des mécanismes financiers plus souples.

Merci d'avoir comparu devant nous ce matin. Il est possible que nous devions vous consulter de nouveau pour obtenir de l'information avant que nous présentions notre rapport, car je ne suis pas entièrement convaincu que le nouveau cadre de gestion des ententes suffira. Lorsque les représentants des Premières nations viennent à Ottawa — et 22 Premières nations ont maintenant signé des ententes — ils se trouvent devant un labyrinthe et doivent s'en remettre aux tribunaux, ce qui est inacceptable, puisqu'ils ont signé des ententes. Je ne crois pas que l'État respecte ses obligations.

Vous faites le travail qui vous est demandé, et vous vous en tirez honorablement. Cependant, je suis persuadé que cela vous impose des contraintes énormes. Continuez vos efforts. Nous pourrons résoudre ce problème, j'en suis sûr. Notre comité compte d'excellents membres, dont le sénateur Dallaire, le sénateur Sibbeston, le sénateur Campbell, le sénateur Peterson et le sénateur Dyck, qui ont à cœur de veiller à ce que la mise en œuvre des ententes devienne plus facile pour les Premières nations.

Honorables sénateurs, notre deuxième groupe de témoins d'aujourd'hui est composé de représentants de trois ministères qui partagent des obligations dans la mise en œuvre des traités. Nos témoins sont Pat Gibson, directrice, Direction de la politique et du processus d'approvisionnement, et Sue Morgan, directrice générale, Risques, intégrité et gestion stratégique. Tous deux représentent le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada.

Nous accueillons également des représentants de l'Agence Parcs Canada : Doug C. Stewart, directeur général, Parcs nationaux, et Brendan O'Donnell, conseiller principal des Affaires autochtones.

De Pêches et Océans Canada, nous entendrons Ian Redmond, chef, Projets spéciaux, Direction générale des politiques et gouvernance autochtones.

Honorables sénateurs, ces témoins vont présenter un exposé. Mme Morgan fera l'exposé au nom du groupe, je crois, puis nous passerons aux questions.

Madame Morgan, je vous laisse la parole.

Sue Morgan, directrice générale, Risque, intégrité et gestion stratégique, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada : Je tiens à préciser que je ne ferai de remarques liminaires que pour Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Mes collègues ont leurs propres remarques.

Le président : Très bien, merci.

Mme Morgan : Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Permettez-moi d'abord de dire que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada prend très au sérieux ses obligations découlant des ententes sur les revendications territoriales globales, notamment la Convention définitive des Inuvialuit.

[Français]

Les règles concernant la passation de contrats dans le cadre des ententes sur les revendications territoriales sont celles prescrites par la politique sur les marchés du Conseil du Trésor. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada a pour sa part établi des procédures supplémentaires dans son guide des approvisionnements afin de donner des directives à ses agents de négociation de contrats.

[Traduction]

Conformément aux règles prescrites dans les avis sur la politique sur les marchés du Conseil du Trésor et aux procédures énoncées dans le guide des approvisionnements, nous sommes tenus d'informer par télécopieur les Inuvialuits des occasions de marché dans leur région désignée.

La vérificatrice générale a constaté que, sur une période de 14 ans, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada avait omis à quelques reprises d'informer les Inuvialuits des occasions de marchés dans leur région désignée, soit dans quatre des 55 dossiers visés par l'examen du Bureau du vérificateur général du Canada. Ces omissions étaient attribuables à une erreur humaine et à des oublis.

Pour veiller à ce que des incidents de ce genre ne se reproduisent plus, nous avons institué, en juin 2007, une nouvelle exigence selon laquelle les agents de négociation des contrats de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada doivent remplir la liste de vérification de la demande de soumissions. Cette liste permet d'assurer le respect des modalités des ententes sur les revendications territoriales globales pendant le processus d'invitation à soumissionner.

Travaux publics et Services gouvernementaux Canada accepte les recommandations de la vérificatrice générale visant à améliorer ses systèmes et procédures mis en place pour surveiller son respect de la convention définitive des Inuvialuits. Le Secrétariat du Conseil du Trésor a formé un groupe de travail interministériel chargé de modifier la politique sur les marchés du Conseil du Trésor. On prévoit que cette modification de la politique permettra d'éclaircir les responsabilités des ministères en ce qui a trait aux exigences liées à la surveillance et à l'établissement de rapports concernant les activités d'approvisionnements dans les régions assujetties aux ententes sur les revendications territoriales globales. Nous faisons partie du comité interministériel chargé des rapports sur les ententes sur les revendications territoriales globales, composé de représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor et du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Notre personnel a participé aux réunions fréquentes portant sur les questions relatives aux ententes sur les revendications territoriales globales.

À court terme, nous mettrons en place un processus opérationnel portant sur la surveillance et la communication de l'information sur les contrats assujettis aux ententes sur les revendications territoriales, y compris la Convention définitive des Inuvialuits. Ce processus sera conforme aux exigences en matière d'établissement de rapports qu'élabore actuellement le Secrétariat du Conseil du Trésor pour le gouvernement du Canada. À long terme, nous veillerons à ce que notre système d'établissement de rapports sur les contrats soit mis à jour afin de satisfaire aux futures exigences du Conseil du Trésor et à ce que celles-ci soient prises en compte dans notre guide des approvisionnements.

De plus, nous améliorons la formation donnée aux agents de négociation des contrats concernant les ententes sur les revendications territoriales globales. Nous collaborons avec le Secrétariat du Conseil du Trésor, le ministère des Affaire indiennes et du Nord canadien et l'École de la fonction publique du Canada à la conception d'un cours en ligne offert à tous les ministères sur les exigences en matière de politique régissant les activités d'approvisionnement auprès des entreprises autochtones.

Voilà qui conclut ma déclaration d'ouverture. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Doug C. Stewart, directeur général, Parcs nationaux, Agence Parcs Canada : C'est avec plaisir que je me présente devant vous au nom de Parcs Canada. Je suis accompagné de mon collègue, M. O'Donnell, qui présentera notre déclaration d'ouverture et vous expliquera dans quel contexte s'inscrit le travail de Parcs Canada en ce qui a trait aux revendications territoriales globales.

Comme vous le savez bien, notre programme vise à créer des endroits spéciaux pour les Canadiens — des parcs nationaux, des lieux historiques nationaux et des aires marines nationales de conservation — et à conserver ces endroits pour les générations actuelles et futures; à offrir diverses expériences aux Canadiens afin qu'ils puissent jouir et comprendre ces endroits; et contribuer à l'éducation de la population.

Notre programme est très bien accueilli par les peuples autochtones, dans le contexte des revendications territoriales. Ils nous ont toujours accordé un solide appui dans tous les dossiers que nous avons défendus — plus particulièrement en ce qui a trait aux parcs nationaux dans le contexte des revendications globales. Dans bien des cas, ce sont les Premières nations elles-mêmes qui ont revendiqué le parc national dans le cadre de leurs revendications.

Notre programme est bien au diapason des intérêts des peuples autochtones. Plus particulièrement, la façon dont nous avons mis en œuvre notre programme par l'entremise des revendications démontre que nous avons une relation de travail positive avec les peuples autochtones. Je vais maintenant demander à M. O'Donnell de passer en revue notre fonction dans le processus de revendications territoriales, plus précisément, et d'expliquer comment nous nous acquittons de nos tâches en matière de mise en œuvre.

Brendan O'Donnell, conseiller principal, Affaires autochtones, Agence Parcs Canada : Parcs Canada a participé aux négociations de revendications territoriales globales comme membre de l'équipe de négociation fédérale depuis le milieu des années 1970, à l'époque où était négociée la Convention définitive des Inuvialuit.

Il a des chapitres dans 18 ententes définitives portant sur des aires du patrimoine protégées relevant de l'administration de Parcs Canada. Ces aires comprennent entre autres des parcs nationaux, des aires marines nationales de conservation et de lieux historiques nationaux. Douze des 42 parcs nationaux sont directement touchés par les dispositions des ententes relatives aux revendications territoriales globales. Dans cette catégorie, on trouve neuf parcs dans les territoires, un au Labrador et deux en Colombie-Britannique.

La négociation d'ententes relatives aux revendications territoriales est la responsabilité de l'administration centrale de Parcs Canada. L'administration centrale participe au caucus fédéral et au comité directeur fédéral dont M. Roy a parlé précédemment.

Nous participons comme membre de l'équipe fédérale aux négociations des tables principales. Nous négocions des ententes sur les impacts et les bénéfices, qui font partie des ententes auxiliaires négociées dans le cadre des ententes sur les revendications territoriales globales. Nous négocions également le financement de la mise en œuvre initiale dans le cas des revendications qui ont été réglées.

La mise en œuvre des ententes relatives aux revendications territoriales est la responsabilité de l'unité de gestion concernée de Parcs Canada. Pour Parcs Canada, les ententes relatives aux revendications territoriales relèvent des opérations, et c'est donc l'unité de gestion concernée qui en est chargée. Par exemple, l'unité de gestion de l'Arctique de l'Ouest — qui comprend les parcs nationaux Ivvavik, Aulavik et Tuktut Nogait — est responsable de la mise en œuvre des obligations de Parcs Canada en vertu de la Convention définitive des Inuvialuit.

Aux termes du processus de règlement des revendications territoriales globales mis en place par le gouvernement fédéral, le financement de la mise en œuvre des obligations relatives aux revendications territoriales supplémentaires au mandat d'un ministère provient de l'enveloppe des revendications. Les coûts supplémentaires sont estimés par les ministères et sont ensuite négociés avec la direction de la mise en œuvre au MAINC.

Au sein de l'Agence Parcs Canada, les unités de gestion font rapport à leur conseil de gestion en collaboration respectif sur les questions de mise en œuvre. Ces conseil de gestion en collaboration sont créées aux termes du processus de règlement des revendications territoriales afin de conseiller le ministre quant à la gestion d'un parc national ou d'une aire marine nationale de conservation. Les unités de gestion font rapport annuellement au MAINC sur les obligations de la mise en œuvre et les activités de partenariat avec des Autochtones pour chaque revendication à laquelle Parcs Canada participe. Les unités de gestion participent aux examens quinquennaux des revendications dont le MAINC est responsable.

Les rapports annuels présentés au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien consistent en rapports sommaires sur les activités annuelles liées aux obligations relatives aux revendications, au budget annuel total dépensé pour des entreprises et des entrepreneurs autochtones et en statistiques sur l'emploi d'Autochtones par les unités de gestion.

À Parcs Canada, nous estimons qu'il faut tenir compte à la fois de l'esprit et de la lettre des ententes. Ce dont je viens de parler, ce sont des obligations imposées par les ententes, mais il faut également tenir compte de ce que les gens appellent l'esprit de ces ententes. Permettez-moi de parler un instant de cette partie de la mise en oeuvre.

Par exemple, les statistiques sur l'emploi font partie des obligations. À l'unité de gestion du Nunavut, 55 p. 100 des employés sont bénéficiaires de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Dans l'unité de gestion de l'Arctique de l'Ouest, 54 p. 100 des employés sont des Inuvialuit. Au Yukon, tous les employés du parc national Vuntut sont bénéficiaires de l'entente de la Première nation Gwich'in. Au parc Kluane, 22 p. 100 des employés sont membres des Premières nations Champagne, Aishihik ou Kluane.

En ce qui concerne les produits et services utilisés, j'ai vérifié rapidement hier à quoi sont consacrées les dépenses de l'unité de gestion de l'Arctique de l'Ouest. La totalité des produits et services autochtones utilisés par cette unité de gestion s'élève à 984 624 $. De cette somme, 857 006 $ ont été versés aux Inuvialuit, par l'entreprise d'entrepreneurs ou d'entreprises Inuvialuit. Cette partie de la mise en oeuvre relève des obligations.

Quant à l'esprit des ententes — et je m'en tiendrai à l'unité de gestion de l'Arctique de l'Ouest —, l'Agence Parcs Canada collabore avec le Centre des ressources culturelles Inuvialuit et avec un entrepreneur. Cinquante milles dollars ont été consacrés à la publication d'un ouvrage sur l'ethnobotanique Inuvialuit. Des travaux sont en cours en vue d'une troisième publication présentant une histoire orale de la communauté Paulatuk. Des entrevues ont eu lieu en 2005 et 2006, et on a rédigé et révisé un texte définitif en 2006-2007.

Des employés de l'Agence Parcs Canada ont visité neuf collectivités de l'Arctique de l'Ouest pour dispenser un programme de certificat en intendance environnementale à des élèves de 4e année de la région. En outre, des employés de l'Agence ont participé à des foires scolaires dans le contexte de journées d'orientation pour promouvoir les carrières dans les parcs nationaux.

Des camps de jeunes sont offerts dans trois parcs nationaux à l'intention des jeunes de la région — il s'agit des parcs Aulavik, Ivvavik et Tuktut Nogait. Un projet intitulé « Un artiste dans le parc » a été mis sur pied au parc national Ivvavik, et un peintre Inuvialuit y a participé. Ce sont là des exemples de projets qui visent à promouvoir et à protéger la culture et l'histoire, des projets sur lesquels sont centrés les parcs nationaux et les lieux historiques nationaux et qui visent à traduire l'esprit des ententes sur les revendications territoriales.

Ian Redmond, chef, Projets spéciaux, Direction générale des politiques et gouvernance autochtones, Pêches et Océans Canada : Merci de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Le ministère des Pêches et des Océans, le MPO, est très sensible à ses obligations découlant de traités et il prend les mesures nécessaires pour veiller à les respecter.

Dans l'exécution de ses obligations, le MPO veut établir de bonnes relations avec les Premières nations inuites visées par les traités grâce à une bonne gouvernance, à une gestion coopérative accrue et une maximisation des possibilités de pêche. Je vais vous donner un bref aperçu de l'approche adoptée par le MPO dans la mise en oeuvre des ententes relatives aux revendications territoriales globales.

À l'heure actuelle, le ministère participe à la mise en oeuvre de 20 traités partout au Canada, et il participe aux négociations d'un certain nombre d'autres ententes qui en sont actuellement à l'étape finale. Étant donné que le nombre des traités négociés varie considérablement selon les régions et compte tenu du volume de travail que représente la mise en oeuvre des traités déjà en vigueur, le MPO applique diverses approches de gestion pour respecter ses obligations.

En Colombie-Britannique, où se trouve la majorité des traités actuellement en négociation, la région du Pacifique du MPO participe à la fois aux tables de négociation et à celles de mise en oeuvre. À cette fin, la région a créé une direction générale de la politique des traités autochtones. Cette direction participe à plus de 50 tables de négociation, entre autres à celles du Yukon, et est chargée de la mise en oeuvre de 13 traités, dont l'Accord définitif Nisga'a et les 12 conventions du Yukon.

Depuis plus de 20 ans, la gestion de la mise en œuvre est l'une des responsabilités majeures des activités du MPO dans la région du Centre et de l'Arctique. Dans cette région, le MAINC s'occupe des négociations portant sur les traités et la mise en œuvre, les fonctionnaires du ministère fournissant des conseils d'experts et des avis techniques. La gestion de la mise en œuvre dans cette région incombe à nos gestionnaires régionaux et à nos directeurs de secteurs.

Au Québec, nous sommes en train de constituer un groupe spécifique pour les traités qui s'occupera à la fois de l'entente avec la société Makivik sur les ressources hauturières et de la nouvelle orientation donnée à la mise en œuvre, de façon générale.

La mise en œuvre du traité conclu avec les Inuits du Labrador à Terre-Neuve-et-Labrador ne fait que démarrer. La responsabilité des négociations de mise en œuvre et de gestion du traité incombe au chef de la gestion des ressources, qui peut compter sur l'appui technique et administratif du Service des programmes et politiques autochtones.

Les régions maritimes et du golfe du ministère n'ont pas encore à s'occuper de mise en œuvre de traité. Toutefois, on envisage de créer un groupe spécifique à cette fin pour appuyer le processus de négociations et d'élaboration des politiques dans toute la région de l'Atlantique.

Dans tous les cas, c'est le personnel régional qui a la responsabilité de la mise en œuvre des traités, à quoi s'ajoute une évaluation permanente des progrès en ce qui concerne les obligations du MP. Grâce à ces divers rouages, le MPO a mené à bien le processus de mise en œuvre des traités.

C'était là ma déclaration liminaire et je répondrai volontiers à vos questions.

Le sénateur Sibbeston : Mme Morgan affirme que Travaux publics et Services gouvernementaux Canada traite les ententes de revendications territoriales avec sérieux, y compris la Convention définitive des Inuvialuit. Pourtant, tout de suite après, elle fait remarquer que la vérificatrice générale a signalé qu'en raison d'erreurs humaines et d'oublis, elle avait pu constater des lacunes.

Je ne comprends pas comment vous pouvez avoir l'audace de nous dire que vous prenez ces revendications au sérieux tout en affirmant que des lacunes ont été causées par des erreurs humaines. Je vous demande de m'expliquer cela, car j'affirme que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux ne se soucie pas vraiment de ces dossiers-là. Il a commencé à s'y intéresser seulement quand il a été pris en défaut, pour ainsi dire, ou quand la vérificatrice générale l'a pointé du doigt. C'est bien beau de dire que ces lacunes sont dues à l'erreur humaine et à des oublis. Cependant, je soupçonne que tout le ministère s'en fiche; le ministère ne s'occupe pas vraiment des Autochtones au pays.

Comment pouvez-vous avoir l'audace de vous présenter devant nous et de nous dire le contraire. En outre, où vous situez-vous dans la hiérarchie du ministère? Je soupçonne que vous êtes loin au bas de l'échelle. Où sont les fonctionnaires responsables qui devraient être ici aujourd'hui pour traiter de ces questions?

Mme Morgan : Nous reconnaissons que les lacunes signalées par la vérificatrice générale sont graves. Notre rôle spécifique à l'égard des obligations découlant des traités exige que nous avisions les sociétés inuvialuit. Nos procédures exigent que nous envoyions à l'avance, par télécopieur, les occasions de marchés à venir.

Nous l'avons fait dans la plupart des cas. La vérificatrice générale a étudié 49 dossiers dont 3 n'indiquaient pas qu'un fax avait été reçu. Il y en avait trois. Et puis, la vérificatrice générale a signalé six autres dossiers, et dans cinq de ces six cas nous avions faxé les marchés à venir. Ainsi, la preuve n'était manquante que dans un seul dossier sur six.

La fréquence de ce genre d'erreurs est de une par année. Il n'y en pas eu beaucoup au cours de l'année. Dans les premières années — 1998, 2002, 2004 et peut-être 2003 —, je pense qu'il y en a eu une par année. Nous estimons que les chiffres sont plutôt modestes. Tout comme la vérificatrice générale, nous estimons qu'il faut améliorer la reddition de comptes et veiller à ce que nos niveaux de conformité s'améliorent. Nous acceptons toutes ces observations.

Notre système d'établissement de rapports a ses limites. Il recueille des renseignements sur les ententes sur les revendications globales, mais il n'est pas assez nuancé pour recueillir des renseignements sur les revendications particulières. Par conséquent, il nous faut faire la vérification manuellement. C'est à cet égard qu'il faut modifier le système. Nous acceptons cette observation. Nous avons l'intention d'examiner les exigences. Nous travaillons avec le Secrétariat du Conseil du Trésor à élaborer de nouvelles exigences en matière d'établissement de rapports, notamment le genre de données qui doivent être recueillies. Actuellement, nous recueillons certaines données, mais manifestement, elles ne sont pas assez détaillées. Par conséquent, nous voulons examiner ces exigences pour ensuite les incorporer dans notre nouveau système d'établissement de rapports.

Le sénateur Dallaire : Je m'intéresse principalement aux deux ministères responsables plutôt qu'à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada; le processus retenu pour conclure une entende de revendications territoriales et ensuite, la politique de mise en œuvre. Les représentants de Parcs Canada nous ont dit que c'était positif de leur point de vue. Les arpenteurs font leur travail et les choses se passent assez bien. Toutefois, dans vos ministères, pouvez-vous compter sur des postes budgétaires précis, visant certains projets, qui viennent s'ajouter au budget général du ministère afin que vous puissiez mettre en œuvre ces diverses ententes?

M. Stewart : Nous recevons des fonds grâce aux ententes de revendications territoriales et par l'intermédiaire du MAINC pour des besoins additionnels précis, par exemple, pour appuyer un programme de formation professionnelle ou des activités de ce genre.

Toutefois, de façon générale, Parcs Canada est doté d'une structure de gestion décentralisée. Les unités de gestion, dont M. O'Donnell a parlé, sont dirigées par des gestionnaires locaux. Dans l'Arctique de l'Ouest, notre bureau est situé à Inuvik. Le gestionnaire principal qui le dirige a plein pouvoir pour répartir les ressources budgétaires, qu'elles proviennent de Parcs Canada ou qu'il s'agisse de ressources additionnelles liées aux ententes. Cela signifie que notre gestionnaire local peut travailler avec les dirigeants locaux et conclure des ententes et des arrangements particuliers et engager les ressources.

L'Agence Parcs Canada a également des fonds qu'elle consacre à tisser des liens avec les Autochtones. Il ne s'agit pas d'une somme énorme, mais ces fonds existent. Ces fonds de stimulation sont accessibles à nos responsables des unités de gestion pour financer certains projets particuliers.

L'un de ces projets se déroule au Yukon. Il vise le Parc national Kluane. Les responsables du parc et deux Premières nations locales travaillent ensemble. Le programme vise à faire cicatriser de vieilles blessures et à tisser de nouveaux rapports pour la gestion des terres et des ressources naturelles. Il s'agit de respecter le type de rapport culturel que les peuples autochtones entretiennent toujours avec la terre.

Nous disposons donc de ces divers instruments et de ces différentes ressources budgétaires. Chaque unité de gestion peut compter sur un budget déterminé. Ces unités de gestion utilisent le budget pour s'acquitter de leurs obligations et respecter l'esprit des ententes. Pour ce qui est de tisser des relations avec les Autochtones, nous pouvons faire davantage grâce à des fonds provenant du MAINC ou à des fonds ciblés de l'Agence Parcs Canada.

Le sénateur Dallaire : Permettez-moi de préciser ce que je souhaite savoir. Vingt-deux ententes ont été signées. Dans chaque cas, il devrait exister un plan de mise en œuvre. C'est vrai dans certains cas, mais pas toujours. Certaines ententes sont assorties d'un plan de mise en œuvre, mais le financement n'est pas à l'avenant. Aucun des ministères concernés n'a de poste budgétaire défini pour mettre en œuvre les éléments du plan qui lui incombent. Il y a des plans de mise en œuvre dont le financement n'a pas été imposé à votre ministère par le MAINC et ce dernier doit trouver des fonds pour vous permettre de faire la mise en œuvre de ces plans.

Est-ce que je me trompe? Peut-on dire qu'avant de signer un plan de mise en œuvre, on a veillé à ce que vos besoins budgétaires pour ce plan aient été déterminés et que les fonds requis soient présents dans votre budget pour les vingt prochaines années, ou encore qu'une nouvelle injection d'argent soit prévue dans un poste budgétaire pour la mise en œuvre?

M. Redmond : Cette question est importante. Le processus de négociation de la mise en œuvre fait intervenir des négociations avec nos collègues du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pour ce qui est du financement des coûts différentiels. Le processus est particulièrement ardu, comme c'est le cas de toute négociation, car nous devons cerner la part des obligations qui revient à chacun et nous entendre sur les ressources nécessaires pour nous acquitter de ces obligations.

Je ne pense pas qu'il soit juste de dire que nous avons toujours obtenu ce que nous voulions dans les négociations portant sur les ressources financières. Toutefois, le processus nous a permis d'obtenir des sommes additionnelles pour mettre en place certaines des structures organisationnelles dont j'ai parlé tout à l'heure pour la mise en œuvre des traités et les processus de négociation.

Le sénateur Dallaire : Monsieur Stewart, vous voudrez sans doute répondre à cette question. J'essaie de nuancer mes questions en ce qui concerne le processus. Dans le processus de négociation, le MAINC doit-il se battre pour que les organismes centraux lui accordent le financement supplémentaire vous permettant de faire votre travail? Vous battez- vous contre les organismes centraux séparément, car ce plan de mise en œuvre vous a été imposé et qu'il vous faut trouver de nouvelles sources de financement?

M. Redmond : J'exprimerais les choses autrement. Je ne dirais pas nécessairement que nous nous « battons » avec les organismes centraux.

Le sénateur Dallaire : J'ai déjà été sous-ministre adjoint au ministère de la Défense nationale. Ne me dites pas que ce n'est pas une bataille, c'est la guerre.

M. Redmond : Vous avez raison, quand il s'agit d'argent. Il s'agit plutôt d'une interaction permanente entre nous- mêmes et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pour conclure un accord quant au niveau de ressources convenable. Quand nous faisons la demande, nous ne faisons pas nécessairement affaire avec les organismes centraux. Cela se fait par l'intermédiaire du MAINC.

Le sénateur Dallaire : Par conséquent, c'est le MAINC qui doit obtenir les fonds supplémentaires qu'on vous transfère pour la mise en œuvre, n'est-ce pas? Est-ce là le mandat du MAINC?

M. Redmond : Le mandat de ce ministère est de superviser les fonds de mise en œuvre fournis en vertu du mandat pour le traité.

Le sénateur Dallaire : C'est ce que nous avons entendu de plus clair jusqu'à présent.

M. O'Donnell : Il existe un processus, une enveloppe pour les revendications, et l'argent qui s'y trouve est réservé pour la négociation et la mise en œuvre des revendications territoriales. Cette enveloppe comporte des transferts pour immobilisations, constitution de conseils, formation de gouvernements, diverses études sur la faune et les coûts différentiels que doivent assumer les ministères responsables de la mise en œuvre.

Le MAINC tient les cordons de cette bourse. Nous négocions avec le MAINC et à son tour le ministère s'adresse au Conseil du Trésor et au ministère des Finances pour veiller à ce que l'enveloppe soit garnie. Nous passons par l'intermédiaire du MAINC.

Le sénateur Dallaire : Ce n'est pas le processus habituel d'autrefois.

M. O'Donnell : Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous entendez par autrefois.

Le sénateur Dallaire : Des témoins nous ont dit qu'en 33 ans, ils n'avaient pas vu leur ministère recevoir un sou pour la mise en œuvre. Ils ne savent pas à qui s'adresser pour discuter de cette question afin de la résoudre ou encore, pour procéder aux examens quinquennaux.

M. O'Donnell : Il appartient à Affaires indiennes et du Nord Canada de s'occuper de cela. En vertu de nos obligations et en vertu de l'esprit que nous nous efforçons de respecter en même temps que nos obligations, les fonds pour payer les coûts différentiels nous sont attribués et nous mettons en oeuvre ces obligations.

Le sénateur Dallaire : C'est ce que je voulais savoir. Est-ce votre responsabilité que de faire partie du dispositif qu'Affaires indiennes et du Nord Canada devrait créer avec la participation de tous les ministères en prévision des négociations à venir sur les autres traités afin de faire avancer les choses? Est-ce que vous participez à l'élaborer de solutions innovatrices pour la résolution et la mise en œuvre de futures revendications en vertu des traités?

M. O'Donnell : Nous faisons partie de ce dispositif. On a constitué un caucus fédéral interministériel de fonctionnaires qui s'occupe des revendications territoriales et autochtones. Un comité directeur fédéral le chapeaute, et il est constitué de sous-ministres adjoints. M. Stewart y siège pour l'Agence Parcs Canada. De façon générale, il y a d'autres interactions entre Parcs Canada, les ministères responsables et le négociateur fédéral en chef qui a été retenu. Je fais partie de l'équipe de négociation sur les revendications territoriales comme M. Redmond, à l'occasion. Nous y représentons nos ministères respectifs.

Le sénateur Dallaire : Les membres du comité ont entendu un son de cloche différent de celui que vous, mesdames et messieurs, nous avez donné et nous essayons de départager le tout. De chaque côté, il y a de l'émotion et le souci de protéger ses intérêts. Néanmoins, on nous a dit que le MAINC estimait ne pas avoir le pouvoir d'amorcer de nouvelles négociations sur les revendications territoriales et de faire participer tout le monde. Le ministère n'a pas le pouvoir nécessaire auprès des organismes centraux pour obtenir le financement permettant la mise en œuvre et souvent, il constate que les ministères responsables ne sont pas très disposés à redéployer leurs ressources, en l'absence de nouveaux budgets, afin de satisfaire à ces nouvelles revendications.

Pensez-vous que le MAINC est assez musclé pour faire avancer non seulement le dossier des revendications territoriales, mais pour procéder à la mise en œuvre des plans et aux examens à long terme? Pensez-vous que vous devez vous acquitter de cette responsabilité? Pensez-vous que cela fait partie intégrante des procédures normalisées ou cela doit-il faire l'objet d'une négociation entre égaux dont l'issue est à déterminer?

M. O'Donnell : Il s'agit de deux questions différentes.

D'une part, il y a notre rôle dans le processus des revendications territoriales. Il existe une politique sur les revendications territoriales globales assortie d'un processus selon lequel les groupes autochtones déposent leur revendication, laquelle est alors examinée au ministère de la Justice et au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Toutes les études effectuées sont examinées en détail et évaluées et c'est alors que les négociations démarrent. C'est une chose.

Deuxièmement, vous me demandez comment l'accord est mis en œuvre une fois les négociations terminées et si le MAINC a la haute main sur ce processus?

Le sénateur Dallaire : Oui, dans les deux cas.

M. O'Donnell : Il est indéniable que le MAINC a la haute main sur la première partie, consistant à conclure une entente finale. Le MAINC est le ministère responsable qui joue le rôle de coordination principal au sein du gouvernement fédéral. La coordination se fait par l'intermédiaire du caucus fédéral, du comité directeur fédéral et d'autres mécanismes.

Ensuite, il y a la mise en œuvre des revendications. Je pense que le sous-ministre du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien l'a dit : divers ministères doivent s'acquitter de diverses obligations, selon le cas.

L'Agence Parcs Canada s'acquitte de ses obligations avec sérieux et nous les avons assumées. Je ne pense pas qu'aucun groupe d'Autochtones n'ait pointé Parcs Canada du doigt.

Le sénateur Dallaire : Rappelez-vous mes premiers propos. Nous sommes satisfaits. Toutefois, et j'y reviens, je ne suis pas sûr qu'Affaires indiennes et du Nord Canada ait véritablement la haute main sur ce processus. Est-ce une main de beurre ou une main de fer?

Nous avons l'impression qu'il n'existe pas de capacité centrale pour mobiliser les gens pour faire progresser la mise en œuvre et qu'au sein du gouvernement fédéral, bien des gens se disputent. Entre-temps, les peuples autochtones essaient de faire progresser les choses. Nous avons l'impression que le MAINC n'a pas la position de force nécessaire.

M. O'Donnell : Toutefois, je pense que M. Roy vous l'a dit aujourd'hui, divers mécanismes sont prévus, comme par exemple le comité directeur fédéral, constitué de sous-ministres adjoints pour assurer la fonction de supervision. Le ministère n'a pas une main de fer. Aucun ministère n'a une main de fer par rapport à un autre. Quand le ministère de la Défense nationale est venu au groupe interministériel chargé des négociations, le MAINC ne pouvait pas lui dire : « Voilà ce que vous allez faire, un point c'est tout ».

Le sénateur Dallaire : Je n'ai pas souvenir de cela.

M. O'Donnell : Le ministère de la Défense nationale ne participe plus au groupe interministériel, mais il le faisait autrefois.

Le sénateur Dallaire : Cela me fait sourire, car je pense à nos champs de tir, au secteur d'entraînement Sarci et à d'autres.

M. O'Donnell : Le MAINC coordonne les réponses que l'on donne aux groupes autochtones et qui sont élaborés de façon consensuelle par le comité directeur fédéral.

Le sénateur Dallaire : Le verbe « coordonner » est un verbe d'action.

M. O'Donnell : Ils n'agissent tout de même pas d'une main de fer. Aucun ministère n'agit ainsi à l'égard d'un autre ministère.

Le sénateur Dallaire : Vous verrez que le MAINC, s'il a l'argent, agira ainsi. Nous constatons que le ministère n'exige pas l'argent nécessaire pour vous offrir les ressources vous permettant de faire votre travail.

M. O'Donnell : Je m'en remets à vous sur cette question.

Le sénateur Peterson : Monsieur O'Donnell, vous avez dit que 12 des 42 parcs nationaux étaient touchés directement par des ententes sur des revendications globales. Qu'est-ce que cela signifie concrètement?

M. O'Donnell : Les ententes de revendications territoriales comportent des engagements qui ont une incidence directe sur certains parcs nationaux. M. Stewart a dit qu'un nombre de parcs nationaux avait été créés grâce au processus de revendication territoriale. Pour certains parcs nationaux qui existaient déjà, les revendications avaient une incidence. Par exemple, un conseil de gestion en collaboration était prévu, ou un conseil régional de la faune, avec participation de l'Agence Parcs Canada, échange d'information et d'instructions en ce qui concerne la faune. Il y a des engagements concernant l'emploi ou la sous-traitance, et cetera.

Le sénateur Peterson : Les groupes autochtones réclament-ils des terres qu'ils estiment leur appartenir et qui font partie des parcs nationaux? Toutes ces questions prennent-elles une forme différente selon les groupes?

M. Stewart : Pour ce qui est de la masse foncière et de l'attitude des Premières nations à l'égard des parcs nationaux lors des négociations, la propriété du gouvernement fédéral est reconnue. Toutefois, parce que nos objectifs sont dans le droit fil des intérêts des Premières nations, ces dernières estiment que nos efforts de conservation et la possibilité qui en découle de pratiquer leurs activités traditionnelles constituent des avantages additionnels pour ce qui pourrait être des terres revendiquées dans le cadre d'un processus de revendication. Autrement dit, des terres dont la propriété est prise par les peuples autochtones eux-mêmes.

Les dispositions de la Loi sur les parcs nationaux sont claires : ces terres doivent demeurer propriété fédérale. Toutefois, étant donné nos efforts de conservation, notre gestion de la faune, les bénéfices que représente un parc national sur le plan de l'accès traditionnel et de l'utilisation des terres et des ressources naturelles par les Premières nations, sont tels que bien des peuples autochtones — les Inuits du Nunavut en particulier — considèrent ces terres comme des avantages additionnels, car ainsi la masse foncière qu'ils réclament dans le processus demeure intacte. Voilà pourquoi nous pouvons compter sur leur plein appui.

Le sénateur Peterson : Si je pose la question, c'est parce que le MAINC a affirmé plus tôt que le ministère ne pouvait pas forcer l'Agence Parcs Canada à respecter les modalités d'une entente. Dans quel contexte cela serait-il le cas? Quel pourrait être le problème?

M. O'Donnell : Nous aurions besoin de savoir dans quel contexte ces propos ont été tenus.

M. Stewart : Il n'y a pas de problème. Notre souci est l'honneur de la Couronne. De notre point de vue, lorsque nous concluons des ententes, que nous exécutions une partie de l'entente conclue par le gouvernement du Canada ou encore que nous respections les accords bilatéraux distincts signés par la suite avec des bénéficiaires et leurs représentants, nous mettons en œuvre et nous honorons ces ententes. C'est ce que nous avons toujours fait. Là où il y a des difficultés, nous avons recours aux mécanismes de gouvernance établis avec les Premières nations pour les résoudre, demandant des précisions sur les faits déterminants et essayant de trouver une façon consensuelle de gérer la zone protégée.

Le sénateur Peterson : Nous allons demander des précisions au MAINC pour comprendre ce qu'ils voulaient dire.

Le président : Monsieur O'Donnell, vous avez dit qu'il existait une enveloppe réservée aux revendications dont on se sert pour financer la mise en œuvre quand des obligations supplémentaires à ce titre venaient s'ajouter au mandat du ministère, n'est-ce pas?

M. O'Donnell : Oui.

Le président : Cette enveloppe qui a été constituée correspond-elle aux besoins ou au coût de ces obligations? Comment cette enveloppe est-elle constituée? Pouvez-vous nous en dire davantage?

M. O'Donnell : Une fois la revendication territoriale négociée, le ministère responsable — par exemple, Parcs Canada — revoit la revendication et dresse la liste des obligations qui lui incombent directement. Nous faisons ensuite l'évaluation du coût des obligations.

Par exemple, l'entente peut préciser qu'il faudra constituer un conseil de gestion en coopération pour tel ou tel parc, que ce conseil devra se réunir, au minimum, trois fois par année, et qu'il devra rencontrer les représentants de diverses collectivités vivant dans la zone touchée par la revendication contigüe au parc.

Si le parc est situé dans le Nord, par exemple, deux fonctionnaires vont s'y rendre. À cette fin, il leur faudra noliser un avion. Il y aura donc un coût. S'ils doivent y aller trois fois par année, ce sera trois fois plus. S'ils doivent faire traduire des documents, en langue autochtone en l'occurrence, nous devons calculer le coût de la traduction. Tous ces éléments s'ajoutent les uns aux autres. Ensuite, nous disons au MAINC : voilà le coût différentiel que représente l'obligation dont nous devons nous acquitter, et cela n'est pas financé dans le cadre du mandat habituel de Parcs Canada. Ensuite, nous négocions le financement.

Le président : Merci, monsieur O'Donnell.

Bref, ce qui me préoccupe, c'est qu'il n'y a pas de main de fer, comme le disait le sénateur Dallaire, alors le processus manque de direction. Espérons que nos recommandations permettrons de trouver une main de fer, ou peu importe comment vous voulez l'appeler, pour que les décisions puissent être prises et que les problèmes ne soient pas renvoyés à un autre ministère sous prétexte que c'est sa responsabilité. Comme l'a fait valoir le sous-ministre, celui qui garde le but maîtrise le jeu.

Merci d'être venus ce matin, d'avoir présenté vos exposés et d'avoir répondu à nos questions de manière si professionnelle, directe et honnête. Espérons que nous pourrons formuler des recommandations qui aideront le processus dans son ensemble. Je suis certain que vous partagez tous le désir sincère de trouver une solution qui aidera les peuples des Premières nations dans la mise en œuvre des traités qu'ils ont signés avec le gouvernement.

La séance est levée.


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