Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 9 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 8 avril 2008
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, à qui a été renvoyé le projet de loi C-292, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de Kelowna, s'est réuni ce jour, à 9 h 30, pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, chers collègues et invités. Comme le sénateur Campbell le fait remarquer, nous n'avons pas de problème de quorum aujourd'hui et nous sommes prêts à commencer.
Nous allons commencer ce matin l'étude du projet de loi C-292, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de Kelowna. Nous avons avec nous aujourd'hui le parrain du projet de loi, le très honorable Paul Martin, C.P., député. Il est accompagné par l'honorable Ralph Goodale, C.P., député et de l'honorable Andy Scott, C.P., député.
Je vais présenter les sénateurs qui sont assis à la table. À ma gauche, il y a le sénateur Cowan. À côté du sénateur Cowan, il y a le sénateur Tkachuk. Après le sénateur Tkachuk, il y a le sénateur Lovelace Nicholas. Assis à côté d'elle, il y a le sénateur Peterson, et après le sénateur Peterson, il y a le sénateur Segal.
À droite, nous avons le sénateur Gustafson, et à côté de lui, le sénateur Campbell. Assis à côté de lui, il y a le sénateur Dyck et le dernier mais non le moindre, est le sénateur Dallaire.
Le projet de loi C-292 énonce :
Le gouvernement du Canada prend sans délai toutes les mesures nécessaires à la mise en œuvre de l'Accord, connu sous le nom de « Accord de Kelowna », qui a été conclu le 25 novembre 2005 à Kelowna, Colombie-Britannique, par le premier ministre du Canada, les premiers ministres de chaque province et territoire du Canada et par les représentants de l'Assemblée des Premières Nations, de l'Inuit Tapiriit Kanatami, du Ralliement national des Métis, de l'Association des femmes autochtones du Canada et du Congrès des peuples autochtones.
Je suis sûr que M. Martin, le parrain du projet de loi, a hâte de nous donner un aperçu des clauses de cet accord. Lorsque M. Martin aura terminé son exposé, je suis sûr que les honorables sénateurs voudront lui poser des questions.
Je vais donc vous donner immédiatement la parole.
Le très honorable Paul Martin, C.P., député, LaSalle—Émard, Chambre des communes : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. J'aimerais reprendre là où vous vous êtes arrêté en vous remerciant tous de nous avoir invités à témoigner ce matin dans le cadre de votre étude du projet de loi C-292, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de Kelowna.
L'étude de l'histoire du Canada et l'analyse de notre évolution comme nation montrent que les peuples indigènes du Canada ont tout simplement été mis de côté et n'ont pas participé au succès du Canada. Les maux dont souffre la société autochtone est notre honte nationale et c'est là que réside notre défi. Nous connaissons notre histoire et nous savons que cela ne doit pas être notre avenir.
Peu après être entré en fonction en 2004, nous avons lancé la Table ronde Canada-Autochtones et pendant un an et demi, tous les participants ont travaillé à l'établissement d'objectifs et de cibles pour réaliser des progrès dans cinq domaines cruciaux : l'éducation, la santé, le logement, l'eau potable et le développement économique.
Il faut immédiatement faire remarquer que le gouvernement fédéral n'a pas imposé ou décrété quoi que ce soit. C'est un point extrêmement important. Nous avons tenu compte du fait, pour une des rares fois dans l'histoire du Canada, que la Couronne ne pouvait résoudre seule ces problèmes, que les réponses devaient être cherchées dans la sagesse des collectivités autochtones elles-mêmes et que les solutions durables ne pouvaient que découler de partenariats entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les dirigeants autochtones du pays.
[Français]
Comme premiers ministres, nous étions déterminés à parvenir à Kelowna à une meilleure harmonisation des programmes et des services et à mettre fin au ballet des luttes de pouvoir entre paliers de gouvernement.
[Traduction]
À la fin, le gouvernement du Canada a conclu une entente-cadre extraordinaire avec un groupe de personnes extraordinaires. Ce groupe comprenait les dirigeants de l'Assemblée des Premières Nations, de l'Inuit Tapiriit Kanatami, du Ralliement national des Métis, du Congrès des peuples autochtones, de l'Association des femmes autochtones du Canada et les premiers ministres des provinces et des territoires du Canada. Ensemble, nous avons élaboré un plan décennal, ayant pour objectif de réduire, et finalement de supprimer, les écarts enregistrés sur le plan des résultats qui touchent la qualité de vie des Autochtones canadiens. Ce plan est maintenant connu comme l'Accord de Kelowna.
Les cinq premières années étaient intégralement financées dans le cadre financier. Le plan fixe des objectifs mesurables et ses résultats devaient être évalués tous les deux ou trois ans, donnant ainsi aux Canadiens la possibilité d'obliger toutes les personnes y ayant participé à rendre des comptes.
Je note que, malgré la position qu'a adoptée le gouvernement fédéral actuel au sujet de cet accord, ni les dirigeants autochtones ni les provinces et les territoires n'ont renoncé aux objectifs et aux cibles qu'il prévoit.
Par exemple, le mois dernier, le premier ministre Campbell de la Colombie-Britannique, qui a joué un rôle extrêmement important dans les négociations initiales, a invité tous leurs participants ou leurs successeurs à assister à une réunion au cours de laquelle il serait procédé à l'évaluation de l'accord qui devrait être faite tous les deux ans et pour évaluer les progrès.
Monsieur le président, lorsque vous et les sénateurs étudierez le projet de loi qui vous est soumis, vous devrez tenir compte de l'objectif de l'Accord de Kelowna. Cet objectif vous fera comprendre pourquoi il y a tant de dirigeants de notre nation qui veulent le mettre en œuvre.
J'aimerais vous donner deux exemples de ce dont je parle.
[Français]
Pour la première fois dans l'histoire du Canada, nous nous engagions à mettre sur pied un réseau scolaire pour les Premières nations relevant de leurs compétences, en collaboration avec les provinces qui dispensent les services en éducation aux Canadiens.
Dans les écoles publiques, que ce soit dans les centres urbains ou dans le Grand Nord, nous aurions vu à ce que la culture des Premières nations, des Inuits et de la nation Métis soit une composante essentielle du programme scolaire.
De plus, nous nous engagions avec les provinces et les territoires à établir des centres d'excellence axés sur l'éducation des Autochtones et nous voulions travailler de concert avec nos partenaires dans le secteur public et privé à concevoir les programmes d'apprentissage nécessaires pour aider les Autochtones à se positionner afin d'obtenir des emplois bien rémunérés.
[Traduction]
Monsieur le président, dans les réserves, l'éducation primaire et secondaire relève de la compétence du gouvernement fédéral. Cela dit, les provinces dépensent beaucoup plus pour chaque élève que ne le fait le gouvernement fédéral.
Si vous voulez voir les résultats de ce sous-financement, venez avec moi visiter certaines écoles autochtones financées par le gouvernement fédéral. L'injustice de la situation vous ferait pleurer. Il y a plusieurs raisons qui expliquent pourquoi le taux de décrochage au secondaire chez les Autochtones est beaucoup plus important que chez les non-Autochtones, mais ce sous-financement est évidemment un des principaux facteurs.
L'objectif de l'Accord de Kelowna était de combler intégralement l'écart en matière d'achèvement des études secondaires au cours des dix prochaines années. Il visait à réduire de moitié l'écart correspondant aux études postsecondaires. Selon cet objectif, 22 000 étudiants supplémentaires auraient terminé leurs études secondaires au cours des cinq prochaines années et 110 000 de plus, au cours des dix prochaines années. Près de 15 000 étudiants supplémentaires auraient obtenu un diplôme collégial ou universitaire au cours des cinq prochaines années et 37 000 de plus en dix ans.
Que veut dire tout cela? Cela veut dire qu'en refusant de reconnaître l'Accord de Kelowna sans offrir de solution de rechange en matière d'éducation, le gouvernement fédéral actuel a montré que l'écart qui existait sur le plan de l'éducation entre les Canadiens autochtones et les Canadiens non-autochtones ne l'intéressait pas. Cette attitude, monsieur le président, est inqualifiable.
Le deuxième exemple est que le gouvernement affirme vouloir renforcer l'obligation de rendre compte. Monsieur le président, nous le sommes également, tout comme les provinces, les territoires et les dirigeants autochtones. L'Accord de Kelowna affectait 120 millions de dollars à des mesures de responsabilisation à l'égard des résultats. Un plan de travail conjoint exposant l'entente sur les principes et les objectifs et dix domaines de projets spécifiques avaient été définis. Ces domaines comprenaient les processus de certification financière, l'amélioration des données relatives à la mesure de la performance, l'amélioration des rapports, le développement des capacités de gestion et la création d'un ombudsman des Premières nations. Le Bureau du vérificateur général du Canada a également participé à une initiative connexe visant à mettre sur pied un vérificateur général des Premières nations.
Quelle est la situation aujourd'hui? Le financement qui avait été prévu pour la responsabilisation à l'égard des résultats a été pratiquement supprimé par le gouvernement fédéral. Même les fonds qui auraient permis aux chefs qui voulaient travailler sur cet aspect de leur propre initiative ont aussi été supprimés.
Monsieur le président et honorables sénateurs, la bonne gouvernance et la responsabilisation sont des éléments essentiels. Existe-t-il des écarts importants à combler? Oui, il y en a. Personne ne le nie et personne ne nie non plus qu'il faut faire une priorité de la lutte contre ces écarts et de leur réduction.
Trop souvent, les personnes qui abordent ces questions laissent entendre que les dirigeants autochtones ne reconnaissent pas l'existence d'un problème ou ne veulent pas s'y attaquer. C'est là le problème. Je peux vous dire que les dirigeants autochtones savent très bien que le problème existe et qu'ils veulent faire quelque chose.
Ils souhaitent que les personnes qui soulèvent cette question et qui sont en mesure de faire quelque chose travaillent avec eux pour résoudre ce problème. En fait, cela est tellement évident que l'on peut se demander si, lorsque le gouvernement, et non pas d'autres entités, soulève cette question, il ne le fait pas pour détourner l'attention des autres priorités comme l'éducation et les soins de santé.
[Français]
Les Canadiens autochtones, les provinces et les territoires souhaitent nettement que le gouvernement conservateur s'engage à respecter l'Accord de Kelowna. Le gouvernement doit reconnaître qu'en raison de son désengagement, il vient de perdre presque deux ans au cours desquels des progrès cruciaux auraient pu être réalisés. Le temps est venu pour le gouvernement d'agir.
[Traduction]
Les erreurs du passé devraient déjà inciter les gouvernements à faire ce qu'ils peuvent. C'est toutefois l'avenir qui renforce l'urgence de cette tâche. Nous représentons, dans le concert des nations, un petit pays parmi des géants. Nous sommes en concurrence avec de nombreux pays dont la population se compte par centaine de millions d'habitants alors que le nôtre en compte 33 millions. Le monde moderne exige que le Canada soit plus productif : le Canada ne peut se permettre de gaspiller le potentiel et le talent de tous ses citoyens. Le Canada peut profiter énormément d'une population autochtone qui participerait pleinement à notre prospérité, une population qui est la plus jeune de notre pays et qui augmente très rapidement.
De plus, le Canada a toujours essayé de faire entendre sa voix dans le monde, pour parler de progrès, de défense des droits de la personne, de suppression de la pauvreté, de relèvement des démunis et de suppression de la discrimination. Ces valeurs sont importantes. Ce sont de nobles valeurs, et nous espérons qu'en les défendant à l'échelle internationale, nous pourrons montrer aux autres ce que nous savons être.
Cependant, je vous demande ce que vaut notre engagement envers ces valeurs alors qu'elles ne sont même pas respectées à l'intérieur de nos frontières. Comment pouvons-nous nous présenter en exemple au monde en matière de droits de la personne lorsque le monde peut voir comment nous traitons les Canadiens qui ont le plus besoin de justice sociale et de possibilités de prospérer?
[Français]
Les descendants des premiers occupants de ce pays doivent avoir des chances égales de travailler et de profiter des bienfaits de notre prospérité. Ils doivent partager les mêmes chances d'avenir, la même dignité et la même qualité de vie.
Le Canada a le devoir de redresser les torts et de faire régner l'espoir à la place du désespoir. Il a le devoir de se rappeler les erreurs du passé afin de bâtir un avenir meilleur. C'est pour cela que nous sommes ici aujourd'hui.
[Traduction]
Avec le règlement relatif aux pensionnats, l'Accord de Kelowna devait signaler le début d'une nouvelle ère. Les dirigeants autochtones, les provinces et les territoires et le gouvernement fédéral allaient enfin s'entendre et partager les mêmes objectifs.
Le jour où nous en sommes arrivés à un consensus et avons accepté l'accord, tous ceux qui étaient à la table, tous ceux qui faisaient partie du Parlement, quel que soit leur parti politique, pensaient vraiment que nous avions réussi quelque chose qui allait durer. Les générations futures des Canadiens allaient voir dans ce jour un nouveau départ. Il aurait marqué le lieu et l'endroit après quoi tout allait s'améliorer.
Malheureusement, depuis la conclusion de l'Accord de Kelowna, nous avons appris une fois de plus quelque chose que nous avions déjà appris, et réappris, sans que cela semble vraiment être compris — les gouvernements doivent respecter leur parole. Lorsque le gouvernement a changé, les conservateurs ont décidé de faire comme si l'Accord de Kelowna n'existait pas, de le rejeter, de briser la promesse que le gouvernement du Canada avait faite aux provinces, aux territoires et à nos Premières nations.
C'était une erreur. Comme de nombreux Canadiens, je ne renoncerai pas. Je sais que tôt ou tard, l'esprit de l'Accord de Kelowna l'emportera. Pourquoi? Parce que les Canadiens sont des gens justes et équitables.
Il y a à peu près trois ans, ma femme Sheila et moi avons voyagé au Canada, au nord du 60e parallèle. Nous avons visité des collectivités situées dans chacun des trois territoires. Chaque arrêt que nous avons fait a été unique et différent, qu'il s'agisse d'Inuits, de Métis ou de Premières nations. Nous nous sommes peu à peu habitués à l'accueil généreux que nous faisaient les enfants lorsque nous marchions avec eux. Ils nous suivaient et nous pouvions voir dans leurs yeux la curiosité et l'espoir qui les animaient.
Nous avons toutefois entendu un autre son de cloche lorsque les Anciens que nous avons rencontrés nous ont brossé un tableau fort différent. Ils nous ont montré qu'il existait un écart intolérable entre les promesses d'avenir faites aux jeunes et les résultats concrets obtenus par les adultes autochtones. Les Anciens avaient vu trop souvent se répéter le cycle du désespoir. Les Anciens ont raison, mais dans ce cas-ci, ils souhaiteraient se tromper.
Nous avons les moyens de faire de ces enfants la première génération qui participe à un changement réel et positif — faire partie de la génération qui termine ses études, de la génération qui reçoit les outils nécessaires pour réussir, la génération qui brisera le cycle de la pauvreté.
Nous ne devons pas les décevoir.
Le président : Merci. Honorables sénateurs, je vous invite à poser de brèves questions et j'inviterai MM. Martin, Scott et Goodale, à vous fournir des réponses concises. Les sénateurs sont nombreux à la table ce matin et j'aimerais que tous puissent poser leurs questions.
M. Martin : Vous savez que M. Scott et moi vous donnerons des réponses brèves.
L'honorable Ralph Goodale, C.P., député, Wascana, Chambre des communes : Est-ce une menace?
Le président : Je suis heureux de voir que l'intégrité l'emporte.
Notre comité a toujours travaillé de façon non partisane pour essayer d'améliorer le sort des Premières nations. Il n'y a aucune raison pour que nous ne puissions pas continuer de cette façon.
Avant de passer au premier intervenant, je vous signale que trois sénateurs viennent de se joindre à nous; le sénateur Sibbeston qui est le vice-président, le sénateur Watt et le sénateur Hubley.
Le sénateur Segal : Quelles que soient les différences d'opinion qui puissent exister au sujet du projet de loi, en tant que Canadien, je suis ravi de voir que vous, un ancien premier ministre, continuez à travailler sur une question à laquelle vous attachez manifestement beaucoup d'importance. C'est un aspect qui vous touche très profondément et j'aimerais que nos anciens dirigeants s'engagent davantage à travailler sur ce genre de questions. Trop souvent, nos distingués anciens premiers ministres et chefs de parti quittent leur poste trop rapidement après un échec relatif alors qu'ils ont encore beaucoup de choses à apporter à notre pays.
Dans le contexte britannique, je pense à Alec Douglas-Home, un premier ministre qui a ensuite occupé le poste de secrétaire au Foreign Office et à William Hague, un ancien chef de parti qui est maintenant secrétaire au Foreign Office dans le cabinet fantôme. J'espère que parmi les nombreux choix qui s'offrent à vous, vous n'avez pas écarté la possibilité de continuer à vous occuper des affaires du pays. Cela serait une excellente chose pour tous les Canadiens, quelle que soit leur affiliation politique.
J'ai deux brèves questions à poser. L'une porte sur un cas précis et l'autre sur une question de principes.
Lorsqu'un ancien premier ministre vient nous dire que le cadre financier comprenait une somme de cinq milliards de dollars, je le crois, point final. Le budget qui a précédé la réunion de novembre avec les Premières nations qui faisait partie de ce long processus, ne mentionnait pas de somme de cinq milliards de dollars, ni de somme supérieure qui aurait inclus cette somme de cinq milliards de dollars. Compte tenu du fait que le Parlement a été dissout après l'accord, il faut reconnaître, pour être équitable, que le gouvernement n'a pas eu le temps de présenter un budget qui tienne compte de ce chiffre.
Je crois savoir que tous les documents qui concernent votre administration sont aujourd'hui scellés conformément au protocole applicable aux gouvernements. Si vous possédez des données ou des documents d'information au sujet du cadre financier qui nous aideraient à comprendre exactement où ces fonds étaient placés, je pense que cela serait une excellente chose pour le comité d'avoir accès à cette information. Je le dis en toute bonne foi.
Je veux poser une question de principe. Partez du principe que la plupart des gens partagent les mêmes objectifs, mais utilisent pour les réaliser des approches différentes en matière de méthodologie et que les personnes de bonne foi ne s'entendent pas toujours sur la meilleure façon d'obtenir un certain résultat. Si vous étiez premier ministre aujourd'hui et qu'un projet de loi venant de l'opposition était présenté et aurait pour effet d'ajouter cinq milliards de dollars à votre plan de dépenses, considériez — vous que ce projet de loi soulève une question de confiance, pour ce qui est de votre capacité, ou de la capacité de votre collègue, M. Goodale, de gérer les finances de la Couronne conformément aux principes parlementaires traditionnels? Ou, diriez-vous plutôt que la question est tellement importante qu'il n'y a pas lieu de tenir compte du parti qui contrôle le cadre financier de notre régime parlementaire britannique?
M. Martin : Merci pour les remarques que vous avez faites au début. Pour ce qui est du montant de cinq milliards de dollars, je mentionnerai deux choses. Premièrement, pas très longtemps après tout cela, le nouveau gouvernement a annoncé ce qui a finalement été le dernier excédent de notre gouvernement, qui était un excédent à deux chiffres, de sorte que les fonds étaient clairement disponibles.
J'inviterais l'ancien ministre des Finances à parler de cet aspect mais le fait est que dans ses documents, que préparent d'ailleurs tous les ministres des Finances — ils préparent une série de prévisions pour guider l'action du gouvernement — le montant de cinq milliards de dollars étaient inclus. Il vous en parlera. Ce montant n'a pu disparaître que si le nouveau gouvernement a pris la décision de supprimer cette somme.
Pour ce qui est de la deuxième question, j'ai du mal à accepter l'hypothèse de base. Premièrement, je n'aurais pas annulé le programme; mais si cela avait été fait, je me serais alors penché sur le rôle et les responsabilités du gouvernement fédéral. Comme je l'ai mentionné dans mes remarques, dans le domaine de l'éducation primaire et secondaire dans les réserves, un secteur qui relève du gouvernement fédéral, nous constatons qu'il y a un sous-financement important, si l'on compare le financement que les provinces accordent aux écoles primaires et secondaires comparables. Par conséquent, ce sous-financement reflète clairement un manque d'équité et constitue de la discrimination. Si vous me demandez si j'aurais voulu qu'une motion qui dirait que le gouvernement fédéral ne s'acquitte pas de ses responsabilités de façon juste et équitable parce qu'il ne fournit pas un enseignement adéquat aux Autochtones canadiens, je vous répondrais que je n'aurais pas voulu que cette motion soit une motion de confiance.
Le sénateur Tkachuk : Je pense que M. Goodale veut dire quelque chose au sujet des documents auxquels faisait référence M. Martin. Il serait peut-être utile qu'il dépose également ces documents.
M. Goodale : Ces documents appartiennent bien sûr au gouvernement du Canada, et non pas à un député particulier. Je peux vous parler du souvenir que j'ai de ces documents, dont je me suis occupé pendant que j'étais ministre des Finances.
En résumé, dans notre système, le gouvernement rend officiellement des comptes au Parlement et à la population au sujet de la situation financière du pays deux fois par an. La première est le budget présenté au printemps et l'autre est appelée la mise à jour économique et financière en automne.
D'une façon permanente, le ministre des Finances tient, ce qu'on appelle au ministère des Finances, un « tableau de financement », qui montre toutes les entrées et toutes les sorties de fonds. Entre les comptes publics officiels présentés au printemps et en automne, le tableau de financement permet au ministre des Finances, et au premier ministre qui s'appuie sur les données du ministre des Finances, de suivre les flux des fonds. Quelles sont les recettes perçues au cours de l'année et quels sont les engagements formels qui ont été pris en matière de dépenses?
Les décisions relatives à l'Accord de Kelowna conclu en 2005 ont été prises après la mise à jour d'automne. La mise à jour d'automne a été présentée autour du 14 novembre; les réunions concernant l'Accord de Kelowna ont été tenues autour du 24 novembre. Je n'étais pas en mesure, comme ministre des Finances, de préciser en détail le 14 novembre ce que nous pensions qu'il serait décidé à la réunion sur l'Accord de Kelowna qui devait avoir lieu 10 jours plus tard.
Néanmoins, les préparatifs avaient été effectués par M. Scott et par des représentants du gouvernement du Canada, en collaboration avec les provinces, les territoires et les organismes autochtones. Le premier ministre et moi avions donc convenu, avant d'aller à cette réunion, premièrement, que je mentionnerais dans la mise à jour de l'automne que l'Accord de Kelowna était sur le point d'être conclu et qu'il prévoirait des engagements financiers supplémentaires, choses que j'ai faites.
Deuxièmement, nous avions convenu de mettre de côté une enveloppe d'un montant de 5,1 à 5,2 milliards de dollars destinée à couvrir les retombées prévues de l'Accord de Kelowna. Cet argent était disponible et était détenu dans ce but avant la réunion au sujet de l'Accord de Kelowna.
Cette réunion a eu lieu. Elle s'est déroulée comme prévu. À la fin de la réunion, le greffier du Conseil privé, qui était à Kelowna à l'époque, m'a transmis par téléphone les résultats de la réunion et m'a déclaré que plus précisément ce chiffre était de 5,096 milliards de dollars. C'était le montant qui découlait de l'Accord de Kelowna et c'est le montant que j'ai inscrit dans le tableau de financement, dès que j'ai reçu l'appel du greffier.
Ce montant de 5,096 milliards de dollars comprenait 1,8 milliard de dollars pour l'éducation, 1,6 milliard de dollars pour le logement et l'eau, 170 millions de dollars pour la bonne gouvernance, 200 millions de dollars pour les possibilités économiques et 1,3 milliard de dollars pour la santé. J'ai arrondi certains de ces chiffres, mais cela vous donne un total de 5,096 milliards de dollars. Cette somme a été inscrite dans le tableau de financement le 24 novembre 2005 ou vers cette date.
Je peux vous garantir que ni le ministre des Finances, ni le premier ministre n'ont modifié ces chiffres après cette date. S'il y a eu un changement, si ces fonds ont été supprimés du tableau de financement et utilisés à d'autres fins, cela s'est fait après le 6 février 2006, au moment où il y a eu un changement de gouvernement.
L'honorable Andy Scott, C.P., député, Fredericton, Chambre des communes : Pour la gouverne des membres du comité, un représentant du ministère des Finances a comparu devant le comité des finances le 10 mai 2006. Je cite les paroles de Paul-Henri Lapointe :
L'Accord de Kelowna n'a pas été pris en compte dans la Mise à jour de l'automne, parce que celui-ci a été signé après la Mise à jour en question. Les fonds sont venus de l'excédent non réparti dans la Mise à jour de l'automne, [...].
Cette citation confirme ce que nous étions en train de dire. Des fonctionnaires du ministère des Finances ont comparu devant le comité des finances pour confirmer cet engagement.
M. Goodale : On avait demandé à M. Lapointe à combien s'élevait cette somme et il avait répondu qu'elle était d'environ cinq milliards de dollars, dans le même témoignage qu'il a livré au comité des finances. Je mentionnerai un dernier point. Le 17 mai, tel que cela a été rapporté dans le Toronto Star, le sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord de l'époque, sous le nouveau gouvernement, citait l'existence de l'Accord de Kelowna pour montrer que l'on avait fait des progrès pour régler les questions touchant les Autochtones. Cela figurait dans des documents que le sous-ministre transmettait au vérificateur général du Canada.
Il y a donc eu un haut fonctionnaire du ministère des Finances et un haut fonctionnaire du MAINC qui ont tous les deux confirmé l'existence de l'Accord.
Le sénateur Tkachuk : Je viens de la Saskatchewan et nous connaissons bien là-bas ces questions, comme vous le savez tous. C'est un aspect qui nous préoccupe depuis quelque temps et je suis sûr qu'il en va de même pour les dirigeants autochtones de notre province.
Lorsque j'ai examiné certains documents pour préparer la réunion qui a été tenue à Kelowna, j'ai été frappé par le fait que la discussion portait sur des aspects essentiels — l'éducation, le logement, la santé, les emplois et l'eau potable. Cela m'a frappé, parce que ce sont là des choses simples que les Canadiens tiennent pour acquis depuis des dizaines et des dizaines d'années. Ces domaines relèvent du gouvernement fédéral depuis 1867.
Je me demandais si vous ne pouviez pas prendre un peu de temps pour nous dire, ainsi qu'au peuple autochtone du Canada, pourquoi nous avons fait si peu de progrès dans certains de ces domaines entre 1867 et 2005. Vous souhaiteriez peut-être parler en particulier des années 1993 à 2005, que vous connaissez le mieux, et nous dire ce qui vous a amené à constater soudainement qu'en 2005, 44 p. 100 des étudiants ne terminaient pas leurs études secondaires.
C'est un problème historique qui dure depuis longtemps. J'aimerais que vous preniez le temps de nous expliquer en quoi cet accord est différent de ce qui avait été fait auparavant. Expliquez-moi et expliquez à tous les Canadiens pourquoi cet accord est si différent des solutions qui ont toutes débouché sur des échecs retentissants avant 2005.
M. Martin : Sénateur, vous avez tapé dans le mille avec votre question et elle décrit parfaitement la situation. Je ne pense pas qu'il s'agisse là d'une question partisane; et vos questions le confirment. Aucun parti politique qui a été au pouvoir au Canada depuis la Confédération ne peut être fier de la façon dont cette question a été abordée.
Les erreurs fondamentales qu'ont commises les divers gouvernements fédéraux qui ont détenu le pouvoir ont été premièrement de penser qu'il était possible d'assimiler un peuple : supprimer son pouvoir de décision, supprimer la capacité de ses dirigeants d'établir des liens avec leur propre communauté, imposer d'en haut des solutions n'ayant aucun lien avec les cultures des peuples à qui on demandait de mettre en œuvre ces solutions et en arriver à des solutions rationnelles et efficaces.
Nous avons tous commis cette erreur. L'exemple le plus criant a été celui des pensionnats qui reflétait à la fois une politique d'assimilation, une politique totalement inefficace qui a reporté le problème, de génération en génération, aspect pour lequel le gouvernement devrait s'excuser en plus des fonds qu'il a déjà versés.
Le deuxième problème, le gouvernement l'a tout simplement sous-financé et ne l'a pas compris. Jusqu'en 1953, sénateur, comme vous le savez, un Indien inscrit n'avait pas le droit d'aller à l'université, car s'il le faisait, il perdait son statut. Cette politique tout à fait inepte constituait de l'assimilation et de la discrimination, et nous en sommes tous responsables.
Vous avez demandé en quoi l'Accord de Kelowna était différent. Premièrement, l'Accord n'a pas été imposé d'en haut. Le gouvernement fédéral n'a pas tenté d'intervenir en apportant toutes les réponses et en s'attendant à ce que les Autochtones suivent ses directives. Le gouvernement fédéral a rencontré les dirigeants autochtones, les gouvernements provinciaux et territoriaux et leur a demandé de travailler ensemble pour élaborer des objectifs et des solutions. C'était la première fois que les choses se faisaient de cette façon. Deuxièmement, nous avons tenu compte du fait que le gouvernement fédéral possédait de l'expertise dans certains domaines mais pas dans d'autres. Le gouvernement fédéral n'a pas de ministère de l'Éducation et ne possède, par conséquent, aucune expertise dans le domaine de l'éducation primaire et secondaire, expertise que possèdent les provinces. C'est pourquoi dans le passé, le gouvernement se réunissait avec les chefs et les conseils de bande et leur disait voilà de l'argent pour les écoles primaires et secondaires et c'était tout. Prenons le cas d'un directeur d'école du centre ville d'Ottawa qui a de la difficulté avec un élève ayant des besoins spéciaux ou quelque chose de ce genre; il peut s'adresser au conseil scolaire local ou au ministère de l'Éducation, mais, si quelqu'un administre une école secondaire ou primaire dans une école du Nord, cette personne ne peut s'adresser à personne d'autre. Cette personne ne peut demander des conseils au MAINC parce que ce ministère ne possède pas ce genre d'expertise. C'est la raison pour laquelle nous avons fait intervenir les provinces, qui possèdent cette expertise et que nous leur avons demandé de travailler avec les chefs et les conseils; mais, étant donné que l'éducation sur les réserves est une compétence fédérale, le gouvernement est prêt à les indemniser pour le faire. Ce sont les fonds consacrés à l'éducation dont a parlé M. Goodale.
Troisièmement, nous avons admis qu'il y avait un grave sous-financement. Aux termes de l'Accord de Kelowna, le gouvernement doit accorder des fonds de façon équitable. Pour la première fois, le gouvernement a travaillé en collaboration avec les dirigeants autochtones pour prendre des décisions; il a amené les provinces et les territoires à offrir leur expertise et il a fourni un niveau de financement approprié. Voici la réponse à votre question, sénateur.
Le sénateur Tkachuk : L'éducation, le logement, la santé, l'eau potable et une bonne partie du développement économique sont des sujets de compétence provinciale.
M. Martin : Sénateur, ce ne sont pas des domaines de compétence provinciale dans les réserves. Ce sont des domaines fédéraux.
Le sénateur Tkachuk : Je le sais, mais je voulais faire remarquer que toutes ces questions sont de compétences provinciales et ce sont les provinces qui possèdent l'expertise dans ces domaines. Pourtant, jusqu'en 2005, personne, y compris les dirigeants indiens n'ont tiré avantage de ce fait et admis que les provinces possédaient cette expertise.
M. Martin : Les dirigeants indiens l'ont reconnu et c'est pourquoi ils ont accepté de rencontrer des représentants de tous les niveaux de gouvernement. Bien évidemment, les dirigeants autochtones ont reconnu que la Couronne avait compétence sur ces questions et ne pouvait les ignorer mais ils ont également reconnu que cette expertise appartenait aux provinces et ils ont voulu que celles-ci participent aux discussions. Nous n'avons pas négocié l'Accord de Kelowna en obligeant les provinces ou les Autochtones à se réunir pour en discuter. Ce sont les provinces et les Autochtones qui ont décidé de participer à ces discussions.
Je remarque que vous êtes dérouté par le fait que cette façon de faire n'a jamais été utilisée auparavant. Moi-même, je ne le comprends pas non plus. Comme je l'ai dit, il n'y a personne au Canada, quel que soit son affiliation politique, qui peut être fier de ce qui a été fait auparavant. Le gouvernement précédent a fait exactement ce que vous avez dit — il a fait intervenir les provinces, accordé les fonds adéquats et consulté les intéressés — après près de 140 ans. Tout le monde s'est entendu sur ce projet et pourtant, le nouveau gouvernement déclare vouloir revenir aux anciennes façons de faire. C'est pourquoi je suis également très étonné, comme vous l'êtes sénateur. Je ne comprends pas comment, après tant d'années d'échec, le nouveau gouvernement peut rejeter cette première tentative fructueuse d'apporter une solution à toutes ces questions. Ce gouvernement semble penser que la bonne façon de faire est celle qui a été utilisée au cours du siècle précédent.
Le sénateur Dallaire : Nous ne sommes pas en train de passer un examen d'histoire, mais je me demande si Sir John A. Macdonald n'était pas le premier ministre en 1876? La Loi sur les Indiens a été adoptée en 1976, et elle reflétait les préoccupations du gouvernement au sujet de la gestion des terres des Premières nations, de l'appartenance aux Premières nations et du gouvernement local ainsi qu'au sujet de l'objectif final, à savoir l'assimilation. Je ne veux pas mêler l'histoire ou la politique à ces questions, même si ces aspects ont été soulevés ce matin, mais nous avons une longue histoire et la Loi sur les Indiens est toujours en vigueur.
Le sénateur Segal : On ne peut pas vivre dans le passé.
Le sénateur Dallaire : C'est exact. D'après moi, l'initiative qui consiste à faire adopter ce projet de loi d'origine parlementaire est une façon tout à fait novatrice de combler le vide qu'a créé le nouveau gouvernement. L'Accord de Kelowna semble être le fruit de plusieurs années de négociation entre diverses administrations qui souhaitaient renforcer leurs liens et combler cet écart. Dans ce sens, j'appuie cette initiative.
Je regrette de constater que, si de nombreuses personnes ont participé aux négociations de l'Accord de Kelowna, y compris le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de la Chambre des communes, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones n'y a pas participé. Nous espérons que le comité sénatorial sera invité à le faire à l'avenir.
Le financement de l'Accord de Kelowna s'élevait à 811,5 millions de dollars pour la première année, 2006-2007, et c'était un programme quinquennal. Le financement ne posait pas de problème, parce qu'il y avait un excédent massif qui permettait d'affecter un tel montant. Pourquoi est-ce que l'Accord n'a-t-il pas été considéré comme un grand projet plutôt que comme un accord qui comporte de nombreux aspects mais qui n'est pas chapeauté par un directeur de projet. Par exemple, le gouvernement a investi pendant près d'une dizaine d'années dans l'aménagement de la voie maritime du Saint-Laurent. Les projets d'immobilisation dont je me suis occupé se sont étalés sur une quinzaine d'années.
Pourquoi limiter à cinq ans la durée de cet accord? Pourquoi ne pas mentionner qu'il s'agit d'un projet qui va permettre à nos Autochtones de passer du tiers monde au premier monde, que c'est un projet qui prendra dix ans à réaliser et qu'il faut donc avoir un bureau chargé de ce projet? Est-ce le BCP qui va être responsable du projet et tous les autres intervenants lui seront subordonnés? Pourquoi ne pas confier la mise en œuvre de cet accord à un bureau de projet avec son propre budget? Pourquoi ne pas utiliser un tel processus et non un système qui permet à beaucoup de gens de recourir à des manœuvres dilatoires et d'entraver la mise en œuvre du projet.
M. Martin : Sénateur, tout d'abord, je regrette de ne pas savoir qui était le premier ministre en 1876. Je pense toutefois que votre commentaire au sujet du comité sénatorial est important. Il aurait dû participer à ces discussions, et compte tenu de la compréhension dont font preuve ses membres sur ces questions, je dois dire que je suis ravi d'être ici aujourd'hui.
M. Scott voudra peut-être intervenir et répondre à cette question, mais il est important de comprendre ce que nous avons essayé de faire. Je vais revenir à la question précédente. Nous ne voulions pas imposer aux peuples autochtones du Canada ni aux provinces un décret venant d'en haut. C'est pourquoi M. Scott a démarré ce processus pratiquement le lendemain de notre élection. Nous avons eu des discussions pendant 15 à 18 mois. Cela a été extrêmement important. Nous savions que si nous imposions nos solutions, nous nous retrouverions un an plus tard à la table des négociations et que rien ne fonctionnerait. C'est la raison pour laquelle nous avons voulu régler beaucoup de questions préalables; nous avons demandé aux Autochtones de dire ce qui pourrait fonctionner et ce qu'ils accepteraient et nous avons fait la même chose avec les provinces. Ce travail a pris un an et demi.
La deuxième chose à comprendre est que le gouvernement fédéral ne possède aucune expertise en matière l'éducation, par exemple, comme cela a été signalé dans les questions posées. C'est pourquoi il était important de travailler avec les provinces qui possédaient cette expertise et de travailler avec les dirigeants autochtones. Il ne s'agissait pas simplement d'offrir les cours qui figurent dans les programmes des provinces. Il fallait que ces cours reflètent une compréhension de la culture autochtone, de la culture des Premières nations, des Métis ou des Inuits — la compréhension de « Qui nous sommes » — c'était là un élément important. Il a fallu régler toutes ces questions.
Ma dernière remarque est celle-ci : au Canada, la communauté autochtone n'est pas monolithique. M. Scott voudra peut-être intervenir à ce sujet. Les systèmes d'éducation sont de nature provinciale. Nous avons établi des cibles et un financement. Cependant, nous nous sommes ensuite entendus, comme dans l'Accord qui a été signé avec la Colombie-Britannique, pour que l'éducation soit négociée province par province, groupe autochtone par groupe autochtone, de façon à tenir compte des différences importantes. Voilà la raison, sénateur.
M. Scott : Nous avons établi de nouveaux rapports avec tous les intéressés, c'est ce qui explique que le financement ait été prévu de cette façon. La relation entre le gouvernement fédéral, les Premières nations dans les réserves, en particulier, et les provinces a été configurée de façon relativement nouvelle.
Historiquement, les provinces craignaient que le gouvernement fédéral essaie de se soustraire à ses responsabilités et de faire des économies, lorsque ces sujets faisaient l'objet de discussions. Je me souviens que le ministre des Premières nations et des relations avec les Métis de la Saskatchewan, Maynard Sontag, a déclaré que les provinces étaient disposées à participer à la mise en œuvre d'un tel accord, parce que c'était en fait aussi dans leur intérêt, le plus souvent, pour autant que nous soyons prêts à investir également dans ce domaine. Il a déclaré que le gouvernement fédéral devait investir des sommes importantes et que sinon les provinces mettraient un terme aux discussions.
Ces rapports étaient tout à fait nouveaux et c'est pourquoi le coût d'établissement de ces rapports ne peut se comparer aux coûts d'immobilisation d'un grand projet. Ces coûts reflétaient en effet ces nouveaux rapports.
Enfin, pour répondre aux autres questions, toute cette opération tenait compte du fait que la plupart des mesures, voire toutes, qui avaient été essayées dans le passé avaient été imposées. C'était peut-être la première fois que le gouvernement du Canada se contentait de faciliter une discussion avec la communauté au sujet de ce problème, d'appuyer la communauté dans la recherche de solutions et d'amener les provinces à y participer, d'une façon générale, en s'engageant à financement le projet. Dès que le gouvernement du Canada a accepté de dire : « Nous reconnaissons que le projet est sous-financé et nous ferons en sorte qu'il soit financé à un niveau approprié », les provinces ont été toutes disposées à y participer. Par contre, s'il demeurait sous-financé, les provinces n'étaient pas intéressées.
Le sénateur Dallaire : Je reconnais ce point. Je pensais plutôt à un bureau de projet mixte. Nous avons appris que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien n'avait pas beaucoup de pouvoir sur les autres entités du gouvernement du Canada, encore moins celui de mettre en œuvre des accords pour lesquels il ne dispose pas d'un budget. C'est la raison pour laquelle je pensais à créer un bureau de projet mixte avec les clients, le gouvernement du Canada et les autres.
Cependant, ma seconde question concerne la situation suivante : lorsque j'examine ce qui s'est passé avec cet accord, je constate qu'il y a eu des discussions de nation à nation. Vous avez parlé de différentes associations mais pour chaque communauté autochtone, on a le sentiment qu'elle entendait parler « de nation à nation ». Ces communautés ont négocié de bonne foi et se sont massivement engagées dans cet accord — une bonne partie des participants ont mis en jeu leur carrière pour le faire — et ensuite, tout s'est effondré.
Aurait-il encore été possible de mettre en œuvre cet accord si le projet avait tout simplement été légèrement reporté? Au lieu de commencer en 2006-2007, est-ce que d'autres gouvernements auraient pu dire « Nous ne sommes pas en mesure de mettre en œuvre ce projet pour le moment, mais il existe; pourquoi ne pas reporter de deux ans le point de départ et revoir ainsi les choses? »
Cela fait plus de deux ans que le gouvernement actuel au pouvoir. Est-ce qu'il aurait été possible de retenir cette option et de respecter l'engagement que la Couronne avait pris envers toutes ces autres nations?
M. Martin : Encore une fois, M. Goodale voudra peut-être répondre à cette question.
Pour ce qui est de la première question de votre préambule, sénateur, au sujet de la création d'un genre de bureau du cabinet chargé de mettre en œuvre cet accord, permettez-moi de vous dire, tout d'abord, qu'au départ, en tant que premier ministre, j'ai donné au ministre Scott tous les pouvoirs nécessaires et que j'ai clairement indiqué au conseil des ministre qu'il détenait ces pouvoirs. Deuxièmement, nous avons eu des discussions avec le ministre des Finances.
Je pense que certains d'entre nous connaissent le pouvoir que possède le ministre des Finances au sein du conseil des ministres. M. Goodale n'était pas seulement le ministre des Finances, mais il était également favorable au projet parce que, comme le sénateur, il vient également de la Saskatchewan et connaît très bien cette question. Il avait été l'interlocuteur pour les Métis. Nous avions donc de notre côté deux ministres très puissants.
Nous avons également mis sur pied un bureau de ministre sous la direction de John Watson. Il relevait directement du premier ministre en cas de problème. Nous avons donc créé, jusqu'à un certain point, l'entité que vous avez proposée.
M. Goodale voudra peut-être aborder ce sujet mais je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question. Pour l'essentiel, la grande question est que nous avons demandé aux provinces de s'occuper de domaines qui relevaient de nos compétences. Elles nous ont répondu : « Voilà qui est excellent, mais cela va nous coûter un montant de cinq milliards de dollars supplémentaires et il faut que vous soyez prêts à verser cette somme. » Si vous voulez savoir si le gouvernement aurait pu reporter de deux ans le début du projet et s'en occuper ensuite, la réponse est bien sûr. C'est ce que nous espérons qu'il fera pour répondre à ce projet de loi : mettre en œuvre l'accord.
Je vous fais remarquer qu'au moment où l'accord a été conclu, le gouvernement disposait d'un excédent important.
M. Goodale : Je vais parler de la solution que vous avez mentionnée, sénateur Dallaire, qui consiste simplement à reporter la mise en œuvre du traité. Si, par exemple, le nouveau gouvernement avait examiné ces chiffres et déclaré qu'il n'était pas en mesure d'engager toutes ces dépenses pour le moment. Si le gouvernement avait déclaré qu'il venait de prendre le pouvoir et avait besoin d'un peu de temps pour prendre les choses en main et que, par conséquent, l'initiative n'était pas abandonnée mais seulement retardée pour un an ou deux et qu'il s'en occuperait par la suite, si c'est ainsi que le gouvernement avait pensé faire les choses, cela aurait été possible. Je ne pense pas que cela aurait été vraiment souhaitable parce qu'on aurait ainsi perdu toute l'énergie que nous avions accumulée au cours des 18 derniers mois. Il y aurait eu une sorte de hiatus d'un an ou deux et il aurait été difficile de redémarrer le projet.
Si vous demandez si, dans le cadre financier du gouvernement du Canada, il aurait été possible de reporter le projet plutôt que de l'annuler, je vous dirais que cela aurait été possible; cela n'aurait pas été souhaitable mais possible.
Jusqu'à la conclusion de l'Accord de Kelowna et même par la suite, nous avons été encouragés par le fait qu'à l'exception du gouvernement du Canada, les autres parties — les cinq grandes organisations autochtones avec les provinces et les territoires — ont saisi toutes les occasions possibles de dire publiquement qu'elles se sentaient moralement liées par les engagements découlant de l'Accord de Kelowna.
Dans le cas de la Saskatchewan, l'assemblée législative de la Saskatchewan a adopté une résolution unanime et multipartite approuvant l'Accord de Kelowna. Tous les membres du gouvernement NPD de l'époque et tous les membres de ce qui constituait alors l'opposition du Saskatchewan Party ont voté en faveur de cette résolution. C'était une résolution unanime.
J'ai de la correspondance du premier ministre Gary Doer du Manitoba qui parle des efforts qu'il continue à déployer pour faire la promotion de l'Accord de Kelowna. Comme vous le savez, la Colombie-Britannique a signé un document visant à aller de l'avant pour préparer la mise en œuvre de l'Accord de Kelowna. En 2006, la Conférence des premiers ministres de l'Ouest a adopté le processus de Kelowna. Je lis les discours de l'Assemblée des Premières Nations, l'APN, des dirigeants et de ses membres au Canada. Ils reflètent toujours l'esprit de l'Accord de Kelowna.
Il est encourageant de constater que les autres parties ont toujours la volonté de mettre en œuvre cet accord.
Le sénateur Sibbeston : Je tiens à remercier M. Martin et ses collègues de l'appui accordé aux Autochtones de notre pays et de toute la sympathie qu'ils manifestent à leur égard.
Je suis heureux de savoir que vous avez visité la partie du Canada qui se trouve au nord du 60e. Je suis toujours fier de savoir que dans le Nord, dans la région au nord du 60e parallèle, les Autochtones ont vraiment la possibilité de prospérer et de se développer. C'est une région du pays où les Autochtones participent au gouvernement parce qu'ils représentent la majorité dans certains secteurs. Ils ont pris leur destinée en main. Cela est vrai pour le Nunavut. C'est également vrai pour les Territoires du Nord-Ouest dont la population se répartit à peu près également enter les Autochtones et les non-Autochtones.
Dans ces régions de notre pays, les Autochtones participent à tous les aspects de la société — le gouvernement, l'industrie, l'éducation et le reste. Nous avons réalisé de grands progrès dans ces domaines.
Je pense que le Canada peut considérer que les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut sont des régions où les Autochtones peuvent réussir et comprendre ce qui permet aux Autochtones de réussir dans la société. Il faut pouvoir exercer un contrôle sur le gouvernement, y participer, participer à l'industrie et aussi au processus des revendications territoriales.
Je félicite tous les gouvernements qui ont réglé des revendications territoriales au cours des 20 dernières années. Ces ententes ont joué un rôle important pour redonner des pouvoirs aux Autochtones. Ces ententes leur accordent des terres, des ressources et dans certains cas, l'autonomie gouvernementale.
J'ai comparé, pour la période 2006-2010, les dépenses qu'aurait faites le gouvernement fédéral aux termes de l'Accord de Kelowna et celles qu'a faites le gouvernement conservateur pour les Autochtones. L'éducation aurait reçu 1,251 milliard de dollars avec l'Accord de Kelowna et recevra 171 millions de dollars avec les conservateurs. Le logement et les infrastructures auraient reçu 1,325 milliard de dollars avec l'Accord de Kelowna et recevront 1,231 milliard de dollars sous les conservateurs.
Je les en félicite. C'est le seul domaine où le gouvernement conservateur va dépenser des sommes comparables à celles qui auraient été dépensées aux termes de l'Accord de Kelowna.
Les relations et la responsabilisation auraient obtenu 131 millions de dollars avec l'Accord de Kelowna et recevront 15 millions de dollars avec les conservateurs. Le développement économique aurait bénéficié d'une somme de 160 millions de dollars avec l'Accord de Kelowna et recevra 90 millions de dollars de la part du gouvernement conservateur. La santé aurait obtenu 984 millions de dollars avec l'Accord de Kelowna et recevra 147 millions de dollars avec les conservateurs.
À l'exception du logement, on peut constater que les montants donnés aux Autochtones sont très différents dans ces deux scénarios.
Votre projet de loi C-292 d'origine parlementaire, le projet de loi C-292, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de Kelowna, est limité en raison de sa nature. Il ne peut accorder de fonds. Vous demandez au gouvernement de fournir ces fonds. Qu'espérez-vous accomplir? Qu'espérez-vous obtenir en proposant ce projet de loi?
M. Martin : J'aimerais faire deux commentaires avant de répondre.
Je dois dire que, compte tenu de votre expérience, vous avez donné une bonne description de la situation dans le Nord. Je pense que nous pouvons être fiers de ce qui se passe dans le Nord.
Je vais faire une digression et dire qu'il se dit beaucoup de choses au sujet de la souveraineté du Canada dans le Nord. Nous savons tous qu'il y a plusieurs façons de concrétiser cette souveraineté, qu'il s'agisse de surveillance, de Radarsat ou de présence militaire. Il est toutefois clair que la meilleure façon d'exercer notre souveraineté est de montrer la qualité de vie qu'ont les gens qui vivent dans le Nord ainsi que les responsabilités et les pouvoirs qu'ils détiennent. Cette question est un aspect important de ce débat et je vous remercie de l'avoir soulevée.
Vos chiffres sont exacts. Je pense que les Canadiens sont des gens équitables. L'Accord de Kelowna est un nom et les gens ne savent pas très bien ce qu'il recouvre. Je ne m'attends pas à ce que tous les Canadiens connaissent le contenu de chaque mesure législative. C'est la raison pour laquelle les audiences du comité sénatorial sont si importantes.
Je pense toutefois que les Canadiens comprennent que l'éducation et la santé sont des éléments essentiels pour des personnes qui cherchent à sortir de la pauvreté. Je pense également que les Canadiens estiment que la situation actuelle est inacceptable. Il faut qu'ils comprennent jusqu'à quel point la santé et l'éducation sont sous-financées. Je pense que, s'ils comprenaient la discrimination dont sont victimes les Autochtones dans ces deux domaines fondamentaux, je pense que les Canadiens n'accepteraient pas cette situation.
Ce projet de loi va donner au gouvernement des dispositions législatives qui l'invitent à mettre en œuvre l'Accord de Kelowna. Ce sera à lui de décider comment il le mettra en œuvre. S'il arrive à le faire sans y affecter de fonds, qu'il le fasse. Je ne sais pas comment le gouvernement pourrait y parvenir, mais je pense que les Canadiens vont insister pour qu'il le fasse et c'est ce qui est important. Il y aura non seulement les Autochtones mais aussi tous les Canadiens, d'un bout à l'autre du pays, qui diront que ce ne sont pas là les valeurs sur lesquelles ce pays s'est construit.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Monsieur Martin, je vous remercie aussi parce que vous continuez à vous occuper des Premières nations.
Mon peuple est toujours dans une situation catastrophique. Lorsque l'Accord de Kelowna a été négocié, j'ai constaté, pour la première fois, qu'il donnait de l'espoir aux gens. J'aimerais dire au comité ce que la mise en œuvre de l'Accord de Kelowna représenterait pour mon peuple.
M. Martin : Le passé est le passé et l'histoire jugera. Dans cette salle, nous pouvons regarder l'avenir. Je pense que le règlement relatif aux pensionnats a au moins permis d'indemniser les personnes qui ont fréquenté ces écoles. Le fait de reconnaître le problème et de présenter des excuses est un élément essentiel de ce processus de guérison.
Il est également certain que les jeunes membres des Premières nations ont également souffert de cette situation, puisque ces traumatismes leur ont été transmis par leurs grands-parents et par leurs parents. Ils n'ont peut-être pas fréquenté ces pensionnats, mais ils ont quand même vécu des choses tout aussi injustes.
On leur demande de fréquenter des écoles qui ne peuvent se comparer à celles où vont les autres Canadiens. On leur fournit des soins de santé qui sont nettement inférieurs à ceux que reçoivent les autres Canadiens. Il faut donc admettre que nous ne donnons pas au secteur de la population le plus jeune et celui qui croît le plus rapidement, les outils dont il aurait besoin pour sortir de la pauvreté.
En fait, l'Accord de Kelowna prévoyait leur donner des écoles de même qualité que celles que fréquentent les autres. Il leur aurait donné des soins de santé appropriés pour qu'ils puissent prendre en main leur destinée. C'est de cela dont parlait cet accord.
Les Canadiens veulent apporter leur aide mais nous savons tous que c'est à chacun de prendre ses décisions. Nous devons, par contre, procéder de la même façon que nous l'avons fait avec tous les autres Canadiens, à savoir leur donner les outils dont ils dont besoin. C'est ce qu'aurait fait l'Accord de Kelowna.
Le sénateur Dyck : Bonjour à tous. Je vous redis également que je vous remercie, monsieur Martin, de l'excellent travail que vous avez fait pour le compte de tous les Autochtones.
Il y a une chose qui m'a frappé dans l'Accord de Kelowna, c'est la prise en compte des écarts actuels et les plans d'action qui ont été élaborés pour réduire ces écarts. Dans les commentaires que vous avez présentés ce matin, j'ai été particulièrement frappé lorsque vous avez parlé de l'écart entre les espoirs des jeunes et la réalité qu'ont connue les Anciens dans leurs collectivités. C'est un écart important.
Comme vous l'avez également mentionné, nous savons que la population autochtone canadienne est essentiellement une population jeune. En Saskatchewan à l'heure actuelle, d'après les chiffres de 2006, 15 p. 100 de tous les Autochtones résident en Saskatchewan et près de la moitié de toute la population autochtone a moins de 25 ans. Cet écart est énorme, lorsque l'on considère les jeunes. Nous allons demander à ces jeunes, en particulier en Saskatchewan, d'assurer le bien-être économique et social de la province.
Vous avez parlé du cycle de la pauvreté et des façons d'y mettre fin. Comme vous le savez, l'éducation est un des outils qui permettent de sortir du cycle de la pauvreté. En fait, une étude récente montre que le fait d'avoir fait des études postsecondaires augmente la durée de vie de près de sept ans.
Vous avez mentionné le fait qu'il y avait une différence entre le financement accordé aux écoles sur les réserves et celui des écoles publiques. Pour ce qui est des jeunes Autochtones, de ceux qui vivent dans une réserve, quels sont d'après vous les plus grands obstacles auxquels ils font face pour terminer leurs études secondaires et obtenir une éducation postsecondaire? Quels sont les obstacles auxquels ils font face et que peut-on faire?
M. Martin : Permettez-moi de poursuivre là où vous vous êtes arrêté. Pour ce qui est de regarder où sont les obstacles, je pense que nos universités et nos collèges font de l'excellent travail pour faciliter l'entrée de ces jeunes à l'université — ils accueillent des jeunes qui ont des antécédents différents de la plupart des Canadiens et ils prennent les mesures pour qu'ils puissent réussir à l'université. Évidemment, nos universités et nos collèges pourraient faire davantage, mais nous devons être fiers de ce qu'ils font actuellement.
Les gens demandent alors, pourquoi n'y a-t-il pas davantage de gens qui font des études postsecondaires? Il faut qu'ils terminent leurs études secondaires pour en faire. Pourquoi n'y a-t-il pas davantage de gens qui terminent leurs études secondaires? Ils ont besoin de faire de bonnes études primaires, ce qui nous ramène directement à votre question.
Si leur école primaire est inadéquate, si les enseignants sont sous-payés, s'ils n'ont pas accès aux programmes dont ils ont besoin, et si nous ajoutons à cette situation tous les autres problèmes qui ne sont pas directement reliés à l'éducation, nous savons qu'ils ne pourront pas faire des études secondaires. Premièrement, ils ont fréquenté une école primaire qui n'est pas aussi bonne que celle qu'ont fréquenté les autres élèves qui suivent des études secondaires, alors nous savons qu'ils auront beaucoup de mal à faire des études secondaires.
Deuxièmement, si leur école secondaire est très éloignée de l'endroit où ils vivent, si elle se trouve dans une communauté différente, d'origine différente, que vont-ils faire s'il leur faut voyager pendant deux à quatre heures chaque jour pour se rendre à cette école secondaire? Comment vont-ils réagir s'ils doivent quitter leur communauté et vivre ailleurs pour fréquenter cette école? Lorsqu'on demande à des jeunes de 14 ou 15 ans de vivre en pension, nous leur demandons de s'adapter à un changement très important.
Je m'occupe d'une école dans une réserve à Thunder Bay, où il y a des jeunes qui viennent de réserves de la baie d'Hudson où l'on ne peut se rendre qu'en avion. Ces jeunes viennent de communautés de 300 à 400 personnes. Ils viennent à Thunder Bay à l'âge de 14 ou 15 ans pour la première fois de leur vie et on leur demande d'aller à l'école. Ces enfants font preuve de beaucoup de courage. La plupart d'entre eux réussissent, mais il faut beaucoup de courage pour le faire. Je ne suis pas sûr que j'aurais réussi à le faire quand j'avais 14 ou 15 ans, si je m'étais retrouvé dans cette situation.
J'en sais probablement beaucoup plus maintenant que j'en savais il y a quelques années, mais les professeurs me disent que c'est au niveau de la 5e, 6e ou 7e années qu'ils commencent à constater que les jeunes vraiment intelligents qui obtiennent de bons résultats décrochent. Le principal obstacle se situe à cet âge important — entre les 5e et 6e années et la 10e année — nous ne faisons pas les efforts qu'il faudrait à cet égard.
Le sénateur Dyck : Pour ce qui est d'investir dans l'éducation, devrions-nous investir davantage d'argent dans le domaine de l'éducation à cause des avantages considérables que cela entraîne?
M. Martin : Absolument. Je vais même formuler votre question plus directement; je ne pense pas que ce soit uniquement une question d'argent. C'est une question de justice et cela concerne le genre de pays que nous voulons. Néanmoins, si nous voulons considérer uniquement l'aspect financier, je suis convaincu qu'un dollar consacré à l'éducation permet d'épargner 10 $ en coûts d'incarcération par la suite.
Le sénateur Campbell : Je souhaite la bienvenue aux honorables députés. C'est un honneur de les recevoir ici aujourd'hui. Je souhaite également la bienvenue au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones au sénateur Tkachuk. Il n'est pas officiellement membre du comité, mais il y a passé un certain nombre d'années et les connaissances qu'il apporte ici sont une inspiration pour moi.
Je voudrais lui être utile en reprenant certaines choses que M. Martin a dites — qu'il importe peu qu'en 1993, nous ayons remplacé un gouvernement conservateur qui était en faillite. Il importe peu que les conservateurs aient remplacé un gouvernement libéral qui avait des excédents énormes. Ce qui importe, c'est de corriger les erreurs qui ont été commises dans ce pays depuis 1867.
Je pense que la meilleure question qui ait été posée aujourd'hui est celle du sénateur Segal et j'aimerais y revenir. Le sénateur Segal a en fait déclaré — et vous pouvez me corriger si je me trompe — que nous ne nous opposons pas sur les objectifs à atteindre — éducation, santé, logement, opportunités économiques et égalité. Ce sont là des buts que nous partageons tous. Là où nous ne sommes pas toujours d'accord, c'est sur la façon d'atteindre ces objectifs.
La question que j'aimerais vous poser à vous tous, parce que vous siégez dans l'autre endroit — nous avons un chef intérimaire, un ancien chef et un ministre de la Couronne ici avec nous — est de savoir s'il existe à l'heure actuelle un plan qui permettrait de réaliser ces objectifs en matière d'éducation, de santé, de logement et de possibilités économiques? S'il y en a un, il est alors possible que le contenu de l'Accord de Kelowna soit déjà mis en œuvre. Je ne le pense pas, mais j'aimerais avoir des commentaires de chacun d'entre vous.
M. Martin : Cette question touche en plein la cible. Il n'y a pas de plan. Je pense que s'il y avait eu un débat sur la question de savoir si notre plan était meilleur que le leur, je crois que cela aurait été très bon pour le Canada.
Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement actuel a rejeté l'Accord de Kelowna, en particulier étant donné que des membres du Parti national — et tous les membres de leurs partis provinciaux — ont appuyé cet accord à l'époque. Tous les membres de leurs partis provinciaux continuent de le faire. Je pense qu'ils le font parce qu'il n'y a pas d'autre solution; ils n'ont pas présenté d'autre solution.
Personne ne s'attend à ce qu'un nouveau gouvernement fasse l'éloge du gouvernement précédent. Cela aurait été agréable mais je ne pensais pas que cela se produirait. Si le nouveau gouvernement était arrivé et avait fait une déclaration semblable à celle qu'a faite le sénateur Tkachuk, à savoir, il est temps d'agir — vous avez fait évolué les choses jusqu'à un certain point mais je ne pense pas que vous ayez été suffisamment loin et nous allons prolonger votre action — j'aurais crié alléluia. J'aurais peut-être voulu modifier certaines choses, mais j'en aurais été ravi.
Sénateur, vous avez absolument raison. Le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir et a annulé les fonds destinés à l'éducation, qui est le domaine dont je m'occupe le plus à l'heure actuelle. Les chiffres du sénateur Sibbeston sont clairs : le nouveau gouvernement a tout simplement annulé l'Accord de Kelowna sans fournir d'autres solutions.
Le gouvernement a agi de cette façon dans tous les domaines concernés sans offrir d'autres solutions. Lorsque je dis que le but de ce projet de loi est de mettre en œuvre l'Accord de Kelowna, je ne considère pas que ce que nous avons dit est très important, mais je considère que le fait que cet accord ait été conclu avec les dirigeants autochtones, avec les provinces, et avec les territoires est certainement très important. Si quelqu'un est en mesure de montrer qu'il est capable d'atteindre ces objectifs en utilisant un plan meilleur que le mien, alors je dirai parfait.
Le sénateur Peterson : Il ressort clairement des documents présentés au comité que cet accord est le fruit d'un énorme travail. Ce travail s'est échelonné sur une période de 18 mois. Cet accord n'a pas été façonné en quelques semaines, comme certains voudraient nous le faire croire. Il est également évident que les fonds étaient disponibles. Maintenant que nous étudions le projet de loi C-292, quel est le statut des ententes conclues? Sont-elles toujours valides ou va-t-il falloir les modifier?
M. Martin : Quelques gouvernements provinciaux et territoriaux ont changé depuis la conclusion de l'Accord de Kelowna. Je ne peux parler au nom de ces nouveaux gouvernements mais je serais surpris que leur position ait changé, compte tenu du fait que ces nouveaux gouvernements sont ceux des territoires et de la Saskatchewan, où il existe une forte population autochtone; mais cela serait néanmoins possible.
J'ai parlé de cette question avec les premiers ministres des différentes provinces et sans exception, les premiers ministres ont tous demandé la mise en œuvre de l'Accord de Kelowna. L'ancien premier ministre de l'Alberta, Ralph Klein, l'a fait juste après les élections. Le premier ministre Danny Williams de Terre-Neuve-et-Labrador a déclaré la même chose. Comme je l'ai mentionné dans mes remarques tout à l'heure, cela fait moins d'un mois que le premier ministre Gordon Campbell, de la Colombie-Britannique, a demandé la tenue d'une réunion fédérale-provinciale pour examiner les progrès réalisés par rapport aux cibles et aux objectifs de l'Accord de Kelowna.
Les dirigeants autochtones ont, bien sûr, fait savoir qu'ils appuyaient toujours l'accord. Je pense que si le gouvernement décidait de mettre en œuvre l'Accord de Kelowna, tout le monde serait d'accord.
Le sénateur Hubley : Monsieur Martin, je vous félicite pour le travail que vous effectuez et pour la façon dont vous concevez le partenariat qui doit exister entre les Canadiens et les Autochtones. L'Accord de Kelowna a montré aux Canadiens qu'il existait une nouvelle façon d'aborder la gouvernance. C'est un accord ouvert et transparent, conclu de nation à nation, par des parties situées sur le même pied, et tout cela a beaucoup plu à la population. Nous pensions que l'Accord de Kelowna reflétait la bonne façon de faire les choses.
Vous aviez mis en place, au sein du gouvernement, une infrastructure pour que cet accord soit une réussite et ne plus avoir à suivre le processus qui existait depuis des années. Il a été tenu compte de ce problème et le gouvernement a établi un partenariat avec les autres intéressés pour remettre les choses en place, y compris le financement. Les gouvernements provinciaux sont toujours là et nos gouvernements autochtones sont toujours là, mais le gouvernement fédéral n'est plus là; c'est ce qui fait problème d'après moi.
Comment est-ce que cette occasion manquée touche, en 2008, la crédibilité du gouvernement fédéral en tant que négociateur de bonne foi?
M. Martin : Pour répondre à cette question, il faudrait non seulement tenir compte de l'accord mais aussi des 15 à 18 mois qu'Andy Scott, Ethel Blondin et d'autres ont consacré à la négociation de cet accord, parce que cela n'a pas été facile. C'est grâce à un processus de négociation approfondi que nous avons pu cerner les véritables besoins. Le fait est que le gouvernement fédéral avec le ministre Scott et les mécanismes d'appui auxquels a fait référence le sénateur Dallaire, toutes les provinces, tous les territoires et tous les dirigeants autochtones, qui fonctionnent avec des budgets très serrés, ont consacré énormément de temps à ce processus.
Il y a eu des tables rondes Canada-Autochtones dans toutes les régions du Canada. Elles ont permis d'examiner toutes sortes de choses, y compris la responsabilisation — un aspect dont les gens parlent beaucoup et qui me paraît important — la santé et l'éducation. Sénateur, lorsqu'on suit ce genre de processus, pour en arriver à un accord sur une base non partisane et que le gouvernement fédéral se contente de dire, désolé, nous arrêtons les frais, cela compromet gravement la crédibilité du gouvernement.
Je pourrais ajouter que le Canada est amené à prendre position sur le plan international sur les droits de la personne. J'étais au Mexique il n'y a pas très longtemps pour rencontrer des représentants du gouvernement du Mexique. Par la suite, j'ai rencontré un groupe de législateurs indiens pour parler de la Déclaration des droits de l'homme des Nations Unies. Une des premières choses qu'ils m'ont dite est qu'ils ne comprenaient pas comment le Canada pouvait parler des droits de la personne, compte tenu de la façon dont nous traitons nos Autochtones. J'ai eu du mal à répondre à cette question.
Le sénateur Watt : J'ai suivi de très près le processus de négociation de l'Accord de Kelowna depuis le début. Vous avez lancé l'idée qu'il fallait faire quelque chose au sujet de cette situation. On dit même à l'extérieur du Canada que nos Autochtones vivent comme s'ils vivaient dans un pays du tiers monde et je suis très heureux que vous ayez déployé des efforts considérables pour faire quelque chose.
Vous avez défini quels étaient les véritables besoins, avec l'aide des dirigeants autochtones, et parlé des fonds qu'il faudrait pour combler l'écart dans le domaine de l'éducation et du logement, tout en sachant qu'il existe un certain nombre de problèmes sociaux dans les différentes régions de notre pays. Une bonne partie de ces problèmes sociaux découlent du fait que les Autochtones n'ont pas suffisamment accès à l'éducation et à l'emploi. Il est à peu près temps que les parlementaires fassent quelque chose pour non seulement faire connaître la situation aux Autochtones et aux parlementaires, mais aussi à la population générale du Canada.
Monsieur Martin, je crains que cet accord soit encore un échec. Que pouvons-nous faire maintenant? Il ne sert à rien de ressasser le passé. Nous essayons d'aller de l'avant sans oublier le passé.
Régulièrement, chaque année, nous évitons d'aborder un certain nombre de questions. Nous savons que nous avons fait de graves erreurs en pensant à ce qu'il faudrait faire maintenant. Pourquoi sommes-nous encore en train d'échouer? Pourquoi n'essayons-nous pas de mieux faire connaître la situation et mettre les deux partis au défi de faire quelque chose?
La situation ne changera pas, même si votre projet de loi est adopté. J'essaie d'être positif.
Le seul endroit où nous avons parlé de cette situation, si nous mettons de côté les tribunaux, c'est dans l'arène politique. Nous devrions peut-être sérieusement envisager de la faire connaître à la population générale du Canada.
Je n'ai qu'une seule question à poser, monsieur Martin. Si, une fois de plus, nous ne réussissons pas à faire passer ce message et à agir, êtes-vous disposé, en tant qu'ancien premier ministre, de porter cette question devant la population du Canada? C'est une question importante. Avez-vous essayé d'obtenir l'appui de la population canadienne?
Si nous n'atteignons pas cet objectif, cela va continuer à ralentir l'économie canadienne. Vous l'avez déjà dit à plusieurs reprises. L'économie ne s'améliorera pas tant que nous n'aurons pas régler ce problème, de façon appropriée.
M. Martin : Sénateur, je suis tout à fait disposé à le faire. En fait, je pense que c'est ce que nous faisons ici aujourd'hui, lorsque nous prenons la parole devant un comité éclairé et important. Oui, je serais disposé à parler publiquement de cette question devant n'importe quelle instance.
Je pense que le message est clair. Nous devons travailler sur les éléments constitutifs de l'accord. Si vous disiez à la population canadienne, par exemple, que nous allons donner une éducation inadéquate, insatisfaisante et inéquitable à tous ceux dont le nom de famille commence par A, je pense que cela susciterait de vives réactions dans la population. C'est pourtant ce que nous faisons. Nous disons aux Autochtones, que nous allons leur donner un système d'éducation et de santé inadéquat, insatisfaisant et inéquitable.
Si l'on présentait cette question aux Canadiens de cette façon, je ne pense pas qu'ils trouveraient cela acceptable.
Le sénateur Gustafson : Merci d'être venu ce matin. Cela fait quelque temps que je suis membre de ce comité et étant une personne pratique, je me suis souvent demandé pourquoi les choses ne se faisaient pas. Pourtant, d'un autre côté, ce comité est sans doute un des meilleurs comités qui soit. Le ministre Prentice et le sénateur St. Germain ont essayé de faire toutes sortes de choses. Le sénateur Sibbeston hoche la tête pour indiquer qu'il est d'accord avec moi. Et pourtant, il me semble que lorsque l'on en arrive aux choses concrètes, cela devient un jeu politique. Je ne pense pas que cela soit souhaitable.
Ma question est une question délicate, mais je vais la poser quand même. Le premier ministre Chrétien a été au pouvoir pendant 13 ans avant l'arrivée des conservateurs il y a trois ans : Monsieur Martin, avez-vous parlé avec l'ancien premier ministre de mettre sur pied un programme qui aurait les mêmes objectifs que ceux qui ressortent de l'Accord de Kelowna? Certains disent que cela fait partie de l'accord. D'autres demandent pourquoi cet accord n'a pas été présenté à la Chambre, pourquoi il a été présenté par le biais d'un projet de loi d'origine parlementaire. J'aimerais connaître la réponse à cette question.
Nous pouvons essayer de trouver des coupables pendant encore 20 ans et rien ne se fera. Ce problème ne fait que s'aggraver. Je crois savoir qu'il y a en ce moment des milliers d'affaires devant les tribunaux qui attendent d'être réglées. S'il n'y avait qu'un seul avocat dans chacune de ces affaires et que nous calculions les sommes que ces affaires vont coûter aux contribuables, on peut se demander si elles seront jamais réglées.
Je sais que cette situation n'est pas la cause de ce problème. Je pense toutefois qu'il est important de regarder concrètement ce que le comité essaie de faire. Je dirais que nous avons un excellent comité.
M. Martin : Sous le premier ministre Chrétien, comme vous le savez, la ministre Jane Stewart a mis sur pied un fonds de guérison de 350 millions de dollars qui devait s'attaquer à un certain nombre de ces problèmes. Un comité du cabinet a été créé sous Stéphane Dion, qui était principalement chargé de débroussailler le terrain avant de s'attaquer à ces questions.
Pour répondre à votre question, je dirais donc que oui, il y a eu des discussions entre le premier ministre Chrétien et moi-même. Je pense que l'Accord de Kelowna est de loin la réponse la plus complète qu'ait fournie un gouvernement jusqu'ici. Je reviens à la réponse que j'ai donnée tout à l'heure : je pense que vous avez tout à fait raison; il ne s'agit pas ici d'une question partisane. Cela devrait être une question sur laquelle nous devrions tous pouvoir nous entendre.
Croyez-moi, sénateur, je préférerais beaucoup que ce projet de loi soit un projet de loi du gouvernement et non pas un projet de loi d'origine parlementaire.
M. Scott : D'un point de vue pratique, si le seul résultat qui découlait de cette réunion était d'en arriver à un consensus sur le fait que l'éducation fournie aux Premières nations et aux Autochtones est sous-financée, ce serait déjà un énorme pas en avant.
Jusqu'ici, on avait toujours affirmé que l'éducation n'était pas sous-financée. Le fait d'apprendre que telle était la situation a été une des grandes révélations de ce processus. Auparavant, le gouvernement se contentait de calculer le montant des dépenses effectuées par étudiant non autochtone et de comparer cette somme aux dépenses faites pour les étudiants autochtones et des Premières nations; étant donné que ces montants étaient comparables ou même légèrement supérieurs, on ne tenait pas compte du fait que le coût de l'éducation dans les communautés des Premières nations était probablement deux fois supérieur à celui de l'éducation dans les autres communautés.
Lorsque nous avons étudié la province de la Saskatchewan, ce que j'ai fait lorsque j'étais ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, pour savoir quelle était la formule utilisée dans cette province pour répartir les fonds en matière d'éducation, l'idée était d'utiliser cette formule dans un autre contexte. Nous avons utilisé la même formule à la population dont s'occupait notre ministère et nous avons immédiatement constaté combien l'éducation des Premières nations était sous-financée au Canada.
Dès que nous avons constaté cela, j'ai affûté mes arguments pour convaincre mes bons amis, qui venaient également de la Saskatchewan, coïncidence heureuse, que tel était bien le cas. Cela nous a permis de justifier une augmentation des ressources. Dès que nous nous sommes engagés à augmenter les ressources, nous avons obtenu l'accord des provinces parce que celles-ci ont compris que le gouvernement fédéral ne voulait pas simplement se décharger de ses obligations.
Certaines de ces révélations ont créé une sorte de mouvement et s'il était possible de faire connaître encore une fois aujourd'hui dans cette salle ces révélations — cela a déjà été affirmé un certain nombre de fois, sans contradiction — mais si elles pouvaient se propager un peu plus loin et faire comprendre aux gens que telle est bien la situation, alors nous aurions accompli un grand progrès.
M. Goodale : J'aimerais faire un bref commentaire sur un aspect de la question qu'a posée le sénateur Gustafson. Il a déclaré qu'il était regrettable que l'Accord de Kelowna n'ait pas été présenté à la Chambre comme une initiative gouvernementale mais comme un projet de loi d'origine parlementaire. J'aimerais faire un bref commentaire sur la séquence des événements qui sont survenus en 2005. Le mois de novembre 2005 a été précédé par 18 mois de discussions et de négociations essentielles. Tous les ministères du gouvernement du Canada, toutes les provinces et tous les territoires ainsi que les cinq organisations nationales autochtones y ont participé. Ce travail a constitué une partie essentielle de la base sur laquelle repose l'Accord de Kelowna.
Lorsque j'ai officiellement présenté ma mise à jour financière pour le compte du gouvernement du Canada le 14 novembre 2005, devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, j'ai expressément fait référence à la réunion de Kelowna qui devait se tenir dix jours plus tard. J'ai déclaré officiellement que quels que soient les accords conclus à Kelowna, ils pourraient être intégralement financés par le gouvernement du Canada. Par conséquent, cela figure dans le compte rendu du comité des finances de novembre 2005.
Lorsque l'Accord de Kelowna a été conclu et que les ententes ont été finalisées, les fonds ont été inscrits dans les comptes du gouvernement du Canada. Cela a toutefois été fait après la mise à jour financière.
Comme vous le savez, quatre jours plus tard, il y a eu une motion de confiance présentée à la Chambre des communes et les élections ont été déclenchées. Il n'y a donc pas eu d'autre possibilité de présenter cet accord à la Chambre des communes. Il a toutefois été mentionné expressément dans la mise à jour financière du 14 novembre 2005.
Le président : J'ai l'honneur de présider ce comité depuis quelques années et de travailler en étroite collaboration avec le sénateur Sibbeston. Avec d'autres comme le sénateur Hubley, le sénateur Peterson, le sénateur Segal et le sénateur Dallaire, nous avons réussi à mettre de côté les aspects partisans.
J'ai travaillé étroitement avec le ministre Prentice, comme l'a fait le sénateur Sibbeston, en espérant obtenir des résultats. Les priorités du nouveau gouvernement sont différentes. Je ne pense pas que ce gouvernement ait dit qu'il se désintéressait de la question. Il a dû s'occuper de la crise de l'eau potable au moment de son arrivée au pouvoir et nous sommes ensuite passés aux revendications particulières, sujet qui n'a pas encore été mentionné. Je pense que ces revendications sont essentielles.
Des membres des Premières nations sont morts dans des situations comme celles qui régnaient à Ipperwash et à Oka. Il y a eu des victimes parce que les gouvernements ont négligé cette question. Cette question n'est pas partisane; c'est une histoire d'horreur. Ces revendications existent depuis des années et il faudra peut-être encore 20 ans pour les régler. Est-ce que cet aspect a été qualifié de prioritaire dans les discussions qui ont précédé l'Accord de Kelowna?
Il y a l'aspect des revendications particulières et aussi celui du développement économique. Je ne veux pas parler de développement économique parce que cela semble être une question partisane. Cependant, je pense que le gouvernement et le comité essayaient de s'attaquer à des problèmes qui constituaient manifestement des injustices criantes.
Pour ce qui est de l'eau, la situation est catastrophique et tout à fait inacceptable, tout comme les revendications particulières qui n'ont pas encore été réglées. Nous sommes en train d'adopter des mesures législatives qui vont, nous l'espérons supprimer des situations qui entraînent des frustrations et qui amènent les jeunes autochtones ontariens à aller souvent en prison. Cette situation est tout à fait inacceptable.
J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.
M. Martin : Je vais vous répondre, mais j'aimerais demander à M. Scott de vous répondre parce qu'il a participé directement à la question des revendications particulières.
M. Scott : Je rappelle à toutes les personnes présentes que nous avons tenu une table ronde en avril 2004 à laquelle ont participé 495 dirigeants et organismes autochtones nationaux avec l'ensemble des ministres pendant une journée. Nous avons passé cette journée à préciser les questions dont nous voulions discuter. C'est la communauté qui avait établi l'ordre du jour. Nous avons logé les participants et financé la réunion mais nous avons, de façon très respectueuse, accordé l'initiative des discussions à la collectivité.
La collectivité voulait établir de meilleures relations avec le gouvernement, parce qu'elle estimait que tous les autres aspects des revendications particulières et globales et même les pensionnats indiens seraient plus faciles à régler avec une meilleure relation. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de discuter, à titre de sujet parmi les six qui ont été retenus, de la relation existant entre la Couronne et la communauté autochtone.
C'est la communauté qui a fait ce choix et les discussions relatives aux revendications particulières ont été abordées dans ce cadre-là. Les représentants de la collectivité ont délibérément cherché à améliorer le processus d'examen de toutes ces questions plutôt que d'essayer de les régler. C'était le souhait qu'a exprimé la collectivité.
Ce point est essentiel parce que toute cette opération et ces formules ont été élaborées au cours de cinq événements. Il est difficile de comprendre l'Accord de Kelowna sans tenir compte de ces cinq événements : la table ronde d'avril 2004, l'accord sur les soins de santé de septembre 2004, les ateliers d'élaboration de politiques qui ont étoffé ces propositions, la réunion avec les provinces tenue en mars 2005 et le règlement relatif aux pensionnats indiens de mai 2005.
L'accord sur les soins de santé a donné de la crédibilité à toute cette opération, parce que c'était la première fois que la collectivité autochtone participait à une réunion des premiers ministres. La réunion qui a regroupé les provinces nous a permis de les informer du fait que nous étions prêts à présenter des propositions concrètes pour qu'elles ne craignent pas d'avoir de mauvaises surprises.
La conclusion du règlement relatif aux pensionnats en mai 2005 a encore renforcé la confiance entre les parties. M. Martin se souvient que l'entente sur les politiques a été conclue le 31 mai, soit moins d'une semaine plus tard. Une fois toutes les ententes en matière de politique conclues, il a fallu s'occuper des détails avec les provinces.
Pour répondre plus précisément à votre question, je dirais que les priorités ont été choisies par les collectivités et que nous avons respecté ces choix.
M. Martin : Pour poursuivre et compléter cette réponse, il faut rappeler que l'eau était un des sujets abordés à Kelowna et qu'il y a eu une entente sur cette question.
Pour ce qui est des aspects partisans, je suis d'accord avec vous. Lorsque le ministre Jim Prentice ou le ministre Chuck Strahl font de l'excellent travail, je pense qu'il faut les en féliciter. Le ministre Prentice a assisté à la réunion qui a débouché sur l'Accord de Kelowna. Il était là et est resté après la fin de la réunion pour déclarer que c'était une excellente initiative. Je serais ravi de pouvoir féliciter le gouvernement et lorsqu'il fait de l'excellent travail, je le félicite.
Pour ce qui est des soins de santé et de l'éducation, il y avait un plan. Je pense que vous et les membres qui êtes assis à cette table comprennent mieux que la plupart de gens que l'éducation est un élément essentiel du développement économique. C'est la clé du succès de la génération qui suit. Il faut s'en occuper et il y a un plan qui permet de le faire.
Le sénateur Tkachuk : Je pense que nous laisserons notre ministre dire ce qu'il a à dire lorsqu'il sera ici. La majorité des membres du comité sont des libéraux qui auront donc la possibilité de l'interroger sur ce que fait le gouvernement dans ce domaine.
Je pense que nous avons démontré que les gouvernements n'avaient rien fait à l'égard de la plupart de ces questions. Le Nunavut est une des grandes réalisations du gouvernement Mulroney. Cependant, lorsque vous étiez premier ministre, votre gouvernement a tenté de s'attaquer à certaines de ces questions et je vous en félicite. Entre-temps, il y a eu une élection et un nouveau gouvernement est au pouvoir.
Le sénateur Campbell : C'est un gouvernement minoritaire.
Le sénateur Tkachuk : C'est très bien. Cela veut dire que les membres de l'opposition sont plus nombreux que les membres du gouvernement, de sorte que s'ils veulent défaire le gouvernement et déclencher des élections, ils peuvent parfaitement le faire.
Pour ce qui est des fonds et de l'aspect plan, lorsque le ministre Goodale affirme avoir inscrit ses dépenses et qu'il y avait un plan, quel était exactement ce plan? Par exemple, pour l'éducation, vous dites que des fonds avaient été affectés. Comment devaient-ils être répartis? Y avait-il une entente pour accorder une certaine somme une distribution par élève, disons pour les garderies — comment ces fonds devaient-ils être répartis? Quel aurait été le montant accordé à la Saskatchewan? Quel était exactement le plan? Bien évidemment, vous ne vous êtes pas contenté de faire un chèque. Que devait-on faire avant de faire ce chèque?
M. Goodale : Évidemment, je n'ai pas eu la possibilité de faire ces investissements parce que les événements ont pris une autre tournure quelques jours plus tard. Cependant, les divers montants pour les domaines que j'ai mentionnés — l'éducation, le logement, l'eau, la gouvernance, les opportunités économiques et la santé — étaient précisés dans les documents financiers, en se fondant sur les documents et les décisions du Cabinet qui avaient été prises dans chacun de ces domaines.
M. Scott était chargé du déroulement du processus utilisé pour élaborer un plan dans chacun de ces domaines, mais ce n'était pas des chiffres qui venaient de nulle part. Ils avaient été préparés par des fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord et vérifiés par des fonctionnaires du ministère des Finances.
Les détails relatifs aux programmes relèvent de M. Scott, mais il ne s'agissait pas de simples hypothèses. Ils étaient fondés sur des documents du Cabinet précis qui avaient été examinés par le Cabinet tout entier, avant novembre 2005. En fait, chacun de ces plans avait reçu l'approbation du Cabinet.
M. Scott : Plus précisément, prenez l'éducation comme exemple, comme je l'ai dit...
Le sénateur Tkachuk : Ou l'eau, ce que vous voulez.
M. Scott : Pour l'éducation, comme je l'ai déjà dit, ce n'était pas une simple impression ou une croyance de la part des Canadiens selon laquelle le système d'éducation était carrément sous-financé. La première décision fondamentale est de dire que tout le monde au Canada doit avoir accès à un niveau d'éducation équivalent et cela veut dire rémunérer les enseignants, financer la construction des installations et de l'infrastructure — toutes ces choses. Au-delà de cette décision, le programme d'éducation mis sur pied était très innovateur parce qu'il consistait à construire des systèmes éducatifs, pour tenir compte du fait que les écoles étaient très isolées.
D'après mon expérience et celle de mes enfants, l'éducation ne consiste plus à offrir toute une série d'écoles. C'est un système global qui comprend toutes sortes d'éléments reliés au développement professionnel. On peut s'adresser à l'extérieur du système pour obtenir, en cas de besoin, certaines expertises — ce genre de choses. Un tel système n'existait pas ou très peu.
C'est la raison pour laquelle il est important que les provinces participent au projet. Il y avait des collectivités qui n'avaient qu'une seule école primaire; d'autres permettaient de terminer les études secondaires. Il fallait tenir compte de situations très différentes mais la relation entre la collectivité, la province et le gouvernement fédéral au sujet de ces questions était établie et bien comprise.
Nous avons tenu des réunions au sujet de l'éducation depuis le Noël de l'année précédente jusqu'au mois de novembre. Je pense que j'ai assisté moi-même à la plupart d'entre elles. Je ne connaissais rien de tout cela lorsque j'ai commencé. Grâce à cette opération, nous avons appris ensemble quels étaient les problèmes, quelles étaient les solutions, qui devait participer à la mise en œuvre des solutions et quelles étaient les ressources nécessaires.
Le sénateur Tkachuk : Par exemple, à Meadow Lake, une collectivité qui a son propre système scolaire — je suis également un ancien enseignant — qu'est-ce que cela aurait fait pour eux?
M. Scott : Cette collectivité aurait eu davantage de ressources, cela est certain. Selon la situation, elle aurait été intégrée dans un système plus vaste qui aurait été soit régional, soit provincial, selon ce que souhaitait la collectivité. Par exemple, dans mon cas, il y a deux Premières nations au Nouveau-Brunswick et elles ont examiné la possibilité d'avoir un ou deux systèmes et elles ont réfléchi à la façon dont ce système serait relié au gouvernement provincial. Ces discussions étaient en cours mais elles n'avaient pas été encore bien souvent finalisées.
Le sénateur Tkachuk : Elles n'avaient pas encore été finalisées, n'est-ce pas?
M. Scott : Elles avaient été finalisées en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse et nous avions commencé à les finaliser en Saskatchewan.
Le sénateur Dallaire : Le but de la réunion de Kelowna était de renforcer ces relations, de réduire l'écart et d'établir de nouvelles relations entre les parties. Je voudrais introduire un élément concernant la sécurité ici.
En 1995, j'avais un commandement dans la province de Québec et je me suis rendu dans toutes les zones autochtones de la province. Il y avait un problème grave entre les Cris et Hydro-Québec, parce qu'Hydro-Québec voulait inonder la moitié de la province.
Le sénateur Dyck a mentionné, ce que reflètent d'ailleurs les données démographiques, que le nombre de jeunes qui résident dans les collectivités autochtones est important. Ils sont répartis dans quelque 680 collectivités. D'une façon générale, ils se sentent marginalisés et savent qu'ils sont très en retard sur le plan de l'éducation et dans d'autres domaines. Nous avons entendu parler du jour d'action des Autochtones.
N'est-il pas vrai que le risque pour la sécurité intérieure augmente avec la marginalisation des jeunes? En fait, s'ils arrivaient à coordonner leurs actions, ne pourraient-ils pas bloquer complètement le fonctionnement du pays?
M. Martin : Sénateur, votre description est très frappante. Ma réponse, et c'est la seule que nous ayons, est que nous espérons que cela n'arrivera pas; nous espérons que cela n'arrivera pas parce que le gouvernement réagira avant que cela se produise.
J'estime que les dirigeants autochtones ont fait preuve d'un très grand contrôle. Il y a un certain sentiment de désespoir, qui découle en partie du refus de mettre en œuvre l'Accord de Kelowna. Les gens se disent, un instant, est-ce qu'il y a vraiment quelqu'un qui va s'occuper des problèmes de santé et des problèmes d'éducation? Je pense que la meilleure façon, et de loin, d'éviter la situation que vous avez décrite est de montrer que nous comprenons et que nous allons nous attaquer à ces problèmes.
Le sénateur Segal : J'aimerais poser une brève question, qui concerne ce qui m'inquiète le plus au sujet de l'Accord de Kelowna pour des raisons humanitaires et d'efficacité.
Selon notre propre recensement — et là, je m'appuie sur le témoignage du chef Brazeau devant le comité de la Chambre des communes — 79 p. 100 de la population autochtone vit hors des réserves. 51 p. 100 des indiens inscrits vivent hors des réserves. Plus de 90 p. 100 des neuf milliards de dollars que le MAINC dépense annuellement est consacré aux Autochtones qui vivent dans les réserves.
Le problème est que l'Accord de Kelowna ne prévoit rien pour l'immense majorité des gens des Premières nations qui vivent dans nos villes. Qu'il s'agisse des préoccupations exprimées par le sénateur Dallaire ou de celles que d'autres ont exprimé au sujet de l'éducation, de la toxicomanie ou de la socialisation, par exemple, c'est une grave lacune de l'Accord de Kelowna.
Pour le meilleur ou pour le pire, le gouvernement actuel a estimé que la stabilisation financière, le fait de fournir davantage d'argent aux provinces pour qu'elles et les municipalités puissent s'acquitter de leurs obligations constitutionnelles — soins de santé ou autres — et la révision des traités, domaine où il a connu davantage de succès que l'administration précédente, étaient une réponse aussi constructive que l'Accord de Kelowna aurait pu l'être pour l'immense majorité des citoyens autochtones qui vivent hors réserve dans nos villes.
J'aimerais bien entendre votre réponse.
M. Martin : Premièrement, si vous examinez l'Accord de Kelowna, vous constaterez que cet accord tient compte de façon importante de la question des Autochtones vivant hors réserve. Pour le logement, par exemple, il y avait un plan précis qui visait à résoudre la crise du logement qui touche les Autochtones vivant hors réserve.
Deuxièmement, pour ce qui est de l'éducation, il y a beaucoup de jeunes des Premières nations vivant dans les réserves qui suivent des études secondaires hors réserve. Nous devons nous occuper des écoles primaires situées dans les réserves pour qu'ils puissent ensuite aller dans les écoles secondaires. Cependant, une partie de la solution consistait à s'occuper de la question de la culture dans les écoles secondaires situées hors des réserves. Nous savons tous combien l'identité et la culture sont importantes. Cela aurait donc permis de régler cette question fondamentale, qui découle de la question des pensionnats sur le plan de la destruction de l'identité.
Sénateur, je ne m'oppose pas du tout à ce que vous dites au sujet de l'importance de la population qui vit hors des réserves. Je peux toutefois vous dire que l'Accord de Kelowna s'appliquait également à ces personnes. Si le gouvernement estime que nous ne nous sommes pas occupés suffisamment de ce groupe, et qu'il est disposé à faire davantage pour lui, nous l'appuierons tout à fait; mais le fait est que la population vivant hors réserve a été prise en compte dans ce projet.
Le sénateur Segal : J'ai eu le grand privilège, avec l'appui de tous les partis, de parrainer le projet de loi sur la compétence des Premières nations en matière d'éducation en Colombie-Britannique, devant la Chambre haute, après qu'il ait été adopté à l'autre endroit. C'était une façon pour les gouvernements provincial et fédéral et les Premières nations de travailler ensemble pour relever le niveau de l'éducation de façon à ce qu'elle soit de qualité comparable à celle des autres écoles, dans le cadre des compétences provinciales.
M. Scott : Le fait que les provinces se soient intéressées autant que nous aux Métis et aux Indiens inscrits et non-inscrits vivant hors réserve, et qu'elles se soient félicitées de ce projet de loi montre jusqu'à quel point l'accord traitait de questions comme les soins de santé, les programmes spéciaux pour les Métis, l'éducation postsecondaire et l'accès à l'éducation postsecondaire. Par exemple, pour ce qui est de l'accès, un Indien inscrit faisant partie d'une Première nation ou d'une réserve avait accès à tous les fonds disponibles pour l'éduction postsecondaire. De plus, le projet de loi faisait ressortir la nécessité d'amener les provinces à participer au processus à cause de la réalité dont vous avez parlée. Enfin, je mentionnerais que le chef qui représentait le Congrès des peuples autochtones au moment où l'entente a été signée a déclaré qu'elle représentait pour eux le bout du tunnel.
Le sénateur Sibbeston : J'ai une déclaration faire plutôt qu'une question à poser. Le Canada est un grand pays dont les habitants sont généreux, attentifs et consciencieux. Il faut que les gens prennent le temps de se connaître, comme le font les gens du Nord qui vivent ensemble, et qu'ils arrivent à s'apprécier et à se comprendre. Il faut que l'on s'intéresse à la situation critique qui est celle des Autochtones au Canada. Nous avons les moyens, l'énergie et la capacité de faire quelque chose de vraiment efficace pour que tous les membres de la société canadienne aient les mêmes possibilités de réussir. Nous mettons de côté une partie de notre attention et de notre énergie pour la dépenser à l'extérieur du pays. Par exemple, nous dépensons des milliards de dollars en Afghanistan, nous donnons de l'argent aux pays pauvres et notre politique en matière d'immigration absorbe une partie de notre énergie et de nos ressources. J'aimerais savoir si vous pensez que nous pouvons améliorer le sort des Autochtones au Canada, tout en faisant aussi toutes ces autres choses.
M. Martin : Évidement, cela dépend de la période pendant laquelle vous vous occupez de ces autres questions, sénateur. Je ne vais pas aller dans les détails, mais si vous me demandez si nous pouvons avoir une politique étrangère active, tout en accomplissant toutes ces choses pour nos peuples autochtones, je vous dirais que oui.
Nous ne pouvons pas faire de discrimination contre un secteur de la population pour ce qui est de l'éducation, de la santé et de l'eau potable. La question de la responsabilisation et de la bonne gouvernance n'a pas été soulevée ici, sénateur. Il existe un mythe selon lequel les dirigeants autochtones accordent peu d'importance à la bonne gouvernance et à la responsabilisation. Au cours des négociations relatives à l'Accord de Kelowna, il y avait une table où l'on parlait de ces thèmes, et ce sont ces dirigeants qui l'ont demandé et qui ont le plus insisté pour que ce soit un sujet de discussion. Pourtant, le financement destiné à cet aspect a été supprimé. On ne peut pas se servir de la bonne gouvernance et de la responsabilisation comme une excuse pour ne pas s'occuper de la santé et de l'éducation, parce que les dirigeants autochtones s'y intéressent autant que les autres.
Le sénateur Dyck : Pour revenir à la question du sous-financement des Premières nations dans le domaine de l'éducation et de la santé, M. Martin, vous avez dit qu'on ne pouvait pas faire de la discrimination contre un secteur de la population. Pourtant, nous faisons de la discrimination. Pensez-vous que la discrimination dont sont victimes les Premières nations constitue une violation de l'article 35 de la Charte canadienne des droits et libertés, parce que c'est une discrimination fondée sur la race?
M. Martin : Cette question est fort intéressante et je l'ai déjà aussi soulevée. Je suis quelque peu surpris de voir qu'on ne l'ait pas vraiment approfondie. Il me semble qu'il serait nécessaire de l'examiner plus à fond.
M. Goodale : Monsieur le président, le sénateur Tkachuk, qui malheureusement a dû quitter la salle, a demandé le chiffre correspondant aux fonds de l'Accord de Kelowna qui devaient aller à sa province et à la mienne, la Saskatchewan. Ce montant était d'environ 800 millions de dollars.
Le président : Merci pour cette information, monsieur Goodale.
Monsieur Martin, nous avons eu une brève discussion publique sur le montant des fonds qui étaient attribués à l'éducation avec le système actuel. Un ministre de la Couronne a déclaré qu'on dépensait 16 950 $ pour chaque membre des Premières nations. Cependant, un chef d'une Première nation a déclaré que 4 p. 100 seulement de ce montant n'arrivait en fin de compte aux bénéficiaires. Cela a toujours été une de mes préoccupations. Si l'on ne modifie pas le système et que le gouvernement ajoute un montant de cinq milliards de dollars, mais que 4 p. 100 seulement de cette somme arrive vraiment aux personnes que nous essayons d'aider, alors ce problème perdurera.
Vous avez essayé de régler ce problème autrement qu'en y affectant de l'argent. C'est là le genre de choses qu'examine le comité. Je peux vous garantir que nous allons étudier les recommandations que vous avez présentées parce que vous les avez élaborées avec beaucoup de soin.
Je vous remercie pour votre générosité et votre leadership, M. Martin, et pour la façon dont vous vous êtes comporté devant le comité ce matin.
La séance est levée.