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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 10 - Témoignages du 17 avril 2008


OTTAWA, le jeudi 17 avril 2008

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 9 h 1 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts au Canada.

Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour honorables sénateurs, bonjour à tous ceux qui assistent aux travaux du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts par le truchement du web. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude de la question du prix des intrants agricoles au Canada. Ces dernières années, les agriculteurs canadiens font face à d'importantes augmentations du prix des intrants. Par exemple, l'indice des prix des entrées dans l'agriculture de Statistique Canada fait voir que le prix des engrais et des carburants a augmenté en moyenne de 7,6 p. 100 et de 13,9 p. 100 par année entre 2002 et 2006.

Le prix des céréales augmente depuis l'an dernier, mais le prix relativement plus élevé des intrants a une incidence directe sur le degré de rentabilité des exploitations agricoles. Outre les facteurs à l'origine de cette augmentation du prix des intrants, notre comité se concentre particulièrement sur le prix des intrants au Canada par rapport à ce qu'il peut être aux États-Unis.

Ce matin, nous accueillons, du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire du Canada, Andrew Marsland, sous-ministre adjoint, Direction générale des politiques stratégiques, et Jan Dyer, directrice générale, Direction de la recherche et de l'analyse.

Andrew Marsland, sous-ministre adjoint, Direction générale des politiques stratégiques, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Merci, madame la présidente, et honorables sénateurs. Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui pour nous adresser au comité à propos du problème important et pressant auquel est confronté le secteur agricole et agroalimentaire. Au cours des dernières années, plusieurs facteurs ont nui aux activités des agriculteurs canadiens, et l'augmentation du prix des intrants est l'un des éléments importants. Évidemment, cela se répercute sur les marges des exploitants. Nous sommes ici pour vous faire part de ce que nous savons des bouleversements que subit le secteur et nous sommes heureux de pouvoir aider le comité à examiner la question.

Plusieurs facteurs sont à l'origine de l'augmentation récente du prix des intrants agricoles. Certains d'entre eux sont liés aux marchés, d'autres, nombreux, aux pressions qui s'exercent à l'extérieur du secteur, comme le prix du pétrole, et d'autres encore, aux modifications du cadre réglementaire en agriculture. Je commencerai par décrire certains de ces facteurs, puis je traiterai des mesures prises par le gouvernement pour atténuer certaines des pressions.

La pression exercée par le prix des intrants sur les revenus se répercute de façons différentes selon le segment touché dans le secteur. Dans l'ensemble, malgré l'augmentation du coût des intrants agricoles, le revenu monétaire devrait augmenter de 18 p. 100 en 2008, par rapport à 2007. Cette situation s'explique essentiellement par l'augmentation du prix des céréales et des oléagineux, mais il va de soi que la hausse du prix des céréales fait augmenter le prix des aliments du bétail; les éleveurs vivent donc une situation très difficile. La hausse récente de la demande mondiale et la raréfication de l'offre pour les principaux intrants agricoles comme le carburant, les aliments du bétail et les engrais ont exercé des pressions sur la marge de profit d'un grand nombre d'exploitants agricoles. Le ministère prévoit que le coût des intrants agricoles augmentera de 8 p. 100 en 2008 pour atteindre 34,1 milliards de dollars. Cette hausse devrait découler en grande partie de l'augmentation des dépenses associées aux engrais et au carburant.

Le carburant, les engrais et les pesticides sont des intrants importants pour les producteurs de grandes cultures, mais les aliments du bétail et les achats du bétail sont aussi de lourdes dépenses pour les éleveurs. À vrai dire, les engrais représentent une dépense importante pour de nombreux exploitants agricoles canadiens. En 2007, les producteurs canadiens ont dépensé 3,2 milliards de dollars pour l'achat d'engrais, soit une hausse de 20 p. 100 par rapport à 2006. Au Canada, le prix moyen des engrais a augmenté d'environ 20 p. 100 en 2007, ce qui veut dire une augmentation d'environ 509 millions de dollars. Le ministère prévoit que le prix des engrais augmentera encore de 20 p. 100 environ en 2008. En général, le coût des engrais représente environ 8,6 p. 100 des dépenses totales d'exploitation.

Les engrais représentent une dépense particulièrement importante pour la production de grandes cultures. Dans le cas des producteurs de céréales et d'oléagineux, cette dépense représente environ 16,8 p. 100 des dépenses totales. Les engrais constituent également une dépense importante pour d'autres cultures, comme celles des pommes de terre et des légumes. La demande d'engrais est forte non seulement au Canada, mais ailleurs sur les marchés mondiaux. Nous prévoyons que les conditions précaires du marché persisteront en 2008. La forte demande mondiale, combinée à une raréfication de l'offre d'engrais, devrait se traduire par une évolution de l'offre et de la demande qui poussera les prix à la hausse en 2008.

La demande mondiale d'engrais découle de l'augmentation de la demande de production de céréales et d'oléagineux. La demande de céréales est attribuable à de nombreux facteurs : la demande accrue de produits alimentaires de la part de pays qui connaissent une forte croissance démographique, comme la Chine et l'Inde; la raréfication de l'offre de céréales, qui a donné lieu à certaines manœuvres spéculatives sur les marchés céréaliers, et les besoins en céréales, plus particulièrement le maïs et le soja, pour la production des biocarburants.

Le prix des engrais est fixé sur le marché mondial, là où les obstacles au commerce sont peu nombreux, voire inexistants. Le Canada est un important producteur d'azote et de potasse. Selon l'Institut canadien des engrais, en 2005 et en 2006, les exportations canadiennes représentaient 52 p. 100 de la production d'azote, 7 p. 100 de la production de phosphate et 97 p. 100 de la production de potasse. Étant donné qu'il est l'un des plus grands producteurs au monde, le Canada exporte presque toute sa production de potasse ainsi qu'une grande partie de sa production d'azote. En termes monétaires, la plupart de nos échanges depuis 2005, les exportations nettes d'engrais vers les États-Unis se chiffrent à plus de un milliard de dollars par année.

Le carburant représente un autre coût important pour les producteurs. D'après les plus récentes statistiques, les dépenses en carburant des agriculteurs canadiens s'élevaient à 2,1 milliards de dollars, ce qui représente 6,7 p. 100 des frais d'exploitation. Les dépenses en carburant ont augmenté de 34 p. 100 entre 2004 et 2007. Le carburant constitue une dépense particulièrement importante pour les exploitations de grandes cultures et les exploitations serricoles. Le prix du pétrole brut a grimpé en flèche au cours des dernières années, passant du prix moyen de 41 $US le baril en 2004 au prix actuel d'environ 110 $ le baril. Ce matin, j'ai entendu à la radio qu'il a pu atteindre les 115 $ le baril, hier soir, sur les marchés d'Asie. On ne saurait dire avec certitude quel sera le prix du pétrole brut d'ici quelques années, mais il est prévu qu'il demeurera élevé en 2008. Le prix du gaz naturel a fluctué au cours des dernières années, mais il est à la hausse depuis quelques mois en raison d'une demande accrue. Le prix du diesel devrait augmenter de 14 p. 100 en 2008, par rapport à 2007, et les dépenses liées à l'essence devraient grimper de 12 p. 100 cette année. Si le prix du pétrole brut demeure au niveau actuel, ces augmentations pourraient être encore plus marquées.

En 2007, les agriculteurs canadiens ont dépensé 1,8 milliard de dollars en pesticides, ce qui représente une augmentation de 5 p. 100 par rapport à 2006. Nous prévoyons que le prix des pesticides connaîtra une hausse de 3,5 p. 100 cette année. Le prix des pesticides est particulièrement important du point de vue des exploitations agricoles. Dans la plupart des cas, le prix des pesticides devrait augmenter d'environ 2 ou 3 p. 100 cette année.

Quant aux aliments du bétail, les dépenses à cet égard se sont élevées à 5,1 milliards de dollars, c'est-à-dire 15 p. 100 de l'ensemble des dépenses agricoles en 2007. Dans le cas des exploitations porcines, les aliments du bétail comptent pour presque 36 p. 100 des frais d'exploitation. De toute évidence, l'augmentation du coût des aliments du bétail a exercé une pression importante sur les marges des éleveurs, sans compter que ceux-ci doivent aussi composer avec les facteurs cycliques et la hausse du dollar canadien. Comme les prix des denrées demeurent élevés, les coûts des aliments du bétail devraient suivre la même tendance.

Nous sommes également conscients du fait que les règlements visant à protéger la santé et la sécurité des consommateurs ainsi qu'à protéger l'environnement et à assurer le bon fonctionnement du marché peuvent avoir une incidence sur la disponibilité des intrants, comme les médicaments à usage vétérinaire, et les pesticides.

Durant chaque phase du processus de consultation sur Cultivons l'avenir — le prochain cadre stratégique pour l'agriculture à l'échelle fédérale et provinciale —, les participants ont répété qu'il fallait améliorer la réglementation. Les participants se sont entendus pour dire que le Canada doit adopter une réglementation plus rigoureuse qui protège les consommateurs et l'accès aux marchés internationaux, mais les intervenants ont souligné qu'il fallait améliorer la vitesse et la capacité de réaction, pour établir des règles du jeu équitables et encourager l'innovation.

Les intervenants ont mentionné que le processus d'approbation des médicaments à usage vétérinaire au Canada devait faire l'objet d'un examen. Ils estiment que les retards enregistrés au chapitre des demandes d'approbation limitent leur capacité à utiliser de nouveaux produits et les désavantagent sur le plan concurrentiel par rapport à leurs homologues américains. Ce sentiment est également partagé par les intervenants en ce qui concerne l'homologation des pesticides à usage limité au Canada.

Nous reconnaissons l'importance du rôle de la réglementation, et c'est pourquoi notre nouveau cadre stratégique — Cultivons l'avenir — prévoit des initiatives pour régler certains des problèmes qui ont ainsi été soulevés. Nous collaborons avec Santé Canada pour mettre en place un processus plus transparent et plus efficace d'approbation des médicaments à usage vétérinaire, qui vise essentiellement à éliminer les retards dans l'approbation des demandes. L'objectif ultime consiste à soutenir la compétitivité du secteur en améliorant la disponibilité de médicaments nouveaux plus efficaces, et à réduire le coût de cet intrant pour les éleveurs.

En vue d'améliorer la disponibilité de pesticides nouveaux à risque réduit, ces dernières années, la réglementation des pesticides au Canada a grandement progressé. Le Centre pour la lutte antiparasitaire et l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire ont uni leurs efforts pour traiter les questions prioritaires et faire en sorte que le Canada coopère avec ses partenaires internationaux afin d'éviter les obstacles au commerce avec ses principaux partenaires commerciaux, et pour améliorer la compétitivité en augmentant l'offre de nouveaux produits à risque réduit.

Nous allons poursuivre ces initiatives afin de produire les données obtenues grâce aux essais sur le terrain et en laboratoire, éléments nécessaires pour appuyer les demandes d'homologation des nouveaux pesticides à usage limité et afin d'assurer un examen efficace de la réglementation.

De même, le gouvernement a reconnu la nécessité d'aider les producteurs à composer avec la hausse des dépenses des intrants en apportant des modifications clés aux programmes de gestion des risques de l'entreprise. Dans le cadre du budget de 2007, le gouvernement a annoncé le financement à raison de 400 millions de dollars de la prestation liée aux coûts de production, qui vise à aider les producteurs à composer avec les coûts de production élevés connus au cours des quatre dernières années, programme qui a permis jusqu'à maintenant de verser près de 390 millions de dollars aux producteurs. Le programme de paiement des coûts de production offrira une aide additionnelle annuelle de 100 millions de dollars. Les paiements sont conditionnels au sens où ils sont versés là où les coûts de production dépassent les prix reçus par les agriculteurs pour leurs produits. Les détails du programme font encore l'objet de discussions, mais il est établi qu'il sera offert en fonction des besoins et que les paiements ne seront pas forcément versés chaque année. Cela dépend de l'indice des coûts et de l'indice des prix.

Le gouvernement a annoncé le déblocage de 600 millions de dollars supplémentaires pour le démarrage des comptes Agri-Investissement. Étant donné les changements apportés récemment au Programme de paiements anticipés, les éleveurs canadiens en particulier pourront toucher jusqu'à 400 000 $ en paiements anticipés remboursables. Cela pourrait représenter jusqu'à 3,3 milliards de dollars en paiements anticipés. Les modifications apportées permettront aux producteurs d'avoir plus facilement accès à des rentrées de fonds immédiates : les éleveurs de bétail ne seront plus obligés de recourir à un programme de gestion des risques de l'entreprise à titre de garantie pour les paiements anticipés.

Combiné à l'ensemble des programmes de gestion des risques de l'entreprise déjà en place, il aidera les producteurs à faire face aux situations catastrophiques et aux sécheresses et protégera leur marge de profit contre les pertes, grandes ou petites, attribuables à une augmentation des coûts des intrants ou à une diminution des revenus.

Pour conclure, disons que des organismes agricoles et de nombreux producteurs ont soulevé la question de la hausse importante du prix des engrais connu récemment. Nous reconnaissons l'importance pour les producteurs d'une information actuelle et transparente. Pour aider le secteur, deux fois par année, le ministère publie les prix des engrais obtenus grâce au sondage effectué au Manitoba et en Ontario. La publication de ces indicateurs de prix coïncide avec les dates d'ensemencement et d'application après la récolte. Pour appuyer encore le secteur, nous étudions la possibilité de publier un plus grand nombre des données que nous recueillons.

À intervalles réguliers, nous réalisons des sondages et préparons des rapports de synthèse sur la question. En fait, une analyse statistique à long terme a confirmé que pour la période comprise entre 1993 et 2006, les prix moyens des principaux produits au Canada et dans la région frontalière des États-Unis n'étaient pas différents sur le plan statistique. Des différences de prix peuvent survenir à n'importe quel moment. En 2007, une comparaison de nos données de sondage sur les indicateurs de prix des engrais a permis de démontrer que les prix au Manitoba et en Ontario étaient plus élevés que dans les États voisins, sauf dans le cas des prix de l'urée et du phosphate en Ontario. Même si les obstacles commerciaux entre le Canada et les États-Unis sont minimes, le taux de change, les coûts de transport et les conditions des marchés localement peuvent entraîner une variation considérable des prix des engrais d'une région à l'autre. De temps à autre, les prix deviennent démesurés, particulièrement lorsque le marché est aussi instable qu'il l'est actuellement.

Comme je l'ai mentionné, les données pour la période comprise entre 1993 et 2006 ne laissent pas entendre qu'il subsiste des différences de prix qui durent depuis longtemps. En 2007, Keystone Agricultural Producers a demandé au Bureau de la concurrence, qui est chargé des questions de concurrence, d'examiner le dossier. Dans un communiqué publié en octobre dernier, Keystone dit avoir été informé du fait qu'il n'y avait pas suffisamment d'information pour justifier l'institution d'une enquête. Cela dit, le ministère procède actuellement à une analyse approfondie des problèmes soulevés par le secteur. Il est à espérer que nous serons en mesure de publier d'autres informations une fois l'étude terminée.

Nous attendons de recevoir les résultats de votre étude. Grâce à ces résultats et à notre propre analyse de la structure et de la concurrence du secteur, nous serons davantage en mesure de comprendre ce qui est à l'origine de la situation actuelle.

Le sénateur Gustafson : Je remercie les témoins d'être venus comparaître ce matin, et surtout Mme Dyer, qui vient de mon patelin, la région d'Estevan. Elle me dit qu'elle est là depuis 20 ans. Bienvenue à vous, ce matin.

J'ai lu quelque chose de très grave dans le Toronto Star. Je vais citer : « la montée en flèche des coûts alimentaires dans le monde atteint des proportions dignes d'une urgence et menace d'anéantir l'effet de sept ans de lutte contre la pauvreté... »

Je suis sûr que vous avez tous lu les articles portant sur les pénuries alimentaires dans le monde et ainsi de suite. Combien d'usines de biocarburant y a-t-il dans ce secteur? Quelle orientation adopte Agriculture et Agroalimentaire Canada par rapport à la situation locale et mondiale?

M. Marsland : Merci de poser la question, sénateur. Je vais commencer, puis je suis sûr que Mme Dyer complétera ma réponse. Je ne sais pas combien il y a d'usines du genre, mais notre capacité est de l'ordre de 700 millions de litres de biocarburant. Comme vous le savez, le gouvernement a annoncé récemment la mise en œuvre de règles pour le contenu minimal en carburant renouvelable : 5 p. 100 d'éthanol, 5 p. 100 d'essence et 2 p. 100 de biodiesel d'ici 2010-2012.

La question qui sous-tend celle que vous avez posée est la suivante : quelle incidence cela aura-t-il sur le prix des aliments dans le monde? Comme je l'ai mentionné pendant ma déclaration préliminaire, il y a plusieurs facteurs qui jouent sur les coûts alimentaires mondiaux : la demande accrue, un faible rapport stock-utilisation et l'implantation de politiques de recours aux biocarburants. Nous avons examiné quel effet nos politiques auraient sur les prix. Nous avons si peu d'influence sur la donne, et le coût des denrées, comme vous le savez, est fixé sur la scène mondiale. Le coût du maïs, du blé, des céréales et ainsi de suite, est établi sur les marchés mondiaux, et particulièrement aux États- Unis. Notre analyse fait voir que l'action du Canada à cet égard a très peu d'incidence sur les prix.

Jan Dyer, directrice générale, Direction de la recherche et de l'analyse, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Nous avons observé l'augmentation des prix attribuables à la politique canadienne de recours aux biocarburants, et M. Marsland a raison; le programme canadien de recours aux biocarburants est modeste, par rapport à ce qui se fait en Europe et aux États-Unis.

Nous croyons que cela a pour effet de convertir environ un million de tonnes de céréales en éthanol au Canada. L'impact sur les coûts mondiaux devrait être minimal, voire inexistant. Tout de même, pour ce qui est du reste du monde, selon nos estimations, la politique de recours aux biocarburants des États-Unis et de l'Union européenne fera augmenter le prix du maïs d'environ 23 p. 100, et le prix du blé, d'environ 8 p. 100. C'est assez gros pour une politique particulière, mais le phénomène tient pour une grande part au rapport stock-utilisation qu'il y a en ce moment.

Ces dernières années, de nombreux pays ont abandonné l'habitude qu'ils avaient auparavant de détenir des réserves. La Chine et d'autres pays ont toujours détenu une quantité assez élevée, mais ils se défont des réserves en question depuis quelques années. Par conséquent, les réserves sont très faibles — qui dit évolution du marché dit alors instabilité plus grande des prix. Nous observons qu'il y a de ce fait spéculation assez importante autour des marchés de denrées, qui fait que le prix des aliments augmente de façon assez nette lorsqu'il y a évolution sur le marché. De nombreux facteurs entrent en jeu. Les biocarburants représentent certes un facteur d'importance, mais pas la politique canadienne de recours aux biocarburants.

Le sénateur Gustafson : Les mesures américaines à cet égard vont probablement déboucher sur une situation meilleure au Canada du fait que le prix des céréales sera plus élevé. Cependant, à long terme, il va sans dire qu'il faut envisager sérieusement l'orientation que nous voulons prendre à cet égard.

La plupart des statistiques que vous donnez touchent l'année 2006. En 2007 et même en 2008, il y a eu un envol incroyable des prix. Pour donner le cas de l'engrais, au printemps dernier, nos agriculteurs payaient autour de 300 $ la tonne pour s'approvisionner. On me dit que, ce printemps-ci, ça se situe autour de 700 $ la tonne, ce qui est plus que le double. Le même mouvement marque le coût du carburant.

L'agriculteur qui affiche les prix les plus élevés se débrouillera probablement assez bien. Cependant, l'agriculteur qui ne bénéficie pas de céréales à prix élevé, afin de pouvoir cultiver encore, et qui est pris en même temps avec une sécheresse se trouvera dans le pétrin. L'agriculteur bénéficie de prix élevés pour cultiver, mais il ne peut le faire. Étudiez-vous les différents secteurs du pays en envisageant cette situation?

Mme Dyer : La gamme actuelle de programmes de gestion des risques de l'entreprise que nous avons s'applique à des cas particuliers. Pour les programmes fondés sur la marge, nous prenons en considération ce qui se passe dans une exploitation particulière. Aux fins du programme Agri-Stabilité, peu importe que les prix baissent ou que les dépenses augmentent, c'est la marge modifiée qui sert d'élément déclencheur.

En outre, il y a le programme Agri-Investissement qui fait intervenir une cotisation — pour les ventes nettes rajustées — dans un compte d'épargne. De plus, nous avons investi 600 millions de dollars pour lancer le programme; nous avons donc mis des sommes dans les comptes pour que les gens puissent en profiter tout de go. Nous avons ajouté à ces comptes aussi un programme de paiement établi au moyen d'une formule axée sur le coût de production. Comme l'a dit M. Marsland, nous avons déjà injecté environ 390 millions de dollars dans ces comptes et entendons appliquer un programme qui comportera une cotisation annuelle de 100 millions de dollars dans les comptes en question, pour que les agriculteurs puissent avoir accès à des sommes d'argent afin de compenser certaines des pertes dont il s'agit.

Nous avons ces gammes de programmes et les modifications que nous avons apportées à la LPCA pour aider les gens à obtenir des avances au moment de l'ensemencement. Ils vont pouvoir retirer des sommes d'argent et rembourser plus tard. Nous avons porté le maximum de l'avance à 400 000 $ par participant, libre d'intérêts. Les participants peuvent toucher une telle somme d'argent sans délai, s'il leur faut cela pour ensemencer.

Le sénateur Gustafson : Il me semble que les programmes sèment la confusion chez nos agriculteurs. Nous avons eu tant de programmes différents que je crois qu'ils ne s'y retrouvent pas. Même les comptables éprouvent de graves difficultés, et ils y touchent tous les jours. Ma recommandation est la suivante : nous devons simplifier ces programmes pour que l'agriculteur puisse savoir exactement de quoi il retourne, en lisant une ou deux lignes de texte seulement.

M. Marsland : Le défi, sénateur, consiste à trouver le juste équilibre entre la simplicité et la faculté de réponse. Nous avons longuement consulté les producteurs, pendant plus de 18 mois, pour réviser les programmes afin d'atteindre cet équilibre. Cela ne fait aucun doute, la communication avec les producteurs est pour nous un défi. Nous essayons de les renseigner sur les mesures qui sont offertes et sur la façon dont elles conviennent à différentes situations. Nous voulons mettre en place une gamme de programmes qui est stable, prévisible et fiable. Nous avons mis beaucoup de temps à discuter avec les producteurs et les regroupements de producteurs pour essayer d'atteindre l'équilibre voulu, mais c'est un travail qui n'est jamais achevé.

Le sénateur Gustafson : Il me semble que les banques soutiennent de moins en moins les agriculteurs. Autrement dit, elles se referment sur elles-mêmes. Je ne sais pas si c'est l'effet de la conjoncture économique aux États-Unis, mais il est de plus en plus difficile pour un agriculteur d'emprunter.

Le sénateur Mahovlich : Je remercie nos invités d'être venus témoigner. Que vont coûter tous ces intrants et quel sera l'effet sur la main-d'œuvre? Par exemple, je suis rentier, à l'occasion, et j'imagine que les concepteurs de mon régime de retraite n'ont pas songé au fait que le maïs allait augmenter de 23 p. 100. Le coût de la vie va augmenter pour moi. Je songe aux travailleurs des fermes. Ils vont commencer à se plaindre d'ici quelques années.

M. Marsland : Cette question comporte deux aspects. Quel est l'impact de la hausse du cours des denrées sur le prix des aliments au Canada? Jusqu'à maintenant, ça n'a pas été si notable, et ce sont les taux de change qui sont en cause, peut-être en raison de la concurrence dans le secteur de la vente au détail. Selon les plus récentes informations de Statistique Canada, il y a eu une augmentation très modeste du prix des aliments au Canada, si tant est qu'il y en a eu une, alors que, dans d'autres pays, c'est différent parce que ce ne sont pas ces facteurs-là qui entrent en jeu. C'est une préoccupation dans de nombreux pays. Au Canada, nous n'avons pas vraiment vu d'augmentation du prix des aliments, compte tenu du taux de change. C'est un des bienfaits attribuables à la force du dollar canadien.

Le deuxième point concerne la disponibilité de la main-d'œuvre et le coût de la main-d'œuvre du point de vue des producteurs, et il y a là un défi. Ça dépend de la région, bien entendu. Nous savons tous que le marché du travail en Alberta est très serré. Le gouvernement a amélioré le programme des travailleurs agricoles temporaires; dans certains segments du secteur, il importe de faire venir des travailleurs saisonniers. Je crois que ça va continuer à être difficile, étant donné que le marché du travail demeure serré.

Le sénateur Mahovlich : Les États-Unis font qu'il est beaucoup plus difficile pour des travailleurs d'entrer aux États- Unis, surtout du côté de la frontière mexicaine, et cela va entraîner une augmentation du coût de l'agriculture. Quel effet cela aura-t-il au Canada?

Mme Dyer : Nous éprouvons de la difficulté à bien saisir les conséquences pour l'agriculture de la situation du marché du travail. Nous arrivons à nous faire une certaine idée de la disponibilité de la main-d'œuvre, mais nous ne savons pas très bien encore quel sera l'effet des pénuries de main-d'œuvre sur le prix des aliments ou des intrants. Nous essayons actuellement d'esquisser le plan d'une étude détaillée sur les coûts des intrants.

Jusqu'à maintenant, nous nous concentrions sur les engrais, mais nous essayions aussi de savoir comment obtenir davantage d'information du côté de la main-d'œuvre. Nous essayons de déterminer ça, mais, jusqu'à maintenant, nous n'avons que quelques idées en ce qui concerne la disponibilité. Nous ne savons pas encore comment les coûts en question peuvent se traduire en prix, mais nous restons attelés à la tâche.

Le sénateur Mercer : Quelques-unes des statistiques que vous avez présentées pendant votre déclaration préliminaire m'ont intrigué. Vous dites que le revenu monétaire doit augmenter de 18 p. 100 et que le coût des intrants agricoles doit augmenter de 8 p. 100 en 2008. Selon l'arithmétique toute simple que j'ai apprise à l'école, à Halifax, si les revenus augmentent de 18 p. 100 et que le coût des intrants augmente de 8 p. 100, ça ressemble à un gain net de 10 p. 100. Je ne veux pas trop simplifier la chose, mais 18 p. 100 moins 8 p. 100, ça donne 10 p. 100.

Les agriculteurs finiront-ils par avoir des rentrées d'argent plus importantes et un portefeuille mieux garni à la fin de l'année?

M. Marsland : Votre question fait ressortir le problème des statistiques globales. Comme vous le savez, nous avons un secteur agricole diversifié, et les conséquences de la situation diffèrent beaucoup d'un segment à l'autre. Pour le secteur de l'élevage, la situation est devenue difficile. Les aliments du bétail comptent pour 36 p. 100 environ des coûts des producteurs de porc. On a touché le creux atténué du cycle. La production porcine est cyclique; c'est comme une onde radio. Tous les quatre ans, le cycle monte et descend.

Ce que nous avons vu depuis quelques années, cependant, c'est que le cycle devient plus intense dans le sens où les creux sont nettement plus bas et semblent durer plus longtemps cette fois. Les prix sont bas, mais il y a aussi que le coût des intrants est devenu très élevé, pour les aliments du bétail, du fait que le cours des denrées est élevé. Pour les éleveurs de bétail, la situation n'est pas la même.

Pour les cultivateurs céréaliers, cela est partiellement vrai : les prix augmentent plus vite que les coûts des intrants. Les prix n'augmentent pas aussi rapidement qu'ils l'auraient fait si le dollar n'avait été aussi fort, étant donné que les prix sont fixés sur le marché américain. Cela dépend beaucoup du secteur dont il est question.

Ce sont des statistiques globales. C'est ce que nous observons en regardant les recettes globales et les augmentations de coût globales, mais l'effet est très différent d'un segment à l'autre du secteur.

Le sénateur Mercer : En analysant les statistiques, avez-vous regardé en particulier l'industrie du porc? Le gouvernement vient d'annoncer un programme pour inciter toutes sortes de producteurs à abandonner ce secteur, car la situation n'est pas bonne. La hausse du prix des aliments cause des émeutes en Haïti, et il y a à Cuba un marché où le porc est un produit de prédilection.

Avez-vous examiné la question des exportations? Ne développons-nous pas les nouveaux marchés qu'il nous faut? Nous pouvons cultiver ce produit, puis il y a des gens qui meurent partout dans le monde. Il y aura des émeutes alimentaires partout. Plutôt que de nous attacher à la production, je crois qu'il nous faudrait trouver une meilleure façon de distribuer les aliments.

M. Marsland : Nous avons passé beaucoup de temps avec le Conseil canadien du porc et les producteurs à examiner la situation. Nous avons travaillé de concert avec l'industrie du porc à l'établissement d'une stratégie globale visant à régler les problèmes relevés. Cela comprend un examen des problèmes de trésorerie, qui sont très épineux — les améliorations apportées à la LPCA et à la formule des paiements anticipés, qui permet aux agriculteurs d'accéder rapidement à des fonds pour s'en tirer. Nous avons examiné l'aspect production et les problèmes auxquels font face les producteurs ne serait-ce que pour quitter l'industrie qui n'est pas rentable pour eux. Le programme est conçu pour les aider à cesser de produire des porcs pour lesquels il n'y a pas de marché. Nous avons également examiné le cadre réglementaire — les coûts engagés au Canada tout le long de la chaîne de valeur — pour aider les agriculteurs à devenir plus efficients et plus concurrentiels.

Enfin, nous nous sommes attachés aux marchés d'exportation, comme vous l'avez signalé. Nous étudions des façons d'aider les agriculteurs à trouver de nouveaux marchés mondiaux en fournissant un soutien financier à l'industrie du point de vue du développement des marchés. Nous étudions également les obstacles techniques au commerce et d'autres aspects de la situation pour ouvrir les marchés aux agriculteurs. C'est un tableau compliqué pour le secteur porcin, qui est tout à fait de nature continentale. Comme je l'ai dit, les producteurs de porc font face à une situation difficile étant donné les pressions qui s'exercent en ce qui concerne les prix, les coûts des intrants et la force du dollar.

Le sénateur Mercer : Je crains que nous ayons rendu cela trop compliqué. Certaines solutions sont tout à fait simples. Les vétérinaires nous ont parlé il y a une dizaine de jours environ. Ils ont affirmé que l'ajout d'une seule employée à la division, appelée à aider à approuver les médicaments à usage vétérinaire au Canada, a fait une telle différence que c'était comme si tout, subitement, s'était éclairé.

Il me semble que si une seule employée peut produire un tel effet, la solution au problème est assez simple. Depuis, elle a obtenu de l'avancement, ce qui est une bonne nouvelle pour elle, mais une mauvaise nouvelle pour nous parce qu'elle laisse derrière elle ce vide à combler. C'est un problème de gestion qu'il nous faut désespérément régler, faire approuver ces trucs. Nous accusons un retard en ce qui concerne les médicaments à usage vétérinaire aussi bien que les engrais.

Dans la dernière réponse que vous avez donnée, vous avez parlé du programme conçu pour les producteurs de porc. Pendant votre exposé, vous avez dit que le coût du programme de production représentait 100 millions de dollars additionnels en soutien à l'industrie, en faisant allusion au budget du ministre Flaherty. Puis, vous dites que les détails du programme font encore l'objet de discussions.

J'ai trop souvent vu cette situation avec un si grand nombre de programmes gouvernementaux — pas seulement de la part d'Agriculture et d'Agroalimentaire Canada, mais aussi de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et d'autres organismes gouvernementaux. J'ai vu des politiciens des deux bords s'empresser d'annoncer que le gouvernement va dépenser tout cet argent; puis, six mois plus tard, vous apprenez qu'il n'y a pas de mécanisme en place pour demander les fonds, encore moins pour que les fonds puissent être versés.

Pourquoi les 100 millions de dollars en soutien annuel prennent-ils tant de temps à être versés? Pourquoi met-on tant de temps à régler les détails du programme? Les gens ont besoin de l'argent tout de suite.

Mme Dyer : Le programme fondé sur les coûts de production comporte deux parties : les sommes d'argent liées à une partie ont déjà été versées, ce qui représente environ 400 millions de dollars. Ce qui fait l'objet de discussions, c'est la méthode de paiement applicable aux 100 millions de dollars par année. Le choix de l'élément déclencheur fait l'objet de discussions. En ce moment, les responsables se penchent sur un rapport entre l'indice des prix des produits et l'indice des prix des intrants. Ils ont quelques problèmes techniques à régler de ce point de vue-là. Une fois qu'ils auront choisi la méthode de concert avec les provinces et les gens avec lesquels nous discutons du mécanisme, les choses vont aller très rapidement.

Les 400 millions de dollars ont été versés dans le compte d'Agri-Investissement, et les détenteurs des comptes Agri- Investissement auront transféré la somme à leur compte tout de suite. Nous pourrions faire le calcul pour quiconque détient un compte Agri-Stabilité et quiconque détient un compte Agri-Investissement. Nous pouvons verser les sommes dans leur compte immédiatement.

Il ne devrait pas y avoir de retard, une fois le mécanisme choisi et l'approbation du Cabinet obtenue. C'est ce que nous attendons. Nous savons comment ça va fonctionner, essentiellement, et il sera très facile de faire les transferts dans les comptes une fois la question réglée.

Le sénateur Mercer : Vous dites qu'il faut l'approbation du Cabinet. Avez-vous obtenu l'approbation du Conseil du Trésor?

Mme Dyer : Le mécanisme lui-même n'a pas été approuvé. La somme d'argent prévue l'a été, mais pas le mécanisme.

Le sénateur Mercer : Autrement dit, ça se trouve quelque part, mais ça n'a pas encore été approuvé par le Conseil du Trésor ou par le Cabinet. Les agriculteurs — il y en a peut-être qui nous écoutent à la télévision — sont confus et se disent qu'il va falloir un certain temps encore avant que ça ne débloque. Ni l'approbation du Conseil du Trésor ni celle du Cabinet ne sont accordées du jour au lendemain.

M. Marsland : Je vais préciser que l'atteinte d'un certain ratio sert d'élément déclencheur pour que la somme soit versée. Le coût des intrants monte en flèche lorsqu'il y a déséquilibre des prix, puis ça se déclenche; si ce n'est pas la situation, ça ne déclenche pas.

Le sénateur Mercer : Ma dernière question se rapporte à la question que le sénateur Gustafson a posée à propos des biocarburants et de notre capacité de 700 millions de litres, capacité importante. Le sénateur Gustafson siège au comité depuis longtemps, et j'y siège moi-même depuis assez longtemps pour me souvenir de l'époque où nous n'avions pas cette capacité dans le cas des biocarburants. Maintenant, nous avons une capacité énorme. Nous nous trouvons dans une situation où nous recherchons le profit à tirer de la vente de biocarburant, ce qui fait monter en flèche le prix du maïs, du blé et ainsi de suite. Je crois que vous avez dit que le prix du maïs devait augmenter de 23 p. 100, et celui du blé, de 8 p. 100.

Relativement à la situation dans le monde, ma préoccupation est la suivante : étant donné la possibilité qu'il y ait des émeutes alimentaires dans certains pays, si une catastrophe majeure frappe quelque part dans le monde, par exemple une récolte déficitaire en Ukraine ou une grande catastrophe naturelle qui détruit les cultures en Chine, c'est vers le Canada que le monde se tournera naturellement pour avoir de la nourriture. C'est un rôle que nous jouons depuis longtemps et dont le milieu agricole est fier, le fait de pouvoir réagir en ce sens. Cependant, si nous mettons tous nos œufs dans le panier du biocarburant, qu'adviendra-t-il si une telle catastrophe se produit? Si nous devions délaisser cette façon traditionnelle de cultiver pour produire plutôt des biocarburants et que le monde venait frapper à notre porte pour avoir de quoi manger, que dirions-nous?

M. Marsland : Premièrement, il importe de revenir aux points que nous avons formulés plus tôt quant à l'effet de la production canadienne de biocarburant sur le prix de ces denrées, qui est, notre analyse le montre, minimal. Deuxièmement, pour atteindre les objectifs minimaux fixés pour le contenu en carburant renouvelable, en essence et en diesel, selon notre analyse, il faudrait moins de 5 p. 100 de nos terres arables. C'est une partie importante du marché, mais atteindre l'objectif en question ne requiert pas une grande part de nos ressources agricoles. Troisièmement, une bonne part des investissements sont appuyés par des programmes gouvernementaux visant à créer la prochaine génération des carburants renouvelables et à trouver des matières premières de rechange, par exemple la paille et d'autres matières cellulosiques. Pour ce qui est de définir le marché canadien, il y a un mouvement en faveur des nouveaux procédés qui prend appui sur les minimums décrétés.

Je ne suis pas sûr d'avoir répondu à votre question au sujet des conséquences mondiales et de ce qui arriverait dans un tel cas.

Le sénateur Mercer : Je ne suis pas sûr que personne ne puisse y répondre aujourd'hui.

Le sénateur Gustafson : On nous dit que les réserves mondiales de céréales représentent 1 p. 100 des réserves mondiales d'aliments. L'Allemagne a affirmé qu'elle fixe à 10 p. 100 la concentration d'éthanol, et d'autres pays s'engagent dans cette voie. Nous savons que les États-Unis comptent 139 usines de biocarburant qu'il faut alimenter. Si vous songez au fait qu'il y a une telle pénurie d'aliments aujourd'hui et qu'il y a en plus les lois qui obligent à employer tant de biocarburant, vous allez constater que nous avons tout un problème mondial sur les bras.

Comme l'a dit le sénateur Mercer, le Canada vient probablement au premier rang des pays vers lesquels le monde va se tourner. S'il est important de nourrir ceux qui ont faim, en même temps, l'agriculteur canadien ne peut supporter lui- même le goût de l'affaire. Il nous faut une sorte de programme national auquel participent tous les producteurs canadiens.

M. Marsland : Nous tenons des discussions avec le secteur et avec les provinces. Vous savez que l'agriculture est une compétence partagée. Nous discutons depuis 18 mois du projet de cadre stratégique quinquennal pour l'agriculture. Les discussions avec le secteur à ce sujet se sont tenues en cinq étapes. Pour une bonne part, le travail constructif accompli pour déterminer l'avenir du secteur a porté sur l'idée de définir un cadre agricole qui vient appuyer un secteur concurrentiel et innovateur; qui contribue à la réalisation des priorités de la société, qu'il s'agisse de l'environnement, de la santé ou de la salubrité alimentaire; et un cadre qui est proactif pour ce qui est de la gestion des risques. C'est le genre de discussions qu'il nous faut. Est-ce que nous avons trouvé toutes les réponses à ces questions? Je ne crois pas que nous l'ayons fait. Est-ce que nous progressons de concert avec l'industrie à cet égard? Nous progressons en ce qui concerne l'établissement d'une gamme complète de politiques et de programmes qui sont tournés vers l'avenir.

Le sénateur Gustafson : Il y a des pays comme la Russie, par exemple, qui ont fermé la porte à toute exportation d'aliments.

Le sénateur Callbeck : Monsieur Marsland, pendant votre déclaration préliminaire, vous avez parlé du coût des intrants. Vous avez donné des statistiques pour 2008 et avez dit que le coût des intrants devrait augmenter. Avez-vous des prévisions au-delà de l'année en cours? Qu'est-ce qu'il en sera dans cinq ans?

M. Marsland : Nous faisons des prévisions, mais nous demeurons des fonctionnaires. Nous aspirons à la plus grande exactitude possible, mais ce sont des prévisions. Peut-être que Mme Dyer peut décrire les perspectives à moyen terme que nous avons établies. Nous avons achevé récemment certains travaux à cet égard. Je ne suis pas sûr qu'elle puisse décrire cela en deux minutes, mais elle essaiera.

Le sénateur Callbeck : En règle générale, allons-nous être témoins d'augmentations du coût des intrants semblables à celles que nous observons en ce moment?

M. Marsland : Une prévision dépend toujours de l'hypothèse établie au départ. Or, il faut faire une hypothèse concernant le coût du pétrole, ce qui s'est révélé difficile récemment. Nous voyons que le coût des denrées va demeurer élevé dans un avenir prévisible et que ce ne sera pas forcément au niveau actuel. Il y aura encore des difficultés du côté de l'industrie du bétail.

Mme Dyer : Nous établissons des prévisions sur dix ans. Récemment, nous avons publié nos prévisions pour la période allant jusqu'à 2016. Parmi les scénarios envisagés, il y a les suivants : le prix des céréales demeure élevé et peut dépasser même notre prévision initiale, du moins jusqu'en 2016, ce qui veut dire que les éleveurs devront payer cher les aliments du bétail; le coût du pétrole va demeurer élevé sinon atteindre d'autres sommets. Nous avons établi notre prévision en décembre et, à ce moment-là, prévu le pétrole à 80 $ le baril; bien entendu, maintenant, nous savons que le pétrole va probablement demeurer autour de 100 $ le baril ou plus.

Selon nos prévisions à moyen terme, le prix des intrants va continuer son ascension, tant et aussi longtemps que le prix du pétrole demeure élevé et que les politiques que nous avons actuellement demeurent en place. Nous ne voyons rien qui peut baisser au cours des dix prochaines années. Bien entendu, tout peut arriver. Nous ne prévoyons pas ce qu'il adviendra de l'OPEP ni ce qui arrivera si un nouveau procédé vient à ouvrir les perspectives du côté pétrolier. Il n'y a rien de cela qui figure dans nos prévisions, mais si les choses demeurent essentiellement les mêmes durant les dix prochaines années, nous pouvons nous attendre à ce que la tendance que nous observons aujourd'hui demeure.

Le sénateur Callbeck : Quelle sera la tendance en ce qui concerne les pesticides? L'augmentation du prix des pesticides semble être en retard sur l'augmentation du prix des autres intrants. Je crois que ça s'est situé à 3,5 p. 100. Quelqu'un a fait valoir que c'était attribuable à la concurrence dans le domaine.

Mme Dyer : Oui, nous observons bel et bien cette tendance-là du côté des pesticides et des engrais, avec tous les intrants qui expliquent le prix des cultures. Lorsque le prix des cultures augmente, il y a habituellement un intervalle d'une année ou deux qui s'applique, puis le prix des intrants commence à obéir au même mouvement. Nous avons observé cela durant les années 1970, à l'époque où il y a eu des montées subites du prix du blé. Dès que les prix en question ont augmenté, les prix des intrants ont suivi le mouvement. C'est ce que nous observons aujourd'hui.

Le sénateur Callbeck : Prévoyez-vous que le prix des pesticides va connaître de plus importantes augmentations?

Mme Dyer : Nous prévoyons des augmentations pour tous les intrants — les engrais, le carburant et les pesticides. Nous croyons qu'il y a une partie de cela qui va se retrouver dans la prévision. Il y a une tendance à la hausse qui se manifestera là aussi.

Je n'ai pas les statistiques exactes concernant les pesticides devant moi, mais nous nous attendrions à ce que le prix de tous les intrants entame un mouvement ascendant : plus la demande de cultures est accrue, plus la demande à l'égard de tous les intrants qui entrent dans la culture des denrées en question sera accrue. Jusqu'à un certain point, l'évolution du prix ne joue pas parce qu'il faut une certaine quantité pour cultiver. Ça augmente avec l'accroissement de la surface consacrée aux cultures.

Le sénateur Callbeck : Je voulais vous poser une question au sujet des médicaments à usage vétérinaire. Vous avez dit que vous travailliez de concert avec Santé Canada à instaurer un nouveau procédé, de sorte que les médicaments seront accessibles plus tôt et moins chers.

À quel moment prévoyez-vous que les agriculteurs pourront voir l'aboutissement de ce procédé?

M. Marsland : Je crois comprendre que Santé Canada s'attend à éliminer d'ici le début de 2009 l'arrérage dans les approbations et examens en question. Nous fournissons des ressources aux responsables du ministère en question pour qu'ils puissent y arriver. Comme le sénateur Mercer l'a fait remarquer, ce qu'il faut parfois, c'est d'avoir les bonnes ressources. Le besoin de régler cette situation est largement admis.

Le sénateur Callbeck : Combien de temps faudra-t-il pour faire approuver un médicament?

M. Marsland : Je ne connais pas le délai moyen. Je soupçonne que ça dépend du type de médicament et du type d'examen.

Le sénateur Callbeck : Je voulais vous poser une question au sujet de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. C'est une société d'État qui est comptable au ministre. Quelles sont les conséquences du travail d'Agriculture et Agroalimentaire Canada sur les politiques de l'agence?

M. Marsland : Globalement, au Canada, pour ce qui est de la salubrité alimentaire, les normes et les politiques sont fixées par le ministre de la Santé et Santé Canada, et leur application relève de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

Ça dépend de la question en jeu. S'il s'agit de commerce, nous travaillons en très étroite collaboration, comme le sait votre comité. Nous sommes déjà venus témoigner devant vous à propos de l'ESB et avons travaillé en très étroite collaboration avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments pour essayer de rouvrir les marchés.

Sénateur, je ne sais pas si je peux donner une réponse générale à ce type de question générale. Cela dépend beaucoup de la situation. S'il s'agit de santé et de sécurité humaine, le premier responsable est, bien entendu, Santé Canada, et la mise en œuvre relève de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

C'est au ministère qu'il revient d'adopter les moyens d'action à cet égard. Par exemple, il peut s'agir de matières à risque spécifié, de l'interdiction renforcée frappant les aliments du bétail, dont vous avez discuté, je le sais. L'Agence canadienne d'inspection des aliments a mis en œuvre la réglementation renforcée sur les aliments du bétail en réaction au problème de l'ESB. Nous travaillons en très étroite collaboration avec les responsables de l'Agence pour appuyer le secteur et nous mettons en œuvre les mesures adoptées au moyen de programmes fédéraux-provinciaux mixtes visant à faciliter la transition et l'implantation. Voilà un exemple du travail que nous effectuons en collaboration.

Le sénateur Peterson : Notre comité doit relever entre autres le défi suivant : s'assurer que les producteurs obtiennent un prix équitable pour le produit qu'ils vendent, de façon à ce que leur activité demeure viable. L'exposé que vous nous avez présenté ce matin fait état du prix du carburant, des engrais et du matériel, sur lequel notre influence semble minime, pour ne pas dire inexistante; c'est comme cela, c'est malheureux, nous devons composer avec la situation. Ne faudrait-il pas que nous nous attachions à des choses sur lesquelles nous avons prise? Avez-vous des statistiques concernant les affaires réglementaires et le coût de ces affaires pour les producteurs? Y a-t-il chevauchement ou double emploi? Avez-vous des statistiques concernant les frais de transport et les conséquences de la situation pour les producteurs?

M. Marsland : Durant les volets de consultation que nous avons tenus à propos du cadre stratégique Cultivons l'avenir, des producteurs et d'autres intervenants du secteur ont fait valoir que la réglementation constitue une question clé. La réglementation revêt une importance critique car elle permet de protéger le consommateur et notre réputation internationale pour des raisons commerciales, mais il faut être efficient, transparent et prévisible. Dans le cadre de Cultivons l'avenir, beaucoup plus que dans le cadre stratégique pour l'agriculture, l'accent est mis sur la question de la réglementation.

Dans le cadre et jusqu'à la mise en œuvre du Centre pour la lutte antiparasitaire en 2003, en travaillant de concert avec l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, nous avons été témoins d'améliorations notables en ce qui concerne la vitesse à laquelle l'utilisation des pesticides est approuvée au Canada, dans le respect de la fin globale de la réglementation du point de vue de la protection. Nous avons été témoins de beaucoup d'améliorations, et je crois que le secteur le reconnaît. En prenant ça pour point de départ, nous envisageons d'autres secteurs, comme celui des médicaments à usage vétérinaire, et un champ d'action encore plus vaste, en ce qui concerne les allégations relatives à la santé. On peut améliorer la formule de reconnaissance des allégations relatives à la santé, qui peuvent être un important outil de marketing du point de vue des producteurs : pour vendre des légumineuses ou d'autres produits, vous pouvez faire un lien entre la consommation du produit et l'état de santé du consommateur.

En ce qui concerne les transports, le projet de loi C-8 a été adopté récemment. Le ministre des Transports a annoncé un examen des niveaux de service touchant le transport ferroviaire. L'examen, avec le mandat provisoire qui y est associé, a été lancé il y a une semaine ou deux. C'est un facteur important aussi.

Il s'agit de regarder les éléments qui ont une incidence sur la compétitivité du secteur et de les étudier un à un. Il faut pour cela une analyse rigoureuse de ce que nous faisons dans le secteur et adopter les mesures qui s'imposent en rapport avec les points relevés comme étant les plus importants.

Le sénateur Peterson : Nous savons qu'il y a un goulot d'étranglement du côté des affaires réglementaires et des problèmes de transport. Il y a des agriculteurs qui n'arrivent pas à réserver des wagons. Ils n'obtiennent pas le service au moment opportun. C'est la même chose pour les légumineuses. On emplit un conteneur à destination de Montréal. Il y a quelqu'un là-bas qui dit qu'on ne peut envoyer ça à l'étranger, mais il y a un bateau qui attend. Nous avons tous relevé ces problèmes. Qui s'y attache? Vers qui pourrait-on se tourner pour régler des problèmes comme ceux-là? Ça semble assez fondamental. Nous n'avons pas d'emprise sur le prix des engrais. Nous avons renoncé à cela, malheureusement. Cependant, voici une chose que nous pourrions faire.

M. Marsland : Comme je l'ai dit, le ministre des Transports a annoncé, il y a une semaine ou deux de cela, un examen des niveaux de service qui mettra en relief les questions touchant le transport ferroviaire. Je sais que les responsables de l'affaire procèdent à l'examen annoncé par le ministre.

Le sénateur Peterson : Je l'espère.

La question de la pénurie d'aliments revient de plus en plus souvent. Je veux savoir ce que vous en pensez.

Certains pays n'avaient pas les moyens d'acheter quand le prix était de 3 $ le boisseau. Maintenant, il s'élève à 18 $ le boisseau. Les gens n'ont pas d'argent. Que faire? Que peut faire le producteur? On ne peut demander au producteur de résoudre le problème. Il aimerait bien le faire, mais il a besoin d'obtenir un prix équitable en échange de son produit. Qu'adviendra-t-il et où cela se passera-t-il?

M. Marsland : Je ne connais pas la réponse à cette question. Sans nul doute, c'est une question grave qui attire beaucoup l'attention dans le monde.

Notre analyse doit nous permettre entre autres de savoir si c'est une montée subite et temporaire du cours des denrées. Y aura-t-il un rajustement rapide? Selon notre prévision, le cours des denrées va demeurer élevé en comparaison avec les dernières années. Les prix actuels vont-ils se maintenir? Les prix vont-ils baisser? Cela fait partie de l'analyse que nous effectuons.

Le sénateur Peterson : Je crois que les prix se situent tout à fait où ils devraient se situer. Le sénateur Gustafson nous a renseignés sur les prix et, il y a quelques années de cela, les prix étaient les mêmes que durant les années 1960. Depuis, le coût de tous les intrants a augmenté incroyablement. À mon avis, il ne faut pas considérer une diminution du prix des denrées comme une solution.

Mme Dyer : Nous essayons de mettre en relief l'évolution qui, selon nous, va caractériser les prix et leurs fluctuations pour quelque temps encore, étant donné certains des changements qui marquent le marché mondial. Nous essayons de déterminer quel sera l'effet de la réaction de certains autres pays sur la volatilité des prix, de manière à pouvoir refiler cette information importante aux producteurs. Selon nous, nous nous dirigeons vers une période prolongée d'incertitude où les prix seront nettement moins stables que dans le passé. Nous avons déjà été témoins de cela dans le secteur de la production porcine, où les prix sont très instables.

Tandis que les pays s'intéressent davantage à leur disponibilité alimentaire, ils mettent en place des mesures pour protéger leur autonomie alimentaire. J'en suis sûr, vous avez lu que la Chine impose des taxes à l'exportation sur les aliments et que la Russie a mis en place des mesures de contrôle des prix, le Venezuela ayant emboîté le pas. Cela tend à dérégler les signaux du marché. Les prix montent et descendent. Notre but premier, c'est de déterminer quelle signification cela peut avoir pour les agriculteurs canadiens, en ce qui concerne les programmes et leur façon de réagir à la situation. Nous allons obtenir d'autres renseignements sur l'évolution du prix des produits, mais aussi du prix des intrants, qui tendent à suivre le mouvement, comme le sénateur Callbeck l'a fait remarquer, après un certain moment. Si vous voyez le prix des céréales augmenter subitement, sachez que le prix des intrants va emboîter le pas. Nous essayons de déterminer comment faire pour véhiculer davantage d'information sur le marché canadien, pour que les agriculteurs puissent mieux réagir que par le passé à l'instabilité des choses, et pour voir aussi comment nos programmes permettent de réagir à ce genre d'instabilité.

Pour ce qui est de la situation dans le monde, je crois que nous nous attendons à une plus grande instabilité politique que dans le passé. Il y a probablement en ce moment des discussions qui se tiennent à propos de notre contribution à l'aide alimentaire et ainsi de suite. Le rôle premier d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, c'est de renvoyer certaines des informations en question aux producteurs, pour que nous puissions gérer la prochaine période d'incertitude.

Le sénateur Gustafson : Nous envisageons la possibilité d'inaugurer une ère nouvelle dans l'économie mondiale. Je crois que les Canadiens sont très généreux. Quel volume de céréales les agriculteurs donnent-ils à la Banque de céréales vivrières du Canada? Du côté des ONG, c'est probablement là un des meilleurs programmes qui soit. Il y a trois ans, la petite ville de Lampman a demandé qu'on lui fasse don de deux wagons-trémies de céréales; elle en a reçu 12. Je me souviens qu'un immigrant allemand a dit avoir survécu à manger des rutabagas pendant les années de guerre en Allemagne. Il a dit qu'il donnerait avec plaisir un camion de céréales pour aider les gens qui ont faim dans le monde.

Cela fait peut-être trop longtemps que nous tenons la nourriture pour acquise. Les résultats de cette attitude semblent se voir dans les journaux tous les jours. Nous sommes conscients des pénuries alimentaires qu'il y a en Haïti. Avez-vous idée du volume de céréales dont les agriculteurs sont prêts à faire don par le truchement de la Banque des céréales vivrières du Canada?

M. Marsland : Non, je n'ai pas ces statistiques-là, mais nous devons certainement essayer de les trouver et de les transmettre au comité.

Le sénateur Gustafson : Ce programme-là est le résultat de la famine subie par les mennonites en 1925. C'est un très bon programme.

Combien d'agriculteurs comptons-nous au Canada?

Mme Dyer : Nous comptons 229 373 fermes de recensement. Ce sont des fermes de recensement, la « ferme de recensement » étant définie par l'activité de quiconque entend produire des denrées agricoles, de quelque genre que ce soit.

Le sénateur Gustafson : Il doit y avoir un grand nombre de fermes d'agrément.

Mme Dyer : Oui. Il y en a probablement 75 000, moins si on compte les producteurs dont les recettes sont supérieures à 10 000 $ par année.

Le sénateur Gustafson : Combien de gens travaillent à Agriculture et Agroalimentaire Canada?

M. Marsland : En comptant nos chercheurs, partout au pays, il y a environ 6 300 personnes.

Le sénateur Gustafson : Compte tenu de l'économie mondiale, que devrait faire notre comité? Devrions-nous tourner notre regard vers l'Europe? Je crois que notre comité est l'un des meilleurs pour convoquer des témoins et aller rapidement au cœur des questions en jeu. Parfois, nos recommandations ne sont pas prises très au sérieux, mais, parfois, elles le sont.

M. Marsland : Sans doute, à propos de l'avenir, les gens se demandent quelle forme prendra la demande mondiale. Nous avons observé la croissance rapide de la classe moyenne dans des pays comme la Chine et l'Inde. Cette croissance rapide, attribuable à une augmentation des revenus, a débouché sur une modification du régime alimentaire, qui passe d'un régime à base de légumes à un régime qui est davantage à base de viande. Cette évolution du régime alimentaire a de multiples effets, qui, à leur tour, ont une incidence sur la forme que prend la demande. Puis, il y a d'autres tendances — habitudes alimentaires, évolutions démographiques — qui jouent dans d'autres pays. À quoi ressemblera le marché mondial dans dix ans environ? Nous regardons l'information et nous essayons de comprendre, car cela a des conséquences importantes pour le secteur et doit éclairer nos décisions au sujet des marchés qu'il faut viser et des plans d'affaires qu'il faut adopter et ainsi de suite. C'est une question que se posent un grand nombre de personnes devant l'accroissement de la population, l'accroissement de la richesse et l'évolution des exigences du consommateur.

Le sénateur Gustafson : Les gens sont nombreux à venir de différents pays s'installer au Canada. De fait, j'ai rencontré des agriculteurs allemands qui essayaient d'acheter du canola; ils essayaient de l'acheter d'avance, pour les cinq prochaines années, et obtenir des agriculteurs d'ici qui s'engagent à le leur fournir. Je leur ai fait entendre qu'on ne pouvait obtenir d'un agriculteur qu'il s'engage cinq ans d'avance. Tout de même, ça nous dit quelque chose de l'économie mondiale, qu'il s'agisse de canola ou de blé. Il y a une demande. Puis, il y a le fait que c'est une telle part qui est maintenant consacrée aux biocarburants. Notre contribution en vue de l'an 2010 est minime par rapport à ce qui se fait dans les pays comme l'Allemagne sur le marché commun en Europe. Ça enlève un gros morceau de la chaîne alimentaire.

Le sénateur Mercer : Je vais combiner mon travail au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts à mon travail au Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Le sénateur Peterson a soulevé le problème éprouvé à mettre en marché nos produits — pas au Canada, mais ailleurs dans le monde.

Vous avez fait allusion à l'étude que le ministre des Transports a annoncée. Cette étude-là est très importante, et ceux parmi nous qui siègent au Comité des transports surveillent la situation de près et espérons pouvoir y faire quelques contributions. Il y a un problème réel du côté des légumineuses de la Saskatchewan, en particulier, destinées à être expédiées en Extrême-Orient ou en Asie du Sud.

J'ai rencontré un exportateur de Montréal qui achète des produits en Saskatchewan et les exporte en passant par le port de Vancouver. La situation est très mauvaise, de son point de vue, et il est important de le noter d'un point de vue agricole. Il commande 12 conteneurs, mais il sait qu'il ne lui en faudra que six. Il en commande 12 parce qu'il sait qu'il n'en obtiendra pas 12; de fait, il lui en faudrait six et il en obtient quatre. Il a couru un risque et acheté ces produits de bonne qualité cultivés par certains des meilleurs cultivateurs qui soient dans le monde. Pour ce qui est du transport, le temps qu'il faut pour que ça arrive à Vancouver, il faut réemballer à cause des problèmes qu'on connaît — nous avons une taxe sur les conteneurs vides qui circulent au pays, ce qui est de la folie. Puis, le produit reste au quai de Vancouver pendant quelques jours avant de pouvoir être envoyé en Inde, au Pakistan ou en Chine, mais surtout en Inde. La qualité du produit dans le conteneur se détériore tous les jours; le temps qu'il faut pour qu'il arrive en Inde, le produit que l'exportateur de Montréal a acheté à l'agriculteur de la Saskatchewan en vue de le vendre à quelqu'un en Inde n'est plus bon que pour une chose : nourrir le bétail. Il obtient le prix qu'il peut, et tout le monde en souffre.

À mon avis, Agriculture et Agroalimentaire Canada doit mettre beaucoup de temps à contribuer à l'étude en question, qui revêt une importance capitale pour les producteurs. J'utilise comme exemple les légumineuses; c'est un exemple dont il est facile de parler, car on sait à quel point les légumineuses peuvent se détériorer rapidement.

Le sénateur Gustafson a parlé de l'instabilité qui existe sur le marché alimentaire mondial, et vous avez fait allusion à plusieurs pays qui ont fermé leurs portes, limité les exportations ou taxé les exportations de produits de chez eux. Je ne vois pas cette instabilité comme étant une mauvaise chose en soi; j'y vois une occasion à saisir.

Je crois qu'il nous faut vraiment nous attacher à cette situation, et je reviens au cas des porcs. Nous déboursons 50 millions de dollars pour inciter des gens à quitter le secteur porcin, alors que nous produisons des porcs de première qualité et qu'il y a des gens partout dans le monde qui ont besoin de nourriture. Je crois que nous devons mêler tous nos produits à notre marketing. Nous sommes d'excellents producteurs, mais je ne saurais dire que nous sommes d'excellents vendeurs. Nous devons trouver une meilleure façon de mettre en marché nos produits et trouver une façon ou une autre de mesurer ce processus.

Il serait bien de savoir, d'un point de vue statistique, combien de problèmes nous avons. Combien de produits n'arrivent pas au marché à temps et pourquoi cela arrive-t-il? Combien de produits, une fois qu'ils sont arrivés au marché, ne sont de pas la qualité promise par l'agriculteur, sinon par l'intermédiaire qui est l'exportateur?

Est-ce que nous avons des statistiques à propos de ce problème? Est-ce que ça devient un véritable problème, étant donné que, au bout du compte, la personne qui achète les légumineuses de mon ami de Montréal affirme maintenant que la qualité des lentilles, des pois et du reste de ce qui est envoyé depuis la Saskatchewan n'est pas ce qu'elle était ou encore n'est certainement pas ce qu'elle était au moment de la récolte.

M. Marsland : Vous avez soulevé plusieurs questions qui sont importantes et compliquées à la fois. Pour ce qui est des transports, nous avons parlé d'un examen des niveaux de service, qui est très important. De façon plus générale, nous sommes témoins d'une véritable mondialisation de l'agriculture et du commerce agricole. Nous avons toujours exporté des céréales, mais cette forme-là de mondialisation gagne en intensité dans l'ensemble du secteur.

L'industrie des légumineuses, comme vous l'avez fait remarquer, a relevé des problèmes particuliers concernant le transport jusqu'au marché. Le problème tient en partie au fait que le Canada est vaste — la distance entre le champ et le marché compte, tout comme les problèmes que nous devons régler et qui sont attribuables à cette distance. Dans une certaine mesure, je crois que le problème est dû à l'essor incroyable du commerce, particulièrement en Asie — pas seulement le commerce agricole, mais aussi celui d'autres produits — qui se manifeste depuis une dizaine d'années environ. Nous avons discuté de la question et nous allons, comme vous l'avez suggéré, participer vraiment avec le secteur à l'examen en question, à mesure que celui-ci se déroule. D'autres questions méritent notre attention — la disponibilité des conteneurs, par exemple — pour que le secteur des légumineuses puisse mieux envoyer ses produits au marché.

Il y a des occasions extraordinaires à saisir. Pour être franc, l'industrie du porc — que je ne cherche pas forcément à défendre ici — a été témoin d'une augmentation très marquée de la production et des exportations depuis 15 ans. Je n'ai pas les statistiques en main, mais pour bon nombre d'années précises durant la période en question, l'industrie du porc venait au premier ou au deuxième rang mondialement. Elle y est arrivée en accédant aux marchés, pas un seul ni deux, mais à un marché pour chacun des produits, partout dans le monde. C'est une histoire tout à fait remarquable.

Elle fait face à la question suivante : est-elle en mesure de produire de façon rentable au Canada des porcs destinés au marché d'Amérique du Nord? Cela est très clair, elle subit des pertes de l'ordre de 40 $, 50 $ le porc, et même plus, et il est difficile pour elle de poursuivre ainsi. Quand on a affaire à ce genre de rajustement cyclique, il y a toujours des gens qui estiment ne pouvoir tirer de bénéfices de cette activité et qui se retirent. C'est vraiment là la raison d'être du programme, qui a pour complément le programme des paiements anticipés, destiné à ceux qui ont des problèmes de rentrées de fonds, mais qui ont l'impression de pouvoir survivre à la tempête.

Il y a quelques années, nous avons établi avec les intervenants de plusieurs sous-secteurs — le porc en étant un, le bœuf, un autre — un mécanisme baptisé table ronde sur la chaîne de valeur, mené par l'industrie, où sont réunis des représentants de la chaîne de valeur en entier, depuis le producteur jusqu'au détaillant, en passant par l'importateur, le fournisseur en intrants et l'exportateur. L'objectif consistait à s'attaquer aux points que vous avez soulevés — envisager les marchés à moyen et à long termes, cerner les marchés —, à faire ressortir les forces et les faiblesses de l'industrie, à déterminer ce qu'il faut faire. C'est un outil qui s'est révélé puissant. Quand le comité a tenu de nombreuses audiences pendant la crise de l'ESB, je crois que vous avez entendu les intervenants de la table ronde sur la chaîne de valeur critiquer la gestion de la crise.

C'est vraiment cette forme de réflexion stratégique qu'il faut dans le secteur, celle qui permet de voir au-delà du court terme et du moyen terme, qui permet de voir ce qu'il faut faire pour trouver les marchés voulus. En tant que secteur, nous exportons 43 p. 100 de notre production, proportion importante. Nous comptons sur ces marchés mondiaux, si bien que nous devons être habiles à mettre en marché nos produits et adopter des approches stratégiques.

Il n'y a pas de solutions faciles aux questions complexes que vous soulevez. Il faut pour cela une réflexion soutenue, axée sur le long terme, de la part du secteur.

Le sénateur Mercer : Je sais que le ministre Ritz se rendre à Cuba d'ici quelques semaines. J'espère qu'il aura inscrit la question du porc dans ses notes, puisque les Cubains consomment beaucoup de porc et qu'il y a là une occasion à saisir. J'aimerais mieux que nous trouvions une façon de vendre notre porc en réalisant un profit, plutôt que d'inciter les gens à quitter le secteur.

M. Marsland : Il s'en va en fin de semaine. Il sera accompagné de certains représentants de l'industrie. Comme vous le dites, Cuba se révèle un bon marché pour plusieurs produits. Cela a été plus difficile ces dernières années, du fait que les États-Unis ont recommencé l'exportation de produits agricoles.

Le sénateur Mercer : Le transport est un véritable problème. Si vous arrêtez à Cuba, vous devez attendre six mois avant de pouvoir vous arrêter dans un port aux États-Unis. Vous n'allez pas trouver beaucoup d'armateurs qui sont prêts à renoncer à s'arrêter sur les côtes du plus grand marché de la consommation dans le monde.

M. Marsland : L'industrie du porc est active sur ce marché-là.

Le sénateur Gustafson : Les meilleures années que nous avons probablement connues en production de céréales sont les années où les Américains construisaient des cellules à grains et entreposaient le grain. C'est aussi vieux de l'histoire que Joseph dans l'Ancien Testament : il faut rassembler le produit des bonnes années en vue des mauvaises. Le Canada a raté le coche. Nous pouvons faire quelque chose qu'un seul autre pays dans le monde peut faire, la Russie. C'est-à- dire que nos céréales, une fois arrivées à des températures froides se garderont à jamais. Nous en avons eu un exemple cette année. Nous avons eu la présence du cucujide. Presque tous les cultivateurs se sont vu renvoyer une cargaison. À la suite des froids extrêmes que nous avons connus, l'insecte était mort. Le grain était froid, et il est demeuré froid pendant tout l'été.

Je crois savoir que le gouvernement envisage de concevoir un programme pour que les céréales soient entreposées sur les lieux de la ferme. Il investirait une somme d'argent pour la construction de cellules à grain et ainsi de suite, ce qui est une merveilleuse idée. Le sénateur Peterson a parlé des transports. Il y a des moments où le transport ralentit, mais il y a d'autres moments où il serait possible d'acheminer le grain si seulement on pouvait y accéder.

Nous savons que la Russie a perdu une grande partie de sa récolte parce qu'il n'a pas d'installations adéquates pour l'entreposage. C'est un truc que nous n'avons pas vu. Au Canada, les producteurs, le gouvernement et les ministères se penchent sur la question. Je serais favorable à une mesure de ce genre. Les cellules à grain américaines sont toutes vides; elles se sont désagrégées. Je crois que c'est une idée qu'il vaudrait la peine d'explorer.

M. Marsland : Je ne suis pas au courant de ce programme, sénateur Gustafson.

Le sénateur Gustafson : Ils avaient mis sur pied ce programme. Je commence à être trop vieux pour ce travail.

M. Marsland : Je ne suis pas au courant d'un nouveau programme qui favoriserait cela.

Le sénateur Gustafson : Il en est question.

La présidente : Vous pouvez refiler le tuyau.

Le sénateur Mercer : Les statistiques que nos invités nous ont présentées sont très utiles. Elles soulèvent probablement plus de questions qu'elles ne donnent de réponses. Cela aussi, c'est bien. Je tiens à les remercier de ce fait, car ils ont bien stimulé le débat.

La présidente : Je voudrais ajouter aux propos du sénateur Gustafson quand il parlait de l'idée de nous renseigner sur la banque de céréales vivrières. Je sais que, dans le Sud-Ouest de l'Alberta, d'où je viens, et comme le sénateur Gustafson l'a dit, il y a des agriculteurs qui ont fait un effort incroyable, des agriculteurs ayant des racines familiales dans d'autres pays. C'est un programme exceptionnel. Les gouvernements devraient en être très fiers.

Merci beaucoup d'être venus. Nous attendons toutes les réflexions que vous allez juger bon de nous transmettre à la suite de la discussion que nous avons eue aujourd'hui. Si quelque chose vous vient à l'esprit, n'hésitez pas à communiquer avec nous.

M. Marsland : Merci beaucoup, madame la présidente. S'il y a quelque information ou analyse dont le comité a besoin pour compléter son rapport, nous serons heureux de lui prêter assistance.

La présidente : Merci beaucoup.

La séance est levée.


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