Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 11 - Témoignages du 29 avril 2008
OTTAWA, le mardi 29 avril 2008
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts s'est réuni ce jour à 19 h 2 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts au Canada.
Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, mesdames et messieurs les témoins, et tous ceux et celles qui regardent le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, bonsoir. Le comité poursuit aujourd'hui son étude des prix des intrants agricoles au Canada. Les agriculteurs canadiens ont subi des augmentations importantes du prix des intrants ces dernières années. Par exemple, l'indice du prix des intrants agricoles de Statistique Canada montre que les prix des engrais et des carburants ont augmenté en moyenne de 7,6 p. 100 et de 13,9 p. 100 chaque année, entre 2002 et 2006. Le prix des céréales a augmenté depuis l'année dernière, mais l'augmentation du prix des intrants a eu un effet direct sur la rentabilité des exploitations agricoles.
Outre les raisons à l'origine de cette augmentation du prix des intrants, le comité va examiner spécialement le prix des intrants au Canada par rapport aux prix qui sont demandés pour les mêmes produits aux États-Unis. Le régime de réglementation canadien influence l'accès aux intrants et leur prix. Parallèlement, les règlements doivent assurer l'innocuité des produits et faciliter l'accès aux produits innovateurs pour que les producteurs canadiens demeurent compétitifs.
Nous allons entendre ce soir Siddika Mithani et Ian Alexander, de Santé Canada, Paul Mayers et Glyn Chancey, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Nous allons aborder toute une série de questions, et j'invite les honorables sénateurs à poser de brèves questions, de façon à ce que nos témoins aient le temps de nous fournir des réponses complètes.
Paul Mayers, vice-président associé par intérim, Programmes, Agence canadienne d'inspection des aliments : Merci, madame la présidente. Permettez-moi de mentionner que je suis heureux d'avoir la possibilité de comparaître devant le comité.
[Français]
Je me présente aujourd'hui pour discuter de la responsabilité à l'ACIA à l'égard de l'évaluation de l'innocuité et de l'efficacité des nouveaux produits agricoles.
En règle générale, le mot « nouveau » désigne les produits qui ne se trouvent pas encore sur le marché au Canada et dont l'innocuité et l'efficacité n'ont pas encore été confirmées. Le sens précis du terme varie selon le produit et l'utilisation prévue. Je vous parlerai aujourd'hui de trois groupes de produits : les aliments du bétail, les produits vétérinaires biologiques, ainsi que les engrais et les suppléments pour végétaux.
Mes commentaires doivent être interprétés dans le contexte du mandat de l'ACIA qui consiste à veiller à la santé et au bien-être des Canadiens, à l'environnement et à l'économie en préservant la salubrité des aliments, la santé des animaux et la protection des végétaux.
L'ACIA examine les résultats des essais et les preuves scientifiques afin de déterminer quels seront les effets de ces produits sur la santé humaine et animale, ainsi que sur l'environnement et juger de leur efficacité.
[Traduction]
Je vais parler des aliments du bétail par rapport à ces produits. L'ACIA administre un programme national de contrôle des aliments du bétail pour s'assurer que les aliments du bétail fabriqués et vendus au Canada ou importés au Canada sont sans danger, efficaces et étiquetés de façon appropriée. Le programme de contrôle des aliments du bétail consiste notamment à évaluer et à approuver les produits alimentaires, y compris les ingrédients nouveaux et innovateurs destinés à être utilisés dans les aliments du bétail. Ce programme a pour but de protéger les Canadiens, puisque l'innocuité des aliments contribue à celle de la viande, du lait, des œufs et des autres produits animaux destinés à la consommation humaine. Le système profite également aux producteurs, puisque l'efficacité des aliments contribue à la production du bétail et à sa bonne santé. Grâce à la vérification de l'efficacité des différents produits, les agriculteurs canadiens savent que les produits qu'ils achètent donneront les résultats qu'ils affirment pouvoir donner.
Il existe depuis des années une norme de service pour l'évaluation des aliments selon laquelle 90 p. 100 des évaluations doivent être terminées dans les 90 jours. L'ACIA s'efforce d'améliorer constamment le processus d'évaluation pour respecter ou améliorer la norme de service de façon à assurer la commercialisation rapide des nouveaux aliments destinés au bétail. L'industrie et le gouvernement sont tous les deux responsables d'assurer l'innocuité et l'efficacité des aliments pour bétail, des composants de ces aliments et, finalement, de notre nourriture.
Les produits biologiques vétérinaires, le second groupe de produits dont je vais parler aujourd'hui, comprennent des produits comme les vaccins, les toxoïdes, les trousses d'antisérum et de diagnostic. Il faut également vérifier l'innocuité et l'efficacité de ces produits ainsi que leur pureté et leur puissance grâce à des analyses de laboratoire et des analyses sur le terrain des matières fécales des animaux ciblés. Chaque nouveau vaccin fait également l'objet d'une évaluation environnementale.
Nous avons eu un arriéré de demandes d'homologation de nouveaux produits dans ce domaine, mais cet arriéré a maintenant pratiquement été éliminé. Pour rationaliser encore davantage notre système, nous allons accepter les demandes d'homologation présentées par les fabricants américains à l'étape où nos homologues du gouvernement des États-Unis autorisent des essais sur le terrain de l'innocuité des nouveaux produits.
Nous pensons que cette modification nous permettra d'ajouter des commentaires aux données relatives au produit avant que celui-ci soit même homologué aux États-Unis. Cela nous permettra de terminer notre examen peu de temps après que le produit en question est mis en vente aux États-Unis. Les producteurs de détail et les vétérinaires canadiens auront ainsi plus rapidement accès aux nouveaux produits venant des États-Unis. Cela renforcera à la fois leur compétitivité et les résultats touchant la santé du bétail.
Le dernier groupe de produits comprend les nouveaux engrais et suppléments végétaux, y compris ceux qui contiennent des micro-organismes. Les produits qui doivent subir une évaluation avant d'être commercialisés font l'objet d'une évaluation détaillée et scientifique de l'information relative à l'innocuité du produit, à son efficacité et à son étiquetage. Outre la vérification de l'innocuité et de l'effet désiré du produit, l'ACIA examine également leurs effets imprévus et éventuellement préjudiciables sur la santé humaine et sur l'environnement.
Pour accélérer l'approbation des produits, le programme des engrais a mis sur pied un plan d'action à court terme qui vise à faire passer l'arriéré actuel, qui comprend 900 demandes d'homologation actives, à un niveau de base de 300 demandes. Ce plan d'action prévoit une augmentation des ressources consacrées à ce programme, combinée à l'introduction de nouvelles politiques visant à rationaliser le processus d'examen et d'évaluation, sans en compromettre l'intégrité.
Dans tous ces domaines, aliments du bétail, produits biologiques et engrais, l'ACIA collabore activement avec les organismes de réglementation des États-Unis, de l'Europe et d'autres pays pour examiner les bonnes pratiques et rechercher l'harmonisation de la réglementation internationale lorsque cela est possible. La mise en marché de produits sûrs et efficaces est un élément important qui favorise l'innovation et profite à la fois aux producteurs et la société.
[Français]
Je vous remercie de votre intérêt pour la question. Je serai très heureux de répondre à vos questions. Je cède maintenant la parole à ma collègue, Mme Mithani.
[Traduction]
Siddika Mithani, sous-ministre adjointe déléguée, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : J'aimerais remercier le comité d'avoir invité Santé Canada à parler du processus d'homologation des médicaments vétérinaires. J'aimerais commencer par souligner le rôle important que joue Santé Canada dans la protection de la santé des humains et des animaux et dans la sécurité de l'approvisionnement alimentaire du Canada.
Santé Canada évalue et contrôle l'innocuité, la qualité et l'efficacité des médicaments vétérinaires. Le ministère préconise aussi l'utilisation prudente et responsable des médicaments vétérinaires administrés aux animaux destinés à la consommation humaine ainsi qu'aux animaux de compagnie.
[Français]
Pour qu'un médicament soit mis en marché au Canada, le manufacturier doit soumettre des données afin de valider la sécurité, la qualité et l'efficacité du produit selon les conditions de l'utilisation. Une nouvelle demande d'homologation qui est produite par un manufacturier doit satisfaire à toutes les exigences de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement, qui sont administrés par Santé Canada.
[Traduction]
Un nouveau médicament doit contenir l'information suivante : la composition chimique et la fabrication du nouveau produit, les études pharmacologiques et de toxicité, les études cliniques animales, les études des résidus de tissu, s'il s'agit d'un médicament pour les animaux destinés à la consommation.
La vente d'un nouveau médicament vétérinaire au Canada n'est autorisée que si Santé Canada est convaincu que le médicament est sans danger pour les animaux à traiter et efficace pour les utilisations prévues du médicament pour lesquelles sa mise en marché a été autorisée; le médicament ne laisse pas de résidus nocifs qui pourraient constituer un risque pour la santé des humains qui consommeraient des produits alimentaires provenant d'animaux traités; et il s'agit d'un produit de qualité supérieure et uniforme, correctement emballé et étiqueté.
[Français]
Santé Canada joue un rôle essentiel en ce qui a trait à l'établissement de limites maximales de résidus associées à des périodes de retrait qui permettent de s'assurer que les niveaux de résidus peuvent être ingérés quotidiennement sur la durée de vie sans poser des risques indus pour la santé humaine.
[Traduction]
J'ai examiné le témoignage que votre comité a reçu sur le système d'homologation des médicaments vétérinaires, et j'aimerais saisir cette occasion pour souligner que le ministère a pris plusieurs mesures pour améliorer l'efficacité et la rapidité du processus d'homologation des médicaments vétérinaires.
Un nouveau système de suivi des présentations de drogue a récemment été mis en place afin de mieux coordonner le processus réglementaire d'évaluation. Ce système permet aux fabricants de suivre la progression de leurs présentations tout au long du processus d'examen.
[Français]
Santé Canada continue de travailler avec l'industrie à l'élaboration de processus et de documents d'orientation, qui facilitent la préparation de présentations bien structurées et complètes.
[Traduction]
Le ministère continue d'encourager les réunions préalables au dépôt des présentations afin d'informer l'industrie des attentes de Santé Canada en matière de présentation de médicament.
[Français]
Je suis heureuse d'informer le comité que Santé Canada anticipe éliminer son accumulation de drogues vétérinaires dès le début de 2009.
[Traduction]
En plus, il est important que le comité sache que Santé Canada travaille avec ses partenaires internationaux à la diffusion de l'information concernant l'approbation et le suivi des médicaments vétérinaires.
Santé Canada continue de participer aux activités de comités internationaux telles que la VICH, c'est-à-dire la Coopération internationale pour l'harmonisation des exigences techniques pour l'enregistrement des produits médicaux vétérinaires et la Commission du codex alimentaire, dans le but de faire progresser l'harmonisation internationale de ces questions.
Santé Canada a récemment constitué, avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments, le comité consultatif canadien sur la réglementation des produits de santé vétérinaire dans le but d'accroître son efficacité, ses capacités, sa souplesse de réaction, son rendement par rapport aux coûts et la rapidité de la commercialisation des produits vétérinaires.
[Français]
Le ministère est conscient des souhaits venant des producteurs de viande d'augmenter la coopération réglementaire. Le ministère accentue ses efforts au développement des normes et exigences réglementaires avec les organismes internationaux.
[Traduction]
Il a été également mentionné que le Règlement sur les produits biologiques faisait problème et qu'il avait pour effet de limiter l'accès aux produits de santé naturels dans le secteur de la production biologique du bétail. Santé Canada collabore avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'Office des normes générales du Canada pour assurer l'approvisionnement en produits sûrs.
En plus, nous travaillons avec l'ACIA et l'Institut canadien de la santé animale à l'élaboration de critères de classification qui permettront de différencier les médicaments des additifs alimentaires pour animaux et d'établir quel cadre réglementaire s'appliquera aux différents produits, aspect qui revêt une importance particulière dans le cas des produits de santé naturels.
En terminant, Santé Canada est déterminé à assurer un accès rapide à des médicaments vétérinaires sécuritaires et efficaces, à travailler sur la scène internationale au développement de normes pour les médicaments vétérinaires, à continuer à travailler avec les intéressés dans le but d'augmenter les gains d'efficacité et de fournir des orientations claires et transparentes et à protéger sans relâche la santé et la sécurité des Canadiens et de l'approvisionnement alimentaire du Canada.
M. Alexander et moi serons ravis de répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser.
La présidente : Monsieur Alexander, voulez-vous attendre que l'on vous pose des questions ou vous voulez dire quelques mots maintenant?
Ian Alexander, directeur général par intérim, Direction des médicaments vétérinaires, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : Je vais attendre les questions.
Glyn Chancey, directeur exécutif par intérim, Direction des produits végétaux, Agence canadienne d'inspection des aliments : Je serais également heureux de répondre aux questions.
La présidente : Voilà de bonnes nouvelles pour ceux qui vont en poser parce qu'ils se prêtent très volontiers à ce jeu.
Le sénateur Segal : Premièrement, je vous remercie d'avoir pris le temps de nous apporter votre expertise et votre expérience qui seront très utiles au comité pour ses travaux. Nous en sommes très heureux.
En tant que professionnels — si je peux faire une différence entre cet aspect, votre spécialité, et en tant que personnes qui sont assujetties à une loi et qui travaillent dans un ministère qui doit imposer certaines règles —, j'aimerais savoir si vous avez pris connaissance d'éléments qui vous amèneraient à penser que les autorités de réglementation américaines sont inefficaces, laxistes et peu préoccupées par la sécurité ou par l'exactitude de l'étiquetage des produits? Pendant tout le temps que vous avez passé dans divers organismes pour lesquels vous avez travaillé pour le compte de tous les Canadiens, avez-vous déjà rencontré des cas où cela aurait été la conclusion logique? Vous ne l'auriez peut-être pas dit pour des raisons diplomatiques, mais vous auriez pu être troublé de constater que ces autorités étaient un peu laxistes, brouillonnes ou trop influencées par les intérêts commerciaux. Je ne vous demande pas de me citer un cas particulier, parce que cela est confidentiel. J'aimerais toutefois savoir si vous n'avez jamais été troublé par ce genre de chose dans l'exercice de votre profession pour le compte de tous les Canadiens?
M. Mayers : Nous entretenons d'excellents rapports de travail avec nos collègues des États-Unis. Les autorités de réglementation des États-Unis sont vraiment professionnelles et compétentes. Nous aimons beaucoup travailler avec elles. Elles utilisent un système différent qui les amène parfois à adopter une approche différente pour arriver aux mêmes buts. Les buts recherchés sont des buts que nous partageons : la protection de la santé humaine, la protection de la santé animale et la protection de l'environnement.
Le sénateur Segal : Pensez-vous que vos collègues auraient la même opinion?
Si vous parlez à des représentants du secteur de l'horticulture ou de celui du bœuf, ils vous diront tous que leurs principaux concurrents sont les Américains, même s'ils sont, en général, prêts à vous féliciter pour le travail que vous faites. Par exemple, il est interdit au Canada d'utiliser des animaux pour en faire des aliments pour des raisons importantes et légitimes. Nous autorisons toutefois l'importation de bétail venant des États-Unis, un pays qui n'applique pas toujours des règles aussi strictes que les nôtres. Les producteurs canadiens pourraient se poser beaucoup de questions en constatant que tout le monde ne respecte pas les mêmes règles.
Je ne suis pas en train de dire que nous devrions être moins stricts que nous le sommes. Cela n'a aucun rapport dans un certain sens, parce que cela concerne les usines. Cependant, on entend souvent des représentants du secteur de l'horticulture dire que le Canada interdit un produit chimique particulier que les Américains appliquent aux cerises pour qu'elles aient l'air plus brillantes et plus rouges dans les supermarchés. Nos producteurs n'ont pas le droit de le faire. Et pourtant, il n'est pas interdit d'importer les cerises américaines et il est vrai qu'elles ont meilleure apparence que les nôtres. Nos agriculteurs doivent livrer une rude bataille contre la concurrence pour survivre.
Je sais, par définition, qu'il arrive que certaines situations ou certains événements aient des conséquences imprévues. Cependant, si on met de côté la question fondamentale de savoir si nous réglementons ces produits parce que nous sommes obligés de le faire ou parce que nous pouvons le faire, ne serait-il pas préférable pour les agriculteurs canadiens qu'il existe un système appliqué à toute l'Amérique du Nord qui imposerait les mêmes normes et qui serait, du point de vue du consommateur, de l'agriculteur et du producteur des divers produits chimiques et autres, à peu près le même?
L'obligation de reprendre le même processus entraîne des coûts. Je ne veux certainement pas laisser entendre que vous et vos collègues ne faites pas tout ce que vous pouvez pour rendre ce processus aussi efficace et approprié que cela est possible. Vous voulez également que les produits approuvés soient sans danger; c'est votre principal objectif, et je le respecte. Vous pouvez toutefois comprendre pourquoi un agriculteur qui essaie de survivre, compte tenu du coût des intrants dont a parlé notre présidente, puisse s'inquiéter des doubles emplois, qui sont inévitables mais exigés par la loi, qui existent dans ce domaine.
Je pense à nos amis européens, notamment, qui ont essayé des mesures phytosanitaires et autres pour créer un marché plus vaste. Vous réglementez l'aspect innocuité. Il n'entre pas dans votre mission de tenir compte de la taille et de l'ampleur du marché agricole. Vous n'êtes pas tenu de le faire. Pourriez-vous quand même nous dire ce que vous pensez de cette situation du point de vue de l'agriculteur?
M. Mayers : Nous nous intéressons de très près à la question de l'harmonisation des réglementations, compte tenu de la relation étroite que nous entretenons avec nos voisins du sud. Nous travaillons de concert avec nos homologues des États-Unis, en prenant soigneusement note des différences qui existent entre nos régimes réglementaires et en cherchant à comprendre les raisons scientifiques de ces différences. Nous essayons également, comme vous l'avez mentionné, de réduire les différences éventuellement constatées et de rechercher des solutions communes aux problèmes que nous rencontrons.
C'est la raison pour laquelle nous recherchons également l'harmonisation par la standardisation grâce aux mécanismes multilatéraux qui existent : l'OIE, l'Organisation mondiale de la santé animale; le Codex Alimentarius pour la sécurité alimentaire et la Convention internationale pour la protection des végétaux dans le secteur de la santé des végétaux. Il arrive parfois que les résultats scientifiques soient interprétés différemment.
Mme Mithani et moi avons travaillé en étroite collaboration avec nos homologues américains depuis un an sur la question d'un médicament qui est autorisé aux États-Unis mais interdit au Canada et dans plusieurs autres pays, parce qu'il soulève des préoccupations au sujet de son innocuité. Nous avons tenu compte du fait que nous ne procédons pas de la même façon pour protéger la santé humaine à l'égard de certains produits. L'ACIA a des responsabilités en matière d'application de la loi et Santé Canada a pour mission de protéger la santé humaine. Mme Mithani peut vous en parler mieux que moi. Nous recherchons les mêmes résultats, tout en sachant que les États-Unis ont adopté une approche différente. Nous avons donc demandé aux États-Unis de nous garantir que les produits introduits au Canada ne contiendraient aucun résidu de ce médicament.
Il y a des cas où l'approche adoptée est différente. Cela peut venir d'une différence dans l'interprétation des données scientifiques ou dans le cadre législatif à l'intérieur duquel nous travaillons. Les résultats recherchés sont les mêmes. Nous cherchons à minimiser l'effet et les répercussions de ces différences sur l'industrie, en sachant que ces différences peuvent avoir des conséquences sur le plan de la compétitivité et que nous devons en tenir compte.
Mme Mithani : J'aimerais me faire l'écho de ce que vient de dire M. Mayers. Il est important de comprendre que nous essayons de travailler avec nos partenaires internationaux et que nous constatons parfois qu'il y a des différences d'interprétation au sujet des résultats scientifiques. Nous travaillons également dans un cadre réglementaire différent.
Dans certains cas, lorsque nous examinons les médicaments vétérinaires, en particulier, il y a le fait que Santé Canada n'a pas le pouvoir d'obliger les entreprises à présenter une demande. Nous dépendons donc du bon vouloir de ces entreprises. Il y a des différences, mais nous essayons vraiment de favoriser l'harmonisation des normes internationales.
Le sénateur Segal : Pour ce qui est des marchandises qui viendraient de Chine, d'Amérique du Sud ou d'autres régions du monde, j'ai entendu des agriculteurs s'inquiéter du fait que nos analyses et nos exigences en matière de normes de santé, de sécurité et de questions connexes étaient beaucoup plus rigoureuses que celles qui étaient appliquées aux marchandises importées. Sur le plan de la réglementation, une telle situation n'est guère équitable.
Si vous allez au supermarché et voyez des fraises fraîches marquées Canada no 1 ou Europe et constatez, lorsque vous retournez la barquette, qu'elles viennent de Chine, vous pouvez être surpris. Je sais que ce n'est pas à vous de vous occuper de l'étiquetage des produits sur ce plan. Cependant, quel que soit le mécanisme de réglementation, on peut se demander qui vérifie les résidus et les autres éléments que l'on peut retrouver dans ce produit surgelé. Cette vérification a-t-elle été effectuée de la même façon que pour les produits canadiens qui doivent respecter des normes extrêmement rigoureuses? C'est une question que les agriculteurs ont tout à fait le droit de se poser, lorsqu'ils font face à des concurrents qui pratiquent des prix coupés.
M. Mayers : C'est une question tout à fait légitime. Les produits qui entrent au Canada en provenance de l'étranger doivent respecter les mêmes normes. La Loi sur les aliments et drogues et son règlement exigent que les produits respectent les mêmes normes.
Il existe toutefois une différence importante. Nous avons au Canada la possibilité d'utiliser, avec les producteurs nationaux, une méthode de contrôle qui porte sur les différentes étapes de la production. Nous ne pouvons pas faire la même chose à l'égard des producteurs étrangers. C'est la raison pour laquelle, pour les importations, nous contrôlons principalement le produit fini en faisant des analyses. Au Canada, nous pouvons communiquer avec les agriculteurs, travailler avec les associations de producteurs pour mettre sur pied des programmes de sécurité alimentaire applicables dans les exploitations agricoles jusqu'au produit commercialisé.
Nous savons que ce type de relation permet de mettre en place des contrôles et une surveillance efficaces. Cela veut dire que nos producteurs nous voient davantage que nous ne voyons les producteurs étrangers, parce que nous visons uniquement leurs produits et non pas les producteurs eux-mêmes.
C'est une relation différente. Les résultats recherchés et les règles applicables sont toutefois les mêmes. Cela veut simplement dire que le producteur étranger et l'importateur qui se trouve au Canada assument le risque de voir les produits rejetés, parce que c'est le seul mécanisme de contrôle que nous pouvons utiliser à l'égard des produits si celui- ci n'est pas conforme aux normes canadiennes. Dans le cas d'un producteur canadien, nous pouvons toujours travailler avec lui pour l'amener à respecter les normes.
La situation est différente. Je ne dirai pas que cette différence veut dire que les producteurs canadiens sont assujettis à des mécanismes de contrôle plus rigoureux. C'est tout simplement un autre type de contrôle.
Le sénateur Mercer : La politique est une chose étrange. Le sénateur Segal pose cette question et il a l'air d'être proaméricain. Si j'avais posé la même question, on m'aurait accusé d'antiaméricanisme.
Je m'intéresse beaucoup au processus d'homologation des médicaments vétérinaires. Nous avons des témoignages au sujet du problème qui existe dans ce domaine et je vais en parler dans un instant.
Dans votre exposé, vous avez déclaré qu'en général, le mot « nouveau » désignait des produits qui n'étaient pas encore commercialisés au Canada. Cela veut-il dire que ce sont des produits qui sont utilisés ailleurs ou sont-ce des produits nouveaux qui n'ont encore jamais été utilisés nulle part?
Mme Mithani : Il se peut qu'ils soient commercialisés dans d'autres pays, de sorte qu'ils sont utilisés ailleurs. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous ne pouvons obliger une société à déposer une demande relative à une nouvelle drogue.
Le sénateur Mercer : Serait-il souhaitable que puissions le faire?
Mme Mithani : C'est une excellente question.
Le sénateur Mercer : J'ai appris ce que voulait dire ce genre de réponse — cela m'en dit beaucoup. Je sais que vous n'êtes peut-être pas en mesure de dire exactement ce que vous voulez. Je vais en rester là pour éviter de vous placer dans une position délicate mais j'ai compris ce que vous avez dit.
Vous avez également mentionné que les mécanismes de contrôle des aliments du bétail comprenaient l'évaluation et l'amélioration de certains produits alimentaires, y compris les « ingrédients nouveaux et innovateurs ». Il est inhabituel de voir utiliser le mot « innovateur ». Pouvez-vous nous en dire davantage?
M. Mayers : Certainement. Nous utilisons le mot « innovateur » pour désigner une catégorie particulière de produits. Cela comprend ici les produits de la biotechnologie. L'innovation, sur le plan des produits de la biotechnologie, vient du fait que ces produits ont subi des modifications génétiques qui leur ont attribué des caractéristiques qui n'étaient pas présentes auparavant dans une plante particulière, par exemple.
La notion d'innovation permet, dans ce cas, d'effectuer une distinction entre un produit nouveau — parce qu'il n'a pas encore été commercialisé — et un produit qui a subi un changement et dont il faut par conséquent démontrer la sécurité et l'efficacité.
Le sénateur Mercer : Monsieur Mayers, vous avez dit que l'arriéré des demandes d'homologation des nouveaux produits avait pratiquement été supprimé dans le domaine des produits biologiques vétérinaires. Mme Mithani a ensuite déclaré que son ministère avait pris diverses mesures pour améliorer l'efficacité et la rapidité du processus d'approbation réglementaire.
Lorsque des représentants de l'industrie ont comparu devant le comité, ils ont fait des commentaires au sujet de l'arriéré; c'était un aspect qui les inquiétait. Ils ont également dit des choses positives au sujet du processus réglementaire pendant un court moment.
J'ai tiré une conclusion ce soir-là et je me demande si vous pouviez m'aider à confirmer ma conclusion ou à la réfuter. Est-ce une question de personnel ou de système? Cela vient-il du fait que les gens ne sont pas bien utilisés — ou qu'ils étaient bien utilisés jusqu'à ce que le programme s'emballe comme il l'a fait — ou est-ce à cause de la structure dans laquelle vous devez travailler?
Mme Mithani : Je pense que, si nous avons réussi à progresser, c'est en changeant la culture existante au sein de l'organisation. Il a été très important pour nous que quelqu'un arrive avec une nouvelle vision des choses, avec l'objectif de supprimer l'arriéré et qu'il travaille avec le personnel pour modifier la culture de l'organisation. Je suis convaincue que l'élimination de l'arriéré va se poursuivre — et non pas seulement se poursuivre mais que l'arriéré n'augmentera pas. Nous serons en mesure de respecter les délais.
Ce n'est pas une question de capacité, mais plutôt d'apporter des améliorations au processus utilisé dans le cadre de système, de travailler avec l'industrie pour l'aider à déposer des présentations de très haute qualité, d'être en mesure de préciser quelles sont les conditions à respecter pour les présentations pour que les fabricants puissent comprendre le genre de documents qu'ils doivent déposer lorsqu'ils souhaitent faire une présentation. Nous avons apporté de nombreuses améliorations au processus et avons réussi à changer la culture, à modifier le paradigme pour que le souci d'introduire sur le marché des médicaments sécuritaires, efficaces et de haute qualité soit reconnu comme une bonne politique.
Le sénateur Mercer : Il me semble que la capacité de l'industrie de communiquer son message dépend également de la capacité de Santé Canada et de l'ACIA de le comprendre et de réagir rapidement. J'en suis revenu à la conclusion que j'avais tirée au cours de la réunion précédente selon laquelle il ne s'agissait pas d'un problème de système mais plutôt de personnes.
Mme Mithani : Je pense qu'en fait, c'est le processus qui a été amélioré. Nous avons également établi une excellente relation et un excellent partenariat avec l'industrie. Là encore, nous avons réussi à préciser quelles étaient nos exigences; nous avons travaillé avec les représentants de l'industrie et avons fixé des délais pour l'examen des présentations et nous avons réussi à les respecter. Tout ceci a créé un environnement plus favorable à ce genre de relation.
Le sénateur Mercer : Monsieur Mayers, pour ce qui est des engrais et des suppléments végétaux, vous avez déclaré qu'il existait un plan qui permettrait de faire passer l'arriéré actuel, qui est de 900 demandes d'homologation actives, à un niveau de base de 300 demandes. Cela me plaît.
Est-ce que les mesures qui ont donné de bons résultats pour les produits biologiques vétérinaires ne donneraient pas également de bons résultats ici? Ne serait-il pas possible de transposer dans un autre domaine un processus qui a donné de bons résultats dans un domaine, de façon à accélérer les choses? Nous avons reçu de bonnes nouvelles pour ce qui est des produits biologiques vétérinaires. Ne pourrions-nous pas faire la même chose pour les engrais et les suppléments végétaux?
M. Mayers : Les éléments qui améliorent le processus relatif aux produits biologiques vétérinaires font également partie du plan d'action. Mon collègue, Glyn Chancey, pourra vous en dire davantage au sujet du plan d'action concernant les engrais.
La présidente : Monsieur Alexander ou monsieur Chancey, n'hésitez pas à intervenir lorsque vous le souhaitez.
M. Chancey : Nous allons en fait dans la même direction. Je pense que les variables ou les facteurs qu'a mentionnés Mme Mithani sont les mêmes que ceux sur lesquels nous nous penchons pour atteindre ces objectifs.
Après des discussions approfondies avec les intéressés, nous en sommes arrivés à la conclusion que notre plan d'action était le bon. Par intéressés, je ne pense pas uniquement aux parties réglementées; je pense également aux consommateurs des produits. Nous avons pris des risques, jusqu'à un certain point, avec ce processus. Cela a commencé en 2005. Nous avons compris à cette époque qu'il ne suffirait pas d'injecter de nouvelles ressources dans le programme. Il fallait moderniser et réformer le cadre réglementaire pour répondre aux nouveaux défis, non pas à ceux des années 1950 et 1960, époque à laquelle le règlement actuel a été adopté. Nous avons obtenu un grand succès en faisant preuve d'ouverture à l'égard des intéressés et en reconnaissant le genre de défis auxquels nous faisions face. Les intéressés nous ont alors aidés à choisir une orientation.
L'orientation retenue comprend l'introduction de changements dans les politiques destinés à alléger le fardeau réglementaire lorsqu'il est inutilement lourd, la modification du système et l'embauche du personnel dont nous avons besoin. Nous nous rapprochons des cibles que nous nous sommes fixées.
Le sénateur Mercer : J'attire l'attention du comité sur un passage de la page 5 de l'exposé de Mme Mithani. Je le souligne pour le rappeler à tous les membres du comité. Je cite :
Je suis heureuse d'informer le Comité que Santé Canada anticipe d'éliminer son accumulation de drogues vétérinaires dès le début de 2009.
Nous devrions peut-être revenir sur cette question au début de 2009 pour voir comment les choses évoluent. Je dirais même mars 2009 pour leur accorder quelques mois supplémentaires.
La présidente : Nous allons en prendre note.
Le sénateur Callbeck : Monsieur Mayers, vous avez parlé d'apporter des améliorations pour ce qui est des aliments pour bétail, mais vous n'avez pas parlé de la Loi relative aux aliments du bétail. J'aimerais avoir vos commentaires sur ce sujet. Nous avons entendu des témoins qui représentaient l'Association de nutrition animale du Canada et qui ont critiqué la Loi relative aux aliments du bétail. Ils ont affirmé que cette loi et son règlement d'application étaient désuets. Partagez-vous leurs préoccupations? Si c'est le cas, le gouvernement a-t-il envisagé de réviser la Loi relative aux aliments du bétail?
M. Mayers : Cette loi fournit un cadre de contrôle raisonnable. Le règlement d'application devrait être révisé régulièrement, comme tous les règlements. Sur ce point, à mesure que nous révisons et mettons à jour les règlements, nous essayons de passer d'un modèle prescriptif à un modèle axé sur les résultats.
Par exemple, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les intéressés — ceux qui produisent des engrais ainsi que ceux qui les utilisent — dans le but d'élaborer un nouveau cadre réglementaire qui permet d'ajouter des médicaments aux aliments pour le bétail. Dans ce contexte, nous avons beaucoup parlé aux intéressés d'adopter une approche davantage axée sur les résultats. Nous admettons qu'un règlement peut préciser ce qu'il faut faire pour obtenir un résultat donné, mais il peut également, ce qui est préférable, préciser clairement le résultat recherché et donner à l'industrie une certaine latitude pour ce qui est de la façon d'obtenir le résultat demandé conformément à leurs pratiques commerciales particulières.
Il est tout à fait possible d'adopter une approche axée sur les résultats à l'intérieur du cadre législatif qu'offre la Loi relative aux aliments du bétail. La révision du règlement et sa modernisation, comme nous le reconnaissons dans le contexte d'autres secteurs de programmes, représentent un moyen efficace de réduire les interprétations prescriptives et plus rigoureuses qui pourraient entraver les mécanismes industriels modernes.
Le sénateur Callbeck : J'aimerais savoir si le gouvernement est en train de réviser la Loi relative aux aliments du bétail. Dans la première partie de votre réponse, vous avez parlé du règlement et affirmé que vous étiez relativement satisfait du cadre de contrôle, je crois que c'est ainsi que vous l'avez appelé, prévu par la loi.
M. Mayers : C'est exact.
Le sénateur Callbeck : Vous n'envisagez donc pas de modifier la Loi relative aux aliments du bétail.
M. Mayers : Nous nous intéressons principalement au cadre réglementaire prévu par la loi parce qu'il nous fournit le pouvoir nécessaire pour assurer la sécurité et l'efficacité des aliments pour bétail.
Le sénateur Callbeck : Le régime réglementaire de la Loi relative aux aliments du bétail exclut de nombreux ingrédients alimentaires innovateurs qui amélioreraient l'aptitude des animaux à transformer les aliments qu'ils consomment. Ce problème pourra donc être réglé grâce au règlement.
M. Mayers : C'est exact. Nous avons un règlement qui prévoit la révision de la liste des ingrédients qui peuvent entrer dans la composition des aliments, notamment les produits innovateurs, aspect dont nous avons parlé. Nous avons le pouvoir d'évaluer, d'autoriser et de faciliter la commercialisation des ingrédients alimentaires innovateurs. L'exemple que j'ai utilisé il y a un instant, et que je vais continuer à utiliser, est celui des produits de la biotechnologie.
Nous pouvons utiliser ce mécanisme et nous savons que les agriculteurs veulent avoir accès rapidement aux produits alimentaires innovateurs. Nous voulons faciliter le processus, tout en garantissant aux producteurs la sécurité et l'efficacité de ces aliments, s'ils souhaitent les acheter. L'efficacité et la sécurité des aliments pour bétail ont un impact direct sur la rentabilité des producteurs puisqu'elles concernent la santé de leurs animaux.
Nous avons adopté des normes de service pour l'examen de ces produits, de sorte que ceux qui souhaitent introduire des aliments innovateurs sur le marché connaissent à l'avance les normes qu'ils doivent respecter. Nous avons fait beaucoup de progrès pour répondre à ces normes de service et pour que les nouveaux ingrédients alimentaires soient approuvés et utilisables par les producteurs.
Le sénateur Callbeck : Mon autre question porte sur les médicaments génériques. Grâce au programme d'importation pour usage personnel, les agriculteurs peuvent importer des versions génériques des médicaments des États-Unis, mais ils ne peuvent les acheter au Canada. Pourquoi?
Mme Mithani : Pour répondre à cette question, l'Institut canadien de la santé animale dirait que cela vient du fait que l'environnement réglementaire n'incite pas les entreprises à présenter des demandes au Canada, compte tenu des délais actuels. Nous avons prévu de supprimer l'arriéré d'ici mars 2009. Nous espérons pouvoir élaborer des lignes directrices en matière de médicaments génériques pendant l'exercice financier courant. Cela permettra de rationaliser le processus de dépôt des présentations relatives aux produits génériques au Canada, là encore, un mécanisme grâce auquel les entreprises pourront importer leurs produits.
Nous ne nous occupons pas de l'établissement du prix des médicaments. Nous avons toutefois la possibilité de créer un environnement qui favorisera l'approbation rapide des produits, conformément au cadre réglementaire.
Le sénateur Callbeck : Quel en sera le coût? Il y a des gens qui se plaignent des coûts associés au cadre réglementaire, qu'il s'agisse de producteurs, de fabricants de produits pharmaceutiques ou d'autres. Est-ce que la rationalisation du processus et la suppression de l'arriéré vont réduire ces coûts?
Mme Mithani : Si vous parlez du coût des médicaments, c'est-à-dire de ce qu'il en coûterait à un agriculteur pour acheter le médicament, cela ne relève pas de Santé Canada. Parlez-vous plutôt du coût associé au dépôt d'une présentation?
Le sénateur Callbeck : C'est exact.
Mme Mithani : Avec notre système de récupération des coûts, que nous utilisons actuellement, les coûts associés au dépôt des présentations et à l'examen réglementaire sont bien inférieurs à ceux de nos partenaires internationaux.
Le sénateur Callbeck : Vraiment?
Mme Mithani : Absolument.
Le sénateur Callbeck : C'est une excellente nouvelle. Merci.
Le sénateur Peterson : Vous avez probablement déjà expliqué toutes ces choses mais j'aimerais néanmoins obtenir une précision.
On nous a dit que le cadre réglementaire canadien constituait un obstacle à l'innovation. En Europe, l'analyse de la gestion des risques prend moins de deux ans. Au Canada, cette analyse prend de cinq à huit ans. Lorsque vous parlez de supprimer l'arriéré, est-ce à cet aspect que vous faites référence, ramener ce délai à moins de deux ans?
Mme Mithani : Oui.
Le sénateur Peterson : Voilà qui est excellent.
Les producteurs canadiens nous ont déclaré que le cadre réglementaire nuisait à leur compétitivité par rapport à leurs homologues des États-Unis. Est-ce bien exact?
Mme Mithani : De quelle façon? Pouvez-vous préciser?
Le sénateur Peterson : Il en coûte plus cher aux Canadiens qu'à leurs homologues américains pour avoir accès à certaines choses qu'exige notre règlement. Avons-nous pris des mesures pour réduire cet écart ou s'agit-il de quelque chose que nous ne pouvons pas changer?
Mme Mithani : Il y a la collaboration internationale et l'établissement de normes internationales; le Canada participe à des forums internationaux comme le Codex et la VICH, qui élaborent des normes internationales. Nous avons ainsi la possibilité de progressivement standardiser mondialement les exigences dans ce domaine. On peut espérer que dans quelques années, une société pourra déposer une présentation virtuelle dans tous les pays et obtenir instantanément l'homologation ou le rejet de sa demande.
Le sénateur Peterson : Étant donné que 80 p. 100 de nos échanges commerciaux concernent les États-Unis, j'espère que nous allons commencer par ce pays avant d'étendre notre action aux autres pays.
Le sénateur Gustafson : Je m'intéresse beaucoup à la situation des agriculteurs et la façon dont tout cela les touche. Je vais prendre quelques exemples, l'un sera le cucujide roux. Vous le connaissez tous, j'en suis. On le trouve dans le blé.
L'agriculteur amène un chargement de céréales à la société céréalière et si l'on y trouve un cucujide roux, on lui demande de rapporter son chargement chez lui, de le traiter avec de la phostoxin ou avec le produit chimique de son choix. C'est une opération très coûteuse. S'il se trouve à 80 km de son silo, il doit recharger le blé, l'amener chez lui, le déverser dans un autre compartiment de stockage et le laisser reposer pendant dix jours. Il peut alors le rapporter.
Cela fait longtemps que je soutiens que la société céréalière doit assumer une partie de cette responsabilité. Elle pourrait faciliter les choses. Il suffirait d'adopter un règlement à cet effet. J'en ai parlé aux sociétés céréalières mais elles ne veulent rien entendre parce que cela leur imposerait du travail supplémentaire. D'un autre côté, ces sociétés disposent d'installations qui rendraient ce travail beaucoup plus facile; elles ont un système de manutention des grains. Cela serait également beaucoup plus sécuritaire.
Lorsque vous négociez avec les intéressés sur le terrain, je me demande si vous négociez également avec les sociétés céréalières et si vous tenez compte des besoins des agriculteurs?
M. Chancey : Nous tenons compte de tous les intéressés. Cependant, nous négocions habituellement avec le pays étranger ou avec les responsables des services phytosanitaires du pays étranger qui ont imposé au départ les conditions en matière d'importation.
Le sénateur Gustafson : C'est compréhensible.
M. Chancey : C'est habituellement sur ce sujet que portent ces discussions.
Par exemple, nous sommes en train de négocier avec l'Inde l'entrée des légumineuses à grain — les lentilles et les pois chiches, notamment. Ce pays impose des obligations en matière de fumigation ou en matière de certification si le producteur peut démontrer que son produit ne contient pas de parasites. Malheureusement, cela ne vise pas tous les parasites qui nous préoccupent. Nous disposons à l'heure actuelle de plusieurs solutions. La première est d'analyser la céréale et de la certifier. Cependant, les résultats de l'analyse n'arrivent pas avant que le navire soit parti parce que la société céréalière et les agriculteurs ne sont pas en mesure de retracer leurs contributions à ces expéditions de légumineuses.
Quel est le rapport avec votre question? Cela revient à une question de responsabilité et, notamment celle d'assumer le coût de la gestion des produits. On nous dit souvent que si l'on impose ces coûts au terminal — au point de départ — ces coûts seront, de toute façon, assumés par les agriculteurs qui apportent les céréales, parce que ces coûts vont être assumés par l'intermédiaire. Dans ce cas, l'intermédiaire tire son revenu du marché d'exportation où il envoie ses marchandises et cela n'aura aucune influence sur le prix payé ici. En fin de compte, ce sera l'agriculteur qui paiera.
Le sénateur Gustafson : C'est toujours lui qui paie.
M. Chancey : Il faut alors se demander si tous les agriculteurs devraient contribuer à ces coûts ou si seuls les agriculteurs dont les produits contiennent un parasite devraient les assumer. En l'absence de mécanismes qui nous permettent de retracer le produit jusqu'à la ferme, nous sommes pris avec ce problème. Si vous tenez compte des efforts déployés par le gouvernement dans ce domaine — en particulier par Agriculture et Agroalimentaire Canada, avec ses projets de traçabilité —, il est possible que dans cinq ou dix ans, ce ne soit plus le cas.
Le sénateur Gustafson : Il est très simple de retracer ces produits. Il suffit de faire un test dans le camion. Si l'on trouve, ne serait-ce qu'un cucujide, on renvoie le chargement, même si l'on peut probablement trouver des cucujides dans tous les silos du Canada. Je pense que cela serait possible.
N'aggravez pas la situation des agriculteurs. Si vous participez à des négociations sur ces questions, j'espère que vous allez parler à des gens qui connaissent la situation, à ceux qui manutentionnent le grain, et que vous allez élaborer un excellent règlement.
M. Chancey : Notre première priorité est d'essayer de faire supprimer les restrictions, ou du moins de les réduire. En fin de compte, la façon la plus rentable de le faire est de travailler sur le plan international pour veiller à ce que ces exigences en matière d'importation soient vraiment nécessaires.
Il arrive bien souvent, dans un bon nombre de marchés d'exportation dont nous nous occupons, que les mesures de protection imposées ne sont pas toujours nécessaires, à notre avis. C'est la raison pour laquelle nous adoptons une approche scientifique et axée sur le risque dans ce domaine.
Là encore, dans le cas de l'Inde, nous avons travaillé sur l'évaluation des risques que nous lui demandons de faire. C'est cette solution que nous choisissons de plus en plus souvent. Elle n'offre pas une réponse rapide mais, à long terme, c'est probablement la meilleure façon de régler ces problèmes.
Le sénateur Gustafson : Lorsque vous approuvez un produit chimique, par exemple, consultez-vous les agriculteurs, ainsi que la société céréalière ou la société de produits chimiques?
M. Chancey : Je ne peux pas parler au nom de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, qui est l'organisme responsable des pesticides.
Dans le cas des engrais, le point central de la communication relative à l'homologation d'un produit est l'auteur de la demande. Nous sommes liés par certaines restrictions en matière de renseignements commerciaux confidentiels sur ce point. Par contre, les politiques applicables en matière d'évaluation font l'objet d'une consultation plus large.
Les principales organisations d'agriculteurs, ainsi que les associations industrielles, les entreprises individuelles et les agriculteurs ont tous participé à l'initiative de modernisation dont j'ai parlé il y a quelques instants. C'est un dialogue permanent.
Le sénateur Gustafson : J'aimerais poser une autre question au sujet des prix. J'ai rencontré un agriculteur, il y a quelques semaines. À cette époque de l'année, il faut épouiller les animaux et leur verser un produit chimique sur le dos. Je crois que c'est pour lutter contre l'hypodermose ou des acariens et des parasites. Au Canada, le produit coûterait 400 $, mais il ne coûte que 80 $, si on le fait venir des États-Unis. C'est une différence importante. Pourquoi n'arrivons- nous pas à vendre ici ces produits à un prix comparables?
M. Mayers : Mme Mithani a déjà fait remarquer que la question du prix des produits ne relevait pas de l'ACIA, parce que cet organisme réglemente les produits vétérinaires biologiques ni de Santé Canada, pour ce qui est des médicaments vétérinaires. Je ne pourrais donc que faire que des hypothèses, si j'entamais une discussion sur les facteurs qui influencent les prix. Les fournisseurs canadiens qui fabriquent ce produit et l'association qui les représente pourraient peut-être vous en dire davantage.
Nous nous intéressons de près à la question de la réduction de l'arriéré parce que l'important, pour nous, est que le produit en question soit commercialisé. Nous savons que la durée du traitement des demandes d'homologation réglementaire peut limiter la capacité du demandeur de récupérer ses frais en commercialisant le produit. Cela peut avoir un effet sur le prix du produit, comme sur sa distribution. Par conséquent, notre but est de réduire l'arriéré et de réduire également la durée de traitement des demandes, pour qu'elle soit aussi proche que possible de celle des autres marchés ou des produits semblables qui font l'objet d'une demande d'homologation en vue de leur commercialisation. Les autres aspects qui affectent l'établissement du prix pour un produit particulier ne font pas partie de notre mandat.
Le sénateur Gustafson : Il faut donc admettre que c'est la société qui vous demande d'homologuer un produit qui est en position de force. C'est à l'agriculteur de décider s'il veut acheter son produit. Si le prix est trop élevé, cela relève de la société. Autrement dit, la société a beaucoup plus de pouvoir que les agriculteurs, pour ce qui est de faire du lobbying.
M. Mayers : Nous n'avons ni le pouvoir d'obliger les entreprises à nous présenter des demandes de commercialisation ni celui d'influencer l'établissement du prix des produits. Dans ce contexte, vous avez tout à fait raison. Dans nos rapports avec les sociétés, nous n'avons pas le pouvoir de tenir compte des opinions des consommateurs du produit — c'est-à-dire les agriculteurs — lorsqu'elles portent sur le prix des produits.
Le sénateur Segal : Avez-vous dans vos bureaux un grand tableau où vous comparez côte à côte les médicaments vétérinaires approuvés au Canada et ceux qui sont approuvés aux États-Unis? Pratiquez-vous ce genre de veille?
Mme Mithani : Non, nous ne le faisons pas. La raison en est que les sociétés peuvent fort bien décider, pour des raisons commerciales, de vendre leurs produits dans un pays et pas dans un autre. Par conséquent, si un produit est vendu aux États-Unis ou même en Europe, cela ne veut pas dire que la société a également décidé de présenter la même demande au Canada.
Cependant, lorsque des produits sont commercialisés aux États-Unis et qu'ils font l'objet d'une présentation au Canada, nous avons conclu un protocole avec les États-Unis, et nous partageons un grand nombre de renseignements de façon à faciliter l'examen de la demande.
Le sénateur Segal : Permettez-moi de vous poser une question au sujet du renversement du fardeau de la preuve. Je pense qu'à l'heure actuelle, le fardeau incombe à la personne qui présente une demande d'homologation et vous procédez à l'évaluation du produit en question à partir de critères techniques établis. Que se passerait-il, si nous renversions le fardeau de cette façon : l'entreprise présente une demande et celle-ci est réputée être approuvée à moins que, dans un délai de 60 jours, vous ne découvriez un problème. Que se passerait-il si nous partions de l'idée que c'est à vous de découvrir le problème et que le rôle de la société consiste à vous fournir le produit, en particulier s'il a déjà été homologué dans un pays fiable comme les États-Unis ou l'Europe? Cela entraînerait-il le chaos? Est-ce que la population courait immédiatement un risque grave si nous imposions ce genre de critère en temps réel pour ce processus? Cela serait-il fondamentalement inéquitable pour vous et vos collègues scientifiques?
Mme Mithani : Toutes les présentations sont examinées sur des bases scientifiques. Les évaluateurs de Santé Canada effectuent une analyse coût-bénéfice pour l'utilisation d'un médicament particulier dans le contexte canadien. Il y a une évaluation coût-bénéfice, et ce n'est que lorsque le profil de risque est favorable que le médicament en question est commercialisé.
Si l'on se base sur la science, il est très difficile de faire des hypothèses sur les risques d'une telle façon de procéder. Cependant, je dirais qu'un tel processus serait mauvais sur le plan scientifique. Pour assurer la sécurité, l'efficacité et la qualité des produits, il faut examiner les renseignements fournis par les fabricants.
Le sénateur Segal : Je comprends pourquoi la sécurité est une de vos principales préoccupations, mais pourquoi vous préoccupez-vous d'efficacité?
Si le médicament est utilisé aux États-Unis, a été approuvé par les autorités américaines et est largement utilisé par les agriculteurs, on peut dire qu'il existe des preuves de son efficacité dans un autre pays. Pourquoi sommes-nous obligés de reprendre tout le processus et de faire comme si rien n'était arrivé et prendre le temps qu'il faut pour évaluer ce produit?
Je ne mets pas en doute le professionnalisme, les qualités techniques et scientifiques de votre personnel. Nous sommes très compétents dans ce domaine au Canada et sans doute plus compétents que les autres pays. Ce n'est pas ce qui me préoccupe.
Ce qui m'inquiète, c'est que le temps c'est de l'argent, et que la survie de nos agriculteurs dépend de cet argent. Je me demande ce que nous pourrions faire ensemble pour faire des économies et protéger les droits des agriculteurs, en tenant pour acquis qu'ils ne veulent pas fabriquer ou utiliser un produit dangereux. Ils n'utiliseraient pas ces produits, s'ils ne voyaient pas leurs collègues américains, des membres d'associations d'éleveurs notamment, parler de façon très positive des résultats obtenus grâce à ces produits.
Je sais que vous parlez de réduire l'arriéré et nous allons tous nous réunir au mois de mars pour célébrer cette réussite. Demeure toutefois la question plus vaste de savoir si le fardeau de la preuve qui est imposé aux agriculteurs est un fardeau tellement lourd que ces derniers ne peuvent jamais s'en acquitter, si la rapidité de l'homologation des produits est essentielle pour eux.
Mme Mithani : La rapidité de l'homologation des produits est très importante pour nous, et c'est la raison pour laquelle nous cherchons à l'heure actuelle à supprimer nos arriérés, mais ce n'est pas le seul objectif de la direction des médicaments vétérinaires. Nous devons également veiller à ce qu'il y ait de l'interaction entre les sociétés pharmaceutiques et la direction des médicaments vétérinaires pendant l'élaboration de certaines drogues.
L'essentiel est de pouvoir suivre les médicaments en fonction du cycle de vie du produit et de communiquer avec les représentants de l'industrie dès le début du processus, de façon à pouvoir déterminer quelles sont les données dont nous aurons besoin pour traiter la demande. Le fait d'être en communication avec les entreprises dès le début du processus offre un avantage : nous connaissons le nouveau médicament et lorsqu'il fait éventuellement l'objet d'une présentation de nouvelle drogue, nous sommes beaucoup plus à l'aise, parce que nous avons suivi le médicament depuis sa conception et avons été amenés à intervenir à plusieurs reprises pendant le cycle de vie du produit, de façon à améliorer l'efficacité du processus. Il ne s'agit donc pas uniquement de faire disparaître l'arriéré; il s'agit également de travailler de façon intelligente et efficace avec l'industrie pour faire avancer les choses.
Nous sommes également en relation avec d'autres autorités de réglementation au sujet de l'établissement de normes, d'échange d'information et d'examens conjoints. Nous tenons compte des examens effectués aux États-Unis dans le but de faciliter la suppression de l'arriéré. Ce sont là quelques éléments du processus que nous avons mis en place.
Le sénateur Segal : Puis-je vous poser une question au sujet de vos rapports avec vos collègues d'Agriculture et Agroalimentaire Canada? Ils ont un mandat, une mission et un cadre législatif différents. Votre cadre législatif et vos obligations sont clairs et précis. Vous avez un objectif prophylactique en matière de sécurité du public et je le respecte. Cependant, si les agriculteurs le respectent également, Agriculture Canada les invite à faire certaines choses, à modifier certaines pratiques et à améliorer certains aspects des services de recherche d'Agriculture Canada.
Tous ceux qui sont autour de cette table, quelle que soit leur profession ou leur affiliation politique, veulent assurer la rentabilité des exploitations agricoles. Êtes-vous en mesure d'établir des liens avec Agriculture Canada? Êtes-vous partie intégrante de leurs programmes en matière d'importation et d'exportation et des récoltes que le ministère encourage ou devez-vous demeurer un organisme indépendant parce que vous avez votre mission et que ce ministère a également sa mission et qu'il est important que vous ne soyez pas indûment influencé par la mission du ministère, qui est différente de la vôtre?
Mme Mithani : Nous travaillons également en collaboration avec Agriculture Canada, de sorte que nous connaissons leurs programmes. Ils connaissent également certains aspects de notre action et les défis auxquels nous faisons face pour réussir à réduire l'arriéré. Ce ministère s'intéresse à la façon dont nous incitons l'industrie à déposer des présentations de médicaments génériques au Canada, à la façon dont nous travaillons avec les intéressés, au genre de médicaments qu'il est important de commercialiser au Canada, aux mécanismes que nous avons mis en place pour être sûrs que les agriculteurs peuvent obtenir les produits dont ils ont besoin. Nous travaillons effectivement avec Agriculture Canada; nous connaissons leurs programmes et ils connaissent également certains de nos défis. Nous essayons de progresser ensemble.
Le sénateur Segal : Vous avez parlé de données scientifiques et, bien entendu, les bonnes données scientifiques ne peuvent provenir que d'analyses révisées par des scientifiques. À l'exception du travail qu'effectue le vérificateur général dans tous les ministères sur les questions fondamentales de probité et d'optimisation des ressources, pouvez- vous me dire quels sont les mécanismes prévus pour veiller à ce que vos processus internes et vos données scientifiques soient révisés par des gens de l'extérieur qui ne font pas partie de la structure de votre organisme et qui n'ont pas d'intérêt direct dans votre performance? Leur rôle consiste uniquement à vous fournir, lorsque vous le souhaitez, une analyse indépendante, pour vous aider à apporter les changements ou les améliorations qui pourraient être nécessaires.
Mme Mithani : Nous explorons de nombreuses pistes pour examiner et évaluer les présentations. Par exemple, dans certains cas, nous avons recours aux services d'examinateurs externes. Santé Canada ne dispose pas toujours de l'expertise à l'interne. Depuis quelque temps, nous avons fait des efforts pour rechercher des experts. Nous avons confié des examens des experts et également mis sur pied des conseils consultatifs composés d'experts.
Dans les cas où les données scientifiques sont controversées, il est bon de réunir les experts, les vétérinaires, pour qu'ils nous aident à formuler des recommandations qui nous aideront à progresser. Nous avons exploré diverses possibilités. Nous avons examiné les examens par les pairs. Nous avons retenu les services de vétérinaires; nous avons retenu les services d'experts et sommes en rapport avec l'Association canadienne des médecins vétérinaires. Nous sommes au courant de certains défis auxquels ils font face et ils connaissent les nôtres. Nous collaborons étroitement.
Le sénateur Segal : Dans ces divers organismes consultatifs, demandez-vous parfois à des diplômés d'universités comme celle de Guelph, qui possèdent des diplômes en sciences des sols et en élevage et qui sont, peut-être en plus, des agriculteurs? Est-ce que ces personnes sont parfois invitées à participer à vos consultations?
Mme Mithani : Comme vous le savez probablement, nous avons adopté un mécanisme pour rechercher des candidats pour nos conseils consultatifs. C'est un processus officiel : nous envoyons une lettre d'invitation à l'Association canadienne des médecins vétérinaires ou à d'autres intéressés et ce sont eux qui nous fournissent les noms de certaines personnes qui peuvent siéger sur des conseils consultatifs composés d'experts. Nous n'avons pas encore envisagé cette possibilité, mais nous le ferons.
M. Mayers : J'aimerais ajouter quelque chose à ce que ma collègue a déclaré dans le contexte du processus d'examen et c'est la dimension internationale. En plus de toutes ces pratiques, il y a un autre élément qui est important dans le contexte des approches que nous retenons, c'est celui de l'uniformité — non pas seulement sur le plan des règles, mais également sur celui des pratiques en matière d'évaluation.
Nous nous appuyons sur le travail que nous accomplissons dans des instances internationales comme le Codex Alimentarius pour valider ce que nous faisons, en harmonisant nos méthodes avec celles qui ont été mises au point par consensus entre les nombreux pays qui effectuent des évaluations semblables. Nous sommes convaincus que les données scientifiques que nous utilisons pour prendre des décisions sont appropriées et adaptées à l'objectif recherché, à savoir la prise de décision efficace reposant sur des données scientifiques.
La présidente : Chers collègues, le temps passe et il y a encore trois autres sénateurs qui voudraient poser des questions pendant le second tour, ce qui est très bien. Je vous invite à être aussi bref que possible de façon à ce que nos invités aient le temps de répondre à vos questions.
Le sénateur Mercer : Le sénateur Segal m'a troublé parce qu'il a parlé de pays fiables et j'aimerais savoir ce qu'il considère comme étant des pays fiables. Je ne voulais pas placer nos invités dans des situations délicates et leur parler de plusieurs pays non fiables. Cela me rappelle l'argument qui nous a été présenté dans d'autres domaines — pas seulement devant notre comité mais devant de nombreux autres comités au Canada — selon lequel les Canadiens sont toujours prêts à respecter les règles mais les autres pays ne le font pas toujours.
Est-ce également le cas dans le domaine de la médecine vétérinaire et des engrais? Est-ce bien ce dont nous nous plaignons — que les Canadiens sont trop gentils? Peut-on dire que nous respectons les règles internationales et que d'autres n'agissent peut-être pas en dehors des règles, mais les étirent dans le but d'avantager leurs agriculteurs?
M. Mayers : Pour ce qui est des responsabilités de l'ACIA en matière d'application de la loi et de conformité aux règles, nous avons un programme et nous avons parlé plus tôt de la question des importations. Dans nos programmes, il nous est arrivé de constater que certains médicaments vétérinaires étaient utilisés de façon inappropriée dans certains cas, par exemple. Je vais prendre l'exemple de l'aquaculture. Lorsque nous constatons qu'une quantité résiduelle d'un médicament qui n'est pas autorisé au Canada se trouve régulièrement dans des produits de l'aquaculture dans des concentrations trop fortes, nous communiquons avec le pays exportateur pour essayer de résoudre le problème, tout en augmentant, parallèlement, l'ampleur des contrôles effectués sur les produits importés. Il nous arrive de décider d'inspecter la totalité des expéditions de ces produits, ce qui veut dire que chaque lot de produits qui arrivent au Canada fait l'objet d'analyses avant d'être commercialisés. Nous travaillons avec le pays exportateur dans le but d'éviter l'utilisation inappropriée d'un médicament vétérinaire en aquaculture.
Nous avons agi de cette façon à plusieurs reprises. Nous avons travaillé avec nos collègues de Santé Canada pour évaluer le risque. Santé Canada se charge de l'évaluation du risque et en informe l'ACIA. Nous transmettons cette information au pays exportateur et travaillons avec les responsables à la mise en place de mécanismes de contrôle qu'ils vont utiliser avant d'exporter leurs produits au Canada. Nous validons ce processus en ayant recours, en cas de besoin, à un contrôle à 100 p. 100. Si les producteurs ne semblent pas être aussi soigneux qu'ils devraient l'être dans l'utilisation de ce genre d'intrants, alors nous prenons les mesures nécessaires pour obtenir la conformité avec les règles.
Le sénateur Mercer : Nous arrive-t-il de refuser l'entrée de ces produits dans ce genre de cas?
M. Mayers : Absolument. Dans la situation que j'ai décrite, les produits qui ne respectent pas les normes canadiennes sont rejetés.
Le sénateur Mercer : Est-ce que cela arrive souvent?
M. Mayers : Je n'ai pas avec moi de données concernant les rejets. Bien sûr, comme vous pouvez l'imaginer, le nombre de rejets varie selon le produit en cause. Dans certains cas, le taux de rejets était important puisqu'il représentait 25 p. 100 des expéditions; nous avons donc pris rapidement des mesures pour que le niveau de conformité se rétablisse à plus de 95 p. 100.
Le sénateur Mercer : La réponse que vous venez de fournir aux questions du sénateur Segal me rassure parce que vous avez utilisé, à plusieurs reprises, le mot « sécurité »; je vous en félicite.
Le sénateur Peterson : Je vais poursuivre sur la question du sénateur Gustafson à propos du traitement du bétail pour l'hypodermose. Le médicament coûte 400 $ au Canada et 80 $ aux États-Unis. L'écart ne peut s'expliquer par le taux de change, puisque les dollars sont au même niveau. Ce ne peut pas être non plus les forces du marché, parce que l'écart est très important. Comment expliquer alors cette différence?
Mme Mithani : Il faudrait le demander à l'Institut canadien de la santé animale, parce que c'est lui qui établit le prix des médicaments.
Le sénateur Gustafson : Ma question porte sur les céréales modifiées génétiquement. Le secteur des céréales a sa propre dynamique interne, cela est sûr. Les céréales génétiquement modifiées sont dans le commerce et les entreprises comme Monsanto veulent que ces produits se vendent rapidement. Parallèlement, il y a les aliments et les céréales biologiques. Vos scientifiques s'occupent-ils des céréales génétiquement modifiées, parce qu'il ne faut pas uniquement considérer la santé des consommateurs? Tous les jours, nous lisons dans les journaux qu'il n'y a pas suffisamment de nourriture pour nourrir tout le monde. Je pense que nous serons obligés d'adopter certaines céréales modifiées génétiquement si nous voulons augmenter les rendements. J'aimerais avoir vos commentaires sur ce sujet.
M. Mayers : L'Agence canadienne d'inspection des aliments et Santé Canada ont chacun un rôle à jouer dans la commercialisation des nouvelles variétés végétales. L'ACIA est principalement responsable de la commercialisation de produits comme les aliments pour bétail et les semences. Santé Canada s'intéresse de son côté à la sécurité pour les consommateurs des aliments fabriqués à partir de ces produits. Notre approche à la mise en marché de ces produits est semblable à celle dont nous avons parlé pour ce qui est des intrants dans le cas des aliments pour bétail. Il y a une autorité de réglementation qui est chargée d'autoriser la commercialisation de ces produits. Nous vérifions l'innocuité de ces produits pour être sûrs qu'ils sont aptes à la consommation humaine, à la consommation animale et qu'ils ne mettent pas en danger l'environnement canadien.
Le sénateur Gustafson : Il y a des gens qui disent, à tort ou à raison, que, si l'on utilise trop de bouillies pour les céréales génétiquement modifiées, nous allons avoir des sols stériles. Il y en a certains qui pensent de cette façon. Craignez-vous que cela se produise? Nous n'avons pas encore de blé génétiquement modifié. Du moins, ce n'est pas public.
M. Mayers : Il n'y a pas de variétés du blé génétiquement modifié qui soient autorisées au Canada, même si nous avons autorisé des variétés d'autres céréales.
Le sénateur Gustafson : Comment allons-nous aborder cette situation? Il y a de gros intérêts dans le secteur céréalier. Je ne parle pas de partis politiques, mais de ceux qui ont des intérêts dans la production de céréales.
M. Mayers : Il serait peut-être utile que M. Chancey nous donne un bref aperçu de notre programme.
M. Chancey : Je peux répondre à votre question, sénateur, qui est tout à fait valide. J'ai travaillé avec les producteurs, les manutentionnaires et certains consommateurs dans le secteur céréalier, en particulier au cours des cinq dernières années. Je peux parler d'une affaire bien connue dans laquelle une des entreprises technologiques avait présenté pour approbation réglementaire une variété de blé génétiquement modifiée au Canada et aux États-Unis. En fin de compte, ce n'est pas l'innocuité du produit qui a été le facteur déterminant; la société a retiré sa présentation à cause de la résistance du marché. Je veux dire par là qu'on s'inquiétait, tant au Canada qu'aux États-Unis, de perdre des marchés d'exportation à cause de l'incapacité du système à l'époque de garantir à ces marchés que les produits en cause seraient mis à part.
À l'époque, cela a donné une discussion très polarisée, comme vous vous en souvenez. Je remarque que maintenant l'approche est tout à fait différente. Les intéressés collaborent activement, et le font de façon très responsable. Il serait possible d'introduire de nouveaux produits bien connus et ils obtiendraient très probablement une approbation pour ce qui est de la sécurité du produit.
Nous savons également qu'avant que ces nouveaux produits soient introduits, en particulier pour ce qui est des céréales — le blé en est une, mais il y a aussi toutes les céréales commercialisées qui ne sont pas, à l'heure actuelle, modifiées génétiquement — il faudrait résoudre les questions que soulèveraient l'approbation et l'acceptation internationales de ces produits. C'est là le principal blocage à l'heure actuelle.
Je pense que l'industrie canadienne, nos collègues de la Direction de la recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, la Commission canadienne des grains et nos propres scientifiques savent qu'ils existent de nouveaux dangers pour la santé de nos plantes; en particulier, il existe en Afrique un parasite très dangereux, la rouille noire des céréales. Il faut prendre comme hypothèse que ce parasite va se retrouver à un moment ou à un autre en Amérique du Nord. D'après certains, la seule façon rapide de protéger nos ressources est de mettre au point de nouvelles variétés résistantes à ce parasite à l'aide de la biotechnologie moderne. Là encore, je pense que c'est la proximité de ces menaces, qui ne se limitent pas à l'Amérique du Nord — qui va probablement être le facteur déterminant.
Le sénateur Gustafson : Il est intéressant de noter qu'il y a cinq ans, le Canada risquait de perdre toutes ses ventes de canola, parce qu'il était génétiquement modifié. L'Europe, l'Asie et les autres pays refusaient d'en acheter. Cette opposition semble avoir complètement disparu.
J'ai une autre question. Le problème que posent les produits biologiques est qu'il faut les séparer pendant la manutention des céréales, à moins qu'on puisse les mettre dans des conteneurs ou dans d'autres contenants à part. Je pense que c'est là le grand défi.
M. Mayers : La valeur ajoutée associée aux produits biologiques, parce qu'il y a un avantage de prix, a entraîné la mise sur pied de systèmes de ségrégation des produits de l'agriculture biologique de façon à préserver l'avantage de prix dans la chaîne de production et de distribution.
La présidente : Je remercie les honorables sénateurs et les témoins qui étaient ici ce soir. Nous avons eu une discussion extrêmement intéressante qui nous a ramenés à toutes sortes d'idées auxquelles nous nous étions déjà intéressés.
Si jamais vous rencontrez votre ami, George Luterbach, saluez-le de notre part. Il a fait de l'excellent travail à l'Agence canadienne d'inspection des aliments pendant ce que l'on a appelé, la crise de la vache folle. Nous ne l'avons pas oublié.
Merci d'avoir pris le temps de venir ici. C'est une question complexe, difficile à comprendre. Vous nous avez donné des renseignements utiles ce soir et nous vous en sommes reconnaissants.
La séance est levée.