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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 17 - Témoignages du 19 juin 2008


OTTAWA, le jeudi 19 juin 2008

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, auquel a été renvoyé le projet de loi C-34, Loi portant mise en vigueur de l'accord définitif concernant la Première Nation de Tsawwassen et modifiant certaines lois en conséquence, se réunit aujourd'hui à 9 h 4 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Nick G. Sibbeston (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Chers collègues, je m'appelle Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest, vice-président de ce comité avec le sénateur St. Germain. Ce matin, nous commençons l'examen du projet de loi C-34, Loi portant mise en vigueur de l'accord définitif concernant la Première nation de Tsawwassen et modifiant certaines lois en conséquence.

Ce projet de loi complète la ratification de l'entente tripartite sur les revendications territoriales globales et sur l'autonomie gouvernementale conclue par la Première nation de Tsawwassen, la Colombie-Britannique et le Canada. C'est le premier traité moderne issu du processus de la Commission des traités de la Colombie-Britannique et le premier traité urbain de la province. Je souhaite la bienvenue aux sénateurs présents : le sénateur Larry Campbell, de la Colombie-Britannique, le sénateur Peterson, de la Saskatchewan, le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard, le sénateur Tkachuk, de la Saskatchewan et le sénateur Stratton, du Manitoba.

Je souhaite la bienvenue à M. Michel Roy, sous-ministre adjoint, Traités et gouvernement autochtone; et Mme Margo Novak, négociatrice, Affaires indiennes et du Nord, région Sud. Nous sommes ravis que vous soyez ici pour informer notre comité. Une fois vos exposés terminés, nous aimerions que vous puissiez répondre à nos questions. Monsieur Roy, veuillez débuter.

Michel Roy, sous-ministre adjoint, Traités et gouvernement autochtone, Affaires indiennes et du Nord Canada : Merci monsieur le président. Je suis heureux de l'occasion qui m'est offerte de comparaître devant ce comité pour parler du projet de loi C-34, la Loi sur l'accord définitif concernant la Première Nation de Tsawwassen, une étape importante pour les relations entre Autochtones et non-Autochtones dans ce pays. Avant de vous donner un aperçu des principales particularités de ce projet de loi, j'aimerais vous présenter Margo Novak, d'Affaires indiennes et du Nord canadien, région de la Colombie-Britannique. Mme Novak était la négociatrice de l'accord Tsawwassen.

Je souhaite d'abord souligner à quel point ce projet de loi marque un tournant. Ce traité moderne est le premier accord conclu dans le cadre du processus de négociation de traités de la Colombie-Britannique à être présenté au Parlement pour ratification.

[Français]

Le projet de loi C-34 est non seulement une réussite remarquable pour la Colombie-Britannique, mais également un important pas en avant pour tout le Canada parce qu'il s'agit du tout premier traité portant sur une région métropolitaine à être négocié au pays. Visant le Grand Vancouver, il se traduira par une certitude accrue et de nouveaux avantages économiques pour toute la région du Lower Mainland, de la Colombie-Britannique, et pour le Canada dans son ensemble.

Ce document historique constitue également un tournant parce qu'il établit un nouveau partenariat avec les Autochtones. Le projet de loi C-34 scelle une réconciliation bien réelle. En l'adoptant, vous confirmerez notre engagement partagé en vue d'établir des relations respectueuses et équitables entre la Première nation Tsawwassen et ses voisins du Lower Mainland de la Colombie-Britannique. Une relation renouvelée fondée sur la coopération, le respect et la confiance. Cette loi est un modèle de ce que l'on peut accomplir lorsqu'on négocie de bonne foi.

[Traduction]

Monsieur le président, ce matin, j'aimerais vous parler brièvement de quelques-unes des nombreuses caractéristiques progressistes de ce projet de loi. Au cœur du processus de négociation de ce traité, le projet de loi C-34 définit et précise les droits de la Première nation Tsawwassen concernant la propriété et la gestion de ses terres et de ses ressources. Le traité constitue un règlement entier et final avec la Première nation Tsawwassen, et procure une certitude à tous les signataires de cet accord définitif.

L'établissement d'une certitude quant à la propriété des terres et des ressources et l'assurance de relations de travail positives au sein de tous les gouvernements se traduiront par des bénéfices formidables tant pour la Première nation que pour les non-Autochtones qui détiennent des intérêts commerciaux dans la région. Les investisseurs seront mieux motivés à explorer les occasions de croissance économique en partenariat avec la Première nation Tsawwassen et d'autres parties. Grâce à ce traité, toutes les parties peuvent avancer ensemble, en ayant l'assurance que ces questions sont enfin résolues.

Le traité comprend également un règlement en espèces de plusieurs millions de dollars afin d'indemniser la Première nation Tsawwassen pour les terres, les ressources et les occasions qu'elle a perdues au cours de quelque 100 ans. Le nouveau gouvernement Tsawwassen sera en mesure de faire des investissements stratégiques dans des projets de développement social et économique, un élément de base pour des collectivités de Premières nations fortes et en santé.

[Français]

Évidemment, le développement économique et le progrès social dépendent de la prise de contrôle des Premières nations dans la détermination de leur avenir. Pour libérer ce potentiel, il est essentiel qu'elles soient dotées des outils de gouvernance modernes dont elles ont besoin, ce que fournit l'accord sur l'autonomie gouvernementale que contient ce traité.

Le gouvernement Tsawwassen sera reconnu comme une administration locale semblable aux autres administrations locales au Canada, ce qui lui permettra d'entrer dans le monde des affaires politiques et économiques courantes. De plus, et cela est tout aussi important, avec le projet de loi C-34, les membres de la Première nation Tsawwassen pourront intervenir directement dans les décisions qui concernent la collectivité, qu'ils choisissent de se présenter à une élection ou tout simplement de voter pour élire des représentants. Ils pourront également en savoir plus sur la façon dont leur administration fonctionne.

La loi exige de la Première nation qu'elle soit dotée d'un acte constitutif qui assure une administration responsable devant ses citoyens sur le plan de la démocratie et des finances afin que les décisions soient prises dans le meilleur intérêt de la collectivité dans son ensemble. Même les personnes qui vivent sur les terres de Tsawwassen, sans appartenir à la Première nation, auront des droits et des protections garantis en vertu de cette loi afin d'assurer l'équité pour tous.

[Traduction]

Pour les Tsawwassens, les dispositions concernant leurs ressources et leur culture sont particulièrement importantes. Les membres de la Première nation auront le droit de récolter les ressources fauniques et les oiseaux migrateurs à des fins alimentaire, sociale et cérémoniale, et ce, dans les aires prévues à ces fins. La pêche sera également permise à des fins alimentaire, sociale et cérémoniale. Toutefois, la pêche sera confinée dans la zone de pêche Tsawwassen en tenant compte de considérations liées à la conservation, de même qu'à la santé et à la sécurité publiques.

Monsieur le président, le projet de loi C-34 établit un équilibre entre les besoins et les intérêts de toutes les parties. De toutes les raisons impérieuses qui font en sorte que cette loi devrait être adoptée rapidement, aucune n'est peut-être aussi importante que la relation qu'établit le traité. Les traités constituent à la fois le point d'ancrage des relations de longue date entre la Couronne et les Premières nations, mais aussi un élément essentiel permanent de la fédération canadienne.

Comme tous les traités modernes, cet accord définitif redresse un tort historique. Mais, et c'est tout aussi important, il dresse la table pour un avenir meilleur. Ce traité nous permettra de continuer de travailler ensemble pour atteindre le principal objectif, qui est d'améliorer la qualité de vie des Premières nations au Canada.

Je veux remercier le comité d'avoir accepté de faire cet examen spécial de ce projet de loi et je le remercie des circonstances spéciales de la séance de ce matin. Nous vous en sommes reconnaissants et nous voulons vous remercier. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le sénateur Campbell : Je veux remercier Mme Novak pour tous ses efforts. Elle doit avoir la patience de Job.

Je viens de la Colombie-Britannique. J'ai été membre du conseil du Greater Vancouver Regional District, le GRVD, et j'ai entendu les différents points de vue. Je connais ce processus. Toutes les parties ont dû faire preuve d'une incroyable patience pour en arriver à cet accord.

Pourriez-vous nous parler de l'importance de l'arrêt Cook? C'est un arrêt historique et qui touche l'ensemble du Canada. En voici le contexte.

Il y a quatre Premières nations à Vancouver et dans le Lower Mainland. Lors des négociations de ce traité, les autres Premières nations se sont adressées aux tribunaux pour empêcher tout progrès parce qu'il y a des revendications qui se chevauchent. En fait, à Vancouver, environ 150 p. 100 du territoire est revendiqué. Il y a ensuite eu l'arrêt Cook. Je me demande si vous pourriez nous parler de son importance pour les autres processus de traités au Canada.

Margo Novak, négociatrice, Affaires indiennes et du Nord, région Sud, Affaires indiennes et du Nord Canada : Merci des commentaires que vous avez faits plus tôt.

C'est un arrêt important parce que les plaignants se sont adressés aux tribunaux avant que nous ayons l'occasion de les consulter. Ils disaient que nous ne les consultions pas. Lorsque le tribunal a rejeté leur demande, cela leur indiquait clairement qu'ils devaient participer aux consultations comme la Couronne l'a fait. Par conséquent, nous devions les consulter et nous continuerons à le faire jusqu'à la date d'entrée en vigueur. Nous avons su clairement quand les consultations devaient débuter. De nombreuses Premières nations disaient que nous aurions dû les consulter plus tôt, mais en fait on ne peut jamais arriver à un accord si on commence à négocier et à consulter dès le départ parce qu'il serait impossible d'en arriver à un règlement que l'on puisse présenter à la Première nation avec qui l'on négocie.

L'arrêt est important parce qu'il précise qu'on ne pouvait commencer les consultations avant de savoir de quoi on allait discuter.

Le sénateur Stratton : La bande Tsawwassen réside-t-elle dans le delta au sud de Vancouver?

Le sénateur Stratton : Je suis en train de regarder la petite carte. C'est une région fortement urbanisée. Il y a cette réserve de 290 acres où vivent 350 âmes. C'est incroyable dans une région hautement industrialisée.

Le sénateur Campbell : C'est là qu'est la gare maritime. C'est leur territoire. Je ne veux pas interrompre votre conversation, mais le territoire est entouré de ce que l'on nomme la réserve agricole. Mis à part le port et la gare maritime, le territoire est entouré par des terres agricoles.

Le sénateur Stratton : Combien de temps a pris ce processus, puisqu'on a dit que vous aviez la patience de Job?

Mme Novak : Environ 14 ans se sont écoulés depuis le début des négociations.

Le sénateur Stratton : Pourriez-vous nous expliquer quel a été le processus que vous avez suivi, une fois que vous saviez avec qui vous alliez négocier et comment? De nombreuses personnes disent que vous avez finalement obtenu un accord. Cela a pris 14 ans. Comment avez-vous procédé?

Mme Novak : En Colombie-Britannique, c'est le premier traité issu de ce qu'on appelle le processus de la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Ce processus est supervisé par une commission composée de personnes nommées par les diverses parties. Le processus comprend six étapes. Premièrement, les bandes soumettent leurs revendications, et ensuite nous négocions un accord cadre. Il comprend les points qui seront discutés. Puis, il y a un accord de principe. C'est un peu comme une version légère du traité; il comprend tout ce que le traité inclura. Il s'agit là également d'un accord tripartite. Ensuite on en arrive à l'accord final. C'est le document que nous avons sous les yeux. Il a fallu quatre ans pour obtenir l'accord de principe avec les Tsawwassens. L'accord final a nécessité deux ans. Ensuite il y a l'étape de préparation à la mise en œuvre, et c'est là où nous en sommes présentement. Nous nous préparons à la date de mise en œuvre, où tous les territoires Tsawwassens seront enregistrés au bureau provincial d'enregistrement foncier. Il y a plus de 1 000 titres fonciers sur cette petite réserve, en plus des nouveaux territoires qu'ils obtiendront. Il y a énormément de travail à faire présentement. Nous aimerions que la date de mise en œuvre soit au printemps prochain. Ensuite, il y a l'étape de la mise en œuvre en tant que telle, et c'est la dernière étape du traité. C'est alors qu'ils peuvent promulguer leurs propres lois, une fois qu'ils commencent à recevoir le financement.

Le sénateur Stratton : Monsieur Roy, vous disiez dans de votre exposé que cet accord marquait un tournant. Est-ce qu'il pave la voie à d'autres accords? Pourquoi dites-vous que cet accord marque un tournant?

M. Roy : Parce que c'est le premier en Colombie-Britannique qui est issu du processus de la Commission des traités de la Colombie-Britannique. De plus, c'est le premier dans une région urbaine.

Le sénateur Stratton : Est-ce là une caractéristique unique, ou ne s'applique-t-elle seulement qu'à la Colombie- Britannique? Est-ce qu'on utilise cette approche ailleurs? Pourquoi est-ce un tournant?

M. Roy : C'est semblable à ce qui se passe ailleurs au pays. Mais ce qui constitue une caractéristique unique et qui aura des conséquences sur tous les accords à venir, c'est notre approche de la mise en œuvre.

Votre comité a, par le passé, fait connaître son opinion de la mise en œuvre d'un traité moderne. Dans le cadre de cet accord, nous essayons de régler certains de ces problèmes. Il y aura donc des conséquences sur les accords à venir.

Le sénateur Stratton : Il a fallu 14 ans pour en arriver à cet accord historique. Une fois cet accord terminé, les autres prendront-ils moins de temps? Est-ce un de vos objectifs?

M. Roy : Oui, c'est un des objectifs.

Le sénateur Stratton : Vous attendez-vous à ce que les accords subséquents prennent quatre ans, six ans, huit ans, en avez-vous une idée?

M. Roy : Nous ne pouvons pas parler de durée de quatre ou cinq ans car il s'agit d'accords complexes. Ils sont protégés par la Constitution, les provinces jouent un rôle, notamment. L'accord est complexe et, naturellement, tout le processus est dirigé par le Cabinet dans notre cas. Nous devons retourner régulièrement devant le Cabinet afin de nous assurer que le gouvernement est d'accord et appuie ce que nous tentons de faire. C'est le Cabinet qui nous a confié ce mandat et il veut s'assurer que nous le respectons.

Le sénateur Stratton : J'imagine qu'il y a d'autres accords en cours de négociation?

M. Roy : Oui, en Colombie-Britannique, il y en a.

Mme Novak : Ce qui est difficile lorsqu'on est le premier, c'est que l'on innove et que l'on établit certains paramètres et on crée des précédents. Deux autres accords définitifs seront conclus sous peu, et environ quatre autres sont près de l'être. Tous s'appuient sur le travail qui a été fait dans l'accord avec les Premières nations de Tsawwassen.

Le sénateur Stratton : C'est bon à entendre. Nous faisons enfin des progrès à bien des égards.

Mme Novak : En effet, c'est le cas.

Le vice-président : Dans le même ordre d'idée, je voudrais savoir si vous pourriez nous fournir de l'information au sujet du processus concernant les intérêts des tierces parties. La plupart des revendications territoriales que nous connaissons, particulièrement dans les régions éloignées du pays, concernent des terres domaniales non occupées. Évidemment, ici on est en région urbaine, les gens y sont installés et ont un intérêt dans la terre, de sorte que l'on parle de terre occupée. Comment traitez-vous avec les tierces parties qui doivent renoncer à leurs droits?

Mme Novak : Nous avons établi un processus de consultation exhaustif à notre bureau, et nous tenons régulièrement des consultations avec les tierces parties dont vous avez parlé. Nous avons eu plus de 70 rencontres avec divers groupes. Nous avons rencontré des groupes de pêcheurs, naturellement, nous les avons longuement consultés au sujet de la pêche locale individuelle et d'autres questions plus générales. Nous avons rencontré les gens d'affaires locaux. Comme l'a mentionné le sénateur Campbell, nous avons rencontré également des représentants de Metro Vancouver et de la municipalité de Delta. Par ailleurs, il y a eu des séances d'information avec la chambre de commerce, la chambre de commerce locale à Tsawwassen et avec les résidents.

Nous avons passé du temps à rencontrer plus particulièrement les titulaires de domaines à bail dans les réserves. En fait, les titulaires de domaine à bail dans les réserves sont plus nombreux que les membres des Premières nations de Tsawwassen. Ils constituaient un élément important et nous devions tenir compte de leurs intérêts. Au cours d'une certaine période, nous les avons rencontrés plusieurs fois par an pour leur dire où en étaient les négociations avant de leur présenter l'accord définitif.

Le vice-président : L'objectif à long terme est de faire en sorte que grâce à leurs revendications, les gens de Tsawwassen deviennent autosuffisants sur le plan économique et jouent un rôle dans la vie de Delta ou de Vancouver.

Mme Novak : Tout à fait. Comme on l'a dit, à l'heure actuelle, ils n'ont qu'une petite réserve qui est entourée d'industries. Étant donné que leur territoire est si petit pour l'instant, ils ne peuvent pas y loger tous leurs membres dans la réserve. En acquérant davantage de terres — il s'agit d'une parcelle assez petite par rapport à celles que l'on retrouve dans le cadre d'autres accords dans le Nord, comme vous le savez j'en suis certaine — ils espèrent être en mesure d'offrir des logements à leurs membres et d'assurer le développement économique. Récemment, ils ont publié leur plan d'utilisation des terres qui fera l'objet d'un vote en juillet. Ils veulent faire partie de la communauté.

Ils sont devenus membres de Métro Vancouver (GRVD). Ils y siégeront en tant que membres du conseil d'administration, à titre d'administrateurs, et participeront avec la communauté à la planification et au développement qui se feront à Vancouver. Leurs objectifs consistent à éduquer leur peuple et à leur trouver un emploi et c'est avec beaucoup d'enthousiasme qu'ils se préparent à mettre en œuvre le traité.

Le sénateur Peterson : Ce matin, nous avons dit que 14 ans c'était très long, mais par rapport à ce qu'on nous a dit au cours de certains exposés qui ont été présentés au comité, cela s'est fait à une vitesse supersonique.

J'espère que vous pouvez partager avec d'autres Premières nations les compétences et l'expérience que vous avez acquises afin de les aider à simplifier leur processus de demande. Ce que vous avez fait ici est remarquable.

Monsieur Roy, pour ce qui est des activités économiques et du développement futur, est-ce que cette région fera partie d'une autorité chargée d'approuver ce qui va au-delà de leur région, ou est-ce qu'elle fera partie du district de planification de Vancouver pour ce qui est de la façon dont ils traitent avec d'autres régions?

M. Roy : Comme Mme Novak vient de le dire, ils feront partie du régime de gestion de Métro Vancouver. Ils siégeront au conseil d'administration. Le statut de réserve disparaîtra. Ils n'auront plus le statut de réserve.

Mme Novak : Ils ne relèveront plus de la Loi sur les Indiens.

Le sénateur Stratton : Sont-ils incorporés en tant que municipalité?

Mme Novak : En ce moment, la réserve fait partie de la corporation de Delta. Ces limites seront éliminées. Ce ne sera plus une bande aux termes de la Loi sur les Indiens; ce sera une Première nation qui gouvernera elle-même ses propres terres.

Le sénateur Campbell : Métro Vancouver est composé de 22 municipalités, dont quatre Premières nations. Nous avons Tsleil-Waututh, Musqueam, Squamish et Tsawwassen. Il y en a deux à Vancouver Nord. Selon la taille de la municipalité — par exemple, Belcarra compte sans doute un millier d'habitants — elle aura un directeur, et le directeur siégera pour représenter sa municipalité au Métro Vancouver et participera, ce qui est assez incroyable. Ce sera bien d'en arriver au point où Tsleil-Waututh, Musqueam et Squamish se retrouveront exactement dans la même situation. Ce sera vraiment un exploit.

Le sénateur Peterson : Elles peuvent prélever des impôts fonciers et des taxes sur les services comme l'eau et les égouts. Elles devront payer leur part à la municipalité de Vancouver ou à ceux qui fournissent ces services?

Mme Novak : C'est exact.

Le sénateur Hubley : Bienvenue ce matin, et félicitations à tous les deux. C'est un honneur pour notre comité d'être ici et de vous écouter, d'examiner le projet de loi.

Nous avons maintenant franchi un jalon, et bien des aspects de votre traité sont uniques. Y a-t-il suffisamment de souplesse dans le traité comme tel pour en assurer la mise en œuvre sans heurt et satisfaisante? Êtes-vous d'avis que ce traité permet de faire suffisamment de concessions de part et d'autre pour en assurer une mise en œuvre harmonieuse?

Mme Novak : Oui, je le pense. Nous avons tiré des leçons des négociations antérieures dans le Nord et nous avons adopté une approche légèrement différente lorsque nous avons négocié ce traité et l'accord fiscal qui l'accompagne. Par exemple, le financement est négocié entre les trois parties : la Colombie-Britannique, Tsawwassen et le Canada. Le financement du gouvernement fédéral dépend des activités qu'un gouvernement des Premières nations doit mener à bien. Auparavant le financement se faisait plutôt en fonction du nombre d'habitants. Peu importe qu'une nation soit grande ou petite, elle doit offrir les mêmes activités. Nous espérons que cela a réglé le problème.

Par ailleurs, l'accord fiscal et financier est renouvelé tous les cinq ans ou plus souvent, selon le cas, de sorte qu'il est possible de renégocier, si vous voulez, en cas de circonstances imprévues.

Le sénateur Tkachuk : Il y a trois groupes. Il y a 350 membres dans cette réserve. Selon l'information que j'ai reçue de la Bibliothèque du Parlement, 175 membres vivent hors réserve. Il y a des gens hors réserve et des gens sur la réserve, et il y a les fiducies des titulaires de domaines à bail.

Comment cela a-t-il influencé votre processus de consultation? Quel a été l'impact et l'influence des gens hors réserve sur le processus? Comment avez-vous pu répondre aux besoins des titulaires de domaines à bail?

Mme Novak : Je vais commencer par les membres hors réserve. On a essentiellement laissé aux Premières nations le soin d'informer leurs communautés et leurs membres et elles ont fait un travail fantastique à cet égard. Elles ont tenu des réunions de famille et se sont rendues là où les non-membres vivent. Il y a en a qui vivent à Bellingham, Washington, d'autres à Vernon, une autre région de la Colombie-Britannique. Le vote de ratification a été de 70 p. 100. Il y a un arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Corbiere qui dit que, peu importe que l'on vive ou non sur la réserve, on a son mot à dire en ce qui concerne les actifs de la bande.

Elles ont été très diligentes et ont eu un appui extraordinaire. Elles espèrent en fait que ces gens reviendront vivre sur la réserve. Ils font également partie de leur collectivité qui est petite, mais leurs membres sont tous très importants pour eux sur le plan culturel, de sorte que c'était essentiel.

Pour ce qui est de concilier les intérêts des titulaires de domaine à bail, cela a présenté un peu plus de difficulté. Les titulaires de domaine à bail paient déjà des impôts fonciers à Tsawwassen, mais en fait ils votent dans la municipalité de Delta, ce qui est un peu bizarre. C'est comme une représentation sans imposition, si vous voulez. Maintenant ils continueront de payer leurs impôts fonciers à Tsawwassen, mais ils ne pourront plus voter à Delta.

Dans le traité, nous avons des dispositions selon lesquelles le gouvernement des Premières nations de Tsawwassen doit consulter les titulaires de domaine à bail pour toute décision qui les touche, que ce soit la fiscalité, les limites de vitesse sur les routes, le développement des terres, et cetera. C'est plus que ce qu'ils obtiennent à l'heure actuelle de Delta, par exemple, et plus que ce qu'ils avaient aux termes de la Loi sur les Indiens. Par ailleurs, il y aura un office fiscal, ou une institution, une institution publique. Ils auront la possibilité de se présenter aux élections et de siéger comme membres de cet office, de sorte qu'ils auront directement leur mot à dire.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce comme le conseil d'administration d'un condominium?

Mme Novak : Non, ce sera une institution fiscale. Ce qui arrivera, c'est que la Première nation Tsawwassen adoptera une loi ou établira un taux fiscal qui devra ensuite être examiné par cette institution publique qui sera consultée et qui aura son mot à dire.

Le sénateur Tkachuk : Cependant, s'ils louent des terres à bail et qu'ils y habitent, ils ne pourront pas voter pour le gouvernement des Premières nations.

Mme Novak : Non.

Le sénateur Tkachuk : Comment a-t-on satisfait leurs besoins? Est-ce parce qu'ils n'avaient pas le choix ou est-ce tout simplement qu'il y avait énormément de confiance?

Mme Novak : Ils ont une excellente relation avec la Première nation Tsawwassen. Ils ont négocié directement et ils négocient toujours.

Le sénateur Tkachuk : Les terres sont actuellement détenues en fief simple. De quel genre de corporation s'agit-il? Est-ce une corporation municipale ou une corporation privée avec les actionnaires? Comment les terres seront-elles détenues? En vertu de quel instrument juridique les terres seront-elles détenues?

Mme Novak : L'instrument juridique est en fait le traité. C'est le traité qui identifie, crée la Première nation et le gouvernement de la Première nation. Je sais qu'il s'agit là d'un concept difficile à comprendre, mais ce n'est pas une municipalité et ce n'est pas une bande indienne; il s'agit d'une nouvelle entité.

Le sénateur Tkachuk : C'est une nouvelle entité juridique.

Mme Novak : Oui. C'est la même chose pour tout gouvernement des Premières nations, par exemple, la Première nation du Yukon ou la Première nation du Nunavut.

Le sénateur Tkachuk : Cette entité peut donc faire l'objet de poursuites et elle peut elle-même poursuivre; elle a tous les droits dont jouit toute autre institution juridique canadienne?

Mme Novak : C'est exact. Il s'agit d'une entité juridique.

Le sénateur Tkachuk : Évidemment, il n'y a pas d'actionnaires, alors c'est un genre de traité, comme un gouvernement qui serait propriétaire des terres. Comment les intérêts de chaque membre de la bande sont-ils protégés? Il y a 350 membres. Où étaient-ils avant d'être protégés en vertu de la Loi sur les Indiens et par le traité lui-même, maintenant que la loi ne s'applique plus et qu'on a cette nouvelle institution. Comment leurs intérêts sont-ils protégés?

M. Roy : D'abord, il est clair que la Charte des droits et libertés, c'est-à-dire la charte sur les droits de la personne, s'appliquera à tous les citoyens, alors c'est comme ça qu'ils seront protégés. De plus, le système de responsabilité du gouvernement auprès de leurs citoyens est clair en vertu de la Loi sur les Indiens. Le gouvernement de la bande autochtone doit rendre des comptes au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Avec ce traité, ils devront dorénavant rendre des comptes à leurs citoyens. Ils auront leur mot à dire au sujet de leur gouvernement. Ce sera un processus démocratique. Un conseil d'administration sera créé également.

Mme Novak : Le traité prévoit expressément le droit au recours juridique, comme pour tout autre citoyen, auprès d'une magistrature.

Le sénateur Tkachuk : Comment les droits collectifs sont-ils protégés?

Mme Novak : Le traité est un échange des droits autochtones en contrepartie des droits issus de traités, et chaque droit est rédigé clairement. La certitude pour les membres est un des avantages du traité. Les membres connaissent leurs droits et où ils peuvent s'en prévaloir. La Première nation gérera les droits au nom des membres.

Le sénateur Tkachuk : Vous dites qu'ils ressemblent à une administration locale. Parlons-en davantage. Est-ce que la province devient responsable des droits en matière de santé et d'éducation? Quelle en sera la structure? Il s'agit d'une municipalité de 175 personnes ayant le droit de vote, dont quelques-uns sont des enfants, du moins je le croirais. C'est la population de mon village natal. Il n'y a pas beaucoup d'activité économique dans un village de 150 personnes, même si mon village natal s'en sortait plutôt bien. C'est un petit village. De quelle façon vont-ils gérer leurs écoles? Est- ce que les écoles seront la responsabilité du gouvernement fédéral, ou est-ce qu'ils concluent des ententes avec Delta et d'autres municipalités pour envoyer leurs enfants à ces écoles-là?

Mme Novak : Voilà. Il y a un chapitre portant sur les relations intergouvernementales qui parle de l'interaction entre les diverses parties. Ils n'ont pas l'intention d'ouvrir des écoles. Ils veulent mettre l'accent sur l'emploi et la promotion de l'éducation. Ils veulent cibler les programmes à la petite enfance. En vertu du traité, ils pourraient faire adopter des lois régissant les écoles, mais ils préfèrent mettre leurs énergies ailleurs et poursuivre les ententes qu'ils ont actuellement avec la province. La même chose vaut pour les soins de la santé.

Le sénateur Tkachuk : Les 175 personnes qui n'y habitent pas ne contribuent pas à la réserve, bien sûr. Ces gens n'y habitent pas, ils n'y travaillent pas. Ils habitent ailleurs. Est-ce que leurs intérêts sont pris en compte, auront-ils leur mot à dire dans le fonctionnement de la réserve, pourront-ils voter, même s'ils n'y habitent pas? Cela me semble bizarre. Comment cela fonctionnera-t-il? Des élections pourraient être remportées uniquement avec l'appui des personnes qui vivent à l'extérieur de la réserve.

Mme Novak : Selon le régime du common law, c'est ce qui doit se produire.

Le sénateur Tkachuk : Donc, ça ne finira jamais?

M. Roy : Non, car les tribunaux ont tranché là-dessus.

Le sénateur Tkachuk : On ne peut pas signer un chèque pour les encourager à quitter cet endroit. On ne peut pas se porter volontaire pour quitter cet endroit, n'est-ce pas?

M. Roy : Vous pouvez vous exclure volontairement en refusant de voter.

Le sénateur Tkachuk : C'est le seul moyen.

M. Roy : Oui.

Le sénateur Tkachuk : J'ai quelques questions concernant la question du gouvernement local. Est-ce que la Première nation aura des pouvoirs semblables à ceux d'une municipalité, ou ceux que détiendrait normalement une province, puisqu'il s'agit d'une bande indienne?

M. Roy : Une municipalité n'aurait pas la compétence en matière d'éducation, par exemple. La bande a cette compétence-là, mais elle a décidé de ne pas l'exercer. Elle va maintenir l'entente existante avec la province et les municipalités avoisinantes. C'est la bande qui a pris la décision. Nous parlons ici d'un groupe en particulier, mais la situation est la même en vertu de certains traités qui couvrent 10, 15 ou 20 collectivités. Les bandes ont la compétence en matière d'éducation, mais la réalité est différente puisque la population est plus importante.

Dans ce cas-ci, les droits sont les mêmes, mais on les exerce différemment étant donné la situation. C'est une seule collectivité comptant une population de 200 à 300 personnes.

Le sénateur Tkachuk : Les autres pouvoirs provinciaux resteront-ils inchangés, tels les services de police et les tribunaux?

Mme Novak : Oui. Quand une entente prévoit l'adoption de lois, il y a ce qu'on appelle un conflit de lois ou une disposition attribution de prépondérance. Dans les domaines de compétence provinciale, même si la bande Tsawwassen peut adopter des lois concernant l'éducation, elles doivent être compatibles avec les lois provinciales. Dans le cas contraire, s'il surgit un conflit, la loi provinciale pourrait avoir préséance. Les services de police, par exemple, ne sont pas un domaine de compétence où on peut adopter des lois. Il faut regarder chaque compétence pour voir comment elle est traitée. De même, dans les domaines de grande importance nationale, ce sont les lois fédérales qui prévalent.

Le sénateur Peterson : Je crois avoir lu dans l'accord que la contribution du gouvernement fédéral diminuera au fur et à mesure que les revenus de la Première nation de Tsawwassen augmenteront. Est-ce qu'on fait une analyse de la situation chaque année? Peut-on déjà prévoir à quel moment la bande n'aura plus besoin de financement fédéral?

Mme Novak : On en fait une analyse tous les cinq ans, et la disposition ne sera pas mise en vigueur tout de suite. Mme Baird elle-même, chef de la Première nation de Tsawwassen, a dit publiquement qu'elle espère que la bande sera financièrement indépendante dans environ 15 ans et ne nécessitera plus de fonds fédéraux à ce moment-là.

Le sénateur Tkachuk : Quels sont les incitatifs pour cela? Si on a une garantie de financement fédéral, où est l'encouragement pour devenir autonome?

M. Roy : C'est le genre de discussion que nous tenons avec les Premières nations. Tant qu'elles dépendent d'un autre ordre de gouvernement pour leur financement, elles ne peuvent pas se prétendre autonomes. Si on veut devenir autonome, il faut réduire la dépendance à l'égard du financement de tout autre ordre de gouvernement. C'est essentiellement cela l'incitatif pour les bandes, car elles aspirent à l'autonomie gouvernementale. Tant qu'elles dépendent du financement du gouvernement fédéral, elles ne peuvent pas prétendre d'être autonomes.

Le sénateur Campbell : Le traité prévoit-il une indexation des coûts des différents aspects, ou les coûts restent-ils fixés au taux de 2008? Sont-ils indexés au coût de la vie?

Mme Novak : Oui, ils sont indexés à l'IPDIF.

Le sénateur Campbell : Le petit village où le sénateur Tkachuk a grandi est très différent. Sur le territoire de la Première nation se trouve le Deltaport ainsi que le traversier. Un projet de condominium qui réussit très bien a été construit. Il fonctionne et a même son propre système d'égouts.

Le sénateur Tkachuk : Tout a commencé par le village.

Le sénateur Campbell : J'aimerais dire d'abord que le chef Kim Baird est une jeune femme tout à fait remarquable. Pendant toutes ces années, difficiles et moins difficiles, où j'ai suivi l'évolution de ce dossier, elle a été là pour défendre ses gens. Et croyez-moi, il y a eu beaucoup d'années difficiles dans le Lower Mainland. Elle a toujours montré beaucoup de détermination et de maîtrise de soi. Je ne l'ai jamais vue perdre son calme. Il faut la féliciter très sincèrement de cette réalisation.

Je voudrais aussi féliciter le gouvernement d'avoir présenté ce projet de loi. Je voudrais féliciter le gouvernement et nos dirigeants d'en avoir facilité l'adoption. Pour moi, c'était une des journées les plus émouvantes au Sénat que j'ai déjà vécues. Je suis tellement fier de notre travail sur ce projet de loi. Je voudrais remercier tous les sénateurs de leurs efforts dans ce contexte.

Le vice-président : Cela dit, y a-t-il d'autres questions? Si non, j'aimerais remercier M. Roy et Mme Novak de leurs exposés et d'avoir répondu à nos questions ce matin. Nous espérons les revoir à l'avenir pour discuter d'autres accords qui seront conclus.

Est-il entendu que nous allons maintenant procéder à l'étude article par article?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : L'adoption du titre est-elle reportée?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : L'adoption du préambule est-elle reportée?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : L'adoption de l'article 1, qui contient le titre abrégé, est-elle reportée?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Les articles 2 à 5 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Les articles 6 à 10 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Les articles 11 à 15 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Les articles 16 à 20 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Les articles 21 à 25 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Les articles 26 à 30 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Les articles 31 à 33 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Le préambule est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Le comité veut-il envisager d'inclure des observations au rapport?

Des voix : Non.

Le vice-président : Êtes-vous d'accord pour que je fasse rapport du projet de loi au Sénat?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Tkachuk : Le plus tôt possible.

Le vice-président : Oui, dès jeudi. Je voudrais tous vous remercier d'avoir étudié le projet de loi rapidement.

La séance est levée.


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