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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 1 - Témoignages du 27 novembre 2007


OTTAWA, le mardi 27 novembre 2007

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 19 h 2 pour examiner l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts au Canada.

Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonsoir et bienvenue à cette deuxième réunion de notre comité au cours de cette nouvelle session du Parlement. Nous faisons cette étude alors que les éleveurs de bétail traversent une période très difficile. La semaine dernière, nous avons entendu des représentants du secteur de l'élevage des bovins, qui nous ont décrit la crise à laquelle ils sont actuellement confrontés. Le secteur de l'élevage du porc a connu des conditions économiques défavorables semblables au cours des derniers mois. Le prix du porc a commencé à s'effondrer en septembre pour atteindre un bas niveau record. Parallèlement, le prix des aliments pour animaux a augmenté, en partie à cause de la demande accrue pour les biocarburants, qui a fait augmenter le prix des céréales.

Nous accueillons aujourd'hui Clare Schlegel, présidente du Conseil canadien du porc et Stephen Moffett, président du Comité de protection du revenu agricole du Conseil canadien du porc. Nous entendrons également Robert Monty, deuxième vice-président de la Fédération des producteurs de porc du Québec, ainsi qu'un vieil ami, Bob Friesen, président de la Fédération canadienne de l'agriculture.

Stephen Moffett, président, Comité de protection du revenu agricole du Conseil canadien du porc : Merci. J'apprécie l'occasion qui m'est donnée de m'adresser à votre comité. Comme vous le savez, nous sommes confrontés à une crise. Je ne veux pas tomber dans le pathos, mais c'est la crise la plus importante que nous ayons jamais connue. J'ai commencé à exploiter une ferme au début des années 1970, et je n'ai connu une telle situation qu'une fois auparavant, alors que les prix avaient chuté à tel point que nous n'arrivions plus à couvrir les frais de l'alimentation des animaux, et encore moins l'argent nécessaire aux autres dépenses. Lorsque la situation devient à ce point dramatique, bon nombre de producteurs se retrouvent en faillite.

L'agriculture est un domaine bien différent des autres types de commerces puisque l'agriculteur vit directement à la ferme. Par exemple, lorsqu'on ferme une usine, les employés mis à pied peuvent toucher des prestations d'assurance- emploi jusqu'à ce que les stocks aient atteint le niveau nécessaire pour que l'entreprise puisse reprendre ses activités. On ne peut pas en faire autant dans une ferme familiale. Nous produisons des animaux vivants, un produit périssable. Il s'écoule beaucoup de temps entre la naissance d'un animal et sa mise en marché. Dans une exploitation continue de ce genre, nous ne pouvons pas fermer nos portes pour les rouvrir plus tard.

Beaucoup d'autres secteurs de l'économie rurale dépendent de l'agriculture. Ce ne sont pas seulement les producteurs agricoles qui souffrent, mais aussi toute l'économie rurale, et donc bien plus de gens. On dit que les avantages secondaires de l'agriculture sont beaucoup plus importants que ceux d'autres entreprises — ils sont de l'ordre de 7 pour 1. Ces retombées ont un effet énorme sur toute l'économie rurale, par opposition au reste de l'économie.

Madame la présidente, nous avons discuté de cette question avec nos producteurs de diverses provinces. La crise est d'ampleur nationale. Nous avons beaucoup réfléchi ces derniers temps. Certains peuvent se demander pourquoi nous n'essayons pas de trouver d'autres formes d'emploi, si les choses vont aussi mal que cela. C'est une bonne question, mais nous ne pensons pas que cela se fera, et nous parlerons donc de certaines des causes de nos revers.

Les éleveurs de bovins et de porcs ont déjà connu auparavant des revers de fortune. Il faut reconnaître qu'au cours des 25 dernières années, les éleveurs canadiens de porcs sont devenus les plus gros exportateurs de cette denrée au monde, et que le marché d'exportation du porc continuera de prendre de l'expansion. Tout nous porte à croire que notre part de ce marché en pleine croissance continuera d'augmenter également. Notre production sera énormément en demande à l'avenir, mais nous nous retrouvons aux prises avec cette crise à court terme, cette énorme chute des prix, qui est causée par plusieurs facteurs.

Le premier de ces facteurs, à notre avis, est le dollar canadien. J'ai dit que le marché du porc avait augmenté pour les producteurs canadiens depuis 25 ans, c'est-à-dire depuis les années 1970. Au cours de ces 25 années, la valeur du dollar canadien avait diminué pour atteindre environ 0,60 $ américain. Puis, en quelques années seulement, sa valeur a dépassé celle du dollar américain. Les industries s'adaptent aux fluctuations des taux de change, au fil des ans, mais il ne nous est pas possible de nous adapter à un changement aussi rapide. Il n'y a jamais eu auparavant de changement aussi rapide de la valeur du dollar canadien. Même si divers secteurs de l'économie en ont grandement bénéficié, cette hausse a eu un effet dévastateur pour l'agriculture au Canada, qui dépend énormément des marchés d'exportation.

À l'heure actuelle, deux porcs sur trois nés au Canada finissent sur le marché d'exportation, sur pied ou dépecés. Alors, dira-t-on, pourquoi ne pas réduire tout simplement la production pour faire augmenter nos prix? En fait, nous devrions réduire notre production des deux tiers pour arriver au point de devenir un importateur net de porc, ce qui aurait un effet important sur le prix des porcs et de la viande de porc. Mais cela ne se produira pas, bien sûr. Nous avons augmenté de près de moitié notre production depuis 1998. Cela signifie que nos producteurs ont fait des investissements énormes et que nous avons des installations relativement nouvelles. Également, les investissements dans certaines porcheries s'élèvent à des millions de dollar. On ne peut pas simplement décider de réduire la production. Les porcheries n'auraient plus aucune valeur. Ce n'est pas faisable.

En fait, ou bien on se retire de l'élevage, ou on y reste et il faut être concurrentiel. C'est la seule alternative. Nous avons un grand secteur viable et concurrentiel sur les marchés internationaux, et il faut bien sûr qu'il puisse continuer de fonctionner.

Le deuxième facteur, c'est l'augmentation rapide du prix des céréales. Comme vous le savez, il y a quelques années, les céréales ne coûtaient presque rien. L'augmentation de la demande provoquée par la production d'éthanol, production soutenue en grande partie par des subventions du gouvernement américain, a imposé des pressions excessives sur l'approvisionnement en céréales. Les producteurs de céréales sont nos fournisseurs, et les producteurs d'éthanol ont réussi à les attirer pour acheter leur produit. Il nous est très difficile de leur faire concurrence. À court terme, cette situation a imposé des pressions indues à notre secteur. Nous irions jusqu'à dire que ce sont des pressions injustes; les subventions des gouvernements n'ont rien à voir avec les forces normales du marché.

À vrai dire, notre industrie subit également d'autres pressions. Notre secteur du conditionnement subit également le contrecoup important de la valeur du dollar. Il est touché de la même façon que nous. Le même pourcentage de sa production est vendu sur les marchés d'exportation. En raison de la valeur du dollar, ce secteur a perdu sa compétitivité. Comme vous le savez, ce genre de problème percole jusqu'aux producteurs primaires et exerce des pressions sur nos prix. Les conditionneurs souffrent probablement autant que nous sur les marchés internationaux et ont peut-être encore plus de difficulté à être concurrentiels. Mais ce secteur est également aux prises avec d'autres problèmes, entre autres celui des droits d'inspection. Les conditionneurs paient des droits d'inspection plus élevés que leurs concurrents américains. Mais c'est une autre histoire.

Bref, il faut qu'il y ait des changements importants. Des changements importants sont en cours dans le secteur du conditionnement de la viande. Mais une fois que ces changements seront apportés, il ne faudra pas oublier que les conditionneurs comptent sur la production primaire. De toute évidence, nous ne pouvons pas mettre fin à la production primaire de porcs sur pied, car cela n'aurait aucun sens. Que feraient nos conditionneurs? Ils apportent une contribution importante à notre économie.

Dans certaines régions du pays, il est extrêmement difficile de trouver de la main-d'œuvre. Nous avons entendu parler d'agriculteurs en Alberta qui sont prêts à payer 25 à 30 $ de l'heure pour inciter des producteurs à déserter les champs de pétrole pour venir travailler dans des fermes porcines. De toute évidence, leurs concurrents ne payent pas ce genre de tarifs. Cela représente un stress énorme.

C'est le genre de problèmes dont nous discutons et que nous nous attendons normalement à traiter, mais pas autant à la fois. En raison de la conjugaison de si nombreux problèmes, nous entendons dire que la situation de l'industrie porcine est la pire qu'elle n'ait jamais connue.

L'argent se fait rare chez les éleveurs de porcs. Selon le travail que nous avons fait faire les éleveurs de porcs perdent à l'heure actuelle environ 65 $ pour chaque animal qu'ils expédient. Une ferme porcine de taille moyenne pourrait perdre de 50 000 $ à 60 000 $ par semaine. C'est une énorme perte. Un éleveur qui dispose de certains capitaux et à qui ce genre de chose arrive verra bientôt tous ses capitaux fondre et il devra commencer à faire appel à sa marge de crédit. Une fois qu'il aura épuisé sa marge de crédit, l'éleveur commencera à exercer des pressions sur les fournisseurs de fourrage. Compte tenu de la situation actuelle, nous estimons que si l'on n'intervient pas très rapidement, ces éleveurs ne sauront plus à qui s'adresser pour acheter des aliments pour leurs animaux. La situation est urgente.

Nous sommes en train d'examiner des façons d'y donner suite. Nous avons eu des entretiens avec des représentants d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, et nous leur demandons de prendre un certain nombre de mesures. Premièrement, pour faire face à la crise de liquidité à court terme, nous demandons à Agriculture et Agroalimentaire Canada de mettre sur pied un programme de prêts pour fournir de l'argent aux éleveurs afin de compenser les pertes subies. Par exemple, le prêt pourrait équivaloir à la différence qui existe entre le prix que reçoivent les éleveurs sur le marché à l'heure actuelle comparativement au prix moyen à long terme. Il s'agirait d'un prêt consenti aux producteurs qui, grâce à cet argent, pourraient payer leurs factures de fourrage et poursuivre leurs activités. Nous demanderions au gouvernement fédéral de consentir une avance aux producteurs en fonction de leur paiement de 2008 au chapitre du Programme canadien de stabilisation du revenu agricole. Je parlerai de ce programme dans un instant.

Nous devons offrir une aide financière aux éleveurs qui connaissent des problèmes de liquidité. Cela doit être fait avant Noël. C'est donc le point sur lequel nous insistons ici aujourd'hui, à savoir que les éleveurs ont besoin d'argent avant Noël pour régler leur problème de liquidité.

Il y a aussi une question de confiance. Un grand nombre de producteurs qui font face à cette situation désastreuse considèrent que c'est la pire situation que leur industrie ait connue. Compte tenu de la valeur du dollar, la situation n'est pas prête de changer et les producteurs indiquent qu'ils ne voient pas la lumière au bout du tunnel. Je pense que la lumière est là mais elle n'est pas visible pour l'instant.

Par ailleurs, nous aimerions que l'on consente une avance pour le paiement de 2008 au chapitre du PCSRA. Comme vous le savez, dans le cadre des programmes en vigueur, les producteurs doivent attendre que la moitié de l'année soit écoulée avant de demander une avance au chapitre du PCSRA. Les producteurs devraient donc attendre à l'été prochain avant de présenter une demande et attendre à l'automne prochain avant de toucher l'argent en question. Les producteurs vont subir de lourdes pertes en 2008 dans très peu de temps, mais ne seront pas en mesure de récupérer cet argent avant très longtemps.

C'est la demande la plus importante que nous formulons au gouvernement. Le ministre de l'Agriculture peut dire qu'il existe déjà des programmes importants, et c'est vrai. Cependant, le consensus dans l'industrie c'est que la série actuelle de programmes ne permettra pas de régler une crise aussi profonde que celle-ci.

Je vais dire quelques mots des programmes existants, c'est-à-dire le PCSRA et ce que nous appelons le programme Agri-Stabilité. Comme dans le passé, il continuera d'apporter un soutien financier aux producteurs. Nous en félicitons le gouvernement mais nous avons de sérieuses réserves à l'égard du programme Agri-Stabilité. Le soutien qu'apporte ce programme arrive trop tard. Vous devez comprendre que les éleveurs de porcs — et les éleveurs de bovins vous diront la même chose — sont probablement les plus paranoïaques pour ce qui est des mesures de représailles que pourraient prendre les États-Unis. Les États-Unis sont l'un de nos plus importants débouchés pour les porcs et la viande de porc. Nous avons déjà subi leurs mesures de rétorsion. Par conséquent, nous ne voulons pas prendre de mesures qui pourraient nous y rendre vulnérables de nouveau. Voilà pourquoi je vous ai dit que nous aimerions obtenir un prêt. Normalement, les agriculteurs préféreraient un paiement forfaitaire. Nous ne demandons pas un paiement forfaitaire puisque cela donnerait lieu à des mesures de rétorsion.

Le PCSRA a été conçu de façon à ne pas inciter les Américains à exercer des recours commerciaux; le programme s'applique à l'ensemble de l'exploitation mais le soutien qu'il apporte tend à arriver après coup. L'argent que nous perdons sur les porcs que nous expédions maintenant ne donnera pas lieu à un paiement compensatoire avant la même époque que l'an prochain. Cela crée de sérieux problèmes de liquidité.

Nous avons demandé au ministre d'effectuer le plus tôt que possible les paiements en vertu du PCSRA 2006. Nous croyons que c'est effectivement ce qu'il tente de faire. Nous vous pressons de verser des avances au titre du paiement du PCSRA 2007 et nous croyons que les procédures sont engagées en ce sens.

Mis à part cela, nous aimerions aborder quelques autres problèmes. Nous en avons sans doute parlé dans le passé mais nous devons les réexaminer en raison de la gravité de la crise.

Notre industrie s'est transformée profondément ces dernières années. Cela tient en partie au fait que les exploitations agricoles s'agrandissent sans cesse. De par leur nature même, les programmes gouvernementaux ont généralement un plafond applicable aux sommes susceptibles d'être versées à une exploitation donnée. Des raisons politiques expliquent cela, et nous le comprenons.

Toutefois, ces plafonds font beaucoup plus de tort à notre secteur qu'à tout autre. Nous avons quelques grands producteurs qui débordent le plafond. Ils n'obtiennent pas la protection que ces programmes sont censés leur assurer parce qu'ils dépassent les plafonds.

Nous avons réclamé de l'aide dans le passé mais nous vous disons aujourd'hui que nous devons vraiment réexaminer ces problèmes. Un agriculteur qui a plus de 600 truies dépassera le plafond et n'obtiendra pas d'aide en vertu du programme Agri-Stabilité. Le programme Agri-Investissement est pire encore. Nous ne nous opposons pas à l'instauration du programme Agri-Investissement mais il comporte aussi un plafond et il est beaucoup plus restrictif que ne l'était le plafond du PCSRA original ou encore le programme Agri-Stabilité. Un agriculteur qui élève 1 200 ou 1 400 truies dépassera le plafond du programme Agri-Investissement.

Cela rend encore plus urgente notre deuxième requête à l'égard du programme Agri-Investissement. Nous signalons au gouvernement que nous préférerions qu'il n'aille pas de l'avant avec ce programme ou du moins, qu'il donne à l'agriculteur le choix de continuer d'adhérer au programme Agri-Stabilité, naguère le PCSRA, tel qu'il était et cela pour quelques années encore. Nous aurions à adhérer à ce nouveau programme en plein milieu d'un ralentissement de l'économie. Le programme Agri-Investissement est censé donner des résultats étalés dans le temps. Selon les chiffres que nous avons vus, ce sera effectivement le cas parce que nous y adhérerions au beau milieu d'une crise et les agriculteurs n'auront pas accumulé une réserve suffisante pour se prévaloir de leurs droits de tirage.

J'admets que pour 2007, la première année du programme, il y aura une injection de fonds de 600 millions de dollars et que cela aidera les plus petits agriculteurs. Ils obtiendront sans doute d'aussi bons résultats avec le programme Agri- Investissement qu'ils n'en auraient obtenus avec l'ancien PCSRA en raison de cette injection de fonds mais les plus importants exploitants agricoles s'en tireront moins bien en raison du plafond.

Le problème va se poser en fait en 2008. Nous serons coincés en 2008 parce qu'il n'y aura pas suffisamment de fonds accumulés au titre du programme Agri-Investissement pour apporter un soutien à l'agriculteur qui aurait normalement pu exercer son droit de tirage sur le PCSRA. Nous demandons au gouvernement de permettre aux agriculteurs de choisir et de retarder la mise en œuvre du programme Agri-Investissement pour 2007-2008.

Nous vous soumettons par ailleurs une requête plus modeste, à savoir que les agriculteurs soient autorisés à choisir entre les deux programmes, celui qui est le plus avantageux pour eux, c'est-à-dire qu'au moment de calculer ce à quoi ils ont droit en vertu du PCSRA, ils puissent comparer cela à leur moyenne historique. La comparaison se fait à l'heure actuelle avec la moyenne olympique et nous demandons que les agriculteurs puissent choisir entre la moyenne olympique ou la moyenne des trois années précédentes : Cette formule est conforme aux règles de l'OMC et atténuerait certains des problèmes de l'ancien PCSRA, à savoir que le programme est bon pour certains et pas pour d'autres. C'est l'une des critiques les plus courantes qu'on nous fait. Cette formule serait un peu plus souple et permettra, espérons-le, d'éliminer cette critique.

Enfin, et ce n'est pas la question la moins importante, nous aimerions trouver une solution au problème que nous avons connu, il y a quelques années, surtout en Ontario et au Québec, où les agriculteurs ont été durement touchés par le circovirus. Vous vous souvenez sans doute qu'au moment de l'instauration du PCSRA, nous avions dit aux producteurs porcins que nous offririons un programme d'assurance-production pour le bétail. C'est l'engagement que nous avions pris. Nous avons contribué amplement à la discussion mais nous n'avons pas réussi ensemble à proposer un programme d'assurance-production pour le bétail.

Si ces producteurs avaient pu obtenir une assurance-production, ils auraient été indemnisés pour ces pertes lourdes. Ils auraient pu maintenir leur marge aux fins du PCSRA. Maintenant qu'ils doivent se prévaloir du PCSRA, ils seraient en mesure de s'appuyer sur leur marge historique. Comme ils n'ont pas obtenu cette assurance-production, leurs marges sont si minces que le PCSRA ne leur sera guère utile. Nous demandons donc qu'il y ait un ajustement pour compenser les pertes liées au circovirus.

Voilà donc ce que nous sommes venus vous demander. Je crois que l'industrie toute entière est consciente que la crise que nous traversons est sans précédent. Si nous pouvions convaincre Agriculture et Agroalimentaire Canada de mettre en place les programmes que nous réclamons, je pense que nous pourrions sauver notre industrie, garder notre matériel de production et continuer d'être l'un des plus importants fournisseurs de porc au monde.

La présidente : Merci. Monsieur Schlegel, voulez-vous ajouter quelque chose?

Clare Schlegel, président, Conseil canadien du porc : Pas pour l'instant. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions le moment venu.

La présidente : Merci. Nous passons à Robert Monty.

[Français]

Robert Monty, deuxième vice-président, Fédération des producteurs de porcs du Québec : Madame la présidente, actuellement les États-Unis distribuent à l'intérieur même de notre pays du produit transformé avec des critères de production inférieurs à ceux du Canada. Nous considérons que l'Agence canadienne d'inspection des aliments ne fait pas toujours exactement ce qu'elle devrait faire en ce qui concerne l'entrée de ces produits. J'aimerais que vous en preniez bonne note. En allant dans les marchés d'alimentation, vous remarquerez l'origine de la plupart des produits affichés sur les tablettes, sauf les produits d'animaux transformés, la viande, est identifiée. Ce qui fait en sorte qu'aujourd'hui, les consommateurs canadiens consomment beaucoup de viandes qui viennent des États-Unis sans s'en rendre compte.

Il y aurait un certain travail à faire à cet égard. Si nous ne consommons pas notre propre produit, nous avons beau être sur le marché d'exportation, il y a des problèmes. Il faudrait voir à les régler.

[Traduction]

La présidente : Nous donnons le mot de la fin à M. Bob Friesen.

Bob Friesen, président, Fédération canadienne de l'agriculture : Je suis particulièrement heureux d'être là pour soutenir nos collègues et les membres du Conseil canadien du porc.

Je tiens à féliciter le comité de s'être saisi si rapidement de ce dossier urgent. Vous vous souvenez sans doute que lors de la dernière comparution, nous avons parlé du jus épais de betterave à sucre tandis qu'à l'avant-dernière, nous avons probablement discuté des problèmes que l'on affrontait dans le secteur des céréales et des oléagineux.

La situation semble plus encourageante dans le secteur des céréales et des oléagineux. Je viens de parcourir les chiffres publiés par Statistique Canada pour ce secteur. Dans l'ensemble du Canada, la moyenne quinquennale des revenus a augmenté d'environ 29 p. 100. De fait, au Manitoba, la hausse d'une année sur l'autre a été de 85 p. 100. Bien entendu, cela n'inclut pas l'augmentation de 20 p. 100 du coût des engrais ou des dépenses en carburant mais cela laisse entrevoir une tendance positive dans ce secteur.

Or, comme nous sommes très diversifiés, même si nous voyons des signes positifs dans un secteur, nous constatons qu'un autre est en difficulté, à savoir l'industrie du bétail dont le secteur du porc n'est pas le moindre. Comme vous le savez, je peux parler d'abondance de n'importe quel aspect de l'agriculture mais j'aimerais aujourd'hui m'en tenir au problème du secteur de l'élevage porcin où la crise est grave.

La Fédération canadienne de l'agriculture (FCA) appuie sans réserve les demandes formulées par le Conseil canadien du porc. Cela signifie que le producteur horticole de la Colombie-Britannique, le producteur de pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard ou le céréaliculteur de la Saskatchewan sont tous conscients de la crise dans le secteur porcin et appuient les demandes présentées par ce secteur.

Bien sûr, les tendances positives que nous décelons dans le secteur des céréales et des oléagineux, dont a parlé M. Moffett, se sont soldées par une augmentation en flèche du coût des intrants du secteur de l'élevage. Il y a eu une augmentation de 80 p. 100 du cours de l'orge; d'ailleurs, en Saskatchewan, cette hausse est d'environ 91 p. 100. L'orge est l'un des éléments principaux de l'alimentation des porcs.

Quand le dollar valait environ 75 ou 80 cents, notre personnel a calculé que chaque fois que notre dollar s'apprécie d'un cent par rapport au dollar américain, l'industrie canadienne de l'agriculture et de l'agroalimentaire perd 230 millions de dollars sur la valeur des produits exportés aux États-Unis. Calculez ce que cela représente de perte depuis que le dollar valait 80 cents. C'est une période extrêmement difficile pour l'industrie agricole compte tenu surtout du fait que nous continuons d'exporter plus de 60 p. 100 de notre production.

J'aimerais aussi féliciter le Conseil canadien du porc de l'analyse très délibérée et méthodique qu'il a fait pour étayer ses demandes. Ils ne réclament pas une solution de facilité. Ce serait tentant de demander au gouvernement de régler le problème à coup d'argent. Toutefois, étant donné les risques de rétorsion commerciale dont a parlé M. Moffett, le CCP a essayé de trouver de véritables solutions qui ne nous attireront pas les foudres de l'un de nos principaux débouchés. Nous pressons les deux ordres de gouvernement d'examiner sérieusement les arguments qui ont été présentés.

Par exemple, nous avons été enchantés des changements que le gouvernement a apportés au volet supérieur du PCSRA. C'est une mesure qui arrive à point nommé pour le secteur des céréales et des oléagineux. Dans le secteur de l'élevage porcin, cela n'aurait pas pu arriver à un pire moment. Le CCP a réfléchi et a dit : « Si nous avons le choix, nous pouvons améliorer de beaucoup le sort des éleveurs porcins s'ils peuvent choisir le volet dont ils se prévaudront, soit le volet supérieur de l'ancien PCSRA ou le nouveau volet supérieur du PCSRA. »

Nous appuyons sans réserve la demande formulée par le CCP. Il est essentiel qu'on obtienne rapidement une réponse. Les agriculteurs doivent retrouver une lueur d'espoir. On doit leur donner des signaux positifs et nous vous pressons instamment d'agir rapidement.

La crise pourrait sonner le glas de l'industrie. Qui plus est, elle risque aussi de détruire une infrastructure rurale extrêmement importante. Oui, ce sont les agriculteurs qui réclament de l'aide mais cela touche aussi les hommes et les femmes qui travaillent dans les entreprises de service de ces collectivités. Ils comptent sur une industrie agricole dynamique et les revenus qu'elle génère et, dans ce cas-ci, ceux que génère l'élevage porcin.

Madame la présidente, merci de m'avoir donné l'occasion d'exprimer mon soutien. Je suis d'ailleurs moi-même éleveur de porcs, et je ne suis donc pas là uniquement pour soutenir mes collègues mais dans mon intérêt personnel aussi. Merci de votre ouverture d'esprit et j'espère que vous pourrez apporter votre soutien à notre industrie dans le cadre de vos travaux.

La présidente : Merci beaucoup.

Le sénateur Gustafson : C'est un problème très grave auquel vous faites face et qui semble avoir surgi subitement. Cela semble être l'un des problèmes. Il y a beaucoup de maïs américain qui arrive dans des parcs d'engraissement en Alberta. Est-ce la même chose dans l'industrie porcine?

M. Moffett : Oui. Le prix du blé et de l'orge a tellement augmenté que les producteurs exportent ces céréales et les éleveurs de bétail importent du maïs. Cela se produit en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario et au Québec. Moi, je suis dans les Maritimes, au Nouveau-Brunswick, et je nourris mes cochons avec du maïs américain, ce qui semble difficile à comprendre, mais c'est ainsi.

Cela fait ressortir un autre problème. On blâme l'industrie de l'éthanol de l'augmentation spectaculaire des prix des céréales, et l'orge et le blé en ressentent les contrecoups. De nombreux producteurs ont décidé de cultiver du maïs au lieu du blé et de l'orge, ce qui cause une pénurie de ces deux céréales. Tout s'en ressent.

L'inconvénient, c'est que les grandes usines d'éthanol se trouvent aux États-Unis et les producteurs américains souffrent parce que le maïs coûte plus cher mais ils y gagnent aussi parce qu'ils peuvent utiliser les sous-produits de l'éthanol, les drêches et les solubles de distilleries séchés, comme sources de protéines pour alimenter leurs animaux. Les producteurs canadiens étant trop loin, ne peuvent pas utiliser cette source d'aliments qui est très volumineuse à transporter, de sorte que nous sommes doublement pénalisés.

Le sénateur Gustafson : Il y a les usines, les parcs d'engraissement et les éleveurs bovins qui utilisent beaucoup de maïs. Risque-t-il d'y avoir une pénurie?

M. Moffett : C'est l'une de nos plus grandes craintes. Les agriculteurs ne se laissent pas facilement abattre, et en période de crise, ils s'adaptent. En Saskatchewan, on abattait environ deux millions de porcs et on exportait 800 000 porcelets sevrés aux États-Unis. Ces proportions sont en train de s'inverser. Cette tendance se manifeste dans tout le Canada; de nombreux éleveurs vident leurs porcheries d'engraissement et expédient les porcelets sevrés aux États-Unis pour les faire engraisser. Les Américains cultivent énormément de maïs et ils veulent nos porcs dont ils utilisent le fumier pour fertiliser leur champ de maïs.

À une époque, le Manitoba était le meilleur endroit pour engraisser les porcs en Amérique du Nord. C'est maintenant le Midwest américain. Il y a divers problèmes. On parle du farm bill et des céréales subventionnées aux États-Unis qui ont provoqué une surproduction de céréales. On parle de restrictions sur les semences dans l'Ouest canadien et de l'incapacité de produire des céréales fourragères d'une manière plus productive. Les Américains semblent produire davantage de boisseaux de maïs par acre chaque année et nous nous laissons distancer. Nous n'améliorons pas la productivité de nos cultures céréalières.

À long terme, le fait qu'un plus grand nombre de porcs canadiens soient expédiés aux États-Unis pour y être engraissés est préoccupant. Ces porcs, tout comme les bovins d'ailleurs, qu'on engraissait au Canada consommaient toutes ces céréales canadiennes. M. Friesen a parlé des retombées. Si la tendance se maintient, elle aura également des conséquences pour les producteurs céréaliers. Si nous n'inversons pas la tendance, qu'allons-nous faire de toutes les céréales que nous sommes en mesure de cultiver?

Le sénateur Gustafson : Ma famille déplaçait des maisons et nous avons également déplacé de nombreuses porcheries à la fin des années 1960 et au début des années 1970. À cette époque, leurs affaires allaient bien, même si les porcheries n'étaient pas aussi grandes ni aussi mécanisées qu'aujourd'hui. Au fil des ans, ce secteur a connu des hauts et des bas.

M. Moffett : Notre industrie a connu une forte croissance au cours des 20 dernières années, surtout les cinq dernières. Nous avons beaucoup investi dans de nouvelles installations, ce qui implique, en théorie, que nous devrions être parmi les plus concurrentiels au monde. Ces nouvelles porcheries coûtent 1, 2 et 3 millions de dollars. Bien des gens ont investi dans ces installations — les éleveurs, mais aussi les banques et d'autres investisseurs. Si nous perdons notre production et que les activités cessent dans un trop grand nombre de ces installations, elles perdront toute leur valeur. Que faire si une industrie disparaît et qu'on se retrouve avec toutes porcheries qui ne valent plus rien, sans parler du sort des conditionneurs, des camionneurs et de tous les autres qui en dépendent? Si nous ne restons pas en affaires, notre investissement perd toute sa valeur.

Le sénateur Gustafson : Vos entreprises agricoles sont-elles diversifiées pour la plupart? Certains de vos membres cultivent-ils des céréales en plus d'élever du bétail, ou cela ne se fait-il que chez les petits producteurs de porc?

M. Moffett : J'ignore si je puis répondre à cette question avec précision, mais cela varie énormément. Il est probable que la plupart des agriculteurs cultivent la terre puisque cela leur permet d'utiliser le fumier des animaux qu'ils élèvent. En général, nous cultivons tous la terre, bien qu'il arrive qu'un producteur ne fasse que l'élevage du porc et que son voisin cultive la terre pour utiliser le fumier. D'une façon générale, nous cultivons à peu près tous la terre.

M. Schlegel : Vous avez parlé du transport des céréales. Je vous signale que l'augmentation du prix des céréales touche les marchés du monde entier, pas seulement ceux du Canada et des États-Unis, mais aussi ceux de l'Australie et de l'Europe. L'Europe, le Canada, les États-Unis et le Brésil demeurent les principaux exportateurs de porc du monde.

Nous ne nous plaignons pas de l'augmentation du prix des céréales. En fait, nous avons besoin d'une forte assise de production. La situation qui prévalait auparavant n'était pas viable, et nos producteurs de céréales n'auraient pas pu survivre. Cela aurait également entraîné la perte des éleveurs de porc. Comprenez-moi bien. Quand nous parlons du problème de l'éthanol, il s'agit de l'augmentation du coût pour produire le bœuf et le porc alors qu'il n'y a pas d'augmentation correspondante du prix du porc sur les marchés internationaux. Nous essayons de comprendre ce problème. Que faut-il pour que ce prix réagisse à l'augmentation des coûts et commence à augmenter? L'augmentation du prix correspond à environ 25 p. 100 du coût de production des porcs. Nous ne sommes pas certains d'avoir à vivre ce problème. Le cycle du porc est de quatre ans, et il n'est pas rare de voir les prix chuter en deçà du coût de production pendant un certain temps pour augmenter de nouveau par la suite.

Cet automne, les prix ont diminué parallèlement à l'augmentation de la valeur du dollar, qui est passé de 0,85 $ à 1,10 $. Le problème s'était produit à diverses reprises au début des années 1990, alors que la valeur du dollar canadien avait augmenté et que nous traversions une période creuse. Cela avait provoqué un énorme problème. En 1998, la valeur du dollar ne nous posait pas le même problème qu'aujourd'hui, et nous nous retrouvons donc doublement pénalisés par l'augmentation du coût des aliments pour animaux. Trois facteurs se sont conjugués et, en outre, certains éleveurs ont subi de graves problèmes de maladie.

Nous ne nous plaignons pas du prix des céréales, car ils ne sont que l'un des facteurs en cause. Pour une raison quelconque, le prix du porc n'a pas réussi à atteindre de nouveau un niveau élevé, même s'il le fera à un moment donné, car c'est ainsi que fonctionne une économie de marché libre. Nous croyons que nous devrions être en mesure de profiter de certains des avantages, lorsque ces prix seront de nouveau à la hausse.

Le sénateur Gustafson : Vous avez un avantage que les éleveurs de bovins n'ont pas, c'est-à-dire les nombres. Il est plus rapide de reconstituer un élevage de porcs qu'un élevage de bovins.

M. Schlegel : Pour l'élevage des bovins, le cycle est de 28 mois, soit un peu plus de deux ans, alors que pour nous, le cycle est d'environ 11 mois. Nous ne pouvons pas entreposer les animaux, mais les bovins peuvent être entreposés au moins pendant une certaine période, et les céréales peuvent être entreposées pendant un an. Nous n'avons pas cette possibilité. Le gouvernement du Canada appuie la gestion de l'offre, ce qui protège certaines productions des fluctuations des marchés internationaux. Nous n'avons aucune protection de ce genre, même si nous présentons un avantage pour l'économie canadienne en ce qui concerne la balance des échanges commerciaux et la création de richesses partout au monde. Mais cet avantage sera perdu à long terme, si nous sommes entièrement exposés aux fluctuations des marchés mondiaux. Nous trouvons que cette situation est injuste et que le moment est venu pour nous de bénéficier d'un pare-choc ou d'une protection afin de pouvoir nous adapter. Nous ne disons pas que nous devons être entièrement protégés des fluctuations du marché mondial, mais simplement que nous avons besoin d'un peu d'aide durant la transition.

M. Friesen : Dans certains cas, la diversification de la production, c'est-à-dire la production de porc, de céréales et de graines oléagineuses a encore empiré la situation, compte tenu de la crise subie par le secteur des céréales et des oléagineuses au cours des cinq dernières années et de la crise actuelle. J'ai reçu un appel d'un producteur de porcs, de céréales et d'oléagineuses du Manitoba. Son exploitation de naissage-engraissage compte 800 truies et il cultive environ 5 000 acres de terre. Il a dit qu'au cours des cinq dernières années, tout l'argent qu'il avait réussi à obtenir de l'élevage de ses porcs a dû servir à soutenir sa culture de céréales. Maintenant que le prix des céréales a finalement augmenté, il perd 18 000 $ par semaine à essayer d'exporter des porcelets sevrés aux États-Unis. Les producteurs qui se sont diversifiés dans ces secteurs sont doublement pénalisés.

Le sénateur Gustafson : Avez-vous examiné la situation du marché international et des approvisionnements disponibles? Le problème finira-t-il par se corriger ou persistera-t-il? Je parle du prix élevé des céréales sur le marché mondial.

M. Moffett : Je ne suis pas économiste, mais nous suivons tous les approvisionnements du marché. Nous savons que les stocks mondiaux de céréales sont plus bas que jamais. Il ne fait aucun doute que le prix des céréales demeurera élevé pendant encore quelque temps, et ce, pour deux raisons : non seulement les stocks sont faibles, mais il y a une augmentation. La production d'éthanol va continuer, et on construit de nouvelles usines. On va continuer de produire de l'éthanol à partir du maïs. Il semblerait que cette production pourrait être faite plus tard à partir de produits cellulosiques. L'industrie de l'éthanol va continuer d'exister, et nous vivons probablement une nouvelle ère en ce qui a trait aux céréales. Nous avons constaté des choses semblables ailleurs dans le monde à quelques reprises. Le maïs n'est pas le seul produit en cause. Il y a eu d'énormes augmentations des prix du pétrole, du cuivre, de l'uranium et du nickel. Les prix de bon nombre de produits ont atteint de nouveaux sommets. Ce phénomène s'était déjà produit après la Première et la Seconde Guerre mondiale, ainsi qu'au début des années 1970. Nous croyons que nous vivons probablement une nouvelle réalité, et nous savons que lorsque le prix des céréales augmente, le prix des produits du bétail augmente également un an après, environ. C'est probablement une réalité reconnue.

[Français]

M. Monty : Nous pouvons parler des céréales — et c'est un sujet d'importance —, sauf que les céréales et la production animale sont de niveaux différents. Au cours des dernières années, les producteurs de céréales avaient des problèmes parce que les prix étaient trop bas. Imaginez, s'il avait fallu qu'il n'y ait pas de production animale pour consommer ces céréales, ce que ces gens auraient fait à ce moment-là? Et à quoi ressemblerait le prix des céréales?

Aujourd'hui, l'inverse arrive; nous sommes ici pour vous demander de l'aide parce que nous avons vraiment des problèmes, et c'est urgent. Mais je pense que la production animale, comme la production porcine ici au Québec à tout le moins, est un balancier très important pour l'économie locale, rurale et ainsi de suite. Cela fait vivre tout le monde.

Chez nous, au Québec, nous produisons notre porc et le transformons presque en entier. Mais durant la dernière année, deux structures d'abattage ont dû fermer. Nos porcs ne se font plus abattre en entier, alors les producteurs se retrouvent au bout du compte avec des porcs sur les bras, en plus d'avoir à les nourrir au prix actuel des céréales et de subir un déclassement de carcasse parce que le porc est rendu trop lourd quand ils le sortent. La situation est devenue très difficile.

Je vous demande aujourd'hui de voir aux problèmes des producteurs de porc. Ces mêmes producteurs qui ont toujours engendré une plus-value aux céréales. Ceci justement en les transformant localement et en créant une économie verte, et non pas une économie de routier qui transporte des grains sur des distances à n'en plus finir pour les vendre.

La transformation locale, pour moi, c'est de l'économie verte parce qu'on ne passe pas notre temps à se promener sur les routes avec des matériaux. En même temps, on fait vivre les gens du monde rural. M. Friesen y a fait référence tantôt quand il a mentionné que le monde rural, que ce soit la petite quincaillerie ou les fournisseurs d'intrants, ce sont des gens qui sont éloignés des centres urbains, mais qui réussissent à vivre et à faire fonctionner l'économie; ils participent à l'économie à l'échelle nationale.

Actuellement, on vit une crise sans précédent. Je considère que si, aujourd'hui, on n'encourage pas la production animale, plus tard ce seront les industries céréalières qui auront des problèmes, et finalement il n'y aura plus de clients pour consommer ces produits.

[Traduction]

Le sénateur Peterson : Vous dites qu'à l'heure actuelle, votre problème est d'ordre économique et non structurel. Pourriez-vous nous expliquer comment vous voyez ce problème? Qu'est-ce qui devra changer pour le résoudre? Faudra-t-il des prix plus élevés, des coûts plus faibles, quelle est la solution?

M. Moffett : Nous avons beaucoup réfléchi à cela, et nous nous demandons si le fait d'aider nos producteurs ne fera que prolonger le problème. Une solution à court terme leur permettrait-elle de survivre jusqu'à ce que les choses s'améliorent? C'est une bonne question. Plusieurs facteurs sont en cause. Nous avons parlé de la valeur du dollar canadien, et il n'y a rien que nous puissions faire pour influer sur cette valeur, semble-t-il. Nous aimerions que le gouvernement fédéral prenne des mesures pour contrôler les fluctuations du dollar. Il y a quelques semaines, notre devise atteignait 1,10 $, et elle est maintenant à un dollar et des poussières. On en arrive presqu'à perdre confiance dans notre dollar, car on ne sait jamais si le taux de change sera plus avantageux aujourd'hui ou demain. C'est le seul problème sur lequel nous n'avons probablement aucun contrôle. Le prix des céréales dépend des marchés internationaux et nous ne les contrôlons pas non plus.

Nous avons dit que l'industrie du conditionnement de la viande au Canada est aussi en danger. Au Québec, il y a eu des problèmes; certaines porcheries au Québec sont assez nouvelles, bien gérées et très concurrentielles. Cependant, il faudra apporter des changements à d'autres au Québec. C'est une situation continuelle. Nous savons que la grande usine Maple Leaf en Ontario est plus vieille et nécessite des investissements, et des efforts sont faits au niveau de la commission du porc de l'Ontario pour trouver de nouveaux investisseurs et apporter des changements. Je ne sais pas ce qui se passera, mais il y aura des changements et la situation s'améliorera.

Des changements importants ont lieu actuellement au Manitoba. La grande usine Maple Leaf sera bientôt une usine à double quart moderne et concurrentielle au niveau mondial. Le plus grand ou le deuxième plus grand producteur en importance en a acheté une autre là-bas; sûrement ils y feront de bonnes choses.

Une porcherie a fermé en Saskatchewan, et de nombreux porcelets en sevrage passent de la Saskatchewan aux États- Unis. Tout semble indiquer qu'on y construira une porcherie à l'avenir. Je ne peux faire de prédiction, mais nous savons que la situation changera. Ces animaux iront soit aux États-Unis ou ils seront engraissés en Saskatchewan.

Par le passé, l'usine de l'Alberta a été concurrentielle et rentable. On a essayé d'y mettre en place un double quart mais on a abandonné l'idée parce qu'ils ne pouvaient pas trouver assez de travailleurs à embaucher. Nous croyons que la situation changera. Des changements ont certes été apportés à la législation pour faire venir de la main-d'oeuvre immigrante, et nous les appuyons.

Nous savons qu'il y aura d'importants changements dans l'industrie du conditionnement de la viande. Les changements au PCSRA que nous demandons nous aideront à effectuer les changements nécessaires à notre structure. Nous pourrons alors avoir plus de producteurs, de plus grands producteurs, et nous avons besoin de l'appui du PCSRA.

M. Schlegel : Le cycle des prix à court terme a planchonné plus bas que normal à cause de l'appréciation du dollar en plus du cycle des prix. Nous avons besoin de liquidité pour nous en sortir. Il nous faut une aide immédiate au niveau de la gestion du risque d'entreprise afin de nous en sortir, jusqu'à ce que cette situation se stabilise.

Il y a six ou neuf mois, nous savions que le Canada en général, pas seulement le secteur du porc, devait s'adapter à une nouvelle réalité concurrentielle avec les États-Unis. Nous avons publié un document sur la compétitivité à court terme qui comprenait une liste de changements structuraux. Je pourrai apporter certains de ces changements sur mon exploitation mais d'autres, d'ordre réglementaire, relèvent du gouvernement. Certains concernent les questions d'accès au marché. Nous ne pouvons tolérer une situation où nos concurrents ont un meilleur accès que nous aux marchés de la Corée, du Japon et de l'Europe. Ça ne donnera rien. L'idée est simple : on ne peut pas nous forcer à payer plus pour nos intrants et vendre nos porcs moins chers. Ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Les investissements se dirigeront vers le sud.

Il y a des changements structuraux qui sont la responsabilité de l'industrie, comme M. Moffett l'a dit, au niveau de la transformation et de nos exploitations. Ce sont surtout les conditionneurs qui ont pâti lors de la première vague de l'appréciation du dollar, mais ce sont maintenant les producteurs qui sont victimes de la situation, qui s'est surtout fait sentir en septembre, octobre et novembre de cette année.

M. Moffett : J'aimerais aborder brièvement un autre point concernant les changements structurels sur lesquels nous travaillons. Certains des changements structurels sur lesquels nous aimerions que le gouvernement du Canada se penche concernent les tarifs douaniers. M. Schlegel a parlé de la situation avec la Corée. Comme vous le savez, les Américains ont signé un accord commercial avec la Corée. Leur porc et leur bœuf peuvent entrer dans ce pays sans tarif douanier, ce qui n'est pas le cas pour nos produits. C'est un grand problème pour nous. Les Américains détiennent aussi un avantage en Russie parce qu'ils veulent vendre du porc en Russie qui sera ensuite vendu dans le commerce au détail, une chose que nous ne pouvons pas faire. Nous avons vraiment besoin que le gouvernement fédéral essaie de corriger cette situation.

L'un des plus gros problèmes dont a parlé M. Schlegel, qui concerne la compétitivité, c'est que notre secteur — et c'est la responsabilité du gouvernement — n'arrive pas à acheter les vaccins, par exemple, aussi bon marché que nos homologues américains. C'est une question de réglementation. Nous ne pouvons pas acheter les vaccins aux États-Unis pour les amener chez nous. Par conséquent, les vendeurs autorisés nous les vendent plus cher et nous sommes désavantagés. C'est un élément.

D'autre part, nous entendons les doléances de notre secteur du conditionnement qui doit assumer des frais d'inspection de 20 ou 30 millions de dollars, que leurs homologues américains n'ont pas à payer. Le gouvernement américain ne facture pas tous les frais d'inspection que notre gouvernement impose. Pour beaucoup de ces services, il existe des programmes de recouvrement des coûts par le biais de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Cependant, cela n'est pas comparable au système américain.

Notre secteur doit assumer ces coûts supplémentaires, que nos concurrents directs n'ont pas. Nous demandons précisément au gouvernement fédéral d'examiner ces charges et de les éliminer. L'ACIA vous dira qu'il en coûte pour fournir ce service. Nous demandons au gouvernement fédéral d'assumer ses responsabilités en payant ces coûts.

Le sénateur Peterson : On nous a dit que l'ancien Programme canadien de stabilisation du revenu agricole ne marchait pas très bien et que le nouveau n'est guère mieux. Or, vous demandez des versements à partir du PCSRA de 2008. Combien est-ce que cela représente, par rapport aux 65 $ par bête que vous perdez? Combien d'argent demandez- vous?

M. Moffett : Les 65 $ que nous perdons actuellement reflètent le prix d'aujourd'hui. Évidemment, il ne s'agit pas de la moyenne pour cette année. Nous parlons de 2007. Par exemple, on estime que les producteurs perdront en moyenne 30 $ par porc sur toute l'année, ce qui représente environ 700 millions de dollars. On obtient ce chiffre en faisant le calcul, si l'on comprend les porcelets sevrés et les porcs de boucherie — 30 $ par porc de boucherie et un peu moins pour les porcelets sevrés. Nous comptons que le PCSRA couvrira un tiers de cette somme, le manque à gagner est donc considérable.

Le PCSRA n'est évidemment pas conçu pour couvrir 100 p. 100 des coûts. Il ne couvrira que 70 p. 100 de votre perte, donc pas intégralement. Si, par malheur, vous êtes du nombre des éleveurs à vivre une autre crise comme le circovirus, le manque à gagner est encore plus important.

Le sénateur Peterson : Dans votre secteur, il y a des producteurs qui travaillent à leur compte et des entreprises publiques. Lorsque vous dites que vous avez besoin d'aide, faites-vous une distinction entre ces deux catégories?

M. Moffett : Lorsque vous parlez d'entreprises publiques, j'imagine que vous faites référence aux gros producteurs.

Le sénateur Peterson : Oui. Il s'agit d'entreprises publiques. Elles ont des actionnaires.

M. Moffett : Il y a des entreprises publiques et des exploitations familiales. Notre organisation est ici pour représenter les gros et les petits producteurs. Les gros producteurs contribuent également à notre secteur : ils approvisionnent les usines de conditionnement. Si nous perdons ces producteurs, nous perdons leur contribution à l'économie rurale, qui est considérable.

J'aimerais aller plus loin. Mon exploitation n'entre pas dans cette catégorie. Nous élevons environ 5 000 truies mais sommes sans doute plus petits que ces grosses entreprises. C'est ma femme et moi-même qui exploitons notre ferme. Nous avons un fils et une fille avec nous, ainsi que leurs familles. Notre exploitation est assez grosse pour nous permettre d'être présents dans plusieurs collectivités. Nous ne pouvons élever qu'un certain nombre d'animaux dans le petit village où je vis, compte tenu de notre terrain et à cause du fumier que l'on emploie comme engrais. Par conséquent, nous avons tendance à étaler nos opérations. C'est un peu la même chose pour les gros producteurs.

On entend beaucoup parler du fait que ces programmes devraient peut-être se fonder sur des unités plutôt que sur des entreprises. En ce qui nous concerne et pour ce qui est de l'économie rurale, il peut y avoir une grosse entreprise agricole dans un village donné, mais le village voisin pourrait disposer d'une exploitation distincte. Toutes ces exploitations embauchent des gens et dépensent de l'argent dans plusieurs des villages où elles sont présentes et chacune contribue à approvisionner les abattoirs et à faire travailler les employés de la chaîne d'opération.

Pour répondre à votre question, nous voulons un système de soutien à l'agriculture, plutôt qu'un programme social de soutien aux exploitations familiales, si vous voulez. Je n'ai pas d'avis, négatif ou positif, à leur sujet. Ce que je vous dis, c'est qu'il faut venir en aide au secteur agricole, quelle que soit la structure qu'il a adoptée.

Le sénateur Callbeck : Je vous remercie beaucoup d'être venu. Vous avez décrit une situation alarmante. Monsieur Moffett, je crois que vous avez raison lorsque vous dites que la situation ne pourrait être pire.

Vous avez dit qu'il était fondamental que les agriculteurs puissent obtenir l'argent rapidement et avez signalé que les programmes actuels ne tiennent pas compte de la situation d'aujourd'hui. Vous nous avez expliqué ce que vous attendiez du gouvernement. Êtes-vous confiant que les agriculteurs recevront rapidement l'argent dont ils ont besoin?

M. Moffett : Nous avons plaidé notre cause à Agriculture et Agroalimentaire Canada, soit essentiellement la même chose que ce que nous vous avons dit aujourd'hui. Nous avons créé des liens avec beaucoup de gens au ministère de l'Agriculture et pouvons leur parler de temps en temps pour voir où ils en sont, pour avoir un peu de rétroaction relativement au coût de certains de ces programmes. Nous savons qu'ils nous ont entendus.

Nous savons que les ministres provinciaux se sont réunis il y a deux semaines. Nous savons qu'ils sont conscients du problème — c'est-à-dire que nous vivons une crise et qu'il faut réagir rapidement. Nous savons également que leur première réaction a été de dire : « Nous allons examiner notre liste de programmes. » Je pense que c'est normal. Mais ces programmes seront-ils utiles? Suffiront-ils?

Outre cela, nous avons dit clairement que les besoins exigeaient que l'on aille au-delà des programmes actuels. Que l'on estime que le PCSRA a été utile ou pas, il est certain qu'il aide les agriculteurs à se renflouer. Cependant, compte tenu de cette crise, cela ne suffira pas.

Nous avons essayé d'être raisonnables. Nous avons élaboré une position acceptable pour toutes les provinces de notre organisation, une position qui encourage le commerce et qui soit réalisable pour le gouvernement. Il est évident qu'on ne demandera pas la lune si nous savons qu'on ne pourra jamais l'avoir.

Nous estimons que ce que nous avons demandé est raisonnable et faisable, et nous savons que le gouvernement l'a reconnu. Est-ce qu'il pourra satisfaire à nos demandes — et nous allons avoir besoin de votre aide pour cela? Je suis optimiste. Nous savons qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada est en train de faire des calculs, ce qui veut dire que notre demande n'a pas été rejetée. Ils examinent la situation et essayent de trouver la façon la plus réaliste de procéder. Par conséquent, je vous dirais que je suis assez optimiste, mais c'est un défi de taille.

M. Schlegel : Je vous dirais que moi aussi, je suis assez optimiste et je suis encouragé par la réponse du ministère. La question est de savoir si les gouvernements fédéral et provinciaux pourront répondre suffisamment rapidement, étant donné que la crise est déjà très avancée.

On me pose sans cesse des questions, comme cela ne m'est jamais arrivé au cours de ma carrière. Les producteurs veulent savoir quels moyens ils pourraient utiliser pour justifier leur décision de rester ou non dans ce secteur. Il ne s'agit pas uniquement d'une crise financière, c'est une crise d'espoir dans l'avenir. Les gens ne savent plus sur quoi se fonder pour prendre leurs décisions. Je n'ai jamais vu cela. Ils se disent : « À quoi peut-on s'attendre, à présent? De quels moyens dispose-t-on? Sur quels facteurs puis-je me fonder? »

Notre rôle, dans l'optique du leadership de ce secteur et du gouvernement, consiste à donner des conseils et à faire preuve de leadership. Pour nous en acquitter, nous comptons sur les entrepreneurs canadiens pour prendre des décisions. C'est une décision difficile à prendre.

Même dans l'optique du leadership, j'ai personnellement du mal à trouver des réponses. Dois-je réinvestir mon avoir, confiant que les choses vont s'améliorer? Vaut-il mieux être pessimiste et se dire que c'est peine perdue et que je devrais renoncer? Est-ce trop optimiste de dire que cette crise passera, comme toutes les autres, et qu'après la pluie viendra le beau temps?

Nous avons beaucoup réfléchi et nous croyons que l'industrie porcine du Canada doit survivre et qu'il y a de la lumière au bout du tunnel. Il faut procéder aux changements structurels nécessaires et s'occuper des questions quotidiennes. Mais, à l'échelle internationale, la demande augmente. Au Canada, nous avons les ressources, des animaux en santé, de la terre et de l'eau, des producteurs et des investissements, et nous méritons d'occuper notre place. Pourtant, c'est une décision difficile.

Nous avons rencontré les sous-ministres adjoints des gouvernements fédéral et provinciaux cet après-midi et nous cherchons activement une solution. Nous sommes engagés à collaborer à cette réponse au lieu d'agir simplement comme lobby et à exercer des pressions sur le gouvernement. Nous sommes très satisfaits de cela. Nous espérons trouver une solution rapidement.

M. Friesen : Je suis tout à fait d'accord avec ce qu'ont dit M. Moffett et M. Schlegel. Encore une fois, il est important de souligner que le confort administratif ne doit pas être le seul critère qui détermine la réponse du gouvernement. Celui-ci doit étudier avec soin les suggestions du Conseil canadien du porc pour ne pas envenimer les choses et créer un potentiel de recours commerciaux.

[Français]

M. Monty : Je comprends que vous pouvez avoir des hésitations, mais nous, nous avons vraiment besoin de cet appui. Je vous explique pourquoi. Les producteurs m'interpellent quotidiennement en me disant que les institutions financières, étant donné la crise actuelle, n'ont plus confiance en la production. Elles ont peur de perdre. Plusieurs agriculteurs ont des acquis, mais malgré cela, la peur est tellement grande chez les banques que les producteurs qui essaient d'avoir du refinancement n'y parviennent pas parce que les institutions n'ont plus confiance.

Ces gens ont besoin d'un message clair de la part du gouvernement : que celui-ci est derrière leur production et qu'il veut qu'elle continue. À partir de ce moment-là, l'attitude des institutions financières changera. Actuellement, il y a vraiment une crainte majeure dans le champ et il faut l'atténuer. Pour ce faire, il nous faut un signal clair de la part des gouvernements qui voudront y injecter de l'argent en disant que la production continuera et qu'ils vont supporter les producteurs. Je pense que c'est très important.

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich : On ne devrait pas dire que la situation ne saurait être pire parce que, dans ce cas-là, vous n'avez aucune chance de vous en sortir. Or, vous avez une chance. Ensemble, nous pouvons surmonter ce problème. Il faut avoir une attitude positive.

Vous avez dit que 50 p. 100 de votre production était exportée au Japon et aux États-Unis. Est-ce que nous consommons le reste de la production ou est-ce que nous l'exportons en Europe?

M. Moffett : Nous exportons sans doute plus de 50 p. 100 de notre production. Quarante pour cent de nos exportations vont aux États-Unis, 40 p. 100 au Japon, et le reste à une centaine d'autres pays.

Le sénateur Mahovlich : Avez-vous dit que le reste allait à une centaine d'autres pays?

M. Moffett : Oui, nous consommons moins de la moitié de ce que nous produisons.

M. Schlegel : Cela pourra vous sembler drôle, mais nous sommes dans le domaine de la « défabrication ». De la façon dont l'industrie du porc fonctionne actuellement, nous faisons partie de la mondialisation. J'ignore si c'est une bonne ou une mauvaise chose, mais c'est ainsi que va le monde. Ce que nous faisons donc, c'est que nous prenons notre porc, nous le découpons en morceaux et nous l'acheminons vers les marchés en fonction des préférences culturelles en optant pour les marchés, où que ce soit dans le monde, où nous pouvons obtenir le meilleur prix. Ainsi, les jambons vont plutôt au Mexique. Nous n'avons guère de bons débouchés en Europe. C'est cela justement que nous voulons obtenir de la ronde actuelle des négociations à l'OMC parce que les Européens préfèrent le jambon. Rien que pour cela, cela nous permettrait d'obtenir plusieurs dollars de plus pour chaque porc au Canada.

Le sénateur Mahovlich : Les États-Unis sont-ils également nos concurrents dans ce domaine?

M. Schlegel : Certainement. Je ne sais pas qui parmi vous aime les côtes levées, mais le Canada est un importateur net de côtes de porc, et cela malgré le fait que nous exportons environ 60 p. 100 de notre production totale. Par rapport à d'autres pays, ce que nous préférons nous, ce sont les côtes. Dans le porc, la côte est la coupe qui se vend le plus cher, même avec l'os, alors que c'est probablement le jambon ou le filet qui sont les coupes les plus viandeuses. Et c'est ainsi que cela se passe dans l'industrie porcine et bovine. Nous sommes devenus un marché tout à fait planétaire, d'où pour nous la nécessité qu'il y ait des restrictions commerciales et une harmonisation des normes à l'échelle mondiale autant que faire se peut. L'OIE, qui est l'Organisation mondiale de la santé animale, a son importance, et l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, a également son importance. Les petits hiatus que nous observons chaque fois qu'il y a une mesure protectionniste posent véritablement des problèmes.

Le sénateur Mahovlich : Exportons-nous quelque chose vers la Chine?

M. Schlegel : Certainement. La Chine est devenue notre quatrième marché en importance. Nous nous sommes retrouvés dans le feu croisé qui opposait les États-Unis et la Chine pour un produit que nous utilisons ici et qu'ils n'utilisent pas. Le dossier chinois est intéressant. Il y a environ 18 mois, les producteurs porcins chinois étaient en train de perdre leurs culottes. La production diminuait. Il y a aussi eu des maladies. Maintenant, le prix du porc en Chine a atteint des sommets, à tel point que, comme les Chinois préfèrent, pour des raisons de culture et d'affinités, consommer du porc — les Chinois produisent et consomment environ la moitié de la production mondiale de viande de porc — c'est à la fois un problème de pauvreté mais aussi un problème de sécurité pour la Chine.

Nous vendons à la Chine de plus en plus de bas-morceaux et d'abats. Par contre, nous commençons maintenant aussi à exporter des coupes de viande en Chine. La Chine vise actuellement à relever de 30 grammes la consommation par habitant, mais on est en droit de se demander si ce pays peut produire suffisamment de viande indigène. C'est un énorme marché.

Le sénateur Mahovlich : La hausse du dollar canadien n'a pas été aussi forte que la baisse du dollar américain par rapport aux autres devises et j'ignore comment notre gouvernement va parvenir à contrôler cela.

M. Moffett : Effectivement, une bonne partie du problème est due à la chute de la devise américaine. En plus de cela, il est certain que notre propre devise a pris de la valeur et est devenue extrêmement forte étant donné que notre économie repose sur les ressources naturelles. Nous vendons énormément de pétrole, de nickel, d'uranium et d'autres produits primaires, dont les prix ont augmenté, ce qui a entraîné une hausse de notre dollar.

Nous avons demandé à un représentant de la Banque du Canada de nous parler du problème du CPC parce que c'est un dossier qui nous inquiète, cela nous fait vraiment du tort. Il nous a répondu que certains des autres secteurs qui n'avaient pas profité de la conjoncture vont simplement devoir s'adapter. C'était un peu frustrant de regarder le visage des gens qui étaient dans la salle et de voir leur réaction lorsqu'on leur disait ainsi qu'ils devraient s'adapter à la conjoncture.

Les économies finissent par s'adapter, mais le dollar a pris si rapidement de la valeur que nous ne pouvons pas suivre.

M. Schlegel : Vous avez parlé de la lumière au bout du tunnel. En raison de la faiblesse du dollar américain, les industries américaines sont maintenant mieux à même d'exporter. Il n'y a pas qu'au Canada que le secteur porcin souffre, les producteurs européens et australiens sont dans le même cas. Au Brésil, les producteurs de soja et les éleveurs porcins n'ont jamais été en aussi mauvaise posture. Tout cela à cause de la faiblesse du dollar américain. Mais l'offre et la demande vont finir par jouer. Nous savons que les producteurs porcins, un peu partout dans le monde, sont acculés à la faillite, et nous voulons être là à la toute fin lorsque le prix du porc s'ajustera à l'échelle mondiale, de sorte que nous puissions continuer à offrir nos ressources dans le cadre de l'économie canadienne.

Le sénateur Mahovlich : Est-il possible d'augmenter notre production céréalière? Nous avons énormément de terres, surtout dans l'Ouest. Est-il possible de produire davantage de maïs? Pouvons-nous faire concurrence aux États-Unis?

M. Moffett : Je dirais oui parce qu'il ne fait aucun doute que ce qu'on appelle la ceinture du maïs n'arrête pas de s'agrandir. Il y a des années de cela, on cultivait le maïs dans le Midwest, puis on a commencé à le cultiver en Ontario, et à mesure que les variétés de semences s'amélioraient, la culture a commencé à se propager au Québec. Il y a 20 ans de cela, je faisais déjà pousser du maïs au Nouveau-Brunswick, mais c'était une culture extrêmement limitée. Je fais pousser de nouvelles variétés de maïs et je me rends compte que c'est une culture fiable d'une année à l'autre. Nous avons également pu voir qu'on cultivait du maïs dans le sud du Manitoba et le sud de l'Alberta.

Certes, nous pouvons produire davantage de maïs et probablement aussi de blé et d'orge. Par une simple demande adressée au gouvernement fédéral, il faudrait qu'on arrive à régler le contentieux qui nous interdit actuellement d'améliorer les variétés de blé et d'orge cultivées pour l'alimentation des animaux en raison du dossier des céréales de l'Ouest. Il ne nous est pas loisible d'utiliser les nouvelles variétés de blé et d'orge qui offrent un meilleur rendement en raison des restrictions actuelles qui s'appliquent dans l'Ouest canadien. Il faudrait s'occuper de cela.

Comme je l'ai déjà dit, chaque année, la productivité des agriculteurs américains augmente. Chaque année, ils produisent davantage de boisseaux par acre. Tous les graphiques révèlent une augmentation constante, ce que nous ne constatons pas dans l'Ouest canadien. Certes, il y a des améliorations là où on cultive le maïs, et cela même si, dans bien des régions du Canada, nous ne parvenons pas encore à obtenir pour le maïs les rendements qu'on trouve en Iowa ou en Illinois. Cela dit, j'entends dire ici et là que cette année, la production de maïs dans la région d'Ottawa a avoisiné les cinq tonnes à l'acre. Je vous répondrai donc oui, mais il faut impérativement faire quelque chose au sujet des restrictions concernant les céréales de l'Ouest.

Le sénateur Mahovlich : Je voudrais poser une question à M. Monty au sujet de la viande transformée que nous importons. Je n'en avais pas conscience jusqu'à présent, mais j'ai appris que la viande n'était pas identifiée. Lorsque j'achète de la viande conditionnée, par exemple un produit de marque Maple Leaf ou Schneider, cette viande est-elle originaire du Canada?

[Français]

M. Monty : En ce moment, on importe une bonne quantité de viande des États-Unis. On retrouve de plus en plus de porc dans les marchés d'alimentation. Toutefois, le consommateur ne se rend pas compte qu'il s'agit de porc importé des États-Unis, car le produit n'est pas identifié. Certains marchés d'alimentation vont jusqu'à retirer l'étiquetage américain s'il est trop visible et le remplacent par un étiquetage moins visible.

Évidemment, si je vous posais la question à savoir si vous préférez le porc canadien ou le porc américain, la réponse serait claire. Le porc produit au Canada doit se conformer à des exigences strictes. Le consommateur ignore ce fait, car il ne voit pas l'étiquetage. Il achète donc, sans s'en rendre compte, de plus en plus de porc produit aux États-Unis. Parfois, en regardant attentivement, on peut voir en caractères minuscules qu'il s'agit du porc produit ailleurs qu'au Canada. La loi devrait exiger que les viandes soient étiquetées au même titre que les autres produits.

Les prix sont à la baisse. Nos transformateurs ont de la difficulté au niveau de la transformation et ont peine à rester compétitifs.

D'autre part, nos voisins américains ont produit cette année un volume important de porc, ce qui a occasionné des surplus. Ils écoulent ces surplus à rabais en faisant du dumping, ce qui attire nos marchés d'alimentation.

À mon avis, il devient primordial que les viandes soient étiquetées, au Canada, comme les autres produits que l'on retrouve dans les marchés d'alimentation. Actuellement, ce n'est pas une exigence, mais cette lacune coûte très cher aux citoyens canadiens.

Nous sollicitons votre appui, alors que vous appuyez les producteurs américains en achetant leur viande de porc. Je ne sais pas si vous réalisez l'ampleur et les conséquences de cette situation. On ne s'aide pas tout le temps, mais lorsqu'on est tenu dans l'ignorance on ne peut pas s'aider.

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich : Merci, j'en conviens.

M. Schlegel : Je vais vous donner quelques chiffres à l'appui de ce que vient de dire M. Monty. Les importations de viande de porc en provenance des États-Unis ont augmenté de 31 p. 100 à en croire les statistiques les plus récentes. Pour le consommateur canadien, sur une période de 10 ans ou plus, le Canada a toujours exporté 16 kilos de viande de porc pour un kilo qu'il importait. Mais aujourd'hui, ce rapport n'est plus que de un pour trois. Cela est dû en partie à la mondialisation, mais cela ne peut pas marcher si nous n'avons pas accès, au niveau de l'exploitation agricole, aux mêmes intrants que ceux dont peuvent bénéficier les consommateurs qui, eux, peuvent acheter des produits qui viennent du monde entier.

Le sénateur Gustafson : Nous venons à peine de nous faire à l'entente de libre-échange que nous devons nous trouver une place dans une économie mondiale. Il semblerait que nous n'ayons pas fait cette adaptation assez rapidement, surtout sous l'angle des ventes. Comment les éleveurs de porc canadiens vendent-ils leur produit? Est-ce que des vendeurs se promènent dans le monde pour trouver des clients ou vous en remettez-vous simplement aux entreprises de conditionnement? Comment procédez-vous?

M. Moffett : C'est une bonne question, sénateur Gustafson. La réponse est assez simple, nous nous fions aux entreprises de conditionnement. En fait, l'industrie du conditionnement au Canada n'appartient pas aux agriculteurs. Cela dit, certaines appartiennent à des agriculteurs. Prenons par exemple Maple Leaf, qui est un des plus importants agriculteurs au Canada et qui est propriétaire d'une entreprise de conditionnement. Au Québec, il y a deux ou trois cas du genre. Nous avons signalé qu'une entreprise de haute technologie a acheté l'usine au Manitoba.

Dans l'ensemble, il existe une séparation entre le secteur du conditionnement et l'agriculteur ce qui veut dire que nous dépendons vraiment du secteur du conditionnement comme associé et comme vendeur. Nous nous sommes associés à l'industrie du conditionnement pour mettre sur pied Canada Porc International, qui existe depuis déjà quelques années. Puisque l'industrie augmentait ses exportations, nous nous sommes penchés sur la situation et nous avons constaté que les trois quarts de nos exportations étaient destinées au marché américain. Évidemment, ce marché suscite certaines préoccupations parce que les Américains critiquent beaucoup et ont tendance à imposer des droits compensateurs ou des droits antidumping. Nous y sommes passés et c'est pourquoi nous avons décidé d'investir dans Canada Porc International dans le but de diversifier notre marché.

Grâce à CPI, nous avons essayé de trouver des débouchés au Japon et dans une centaine d'autres pays. Canada Porc International cherche surtout à ouvrir de nouveaux marchés et à régler les problèmes connexes afin de nous permettre de vendre nos produits dans ces pays. La vente proprement dite est confiée aux conditionneurs. Ce sont eux qui préparent le produit et ce sont eux qui sont en fait en mesure d'assurer ces ventes.

Le sénateur Gustafson : J'ai suivi de plus près le marché des céréales que le marché du bœuf, mais il me semble qu'à l'occasion les Américains nous dament le pion et obtiennent des avantages que nous aurions voulu obtenir nous- mêmes. Peut-être que dans le secteur des ventes nous ne faisons pas tous les efforts que nous devrions au Canada.

M. Schlegel : Permettez-moi de vous expliquer plus en détail comment nous réagissons au milieu mondial. Nous dépendons énormément des signaux qui sont acheminés d'un maillon de la chaîne à l'autre. La majorité des entreprises de conditionnement ne font que transformer le produit ici. Puis nous nous fions à des négociants spécialistes. Par exemple, il y a des entreprises qui sont présentes en Russie; elles connaissent le marché, elles se procurent le produit et assurent sa vente. Il y a des négociants qui se spécialisent en Chine. Certains de nos transformateurs ont une équipe d'exportation solide dans divers marchés parce que leurs activités sont si spécialisées. Le monde est très diversifié. C'est la façon la plus efficace de procéder. En fait, nous avons connu un franc succès.

Cela dit, nous devrons également féliciter le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ainsi que son service d'exportation parce que nous avons des liens très étroits avec ce service qui nous aide à trouver de nouveaux débouchés. Évidemment, pour avoir accès à de nouveaux marchés il faut respecter diverses modalités comme l'équivalence vétérinaire. Je pourrais vous en parler longuement. Nous avons bien su diversifier nos marchés nous éloignant ainsi des États-Unis. Nous avons des rapports très étroits avec le service d'exportation du ministère. Le marché coréen est très important parce qu'il y a certains rôles et responsabilités que peut assumer le gouvernement. Ensuite, l'industrie joue son rôle. Nous savons qu'il existe un potentiel extraordinaire, aussi étrange que ça puisse paraître, dans les restaurants haut de gamme en Inde. Ce n'est pas parce qu'ils mangent beaucoup de porc mais simplement en raison du nombre de personnes qui vivent dans cette région et en raison des tendances qui s'y dessinent. C'est une occasion rêvée de se trouver un marché. Singapour est un marché en développement comme c'était le cas du Japon il y a quelques années, mais il faut les efforts conjoints de l'industrie et du gouvernement pour pénétrer ces marchés et y trouver des débouchés.

Le sénateur Gustafson : Les États-Unis ont indiqué très clairement qu'ils n'aiment rien qui soit contrôlé par le gouvernement. Vous le savez sans doute. Cependant, le gouvernement américain appuie beaucoup les activités commerciales, c'est clair. Les Américains diront que le commerce fonctionne dans les deux sens. Si vous nous entrouvrez la porte, nous ferons de même pour vous. Le Canada ne fait pas les choses de cette façon. Je n'entrerai pas dans les détails, mais vous connaissez bien la situation. Je crois que nous continuerons à avoir des problèmes tant que nous ne pourrons pas surmonter certains de ces obstacles.

Comment les éleveurs de porc américains se tirent-ils d'affaire? Se trouvent-ils dans la même situation que leurs homologues canadiens?

M. Schlegel : Nos pertes s'élèvent actuellement à environ 65 $, mais en raison du cours du dollar, les éleveurs américains perdent probablement environ 25 $ ou 30 $. Ils perdent de l'argent, mais pas autant que nous.

Le sénateur Peterson : Vous avez parlé de lois touchant le pays de provenance. Je crois que nous avons une loi en ce sens au Canada, mais elle n'est pas très efficace. J'ai cru comprendre que le contenu canadien peut s'élever à moins de 15 p. 100, et vous pouvez quand même étiqueter le produit comme étant fabriqué au Canada. Il existe certainement des problèmes à cet égard, mais je désirais simplement vous le signaler en passant.

Vous avez parlé de l'OMC, disant que vous espériez que ça vous permettrait d'obtenir une zone de marché. Pensez- vous que nous pouvons attendre que l'OMC agisse ou croyez-vous plutôt que le gouvernement canadien devrait conclure des ententes bilatérales avec ces pays afin d'avoir un accès à des marchés comme celui de l'Amérique du Sud et de l'Asie du Sud-Est?

M. Schlegel : Il s'agit là de questions à long terme. Cela n'apporterait aucune solution au problème immédiat en matière de liquidité, mais c'est un sujet de préoccupation pour l'avenir.

Nous estimons que si nous vivons effectivement dans un monde globalisé, nous devons nous engager à fonctionner à un niveau commercial multilatéral. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser nos concurrents directs, soit les États-Unis, avoir un meilleur accès que nous au marché coréen. En fait, au point de vue préférence, c'est le suicide. Nous ne pouvons pas permettre que d'autres pays aient un meilleur accès que nous au Japon, car il s'agit là du plus important importateur de denrées alimentaires et de viandes au monde. Plus récemment, les États-Unis ont peut-être conclu une entente avec la Corée et nous n'avons pas de notre côté réussi à le faire. Nous appuyons certainement l'idée d'ententes de libre-échange dans des circonstances particulières, mais ce n'est pas ce que nous proposons à plus long terme puisqu'après tout nous devons trouver notre place dans un marché globalisé.

Le sénateur Peterson : Vous devez d'abord avoir accès à ces marchés. Vous êtes écartés en ce moment. Les Américains y ont accès mais pas vous.

M. Schlegel : Nous avons actuellement accès au marché coréen. Si vous prenez l'exemple de la Corée, par le passé, nous avions le même accès que les États-Unis. Les États-Unis ont conclu une entente avec la Corée et au cours des 5, 10 ou 15 prochaines années le tarif de 15 p. 100 visant les produits américains sera éliminé. Dans ces circonstances, nous sommes tout à fait d'accord avec vous.

Le sénateur Peterson : J'aimerais poser une question sur les coûts sur lesquels vous n'exercez aucun contrôle. Dans votre industrie, pouvez-vous assurer une couverture pour le change de devises? Pouvez-vous avoir des contrats à livraison différée pour les aliments pour animaux échelonnés sur un ou deux ans afin d'obtenir un prix que vous jugez acceptable? Est-ce que cela a été fait ou est-ce que cela peut être fait?

M. Moffett : Cela est fait et peut être fait. C'est un peu plus difficile pour les Canadiens que pour les Américains parce que les marchés à terme se trouvent aux États-Unis. Actuellement, il est certainement possible pour les agriculteurs d'obtenir une couverture pour leurs céréales. C'est possible de le faire sur les marchés à terme, comme vous l'avez indiqué. Nombre d'agriculteurs, surtout les petits agriculteurs, obtiendraient une couverture en s'adressant directement aux entreprises qui vendent des aliments pour animaux. Parfois, ces entreprises offriront un prix contractuel et un prix unique à divers producteurs. À leur tour, ces derniers auront une couverture sur le marché à terme. Cela fonctionne très bien.

Certains offices de commercialisation offrent des programmes dans certaines grandes provinces qui permettent aux agriculteurs de garantir leurs prix. Encore une fois, l'office de commercialisation ou l'entreprise de conditionnement à leur tour obtiendrait une couverture sur les marchés à terme. De telles possibilités sont offertes aux producteurs qui expédient leurs porcs aux États-Unis. Très souvent, il y a des contrats à long terme, pour les porcs engraissés et les porcelets sevrés, par exemple, ou pour le porc de marché qui doit être acheminé à l'abattoir où il est possible de garantir le prix à votre usine. Encore une fois, cet abattoir, lui, devra se protéger sur le marché à terme.

Aux États-Unis, plus souvent qu'au Canada, on entend parler que 85 p. 100 des porcs vendus aux États-Unis seraient vendus dans le cadre de contrats à long terme caractérisés par un mécanisme de fixation des prix. Les producteurs peuvent obtenir des prix garantis quoi que cela se produise moins souvent qu'auparavant, mais il y aura une formule de fixation des prix garantis qui fluctuera de façon parallèle au marché.

Ainsi, pour répondre à votre question, oui, il existe toutes sortes de possibilités pour atténuer les risques. Comme je l'ai dit un peu plus tôt, nous avons demandé le programme que nous avons maintenant parce que cela permet au producteur de choisir diverses options pour atténuer les risques soit du côté approvisionnement, pour ses céréales, ou du côté ventes, pour ses animaux.

Le sénateur Peterson : Il est clair qu'il faut accorder un soutien à l'industrie. La situation serait tragique s'il fallait que le Canada dépende du reste du monde pour nourrir sa population. La situation ne serait pas acceptable.

Le sénateur Callbeck : J'aimerais poser une brève question sur la consolidation accrue et la transformation dans le secteur du détail. Quel impact cela a-t-il sur les producteurs?

M. Moffett : Parlez-vous de la transformation accrue des produits?

Le sénateur Callbeck : Non. Les grandes entreprises deviennent toujours plus grandes. Est-ce que cela a un impact sur les producteurs?

M. Moffett : C'est une question intéressante. Lorsque j'en étais à mes débuts dans le secteur dans les années 1970 au Nouveau-Brunswick, il y avait sept entreprises de conditionnement qui achetaient les porcs de notre office de commercialisation. Au fil des ans, ils ont disparu un après l'autre, nous sommes passés à cinq, puis à trois, à un moment donné, ils n'étaient même pas assez nombreux pour qu'on organise une vente aux enchères. Pendant plusieurs années, nous n'avions plus qu'une entreprise de conditionnement et, en fait, aujourd'hui il n'en existe plus au Nouveau- Brunswick.

Ce genre de choses se produit un peu partout. Dans d'autres industries que la nôtre, vous remarquerez que vous avez moins d'installations mais elles sont beaucoup plus grosses. Cela veut dire qu'elles ne sont plus aussi proches physiquement des producteurs.

Cela a eu un impact sur nous; du côté positif, puisque ces entreprises de conditionnement étant devenues plus grosses, et en théorie plus efficaces, devraient être en mesure de nous payer plus pour nos produits. Ça, c'est la théorie, à savoir si la pratique se rapproche de cette théorie, c'est une autre chose.

Malheureusement, nos coûts de transport ont augmenté. Il me fallait jadis 30 à 60 minutes pour apporter mes produits au marché, mais aujourd'hui il me faut cinq heures et demie pour aller de la ferme au marché. C'est le cas dans toutes les régions du pays. Nous avons moins d'entreprises de conditionnement, ce qui veut dire que nos coûts de transport ont augmenté. L'avantage c'est que nos entreprises de conditionnement deviennent plus efficaces.

M. Schlegel : C'est une question fascinante, et en fait, nous finissons toujours par dire que ce n'est pas une bonne chose. À certains égards, c'est vrai, mais à d'autres égards il ne faut pas oublier que cela permet à ceux qui cherchent un créneau particulier — les installations de transformation spéciales —, de répondre à un besoin particulier.

Quand on pense à la situation en général — la mondialisation, le progrès technologique — dans une économie de marché libre, il faut livrer concurrence. La concurrence ça veut dire que les choses évoluent et qu'il faut s'adapter au changement; on utilise la technologie et on fait ce qu'on peut. Cela fait baisser les prix pour les consommateurs.

Nous essayons depuis déjà un bon moment de devenir plus efficaces, afin de pouvoir affronter la concurrence à l'échelle planétaire. Il vous faut pratiquement des mégas usines; et alors vous créez des débouchés pour d'autres qui favorisent des produits comme l'oméga-3, et des produits naturels ou biologiques ou des choses du genre. C'est donc une question très difficile à résoudre.

Cela veut dire que si certains événements se produisent — des grèves, des interruptions de travail peu importe, il y a des problèmes. Dans le bon vieux temps, en Ontario, il y avait 16 conditionneurs. S'il y avait un problème syndical dans l'une de ces usines, ça ne changeait pas grand-chose. Aujourd'hui, la grosse usine assure le conditionnement de près de la moitié des animaux, ce qui veut dire que soudain s'il y a un problème il vous faut expédier les animaux à l'autre bout du continent.

Le sénateur Mahovlich : J'étais à Brandon il y a environ 20 ans, et l'on transformait les exploitations bovines en exploitations porcines. On aurait cru à l'époque que la capitale de l'élevage des porcs serait Brandon, au Manitoba, et tout cela avait un impact sur l'environnement. J'ai appris que le Danemark et les Pays-Bas ont trouvé des technologies vertes et sont devenus en fait les chefs de file dans ce secteur. Qu'en est-il du Canada? Sommes-nous des pollueurs ou sommes-nous verts? Est-ce que cette crise peut nous aider?

[Français]

M. Monty : J'ai mentionné plus tôt qu'avec tous les critères environnementaux que nous avions pour la production du porc au Canada, nous avons pratiquement dépassé l'Europe. En Europe, les exigences pour la production animale et la production de céréales sont basées sur des volumes d'azote. Au Canada, ces exigences sont basées sur des volumes de phosphore. Vous entendez souvent parler de la pollution de l'eau basée sur la norme de phosphore. On ne parle pas vraiment de la norme d'azote. Je ne crois pas vraiment que les normes environnementales de production au Danemark et en Finlande sont plus sévères que celles du Canada. Je dirais même que nous les dépassons. Nous ciblons vraiment ce qui nuit à la qualité de l'eau. En Europe, on cible l'azote, mais on ne parle pas encore de réglementer le phosphore. C'est pourtant ce qui nuit à la qualité de l'eau.

Sur ce point, plusieurs études sur l'environnement sont en cours. Pour plusieurs, on mesure la qualité de l'environnement à son odeur. L'odeur dérange, mais s'agit-il vraiment de pollution?

Le Québec a des critères de production très sévères. Les producteurs de porc sont suivis de près. On remplit les cahiers de charges en fonction des bilans de phosphore, et ce, depuis dix ans. Je suis producteur de porcs depuis 20 ans et j'en suis fier. Mes livres parlent d'eux-mêmes. C'est une question de respect envers l'être humain.

Comprenons que dans toutes les couches de la société, peu importe le secteur, il y aura toujours des gens qui ne respecteront pas les normes. Sur les routes, l'alcool au volant est une exception notoire, on ne cesse d'en parler, mais ce n'est pas unanime. Le même phénomène se produit dans le secteur de la production animale, tous ne sont pas parfaits. Dans l'ensemble, je n'ai pas peur de vanter les mérites des producteurs.

[Traduction]

Le sénateur Mahovlich : Merci beaucoup. Cela me rassure.

M. Friesen : Brandon se trouve dans mon coin du pays. Si vous êtes allé à Brandon, vous savez qu'il y a beaucoup d'espace dans la région. L'élevage des porcs à Brandon est loin d'être un problème environnemental.

J'aimerais simplement répéter ce que j'ai dit au comité de l'environnement il n'y a pas très longtemps lorsqu'on discutait des algues bleues. Les engrais sont nécessaires, et les nutriments animaux sont inévitables. Les agriculteurs sont bien disposés à faire preuve de la diligence appropriée. Ils réussissent beaucoup mieux à évaluer la qualité des sols, à éviter l'utilisation d'engrais pendant l'hiver et assurer les zones tampons adéquates, et ils sont prêts à faire preuve de responsabilité.

En fait le problème est un peu une question de communication et de diligence appropriées. Seuls 11 p. 100 de ceux qui vivent dans les régions rurales sont en fait des agriculteurs. Le reste ce sont ce qu'on appelle des ruraux urbains.

Pour ce qui est des plans environnementaux pour les exploitations agricoles, les agriculteurs appuient ces propositions. En fait, le taux de participation est assez impressionnant. Les agriculteurs sont loin de créer des problèmes environnementaux, surtout quand vous pensez à la quantité d'eaux d'égouts brutes qui sont produites par les villes et écoulées dans nos cours d'eau.

Le président : Je tiens à remercier nos témoins. Nous avons eu une soirée intéressante. Vous vous êtes ouverts bien des portes. En mon nom personnel et au nom de mes collègues, je crois, je dois avouer que vous nous avez appris beaucoup. Nous n'avions pas encore eu l'occasion de bien comprendre une question fort complexe. Nous tenons à vous remercier tous d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer ce soir, et surtout d'avoir été si ouverts à notre égard.

Chers collègues, je tiens également à vous remercier de vos questions. Cette réunion a été fort enrichissante.

La séance est levée.


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