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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 4 - Témoignages du 14 février 2008


OTTAWA, le jeudi 14 février 2008

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 9 h 7 pour examiner, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada.

Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour, honorables sénateurs et tous ceux qui ont décidé d'assister par le truchement de la télévision aux travaux du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts à propos de la pauvreté rurale et du déclin du milieu rural.

Nous sommes heureux d'accueillir ce matin, de Paris même, grâce à la vidéoconférence, des représentants de l'OCDE. Je crois qu'il vaudrait mieux parler de l'après-midi plutôt que du matin pour vous. Quoi qu'il en soit, bienvenue. Nous sommes heureux de vous compter parmi nous aujourd'hui.

En mai 2006, notre comité a été autorisé à examiner, en vue de présenter un rapport à ce sujet, la question de la pauvreté rurale au Canada. Depuis, il a publié un rapport provisoire. Il s'est rendu dans toutes les provinces du Canada, a visité 17 localités rurales et s'est entretenu avec plus de 260 personnes et organisations. Toutefois, son travail n'est pas achevé. La semaine prochaine, il se rendra dans les territoires du Nord pour y entendre les observations des citoyens et organismes ruraux.

Le Canada n'est pas le seul pays membre de l'OCDE à se soucier de l'état actuel et futur de ses régions rurales. Partout dans le monde, les régions rurales subissent une évolution dont les moteurs sont la mondialisation des marchés, l'apparition de nouvelles technologies de l'information et des communications, la mutation des industries rurales traditionnelles, l'évolution des tendances en matière de migration et de démographie, ainsi que le souci croissant éprouvé par les gens à propos de l'environnement. Sans nul doute, les localités rurales doivent trouver des façons nouvelles de s'adapter à leurs environs. Cela peut supposer l'adoption d'une nouvelle génération de politiques rurales.

Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui des représentants de l'OCDE, organisme qui a mobilisé récemment des ressources pour étudier la nature changeante des économies rurales et l'orientation future des politiques rurales.

Nous accueillons ce matin M. Roberto Villarreal, chef de division, Compétitivité et gouvernance régionale; M. Nicola Crosta, responsable, Programme de développement rural; José Antonio Ardavín, administrateur, Programme de développement rural; Mme Ilse Oehler, économiste, Prestation des services publics; et Mme Betty Ann Bryce, consultante, Programme de développement rural.

Merci à tous de nous accorder du temps, pour que nous puissions entendre vos observations sur une question importante.

Chers collègues, nous disposons d'une heure pour entendre les témoins parler de toute une série de questions. Je vous invite tous à formuler les questions les plus concises possible, pour que nos témoins aient le temps de donner réponse complète et pour que tout le monde puisse contribuer à la discussion ce matin.

Roberto Villarreal, chef de division, Organisation de coopération et de développement économiques, Compétitivité et gouvernance régionale : Merci beaucoup. C'est un honneur pour nous à l'OCDE de pouvoir dialoguer avec le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

Je tiens à reconnaître publiquement le rôle important que joue votre pays au Comité des politiques de développement territorial au sein de notre organisation. En particulier, nous sommes très fiers du fait que c'est un Canadien qui dirige le groupe de travail du développement urbain et que les délégués canadiens de notre comité y apportent toujours quelque chose d'actif et de constructif.

Notre division de la compétitivité et de la gouvernance régionale au Canada est à l'œuvre déjà depuis plusieurs années. De concert avec votre personnel et vos autorités, nous avons produit une série de publications qui font l'objet d'une forte demande dans les pays membres, y compris notre publication nationale, l'Examen territorial de l'OCDE, celui qui porte sur le Canada et un examen de la région métropolitaine de Montréal. De même, nous sommes en train de réaliser un nouvel examen territorial de Toronto et, fort probablement, nous allons entamer un examen du développement rural dans son ensemble au Canada cette année peut-être. C'est un honneur pour nous de vous offrir les meilleurs renseignements et les meilleures connaissances possible au sujet de ces questions.

À nos yeux, « rural » n'est pas synonyme d'« agricole ». Le terme englobe plutôt toute une série de questions intéressant le développement. Évidemment, il n'y a pas deux pays qui sont pareils. La spécificité du Canada doit être prise en considération; néanmoins, il existe des défis et des tendances que tous les pays ont en commun.

Nous sommes tout à fait disposés à mettre nos connaissances à votre service, aujourd'hui même et plus tard, à votre demande, de manière à être le plus utiles possible à votre comité. Nous vous avons transmis une présentation PowerPoint à titre d'information complémentaire, et non pas pour circonscrire notre dialogue. Si vous souhaitez recevoir d'autres documents écrits, nous serons heureux de vous les faire parvenir.

Auriez-vous l'obligeance de nous dire comment vous entendez organiser notre réunion d'une heure?

La présidente : Si cela est possible, nous allons d'abord vous poser des questions. Je suis très heureuse du fait que vous nous ayez donné une introduction au travail de votre organisation, à l'ensemble des questions sur lesquelles vous vous penchez.

Comme vous le savez, le Canada est un très grand pays où l'agriculture n'est pas le seul pilier; au Canada, il existe bon nombre d'autres entreprises rurales, et notamment nos pêches. C'est une situation qui appelle une perspective très générale, comme vous l'avez dit. Merci d'avoir formulé cette observation.

Le sénateur Mahovlich : Je tiens à remercier les témoins d'avoir pris le temps d'être là. Au cours des dernières décennies, il y a eu un accroissement important de la productivité agricole. Les exploitations agricoles utilisent de moins en moins de main-d'œuvre tout en produisant plus que jamais. L'agriculture canadienne est centrée sur les exportations. De ce fait, les exploitations agricoles ont dû grossir pour en arriver à réaliser les économies d'échelle nécessaires pour concurrencer et survivre dans l'environnement mondial.

Les témoins ont été nombreux à faire valoir que la petite ferme familiale, la PME, est en voie de disparition, qu'elle est remplacée par les exploitations agricoles à grande échelle, ce qui modifie la nature de nos localités rurales, pour le pire. Comment réagissez-vous aux observations qu'ils formulent ainsi? Croyez-vous que nous devrions accepter la tendance aux exploitations moins nombreuses, mais plus grandes et plus efficientes? Les gouvernements devraient-ils concevoir des politiques pour encourager les PME agricoles en particulier? Ce sont là mes deux questions.

Nicola Crosta, responsable, Programme de développement rural, Organisation de coopération et de développement économiques : Je vais prendre un peu de recul pour mieux répondre à votre question.

Nous voudrions attirer votre attention sur autre chose que le seul rôle de l'agriculture, qu'il s'agisse de petites entreprises ou de grandes, dans les régions rurales du Canada. Adoptons une perspective plus large. Ce que nous observons, dans les pays membres de l'OCDE, c'est que cette idée justement pose un certain problème : l'idée que le développement rural est essentiellement synonyme de développements agricoles. Le débat tourne alors autour de l'idée de soutenir les grandes ou les petites entreprises d'exploitation agricole. C'est un débat qui n'a pas tendance à mener très loin les gens de la campagne.

Je voudrais mettre en lumière trois échecs classiques que nous avons observés dans les pays membres de l'OCDE du point de vue de la politique rurale. Le premier se rapporte précisément à ce que je viens de dire, soit une approche sectorielle qui met un signe d'égalité entre rural et agriculture. Permettez-moi de vous rappeler que, l'an dernier, les pays membres de l'OCDE ont soutenu leurs entreprises agricoles à raison de 270 milliards de dollars. À mon avis, on ne se trompe pas en affirmant qu'un tel appui se révèle essentiellement inefficace, inefficient et inéquitable. Nous pourrons y revenir plus tard, si vous le souhaitez.

Il y a un autre échec courant que nous observons et que j'expliquerai en prenant pour exemple mon pays à moi, l'Italie, qui met beaucoup l'accent sur l'infrastructure. C'est l'idée que les régions rurales ont d'abord et avant tout comme problème le fait d'être éloignées des grands centres, ce qui en fait un problème d'accessibilité, et que c'est d'abord et avant tout par l'investissement dans l'infrastructure qu'il faut s'attaquer au dossier du développement rural. Encore une fois, il a été démontré que cela ne fonctionne pas.

Une troisième approche erronée tend à faire du développement rural une affaire d'assistance sociale, sinon de politiques conçues à l'intention de certaines personnes. Je prendrai pour exemple la Chine, où le développement rural repose sur l'idée de s'occuper des gens pauvres; par conséquent, il s'agit essentiellement de politiques d'assistance sociale.

Nous avons observé que les approches les plus efficaces de la politique rurale de nos jours sont intégrées. Elles n'ont pas pour point de départ un questionnement sur la nécessité de soutenir les fermes et, dans l'affirmative, les fermes de telle ou telle taille. Elles ont pour point de départ une autre question : « Quel est le genre d'entreprise que nous voulons appuyer dans les régions rurales? » C'est un point de départ tout à fait différent. C'est le point de départ d'une approche du développement rural qui est fondée sur le lieu, qui commence par l'analyse des possibilités et des besoins d'une région rurale donnée et qui, ensuite, en tenant compte de cette analyse, adapte les politiques aux possibilités et aux besoins particuliers de cette région. C'est une approche très différente, qui n'écarte pas par ailleurs l'idée de soutenir les fermes, dans la mesure où il est logique, dans la région en question, de favoriser les grandes fermes ou les petites même; à condition que ce soit cela qui est logique.

Une approche plus efficace consisterait peut-être à adopter une perspective fondée sur le lieu, à en faire le point de départ, à analyser ensuite l'ensemble du terrain occupé par l'économie rurale et, par la suite, discuter au besoin de la nécessité de soutenir, oui ou non, les exploitations agricoles et, le cas échéant, à déterminer s'il est plus logique de soutenir les grandes ou les petites. Tout cela dépend de votre point de vue ou du lieu où vous vous trouvez. Il est difficile de formuler des considérations générales à cet égard, surtout dans un pays qui est aussi vaste que le Canada.

M. Villarreal : J'ajouterais deux observations. Premièrement, vous êtes bien conscient du fait que la concurrence sur le marché international des denrées agricoles est devenue très intense. Par conséquent, à mon avis, un pays comme le Canada, dont les terres et les ressources naturelles sont d'une richesse exceptionnelle, ne devrait pas perdre l'occasion de mobiliser ses atouts à cet égard et de générer des revenus pour le pays dans son ensemble. Dans cet ordre d'idées, la question de l'efficience devient très importante pour la technologie, l'échelle du travail, la réglementation, les services et l'infrastructure. La place des produits agricoles sur les marchés internationaux en dépend.

Deuxièmement, dans la mesure où l'organisation industrielle du travail agricole se veut efficiente, la taille des exploitations importe, mais il ne faut pas en déduire machinalement que cela a tel ou tel effet sur le bien-être des ménages. Comme M. Crosta le disait, voilà pourquoi nous faisons une distinction entre l'agriculture en tant qu'activité productive et le développement rural en tant qu'objectif plus général que nous nous donnons et qui touche la qualité de la vie, le revenu et l'accès aux services publics, la capacité de satisfaire aux besoins et aux attentes de la population; alors, nous sommes donc en face de deux considérations distinctes qui appelleront peut-être des stratégies distinctes.

En résumé, je proposerais que, pour les exportations et pour une utilisation efficace des atouts canadiens et la génération de revenus dans votre pays, il faut chercher à obtenir des gains en efficience dans le secteur agricole. Si cela veut dire l'implantation de procédés nouveaux et d'un travail qui se fait à plus grande échelle, eh bien, c'est ce que je recommanderais. Cependant, comme le bien-être des ménages qui se trouvent dans les régions rurales en général est jugé important, une des questions dont nous allons parler plus tard, pendant la conférence, c'est celle de la diversification économique. C'est déjà une tendance. Dans la plupart des pays membres de l'OCDE, les ménages ruraux tirent déjà une proportion relativement plus faible de leur revenu global des activités agricoles elles-mêmes, alors que les revenus que leur permettent de gagner d'autres activités dans le domaine des services ou de la fabrication représentent une part toujours plus grande, dans le cas qui nous occupe, de leur pouvoir d'achat.

Il nous faut examiner en quoi il est possible de faciliter la diversification économique; en quoi la formation et l'instruction faciliteraient de même la participation continue de la population à ces activités productives; en quoi il est possible d'offrir aux gens des services qui leur permettent d'exercer de manière efficiente les activités nouvelles en question ou qui touchent directement leur consommation à titre personnel.

Je crois que le destin des ménages ruraux n'est pas lié à 100 p. 100 à l'avenir de l'organisation industrielle de l'agriculture.

Le sénateur Segal : Je voudrais connaître le point de vue du groupe de témoins sur la question de la sécurité du revenu. Nos statistiques de pauvreté au pays tournent toujours autour de 11 ou 12 p. 100 environ. Ce ne sont pas les mêmes qui se situent toujours sous le seuil de la pauvreté comme cela est établi ici; c'est plutôt un nombre fixe de personnes qui tend à être toujours sous le seuil de la pauvreté. Dans les régions rurales du Canada, les statistiques à cet égard font voir une situation qui est nettement pire qu'auparavant, nettement.

Vous avez évoqué il y a un instant une combinaison de politiques, qui comprendraient des politiques en matière de stabilisation des revenus. Dans l'ensemble des pays membres de l'OCDE, quelles sont les politiques qui ont permis le mieux de soutenir les populations rurales? Dans quelle mesure la sécurité du revenu s'inscrit-elle dans la combinaison en question; y occupe-t-elle une place centrale, tangentielle, périphérique? Est-elle liée à une mesure que nous voyons parfois, soit la stabilisation en fonction du cours des produits agricoles? Est-elle liée plutôt à une forme simple de sécurité du revenu qui s'inscrit dans diverses catégories? Votre point de vue à ce sujet m'intéresse.

Pouvez-vous aussi nous expliquer pourquoi, selon vous, nos amis en Écosse semblent renverser la tendance en ce qui concerne le dépeuplement des régions rurales? Y a-t-il là une politique que nous pourrions adopter et qui nous serait utile ici au Canada?

M. Crosta : Voilà une question extrêmement intéressante qui nous permet de vous rappeler les ingrédients principaux des politiques rurales fructueuses pour l'ensemble des pays membres de l'OCDE. Comme je l'ai mentionné, nous avons observé un certain nombre d'échecs à cet égard, mais, heureusement, il y a également eu de l'innovation en quantité et en qualité en ce qui concerne la politique rurale dans l'ensemble des pays membres de l'OCDE, du côté des administrations nationales aussi bien que des administrations infranationales.

Il n'y a certes pas d'approche universelle qui vaudrait pour le développement rural et le maintien des populations rurales. Toutes les études de cas et analyses de politique que nous avons réalisées nous ont permis d'observer qu'il existe quatre grands éléments. Le premier élément a déjà été mentionné : il s'agit de délaisser nettement une approche purement centrale pour adopter plutôt une approche intégrée. En pratique, cela veut dire que le développement rural tient au bon fonctionnement d'un système complexe de facteurs qui sont tous interreliés et, parfois, interdépendants, sur le territoire. Le développement rural tient énormément au fait pour la politique de comporter un ensemble de mesures bien concertées qui tient compte de la complexité du système. Il s'agit d'intégration.

La deuxième grande mutation que nous observons est le passage d'une approche axée sur l'indemnisation à une approche axée sur la concurrence. Nous remarquons que les politiques fructueuses de développement rural sont celles qui délaissent l'idée simpliste selon laquelle la politique rurale doit compenser les désavantages structuraux des régions rurales. Le point de départ de la démarche doit être le potentiel même des régions rurales dont il est question. L'idée, c'est d'abord et avant tout de cerner le potentiel concurrentiel des régions rurales.

Le troisième élément comporte une conséquence importante : il s'agit de délaisser le recours aux subventions pures et simples en faveur d'investissements stratégiques.

Le quatrième élément est capital pour qui souhaite comprendre le succès qu'obtiennent certaines politiques, par exemple celles dont vous avez parlé dans le cas de l'Écosse. C'est une évolution radicale du mode de gouvernance, qui écarte la version rétrograde et étatiste de la politique de développement rural — où, nous le savons, il y a d'abord et avant tout la relation entre le ministère de l'Agriculture et l'agriculteur lui-même — au profit d'un nouveau système où la politique rurale s'articule autour d'un mode de gouvernance multiniveaux qui compte au moins trois dimensions clés. Nous pouvons citer à cet égard de bons exemples de politique rurale et de gouvernance innovatrice.

La première dimension à cet égard, c'est une coordination horizontale dans les hautes sphères, une façon pour les divers ministères de se concerter au mieux afin de produire une politique rurale qui soit efficace. Nous pouvons donner des exemples.

La deuxième dimension est verticale; elle vise à déterminer comment les connaissances acquises par divers ordres de gouvernement, mais non pas seulement le gouvernement, peuvent être mises en ordre? Quel genre de mécanisme peut- on employer pour mieux mettre en commun les connaissances ainsi acquises, qui sont essentielles à l'élaboration d'une stratégie de développement rural qui soit fructueuse?

La troisième dimension est une dimension à la fois horizontale et locale, qui met en scène des partenariats locaux et fait voir quels genres de partenariats se sont révélés utiles dans les régions rurales, surtout dans le contexte de la pauvreté rurale.

Dans le cas de l'Écosse, vous avez évoqué un exemple spectaculaire de réussite. Vous savez peut-être que la région la plus reculée d'Écosse — c'est-à-dire les hautes terres et les îles — est celle qui accusait le plus grand retard sur les autres il y a plusieurs décennies de cela. En regardant les principaux indicateurs sociaux et économiques établis pour l'Écosse depuis 20 ans, on constate que les tendances malheureuses ont toutes été renversées. Aujourd'hui, c'est un secteur assez dynamique de l'Écosse qui a réussi à renverser le flux migratoire. Le degré d'instruction dans ces régions reculées d'Écosse, par exemple, est semblable à ce qu'il est dans les régions urbaines. C'est un bon exemple; nous pouvons en évoquer d'autres. La Finlande est un cas. On y voit que même les régions rurales qui étaient censées être condamnées à la pauvreté à jamais ont réussi non seulement à s'approcher des moyennes nationales, selon les principaux indicateurs, mais aussi à prospérer et à devenir les sources de croissance et de développement nationales qu'elles sont aujourd'hui.

José Antonio Ardavín, administrateur, Programme de développement rural, Organisation de coopération et de développement économiques : Permettez-moi de compléter les observations de M. Crosta en affirmant deux choses. Premièrement, nous observons effectivement cela dans tous les pays membres de l'OCDE : le PIB par habitant — tout au moins, à l'échelle régionale, qui est celle qui sert à nos comparaisons dans l'ensemble des pays membres de l'OCDE — est plus bas dans les régions rurales qu'il l'est dans les régions urbaines, en général.

Nous analysons ces tendances spécifiques; et nous ne nous contentons pas des moyennes. Nous savons que, en moyenne, c'est ce qui arrive; par contre, nous souhaitions voir plus précisément quelles sont les différences, car nous avons pu observer un certain nombre de régions qui sont très rurales, mais qui — comme c'est le cas pour les hautes terres et les îles en Écosse — connaissent une évolution importante du point de vue de la population, des revenus et de la diversification. Nous vous avons remis un certain nombre de graphiques à ce sujet, mais, si vous souhaitez obtenir d'autres informations encore, nous pourrons vous les fournir plus tard.

Nous avons constaté qu'il y a certaines variables clés du phénomène. Premièrement, il y a la diversification par rapport à l'agriculture, en général — c'est le cas des régions qui ont su créer toute une gamme d'industries, sinon, comme c'est le cas parfois, celles qui se sont spécialisées dans certaines industries et exercent des activités à valeur ajoutée.

Je songe à un exemple intéressant que nous avons trouvé au moment d'étudier la Finlande, qui est un pays membre de l'OCDE où il y a une proportion plus grande de la population qui est âgée. Dans les régions rurales, c'est un problème dont se souciaient les décideurs. En réaction à cela, la Finlande a créé une grappe de cités des aînés pour tirer parti du fait que la région en question compte une concentration plus élevée de personnes âgées que le reste du pays et le reste du monde. La Finlande se spécialise dans les services aux populations adultes. Maintenant, elle fabrique des produits et accroît la population de cette zone en y faisant venir des jeunes appelés à travailler au sein des industries qui sont au service des personnes âgées, notamment dans les domaines du sport, de la santé et du logement. Il existe bon nombre d'exemples du genre, qui font partie d'une stratégie adoptée par les pays pour intégrer la politique rurale à une vision à long terme.

Quant à ce que vous disiez à propos des politiques de soutien du revenu, évidemment, comme M. Crosta l'a dit, l'indemnisation n'est pas la solution au problème. C'est un seul des facteurs pouvant améliorer le niveau de vie des populations rurales, mais il vaut nettement mieux avoir un emploi ou autre chose.

Dans le cas du Mexique, qui applique d'importantes politiques de soutien du revenu dans les régions rurales, nous pensions et les Mexicains eux-mêmes pensent que c'est là une mesure nécessaire étant donné les disparités énormes qui existent. Encore une fois, en examinant le cas du Mexique, nous avons proposé que cela soit pris non pas comme la solution au problème, mais plutôt comme un élément de solution qui s'applique dans certains cas, car nous songeons toujours à quatre éléments. S'il faut accorder un soutien du revenu, il faut que ce soit un soutien de la diversification, de l'infrastructure et de projets qui permettent de tirer parti de toutes les autres possibilités qui se présentent. C'est de cette façon-là que nous regardons ce genre de politique.

M. Villarreal : Si vous me permettez d'ajouter rapidement quelque chose, vous avez fait part de l'importance de réfléchir au maintien des populations dans les régions rurales. J'avancerais qu'il faut étudier à cet égard non pas le tableau d'ensemble, mais plutôt les diverses régions de votre pays — en tenant compte particulièrement des structures d'âge de la population. Les situations que vivent les jeunes, les adultes ou les personnes âgées ne sont pas les mêmes; la motivation qu'ils trouvent à quitter une région rurale pour s'installer en milieu urbain n'est pas la même.

Peut-être les jeunes s'installent-ils en milieu urbain à court terme pour mieux profiter des possibilités d'éducation qui y existent, de même que pour chercher en vue de l'avenir un emploi qui sera peut-être différent de celui de leurs parents. Les adultes peuvent le faire pour d'autres raisons ayant davantage trait à la conjoncture sur le marché du travail; les personnes âgées, quant à elles, ont certainement besoin de services particuliers qui sont différents.

C'est une question sur laquelle nous pourrions nous pencher, avec vos conseils et vos consignes, si nous poursuivons l'examen rural du Canada, de manière à pouvoir vous dresser un portrait démographique plus précis.

Permettez-moi d'ajouter que, il y a de cela 50 ou 100 ans, les régions rurales et les régions urbaines de la plupart des pays membres de l'OCDE n'avaient pas le même niveau de vie. Or, l'écart relevé à ce moment-là s'est élargi, principalement en raison de l'évolution de la technique. Au cours des dernières décennies, nous avons été témoins du passage à un mouvement technologique qui privilégie les services offerts en réseaux, dont l'efficacité repose sur la présence d'êtres humains en grands nombres. Cela a modulé les secteurs de l'électricité, des télécommunications, particulièrement le téléphone et les transports, même les trains; tous les secteurs ont tendu vers le travail en réseaux. Par conséquent, dans les régions urbaines, là où la concentration de la population est plus grande, l'efficacité dans l'exécution de ces choses pourrait être plus grande aussi.

Il suffirait de quelques exemples seulement pour expliquer. Par exemple, le téléphone cellulaire, qui est un élément relativement récent de notre histoire, est associé à une évolution radicale. Innovation technique aidant, il est maintenant possible d'accéder aux services de télécommunication même si on habite la plus petite ville.

La question qu'il nous faut approfondir encore, c'est de savoir en quoi les nouveaux procédés techniques peuvent servir à offrir les services de manière efficiente en milieu rural. Par exemple, si les jeunes quittent le milieu rural pour aller étudier, il n'en demeure pas moins que, dans certains cas, ils peuvent avoir accès à une très bonne instruction dans le milieu rural lui-même. Si une personne âgée a besoin d'un service de santé particulier, elle peut aussi l'obtenir grâce aux nouveaux procédés techniques en question.

Je ne vous invite pas à croire que la technologie peut résoudre tous les problèmes qui existent ici, mais c'est un moyen qui permet de combler l'écart entre le milieu rural et le milieu urbain. C'est important. Il n'y a pas que la question du revenu, il y a aussi celle de l'accès aux services publics. De ce point de vue là, la technologie offre peut-être des possibilités d'avancement.

Le sénateur Callbeck : Au cours de votre déclaration préliminaire, vous avez dit que vous commenceriez probablement cette année un examen du milieu rural du Canada. J'aimerais que vous nous donniez des précisions sur ce que supposerait cet examen.

M. Crosta : Permettez-moi de décrire pour vous le cadre de travail qui servira à cet examen.

Il y a quelques années de cela, l'OCDE a produit une publication intitulée Le nouveau paradigme rural : politiques et gouvernance. Dans cette publication, nous avons essayé de résumer les orientations les plus prometteuses que nous pouvions observer dans l'ensemble des pays membres de l'OCDE, du point de vue de la politique rurale. Le livre s'est révélé un franc succès dans le sens où il a suscité tout un débat. Par la suite, nous avons reçu un mandat de nos pays membres, soit d'examiner à l'échelle nationale, en vue de répondre à deux questions, la situation de chacun des pays membres de l'OCDE.

Ce sont là les deux questions sur lesquelles nous allons nous pencher si nous procédons à un examen de la politique rurale du Canada. Premièrement, qu'est-ce qui se passe dans le milieu rural au Canada? Cela peut sembler être une question banale, mais nous savons, et les administrations centrales sont souvent d'accord avec nous sur ce point, que les pays ne disposent pas d'un tableau stratégique et global de ce qui se passe dans leurs zones rurales en ce qui concerne les possibilités et les besoins. Dans le cadre de cet examen, la première question à laquelle nous allons essayer de répondre au moyen d'une analyse tant quantitative que qualitative, c'est de savoir ce qui se passe au juste dans les zones rurales du Canada et de comparer les tendances relevées à ce que nous observons dans les autres pays membres de l'OCDE.

La deuxième question se formule comme suit : le Canada a-t-il une politique de développement rural? La réponse est oui. C'est une autre façon de demander si l'ensemble des politiques adoptées par le gouvernement canadien aujourd'hui et par ses éléments infranationaux permet de bien prendre en considération la complexité et l'hétérogénéité des défis que fait ressortir l'analyse effectuée. Cela veut dire de porter notre regard sur les programmes de développement rural à proprement parler, mais sur d'autres éléments aussi, car, comme vous le savez, ils représentent souvent une petite partie des budgets fédéraux et infranationaux.

De même, de concert avec vous, nous souhaitons élucider l'impact des diverses politiques sectorielles sur les zones rurales. Par exemple, les mécanismes de confirmation de l'utilité de la politique pédagogique, de la politique de la santé et de la politique de l'infrastructure en milieu rural sont-ils à la hauteur? Jusqu'à quel point est-on conscient des effets différents que peuvent avoir ces politiques sectorielles sur les zones rurales et urbaines?

Enfin, nous allons nous attarder aux dispositions en matière de gouvernance et essayer de comprendre les facteurs ayant une incidence sur le milieu rural canadien aujourd'hui. Évidemment, nous n'allons pas seulement privilégier la sphère gouvernementale, encore moins le seul gouvernement fédéral. Nous allons nous pencher sur votre système gouvernemental et la contribution — qui est très importante au Canada et dans la plupart des pays membres de l'OCDE — des ONG, des fondations et, par exemple, des institutions financières. Nous réalisons que les institutions financières peuvent jouer un rôle, qu'elles jouent déjà un rôle très important dans bon nombre des zones rurales des pays membres de l'OCDE. Pour prendre un seul exemple de la question à laquelle nous allons nous attacher sous la rubrique de la gouvernance, pensons au nombre de fois où surviennent des difficultés touchant les communications stratégiques entre le gouvernement et les institutions financières, qui pourraient mieux collaborer au développement rural.

Si nous finissons par réaliser cet examen de la politique rurale au Canada, nous allons probablement nous pencher sur ces questions. Je ne sais pas si vous voulez en savoir plus sur la méthodologie.

M. Villarreal : Monsieur Crosta, n'oubliez pas de mentionner la méthodologie que nous employons habituellement, le nombre de mois que prend l'exercice, le rôle des pairs-examinateurs ainsi que la contribution du Comité des politiques de développement territorial et du groupe de travail du développement rural.

M. Crosta : L'exercice dure habituellement 12 mois et se décline en quatre étapes. La première étape est simple. Nous avons conçu un questionnaire — un questionnaire type, mais qui est adapté au pays — qui nous permet de demander au gouvernement de nous fournir l'information qui devrait servir selon lui de fondement à l'examen de la politique rurale par l'OCDE. C'est une étape importante, car, habituellement, les administrations se rendent compte tout de suite qu'il faut mettre sur pied une équipe, habituellement appelée l'équipe nationale, qui réunit de nombreux intervenants, pour rassembler ce genre d'information, qui est très vaste et qui touche de nombreux acteurs. C'est la première procédure de ces examens.

La deuxième étape consiste en une mission d'étude. Nous créons une équipe d'experts de l'OCDE, de consultants externes et de consultants canadiens, et nous organisons un certain nombre de missions dans la capitale et dans le milieu rural au Canada.

La troisième étape est celle de la rédaction. C'est à ce moment-là que nous assemblons un rapport en faisant appel aux divers aspects et éléments de l'OCDE.

La quatrième étape, la plus importante, est l'étape de la discussion. Le point de départ en est la discussion que nous avons avec vous. Permettez-moi d'insister sur un aspect important de cet examen de la politique rurale. Il ne s'agit pas de réaliser un exercice normatif où l'OCDE propose un idéal et mesure la distance qu'il y a entre votre situation et l'idéal en question, puis vous recommande quoi faire. C'est loin d'être notre façon de travailler. Il faut que ce soit un exercice conjoint. La quatrième étape consiste pour nous à mettre l'ébauche du rapport sur la table pour en discuter avec vous, pour entendre vos réactions et pour nous assurer d'en arriver avec vous à une entente générale sur les conclusions et recommandations du rapport en question. Le rapport est alors approuvé par les pays membres de l'OCDE et est rendu public, habituellement dans les 13 mois.

M. Villarreal : Ce n'est pas seulement le point de vue du secrétariat de l'OCDE qui ressort de ces examens. Il y a aussi les autres pays membres de l'OCDE qui, pendant les discussions, se reportent aux politiques qu'ils ont appliquées de leur côté et font valoir ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné, et dans quelles conditions.

Nous serions heureux de vous envoyer par courriel une liste des autres examens ruraux que nous avons réalisés récemment, par exemple en Écosse, en Finlande, en Allemagne et au Mexique. Si cela vous intéresse, vous pouvez en éplucher le contenu. S'il y a des sujets que vous aimeriez voir examinés dans votre cas à vous, nous serons heureux de l'envisager afin de produire un rapport qui est plus pertinent et plus utile du point de vue des Canadiens.

Le sénateur Callbeck : En regardant votre graphique de la deuxième étape, en 2005, je remarque que vous avez procédé à une analyse du Programme de développement des collectivités. Pouvez-vous me dire à quel moment cela s'est fait et quelles ont été les recommandations?

M. Crosta : Je ne sais pas ce que montre le graphique au juste, mais il ne s'agit pas d'une analyse de ce programme canadien qui aurait été réalisée par l'OCDE. En préparant la publication que j'ai mentionnée, Le nouveau paradigme rural : politiques et gouvernance, nous avons demandé aux pays de compléter la série d'analyses stratégiques que nous avons faites de notre côté par ce que j'appellerais un apport spontané. Cette fois-là, le Canada, les délégués qui représentent votre pays au groupe de travail du développement rural, a cru qu'il importait de signaler à l'OCDE l'expérience canadienne particulière dont il s'agit. Nous n'irions pas affirmer que c'est une analyse de l'OCDE accompagnée de recommandations de notre cru; c'est plutôt le gouvernement canadien qui a proposé à l'OCDE de faire part de son expérience à d'autres pays. J'espère avoir tiré la situation au clair.

Le sénateur Callbeck : Oui, vous l'avez fait.

Le sénateur Peterson : Il y a de nombreux éléments qui caractérisent l'exode rural ici au Canada. Chez les jeunes, il s'agit d'aller faire des études supérieures et de profiter de débouchés. Il est possible de ralentir le mouvement ou peut- être de le renverser au moyen d'éléments comme Internet haute vitesse et la large bande.

Chez les personnes âgées, c'est l'absence de soins de santé et de transports en commun. Dans le cas des soins de santé, nous avons mis à l'essai plusieurs mesures, y compris la mise à contribution de premiers intervenants et d'ambulances aériennes. Cela m'intéresserait de connaître les observations que vous avez pu établir à ce sujet en étudiant d'autres régions du monde, et particulièrement de savoir si d'autres pays prévoient des mesures quelconques pour inciter les gens à demeurer en milieu rural, plutôt qu'à aller s'établir en ville.

Ilse Oehler, économiste, Prestation des services publics, Organisation de coopération et de développement économiques : J'aimerais commenter certaines des expériences qui ont eu lieu dans d'autres pays en ce qui concerne la prestation des services.

Essentiellement, trois stratégies peuvent être regroupées. Une d'entre elles consiste à transporter les gens jusqu'au point de service, par exemple au moyen d'une ambulance aérienne. En Finlande, sur ce point, comme le transport en commun classique se révèle coûteux dans certaines régions éloignées, les gens ont créé un partenariat et décidé de faire appel à des taxis privés à cette fin; ils en ont donc fait un service privé. C'est une combinaison; ils essaient de combiner divers modes de service.

Une autre des stratégies employées a consisté à apporter pour ainsi dire les services aux gens. Ce sont les « services roulants » de diverses natures : livres, articles, salle d'exercices, bureaux de vote installé dans un autocar, et ainsi de suite.

Le regroupement des services est une autre stratégie qu'on a employée. C'est le cas notamment des points multiservices. Ceux-ci ont facilité la tâche des gens, qui peuvent se déplacer et accéder à un guichet unique pour obtenir les services.

Une autre stratégie encore repose sur l'évolution des procédés techniques, comme M. Villarreal l'a mentionné. Il s'agit de faire appel à la technologie de l'information et des communications pour fournir des services qui étaient réservés d'ordinaire aux zones urbaines, des services spécialisés reposant sur des moyens nouveaux, par exemple le télétravail, la possibilité de parfaire ses études grâce à Internet et la télémédecine, par exemple la transmission de clichés radiologiques en milieu urbain pour qu'ils y soient analysés. De multiples stratégies ont été mobilisées. Cela pourrait inciter les gens à demeurer en milieu rural, dans la mesure où ils ont accès aux services qui leur permettent de le faire.

M. Crosta : Comme vous le savez peut-être, l'OCDE organise une tribune annuelle du développement rural, depuis cinq ans. Cette année, le thème est le suivant : « Pour une prestation innovatrice des services — relever les défis qui se présentent dans les régions rurales ». C'est précisément de cela que vous parliez en posant votre question, des expériences dont on peut faire part en réaction à vos préoccupations. La réunion en question aura lieu les 3 et 4 avril à Cologne, en Allemagne. Tous les pays membres de l'OCDE y seront représentés. Il y aura quatre séances sectorielles, la première portant sur les services d'enseignement en milieu rural; la deuxième, sur les services de santé et services sociaux, particulièrement dans les régions rurales éloignées et très pauvres; la troisième, sur le transport et les services de TCI, ou encore leur accessibilité en milieu rural; et la quatrième, sur les services aux entreprises et services financiers en milieu rural.

Vous êtes tous très cordialement invités à y prendre part. C'est une réunion qui croît en importance tous les ans. Par le passé, nous y avons entendu des conférenciers de premier ordre. À l'occasion du rassemblement tenu aux États-Unis, Alan Greenspan a ouvert la conférence. Depuis trois ans, le secrétaire général de l'OCDE et le ministre responsable de la politique rurale ont toujours participé à ce rassemblement. C'est une occasion intéressante de discuter en profondeur et d'échanger des expériences avec les gens d'autres pays. Nous avons demandé aux conférenciers de venir parler d'expériences particulières touchant les budgets, les méthodes d'évaluation et les résultats, de telle sorte que les représentants des divers pays puissent prendre connaissance d'indications pratiques sur les mesures qui se sont révélées fructueuses ou encore infructueuses.

M. Villarreal : À propos des services, il faudrait se pencher en particulier sur la question de l'extrême dispersion de la population dans certaines zones. Cela représente un défi tout à fait redoutable. On arrive plus ou moins à trouver des solutions à certains des défis qui se présentent dans une zone rurale type ou moyenne. Néanmoins, tous les pays comptent des villes ou des villages de petite taille qui sont très inaccessibles ou encore des zones où la population est très dispersée. Cette question mérite une attention particulière.

Vous avez parlé aussi de façons de s'y prendre pour inciter la population à demeurer en milieu rural. À ce chapitre, nous insistons sur une économie locale diversifiée. Permettez-moi, aux fins du compte rendu, de mentionner certaines des mesures qui nous paraissent à déconseiller, à l'OCDE, bien que je soupçonne que vous n'envisagez pas de les adopter ici au Canada.

Nous examinons en ce moment les régions rurales de deux pays différents, un en Europe de l'Est, et l'autre, en Asie de l'Est. En Europe de l'Est, nous constatons que les subventions accordées aux fermes, particulièrement les petites, sont considérables. Néanmoins, compte tenu du problème des petites fermes que vous mentionniez, l'agriculture y est très peu productive. Les subventions offertes à ces fermes commencent à être très coûteuses pour ces pays, pendant que d'autres secteurs de leur économie, en zone rurale et en zone urbaine, présentent une productivité nettement plus élevée.

Par exemple, de nos jours, il y a une demande excédentaire énorme du côté des services de construction. L'offre n'y est pas. Cependant, les gens ne veulent pas quitter la ferme, où ils sont moins productifs, pour aller s'adonner à des activités mieux rémunérées parce qu'ils perdraient les subventions. C'est un problème de cohérence touchant la politique gouvernementale, que nous allons étudier plus en profondeur à l'occasion de cet examen. D'autres pays interdisent tout simplement aux gens des régions rurales d'aller s'installer en ville, mais il n'est pas nécessaire d'en dire davantage sur cette pratique, vous savez ce que je veux dire.

Le sénateur Meighen : Bienvenue et merci de vous être joints à nous aujourd'hui. Je me demande si vous pourriez me faire part d'une évaluation d'un programme particulier de l'Union européenne.

Un de nos ministres chante les louanges du programme LEADER de l'Union européenne. Il affirme que c'est un grand succès. Je me demande si vous pourriez nous donner des précisions sur le programme en question et nous dire si, selon vous, il a bien remporté un succès.

M. Crosta : Oui, le programme LEADER est probablement le mieux connu qui soit dans le domaine. Il est largement reconnu comme une « pratique exemplaire » dans le domaine du développement rural.

Je diviserai la discussion en deux parties : les résultats réels que le programme a eus dans les territoires ciblés et la valeur de la méthode du programme LEADER en elle-même.

Il ne me paraît pas juste d'affirmer que le programme LEADER a toujours été couronné de succès. Comme vous le savez, le programme a été mis en œuvre à grande échelle dans les pays d'Europe. Cependant, comme il ne couvrait pas toutes les régions, certains pays d'Europe se sont donné une sorte de version nationale du LEADER. Par exemple, l'Espagne et l'Allemagne ont inventé des programmes semblables; les programmes du type LEADER ont donc couvert toute l'Europe.

Il ne me paraît pas juste d'affirmer que les résultats ont partout été positifs. Cependant, il est juste de dire que l'évaluation des résultats des programmes de ce type, surtout du point de vue quantitatif, est difficile. C'est difficile parce que ce sont des programmes qui sont censés produire un résultat positif dans la localité rurale en général et qu'ils sont habituellement appliqués moyennant des fonds qui sont très modestes. La plupart du temps, les résultats qu'ils permettent d'obtenir — du moins si on se fie aux analyses que nous avons faites — ont trait à la façon dont les gens se conduisent, par exemple dans la sphère de la gouvernance. Comment mesurer cela? Même dans les cas où le programme LEADER est tenu pour un succès, je ne crois pas que nous ayons vu beaucoup de données quantitatives convaincantes à cet égard. À mon avis, on ne se trompe pas en disant ce que je viens de dire. On ne se trompe pas non plus en affirmant que, compte tenu de la nature du programme, nous ne devrions pas seulement prendre en considération les données quantitatives pour en jauger le succès.

J'aimerais parler maintenant de la méthode inhérente au programme LEADER. Premièrement, cette méthode est maintenant acceptée au sein de l'Union européenne; elle représente une façon courante d'aborder d'autres activités de développement rural. Pourquoi cette idée prend-elle forme? Elle prend forme parce que nous réalisons tous la dimension indépendante que comportent les résultats mesurables du programme dans diverses régions. Du point de vue des méthodes employées, le programme a permis d'instaurer des procédés innovateurs. Les programmes de ce genre dans les localités ont permis d'abord et avant tout de poser un regard neuf sur ce que devrait être l'objectif du développement rural. Comme vous le savez, le programme LEADER ne s'attache pas à des unités administratives. Il a été conçu en fonction de secteurs fonctionnels, ce qui représente déjà une innovation importante en fait de développement mondial. Comme vous le savez, la dynamique du développement rural ne connaît pas les frontières administratives.

Deuxièmement, la méthode LEADER — je ne veux pas m'engager dans un débat au sujet de ce programme — repose sur l'efficacité d'une stratégie particulière. Le fait même que les membres d'une collectivité rurale s'installent autour d'une table et commencent à discuter d'une stratégie constitue en soi un puissant changement, mais, encore une fois, ce n'est pas une chose qui est facile à mesurer.

Troisièmement — et c'est là l'élément le plus fructueux du programme —, il en est né une quantité effarante de partenariats qui, aujourd'hui, fonctionnent en réseau. Les réseaux LEADER en Europe sont extrêmement puissants; ils représentent un moyen extrêmement puissant d'acquérir des connaissances et d'échanger des renseignements. Les groupes LEADER en Espagne communiquent avec les groupes LEADER en Italie et au Royaume-Uni. Ce sont des gens qui habitent une zone rurale éloignée et qui échangent des idées sur ce qu'il est possible de faire. Encore une fois, je ne suis pas sûr qu'il soit facile de quantifier le résultat, mais nous y voyons une méthode dont le succès est extraordinaire.

La présidente : Avant de céder la parole au sénateur Mercer, je veux dire à nos amis de l'OCDE que le sénateur Gustafson s'est joint à nous. Le sénateur Gustafson est le vice-président du comité et fait partie de ceux qui y siègent depuis le plus longtemps, si on compte cela en années. C'est également un agriculteur de premier ordre qui œuvre dans la province de la Saskatchewan, dans l'Ouest du Canada. Nous sommes heureux de voir que le sénateur Gustafson est arrivé à temps pour poser ses propres questions.

Le sénateur Mercer : Je remercie les auteurs des exposés d'avoir accepté de comparaître ce matin.

Je m'intéresse aux personnes âgées qui vivent dans nos collectivités rurales. Dans bien des cas, elles forment la majorité de la collectivité où elles vivent. Je m'intéresse aussi aux différences entre les sexes.

Vos études vous disent-elles parfois que la population d'un grand nombre de collectivités rurales dans les pays membres de l'OCDE devient à prédominance féminine? Quel effet cela a-t-il sur la pauvreté en milieu rural? De même, qu'en est-il des moyens dont disposent les gens pour se rendre dans les grands centres pour des raisons de santé ou des activités quotidiennes?

Nous avons rencontré l'autre jour un type d'Australie qui nous a parlé de la collectivité vieillissante et de la pauvreté rurale en Australie. Il a parlé d'un programme qui vise à attirer là-bas des jeunes dans les collectivités rurales du pays. Avez-vous des informations intéressantes sur ce programme? Existe-t-il ailleurs dans le monde d'autres programmes qui font revenir les jeunes dans les collectivités rurales?

M. Ardavín : Nous avons analysé les tendances démographiques générales qui se manifestent dans les zones rurales au moyen des catégories que vous avez mentionnées, soit l'âge, les jeunes et les vieux, le sexe, les hommes et les femmes. Ces recherches sont en cours : nous n'avons pas encore d'information détaillée pour tous les pays; tout de même, nous pouvons en tirer un certain nombre d'informations qui sont très intéressantes.

D'abord, il y a le problème du vieillissement. Dans un des graphiques qui se trouvent dans notre mémoire, vous verrez que le vieillissement est une tendance importante dans la plupart des pays membres de l'OCDE, mais c'est un phénomène qui est particulièrement visible dans les régions rurales.

En quoi le vieillissement dans les régions rurales pose-t-il un problème? C'est un problème surtout là où il est question de séparation de la population. Lorsque le vieillissement se combine au phénomène de la séparation, nous sommes en présence d'un conflit du point de vue de la politique à adopter. Il n'y a pas l'échelle nécessaire pour fournir les soins de santé et les services sociaux à la population vieillissante. C'était une des questions principales que la Finlande voulait approfondir. Comme Mme Oehler nous l'a dit, les gens y explorent activement de nombreuses options qui font que, dans la mesure où quelqu'un veut demeurer en milieu rural, il aura la possibilité d'être branché sur les services, sinon les services seront mobiles. Parfois, nous essayons de les concentrer peut-être au sein d'une population rurale, mais, tout au moins, là où l'échelle permet de le faire, nous leur donnons une bonne retraite et une bonne vie en tant que personnes du troisième âge. C'est une des questions qui se posent.

Pour ce qui est de la question des sexes, nous avons constaté dans de nombreux pays — tout au moins, c'était le cas en Écosse et en Finlande — que la proportion d'hommes y est plus élevée que la moyenne nationale. Il est clair que les Finnoises sont enclines à migrer vers la ville, alors que les Finnois restent encore engagés dans des activités primaires comme l'exploitation forestière, qui est très importante en Finlande. Les femmes ayant un degré d'instruction très élevé, notamment en Finlande et en Écosse, décident plus facilement d'emménager en milieu urbain. Cela crée toute une série de problèmes pour les hommes de ces pays, car il y a aussi le problème de l'inclusion sociale, et on n'arrive pas à trouver suffisamment de débouchés dans d'autres secteurs.

La dernière question, c'est l'idée de faire revenir les jeunes en milieu rural. Nous avons constaté que nous ne pouvons stopper la tendance à la migration des jeunes vers les zones urbaines. Il ne faudrait pas non plus qu'une politique vienne stopper cette tendance, car cela fait partie des attentes générales des jeunes en milieu rural à propos de leur propre avenir. Cependant, nous avons constaté que, dans bon nombre des régions en question, les jeunes rentrent lorsque les possibilités sur le plan des services et la diversification de l'économie leur permettent d'avoir une meilleure qualité de vie en dehors de la ville. Les populations rurales sont habituées à avoir une qualité de vie plus élevée en lien avec la nature. Par conséquent, là où elles bénéficient des possibilités en question, elles choisiront probablement de ne pas retourner dans un endroit très éloigné, mais elles retourneront dans une localité rurale qui est située près d'une zone urbaine.

M. Villarreal : J'ai quelques observations à ajouter à cela. Nous allons approfondir la situation des femmes du point de vue démographique dans le cadre de notre examen des régions rurales du Canada.

M. Ardavín a parlé d'un pays bien développé comme la Finlande. Permettez-moi d'évoquer une situation différente, celle du Mexique. On s'attendrait à retrouver au Mexique une proportion croissante de femmes parmi les personnes âgées. C'est que l'espérance de vie chez les femmes est plus élevée que chez les hommes.

Il y a au Mexique un problème que l'on peut attribuer à la migration tant intérieure qu'extérieure. Dans les petites villes de 10 000 à 15 000 habitants, il y a 121 femmes pour 100 hommes de 19 à 25 ans. C'est un problème qui est entièrement différent de celui qui se pose chez les personnes âgées. Il s'agit ici de l'âge de procréation et du moment où se forment les ménages. Tous les réseaux d'entraide traditionnels des collectivités en sont modifiés. L'habilitation des femmes est une question importante. Nous ne savons pas à quoi ressemble cette question démographique particulière dans les régions rurales du Canada. Nous promettons d'étudier cela plus à fond.

La question du transport est importante : prévoir des moyens pour les gens de se rendre de la région rurale à des centres où l'agglomération est telle qu'on peut y offrir les services dont les gens ont besoin. C'est important. Inversement, c'est utile du point de vue de la diversification économique. Vous pouvez alors produire en milieu rural différentes choses qu'il est possible de transporter plus facilement, sinon qui facilitent le tourisme par exemple. C'est une autre question qu'il faut prendre en considération. Cependant, s'il s'agit d'une population qui vieillit rapidement, il faut calculer attentivement le taux de rentabilité sociale des investissements faits dans les routes et autres moyens, car ce n'est pas marginal.

Dans le cas des écoles, par exemple, dans bien des pays où le nombre de jeunes enfants est à la baisse, le problème consiste à savoir comment adapter l'infrastructure établie des écoles aux différents besoins de jeunes à différents âges. Compte tenu de certains changements démographiques, vous n'allez peut-être pas souhaiter trop investir dans le transport routier là où le transport aérien permet fait l'affaire dans le cas de villes très éloignées des grands centres. On peut étudier cette question en tenant compte de la situation particulière dont il est question et du taux de rentabilité des mesures prévues.

Le sénateur Gustafson : Je voudrais poser une question au sujet des agriculteurs âgés qui éprouvent une grande difficulté à vivre la transition, surtout ceux qui en sont à la fin de la cinquantaine et la soixantaine. S'ils finissent par vendre leur ferme parce que les fermes deviennent de plus en plus grosses ou qu'ils passent le flambeau à un fils ou je ne sais quoi encore, au Canada, nous n'avons pas de bon programme pour les aider à procéder à ce changement de leur vivant.

Avez-vous connaissance de mesures qui leur conviendraient, une forme quelconque d'assurance? Nous avons eu le CSRN, qui a bien fonctionné, mais nous changeons de programmes si souvent qu'aucun d'entre eux n'est assez stable pour régler le problème. C'est un grand problème. Les gens constatent qu'ils ne sont pas faits pour d'autres métiers, ce qui pose de véritables difficultés. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Villarreal : Vous avez tout à fait raison, sénateur. Peu de pays ont mis en place des programmes pour s'attaquer particulièrement à ce problème.

Deux exemples me viennent à l'esprit. Dans certains pays d'Europe du Nord, le gouvernement aide les agriculteurs vieillissants. Par exemple, ces derniers peuvent transformer leur production et adopter une énergie renouvelable, pas nécessairement du biocarburant, mais plutôt de l'énergie solaire, éolienne et ainsi de suite. Les autorités ont adapté la réglementation dans les secteurs électriques pour que les excédents d'énergie que l'on produit, au-delà des besoins locaux, puissent être vendus à un village ou à un autre réseau. Par conséquent, les agriculteurs ont accès à un revenu durable tout en faisant moins d'efforts au travail, ce qui correspond à leurs possibilités biologiques à cet âge-là.

Il y a un exemple différent qui nous provient du Mexique. Là, migration oblige, bon nombre de personnes âgées des régions rurales se retrouvent sans jeunes enfants. À regarder l'avenir, elles jugeront peut-être que la seule solution valable consiste à vendre sa terre, comme vous l'avez mentionné en évoquant le cas des agriculteurs canadiens. Souvent, c'est là une décision douloureuse à prendre. Les Mexicains envisagent de créer un fonds de production forestière commerciale durable. Les agriculteurs ne vendent pas leur terrain; ils en font plutôt du capital ou des actions dans le fonds. La production globale de bois et de produits forestiers, faite de manière durable, une fois vendue, revient à ceux qui ont mis leur terre dans l'affaire à titre de capital.

Nous aimerions approfondir les recherches là-dessus, maintenant que nous savons quels sont vos intérêts. Je suis sûr que d'autres pays ont des expériences intéressantes. Si vous y consentez, nous aimerions prévoir une section à cet égard dans l'examen rural du Canada. Certes, c'est important, non seulement pour vous, mais aussi pour d'autres pays.

M. Ardavín : Nous n'avons pas étudié cette question en particulier, mais, pour parler de la Finlande, au moment où nous nous sommes penchés sur l'application du programme LEADER là-bas, nous avons pu voir que, dans une certaine mesure, cela facilite la transition en question pour les personnes âgées. Ce sont les personnes âgées qui dirigent le programme en Finlande, qui est considéré comme une des pratiques exemplaires parmi les projets LEADER. Bon nombre de jeunes y participent, mais la plupart des gens sont des personnes âgées des régions rurales.

En Finlande, une des raisons pour lesquelles le programme en question a du succès, c'est qu'il fait appel aux entreprises membres du comité du programme LEADER. Grâce aux fonds du programme LEADER, les entreprises en question aident certains des agriculteurs à s'allier avec la collectivité pour améliorer la qualité des installations touristiques, par exemple. Ainsi, les personnes âgées sont incitées à garder leur terre, mais à en changer la vocation. Il semble que l'on ait très bien réussi à favoriser cette transition au moyen de sommes d'argent modestes. Comme nous l'avons entendu dire, le programme LEADER ne dispose pas de beaucoup d'argent; toutefois, il fournit des fonds de démarrage en petites quantités qui permettent à une collectivité de diversifier ses produits.

M. Villarreal : Dans les deux exemples que j'ai donnés, pour l'Europe du Nord et le Mexique, il y a certains aspects que j'aimerais souligner et qui concordent avec ce que M. Crosta a expliqué au sujet du nouveau paradigme rural parmi les pays membres de l'OCDE.

Premièrement, les deux exemples font ressortir qu'il faut encourager les agriculteurs âgés à se donner un revenu durable en exerçant des activités productives qui sont source de revenu et de richesse. Cela ne prend pas la forme d'une subvention directe à l'agriculteur, qui produit moins dans le domaine agricole à ce moment-là, ce que nous envisageons étant donné son âge. C'est une façon de générer le revenu nécessaire au moyen d'activités productives.

Par ailleurs, s'il faut recourir à des subventions, il faut voir qu'elles servent peut-être mieux à financer d'autres types de soutien dans le cas des collectivités rurales. Il pourrait s'agir de mieux financer les soins de santé pour les femmes âgées, qui sont très coûteux, ainsi que les interventions et traitements médicaux pour les personnes âgées, qui coûtent nettement plus cher que ce qu'ils coûtent dans le cas des jeunes. Il est difficile de financer cela à partir de droits personnels. Il y a là une façon plus convenable de soutenir le développement rural. Encore une fois, nous devrions insister sur le fait que le développement rural n'est pas qu'une question de production; il s'agit aussi de développer une collectivité et de maintenir un mode de vie. Nous ne voulons pas vraiment en arriver à la conclusion que « agriculture égale bien-être social » dans les collectivités rurales.

Le sénateur Gustafson : L'ennui, c'est que si vous avez travaillé pour la General Motors et que vous touchez une pension, il est indiqué clairement que vous l'avez méritée. Si vous travaillez la terre toute votre vie et que vous vendez votre ferme, ce n'est encore qu'une autre ferme qui est retirée du système. Vous allez peut-être en tirer une assez bonne subsistance, mais je songe aux possibilités qui se présentent encore dans le domaine agricole.

Mondialement, je crois que nous n'avons pas vraiment bien étudié la question. Au Canada, il n'y a pas de régime de retraite à moins qu'on s'y prépare. Certes, certains agriculteurs vivent pauvres et meurent riches lorsqu'ils vendent leur terre, mais, à ce moment-là, il n'y a plus de ferme, ce qui nous amène toujours à des exploitations agricoles qui sont de plus en plus grandes. Nous allons peut-être devoir accepter cela — je ne sais pas.

M. Villarreal : Pour revenir à l'exemple de mesures visant à faciliter le passage à la production d'énergie renouvelable, qu'il s'agisse d'énergie solaire ou éolienne, pour certains de ces agriculteurs, comme en Europe du Nord, le raisonnement que vous faites valoir — qui est tout à fait valable et réaliste — nous amène à penser à la manière de s'y prendre pour financer le matériel et les investissements nécessaires à cette production d'énergie. C'est certainement une chose qu'il faudra prendre en considération.

De manière générale, l'absence de pension chez bon nombre de personnes qui ont fait un travail indépendant toute leur vie cause un manque énorme dans de nombreux pays. Vous mettez le doigt sur un problème réel. Dans de tels cas, dans certains pays, tout au moins, il y a un objectif, soit de prévoir un filet de sécurité pour que ces gens ne finissent pas leurs jours dans la pauvreté. Si les finances d'un pays ne lui permettent pas de fournir une pension qui est fonction des revenus touchés par une personne pendant ses années productives, tout au moins, le filet de sécurité devrait permettre à cette personne d'éviter la pauvreté.

Vous avez raison. Dans bon nombre de pays, il existe des problèmes bien réels, des drames bien réels.

La présidente : Merci beaucoup. Sénateur Mahovlich, avez-vous un dernier mot à nous dire?

Le sénateur Mahovlich : Je voulais dire qu'il y a un exemple heureux au Canada, celui d'Elliott Lake. Il s'agit d'une localité de retraités, une ancienne localité minière, des mines d'uranium. Lorsque la demande d'uranium a baissé, les responsables ont dû fermer toutes les mines en question. Ils ne savaient pas quoi faire de la ville; ils en ont donc fait une localité de retraités et y ont construit quelques terrains de golf. Je crois que vous devriez y jeter un coup d'œil.

M. Ardavín : Comment est-ce que ça s'appelle?

Le sénateur Mahovlich : Elliott Lake, dans le Nord de l'Ontario.

La présidente : Le sénateur Mahovlich en est originaire.

Le sénateur Mahovlich : C'est cela, et c'est très rural.

La présidente : Voilà qui a été extrêmement intéressant comme matinée pour nous et comme après-midi pour vous. Merci beaucoup à tous de vous être joints à nous pour discuter de ce sujet.

Nous approchons du moment où nous allons produire un très gros rapport. C'est que nous y travaillons depuis un bon moment déjà. Il importe pour nous d'écouter non seulement ce que les gens ont à dire ici au pays, mais aussi ce qu'ont à dire des gens comme vous, qui évoluez dans un coin du monde où les gens sont très engagés dans cette sphère.

Nous vous remercions et vous souhaitons la meilleure des chances dans vos entreprises. Nous allons nous assurer de vous faire parvenir des exemplaires de notre rapport.

M. Villarreal : Merci beaucoup. Nous demeurerons à votre disposition si jamais vous avez besoin d'information ou d'autres points de vue.

Nous avons eu l'occasion de lire le rapport que vous avez produit. C'est un très bon rapport. Il nous a beaucoup appris. Nous espérons maintenir avec vous une collaboration fructueuse.

La séance est levée.


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