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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 4 - Témoignages du 13 décembre 2007


OTTAWA, le jeudi 13 décembre 2007

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 10 h 50 pour étudier le projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, notamment en ce qui concerne les entités de placement étrangères et les fiducies non-résidentes ainsi que l'expression bijuridique de certaines dispositions de cette loi, et des lois connexes.

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, notamment en ce qui concerne les entités de placement étrangères et les fiducies non-résidentes ainsi que l'expression bijuridique de certaines dispositions de cette loi et des lois connexes.

[Traduction]

Nous ne somme pas sur le web aujourd'hui, nos délibérations ne sont pas diffusées sur CPAC, mais nous allons poursuivre notre étude du projet de loi C-10, qui portait auparavant le numéro C-33 et était intitulé la Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (2006).

Le projet de loi C-33 a été déposé à la Chambre des communes le 22 novembre 2006 par le ministre des Finances. Cependant, il est mort au Feuilleton à la suite de la prorogation de la première session de ce Parlement, et il a de nouveau été déposé à la deuxième session sous le numéro C-10. Il est parvenu directement au Sénat, sans avoir été étudié ni modifié en comité à l'autre Chambre, contrairement à certaines affirmations qui nous ont été faites.

Nous avons eu des audiences hier et avons entendu plusieurs témoins, notamment des représentants du ministère des Finances, dont M. Gérard Lalonde. Il est ici aujourd'hui avec quelques collègues. Monsieur Lalonde, comme je l'ai dit hier, j'ai trouvé que vous avez donné d'excellentes explications d'enjeux très complexes. Soyez à l'aise pour signaler quand vous voulez intervenir, que ce soit personnellement ou par l'entremise de M. Nash ou d'autres de vos collaborateurs.

Nous accueillons ce matin nos derniers témoins, soit Mme Katie Walmsley, la présidente de l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada; M. Tom Johnston, président du Comité sur l'industrie, la réglementation et les taxes de l'ICAC, et Pamela Moore, présidente du Comité du service aux membres de l'ICAC.

Katie A. Walmsley, présidente, Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada : Je ferai quelques observations préliminaires, et je m'efforcerai d'être brève. Je laisserai ensuite la parole à M. Johnston, qui donnera des exemples précis, et ensuite, nous pourrons tous les trois répondre à vos questions.

Le président : Avant de vous laisser commencer, je voudrais préciser que je suis le sénateur Angus. Je suis président du comité et je suis du Québec. Le sénateur Goldstein, le vice-président, est aussi du Québec. Il y a aussi le sénateur Eyton, de Toronto, le sénateur Harb, d'Ottawa; le sénateur Moore est d'Halifax et le sénateur Nolin, du Québec.

Mme Walmsley : Nous vous remercions de nous donner cette occasion de participer à vos délibérations sur le projet de loi C-10. Je ne ferai que de brèves observations pour laisser le temps aux questions. Nous avons eu l'occasion d'écouter vos discussions hier, et je sais que les sénateurs avaient beaucoup de questions à poser. Nous répondrons volontiers à celles que vous aurez sur notre présentation d'aujourd'hui et les présentations d'hier.

L'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada représente des conseillers en placement et des gestionnaires de portefeuille de tout le Canada. Nous faisons des placements pour les particuliers canadiens qui épargnent en vue de leur retraite, et nous faisons des placements aussi de l'actif de caisses de retraite de tout le Canada, ceci dans chaque province et chaque territoire du pays. Le total de l'actif que gèrent nos membres pour leurs clients se chiffre à 600 milliards de dollars.

Pourquoi sommes-nous ici aujourd'hui? Nous avons un objectif commun avec le gouvernement, celui d'assurer l'existence de ressources suffisantes pour appuyer les Canadiens au moment de leur retraite. Nous pensons que le projet de loi C-10, sous sa forme actuelle, sans le vouloir, sape cet objectif.

L'association approuve pleinement le principe général et l'esprit du projet de loi C-10, qui vise à éliminer les havres fiscaux à l'étranger. Toutefois, au lieu de ne cibler que les personnes qui se soustraient de manière injustifiée à leur part juste de l'impôt, cette loi pénalise les comptes de placement légitimes exemptés d'impôts. Nous pensons qu'une simple modification à la Loi de l'impôt sur le revenu suffirait à corriger cet état de fait.

Comme vous le savez, la Loi de l'impôt sur le revenu exempte les régimes d'épargne enregistrés, les RÉR, et certains autres Canadiens de l'impôt. Cette exemption n'a nettement pas été prise en compte dans le projet de loi C-10, relativement aux fiducies non-résidentes, ou FNR, dont il a été question hier.

Ces régimes enregistrés et RÉR n'ont aucune raison d'investir à l'étranger pour se soustraire à l'impôt, puisqu'ils sont déjà exemptés de l'impôt sur le revenu au Canada. L'investissement à l'étranger fait partie d'une saine stratégie d'investissement. Les gestionnaires d'actifs investissent tant au pays qu'à l'étranger pour diversifier les placements, réduire les risques et potentiellement avoir un rendement plus élevé à long terme.

Les marchés financiers du Canada, vous le savez, ne représentent qu'une mince tranche du marché mondial — on estime à 3 billions de dollars sa part dans un monde de 96 billions de dollars — et la diversification au-delà des marchés canadiens est essentielle pour constituer des portefeuilles prudents pour les investisseurs canadiens. Comme l'a reconnu à juste titre le budget fédéral d'octobre 2007, et je cite, « l'accès accru aux marchés de capitaux mondiaux et une plus vaste gamme d'instruments de placement donneront de plus grandes possibilités d'obtenir des rendements supérieurs. »

Qu'arrivera-t-il si le projet de loi C-10 est adopté? J'aimerais citer une traduction libre d'un extrait d'une lettre qu'a envoyée l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite au ministre des Finances, James Flaherty. C'est une association qui gère l'actif de la plus grande partie des principales caisses de retraite du Canada, lequel se chiffre à plus de 900 milliards de dollars.

Les exemples de fiducies étrangères dans lesquelles de nombreux régimes de pension canadiens ont déjà investi, probablement des milliards de dollars, sont des fonds de placement établis hors du Canada et qui investissent principalement dans des actions non canadiennes...

... Si le régime des FNR est appliqué aux caisses de retraite canadiennes, ils seront forcés de se départir d'une grande partie de ces titres et les éviter de manière générale dans leurs stratégies de placement futures. Certaines fiducies étrangères refusent déjà les placements d'investisseurs canadiens en raison des règles qui sont proposées pour les investissements — limitant ainsi les choix de placement dont disposent les caisses de retraite canadiennes. Cela aura l'effet général que les portefeuilles des caisses de retraite du Canada canadiens auront un rendement sous-optimal.

Si le projet de loi n'est pas modifié, il y aura des problèmes non négligeables d'obligation fiscale et de non- optimisation des placements. Cela pourrait avoir pour les Canadiens certaines répercussions, notamment une diminution importante de leur épargne; cela pourrait faire obstacle à des placements potentiels qui, autrement, seraient de l'intérêt des Canadiens; ces derniers seraient contraints de prendre de plus grands risques qu'il n'est nécessaire avec leurs économies; il y aurait des coûts administratifs plus élevés, ce qui réduirait la valeur de leur portefeuille; et les fiducies étrangères refuseraient tout simplement les placements des Canadiens.

En outre, je suis sûr que le comité sait que bien des régimes de retraite du Canada, petits et grands, éprouvent des problèmes de solvabilité avec des dettes non provisionnées, et ont de plus en plus de difficulté à répondre aux besoins d'épargne-retraite des membres de leur régime. Ces difficultés persisteront si le projet de loi C-10 devait être adopté tel qu'il est actuellement. Avec sa clause de rétroactivité, les caisses de retraite devront en plus payer de l'impôt sur cette année-ci.

Nous avons entendu les commentaires de M. Lalonde hier, et nous avons été encouragés de constater que le ministère des Finances a reconnu le problème et est prêt à en discuter. J'aimerais préciser, toutefois, que M. Lalonde avait l'impression que puisque nous avions soumis cette recommandation à ce comité mais, aussi, dans le cadre du processus de consultations prébudgétaires de 2008, nous n'estimions pas urgent de régler ce problème dès maintenant, et c'est faux. Nous avons soumis la recommandation dans le cadre du processus de consultations prébudgétaires de 2007, et nous continuerons de la soumettre jusqu'à ce qu'un changement soit apporté, une modification. Il y a urgence, particulièrement en ce qui concerne la clause de rétroactivité à l'exercice 2007, et un simple correctif s'impose.

Il convient de souligner qu'il n'y aurait pas de perte de recettes prévues pour le gouvernement fédéral s'il adoptait une modification qui harmoniserait cette loi avec les exemptions prévues pour les régimes de pension agréés et les contribuables exempts aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui investissent dans des entités de placement étrangères et sont déjà exemptés de l'impôt.

J'ai parlé plus tôt de la lettre de l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite, laquelle prône vivement un amendement à ce projet de loi. J'ai aussi remis à Mme Gravel des copies d'une lettre de l'OMERS, ainsi que du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario qui, tous, incitent le gouvernement à modifier ce projet de loi.

Ce groupe représente au total 1,5 billion de dollars d'actif et représente les intérêts de l'épargne-retraite des Canadiens, et il plaide fermement en faveur d'un simple amendement qui, selon nous, permettra aux régimes enregistrés d'épargne-retraite de rester exempts de l'impôt.

L'amendement que nous suggérons est très simple. C'est un nouveau paragraphe, 94(2.1), qui figure dans le document officiel. Nous suggérons un amendement du genre de ce qui suit :

Pour déterminer si une entité est un contribuant résidant d'une fiducie donnée ou un bénéficiaire résidant d'une fiducie donnée, toute contribution qui est faite ou réputée avoir été faite par un contribuable exempté de cette fiducie est considérée comme n'ayant pas été faite.

Ainsi s'assure-t-on que les caisses de retraite et REER qui sont exonérés de cet impôt aujourd'hui le resteront.

Tom Johnston, président, Comité sur l'industrie, la réglementation et les taxes de l'ICAC, Association des conseillers en gestion du portefeuille du Canada : J'aimerais insister sur les commentaires qu'a fait ma très honorée collègue relativement aux points de vue que nous exposons. Nous appuyons les principes généraux du projet de loi et les commentaires qui ont été faits au sujet du Canada comme étant un marché relativement étroit dans le contexte mondial, dont les régimes de pension représentent 3 p. 100, et les investisseurs doivent faire des placements à l'étranger. Ce faisant, avec les placements à l'étranger, il arrive des situations véritables et inévitables où les régimes de pension et les investisseurs exonérés de l'impôt peuvent investir dans des fiducies étrangères. Je vais vous en donner trois exemples.

La première de ces situations, la plus courante, survient dans les catégories de plus petits titres — les titres européens à petite capitalisation, les titres indiens, brésiliens et russes, et les titres américains à faible capitalisation. Pour toutes ces catégories de titres, les régimes de pension ou les conseillers qui gèrent leur portefeuille investiront généralement dans les fonds étrangers, où ils peuvent combiner des actifs et des mandats similaires. Ils peuvent être constitués en tant que fiducies, mais ce sont des fiducies commerciales dans tous les sens du terme.

Le deuxième exemple est une entreprise exploitée, un émetteur particulier qui peut être inscrit en bourse, mais qui se trouve à être constitué et établi comme fiducie; c'est assez semblable au Canada, où nous avons des fiducies et des fiducies de placement immobilier. Dans certains marchés du monde, ce n'est pas peu courant, par exemple à Singapour.

Le troisième exemple nous ramène à un commentaire qu'a fait hier un sénateur. L'infrastructure, les FPI, les titres privés — les promoteurs constituent ces structures. Tout cela augmente les catégories d'actif. Bien souvent, elles sont établies comme des fiducies, et c'est inévitable.

Le plus ironique, c'est que si ces mêmes régimes de retraite ou investisseurs non imposables faisaient ces investissements dans ces structures mais elles se trouvaient à être constituées comme des sociétés, c'est l'autre moitié du projet de loi C-10, le règlement visant les EPE, les entités de placements étrangères, comme on les appelle, qui s'appliquerait. Cependant, dans la loi, les régimes de pension sont entièrement exonérés, tout à fait exemptés, et tout ce que nous disons c'est qu'il faut en faire autant de l'autre côté; il faut que cela s'applique aussi aux règles visant les fiducies non-résidentes. Ce n'est qu'une structure. Mes honorés collègues ont parlé de la solution.

La conséquence, c'est que ces billions de dollars, qui représentent une somme importante en regard du PIB du pays, sont forcés de traverser, si on emploie les termes du témoin d'hier, le « champ de mine », et le « roncier » de 800 pages de mesures législatives pour essayer de trouver une « voie de sortie » aux termes de la définition d'une fiducie non- résidente exonérée. Il y a un alinéa h) et je n'entrerai pas dans les détails, qui traite des fiducies commerciales, mais c'est dans les 150 pages de définitions et 200 pages de commentaires.

Il suffit de dire que lorsque des organisations réputées comme l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada, le Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, OMERS et l'ICAC disent que ces dispositions posent problème, vous pouvez parier qu'il y a un problème. Il a néanmoins été encourageant d'entendre les fonctionnaires du ministère des Finances reconnaître l'existence d'un problème.

Outre ces trois exemples, il y a des situations où même avec la plus grande diligence et le maximum de ressources qu'un régime de pension puisse investir dans une situation, on peut ne même pas savoir qu'on a une fiducie non- résidente. Il y a des marchés du monde où le concept de fiducie n'existe même pas, mais qui proposent des placements qui ont des caractéristiques d'une fiducie.

Je vais vous donner un exemple de structures de copropriété, quand un dépositaire gère les fonds, que gère une tierce partie. Il y a des centaines de milliards de dollars de ces structures : des fonds contractuels irlandais, des fonds en Suisse et au Luxembourg, ainsi qu'en Allemagne. Les directives de l'ARC sont quelque peu contradictoires à cet égard, en ce sens que d'un côté, l'ARC dit que certains fonds allemands sont des fiducies tandis que des fonds contractuels irlandais ne le sont pas, et cette incertitude est source de grands risques.

En outre, il y a des placements qui peuvent être dans des sociétés à l'étranger, mais celles-ci peuvent être des structures maîtresses d'alimentation de la fiducie. Par conséquent, là encore, on ne sait pas si on a une FNR.

Ce sont, je crois, les sénateurs Massicotte, Meighen et Biron qui ont posé une question hier. Ils ont demandé s'il est possible que certains gestionnaires étrangers disent « non » aux investisseurs canadiens parce qu'ils ne veulent pas courir le risque d'être perçus comme faisant des affaires au Canada rien que parce que le contributeur est exonéré de l'impôt.

La réponse, c'est oui. Les preneurs fermes se feront conseiller, bien souvent, de ne pas mettre les titres américains à la disposition du marché des caisses de retraite canadiennes. Nous le constatons dans les FPI et l'infrastructure de ces nouvelles catégories de titres, où nos caisses de retraite essaient de trouver d'autres sources de rendement mais se font refuser l'accès à ce système. Cela entraîne plus que des coûts liés à l'observation; c'est maintenant un coût économique ou potentiellement économique pour ces régimes de pension et leurs conseillers, mais en bout de ligne pour les Canadiens qui travaillent dont les caisses de retraite sont en péril, et qui sont en quête de rendement.

Nous parlons ici d'une faille d'une valeur de 1 billion de dollars. Bob Brown, un conseiller de longue date du ministère des Finances, a fait un commentaire, selon lequel le régime fiscal devrait être comme un navire en bois. Il doit pouvoir tenir la mer, mais est-ce qu'un risque d'un billion de dollars, avec une restriction, pour notre part de 3 p. 100 du marché, pour nos caisses de retraite qui font des placements à l'échelle mondiale, est de l'intérêt du gouvernement, du public canadien et de la politique de promotion de l'épargne-retraite pour les Canadiens?

Le président : Merci pour ces commentaires, monsieur. Vous avez mis en valeur les préoccupations que suscite chez nous le projet de loi C-10. Je constate que vous savez que des témoins, hier, ont exprimé des craintes similaires, et que les sénateurs et le comité s'en préoccupent aussi. Il nous faut comprendre un peu mieux comment on peut calmer ces inquiétudes. Comme vous le savez, cette loi est dans l'air depuis longtemps. Je pense que ceci doit être sa troisième ou sa quatrième version. J'invite les sénateurs à poser des questions.

Nous avons ici M. Lalonde. Nous aimerions savoir si l'un de vous a trouvé des solutions pour calmer ces inquiétudes, autrement que par un amendement au projet de loi.

Le sénateur Harb : M. Lalonde, hier, nous a mis à l'aise pour essayer d'accepter le projet de loi tel qu'il est en déclarant qu'il comprend tout à fait qu'il suscite des inquiétudes relativement aux régimes de pension et au placement de ces fonds ainsi qu'à certaines fiducies. Êtes-vous à l'aise pour travailler avec le ministère de M. Lalonde, peut-être pour formuler des règlements, ou une espèce de mémorandum? Est-ce que cela apaiserait vos inquiétudes jusqu'à ce qu'ils proposent un amendement susceptible de régler ces problèmes?

M. Johnston : Il est certain que nous sommes ouverts à avoir des discussions avec le ministère des Finances, mais le problème, comme il en a été question hier, c'est que la loi actuelle comporte une clause de rétroactivité au 1er janvier 2007.

Le président : Quand vous parlez de la loi actuelle, vous voulez dire le projet de loi C-10 tel qu'il est libellé, ou de la loi en vigueur actuellement?

M. Johnston : Le projet de loi C-10 aurait un effet de rétroactivité au 1er janvier 2007. L'intégralité du secteur des régimes de retraite, d'une valeur d'un billion de dollars, devrait potentiellement débloquer des milliards de dollars de placements qui enfreignent actuellement la règle des fiducies étrangères jusqu'à qu'un amendement potentielle puisse être apporté rien que pour corriger cette faille, que nous considérons comme une faille, parce que les régimes de retraite devraient être exonérés au même titre que les FNR et les EPE. C'est une situation précaire. Il pourrait y avoir des élections fédérales ou des retards. En fin de compte, ce que nous disons c'est qu'il faudrait attendre un an et assujettir à cette loi l'épargne des Canadiens et leur besoin de continuellement investir à l'étranger jusqu'à qu'il y ait une loi arbitraire et la volonté politique de faire les démarches nécessaires pour en traiter dans un nouveau projet de loi et adopter celui-ci.

Le sénateur Harb : J'aimerais entendre M. Lalonde à ce sujet, qu'en fait cela créera un problème. Est-il ici?

Le président : Oui, M. Lalonde est ici aujourd'hui.

Le sénateur Harb : Et si le ministère pouvait trouver des mesures qu'il pourrait adopter pour calmer ces inquiétudes?

Le président : Brian Ernewein est ici. Vous n'étiez pas là hier, puisque vous étiez à un autre comité qui étudiait, je crois, le projet de loi C-28. Nous avons trois fonctionnaires : M. Nash, M. Lalonde et M. Ernewein du ministère des Finances, qui peuvent parler de la politique fiscale. Ils ont suivi la question de très près. Nous essayons de trouver une solution qui convienne à tous. C'est une loi d'importance. Si nous pouvons trouver un moyen de régler la question sans avoir à passer par tout le processus d'amendement, vous allez jeter le bébé avec l'eau du bain. Nous faisons de notre mieux.

Le sénateur Harb : M. Lalonde a entendu la question, et c'est pour répondre à une préoccupation qu'ont exprimée les témoins, c'est-à-dire comment, si c'est possible, par règlement ou par décret en conseil, par pouvoir délégué du ministre à son personnel, peut-on régler cette question?

M. Brian Ernewein, directeur général, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances du Canada : Pour répondre directement à la question, ce que propose l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada, et je pense qu'il en a été question hier aussi, est un amendement à la loi. L'association ne cherche pas à ce qu'il y ait une interprétation différente, ni même une modification réglementaire, bien que je considère la modification règlementaire comme étant de la même nature qu'une modification législative. La solution recherchée, et je suis sûr que les témoins peuvent me le confirmer, est une modification au règlement.

Cela étant dit, j'aimerais préciser plusieurs choses. L'une est que la question a été soulevée au sujet de l'application de cette loi à l'exercice de 2007. C'est vrai. La règle s'applique à l'exercice de 2007. Ce qui n'est pas clair pour nous, c'est s'il y a un nouvel enjeu, dans le sens où nous avons des règles qui s'appliquent aujourd'hui aux fiducies étrangères, dans le code des lois. Certainement, les nouvelles propositions que renferme le projet de loi C-10 chercheraient à resserrer ces règles pour les fiducies non-résidentes, de même que pour les entités de placement étrangères, mais actuellement, nous avons des propositions visant les fiducies non-résidentes, et d'après ce que j'ai compris, ces propositions visant les fiducies non-résidentes ne comportent aucune exemption pour les régimes de pension ou d'autres entités exonérées de l'impôt.

Il n'est pas clair pour nous que ce soit un nouvel enjeu. Je me ferai l'écho de M. Lalonde quand il dit que nous avons l'impression, même en ce qui concerne la nouvelle loi, que cette question n'a été soulevée que tout récemment et mérite un examen poussé, mais nous ne sommes pas absolument sûrs que ce soit un nouvel enjeu et que le problème, si problème il y a, n'existe pas déjà.

Le sénateur Harb : Vous avez dit que cela pourrait se faire par règlement, mais vous avez poursuivi en disant qu'il faudrait un amendement. Si c'est possible au moyen du règlement, il n'est pas nécessaire de modifier quoi que ce soit. Le cas échéant, je soupçonne que cette solution répondrait aux vœux de nos témoins, qui nous disent aujourd'hui — c'est la première fois que je l'entends dire — qu'il s'agit ici de milliards de dollars. Cela explique pourquoi, hier, nous n'avons pu obtenir ces renseignements des témoins du secteur privé ou du ministère.

Je remercie infiniment le témoin de nous avoir fourni ces chiffres. Maintenant, nous savons qu'il y a un gros éléphant dans la salle. Monsieur Ernewein ou monsieur Lalonde, est-ce que ces problèmes peuvent trouver solution dans un règlement? Le cas échéant, pourquoi faudrait-il un amendement?

Gérard Lalonde, directeur, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Je ne pense pas avoir entendu M. Ernewein dire que cela peut se faire par règlement, mais seulement que le règlement constitue tout autant une modification à la loi que les changements à la loi. Toutefois, un règlement ne peut être promulgué que si une loi confère le pouvoir de prendre règlement. Par exemple, on verra souvent dans le texte de la loi « tel que le prévoit le règlement ». Il n'y a pas de « voie de sortie » de ce genre dans le projet de loi. Ce ne serait pas une solution pour l'instant.

Ce que disait M. Ernewein, c'est que dans la loi actuelle — laissons de côté le projet de loi C-10 — il existe des règles qui s'appliquent aux fiducies étrangères et cet enjeu existe en ce qui concerne cette loi. Si les régimes de retraite sont dans une position où ils sont dans l'irrégularité aux termes du projet de loi C-10, il se pourrait très bien qu'ils le soient aussi aux termes de la loi actuelle. Enfin, dans le contexte des types de placements dont il a été question aujourd'hui ici, je pense que le témoin a bien parlé des exceptions pour les fiducies commerciales. C'est le moyen que nous avions envisagé pour prévoir les exemptions des placements commerciaux dans les fiducies, du genre de ceux que feraient les caisses de retraite. Il y a évidemment des catégories différentes de placement. Nous avons une exception pour les fiducies commerciales qui porte plus ou moins sur les placements de portefeuille dans les fiducies qui ont au moins 150 participants. Les types de placements qu'a décrits M. Johnston et, certainement, les types d'investissements que feraient les REER correspondraient à ceux-là.

Il y a d'autres circonstances, et on a dit hier que le marché des souscriptions privées pourrait participer aux investissements d'importance dans les fiducies qui ont moins de 150 investisseurs. Nous avons aussi essayé de composer avec celles-là en prévoyant une exemption pour ce type de fiducie commerciale quand il n'y a pas de titre réglementé dans la fiducie, les titres réglementés étant généralement les parts bloquées en raison d'un gel successoral qui, selon nous, ne devraient pas faire partie de fiducies commerciales, bien qu'il y ait d'autres catégories de titres réglementés et qu'un acte formaliste bilatéral de fiducie doit être déposé auprès de l'Agence du revenu du Canada.

Il y a certains enjeux entourant cet aspect qu'il conviendrait d'examiner, mais là où je veux en venir, c'est que la loi actuelle soulève certaines questions qui se posent déjà pour ces fonds de pension.

Les propositions que renferme le projet de loi C-10 ont des voies de sortie. Remarquez, il faut passer par l'administration pour s'assurer d'être visé par les exemptions stipulées dans le projet de loi C-10, et nous comprenons les commentaires selon lesquels ils préféreraient ne pas avoir à passer par cette administration, mais qu'il serait beaucoup plus pratique que les caisses de retraite soient simplement exclues. Le libellé du projet de loi comporte certaines formules d'allègement. Je ne pense pas que le règlement soit un moyen de régler le problème actuellement, même si nous en trouvions exactement le libellé de la formule à intégrer dans le règlement. Ce qui reste est une modification au libellé de la loi et, malheureusement, à ce stade-ci — et je le répète, je l'ai dit hier — bien que nous ayons reçu des commentaires informels à cet effet il y a quelques années, nous en avons reçu d'autres dernièrement à ce sujet, et nous n'avons pu y avoir accès. Nous n'avons pas eu le temps de les analyser en profondeur ni de les intégrer à ce projet de loi. Cependant, nous avons indiqué, et nous l'avons dit hier, que nous discuterions volontiers de la question avec les représentants de l'ICAC.

Le sénateur Harb : Je suis sûr que mes collègues apprécient votre sincérité et l'effort que vous faites pour calmer des préoccupations qu'il faut véritablement apaiser. Je comprends que ce n'est que tout récemment que vous avez entendu parler de ceci comme d'un problème. Nous le comprenons parfaitement. Ce que nous essayons de trouver, c'est un moyen pour nous, compte tenu de l'envergure de la somme dont il a été question aujourd'hui, un moyen par lequel vous pourriez aider le comité à faciliter votre tâche.

Nous essayons de trouver une façon pour vous de nous guider en tant que comité. Qu'est-ce que nous pourrions ou devrions faire pour faciliter votre tâche afin de régler ces questions de dernière minute qui ont été portées à votre attention, et qui, vous l'admettez, doivent être réglées.

Compte tenu de la teneur du projet de loi actuel, vous pensez que toutes ces préoccupations que vous avez exprimées ne seraient pas apaisées parce qu'il faudrait une espèce d'amendement. Y a-t-il, si on peut dire, une formule simple que nous pourrions intégrer au projet de loi qui vous faciliterait les choses, au moyen de la réglementation? Le règlement peut être modifié pour vous laisser un peu de marge de manœuvre. Y aurait-il un amendement favorable que nous pourrions faire rapidement adopter par les deux chambres, pour régler cet aspect particulier?

M. Lalonde : Puis-je corriger quelque chose que j'ai dit il y a un moment? Je vous demande de pardonner mon erreur. C'est quelque chose d'important que mon collègue, M. Nash, voulait souligner. Fort heureusement, il existe dans la définition « fiducie étrangère exempte » un pouvoir de prescription. C'est à l'alinéa i) de cette définition. J'avais oublié. C'est à la page 29 du projet de loi, le dernier paragraphe de la définition.

Le sénateur Harb : Et que signifie-t-elle?

Le président : Comment est-ce que cela s'appliquerait?

M. Ernewein : Si je peux intervenir. Cela confère le pouvoir d'accorder une exemption à certaines fiducies, au moyen du processus réglementaire. Il faut encore qu'une décision soit prise à cet effet, et comme je l'ai dit plus tôt, sous un angle, des modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu ou des modifications par le biais du Règlement afférent à la loi de l'impôt doivent passer, en fait, par le même processus décisionnel de fond. Il faudrait encore en discuter avec l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada. Ils ont reconnu que nous avons exprimé notre intérêt en ce sens.

Pour répondre à la question, cela s'est révélé une série de questions bien utiles. Il semble bien exister différentes possibilités pour faire un changement si un changement est recommandé, l'une étant de modifier la loi, la disposition législative elle-même; l'autre serait d'invoquer le pouvoir réglementaire que confère la loi actuelle.

Le sénateur Harb : Je voudrais suggérer, compte tenu de ce que vous venez de nous dire, qu'il serait intéressant que vous vous engagiez maintenant, publiquement, à emprunter la voie réglementaire parce que le projet de loi comporte des éléments que bien des gens aimeraient voir mis en œuvre, et que vous vous assoyiez avec l'avocat pour régler ces détails. Est-ce que ce serait possible?

Est-ce que vous pourriez nous dire cela, monsieur Nash?

Grant Nash, chef par intérim, Direction générale de la politique de l'impôt, ministère des Finances du Canada : Dans notre version, c'est aux lignes 14 à 16 de la page 32.

Le sénateur Tkachuk : Quel article à la page 32?

Le président : L'exemption pour les fiducies. Soyons clairs, sénateur Harb. C'est utile. Je pense que tout le monde voit maintenant là où je veux en venir. Ce que j'aimerais faire remarquer, sénateur Harb, et pour que nous soyons tous à la même page, M. Ernewein, je pense, a dit qu'il considère qu'une modification à un règlement au moyen même de cette disposition qui est à la page 32 exige une décision. Il considère que cela revient au même qu'une modification à la loi de l'impôt. N'empruntons donc pas cette voie à moins que ce ne soit une solution véritable. Qui doit prendre cette décision?

M. Ernewein : Dans le cas du Règlement, c'est le gouverneur en conseil; dans le cas du règlement sur l'impôt, c'est le gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre des Finances.

Le président : Vous dites donc que si nous obtenons d'eux l'engagement qu'ils le feront, cela contournerait la nécessité d'une modification?

Le sénateur Harb : Exactement, vous représentez la Couronne. En votre qualité d'agent du ministre ou du ministère, vous engageriez-vous à faire ce genre de chose?

M. Ernewein : Je ne suis ni le ministre des Finances ni le gouverneur en conseil, bien entendu, alors je ne suis pas en mesure de m'engager à faire une modification de ce genre. Ce que je peux offrir c'est, d'après ce que j'ai compris de ce qu'a dit l'honorable sénateur, de faire ce que de toute façon nous ferions, c'est-à-dire de rencontrer l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada pour déterminer avec elle si nous pouvons formuler une règle rationnelle qui viserait à leur offrir l'allégement qu'ils recherchent et, si nous le pouvons, de recommander ce changement au ministre des Finances.

Le président : De manière urgente?

M. Ernewein : Oui, nous ne laisserions pas les choses traîner.

M. Johnston : J'aimerais commenter deux ou trois choses qu'ont dites les fonctionnaires du ministère des Finances. La première, c'est que l'article 94 de la loi actuelle assujettit déjà les régimes de pensions aux règles visant les fiducies non-résidentes. La réponse, c'est que oui, c'est le cas. Cependant, et c'est un gros cependant, la règle actuelle divise les fiducies non-résidentes en fiducies discrétionnaires et non discrétionnaires, et elles n'ont pas cette rubrique de propriété étrangère réglementée. Le billion de dollars d'actif des caisses de retraite et régimes d'épargne peut facilement être assujetti à l'exemption non discrétionnaire, et ceci n'est pas un problème. C'est le règlement actuel que propose le projet de loi C-10 qui change fondamentalement le paysage de ce billion de dollars.

J'aimerais aussi ajouter qu'il s'agit d'un tout nouvel enjeu dont il n'a jamais été question auparavant. Tout le secteur des services financiers y serait opposé. L'ICCA/ABC, un groupe qui a bonne réputation et bien connu, a réclamé la même exemption, mot pour mot, dans son mémoire de 2003 : que les régimes de pension ne tombent pas sous le coup de cette loi. Ce ne sont pas des fraudeurs de l'impôt, puisqu'ils n'en paient pas. Ils investissent à l'étranger pour diversifier leurs portefeuilles. Quand ils investissent à l'étranger, dans de nombreux pays, leur exemption sur le plan fiscal n'est pas reconnue, de sorte qu'ils préfèrent en réalité investir localement et devraient pouvoir faire de la cotation.

Les mesures que proposent les sénateurs sont certes un pas dans la bonne direction. Toutefois, le problème actuellement posé par la définition des fiducies non-résidentes exemptées, à l'alinéa h), aux fins des fiducies commerciales, c'est qu'il y a tant de fiducies qui comptent moins de 150 actionnaires.

Je vous en donne un exemple.

Les États-Unis d'Amérique représentent plus de 40 p. 100 des marchés mondiaux. Dans le milieu des investisseurs institutionnels, les sociétés de fonds évoluent sous une exemption prévue à la Loi sur les sociétés d'investissement pour celles qui ont moins de 100 actionnaires. Des milliers essentiellement de fiducies commerciales légitimes ont moins de 150 actionnaires. Les règles actuelles comportent des exigences qui ne sont tout simplement pas utiles.

Je vais illustrer mon propos par un exemple, car je préfère éviter de me lancer dans un débat sur les règles. Il est bien entendu que, lorsqu'elle a moins de 150 actionnaires, la fiducie ne peut détenir des biens d'exception, une disposition adoptée pour régler le cas des fiducies familiales. Cependant, la règle est d'application si générale que n'importe quel titre peut être coté à la Bourse de New York. Ainsi, il est parfaitement possible qu'un titre de la centaine détenue par un fonds d'actions des États-Unis ait une catégorie d'actions privilégiées et un seul actionnaire pour 10 p. 100 d'entre elles. Ainsi, tout le fonds Microsoft ne satisferait pas au critère.

L'essentiel à retenir, c'est qu'il est question de régimes de retraite et d'investisseurs non imposables. On se demande même pourquoi les règles s'y appliquent. La politique les soustrait clairement de l'application de l'autre moitié des règles visant les entités de placement étrangères. Y a-t-il une raison logique de les inclure dans les règles relatives aux fiducies non-résidentes? Nous parlons ici de billions de dollars, de coter des milliards de dollars, empêchant ainsi le placement convenable de l'épargne canadienne durant une période d'instabilité jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée. Ou disons-nous plutôt que, non, nous n'allons pas laisser l'auto quitter l'usine avec une roue défectueuse?

Nous encourageons certes la discussion, mais il faut aussi tenir compte de la gravité de la situation, qui engage un billion de dollars et la cotation de milliards de dollars. C'est là une lacune flagrante du projet de loi, et il est dans le meilleur intérêt du gouvernement, du ministre et du grand public qu'on puisse investir.

Le sénateur Nolin : Monsieur Johnston, vous avez entendu les hauts fonctionnaires parler de la définition de service exempté. En faites-vous la même interprétation?

M. Johnston : Sénateur Nolin, les règles qui s'appliquent aux fiducies commerciales ne sont pas applicables. Ce n'est pas seulement dû au fait qu'il faut tous s'y soumettre, au fait que chaque régime de retraite, chaque conseiller en placement doit analyser 800 pages de texte législatif pour chaque placement envisagé à l'étranger. On le fait déjà. Selon nous, l'exemption actuelle n'est pas efficace, surtout pour les fiducies de moins de 150 actionnaires. Il n'y a pas de raison pour laquelle les régimes de retraite et les contribuables exemptés ne devraient pas jouir de la même exemption qui est prévue dans le projet de loi C-10 pour les entités de placement étrangères. La solution est simple : exemptez aussi les fiducies.

C'est certes un pas dans la bonne direction si l'on s'efforce de concevoir une autre exemption dans ce nouvel alinéa h), mais il en existe des milliers d'exemples. En bout de ligne, pourquoi encombrons-nous les conseillers et les régimes de retraite qui tentent de protéger et de faire fructifier les actifs des Canadiens de manière à ce qu'ils puissent vivre et survivre, faire vivre leur famille et verser des impôts plus tard alors qu'il n'existe pas de justification, dans la politique, pour les imposer à cet égard?

Le sénateur Goldstein : Nous tentons de résoudre un problème. La loi a un effet rétroactif aux exercices postérieurs à 2006, quels qu'ils soient. Y a-t-il une raison convaincante pour adopter immédiatement la loi? Autrement dit, quel mal y aurait-il à attendre jusqu'à la fin de janvier, de manière à donner au ministère et aux intéressés le temps d'en discuter et de trouver une solution? Il n'y aurait aucun mal à attendre jusque là. Si, par contre, nous adoptons le projet de loi tout de suite, Finances Canada est obligé de l'appliquer tel quel, sans l'exemption. Pouvez-vous nous aider à trouver une solution?

M. Ernewein : C'est une question honnête. J'aimerais faire suite aux observations entendues. Il me semble effectivement qu'il existe diverses façons d'aborder le problème. Parmi les préoccupations que vient de faire valoir l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada, il a été question de la définition des biens d'exception et on a laissé entendre que ce sont en réalité des placements dans des fiducies commerciales — de sorte que nous pourrions trouver une solution sur ce plan — ou l'exemption.

J'aimerais insister sur l'effet de l'observation que nous avons faite tout à l'heure : ce n'est peut-être pas le meilleur moyen de s'y prendre, mais on offrirait tout de même la solution recherchée par l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada, soit de prendre un règlement sous le régime de la loi actuelle. Le pouvoir de le faire existe. À nouveau, j'estime que des discussions seraient avantageuses pour déterminer la meilleure façon de régler le problème.

En réponse à la question posée par le sénateur Harb, j'estime que la loi actuelle nous permet d'agir ainsi. Je tiens à ce qu'on le comprenne bien.

Enfin, pour répondre à la dernière question, vous avez entendu hier le témoignage de STEP et, parmi les critiques ou reproches exprimés par cet organisme, j'ai noté le temps qu'il a fallu pour en arriver à cette loi. Nous estimons que cette longue période est le reflet d'un processus de consultation en règle générale favorable, mais la loi a un effet rétroactif à 2007. Les gens méritent, je suppose, de savoir quels sont leurs droits et les montants alloués sous le régime de cette loi. Il semble louable de la faire entrer en vigueur avant qu'ils soumettent leurs déclarations de revenu.

Le sénateur Moore : Je n'en crois pas mes oreilles!

Le président : Le témoin a-t-il terminé?

Le sénateur Moore : Quel sorte d'observation est-ce là? Avant de faire des placements, on s'informe des règles. On ne change pas les règles après coup. Quel genre de raisonnement est-ce là? C'est absurde.

M. Ernewein : Désolé. J'essayais de dire qu'il existe un cadre général.

Le sénateur Moore : J'ai bien compris le sens de votre intervention, et j'en suis renversé.

M. Lalonde : Avec votre permission, j'aimerais faire un commentaire sur ce que tente de faire M. Johnston, soit de régler le problème et de faire le lien avec la question du moment choisi pour le faire. Si, comme le propose M. Johnston, le comité recommandait que le projet de loi soit amendé, il faudrait évidemment le renvoyer à la Chambre.

Le sénateur Nolin : C'est le processus habituel.

M. Lalonde : M. Johnston n'est peut-être pas au courant. Il faudrait que le projet de loi soit renvoyé à la Chambre et qu'il franchisse à nouveau toutes les étapes du processus parlementaire avant d'être à nouveau soumis au comité.

Je crois que M. Johnston aimerait régler cette question rapidement plutôt que de reprendre tout le processus parlementaire, ce qui serait très long. C'est pourquoi, comme M. Nash a eu l'amabilité de nous souligner la solution d'un éventuel règlement, il me semble qu'il est dans l'intérêt de Finances Canada et de M. Johnston que nous examinions cette possibilité et ce qui peut être fait dans ce cadre plutôt que de tout reprendre.

Comme l'a fait savoir M. Ernewein, il y a eu certaines critiques au sujet du temps qu'il a fallu pour que le projet de loi aboutisse ici. Il me semble que le résultat optimal serait d'aller de l'avant avec le projet de loi et de régler les problèmes soulevés par M. Johnston grâce à d'autres moyens à notre disposition.

Le président : J'ai deux choses à dire. Tout d'abord, le sénateur Goldstein était en train de poser des questions. Je sais que M. Johnston est capable d'exprimer sa pensée. Je réponds tout simplement à la déclaration de M. Lalonde. Nous allons entendre ce avec quoi M. Johnston peut composer.

Le sénateur Goldstein : Je sais que votre meilleure solution serait d'adopter le projet de loi, puis de discuter du problème. Vous avez entendu certains avis exprimés autour de cette table selon lesquels la solution n'est pas optimale. Je demandais et continue de demander : quel mal y aurait-il à attendre six semaines avant d'adopter le projet de loi si, entre temps, vous pouvez avoir des discussions utiles avec STEP et les personnes présentes ici ce matin en vue de trouver une solution? Si c'est possible, ce serait merveilleux. Dans le cas contraire, nous en reparlerons en janvier.

Quel mal y aurait-il? Il a fallu sept ans pour élaborer le projet de loi. Quelle différence une période de six semaines fera-t-elle?

Le président : Sénateur Goldstein, à qui s'adresse votre question?

M. Johnston : Je m'inscris en faux contre les propos du ministère des Finances, de M. Lalonde, selon lesquels nous aimerions voir le projet de loi adopter et faire les changements après coup. Cela représenterait des billions et des milliards de dollars en cotation, au détriment de toute la population active du Canada dont l'argent est investi, sans parler du tort causé à la réputation des investisseurs canadiens dans les milieux financiers du monde entier qui leur fermeront leurs portes, y compris aux régimes de retraite. Nous préférerions nettement que le problème soit réglé tout de suite afin d'éviter que les marchés financiers canadiens ne soient affectés.

Je tiens à ce que l'on comprenne bien que la solution doit absolument soustraire les régimes de retraite des règles relatives aux fiducies non-résidentes, tout comme c'est le cas actuellement des entités de placement étrangères. Il n'y a pas un genre particulier de fiducie commerciale qui sera affectée, mais il y en a quelque 95 à l'avenir qui pourraient poser problème. Nous tenons à régler une fois pour toutes le problème pour les retraités du Canada.

Le président : Sénateur Goldstein, la réponse vous satisfait-elle?

Le sénateur Goldstein : Non. J'ai posé une question à laquelle je n'ai pas reçu de réponse.

Le président : Nous avons eu une réponse de M. Johnston. Il dit que la solution est insatisfaisante.

Le sénateur Goldstein : Ma question s'adressait au ministère des Finances.

Le président : Messieurs, avez-vous une solution à nous proposer ou pas? Reconnaissez-vous, soit dit en passant, qu'un billion de dollars est en jeu? C'est là un enjeu considérable. En tant que sénateurs, nous avons pour tâche d'examiner le projet de loi, de le soumettre à un second examen. Nous sommes conscients qu'il s'agit d'une loi de nature fiscale et qu'elle pourrait faire l'objet d'une motion de blâme si elle était renvoyée à la Chambre des communes. Nous savons tout cela.

Hier, nous n'avons pas entendu de témoignages d'une aussi grande gravité. Des sénateurs assis à la table m'envoient des notes disant qu'ils ne peuvent appuyer l'adoption du projet de loi à moins que vous ne puissiez nous proposer une solution efficace qui engage peut-être une lettre du ministre des Finances. Je n'en sais rien.

Le sénateur Goldstein : Pas quand un billion de dollars est en jeu, rien à faire!

Le président : C'était simplement une observation.

M. Ernewein : La question est grave, et je sais gré au comité de l'attention qu'il y accorde.

J'apprécie à sa juste valeur la réponse fournie par M. Johnston quant à l'éventuelle application des règles actuelles ainsi que des règles futures. Il nous semble effectivement que le problème touche aussi les règles actuelles, ce qui n'enlève rien à l'importance de la question. Toutefois, je fais remarquer que la même absence d'exemption des régimes de retraite et d'autres régimes exempts d'impôt ou à revenu différé, les placements dans des fiducies non-résidentes, est possible sous le régime actuel. Les nouvelles règles sont effectivement plus sévères, mais à un certain niveau d'abstraction, le problème est le même.

Je remercie le sénateur Harb d'avoir posé ces questions. Nous avons repéré un moyen de régler le problème sous le régime de la loi actuelle. J'ai promis que nous en tiendrions compte et que nous travaillerions de concert avec l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada et d'autres groupes en vue de déterminer si nous pouvons recommander au ministre des Finances d'exercer son pouvoir pour régler le problème.

En tant que fonctionnaire, puisque je ne suis ni ministre des Finances, ni gouverneur en conseil, je ne puis faire davantage. Cependant, je renouvelle ma promesse d'agir avec célérité.

Le sénateur Goldstein : Il leur est certainement possible de le faire dans les six prochaines semaines. Je ne comprends pas.

J'aimerais que vous répondiez à la question que voici : Quel mal y aurait-il pour le fisc ou le Canada d'attendre six semaines? Vous avez affirmé pouvoir le faire avec célérité. Je viens tout juste de vous l'entendre dire. À mon sens, « célérité » signifie dans les deux, trois, quatre, cinq ou six prochaines semaines. Si vous pouvez trouver la solution dans les six prochaines semaines, pour quelle raison impérieuse faudrait-il adopter le projet de loi tout de suite, alors qu'il s'est fait attendre pendant sept ans?

Le président : Pour vous aider à comprendre le point que fait valoir le sénateur Goldstein, je précise que notre comité doit se réunir les 29 et 30 janvier. Des réunions sont prévues, et le Sénat siégera.

Nous sommes aux prises avec un problème grave dont nous ne sommes pas la source. Il a été exposé par les témoins. Nous essayons de bien faire.

Sénateur Tkachuk, je sais que vous n'avez pas pu assister à la réunion d'hier, mais je crois que vous commencez à comprendre ce dont il s'agit.

Le sénateur Nolin : Peut-on avoir une réponse au sujet du mal qu'il y aurait à attendre? Quel mal y aurait-il? Pourquoi ne pas attendre six semaines, jusqu'à la fin de janvier? C'est là la précieuse réponse que nous attendons.

Le président : Mettons les choses en perspective. Si j'ai bien compris ce que disent les sénateurs, si le problème peut être réglé d'ici au 29 janvier, nous pouvons adopter le projet de loi en une seule séance.

Le sénateur Nolin : Nous pouvons revenir.

M. Ernewein : La Terre ne s'arrêtera pas de tourner parce que la loi n'est pas adoptée aujourd'hui, j'en conviens. Par contre, durant cette période, les contribuables ne sauront pas à quoi s'en tenir. Nous aimerions minimiser cet impact, et c'est pourquoi nous aimerions que la loi entre en vigueur tout de suite.

Par ailleurs, j'ai une question à poser au comité, si c'est permis : y a-t-il moyen, cette semaine ou la semaine prochaine, de revenir devant vous pour discuter de cette question?

Le sénateur Tkachuk : Ce serait peut-être possible la semaine prochaine.

Le président : Je l'ignore. Nous allons en discuter entre nous avant de vous donner une réponse. Tout dépend, en grande partie, du Sénat, à savoir s'il ajourne ses travaux. J'ai entendu parler de plusieurs scénarios. Nous vous répondrons plus tard.

Vous êtes en train de dire que, s'il y a moyen de trouver une solution en 2007 plutôt qu'en 2008, ce serait votre préférence, n'est-ce pas?

Le sénateur Nolin : Nous pouvons nous y ajuster. Je ne crois pas que nous puissions en toute justice exiger cela du témoin.

Le président : Comment?

Le sénateur Nolin : Au besoin, je suis sûr que le Sénat peut trouver une forme d'accommodement.

Le président : Si le Sénat s'ajourne aujourd'hui ou demain, c'est impossible.

Le sénateur Nolin : C'est une supposition. Il y en a trop à la table. Si nous obtenons un engagement de leur part, je crois que nous pouvons le faire.

Le président : Je ne le crois pas.

Le sénateur Nolin : S'ils peuvent trouver une solution bientôt, je crois que nous pouvons envisager de vivre avec cette solution.

Le sénateur Goldstein : Une fois que nous avons adopté le projet de loi...

Le sénateur Nolin : Non, je ne parle pas d'adopter le projet de loi et de le modifier après coup. Le projet de loi est à l'examen et il le demeurera. S'ils parviennent à trouver une solution qui convient aux deux côtés de la table, alors j'estime que nous pouvons nous y adapter et faire notre travail en conséquence.

Le président : Vous le croyez peut-être.

Le sénateur Tkachuk : Pour être sûr d'avoir bien compris, je sais que le projet de loi se fait attendre depuis longtemps. Avez-vous présenté de l'information au ministère des Finances à ce sujet dans le passé?

M. Johnston : Moi, je peux vous répondre. Les maisons membres de notre association l'ont fait. En fait, j'ai moi- même eu des entretiens à ce sujet avec des fonctionnaires du ministère des Finances.

Le sénateur Tkachuk : Ce n'est pas ce que je vous ai demandé. Les représentants de l'association en ont-ils discuté avec le ministère auparavant?

M. Johnston : Nous avons présenté un mémoire officiel au Comité permanent des finances de la Chambre des communes l'an dernier en prévision du budget de 2007. Nos vues faisaient écho aux positions adoptées dans les mémoires officiels du Comité mixte de droit fiscal de l'ABC et de l'ICCA sur cette question expressément, soit qu'il faut soustraire les régimes de retraite aux règles, étant donné leurs conséquences désastreuses sur les marchés locaux et sur les places financières mondiales, qui excluent les investisseurs canadiens.

Le sénateur Tkachuk : Le comité des finances de l'autre endroit n'a-t-il pas eu de réaction? Pourquoi n'a-t-il pas réglé le problème à ce moment-là?

M. Johnston : Je l'ignore. Pour ma part, j'estime qu'il est dans l'intérêt du gouvernement et du ministre des Finances de ne pas adopter une mesure aux lacunes si flagrantes. Tous se souviendront de l'incident de 1984, quand le gouvernement a décidé de s'attaquer à la vache sacrée, soit l'indexation des pensions, et de la volte-face, dans le budget de 2004, quand on a plafonné les placements dans des fiducies de revenu.

C'est un enjeu qui galvanise toute la population, qui engage son épargne et ses placements. Il n'y a pas de pertes fiscales. Les régimes de retraite ne devraient pas tomber sous le coup de ces règles.

Le sénateur Tkachuk : J'aimerais avoir l'assurance que j'ai bien compris. Le projet de loi traîne en longueur depuis sept ans. C'était l'enjeu central en octobre 2007 pour votre association, mais pas durant le reste de ces sept années.

M. Johnston : Nous en avons parlé en octobre 2006. Les maisons membres de l'association en ont discuté avec le ministère des Finances. Nos vues ont été exprimées par un groupe reconnu, l'ICCA/ABC, qui a fait valoir ce point justement dans un mémoire de 2003. Par conséquent, notre point de vue était connu, et nous nous attendions à ce qu'on opte pour la solution évidente, puisque rien, dans la politique, ne justifiait d'assujettir les régimes de retraite à cette règle. Les règles ont été examinées six fois. C'est un processus en constante évolution, et l'on s'attendait à ce qu'une solution soit trouvée.

Le sénateur Tkachuk : Dans votre mémoire, on peut lire, dans la recommandation :

Si le projet de loi C-10 est adopté sans amendement, les régimes de retraite canadiens, les régimes enregistrés d'épargne-retraite et les investisseurs exempts d'impôt risquent d'être assujettis à des obligations fiscales.

Sommes-nous en train de discuter d'un amendement dont vous n'êtes pas tout à fait sûr?

M. Johnston : J'ai pris certaines libertés avec les mots. Le problème se pose lorsqu'un investisseur canadien exempt d'impôt contribue à une fiducie étrangère qui ne cadre pas avec les critères d'exemption de la fiducie commerciale. Nous faisons remarquer que la situation est intenable. La fiducie étrangère est réputée brasser des affaires au Canada et s'expose donc à devoir payer de l'impôt à l'égard de son revenu mondial et à devoir cotiser au Régime de pensions du Canada. Ironiquement, cette fiducie exempte d'impôt est responsable conjointement et individuellement.

La réponse est qu'effectivement, de nombreux instruments d'investissement qui sont tout à fait convenables et de nature commerciale devront être cotés ou différés. Pire encore, les joueurs des places financières étrangères refuseront les placements canadiens parce qu'ils craindront de s'exposer ainsi à des obligations fiscales. C'est une certitude, et la situation ne sera pas bien vue sur les marchés des capitaux, sans parler de l'image du gouvernement qui en souffrira certainement.

Le sénateur Tkachuk : J'en reviens à ce petit bout de phrase « risquent d'être assujettis à des obligations fiscales ». Il est ensuite question de différents groupes d'investisseurs. Sont-ce les investisseurs de trois billions de dollars qui seront affectés ou une partie d'entre eux? Et de cette partie, quelle proportion est représentée, ou les trois billions de dollars forment-ils un tout indissociable? Ce ne sont pas tous les investissements qui seront visés. Parlons en termes réels.

M. Johnston : Puisque nous détenons 3 p. 100 du marché mondial, tout régime de retraite ou investisseur exempt d'impôt qui investit à l'étranger pour diversifier son portefeuille, pour réduire les risques ou accroître les rendements, pourrait et devra vraisemblablement, étant donné les lacunes flagrantes de la définition de fiducie commerciale donnée à l'alinéa h), faire face à des obligations fiscales que, du point de vue de l'orientation, il ne devrait pas avoir à assumer. C'est tellement évident. Il est complètement soustrait aux règles visant les entités de placement étrangères, mais pas à celles visant les fiducies non-résidentes.

Le sénateur Tkachuk : Je comprends bien, mais quand vous parlez de billions de dollars, ces trois billions viennent-ils des 3 p. 100 de toutes les pensions investies à l'étranger ou le montant est-il fonction des entités affectées par cet article?

M. Johnston : Sénateur, nous parlons de tout investissement des trois billions fait à l'étranger.

Le sénateur Tkachuk : De ce groupe, combien seront visés?

M. Johnston : Je l'ignore, mais ils seront nombreux.

Le sénateur Tkachuk : Il importe pour nous de le savoir.

M. Johnston : Je me sentirais très à l'aise d'affirmer officiellement qu'il s'agirait de milliards de dollars.

Le sénateur Tkachuk : On ne parle donc pas de billions? Serait-ce des milliards?

Le président : Il n'est même pas question de millions.

Le sénateur Tkachuk : Nous avons ici quelqu'un qui réclame un changement au projet de loi. Je tiens à avoir l'assurance que nous connaissons exactement le montant en jeu. Et un billion de dollars, bien que cela dépasse mon entendement, est nettement supérieur à un milliard.

Mme Walmsley : Je pourrais vous préciser les chiffres.

L'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite, qui a aussi présenté un mémoire, gère plus de 900 milliards de dollars d'actifs. Bien que certains d'entre eux soit investis au Canada, localement, et d'autres à l'étranger, tous ces régimes de retraite ont une stratégie d'investissement qui inclut des placements internationaux. Tous ces régimes de retraite seraient confrontés à des frais d'administration et au critère de la diligence raisonnable si ces règles sont mises en place par l'adoption du projet de loi à l'étude.

Nos membres représentent des actifs de plus de 600 milliards de dollars, et plus de la moitié de ces actifs sont investis dans des régimes de retraite. À nouveau, pour tous ces membres, une partie d'une stratégie d'investissement bien pensée, saine et prudente inclut des placements sur les marchés internationaux. Même si une partie des dollars se trouve investie à l'étranger et une autre, ici, ce sont les régimes de retraite individuels et les retraités qui sont touchés.

Le président : Sénateur Tkachuk, cette réponse vous convient-elle?

Le sénateur Tkachuk : En fait, c'est le projet de loi qui me convient.

Le président : Dans sa version actuelle?

Le sénateur Tkachuk : Oui. Je suis à l'aise avec le projet de loi actuel, et les explications fournies par Finances Canada me suffisent.

Le président : Ai-je raison de croire que tous ces points que vous avez soulevés n'ont rien de nouveau pour les fonctionnaires du ministère des Finances, même si, peut-être, le cabinet du ministre n'en est pas informé?

M. Johnston : Il nous est impossible de vous dire ce qu'ils savent ou ne savent pas. Je peux seulement vous dire que ce sont les mêmes questions de fond au sujet desquelles l'ICCA/ABC a déposé un mémoire en 2003. Les maisons membres, y compris la mienne, ont fait valoir des points directement auprès du ministère des Finances et l'ICAC a fait des exposés au Comité permanent des finances en octobre 2006.

Je suis convaincu que, si nos lois comportent des lacunes aussi flagrantes, nos marchés en subiront les effets. Ils sont déjà dans la tourmente en raison de la crise du papier commercial adossé à des actifs. Il se peut qu'il faille coter certains de ces investissements à l'étranger qui pourraient même ne pas être liquides en raison de l'effet rétroactif à 2007. Il faut aussi tenir compte de la frilosité actuelle et réelle des gestionnaires étrangers qui refusent d'accepter les placements des régimes de retraite canadiens parce que, pour une étrange raison, ils sont visés par les règles visant les fiducies non- résidentes, mais pas par celles visant les entités de placement étrangères, et pourraient donc s'exposer à des obligations fiscales. Nous parlons ici des marchés de capitaux mondiaux par opposition à six semaines d'attente pour trouver la bonne solution et éviter de mettre dans l'embarras le gouvernement.

Le sénateur Moore : J'aimerais en revenir à ce qu'a dit le sénateur Goldstein à propos du mémoire de l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada. Vous affirmez qu'il n'y aurait pas de perte du revenu anticipé du gouvernement fédéral si l'amendement que vous proposez était adopté pour les régimes de retraites enregistrés et les contribuables exempts d'impôt, puisqu'ils n'en paient déjà pas.

Avez-vous fait valoir cet argument auparavant?

M. Johnston : Oui.

Mme Walmsley : C'est juste.

Le sénateur Moore : Je m'étonne d'entendre des fonctionnaires du ministère des Finances affirmer qu'ils ne l'ont jamais entendu dire auparavant.

Le sénateur Nolin : Ce n'est pas ce qu'il a dit.

Le sénateur Moore : Il a dit qu'un document officiel n'avait pas été reçu. Je ne suis pas sûr de ce que c'était. Comment peuvent-ils ne pas connaître la position de ces témoins et de leurs membres, à moins peut-être qu'ils n'aient pas assisté aux audiences du comité des finances de la Chambre des communes? Y étiez-vous? Y avait-il quelqu'un sur place pour suivre les audiences ou n'avez-vous pas posé la question?

M. Ernewein : Je ne voudrais pas trop m'avancer dans pareil débat. C'est aujourd'hui que nous allons en parler. Je suis intéressé et je vous sais gré de l'occasion qui m'est donnée de répondre à cette question.

Le ministère des Finances n'a jamais reçu de mémoire de l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada à cet égard. Nous avons pris connaissance de son mémoire quand l'association a demandé à venir témoigner devant votre comité en 2007. Nous ne savions pas, jusqu'à ce qu'on le mentionne aujourd'hui, qu'un mémoire avait été présenté au Comité des finances en 2006. Que nous sachions, le Comité des finances n'a pas attiré notre attention sur cette question. Peut-être aurait-il fallu nous en aviser, mais cela n'a pas été fait.

Les témoins ont mentionné un mémoire présenté en 2003, à peu près, par le Comité mixte du droit fiscal de l'Association du Barreau canadien et de l'Institut Canadien des Comptables Agréés. Un mémoire a effectivement été présenté à cet égard, et nous avons modifié la définition de fiducie commerciale en conséquence.

Je n'ai rencontré les représentants de l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada qu'à une ou deux occasions, il y a plusieurs années. Je n'ai pas rencontré les dirigeants actuels, mais leurs prédécesseurs, et les rencontres portaient sur d'autres sujets.

Le sénateur Moore : Voilà qui est intéressant parce que, monsieur Johnston, vous avez dit que votre organisme a envoyé un mémoire au ministre en octobre 2006. N'est-ce pas ce que vous avez dit?

M. Johnston : Dans le cadre des audiences du Comité permanent des finances de la Chambre des communes, effectivement. Je me suis entretenu avec des porte-parole de Finances Canada au même sujet et, à ce moment-là, le montant en jeu n'était que de 800 milliards de dollars. Je les ai informés des éventuelles répercussions et leur ai demandé de m'expliquer la raison pour laquelle, dans la politique, les régimes de retraite étaient inclus sous cette rubrique.

Le sénateur Moore : C'est le seul organisme dont les membres gèrent des montants aussi faramineux. C'est le seul au Canada, et je ne vois donc pas pourquoi vous ne chercheriez pas à avoir leur avis de toute façon. Vous parlez d'un intéressé de taille. Je m'étonne que vous soyez assis là, attendant un exposé officiel de l'association probablement la plus importante en son genre au Canada.

M. Lalonde : Puis-je interpréter ce que vous venez de dire comme étant une question?

Le sénateur Moore : Oui.

M. Lalonde : Madame Walmsley, dans votre déclaration, vous avez dit que votre groupe gère quelque 600 millions de dollars d'actifs, puis j'ai entendu dire que la moitié de ces actifs environ sont des régimes de retraite.

Nous avons entendu il n'y a pas longtemps — dans les deux ou trois dernières semaines qui ont précédé l'audience d'aujourd'hui — un autre fonds de retraite. Je crois l'avoir mentionné plusieurs fois hier, soit qu'un autre joueur était venu s'entretenir avec nous. Votre organisme est tout petit par rapport à l'autre, de loin, et l'autre s'est montré disposé à travailler de concert avec nous dans ce dossier et n'a certes pas laissé entendre que le ciel était en train de nous tomber sur la tête. Cependant, il tient à régler la question. Nous le comprenons et nous travaillons avec lui. Nous le ferons également avec votre organisme.

Je crois que nous avons trouvé quelques façons de résoudre ce problème. L'une de ces solutions, présentée par l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada, est l'entrée en vigueur rétroactive en 2007. En fait, quand le projet de loi a été déposé en novembre 2006, on a dit que la date d'entrée en vigueur avait été avancée par rapport à la précédente entrée en vigueur. Elle n'était certainement pas rétroactive quand elle a été annoncée.

Vu que certains n'apprécient pas que l'entrée en vigueur soit pour le début de cette année, nous n'accorderons pas notre appui à une telle chose. Nous recommanderons à notre ministre de s'y opposer, au cas où le projet de loi devait être modifié pour régler cette question particulière et être renvoyé à la Chambre, nous estimons qu'il devrait être encore en vigueur en 2007 afin d'éviter la forte possibilité d'évasions fiscales.

Il faut aussi tenir compte du fait que ce projet de loi a fait l'objet d'un certain nombre de modifications souhaitées par les contribuables au cours des ans et auxquels ils tiennent.

Le sénateur Moore : J'aimerais une précision au sujet de la lettre adressée par cette organisation au ministre. Étiez- vous au courant de cette lettre?

M. Lalonde : La lettre adressée par cette organisation à qui?

Le sénateur Moore : Au ministre des Finances du Canada.

M. Lalonde : J'ai cru comprendre qu'ils l'avaient envoyé au comité des finances de la Chambre des communes.

M. Johnston : C'est exact. Elle a été envoyée au comité des finances de la Chambre des communes.

Le sénateur Moore : Et à qui d'autre? Avez-vous envoyé une copie au ministre ou seulement au comité?

Mme Walmsley : Seulement au comité.

Le sénateur Moore : Est-ce que des représentants du ministère étaient présents?

M. Johnston : Des membres de tous les partis étaient présents et ils nous ont entendus décrire clairement la gravité de la question et de la situation.

Le sénateur Moore : Madame Walsmley, vous vouliez dire quelque chose en réponse à un commentaire de M. Lalonde. Voulez-vous que ce soit consigné au compte rendu?

Mme Walmsley : Oui. Je voudrais apporter quelques précisions sur les actifs administrés par notre organisation. M. Lalonde a indiqué que notre association administre 600 millions de dollars d'actifs, nous en sommes à environ 630 milliards de dollars aujourd'hui.

Pour ce qui est d'un régime de pension présenté au ministère des Finances et qui serait infiniment supérieur à ce que nous avons, le plus grand régime de pension au Canada est le RPC, qui compte environ 110 milliards de dollars d'actifs, et il représente un sixième de nos actifs. Le deuxième plus grand est probablement celui des enseignants. Ils nous ont adressé une lettre d'appui, que nous avons reçue aujourd'hui, concernant un amendement au projet de loi C- 10.

Le sénateur Moore : À combien s'élèvent-t-ils?

Mme Walsmley : À 100 milliards de dollars. Nous avons reçu une autre lettre d'appui d'OMERS, environ 50 milliards de dollars.

Le sénateur Moore : Merci beaucoup. Ils ont des actifs de 50 milliards de dollars et cette association administre 600 milliards de dollars. Ces montants sont considérables. C'est tout ce que je voulais dire.

M. Lalonde : J'étais assis à l'arrière. J'ai cru entendre 600 millions de dollars, je vous prie de m'excuser.

Le sénateur Moore : Je suis surpris que vous ne connaissiez pas les plus grands courtiers en valeurs dans notre pays. Merci.

Le président : Cela vous va-t-il, le sénateur?

Le sénateur Moore : Oui.

Le sénateur Eyton : Merci pour votre exposé pertinent, nous l'avons bien compris et je l'apprécie à sa juste valeur compte tenu du bourbier entourant le projet de loi C-10.

Vous avez soulevé un point valide et très important, si important que d'une certaine façon, le contexte historique importe peu — je veux dire par là que vous ayez ou non fait quelque chose d'historique ou que vous ayez parlé à X, Y ou Z. Que nous ne soyons pas sûrs qu'il y ait un problème à tous points de vue comme l'indiquent vos exposés n'est pas vraiment important et que nous soyons quelque peu incertains quant au montant pouvant être affecté si aucune mesure n'est prise n'est pas vraiment important. Je pense que nous sommes confrontés à quelque chose de considérable et que nous devons essayer de trouver des solutions.

En termes simples, j'entends dire à cette table qu'il faut différer maintenant et apporter une modification législative appropriée dans les plus brefs délais, c'est-à-dire dans cinq ou six semaines, ce qui à Ottawa relèverait du miracle. La deuxième solution consisterait à adopter une loi sur cette question — il y a quelques raisons pour le faire — et de formuler ou de trouver une solution provisoire qui aboutirait à une modification législative parfaite.

Pourquoi le faire maintenant? Parce que le projet de loi C-10 existe depuis très longtemps et qu'il contient d'autres dispositions. Il est difficile d'élaborer quelque chose à partir de ceci ou à partir de cela, surtout à ce stade et à ce moment. Le projet de loi C-10 est déjà bien lancé. Il y est question de beaucoup de nettoyage et de diverses dispositions plus modestes qui ne soulèvent vraiment pas de controverse. Ce qui compte vraiment, c'est le sujet dont nous avons parlé et celui que vous évoquez dans vos exposés.

Je vous ai proposé deux solutions : soit élaborer ou trouver une loi parfaite soit adopter le projet de loi C-10 pour certaines des raisons que j'ai mentionnées, mais, entre-temps, se mettre d'accord sur une solution provisoire jusqu'à ce que nous élaborions un projet de loi parfait. Est-ce raisonnable ou possible? Est-ce acceptable?

M. Johnston : Nous appuierons fermement le point de vue présenté par le sénateur Goldstein disant que c'est une lacune majeure qui a des répercussions importantes sur l'épargne-retraite des Canadiens. L'incertitude d'une possible correction corrective après les faits, conduira, d'abord, à l'assainissement rétroactif de milliards de dollars investis et; deuxièmement, empêchera la mondialisation de notre investissement, qui est nécessaire; et, troisièmement, continuera à dissuader les directeurs de placement et les entités de placements étrangères à ne pas accepter d'investisseurs canadiens dans des fiducies de crainte d'être assujettis au régime fiscal canadien.

Je voudrais répondre par une question. Allez dans ce sens va assurément être coûteux. Quel risque courons-nous à attendre quelques semaines de plus afin d'éviter à tous nos marchés financiers des problèmes supplémentaires alors que la crise ABCB menace de procéder à la correction au moment où nous parlons de régimes de pension qui, pour commencer, ne devraient pas être assujettis au projet de loi? Devrions-nous laisser une voiture sortir de l'usine avec une roue défectueuse? En ce qui me concerne, c'est l'intégrité de tout le processus qui est en jeu.

Le sénateur Eyton : Puis-je alors revenir en arrière? Vous estimez que le projet de loi C-10 a une solution provisoire que vous acceptez et vous n'êtes pas d'accord pour présenter une mesure législative parfaite dans six, sept ou huit semaines n'est-ce pas?

M. Johnston : Le problème est que le projet de loi C-10 sous son libellé actuel a des répercussions sur un billion de dollars. Le total de nos actifs investis est d'environ 2,3 billions de dollars. Il s'agit d'une somme énorme et nettement plus importante qu'une correction prescrite aisément possible pouvant être faite dans les prochaines semaines avant que nous la sortions de l'usine avec un défaut. S'il y a une raison pour laquelle les régimes de pension sont assujettis à ce projet de loi, j'aimerais que le ministère des Finances me la fasse connaître.

Le président : Le sénateur Eyton est le parrain de ce projet de loi. Nous aimerions qu'il nous en parle.

Le sénateur Eyton : Sachez que je vous écoute attentivement.

Le sénateur Goldstein : Je m'adresse aux représentants du ministère des Finances. Nous sommes confrontés aux questions suivantes — je veux parler le plus franchement possible. Premièrement, je pense qu'il y a une hésitation générale au sein du comité — sans vouloir me prononcer en son nom. J'exprime mon point de vue — à modifier la législation fiscale au Sénat pour deux raisons, l'une est constitutionnelle et l'autre d'ordre pratique. Inutile d'aller dans les détails que vous connaissez aussi bien que moi.

Par ailleurs, je crois que les personnes assises à cette table sont pratiquement toutes d'accord sur la gravité des lacunes ou de la lacune que vous nous avez signalées; je ne vais même pas évoquer ce que nous avons abordé hier. D'autre part, je comprends votre position. Vous devez consulter le ministre avant de prendre un engagement. J'apprécie et j'admire votre attitude.

Mais, vous n'avez rien dit à propos du risque qui se poserait si nous attendions six semaines afin que vous vous mettiez d'accord sur une mesure à prendre. Même si vous ne pouvez pas à modifier le projet de loi maintenant, le ministre pourrait officiellement déclarer — par lettre — qu'il y aura un amendement aussitôt que possible et qu'entre- temps aucune mesure d'exécution ne sera prise concernant les caisses de retraite, et cela satisfera, je suppose, les témoins ici présents; cela satisfera le ministère, car ce pourrait être fait assez rapidement et nous permettrait d'adopter le projet de loi dans six semaines.

L'autre solution est d'espérer que le Sénat siège la semaine prochaine afin que le comité puisse tenir une réunion, ce qui franchement m'étonnerait beaucoup. Si nous siégeons, ce sera pour le projet de loi C-28 qui, comme vous le savez, doit être étudié de toute urgence et réglé avant la fin de l'année.

Je n'ai pas entendu, dans tout ce que vous avez dit, que quelqu'un courrait un risque. Or, nous avons tous entendus dire que l'adoption du projet de loi maintenant posait un grand risque — permettez-moi même de ne pas dire un certain risque.

Il nous sera difficile, en tant que personnes ayant le sens des responsabilités, d'adopter ce projet de loi sur la base des témoignages qui nous ont été présentés quand nous nous réunirons à huis clos, c'est-à-dire dans quelques minutes.

Le sénateur Tkachuk : Je voudrais poursuivre mes questions dans la même veine afin de bien comprendre vos propos, car je ne suis pas sûr de vous avoir compris. Vous êtes très préoccupés du fait que les fiducies commerciales ne sont pas aussi bien définies que vous le souhaitez. Est-ce cela qui vous inquiète particulièrement?

M. Johnston : Ce qui nous inquiète particulièrement, c'est la définition — parce que la Loi de l'impôt sur le revenu dit le contraire — l'exemption des fiducies non-résidentes est irréalisable. La définition des fiducies commerciales n'est pas réalisable.

Le sénateur Tkachuk : Pourquoi est-ce irréalisable?

M. Johnston : Parce qu'un grand nombre de fiducies non-résidentes à série de parts multiples, qui existent de par le monde, ne correspondront pas à la définition de la fiducie admissible qui s'applique dans les deux cas. Elles peuvent être des épargnants associés à des investisseurs institutionnels ou un promoteur d'un fonds aux bénéfices distribuables et subordonnés aux intérêts des investisseurs.

Le deuxième problème est le paragraphe sur l'exemption des fiducies non-résidentes pour les fiducies commerciales comptant moins de 150 participants. Ce paragraphe contient une définition impraticable du « bien d'exception ». C'est irréalisable.

Si je peux continuer mon témoignage, l'Association canadienne des gestionnaires des fonds de retraite qui représente le secteur des pensions administre plus de 900 milliards de dollars et notre groupe qui gère 600 milliards de dollars disent que ce n'est pas réalisable. OMERS et les enseignants ont écrit une lettre. Ces groupes réputés qui gèrent l'argent des Canadiens disent que ces règles sont impraticables. Finalement, la question est de savoir pourquoi les régimes de pension sont assujettis à cette mesure législative. Ces régimes ne sont pas des fraudeurs fiscaux; ils ont été tirés des entités de placement étrangères. Tout d'abord, sur quelle justification politique le gouvernement se fonde pour les assujettir aux règles relatives aux fiducies non-résidentes? Même s'ils arrivent à être admissibles par le biais d'une fiducie comptant plus de 150 participants, ils ont dû utiliser les services d'avocats et de comptables pour cela. Les contribuables canadiens qui ont des retraites sont pénalisés. Qu'est-ce qui justifie politiquement l'assujettissement des régimes de pension à ce projet de loi? Un marché de un billion de dollars en est affecté inutilement.

Le sénateur Tkachuk : Au cours des dernières années, le ministère a eu plusieurs occasions officielles d'être conseillé et sollicité par des groupes de toutes les régions du Canada, pourtant votre organisation n'a pas soulevé ce sujet.

M. Johnston : Ce sujet, monsieur le sénateur, a été soulevé par l'ICCA/ABC qui est une organisation très respectée. Les cabinets membres de l'ICCA, le mien compris, ont mentionné ce sujet précis au ministère des Finances en faisant référence, à l'époque, aux 800 milliards de dollars dus à l'expansion des marchés; ces marchés ont pris de l'ampleur depuis. Le sujet a été mentionné officiellement en 2006 au Comité permanent des finances. Les gens devraient écouter les points de vue de ces grands groupes réputés quand ils parlent de un billion de dollars sans motif d'évitement fiscal. Je conteste le fait qu'ils n'aient pas pu en entendre parler.

Le sénateur Tkachuk : J'essaie d'être très précis car cela a été porté à l'attention de députés élus — les personnes qui rencontrent les électeurs pendant des années — qui ont choisi de ne pas aborder ce sujet, mais d'adopter le projet de loi.

M. Johnston : Je ne peux expliquer pourquoi ces groupes réputés n'ont pas pu se faire entendre.

Le sénateur Tkachuk : Vous n'avez pas réussi à les convaincre?

M. Johnston : Je pense que les faits parlent d'eux-mêmes, il n'y a qu'à voir la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.

Le sénateur Tkachuk : Je ne suis pas d'accord, mais bon.

M. Johnston : Encore une fois, je pose la question suivante au ministère des Finances : pour quelle raison de politique, ce projet de loi inclut des régimes de pensions de billions de dollars d'épargne par des Canadiens qui travaillent fort alors que le ministère les exempt clairement des entités de placement étrangères.

Le président : Souhaitez-vous répondre, monsieur Ernewein?

M. Ernewein : Oui, et aussi à quelques autres points.

Pour répondre d'abord à cette question, nous pensons que le montant de un billion de dollars et les placements à l'étranger faits par des régimes de pension canadiens ont été mentionnés. Malgré ce qui a été dit concernant l'exemption, l'application ou l'interprétation des règles et la définition de « fiducie commerciale », la vaste majorité de ces investissements répondent, à notre avis, à la définition de « fiducie commerciale ». Par conséquent, il n'y a pas de problème aujourd'hui.

Peut-être que ce qui a été identifié comme étant un problème, ce sont des éléments comme le capital privé, et cetera, qui n'entrent pas dans la définition de « fiducie commerciale ». Donc, la question est de savoir s'il faut changer la définition de « fiducie commerciale » ou si nous devons l'envisager sous un autre angle. Par exemple, en l'abordant directement, comme l'a suggéré aujourd'hui l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada, pour exempter purement et simplement les grands régimes de pension — et peut-être aussi les petits régimes de pensions et les REER — de l'application des règles relatives aux fiducies non-résidentes. Je me répète, mais cela mérite d'être répété. Des règles relatives aux fiducies non-résidentes contenant de telles exemptions existent aujourd'hui. Pour nous, ce problème est tout à fait nouveau. Ce qui compte, ce ne sont pas les antécédents historiques, comme l'a dit le sénateur Eyton, mais ce qui se passe sur le terrain aujourd'hui. Nous n'avons pas eu auparavant de soumission de la part de l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada. C'est le comité mixte qui nous a signalé le problème et cela nous a incité à proposer quelques changements aux fiducies commerciales, mais comme M. Lalonde l'a dit, il n'y a que quelques jours qu'ils nous ont communiqué la proposition d'une exemption. Un régime de pension l'a mentionné au cours des dernières semaines. C'est une question qui mérite d'être examinée.

Je reviens sur le fait, en espérant l'aide du comité, que le projet de loi, sous son libellé actuel, peut être utilisé pour alléger le fardeau fiscal dans la situation présente. Il n'est pas nécessaire de proposer un amendement pour cela. Je réserve encore cela même si l'allègement fiscal s'avèrerait approprié, car il existe de meilleures solutions. La loi en vigueur nous permet de le faire.

Sénateur Goldstein, merci beaucoup pour ce que vous avez qualifié correctement d'évaluation objective. J'aimerais ajouter, en m'appuyant sur la remarque du sénateur Eyton concernant l'importance de ce projet de loi, que j'ai mentionné la certitude de l'application des règles régissant les placements à l'étranger et les fiducies non-résidentes pour les contribuables et la certitude de l'application envers les contribuables. Je crois que cela est important.

On me rappelle aussi le fait, et je tiens à le souligner, que ce projet de loi ne porte pas simplement sur les règles relatives aux entités de placement étrangères et aux fiducies non-résidentes. Le projet de loi comprend aussi un grand nombre de modifications techniques dont la plupart offrent un allégement fiscal aux contribuables. La fin de l'année approche pour certains contribuables et les exigences de déclaration dépendront de la promulgation ou non de la loi. Je ne veux pas exagérer, mais je veux m'assurer que cela soit consigné en tant que problème dans le compte rendu.

Le sénateur Moore : J'ai un petit avis sur ces derniers commentaires.

Nous pourrions peut-être formuler un nouveau projet de loi et l'aborder séparément, et adopter les autres points que l'on veut adopter.

Le président : Honorables sénateurs, je vais demander à tout le monde de quitter la salle, mais les témoins peuvent rester car nous continuerons dans quelques minutes. Nous allons discuter entre nous pendant quelques minutes.

Je signale aux fonctionnaires que des hauts représentants du cabinet du ministre sont ici et dans le couloir, vous voudriez peut-être les consulter. Il est probable que la meilleure solution soit d'avoir un allègement fiscal dans le cadre de la loi en vigueur et que l'on nous donne l'engagement que ce sera fait.

La séance se poursuit à huis clos.

—————

(La séance publique reprend.)

Le président : À titre d'information — je répète, chers collègues, que je ne dis pas cela au nom d'un consensus qui existe, à mon avis, au comité — le Cabinet du ministre et les représentant travailleront fort, et collaboreront avec vous, aussi, monsieur Johnston et avec vos collègues, entre aujourd'hui et le 29 janvier pour trouver une solution mutuellement acceptable. Étant assurés que vous y arriverez, nous devons tenir compte des contraintes de temps. Nous nous réunirons le 29 janvier à 16 heures et le 30 janvier à 10 h 45 pour terminer ce projet de loi. Si ces conditions sont remplies, les sénateurs se sentiront à l'aise pour adopter le projet de loi.

Est-ce ce que mes propos reflètent bien le consensus?

Le sénateur Eyton : Vous n'avez pas mentionné la lettre au ministre.

Le président : La lettre aurait été mentionnée si nous l'avions rédigée aujourd'hui. Il nous faudra absolument avoir des preuves à ce sujet. Non seulement le travail sera fait entre-temps, mais nous recevrons une lettre qui nous assurera en termes clairs que le problème a été réglé — mais même si ce le sera de la façon insatisfaisante dans le cadre de la loi en vigueur.

Je dois dire cela clairement pour le compte rendu : quelques sénateurs auraient préféré une étude article par article du projet de loi et son renvoi aujourd'hui. Le fait que le projet de loi n'a pas été adopté en 2007 aura des conséquences fâcheuses pour certains contribuables, mais de notre point de vue majoritaire, ces conséquences passent après la volonté de répondre à vos préoccupations, monsieur, et à celles de certains témoins que nous avons entendus hier, visant à régler cette question de manière appropriée et adopter le projet de loi.

J'annonce la fin de notre étude du projet de loi C-10 par un coup de maillet. Nous suspendons nos discussions.

Le sénateur Goldstein : J'ai une question à poser aux représentants du ministère. Étant donné que vous devez examiner les questions soulevées ce matin, pouvez-vous également examiner celles soulevées hier par M. Gagnon? Vous pouvez choisir de refuser ou d'accepter. Quel que soit votre choix, c'est un choix auquel vous avait certainement droit et que vous êtes obligés de faire. Cependant, je serais plus rassuré de savoir que le ministère à examiner ces questions et qu'il a pris une décision dans l'intervalle.

Nous ne parlons pas seulement des préoccupations exprimées ce matin, mais aussi des préoccupations exprimées par M. Gagnon hier au sujet des pensions.

Le sénateur Eyton : Nous avons un solide consensus sur ce que nous abordons aujourd'hui. Je me demande s'il était sage de mélanger ces questions.

Le président : Non, il veut dire par rapport à l'exemption des fiducies.

Le sénateur Eyton : Le même sujet?

Le président : Oui. Il me semble que c'est ce que vous vouliez dire.

Le sénateur Goldstein : Non, je parlais du type de fiducies. Encore une fois, vous pouvez refuser. Si M. Gagnon a raison, le public s'en occupera. Vous êtes certainement obligés et avez le droit et l'obligation de prendre des décisions politiques, mais je pense que vous devriez aussi considérer ces questions.

Le président : Voilà pour ce qui est du projet de loi C-10. Vous avez fait un excellent exposé. Nous vous en remercions. Pour votre gouverne, il est compliqué d'avoir affaire au gouvernement. Les gens avec lesquels nous avons parlé vous ont beaucoup critiqué pour n'avoir pas fait connaître votre point de vue de manière continue. Je sais que vous l'avez fait au Comité des finances de la Chambre des communes, mais ce n'était pas l'endroit approprié. Vous avez témoigné devant nous. Nous vous avons entendu et espérons-le, nous vous aiderons. Je vous remercie.

Chers collègues, nous passons maintenant au prochain point à l'ordre du jour, le projet de loi C-12. Le comité de direction s'est réuni récemment quelque part sur la rue Wellington et a confirmé ma suggestion originale voulant que nous abordions ce projet de loi qui est une série d'amendements au projet de loi C-55. Le projet de loi C-55 n'a pas reçu de sanction royale car on nous a signalé que plus de 60 amendements nécessaires n'avaient pas été abordés par les comités de la Chambre, il fallait donc que nous l'examinons. Il nous a été présenté sous la forme du projet de loi C-12, une série d'amendements à l'ancien projet de loi C-55 qui est le chapitre 47 des Lois du Canada (2005).

Nous avons entendu beaucoup de témoins aujourd'hui, notamment le ministre du Travail, le secrétaire parlementaire de l'Industrie et quelques représentants de l'ACPIR. Il nous apparaît évident que certaines parties de ce projet de loi doivent être examinées de toute urgence. Par ailleurs, le ministre a déclaré clairement au comité que ses collaborateurs préparaient déjà d'autres amendements dont nous parlerons les 21 témoins. Ces amendements ont été présentés dans le cadre d'une amélioration continue de la loi-cadre, ce que ce projet de loi est.

Par conséquent, le comité de direction recommande que nous commencions directement l'étude article par article du projet de loi C-12 et que nous en fassions rapport au Sénat cet après-midi avec la série d'observations qui est indiquée. Je pense vous les avoir distribuées. Nous les avons préparé hier soir en espérant avoir votre accord. Elles confirment pratiquement les déclarations du ministre selon lesquelles d'autres amendements sont en élaboration et nous les recevrons prochainement. Nous ne faisons que présenter des observations. Le projet de loi est déjà passé deux fois ici.

C'est ce que nous recommandons. Si vous êtes tous d'accords avec notre recommandation, nous pouvons commencer.

Le sénateur Tkachuk : Commencez, monsieur le président.

Le sénateur Nolin : J'ai une question. Avec tout le respect que je dois au président, le vice-président est probablement la personne qui en sait le plus au Canada en matière de faillite. Qu'en pensez-vous?

Le sénateur Goldstein : Je suis d'accord avec le président. Nous sommes confrontés au choix suivant : un programme de protection des salariés est ajouté au projet de loi de façon à ne pas en être séparé. Nous ne savons pas s'il y aura des élections, mais s'il y en a avant que nous terminons et que nous nous retrouvons avec des amendements qui doivent être ensuite renvoyés à la Chambre des communes, il y a de fortes chances que nous n'ayons pas cette loi sur la protection des salariés pendant encore deux ou trois ans. Je ne crois pas que le Canada peut se permettre ce luxe.

Le sénateur Nolin : Nous devons donc poursuivre.

Le sénateur Goldstein : Nous devons vraiment l'adopter.

Le président : C'est ce que nous pensions. Ce projet de loi contient d'importants amendements qui vont considérablement améliorer le projet de loi C-55. J'ai consulté les deux ministères pendant la nuit.

Ils sont très heureux de savoir que nous faisons cela.

[Français]

C'est une très bonne idée pour le gouvernement et les provinces.

Le sénateur Nolin : Avec le projet de loi C-55, il est important qu'on se satisfasse. Nous ne devons pas faire une autre erreur avec la multitude d'erreurs déjà commises.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour poursuivre l'étude article par article du projet de loi C- 12, loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, la Loi sur le Programme de protection des salariés et le chapitre 47 des lois du Canada (2005)?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

Avec l'accord du comité, j'aimerais regrouper les dispositions du projet de loi. Êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : L'étude du titre est-elle réservée?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

Les articles 1 à 60, les modifications à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité sont-ils adoptés?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

Les articles 61 à 82, les modifications à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, sont-ils adoptés?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

Les articles 83 à 94, les modifications à la Loi sur le Programme de protection des salariés, sont-ils adoptés?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

Les articles 95 à 109, les modifications au chapitre 47 des Lois du Canada (2005), sont-ils adoptés?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

L'article 110, les dispositions transitoires de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

L'article 111, les dispositions transitoires de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

L'article 112, les dispositions de coordination du projet de loi C-52, est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

L'article 113, l'entrée en vigueur, est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

Le titre est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

Le projet de loi C-12 est-il adopté?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

Dois-je faire rapport du projet de loi C-12...

Le sénateur Goldstein : Puis-je faire une observation avant que cela ne se produise?

Le président : Absolument. Nous devons tenir compte de ces observations.

Le sénateur Goldstein : Comme vous le savez, j'ai un projet de loi à l'étude concernant les prêts aux étudiants. En votant pour ce projet de loi maintenant, je vote pour l'établissement d'une disposition sur les prêts aux étudiants qui va à l'encontre du projet de loi que j'ai présenté. J'aimerais donc faire remarquer, monsieur le président, que ce projet de loi est adopté avec dissidence, je me réserve ainsi le droit de continuer l'étude de mon projet de loi.

Le président : Est-ce que cela convient aux sénateurs assis de ce côté?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté avec dissidence.

Dois-je faire rapport du projet de loi au Sénat avec des observations, mais sans amendement, les observations que j'ai fait circuler?

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

[Français]

Le président : Adopté. Je vais faire rapport cet après-midi au Sénat.

[Traduction]

J'aimerais avoir d'autres avis au sujet de l'autre question. Je crois que nous nous sommes trouvés en situation difficile. J'ai l'impression que ce projet de loi a été un sujet de préoccupation pour les sénateurs des deux côtés. Je vous ferai part du degré de fermeté de la lettre que nous enverra le ministre. Le compte rendu ne fera pas nécessairement état de la discussion que nous avons eue plus tôt.

Je crois comprendre que nous voulons l'assurance qu'ils utiliseront les dispositions de la loi existante pour modifier un règlement qui précisera clairement l'exemption des fiducies et régimes de pension particuliers.

Le sénateur Goldstein : Ils ne seront pas en mesure de le faire parce que la disposition qui permet les règlements porte sur la question de la définition de l'expression « exempter des fiducies ». Ne demandons pas que les fiducies soient exemptées, nous demandons que les investisseurs soient exemptés. Avec tout le respect que je vous dois — et, encore une fois, je ne veux pas entrer dans les détails de la loi à ce sujet — je ne crois pas que nous pouvons apporter des modifications au moyen de la réglementation. Il faudra un engagement pour faire des modifications. J'espère que le ministre prendra un tel engagement et, en attendant, déclarera par communiqué de presse que le projet de loi sera modifié, qu'il décrira ce que sera l'amendement et que les caisses de retraite pourront fonctionner en présumant que cet amendement sera, effectivement, aussi rétroactif que l'est la mesure législative. Voilà ce qu'il nous faut.

Le président : C'est une excellente observation.

Le Sénat siège dans 15 minutes.

La séance est levée.


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