Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 9 - Témoignages du 10 avril 2008
OTTAWA, le jeudi 10 avril 2008
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 6, pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts au Canada.
Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je vous souhaite la bienvenue à une autre séance du Comité permanent de l'agriculture et des forêts. Aujourd'hui, nous continuerons à examiner la question du prix des intrants agricoles au Canada.
Les agriculteurs canadiens ont dû faire face à d'importantes hausses du prix des intrants au cours des dernières années. L'Indice des prix des entrées dans l'agriculture produit par Statistique Canada montre par exemple que le prix des engrais et du carburant a augmenté en moyenne de 7,6 p. 100 et de 13,9 p. 100 par année de 2002 à 2006.
Bien que le prix des céréales augmente depuis l'année dernière, la hausse du prix des intrants a eu un impact direct sur la rentabilité des exploitations agricoles. Le comité examinera les causes de la hausse du prix des intrants, et plus particulièrement le prix des intrants au Canada comparativement à ce qui est en vigueur aux États-Unis.
Nous accueillons ce matin M. Paul Wideman, président de W-S Feed & Supplies Ltd. et directeur du comité exécutif de l'Association de nutrition animale du Canada. Nous recevons également Mme Jean Szkotnicki, présidente de l'Institut canadien de la santé animale, et M. Bill Maxwell, président du conseil d'administration de cet institut.
Nous sommes très heureux de vous accueillir parmi nous. Bienvenue.
Paul Wideman, président de W-S Feed & Supplies Ltd. et directeur du comité exécutif, Association de nutrition animale du Canada : Je m'appelle Paul Wideman et je suis membre du conseil d'administration de l'Association de nutrition animale du Canada, ou l'ANAC. Je suis président de la W-S Feed & Supplies Ltd., une entreprise familiale de production d'aliments pour bétail située à Conestogo, dans la région de Waterloo en Ontario.
L'ANAC est l'association nationale de l'industrie canadienne de l'alimentation animale, et représente les compagnies qui fabriquent des aliments destinés au bétail et à la volaille, ainsi que les fournisseurs de biens et services connexes. L'ANAC apprécie vivement cette occasion de s'adresser au comité sur l'importante question des prix élevés des intrants et leur impact sur les producteurs et autres intervenants du milieu agricole dont le bien-être est lié étroitement à celui des producteurs.
L'industrie de l'alimentation animale est certes l'un de ces intervenants puisque les producteurs agricoles sont à la fois nos fournisseurs et nos clients. Il est important de souligner que les éleveurs canadiens de bétail et de volaille représentent l'ensemble de notre clientèle. Lorsque leurs entreprises sont affectées par une situation quelconque, il en est de même pour les nôtres.
Les principaux produits qui servent à la fabrication d'aliments pour animaux sont le maïs et le soja. Le prix plus élevé de ces intrants a aussi fait grimper le coût d'autres ingrédients protéiques et énergétiques qui servent à la fabrication des aliments. Récemment, Statistique Canada déclarait qu'entre septembre 2006 et septembre 2007, les prix de l'orge dans l'Ouest canadien ont augmenté de 60 p. 100 et qu'en Ontario, les prix du maïs ont grimpé de plus de 50 p. 100, une situation qui ne semble pas vouloir s'atténuer depuis septembre. Le maïs coûtait 170 $ la tonne en Ontario en date de la fête du Travail et maintenant, il a passé à 200 $ la tonne métrique. Ensuite, le tourteau de soja coûte maintenant 430 $ comparativement à 313 $ la tonne en septembre.
Les fabricants déboursent aussi beaucoup plus pour les micro-ingrédients, soit les ingrédients, les vitamines et les oligo-éléments qui contribuent à la valeur nutritionnelle des aliments. Plusieurs de ces produits sont fabriqués à même la production de combustibles fossiles et leur prix a monté en flèche à cause de la hausse du prix du pétrole.
Il en résulte que notre industrie paye davantage pour ses intrants mais, bien entendu, nous sommes également des fournisseurs d'intrants. Les aliments que nous fabriquons constituent des intrants importants pour les producteurs. En fait, il s'agit de la plus importante composante-coût dans le secteur de la production animale. Par exemple, les aliments représentent 75 p. 100 des coûts de l'élevage porcin.
Notre industrie est exploitée moyennant des marges très serrées et les intrants représentent au moins 85 p. 100 de notre coût total de production. Nous devons transmettre ces coûts plus élevés à nos clients. Nous avons déployé tous les efforts pour tarder à transmettre certains de ces coûts. Par exemple, lorsque les prix du pétrole ont commencé à augmenter, plusieurs compagnies d'aliments pour animaux n'ont pas immédiatement transmis les coûts plus élevés aux producteurs dans l'espoir qu'il s'agisse d'une tendance à court terme seulement. Cependant, les augmentations sont devenues tellement répandues dans l'industrie du transport que nous devons maintenant transmettre ces coûts sans hésitation.
Certains demanderont possiblement pourquoi l'industrie de l'alimentation animale éprouve tant de difficultés si elle transmet les coûts plus élevés à ses clients. La réponse repose sur le fait que notre viabilité est étroitement liée à celle de nos clients. La hausse du prix des intrants oblige certains producteurs à fermer leurs portes et, de ce fait, notre base de clientèle est à la baisse. Dans le sud de l'Ontario, un certain nombre d'entreprises à usines multiples ont dû en fermer quelques-unes et la situation est même beaucoup plus sérieuse dans l'Ouest canadien. L'ANAC estime qu'au moins 5 p. 100 des établissements ont soit fermé leurs portes ou sont sur le point de le faire. Et, nous ne croyons pas avoir vu le pire de la situation puisque certaines entreprises retardent leur décision pour voir s'il y aura revirement de la situation d'ici quelques mois. Malheureusement, il y a peu de chances que cela se produise.
Comme vous le savez déjà, le taux de change exerce aussi un impact négatif sur les éleveurs de bétail. La dernière fois que les aliments étaient si dispendieux au Canada, soit vers le milieu des années 1990, les producteurs étaient plus en mesure d'accepter l'augmentation des coûts des intrants étant donné que la faiblesse du dollar leur permettait de toucher de bons prix à l'exportation de viandes.
Le taux de change exerce donc un impact certain. De nombreuses meuneries situées à la frontière canado-américaine avaient l'habitude de vendre une importante quantité d'aliments aux États du nord des États-Unis. Maintenant, ces ventes en sont pratiquement au point mort étant donné la parité des devises, un autre facteur qui contribue à la fermeture des meuneries.
Comme nous le savons tous, les solutions à la hausse du prix des intrants sont complexes. J'aimerais aborder rapidement quelques points qui, selon l'ANAC, pourraient être améliorés.
Un certain nombre de nouvelles technologies et de produits sont disponibles de par le monde et peuvent aider à réduire le coût des aliments. Toutefois, la réglementation canadienne décourage le recours à de nombreux ingrédients nouveaux et de rechange étant donné la nature complexe et fastidieuse du processus d'approbation. L'ANAC recommande la modification des règlements qui régissent les ingrédients d'aliments afin que le marché puisse accéder plus facilement à ces nouveaux ingrédients moins dispendieux.
Dans l'ensemble, le régime de réglementation qui régit la fabrication d'aliments est désuet. Ce régime ne permet pas à l'industrie de l'alimentation animale de réagir rapidement aux situations de crise comme celle qui entoure la hausse actuelle du prix des intrants. En théorie, il existe un certain nombre d'ingrédients à coûts réduits qui pourraient être importés des États-Unis, mais ils ne sont pas approuvés ou seront retenus à la frontière.
Les aliments sont plus onéreux au Canada parce que nous avons des exigences supplémentaires en matière de salubrité, y compris en ce qui a trait à l'ESB. Maintenant, l'industrie de l'alimentation animale comprend l'importance de ces mesures de sécurité, et l'ANAC a collaboré étroitement avec le gouvernement fédéral pour établir un mécanisme de mise en œuvre des mesures de protection contre l'ESB. Mais, la conformité à la réglementation porte un prix. Du même coup, nos producteurs doivent livrer concurrence aux produits de viande importés qui ne sont pas assujettis à des règles aussi strictes. La situation n'est vraiment pas juste.
L'ANAC voudrait une réforme visant à réduire les coûts de conformité, tout en assurant l'application des mêmes normes élevées de sécurité. C'est pourquoi nous recommandons que le gouvernement offre aux producteurs une forme de financement pour compenser les coûts plus élevés qui sont associés au renforcement du règlement sur l'ESB.
Avant de terminer, j'aimerais commenter brièvement la stratégie du Canada relativement aux biocarburants. L'industrie de l'alimentation animale est fermement d'avis qu'une stratégie fondée sur le maïs est imprévoyante. Nous devrions plutôt concentrer nos efforts sur la production de biocarburants à même des matériaux qui n'ont aucun impact direct sur la chaîne alimentaire comme les copeaux à brûler ou les sous-produits de la production de méthane. Selon leur plus récente loi sur l'énergie, il semble que les États-Unis se tournent dans cette direction, explorant la possibilité de produire des carburants à partir d'autres biomasses afin d'alléger les pressions exercées sur l'industrie de la production de maïs.
Je vous remercie pour l'attention que vous avez accordée à ces propos. Si vous avez des questions, il me fera plaisir d'y répondre.
Jean Szkotnicki, présidente, Institut canadien de la santé animale : Je souhaite tout d'abord vous remercier d'avoir invité l'Institut canadien de la santé animale à comparaître devant vous aujourd'hui pour parler de la question de l'augmentation des coûts des intrants agricoles. Je suis la présidente de l'Institut. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Bill Maxwell, président de notre conseil d'administration et chef de Boehringer Ingleheim Vetmedica, Division de la santé animale.
Nous sommes une association commerciale unique. Nous représentons les fabricants et les distributeurs de produits pharmaceutiques vétérinaires, de produits biologiques, d'additifs alimentaires et de pesticides nouveaux et génériques servant dans les domaines de l'agriculture et de la médecine vétérinaire au Canada.
Nous sommes une petite industrie. L'industrie de la santé animale au Canada ne représente que 2 p. 100 du secteur mondial en ce domaine. Cela étant dit, les membres de l'ICSA sont responsables de 95 p. 100 des ventes de médicaments conçus pour les animaux de compagnie et les animaux d'élevage au pays, qui totalisent quelque 510 millions de dollars. L'association et ses membres travaillent en étroite collaboration avec les producteurs agricoles du Canada et, comme l'a indiqué M. Wideman, lorsque ces derniers connaissent des difficultés, nous en connaissons aussi. Nous travaillons également auprès des vétérinaires.
Comme vous le savez, les secteurs des grandes cultures et de l'élevage diffèrent grandement. Tandis que le secteur des grandes cultures profite d'une reprise et de marges plus importantes grâce aux usages novateurs réservés aux produits végétaux, tout particulièrement dans le secteur énergétique, le secteur de l'élevage doit composer avec ses pires marchés depuis un certain temps. L'augmentation du coût des intrants dans le secteur de l'élevage est principalement attribuable aux coûts sans cesse croissants des animaux et des ressources énergétiques. Le problème de l'alimentation des animaux est causé par le détournement des céréales, comme le maïs, vers le secteur énergétique, comme l'a dit M. Wideman.
J'aborde maintenant la question des intrants liés à l'industrie de la santé animale. Les biens et les services vétérinaires représentent 1,9 p. 100 du coût des intrants, ou 700 millions de dollars. Cette donnée est demeurée stable au cours des dernières années. En revanche, les carburants nécessaires au fonctionnement de la machinerie représentent maintenant 5,8 p. 100 des coûts, ou 2,1 milliards de dollars. Cette donnée a connu une augmentation de plus d'un demi- milliard de dollars entre 2002 et 2006. De même, l'augmentation du coût du gaz naturel a entraîné une augmentation du coût de l'engrais azoté.
Au chapitre des intrants, les médicaments ne représentent qu'une petite proportion du coût total de la production de bétail et de volailles, comme en témoignent les dépenses nettes de fonctionnement d'Agriculture et Agroalimentaire Canada liées aux exploitations agricoles. Je souligne au passage que les coûts vétérinaires en l'espèce sont établis en additionnant les produits de santé animale aux coûts de reproduction et aux coûts des activités génétiques. Par conséquent, il ne s'agit pas que de coûts vétérinaires, il s'agit d'un champ beaucoup plus large. Nos produits sont comptés dans ce 1,9 p. 100.
Les biens et services vétérinaires représentent une dépense de 700 millions de dollars, ou 1,9 p. 100 des dépenses globales, un montant largement éclipsé par les coûts énergétiques, ceux des aliments et d'autres intrants. Nous estimons qu'il est pertinent pour ce comité d'examiner la question des intrants sous tous ses angles, et de se pencher entre autres sur l'optimisation des ressources pour les agriculteurs canadiens.
L'industrie de la santé animale offre un avantage démesurément grand aux composantes sociales et économiques de ce pays, par rapport à son coût. Parmi les retombées des produits vendus par nos membres et prescrits par des vétérinaires à nos agriculteurs, on note des troupeaux en meilleure santé, ce qui signifie moins de pertes, des animaux de meilleur poids et une gestion plus rentable des troupeaux.
En gros, nos membres fournissent des intrants vitaux aux industries des viandes et de l'élevage, font valoir l'importance de la santé et du bien-être des humains et des animaux et permettent à leur amélioration, contribuent de manière essentielle à l'innocuité des aliments, participent à une agriculture durable et concurrentielle, appuient le commerce et le développement économique mondiaux et contribuent à une économie canadienne fondée sur l'innovation et le savoir.
D'abord et avant tout, nous voulons insister sur le fait que nos produits sont vitaux pour ce qui est de la sécurité des animaux et de l'innocuité des aliments, de l'accès au marché international et des capacités concurrentielles des producteurs canadiens. Nous offrons aux producteurs canadiens un retour d'investissement tout à fait tangible. Lorsque nous regardons le coût des intrants, nous croyons que le Canada peut en faire davantage pour ses agriculteurs. Dans le domaine de l'accessibilité des nouveaux médicaments vétérinaires, les producteurs canadiens sont en véritable situation de désavantage par rapport à leurs concurrents internationaux, et cela nuit à leur classement.
À l'heure actuelle, un produit pharmaceutique vétérinaire est accessible à nos producteurs, en moyenne, environ trois ans plus tard qu'il ne l'est aux producteurs d'autres pays avec qui ils sont en concurrence. Le système est maintenant si déficient que, dans certains cas, certains nouveaux produits qui pourraient aider nos producteurs ne sont jamais introduits sur le marché canadien. Cela s'applique également aux produits génériques qui peuvent avoir pour effet de limiter le prix des nouveaux produits.
Fait intéressant, bien qu'un nouveau produit de santé animale puisse se vendre plus cher par unité qu'un produit plus ancien, cela ne fait pas en sorte d'augmenter le coût d'élevage d'un animal. Cela contribue en réalité à rendre l'animal plus concurrentiel grâce à une meilleure prise de poids ou à un meilleur rendement. Par conséquent, la disponibilité de nouvelles technologies aide les producteurs en leur procurant les avantages que représentent des animaux qui sont en meilleure santé et plus rentables.
Compte tenu des grandes incidences des produits de santé animale sur la rentabilité des agriculteurs, l'accès plus rapide aux produits de santé animale les plus récents ouvrirait la voie à un très grand nombre de possibilités. À l'heure actuelle, le Canada se classe au tout dernier rang parmi ses principaux concurrents en matière de réglementation. Nous soumettons au comité un sondage réalisé en 2006 par la Fédération internationale pour la santé animale intitulé Analyse comparative de la compétitivité de l'industrie canadienne de la santé animale. Ce sondage a été mené dans cinq régions du monde : l'UE, les États-Unis, l'Australie, le Japon et le Canada. Divers chefs d'entreprise et responsables de la réglementation au Canada ont été sondés par une société du Royaume-Uni ayant mené des exercices semblables dans d'autres régions. Les résultats du sondage sont présentés dans un rapport établi en 2007, et 94 p. 100 des entreprises sondées au Canada ont indiqué que le cadre de réglementation était le plus gros obstacle au développement efficace de nouveaux produits. Ce pourcentage surpasse celui des États-Unis et de l'Australie. La Direction des médicaments vétérinaires a mis environ six ans de plus que l'Australie ou l'UE pour mener à bien une évaluation obligatoire des risques liés à un nouveau produit pharmaceutique vétérinaire destiné aux animaux de compagnie ou d'élevage, et plus de trois ans pour un produit générique du même genre. De plus, l'ISAH indique dans son analyse comparative que, contrairement à celles des autres pays industrialisés sondés, les lois canadiennes autorisaient l'importation et l'utilisation au Canada de produits non homologués au Canada. Le Canada permet aux propriétaires d'animaux d'importer des produits pour leur usage personnel, et les professionnels de la santé ont droit d'utiliser des ingrédients pharmaceutiques actifs ou des produits chimiques en vrac. La valeur de ce marché est estimée à 100 millions de dollars, soit 30 p. 100 à 40 p. 100 des recettes issues de la vente de produits homologués au Canada. La lenteur du processus réglementaire et l'utilisation permise de produits de santé animale non homologués au Canada ont freiné les investissements dans les nouvelles technologies de santé animale au Canada.
Il existe un paradoxe majeur dans l'approche du Canada à l'égard des produits de santé animale. Clairement : les retards dans la réglementation ne sont attribuables à aucune question légitime de sécurité. Les produits approuvés au Canada sont généralement les mêmes que ceux approuvés dans d'autres pays industrialisés, mais l'approbation se fait ici des années plus tard. À première vue, la notion d'importation d'ingrédients pharmaceutiques actifs pour usage personnel semble offrir des économies potentielles de coûts aux producteurs. Toutefois, ces produits entrent au Canada sans que les autorités de réglementation du Canada puissent bien les examiner en vue d'assurer leur sécurité et leur efficacité. Ces produits proviennent souvent de sources inconnues ou douteuses, ce qui fait que les producteurs vivent un dilemme, n'ayant pas accès à des produits sûrs homologués au Canada, alors que les aliments importés proviennent souvent de systèmes de production qui utilisent des produits non encore homologués au Canada. En même temps, les failles dans la réglementation canadienne permettent l'accès à des produits non homologués au Canada grâce à leur importation pour usage personnel, et permettent l'utilisation d'ingrédients pharmaceutiques actifs. Les producteurs doivent par la suite vivre avec l'inquiétude de savoir si l'utilisation de ces produits pose un risque pour leur secteur et pour la population canadienne — le secteur en grande partie à cause de préoccupations liées au commerce et à la sécurité.
Bien que nous ayons vu au cours de la dernière année de grands changements positifs à la Direction des médicaments vétérinaires de Santé Canada, l'avancement des travaux à ce chapitre dépend largement d'un seul fonctionnaire. Les changements positifs ayant pour but d'aider les producteurs canadiens devraient être une question de gouvernance, de leadership et un vecteur d'action dans le cadre de nos programmes de réglementation. L'industrie de la santé animale offre des avantages qui surpassent largement ses coûts. Tout en étant relativement peu importante à moins de 2 p. 100 du coût des intrants, l'industrie de la santé animale est vitale. Bref, 700 millions de dollars protègent une industrie des viandes, des produits laitiers et des volailles de 32,3 milliards de dollars; de ce montant, 3,8 milliards de dollars sont générés par les exportations de viandes rouges. En plus de protéger les animaux et les consommateurs, l'industrie de la santé animale protège notre réputation en matière de concurrence. Nous sommes d'avis que c'est de l'argent bien dépensé.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de représenter notre industrie.
La présidente : Monsieur Maxwell, avez-vous des observations à formuler avant que nous passions aux questions des sénateurs?
Bill Maxwell, président du conseil d'administration, Institut canadien de la santé animale : Il n'y a aucun doute que l'industrie de la production animale au Canada, aux États-Unis, et probablement partout dans le monde, est en difficulté. J'ai entendu parler récemment de ce qui se passe en Europe, en Corée, au Japon, aux États-Unis, au Canada et au Mexique, et dans tous ces pays, les producteurs connaissent de graves difficultés. On réduit les troupeaux pour s'ajuster aux réalités du marché. Comme l'a souligné M. Wideman, ces réalités englobent notamment le coût élevé des aliments pour animaux, l'un des coûts de production les plus importants et les plus critiques. Ces coûts sont disproportionnés par rapport au prix du produit final, la viande, vendu au consommateur.
La présidente : Mesdames et messieurs les sénateurs, nous entamons la période réservée aux questions.
Le sénateur Mercer : Les statistiques et les points de vue que vous nous avez exposés sont plutôt étonnants. Supposons que nous soyons en mesure de modifier le règlement régissant les ingrédients qui entrent dans la composition des aliments du bétail et que nous soyons également capables d'offrir aux producteurs une aide financière en vue de compenser les coûts additionnels associés au resserrement de la réglementation relative à l'ESB. Ce sont là, si je comprends bien, vos deux recommandations. Dans quelle mesure les prix diminueraient-ils pour les agriculteurs?
M. Wideman : C'est une bonne question. Je répondrai tout d'abord à la seconde partie — les coûts additionnels qui découlent du règlement relatif à l'ESB et du nouveau règlement en ce qui concerne l'interdiction frappant les aliments du bétail, lesquels sont entrés en vigueur en juillet 2007. L'industrie de la transformation du bétail estime que ces coûts additionnels se situent entre 10 $ et 15 $ par tête de bétail envoyé à la transformation. Or, l'industrie n'est pas prête à absorber ces coûts, de sorte qu'on en arrive à une diminution du prix d'achat consenti aux producteurs canadiens équivalant plus ou moins à ce montant par tête de bétail.
On peut imaginer qu'une compagnie de transformation du bétail qui a le choix d'exercer ses activités au nord ou au sud de la frontière, alors qu'on sait que chaque tête de bétail transformé au nord de la frontière représente un coût supplémentaire de 15 $, offrira un prix inférieur aux producteurs canadiens ou déménagera ses activités d'abattage au sud de la frontière. Comme vous le savez, on peut prendre un animal vivant au Canada, l'envoyer à la transformation aux États-Unis et éviter les coûts liés au règlement relatif à la nouvelle interdiction frappant les aliments du bétail, puis remettre la carcasse à bord du camion, après transformation, et la ramener au nord de la frontière chez Loblaws ou dans toute autre chaîne d'épiceries pour vendre la viande. Pourquoi transformer le bétail au nord de la frontière, si cela signifie un coût additionnel de 15 $ par tête de bétail en raison des frais associés au nouveau règlement relatif à l'interdiction frappant les aliments du bétail?
Le sénateur Mercer : Dans le cas des fermiers américains, qui paie les coûts relatifs au resserrement de la réglementation sur les aliments pour animaux?
M. Wideman : Il n'y a pas de nouveau règlement aux États-Unis qui frappe les aliments du bétail d'une interdiction.
Le sénateur Mercer : Peut-on dire alors que le consommateur américain est exposé à un produit moins sain que le produit canadien?
M. Wideman : Une large part du mandat confié au Groupe de travail sur l'interdiction frappant les aliments du bétail, à l'instar de ce que nous avons fait au Canada, consistait à ajouter un palier supplémentaire à la structure existante visant à assurer la salubrité des aliments. Nous comprenons cela et c'est bien. Le problème réside plutôt dans les coûts additionnels que cela entraîne nécessairement.
Le sénateur Mercer : C'est plutôt une situation sans issue. Nous resserrons la réglementation de façon à rendre notre produit plus sain et à élargir notre accès au marché américain qui, lui, n'applique pas les mêmes règles.
M. Wideman : C'est exact.
Le sénateur Mercer : Nous sommes nous-mêmes nos pires ennemis.
M. Wideman : Vous avez raison; c'est un dilemme. Il faut que les régimes de réglementation reconnaissent ce fait quand ils s'attaquent à un problème — ce qui est habituellement le cas, lorsqu'on essaie de régler un problème perçu par le public ou par une industrie — Si, en resserrant le règlement, vous ajoutez un coût tellement lourd au processus qu'on risque de gagner la bataille mais de perdre la guerre.
Voilà un exemple de ce dont il est question ici. Nous avons gagné la bataille consistant à améliorer la salubrité des aliments. Malheureusement, nous avons placé la barre plus haut au Canada, alors que personne ne l'a fait ailleurs dans le monde. Les autres pays se contentent de savoir que leur système visant à assurer la salubrité des aliments répond aux attentes de leurs consommateurs. Il y a donc ce système à deux paliers de réglementation en matière de salubrité des aliments qui place les producteurs de bétail canadiens dans une position désavantageuse.
Le sénateur Mercer : Vous n'êtes peut-être pas bien placé pour répondre à cette question, mais que se passerait-il si nous réduisions nos exigences pour les ramener au niveau de celles de nos principaux concurrents?
M. Wideman : À titre de représentant de l'ANAC, j'ai fait partie du groupe de travail sur la nouvelle interdiction liée à la salubrité des aliments, et à maints égards, il y a eu du bon travail de fait. A-t-on eu parfois le sentiment de faire double emploi? Avons-nous été pris de court à maintes reprises devant des difficultés auxquelles nous n'avions pas pensé? Oui, il y a toujours de cela dans l'élaboration d'une réglementation. Quand on décide d'améliorer une situation, il arrive souvent que cela entraîne un accroissement des coûts. Or, quand nous nous sommes engagés dans cette voie, personne ne savait à combien s'élèveraient ces coûts. Je crois que l'industrie a été surprise par l'importance de ces coûts additionnels.
Nonobstant la situation en ce qui concerne l'ESB, je suis d'avis que le fait de resserrer le régime de réglementation ajoute inévitablement un coût à tout système. On peut citer le cas de l'ESB en guise d'exemple, mais il faut bien prendre garde de ne pas compromettre la position concurrentielle d'un pays par une réglementation excessive. J'ai bien peur que nous nous engagions très vite sur cette pente, dans ce pays.
Nous ne consommons pas autant de denrées que nous en produisons. Nous sommes un pays exportateur net dans les secteurs qui ne sont pas soumis à la gestion de l'offre, par exemple, le porc et le bœuf. Nous devons être très concurrentiels. Sinon, à qui vendrons-nous notre produit?
Le sénateur Mercer : Cela m'amène à poser une question à l'Institut canadien de la santé animale en ce qui a trait à votre exposé. Au passage, vous nous avez donné l'idée de parler à la Direction des médicaments vétérinaires parce qu'on a mis probablement six années de plus que l'Australie ou l'Union européenne pour mener à terme l'évaluation des risques obligatoire. J'aimerais vraiment connaître le nom de cette fonctionnaire qui a fait un bon travail. Beaucoup de fonctionnaires font du bon travail, mais vous en avez choisi une — c'est peut-être à elle que nous devrions parler.
Dans votre exposé, vous avez mentionné qu'à l'heure actuelle, un médicament vétérinaire devient accessible à nos producteurs environ trois ans plus tard qu'aux producteurs étrangers qui leur font concurrence. Est-ce attribuable uniquement à la réglementation gouvernementale et à la nécessité d'obtenir une approbation?
Mme Szkotnicki : Les retards du Canada dans l'application de sa réglementation ne datent pas d'hier. Il y a maintenant plus de 15 ans que cela dure. Au début de l'an 2000, l'entreprise de M. Maxwell, Boehringer Ingelheim, a pu présenter une demande en vue de faire approuver un nouveau médicament vétérinaire, demande qu'elle a présentée à la Direction des médicaments vétérinaires et qui a attendu quatre ans avant d'atterrir sur le bureau d'un fonctionnaire chargé de l'examiner. Nos retards sont de cet ordre.
Quand j'ai dit qu'une fonctionnaire avait fait bouger les choses, je n'exagérais pas le moins du monde. La Direction des médicaments vétérinaires a apporté des changements majeurs dans la prestation de ses services d'examen des demandes. L'objectif que cette fonctionnaire avait en tête lorsqu'elle s'est jointe à l'organisation était de rattraper le retard. Nous prévoyons maintenant que les retards accumulés dans l'examen des demandes seront éliminés vers la fin de cette année ou peu après.
Les choses vont changer, mais il faut bien comprendre que cela envoie un signal. Les compagnies mettent au point ces produits en vue de les commercialiser sur les marchés internationaux, mais le signal envoyé revient à dire : « Ne vous souciez pas du Canada, qui est tellement loin derrière. La demande relative au Canada n'est pas encore en préparation. » Il nous faut rebâtir cette confiance au sein des compagnies, à savoir que le Canada est favorable à l'entreprise et en mesure de concurrencer les autres organismes de réglementation à l'étranger.
Le sénateur Mercer : C'est un problème typiquement canadien que de nous percevoir comme les bons gars dans le monde. Nous sommes parmi les rares nations à essayer de respecter les règles du jeu. D'autres contribuent à l'établissement des règles et trouvent que c'est une bonne idée, mais ne les respectent pas. Nous pourrions en nommer certaines tout près, mais je m'abstiendrai de le faire.
Est-ce simplement une question de personnel?
Mme Szkotnicki : Ce n'est pas un problème de capacité, si c'est là le sens de votre question. Nous avons un énorme problème de moral au sein de cet organisme depuis quelques années. À mon avis, il s'agit du parent pauvre du secteur des médicaments destinés à l'usage humain à Santé Canada. On ne lui a peut-être pas accordé toute l'attention et toutes les ressources nécessaires, mais à l'heure actuelle, il ne s'agit pas d'un problème de capacité.
Dans l'enquête menée par l'International Federation for Animal Health, j'avais notamment demandé à la firme britannique de faire des comparaisons avec les États-Unis, étant donné qu'il s'agit là de notre partenaire commercial le plus important. Il faut bien reconnaître, cependant, que ce pays est 11 fois plus populeux que le Canada. L'assiette fiscale servant à financer la Food and Drug Administration est donc beaucoup plus grande que celle sur laquelle peut compter Santé Canada.
L'Australie est un pays de 30 millions d'habitants dont les activités commerciales sont axées sur l'exportation. Il m'a semblé qu'il s'agissait d'un cas pouvant très bien se comparer à celui du Canada. Ce pays applique une politique minceur et se montre énergique dans le programme qu'il offre. Ses produits innovateurs se retrouvent sur le marché en même temps que ceux des autres pays, et ses produits génériques sont commercialisés plus rapidement.
Si les Australiens peuvent le faire, nous devrions être capables de le faire aussi. Je ne crois pas qu'il y ait personne au monde qui accuse l'Australie de compromettre la sécurité.
Le sénateur Mercer : Vous avez brossé un tableau plutôt sombre, mais vous avez également indiqué que les choses avaient changé. Ce changement est-il survenu à cause de cette femme dont vous avez parlé, cette fonctionnaire dont nous ignorons le nom? S'agissait-il, pour elle, de quelque chose de nouveau, ou a-t-on en quelque sorte enrichi son mandat? J'aimerais savoir.
Mme Szkotnicki : Il y a un peu des deux. Elle est nouvelle en ce sens qu'elle venait du secteur de la santé publique, soit de la Direction des produits thérapeutiques. À vrai dire, nous entretenons aujourd'hui certaines craintes quant au caractère soutenu de l'amélioration du processus d'examen réglementaire, car elle s'est montrée tellement efficace qu'elle a été promue au sein du ministère. C'est exactement le genre de personne à laquelle j'accorderais une promotion si j'étais gestionnaire à Santé Canada. Cependant, nous nous inquiétons maintenant du vide causé par son départ, sur le plan du leadership, ainsi que de l'absence d'un parti pris pour l'action à la Direction des médicaments vétérinaires, de même que du fait qu'il est toujours possible que notre rendement s'en ressente.
Le sénateur Mercer : Alors que vous m'avez dit qu'il ne s'agissait pas d'un problème de personnel, mais d'un problème de capacité, vous venez tout juste de dire que c'est un problème de personnel, et non un problème de capacité. Je crois que nous venons de mettre le doigt sur un problème, madame la présidente. Il faudra, d'une certaine façon, exploiter ce filon.
Le sénateur Mahovlich : Vous avez parlé de l'Australie. Dans quelle mesure l'Argentine et l'Amérique du Sud sont- elles concurrentielles dans le commerce du bœuf? Elles ont toujours été des exportatrices de bœuf. Ont-elles des réglementations comparables à la nôtre?
M. Wideman : En ce qui concerne le volet de la santé animale, je laisserai Mme Szkotnicki et M. Maxwell répondre à cette question. Je ne connais pas suffisamment la situation au Brésil dans ce domaine.
M. Maxwell : Du point de vue de la réglementation, elles ont tendance à approuver les produits rapidement. Le problème majeur en Amérique du Sud est celui de la fièvre aphteuse. Cela l'a privée d'une foule de marchés potentiels, mais elle est en train de s'organiser. Si l'on prend l'Argentine et le Brésil, particulièrement le Brésil s'il s'agit du porc, ce pays est en voie de se hisser au niveau des principaux concurrents sur le marché mondial.
Ces pays ont la capacité d'adopter rapidement les technologies. De toute évidence, ils satisfont aux exigences sanitaires de l'Europe et du Japon. La conquête de ces marchés exige une réglementation très poussée, et ils parviennent à le faire. Ils sont en train de devenir l'un de nos concurrents majeurs, mais ils n'ont pas à supporter le fardeau que représente la réglementation au Canada.
Le sénateur Mahovlich : Se heurtent-ils au même problème que nous en ce qui a trait aux aliments du bétail? J'ai entendu dire que le Brésil avait épuisé ses ressources forestières et qu'il se tournait maintenant vers la culture du maïs.
M. Maxwell : Voilà une excellente question. Je viens tout juste de lire un article indiquant que ce n'est pas ce qui se passe. On exploite la forêt pour le bois d'œuvre, et non pour les cultures. Le sol de ces forêts ne convient pas, en soi, à l'agriculture.
Le Brésil cultive la canne à sucre, ce qui donne un peu de répit à la culture du soja. Le Brésil est en train de devenir un des premiers producteurs de soja au monde et il est très performant dans ce domaine. Cependant, il utilise la canne à sucre pour produire de l'éthanol, qui servira à son tour à produire de l'énergie, et non pas des cultures vivrières.
M. Wideman : Le régime de réglementation du Brésil relatif à la production d'aliments pour animaux d'élevage est différent de ce que nous connaissons. Comme il a été mentionné, puisque le Brésil est un pays exportateur, il satisfait à toutes les exigences en matière de salubrité des aliments des pays qui importent ses produits. Les exigences de l'UE en particulier sont beaucoup plus strictes que celles que nous avons ici pour nos propres consommateurs de produits de viande. Si le Brésil ne satisfaisait pas à ces exigences, il ne pourrait pas exporter ses produits dans les pays de l'UE pour des raisons de salubrité.
Cette situation montre qu'il est possible d'avoir une confiance élevée dans la salubrité des aliments sans débourser de sommes exorbitantes pour surveiller l'application des règlements. C'est un peu comme une balance. Il faut avoir un équilibre entre les coûts associés à la réglementation et les questions de salubrité qui touchent directement le consommateur. Selon moi, notre problème dans ce pays est que nous avons fait pencher la balance : quand nous renforçons la réglementation, la confiance dans la salubrité des aliments n'augmente pas nécessairement de façon proportionnelle.
De plus, les règlements découlent des lois qui forment notre législation. Par exemple, la Loi relative aux aliments du bétail n'a pas été revue depuis que je suis venu au monde. À partir de cette loi, nous élaborons des règlements qui sont désuets et qui ne tiennent pas compte de la nature compétitive de l'industrie mondiale.
L'ANAC propose que plutôt que de continuer à appliquer des solutions temporaires en réponse aux règlements découlant d'une loi comme la Loi relative aux aliments du bétail, il faudrait regarder ce qui ne va pas avec cette loi et commencer par la base. Car à l'heure actuelle, nous nous acharnons à bâtir une maison branlante sur de mauvaises fondations.
Le sénateur Mahovlich : En quelle année a été adoptée la Loi relative aux aliments du bétail?
M. Wideman : Elle a été adoptée dans les années 1930 et elle a été examinée dans les années 1960.
Le sénateur Mahovlich : On ne s'est pas penché sur cette loi depuis?
M. Wideman : Non.
M. Maxwell : Pour appuyer les dires de M. Wideman, j'ajouterais que nous sommes assujettis à la Loi sur les aliments et drogues, qui est entrée en vigueur en 1953. Le problème, c'est que cette loi a été conçue pour des personnes et non pas des animaux. Il nous faut donc composer avec le fardeau de la réglementation portant sur la santé humaine à laquelle on a ajouté un volet sur les soins vétérinaires; on a seulement pensé à nous après coup.
Nous ne sommes pas une préoccupation secondaire. Nous sommes très différents. Nous travaillons avec des règlements mis au point dans les années 1950. Dans notre situation, cela signifie que notre examen de la salubrité des aliments et des résidus de médicaments dans la viande est fondé sur une évaluation des risques qui date des années 1950.
Les Européens sont plus sensibilisés aux questions de salubrité des aliments et possèdent des outils d'évaluation des risques qui sont différents des nôtres. Comme le délai d'attente qu'ils ont établi pour éviter la présence de résidus de médicaments dans la viande est différent du nôtre, on ne permet pas à nos produits d'entrer sur le marché. Mes produits sont commercialisés en Europe. Nous importons du fromage et d'autres aliments qui viennent de ces produits. Toutefois, au Canada, mes produits sont pris dans le système gouvernemental depuis plus de dix ans. Nous les avons retirés parce que nous ne pouvons pas obtenir de délai d'attente pour la viande et le lait, puisqu'il s'agit de règlements qui datent des années 1950.
Le défi que doivent relever nos industries est d'examiner quelques-unes de ces lois pour les faire entrer dans le nouveau millénaire.
M. Wideman : Il faut le faire parce que les parties concernées sont des organisations axées sur la science. Comme l'industrie des aliments pour animaux est aussi axée sur la science, les règlements qu'on nous demande de mettre en pratique sont des concepts fondés sur des principes scientifiques. Pouvez-vous vous imaginer en train d'essayer de résoudre les mêmes problèmes à l'échelle mondiale à l'aide de concepts scientifiques datant des années 1950 plutôt que d'accepter qu'il y a eu des améliorations au cours des 50 dernières années? La situation est comparable, c'est bien simple...
Selon notre régime de réglementation, on ne devrait avoir aucun résidu, car la seule quantité mesurable de résidus qui soit sécuritaire est zéro. Mais dans les années 1950, le zéro était en parties pour mille comparativement aux mesures d'aujourd'hui qui sont en parties pour billion. Ce que nous disons, c'est qu'il faut arriver en 2008. Mais c'est impossible tant que nous n'avons pas examiné la Loi relative aux aliments du bétail sous toutes ses coutures.
Le sénateur Mahovlich : Je sais que l'Europe, et particulièrement l'Angleterre, éprouve de grandes difficultés à produire des aliments pour animaux et du blé. Pouvons-nous produire plus de blé et plus de maïs? Je crois que oui.
M. Wideman : La réponse changerait selon les personnes assises à cette table. La quantité de récoltes qui peut être produite pour répondre aux différents besoins des pays du monde est un débat intéressant. Mes connaissances ne me permettent pas de dire que si nous prenions toutes les terres arables du Canada pour les consacrer à divers usages, notre production serait suffisante pour répondre aux besoins de l'industrie de l'éthanol, de l'industrie des animaux d'élevage et de toutes les autres pour qui ces produits sont nécessaires.
À un moment donné, la technologie qui nous permet de continuer à produire plus par acre atteindra sa limite. En d'autres mots, nous ne pouvons pas continuer à supposer que puisque nous pouvons récolter un certain nombre de boisseaux de maïs par acre aujourd'hui, nous serons à même de doubler ou de tripler cette production dans cinq ans grâce à la technologie. Aux dernières nouvelles, on ne fabrique pas plus de terres arables. La quantité de terres qui peuvent servir à l'agriculture en Amérique du Nord n'augmente pas. Au contraire, il semblerait qu'elle diminue.
La technologie doit continuer à faire augmenter la productivité de ces terres si nous voulons concrétiser l'idée selon laquelle nous pouvons utiliser de plus en plus de cultures céréalières pour une production qui n'est pas axée sur les céréales. Nous savons que nous pouvons augmenter notre production. On cesse d'exploiter des terres lorsque les prix sont bas. Si les agriculteurs ne reçoivent pas un prix adéquat pour leurs céréales, ils n'en cultiveront plus sur leurs terres. Les prix élevés font en sorte qu'on recommence à exploiter des terres marginales.
Continuer à penser que nous pouvons soutenir la production d'éthanol avec ces terres alors qu'elles devraient plutôt être affectées à d'autres usages est le point principal dans ce débat. Les États-Unis sont confrontés au même dilemme. Quelle superficie devrait être consacrée au carburant, et quelle superficie aux aliments? Avons-nous trouvé un équilibre? Penchons-nous trop d'un côté? Je n'ai pas de réponse à ces questions.
Le Canada est un exportateur net de combustibles fossiles. Selon moi, il est logique que les États-Unis, qui sont un importateur net de combustibles fossiles, se dotent d'une politique visant à soutenir la production d'éthanol de manière à ce qu'ils dépendent moins des importations. Mais comme nous sommes un exportateur net, qu'avons-nous à y gagner?
Le sénateur Gustafson : Je crois que nous sommes trop réglementés. Vous nous avez expliqué sur quoi portait précisément certains de ces règlements. Qui devrions-nous inviter à venir comparaître devant notre comité pour régler ce problème?
M. Wideman : Je crois que l'ACIA gère ce qui découle de la Loi relative aux aliments du bétail. Je ne connais pas assez bien le mode de fonctionnement du gouvernement pour savoir avec qui vous devriez vous entretenir pour commencer le processus d'examen de la Loi relative aux aliments du bétail.
Dites-nous qui sont ces gens, et nous établirons la communication avec eux. Nous voulons que notre organisation prenne des mesures proactives pour régler le problème de façon appropriée une fois pour toutes plutôt que de devoir nous conformer à un document archaïque qui n'offre aucune marge de manœuvre. C'est ce que nous demandons.
On n'y arrivera pas en tant qu'industrie, et les problèmes dont nous parlons aujourd'hui ne seront pas les mêmes dans cinq ou dix ans. Il nous faut une loi qui puisse être examinée régulièrement et qui nous donne une certaine marge de manœuvre; ainsi, l'industrie canadienne pourrait réagir aux changements qui surviennent dans l'industrie à l'échelle internationale. Si la loi est fixe et s'il n'y a ni marge de manœuvre ni processus d'examen, on se retrouve coincé dans le système. Je ne sais pas si l'ACIA ou le Parlement doit entreprendre l'examen de la Loi relative aux aliments du bétail. Peu importe la façon dont nous abordons cette question, nous sommes ouverts à toute suggestion concernant la manière de mettre en branle ce processus.
Le sénateur Gustafson : Laissez-moi vous donner un exemple de la situation. Je parlais avec un agriculteur il y a moins d'un mois. Il traite maintenant son troupeau qui est atteint d'hypodermose en mettant de la poudre sur le dos des bovins, une opération qui vous est certainement familière.
Son troupeau compterait moins d'une centaine de vaches. Pour un troupeau d'une si petite taille, il aurait pu acheter la poudre pour 80 $ aux États-Unis. Il l'aurait payée plus de 300 $ au Canada. Il y a quelque chose qui cloche ici.
M. Wideman : En effet.
Le sénateur Gustafson : Il y a définitivement quelque chose qui cloche. Toute cette situation se répercute sur l'industrie. Ce n'est là qu'un exemple. Tout agriculteur capable de s'organiser sait qu'il doit appliquer de la poudre sur ses bêtes au printemps pour s'assurer qu'elles gardent leurs poils, qu'elles maintiennent leur poids, et ainsi de suite.
Mme Szkotnicki : J'ai assisté à une conférence internationale en compagnie des représentants de la section des produits biologiques vétérinaires de l'ACIA — qui sont chargés d'examiner nos vaccins — et d'un représentant de la Direction des médicaments vétérinaires de Santé Canada. Des représentants des gouvernements et de l'industrie de partout dans le monde ont participé à cette conférence internationale, qui avait lieu à Londres.
Au fil des discussions, on s'est aperçu que l'industrie de la santé animale est bel et bien une industrie mondialisée. Boehringer Ingelheim est en train de développer des produits de calibre international qui permettront de répondre aux exigences des marchés, qui correspondent généralement à un même besoin. Bien que nous nous soyons mondialisés, nos programmes de réglementation sont demeurés inchangés et nous utilisons toujours la technologie des années 1950.
Nous devons soutenir la concurrence. Le contexte n'est pas comparable à celui de la santé humaine, où il faut tenir compte des facteurs émotionnels lorsqu'il s'agit de traiter les maladies humaines. Nous aidons les producteurs à être concurrentiels sur le marché mondial.
Pour répondre à votre question, je crois qu'il faut envisager l'harmonisation de nos règlements à l'échelle internationale. Nous ne pouvons plus nous permettre de jouer les insulaires dans notre approche à l'égard de la réglementation. Pour moderniser les règlements, il faut examiner les pratiques exemplaires des autres pays. Leurs pratiques correspondent-elles à ce que nous voulons faire dans le cadre de notre examen? Pouvons-nous tirer avantage des mesures prises par les autres pays? Avons-nous besoin d'examiner de nouveau les mêmes documents? N'aurions- nous pas intérêt à collaborer avec certains des pays auxquels nous pouvons faire confiance?
De notre point de vue, l'Agence canadienne d'inspection des aliments administre de nombreux programmes touchant les médicaments vétérinaires, mais c'est Santé Canada qui établit la norme. Je réunirais ces deux organisations et leur poserais la question suivante : comment peut-on moderniser nos programmes de réglementation pour pouvoir livrer concurrence au reste du monde, en reconnaissant que notre pays est un exportateur de produits agricoles et qu'il a besoin de règlements concurrentiels?
C'est une réponse générale à votre question. Cela permettrait de réduire au minimum la différence de prix que vous avez relevée.
Le sénateur Gustafson : Hier, nous avons reçu des intervenants du secteur des engrais et des produits chimiques. Cela illustre bien que nous n'accordons pas à l'agriculture toute l'attention qu'elle mérite dans ce pays. Nous avons encore bien du chemin à faire.
Mme Szkotnicki : C'est vrai.
Le sénateur Gustafson : Cela m'amène au prochain sujet : les biocarburants. J'ai eu la chance d'assister à la conférence du gouverneur à Washington il y a environ un mois et demi. Les États-Unis ont fait construire 139 usines. Cela représente près d'une usine par deux jours au cours de la dernière année. La culture du maïs ou du soja ne suffit tout simplement pas à la demande.
Nous faisons face à une nouvelle réalité mondiale, notamment en ce qui concerne les aliments pour animaux. C'est là le véritable problème de l'industrie de l'élevage bovin qui coûte cher et qui nuit à la compétitivité. Le taux de conversion est de un pour huit. Autrement dit, huit livres d'aliments permettent de produire une livre de bœuf.
Je me demande si notre approche environnementale a une incidence sur l'industrie du bœuf, dans une certaine mesure. Le coût des aliments du bétail ne baisse certainement pas. Il pourrait même augmenter cette année. Vos données ne reflètent pas vraiment la réalité des six derniers mois.
M. Wideman : La question des biocarburants est intéressante. Le Canada pourrait se contenter des usines d'éthanol dont il dispose. Comme le prix du maïs varie en fonction du prix établi par le Chicago Board of Trade, tant que les Américains continueront de construire des usines d'éthanol, le prix élevé sera avantageux pour les agriculteurs canadiens. Tant que le maïs sera essentiel aux États-Unis et qu'il sera vendu au prix du Chicago Board of Trade, à mesure que son prix augmente, le prix du maïs pour les agriculteurs canadiens augmentera aussi.
Il n'est vraiment pas nécessaire de construire d'autres usines d'éthanol au Canada, surtout si les contribuables canadiens doivent assumer le coût des subventions qui leur seraient accordées.
Est-il avantageux de créer d'autres modes de production d'éthanol à partir des autres formes de biomasse dont nous avons parlé? Nous pourrions utiliser différentes matières forestières pour produire de l'éthanol. Les cultivateurs et les producteurs de maïs au Canada continueront à être avantagés par la politique des États-Unis. Laissons la politique américaine dicter le prix des céréales à l'échelle mondiale, et les agriculteurs canadiens en bénéficieront.
Il faut s'assurer de ne pas être un exportateur net de maïs. Nous ne le serons pas, peu importe combien d'acres de champs de maïs nous pensons pouvoir cultiver. Le nombre d'acres arables à notre disposition n'est pas si grand. Nous élevons beaucoup plus de bétail, qu'il faut nourrir de maïs. Je n'ai pas les derniers chiffres, mais jusqu'en 2006, le Canada était un importateur net de maïs. Nous devions acheter du maïs aux États-Unis pour nourrir notre bétail.
Pourquoi penser tout à coup que nous deviendrons un exportateur net de maïs, avec les besoins actuels en éthanol?
Le sénateur Gustafson : La situation internationale évolue si vite que nous ne pouvons pas vraiment suivre. La Commission canadienne du blé a informé tous les agriculteurs par lettre qu'elle ferait transiter beaucoup plus de céréales par Thunder Bay. Cela signifie selon moi que la quantité de céréales acheminées vers le sud diminuera. Ce sera un important changement du point de vue international. Partout dans le monde, les stocks d'aliments pour animaux sont plus bas que jamais.
M. Wideman : Si on pense aux stocks qui restent, oui.
Le sénateur Gustafson : Au mieux, toujours d'après ce qui a été dit à la conférence américaine, il faudrait peut-être quatre ou cinq ans pour se rattraper. Mais en même temps, la Chine et l'Inde veulent une meilleure alimentation. Ils veulent du bœuf.
M. Wideman : Oui, c'est vrai.
Le sénateur Gustafson : Une fois l'étape critique passée, il semble que le bœuf pourrait se vendre très cher, si tout le monde n'est pas ruiné d'ici là.
M. Wideman : Lorsque d'autres économies augmentent leur pouvoir d'achat — si on se fie à la plupart des experts — ce qui s'améliore en premier, c'est l'alimentation. On passe des céréales à la viande. Voilà à quoi on doit s'attendre pour la production de viande sur le marché international.
C'est assez encourageant pour l'industrie canadienne de la viande. Le Canada pourrait être un véritable chef de file dans le développement des exportations de viande. Pourquoi? Parce que nous ne sommes que 30 millions de personnes.
Si nous disposons de terres arables pour faire de l'élevage et que nous pouvons vendre de la viande sur le marché d'exportation d'ici 20 ans, nous devrions être un des chefs de file sur la scène internationale, pour ce qui est de transformer les céréales en viande. Nous vendrons de la viande de qualité aux pays qui peuvent se permettre d'acheter nos produits de grande valeur. Ce sera difficile si nous sommes en concurrence avec le Brésil et avec certains autres pays qui réussissent déjà à vendre cette viande moins cher à cause de l'équilibre réglementaire dont nous avons parlé plus tôt. Si nous voulons être dans le marché, nos coûts doivent se situer au même niveau. Lorsqu'on devient un exportateur, on devient un concurrent sur le marché international. Nous devons être concurrentiels.
Le sénateur Gustafson : Est-ce que le gouvernement canadien ou les autorités responsables envisageront une forme de soutien pour nos producteurs et réfléchiront à ce qui va se produire? Car de toute évidence, cela va se produire.
Nous venons d'apprendre qu'un groupe huttérien aurait dû fermer trois grandes porcheries. Ce genre de situation se produit partout au pays. Ceux qui mettent fin à leurs opérations ne les reprendront pas demain. Certains de ces agriculteurs ne reprendront jamais leurs activités.
M. Wideman : C'est vrai.
Le sénateur Gustafson : Avez-vous une idée du nombre?
M. Wideman : Nous ne savons pas combien de fermes porcines au total ont fermé parce que le nombre change tous les jours. La semaine dernière, une annonce a été faite en Saskatchewan selon laquelle un important élevage de porc intégré était carrément sous séquestre. Cette annonce fait simplement suite à bien d'autres.
Le nombre de personnes dont les biens sont mis sous séquestre change si rapidement que le nombre que je vous donnerais aujourd'hui ne serait pas exact demain parce que quelqu'un d'autre aurait fait faillite d'ici là.
Le sénateur Gustafson : Bon nombre des petits producteurs, dont on n'entend jamais parler, apportent une réelle contribution à la productivité dans son ensemble.
M. Wideman : Oui.
M. Maxwell : J'aimerais ajouter un commentaire. Ce que nous constatons en agriculture aujourd'hui, particulièrement dans le secteur des animaux d'élevage, mais certainement aussi dans celui des récoltes, c'est un grand bouleversement au sein de notre industrie. Je ne suis pas né d'hier. J'ai vu les cycles du bétail et du porc à différentes étapes. Les deux pires situations dont j'ai été témoin se sont produites en 1978, année où l'industrie du bétail s'est effondrée en raison d'une surproduction et en 1998, lorsque la même chose est arrivée pour le porc aux États-Unis. Le Canada a été épargné surtout en raison de la faiblesse de notre dollar à l'époque et donc de notre capacité d'être concurrentiels.
Aux États-Unis de 1998 à 2000, toute l'industrie du porc s'est transformée pratiquement du jour au lendemain, en deux ans. Nous avons ri, au Canada, parce que nous ne pensions pas que les Américains pourraient changer si rapidement. Ils l'ont fait, en deux ans.
Ce qui s'est produit à l'époque, c'est que ceux que l'on appelait les producteurs épisodiques, qui cultivaient la terre, avaient des structures en A sur leurs pâturages en Iowa, et quand la situation économique était bonne, quand le prix du maïs était bas, ils élevaient des porcs. Quand le prix du porc devenait trop bas, ils cultivaient le maïs et le vendaient. Ces personnes ont littéralement disparu du jour au lendemain.
Au Canada, nous constatons actuellement la même chose. Il y a beaucoup de producteurs, disons en Alberta, que nous appelons les quatre par quatre par 44; quatre semaines au printemps, quatre semaines à l'automne et 44 semaines dans l'industrie pétrolière. Ces gens ont perdu de l'argent dans le bétail. L'hiver, ils travaillent dans l'industrie pétrolière, et lorsqu'ils reviennent à la maison, ils cultivent la terre, travaillent l'été et reviennent à la maison à l'automne pour les récoltes. Ils retournent travailler dans l'industrie pétrolière l'hiver suivant, et les femmes s'occupent du bétail. S'ils continuent de perdre de l'argent, ils quittent l'industrie agricole pour de bon. Nous voyons beaucoup de producteurs marginaux, comme je les appelle, quitter l'industrie. Nous constatons actuellement un grand bouleversement à cet égard.
Lorsqu'on examine la réalité démographique dans l'agriculture et l'âge des producteurs au Canada, on constate que toute une génération aura bientôt 60 ans et qu'elle travaille toujours la terre, mais que ses enfants ont déjà quitté. Ils voient le prix élevé de la terre et l'absence de profits sur le bétail, et ils quittent l'entreprise. Nous constatons actuellement un changement important.
Au bout du compte, et aussi difficile que puisse être la période que ces familles traversent, l'industrie ne s'en portera que mieux pour le simple fait que nous passons par ces processus évolutifs. Les changements qui se produisent actuellement constituent, selon moi, une vraie catastrophe. C'est irréel.
Sur une note plus réjouissante, je crois que nous nous trouvons au bas de ce que j'appelle le cycle. Ce qui est arrivé de particulier, c'est que l'industrie du bétail et celle du porc étaient en crise au même moment. Ça ne s'est jamais produit. Habituellement, ça se produit en alternance : si l'une est en difficulté, l'autre se porte bien. Je parle de mon industrie parce que je vends des aliments aux producteurs d'animaux. Lorsque les deux sont en crise, les affaires sont extrêmement difficiles pour notre industrie, du point de vue des ventes, parce que les producteurs n'ont pas d'argent pour acheter les intrants qui leur permettent de demeurer concurrentiels.
Nous essayons de leur dire qu'ils devraient acheter nos intrants parce que ça leur permettrait de réduire leurs pertes. Ce message ne passe pas bien. Tu achètes mon produit; tu perds moins d'argent. Cela ne fonctionne pas.
Le sénateur Gustafson : En ce qui concerne les biocarburants, les Américains tentent d'aller vers — du moins, c'est ce qui ressortait de la conférence — des constituants plus grossiers, mais ils affirment que le changement de plantes et l'obtention du produit prendront sept ans. C'est long d'attendre sept ans pour qu'une industrie s'améliore.
M. Wideman : J'ai déjà entendu dire qu'on avait fait passer le maïs en tête de liste pour la production d'éthanol parce que c'était le produit le plus simple à transformer. Nous possédions les connaissances nécessaires pour transformer le maïs en éthanol. La science finira par se développer pour englober ces autres produits, mais il est vrai qu'un cycle de sept ans est particulièrement long.
Vous avez posé une question plus tôt à propos de ce que nous devrions faire pour accroître la compétitivité du Canada. Je crois qu'une des choses que nous devrions faire en tant que pays, et certainement en tant que gouvernement, est la suivante : en affaires, on vous apprend que si vous ne connaissez pas la concurrence, vous aurez bien de la difficulté à être compétitif. En d'autres mots, il ne faut pas sous-estimer ses compétiteurs.
Voici ce que je pense. Prenons les chefs de file mondiaux dans le domaine de l'exportation de viande. Si on se voit comme faisant partie de ce groupe en tant qu'exportateur de viande, est-ce que ça ne vaudrait pas la peine d'essayer de découvrir ce que font les chefs de file de ce secteur? Si quelqu'un veut devenir le prochain grand détaillant, je lui suggérerais d'aller voir comment Wal-Mart est devenu prospère.
Pourquoi ne commençons-nous pas à regarder ce que font le Brésil et l'Australie? Pourquoi rester sur nos positions et penser que leur système a l'air faible? S'ils dominent l'industrie, leur système ne doit pas être si faible. On pourrait certainement décrire la situation en faisant une analogie avec le sport, mais je suggérerais qu'on apprenne très rapidement quels sont les points faibles de nos compétiteurs, qu'on note ce qu'ils font bien et qu'on le reproduise et qu'on améliore les secteurs un peu défaillants, et ce dès maintenant. Si on s'attend à ce que le prix des céréales soit élevé pendant les sept prochaines années, on aurait intérêt à trouver des façons plus économiques de faire notre produit avec des ingrédients qui coûtent cher.
Le sénateur Gustafson : L'an dernier, tout particulièrement, le comité a recommandé que le Canada prépare un projet de loi sur l'agriculture. Les Américains surveillent toujours les événements pour savoir ce qui se prépare. Au cours des dernières années, une période où le prix des céréales était très bas, ils ont réagi à la situation en accordant des subventions. Ils ne leur donnent pas vraiment le nom de « subvention », et ce n'en est pas une. Quant à nous, nous produisons des aliments bon marché pour les consommateurs canadiens.
M. Wideman : Oui, c'est vrai.
Le sénateur Gustafson : Le mot « subvention » ne devrait même pas faire partie du vocabulaire de l'agriculteur. En fait, le gouvernement fait preuve de laxisme, en ce sens qu'il ne cherche même pas à savoir ce qui se passe ni à informer la population canadienne de la réalité. C'est dur de trouver un garçon de la campagne désireux de retourner travailler à l'exploitation agricole. Nous avons besoin d'un projet de loi sur l'agriculture qui nous permette d'améliorer la situation et de prendre conscience des faits nouveaux dans l'économie mondiale.
La présidente : Je crois que le sénateur Gustafson et moi-même, qui siégeons à ce comité depuis très longtemps, parlons d'élaborer un projet de loi sur l'agriculture depuis un bon moment. C'est comme si on parlait dans le vide.
Par contre, il semble qu'on obtienne une véritable réponse de la part de l'industrie, des gens sur le terrain qui disent que c'est ce qu'ils voudraient. Nous allons donc continuer à travailler pour essayer de récolter le fruit de nos efforts.
Le sénateur Gustafson : Le gros problème, c'est que nous ne savons pas ce qui se passe ni ce que font les Américains. Nous ne savons pas non plus ce que fait le Marché commun européen.
Nous devrions surveiller cette situation, car on nous a propulsés dans une économie mondiale et nous n'y étions pas prêts.
Le sénateur Mercer : On nous a jetés à l'eau sans nous apprendre à nager.
Mme Szkotnicki : L'une des raisons pour lesquelles nous avons effectué l'analyse comparative, c'était pour examiner la réglementation canadienne sur les médicaments vétérinaires par rapport à celle d'autres régions avec lesquelles nous sommes en concurrence. C'était l'un des intérêts de notre organisation internationale : examiner ces règlements et étudier les pratiques exemplaires pour tenter d'approfondir la discussion afin que les pays commencent à examiner les pratiques exemplaires et tentent de trouver une façon de les harmoniser.
Le sénateur Hubley : Je veux revenir à votre exposé, monsieur Wideman. Je dirais que, en général, la réglementation sur la fabrication d'aliments pour le bétail est désuète. Vous dites ensuite qu'il existe beaucoup d'ingrédients peu coûteux qui, en théorie, pourraient être importés des États-Unis. Pourriez-vous préciser ce que signifie « ingrédients »? Est-ce qu'il s'agit de produits pharmaceutiques, de matériaux organiques?
M. Wideman : Il existe un groupe que l'on appelle « nouveaux ingrédients alimentaires » et qui arrive sur le marché. Ce sont, par exemple, des enzymes et des probiotiques. Il existe des produits naturels qui pourraient améliorer la capacité des animaux à tirer le meilleur des aliments qu'ils consomment. C'est à peu près la même chose que prendre des enzymes quand on est intolérant au lactose pour limiter les effets de la réaction.
Il manque toute une partie dans nos pouvoirs de réglementation, ce qui nous empêche de même considérer ces produits. Je vais vous donner un bref exemple du manque de logique de cette réglementation. Vous pouvez avoir consommé ce matin un ingrédient qui se trouvait dans votre yogourt, mais, parce que ce même ingrédient n'est pas approuvé pour usage dans les aliments pour le bétail, nous ne pouvons pas nous en servir pour nourrir les bovins ou les porcs. Il y a quelque chose qui cloche vraiment dans tout ça. Nous ne parlons même pas de quelques-unes des choses insensées qui atterrissent dans notre assiette.
On constate aussi un retard. Vous pouvez présenter un produit aux fins d'examen, mais si on n'arrive pas à trouver à quelle catégorie il appartient parce qu'elle n'est pas établie dans la Loi relative aux aliments du bétail, on dit qu'il semble, d'une certaine façon, faire la même chose qu'un médicament et on le refile à Santé Canada. Comme on considère que c'est un médicament, il doit recevoir un DIN et faire l'objet d'une demi-douzaine d'études scientifiques pour en prouver l'innocuité. Toutefois, le fournisseur du produit vous dit que ce n'est pas un médicament, mais vous prétendez qu'il agit comme tel. Très bien, alors dites-nous maintenant ce qu'on doit faire. Eh bien, il n'y a pas de catégorie. On envoie donc le produit dans la pile des produits dont personne ne veut s'occuper. Il s'empoussière dans un coin, et la frustration ne fait que monter.
Par ailleurs, des entreprises canadiennes créent des produits sans égal dans le monde. Une autre frustration vient du fait qu'une grande partie de cette science provient des systèmes universitaires subventionnés par l'argent des contribuables. À l'Université de Guelph, des professeurs créent des produits novateurs de calibre mondial qu'on ne peut pas utiliser au pays, mais qui sont vendus à nos concurrents. Les fruits et légumes qu'ils produisent arrivent ensuite au pays, et vous les mangez. Il y a une erreur fondamentale dans cette situation.
Nous, les représentants de l'industrie de l'alimentation animale, nous disons que nous devons établir un meilleur système qui nous permettra de commencer à utiliser les mêmes produits utilisés par nos concurrents. On achète la même côtelette de porc à l'épicerie parce qu'elle porte la marque du département de l'Agriculture américain, mais nous ne sommes pourtant pas capables de la produire au Canada avec les mêmes produits. Il s'agit du groupe de produits dont nous parlons : les probiotiques, les enzymes et les nouveaux produits entièrement naturels. L'industrie change rapidement, et le gouvernement est à la traîne. C'est le problème avec le régime de réglementation. Nous devons mettre en place un régime qui est en avance sur la tendance scientifique au lieu de nous contenter d'accuser un retard de six ans et demi et de réagir en disant : « Oh, vous voulez dire que nous devons changer notre science maintenant? » Non, la science se transforme d'elle-même. La science suit son propre cours. Le gouvernement doit éviter de se laisser distancer par les progrès scientifiques à venir.
Le sénateur Hubley : Ça valait la peine qu'on le répète.
Mme Szkotnicki : Si nous sommes dans une économie canadienne novatrice fondée sur le savoir, et nous affirmons l'être, nous avons des découvertes canadiennes, mais que nous nous situons au 22e rang dans le monde ne serait-ce que pour pouvoir utiliser nos découvertes canadiennes, c'est plutôt triste. Ça revient à ce que M. Wideman a expliqué au sujet des enzymes et des probiotiques. Nous avons ici à Ottawa des bactériophages, mais nous ne savons pas comment les faire approuver. Nous ne pouvons pas les faire accepter comme étant des aliments. Nous ne pouvons pas non plus les faire accepter à titre de médicaments ou de vaccins, tandis que d'autres pays disent : « Discutons de la façon de réglementer cette technologie et de nous assurer de son innocuité et de son efficacité. » Il existe donc un règlement d'application là-bas. Les entreprises discutent de cette question. Pourtant, on ne peut pas avoir cette discussion ici.
C'est pourquoi nous serons au 22e rang dans le monde sur le plan des découvertes, des découvertes qui ont eu des racines dans les universités subventionnées par l'argent des contribuables et dans les établissements de recherche. C'est un triste dilemme.
Le sénateur Hubley : Je suis d'accord. J'aimerais poursuivre avec la crise que nous avons connue. Vous avez dit que, habituellement, nous n'avons pas de crise du porc et de crise du bœuf en même temps. Pourtant, je viens de l'Île-du- Prince-Édouard, où nous sommes au cœur d'une crise du porc et du bœuf.
Un jeune agriculteur qui vit très près de chez moi à Kensington est venu parler au micro pour implorer les gouvernements d'intervenir. Il a parlé de l'importance de l'industrie agricole au Canada. Il était très sincère, et il a dit : « Je suis un homme jeune, j'ai une jeune épouse, j'ai une famille et je veux être agriculteur, mais est-ce que vous voulez que je sois agriculteur? » C'était très émouvant. Je dois avouer qu'avec ce qu'il a dit, tout le monde s'est arrêté net.
Le constat que nous avons fait, c'est que, même dans les petites collectivités, nous nous rendons compte que si nous n'achetons pas les produits qui viennent de l'île, nos agriculteurs ne réussiront pas. On peut en dire autant du Canada, surtout que nous avons vécu la crise dans l'industrie du bœuf dans l'Ouest.
Pendant un certain temps, nous achetions du bœuf canadien. C'est ce qu'on constate dans une crise. Je me demande ce que nous devrions faire comme comité de l'agriculture et comme gouvernement. Comment pouvons-nous convaincre les Canadiens, qui exigent l'innocuité? Plus que dans tout autre pays, nous sommes fiers que notre bœuf soit le meilleur au monde, mais celui-ci se perd dans les magasins parce que je ne sais pas s'il est marqué. Cependant, j'ai appris davantage sur les risques de consommer du bœuf importé au cours de la dernière crise que je ne l'ai fait depuis longtemps, et ça concernait les pays que vous avez mentionnés.
Est-ce que l'éducation est une part importante de la solution à ce problème?
M. Wideman : Vous décrivez presque le concept dont parlent les États-Unis, soit l'étiquetage indiquant le pays d'origine, dans quel cas vous savez, en tant que consommateur, où a été produit le steak ou la côtelette de porc que vous consommez. C'est une question piège. Si nous étions capables d'avoir cette information grâce à un régime de réglementation plus stricte, eh bien oui, comme consommateur, vous voudriez savoir que le steak que vous mangez est un steak canadien et non un steak produit aux États-Unis.
Il y a beaucoup d'autres enjeux politiques liés à cette question. Pour un exportateur net de porc ou de bœuf, il est difficile de défendre l'argument selon lequel le fait de placer sur les aliments une étiquette indiquant le pays d'origine constitue un obstacle artificiel au commerce. Si nous sommes un exportateur net, voulons-nous que tous les autres pays traitent notre porc et notre bœuf de la même façon?
Ça, c'est vraiment une question piège.
Pour revenir à votre première question, les Canadiens devraient tous les jours s'estimer heureux que les agriculteurs fassent leur métier par choix de vie, indépendamment des pratiques commerciales. J'ai eu l'occasion de parler avec les clients de première ligne, et quand je m'assois à leur table pour déjeuner et que nous parlons de l'avenir de leurs activités, on me dit : « Paul, nous ne continuerons pas si ça n'a pas de sens sur le plan des affaires. »
Vous pourriez penser qu'il est temps que davantage d'agriculteurs en tiennent compte. Cependant, je crains que si chaque agriculteur du pays commence à considérer l'agriculture strictement du point de vue de la rentabilité, comme le font les propriétaires d'entreprises, nous serions dans le pétrin. Les agriculteurs ont investi considérablement dans les biens. Leurs terres coûtent cher. Ils possèdent de l'équipement en termes de biens extrêmement coûteux. Pour ce qui est des liquidités, presque tous exercent leurs activités dans un contexte de déficit. Qui dans le domaine des affaires peut fonctionner ainsi pendant longtemps? Uniquement ceux qui le font parce qu'ils aiment ça. Si soudainement ils décidaient tous de ne plus le faire, nous serions dans un sale pétrin.
Une fois, j'ai entendu dire que si on compare les économies du tiers monde aux économies des pays industrialisés, l'une des différences importantes c'est que les économies des pays industrialisés sont en mesure de nourrir leur population et celle d'autres pays, tandis que les économies du tiers monde ont peine à se nourrir elles-mêmes.
Combien de temps faudrait-il au Canada pour devenir un pays du tiers monde si nous n'avions pas d'agriculteurs pour produire des aliments pour nous?
La présidente : C'est très intéressant. Nous venons tout juste de terminer une étude qui a duré presque deux ans sur la pauvreté rurale. Partout au Canada, nous avons entendu les paroles que le sénateur et vous-même avez prononcées. Je me souviens d'avoir parlé à quelques jeunes agriculteurs qui étaient très bien, dans la petite ville de Picture Butte. Ils disaient exactement ce que nous avons dit aujourd'hui : comment est-il possible de continuer?
C'est un enjeu considérable au Canada. Sénateur Gustafson, vous vouliez ajouter quelque chose?
Le sénateur Gustafson : J'allais expliquer la même chose que vous sur la pauvreté rurale. Nous sommes devenus une société urbaine. Voilà ce qui est arrivé. En même temps, grâce à la force du pays, le Canada rural a été en mesure de produire des aliments et d'assurer le fonctionnement de l'industrie. Je ne jette pas le blâme ni sur un gouvernement ni sur un autre. C'est simplement un fait, c'est ce qui s'est passé. Nous avons dit qu'il n'y aurait tout simplement pas d'économie rurale. Nous découvrons maintenant qu'il doit y en avoir une.
Je crois que nous venons à peine de voir la partie visible de l'iceberg.
M. Maxwell : Puis-je faire des observations sur les questions de réglementation?
La réussite du Canada s'appuie sur le fait que nous sommes une population instruite. Quand on est instruit et que nos jeunes obtiennent un diplôme universitaire, nous avons là une bonne capacité d'innover. Dans une économie mondiale, l'innovation est essentielle à la réussite.
Cependant, nous avons des règlements qui étouffent l'innovation. En passant, nous n'avons pas parlé de l'innovation dans le domaine des récoltes. Notre système de réglementation au Canada étouffe également l'innovation dans ce domaine. Les Américains ont amélioré leur rendement par acre pour divers grains de semence de 10 à 15 p. 100 au cours des cinq dernières années. Nous n'avons rien fait.
Il ne s'agit pas seulement de l'industrie de l'alimentation animale, ni seulement de l'industrie de la santé animale, il s'agit également des récoltes. Ça concerne aussi l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, quoique je crois qu'elle est plus sensible à nos revendications. Les règlements sont un peu plus favorables et nous commençons à voir des changements.
Les règlements en vigueur au pays nous tuent. C'est à nous-mêmes que nous faisons mal.
Le sénateur Gustafson : Comparaissez-vous devant le comité de la Chambre des communes?
M. Maxwell : Non.
Le sénateur Gustafson : Vous devriez.
M. Wideman : Nous avons déjà comparu.
Le sénateur Mercer : Vos commentaires étaient bien formulés. Je veux simplement les souligner. Nous sommes une société instruite, mais nous sommes également instruits dans le domaine de l'industrie et de l'agriculture. Une chose que nous avons négligée au pays, c'est le fait que les agriculteurs, particulièrement les jeunes agriculteurs, sont très bien instruits dans notre pays. Nous avons de très bonnes écoles, universités et collèges qui offrent des cours en agriculture partout au pays. L'un d'eux est situé dans ma province, en Nouvelle-Écosse.
Nous ne reconnaissons pas ce fait. Je ne crois pas que les consommateurs le reconnaissent ou l'apprécient. Je crois qu'il est important de rappeler à la population canadienne que ces personnes sont les meilleurs entrepreneurs du pays. Qui d'autre reprendra les activités année après année et le fera pour un maigre profit ou rien du tout? Les agriculteurs le font avec un grand sourire, ils ont hâte de se lever à cinq heures du matin pour se mettre au travail et ils travaillent jusqu'à 22 heures.
Je voulais commenter la préoccupation concernant l'impression qui a été laissée soit qu'au cours de la crise de l'ESB, lorsque les Canadiens consommaient du bœuf, nous mangions tous réellement du bœuf canadien. La plupart de la viande qui était consommée, particulièrement la viande hachée, était importée. Cela m'a toujours étonné.
J'ai tendance à être très préoccupé au sujet de l'étiquetage indiquant le pays d'origine, étant donné que nous sommes un pays exportateur. Nous en avons parlé lors d'une visite à Washington il y a quelques années. Comme le sénateur Gustafson et le sénateur Fairbairn le savent, cette histoire de pays d'origine semble très attirante pour ceux parmi nous qui sont ultra-nationalistes comme moi. Cependant, lorsque l'on regarde de plus près à qui nous voulons vendre nos produits, ce n'est pas une si bonne idée. Si le Canada et les États-Unis le font, la personne qui va au marché à Charlotte, en Caroline du Nord, et qui voit du bœuf américain ou canadien de qualité A achètera le bœuf américain. Nous le savons. Ce n'est pas un jeu auquel nous voulons nous livrer.
Le sénateur Gustafson : Notre ferme est située près de la frontière. Nous avons eu l'occasion de surveiller ce qui se passe des deux côtés. Les Américains ont toujours la nation à cœur. Qu'il s'agisse d'un sénateur de Los Angeles, de New York ou de Seattle, ils se battent tous pour la nation. Nous ne voyons pas un tel dévouement au Canada. Nous avons besoin de ce genre de dévouement. Sans cela, les choses ne changeront pas.
Mme Szkotnicki : Il nous faut un certain esprit nationaliste pour acheter canadien et appuyer les systèmes de production canadiens et le traitement qui s'ensuit.
La présidente : Merci beaucoup. La réunion a été très importante pour nous. Si je me souviens bien, la semaine prochaine nous tiendrons une séance avec des représentants du gouvernement. Continuez votre travail et tenez-nous au courant. Ces questions n'ont pas de fin, comme le sénateur Gustafson et moi le savons, après toutes nos années au sein du comité. Ce qui est frustrant, c'est que certains sujets dont nous parlons aujourd'hui — comme un projet de loi sur l'agriculture — sont toujours mis de côté. Le temps est peut-être venu d'agir autrement.
Merci. Je vous souhaite tout le succès possible dans ce que vous essayez de faire. De notre côté, nous continuerons à nous battre.
La séance est levée.