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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 8 - Témoignages du 13 février 2008


OTTAWA le mercredi 13 février 2008

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 16 h 10 afin d'examiner la situation actuelle du régime financier canadien et international et d'en faire rapport. Sujet : faillite et insolvabilité.

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance est ouverte. Mesdames et messieurs, bonjour. Je suis le sénateur David Angus, du Québec. Nous avons aussi cet après-midi le sénateur Goldstein, également du Québec, qui est vice-président du comité; le sénateur Meighen, de l'Ontario; le sénateur Tkachuk, de Saskatoon, en Saskatchewan; Mme le sénateur Jaffer, de la Colombie-Britannique, la plus récente membre du comité; et le sénateur Harb, de l'Ontario.

Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du nouveau régime juridique sur la faillite et l'insolvabilité. Les projets de loi pertinents ont été adoptés par le Sénat et attendent d'être mis en œuvre. Cette étude vise à entendre les avis des intervenants sur les lois auxquelles j'ai fait allusion, et sur tout autre élément pertinent de notre législation en matière de faillites.

Nous avons déjà entendu un certain nombre de témoins dans le cadre de notre étude, et aujourd'hui, nous accueillons trois groupes de témoins. Je souhaite la bienvenue à tous ceux ici présents. Outre nos témoins, je vois dans la salle des représentants du gouvernement et de divers organismes.

Notre audience est télévisée dans tout le pays à la chaîne parlementaire CPAC et est aussi diffusée sur Internet. Bienvenue à tous les téléspectateurs et auditeurs.

Notre premier témoin est Ian Boyko, de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants; il sera suivi des représentants du International Insolvency Institute et de l'Association canadienne des professionnels de l'insolvabilité et de la réorganisation.

Avant que M. Boyko ne fasse sa déclaration préliminaire, je demanderais à Christiane Leclerc, de Ressources humaines et Développement social Canada, de prendre note de ce que je vais maintenant dire. Une certaine confusion règne parmi les intervenants, les membres du comité et de nombreuses autres personnes à l'égard de la date d'entrée en vigueur de cette législation complexe ainsi qu'à l'égard des parties de celle-ci qui sont déjà en vigueur.

J'ai demandé à la Bibliothèque du Parlement ainsi qu'à Industrie Canada de nous expliquer exactement ce qu'il en est. Je ferai lecture de l'information qui m'a été transmise pour le compte rendu. À mon avis, elle n'est cependant pas assez claire.

Je reconnais la complexité du libellé des dispositions du Chapitre 47 et du projet de loi C-12. On nous informe que certaines des dispositions transitoires du projet de loi C-12 sont entrées en vigueur lors de la sanction royale, soit le 14 décembre 2007. Nous voudrions savoir quelles dispositions exactes sont entrées en vigueur, et ce qui explique l'entrée en vigueur de quelques dispositions seulement au moment de la sanction royale.

La majeure partie du Chapitre 47, l'ancien projet de loi C-55, que le Sénat a amendé et adopté il y a deux ans, entrera en vigueur à la date que fixera le gouverneur en conseil — ce qui est très bien —, c'est-à-dire dans les six à 12 mois suivant la date de la sanction royale, survenue, elle, le 14 décembre 2007, ce que je trouve inacceptable. Je suis convaincu que mes collègues partagent mon avis. Les gens se demandent si la nouvelle législation sur la faillite est en vigueur. Les anciennes Loi sur la faillite et l'insolvabilité et Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies s'appliquent-elles toujours? Je sais que les avocats eux le savent, mais ce n'est pas clair pour le reste d'entre nous.

On me dit que le gouvernement emploiera ces mois à mettre sur pied le Programme de protection des salariés (PPS). Il s'agira notamment de concevoir le programme, de créer une infrastructure, de former le personnel et de préparer le règlement découlant de la loi.

Je me demande pourquoi tout cela n'a pas été fait avant que le projet de loi nous soit renvoyé. Le Bureau du surintendant des faillites, qui est chargé de l'application des règlements pris en vertu de la LFI et de la LACC, emploiera également ce temps à achever les consultations sur le nouveau règlement, à préparer les formulaires et à mettre à niveau les systèmes informatiques, ce qui lui permettra ensuite de jouer son nouveau rôle de surveillance des procédures prévues dans la LACC.

Je veux que cette information figure au compte rendu. Les gens consultent notre site Web, lisent la transcription de nos délibérations et suivent nos séances sur Internet et à la télévision. Les intervenants méritent de connaître les parties de la loi qui sont en vigueur et celles qui ne le sont toujours pas.

Il faut que la situation soit plus claire, madame Leclerc. Nous serons de toute façon inondés d'appels téléphoniques et de courriels.

Le vice-président dit croire que le gouvernement a établi une liste interne précisant les parties de la loi qui sont en vigueur et celles qui ne le sont pas. Il nous faut cette information. La situation doit être clarifiée.

Je demande que cette liste, ou qu'une meilleure liste, nous soit fournie. Je veux que tout soit parfaitement clair.

Le sénateur Harb : Je vous signale que Mme Leclerc n'est pas ici en ce moment.

Le président : Voilà pourquoi j'hésite à faire cette demande.

Le sénateur Harb : Si nous voulons cette information — et je conviens que nous devrions l'avoir —, je pense que vous devriez écrire au ministère au nom du comité et poser toutes les questions auxquelles vous voulez obtenir réponse.

Le président : Comme j'ai fait cette demande en séance publique, je crois que la transcription de nos délibérations suffira. Nous avons d'ailleurs déjà réclamé cette information. Je n'adresse aucun reproche au ministère, mais je ne fais qu'énoncer ce qui me semble évident. Vu la complexité de la législation, il nous faut une information plus claire.

Le sénateur Goldstein : Je signale pour la gouverne des membres du comité que le document que j'ai distribué la semaine dernière indique, en regard de chaque amendement, si l'amendement est en vigueur ou non. Les membres du comité à tout le moins possèdent cette information qui leur permettra de suivre les discussions.

Il serait utile que cette information soit déposée devant le comité. La suggestion que vient de faire le sénateur Harb est bonne.

Le président : Sénateur Goldstein, je ne veux pas prolonger cette discussion, mais vous faites allusion à un document qui, si je ne m'abuse, a été préparé par vous-même ou qu'on a préparé en votre nom.

Le sénateur Goldstein : Oui, on l'a préparé en mon nom.

Le président : Il s'agit donc d'un document non officiel.

Le sénateur Goldstein : C'est juste.

Le président : Le document est cependant une consolidation utile des nouvelles lois. Les sénateurs ont déjà ce document, mais je réitère ma demande, qui est que nous obtenions un document semblable de sources officielles.

Monsieur Boyko, veillez faire votre déclaration préliminaire.

Ian Boyko, coordonnateur des relations gouvernementales, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants : Bonjour. Notre fédération est un regroupement de plus de 80 syndicats étudiants répartis dans tout le pays. En raison de notre mandat, outre les demandes de renseignements que nous recevons de nos membres, qui un jour seront des diplômés qui rembourseront leurs prêts, nous répondons aussi chaque mois à des dizaines d'appels provenant de débiteurs étudiants qui ne savent vers qui se tourner pour obtenir de l'aide, ni que faire pour que leurs prêts redeviennent en règle. C'est à nous que s'adressent souvent ceux qui ont de la difficulté à rembourser leurs prêts.

Je sais que le comité connaît bien la loi. Permettez-moi cependant de replacer les choses dans leur contexte. Les sénateurs se souviendront sans doute du fait que l'interdiction de faillite, actuellement de 10 ans, interdiction qu'on propose maintenant de ramener à sept ans, a été portée, sans aucune consultation, de deux à 10 ans dans le budget de 1998. Nous conviendrions sans doute tous à cet égard que le processus a été pour ainsi dire bâclé.

Le président : De quelle période parlez-vous exactement?

M. Boyko : Avant 1997, il n'existait aucune interdiction de faillite expresse à l'égard des prêts d'études. En 1997, nous avons participé aux consultations étendues qui ont été tenues. Le budget de 1997 a introduit une interdiction de faillite de deux ans à l'égard des prêts d'études.

Un an plus tard, sans avis ni consultation, cette période a été portée de deux à 10 ans. Dans les mois et les années qui ont suivi, nous avons constaté chaque fois que nous rencontrions des députés et des sénateurs que peu d'entre eux, pas même les députés ministériels, étaient au courant du fait que le budget de 1998 avait relevé la durée de l'interdiction de faillite.

Certains allèguent que cette loi, datant du milieu et de la fin des années 90, a été adoptée, du moins en partie, à la demande des grandes banques qui, de 1995 à 2000, étaient les bailleurs de fonds du Programme canadien de prêts aux étudiants. Quelques autres projets de loi qu'on peut qualifier de rétrogrades ont aussi été présentés pendant cette période, supposément pour protéger les investissements des banques dans ce programme social. La mesure quintuplant l'interdiction de faillite, alors de deux ans, a été enfouie dans le budget de 1998. Depuis lors, la mesure a été largement décriée par des comités de la Chambre des communes et du Sénat ainsi que par la plupart des spécialistes en insolvabilité. La durée de l'interdiction de faillite a été ramenée dernièrement à sept ans, ce qui n'a pas empêché un témoin appartenant au cabinet Hoyes, Michalos et Associés que le comité a entendu plus tôt ce mois-ci, d'accorder la note D à ce changement. Vu le contexte actuel de l'endettement étudiant et du débat sur l'éducation publique, il ne faudrait pas oublier que la Loi sur la faillite ou l'insolvabilité — ou la Grande mesure de 1998 en vue d'apaiser les grandes banques — a été adoptée dans les années 90, au moment même où le pourcentage d'augmentation des frais de scolarité franchissait le cap des deux chiffres dans la plupart des provinces. Cette augmentation a surtout été attribuable à la réduction par le gouvernement fédéral dans les années 90 du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Depuis 1990, le niveau d'endettement des étudiants a doublé en dollars réels, et rien n'indique qu'il plafonnera sous peu. Par ailleurs, les taux d'intérêt très élevés que le gouvernement du Canada impose sur les prêts d'études exacerbent le problème de l'endettement étudiant.

Prenons l'exemple d'un prêt d'études de 25 000 $ dont la période d'amortissement est de 10 ans. À la fin de cette période, le détenteur du prêt aura remboursé environ 12 000 $, ce qui représente 49 p. 100 de la valeur du prêt initial. Si le détenteur du prêt a du mal à rembourser cette somme et demande à ce que la période d'amortissement soit portée de 10 à 15 ans, il paiera 19 000 $ en intérêts, ce qui représente environ 77 p. 100 de la valeur du prêt initial.

Malgré le coût exorbitant des études postsecondaires, il n'y a jamais eu d'épidémie de faillites chez les détenteurs de prêts d'études. En fait, c'est plutôt le contraire. Nombre d'étudiants et leurs familles n'ont ménagé aucun effort pour éviter d'avoir à suspendre leurs paiements de remboursement ou de déclarer faillite. Avant que la loi ne soit modifiée en 1998, seulement 2 p. 100 de la valeur des faillites de consommateurs étaient attribuables à des prêts d'études. Qui plus est, les taux de remboursement des prêts d'études sont largement supérieurs à ceux des sociétés qui bénéficient de prêts du gouvernement fédéral, soit 93 p. 100 contre 15 p. 100.

Les représentants du gouvernement qui ont témoigné devant le comité en novembre ont fait mention de programmes fédéraux : l'exemption d'intérêts et la réduction de la dette en cours de remboursement. L'exemption d'intérêts est un programme qui ne s'applique qu'à la portion fédérale du prêt d'études fédéral-provincial. Dans le cadre de ce programme, les paiements de remboursement sont suspendus pendant des intervalles de six mois renouvelables jusqu'à concurrence de 54 mois. L'exemption d'intérêts n'est pas automatique. Elle n'est accordée qu'aux emprunteurs admissibles dont la demande est acceptée. L'exemption d'intérêts, qui ne diffère peut-être pas de certains autres programmes, n'est intéressante qu'en théorie, car elle n'est ni appliquée convenablement, ni promue auprès des populations qui en ont besoin. Une étude réalisée par Gerry Situ à Statistique Canada en août 2006 fait état d'un taux d'utilisation de 16 p. 100, ce qui signifie que moins de 45 p. 100 des étudiants emprunteurs y sont admissibles. Depuis 2000, 86 000 demandes d'exemption d'intérêts ont été rejetées.

L'autre programme, la réduction de la dette en cours de remboursement, dont ont fait mention les représentants du gouvernement le 29 novembre, est encore moins utilisé que l'exemption d'intérêts. Ce programme prévoit la remise d'une partie du prêt d'études canadien à l'expiration des 54 mois d'exemption d'intérêts. La réduction de la dette en cours de remboursement n'est pas automatique; elle est accordée uniquement aux emprunteurs admissibles dont la demande est acceptée.

En 1998, quand la réduction de la dette en cours de remboursement a été instaurée, le gouvernement avait promis que 12 000 étudiants en bénéficieraient chaque année. Les données les plus récentes provenant des rapports annuels du Programme canadien de prêts aux étudiants montrent que la réduction a été accordée à moins de 2 000 étudiants emprunteurs en 2003.

La plupart des spécialistes du domaine des faillites et de l'insolvabilité estiment que 12 p. 100 est un rapport de dette- revenu raisonnable. Pour être admissible à la réduction de la dette en cours de remboursement, nous estimons qu'un emprunteur doit plutôt affecter 30 p. 100 de son revenu au remboursement de son prêt d'études.

D'autres témoins ont aussi appris au comité que par rapport au consommateur moyen présentant une demande de faillite, les débiteurs étudiants ont tendance à être jeunes, à être des femmes et à avoir un revenu faible. Dans ce contexte, j'aimerais faire part au comité des réserves que notre organisme entretient à l'égard de l'approche actuelle du gouvernement quant au remboursement des prêts d'études et à l'égard également de la législation en matière de faillites.

Les programmes de gestion de la dette — l'exemption d'intérêts et la réduction de la dette en cours de remboursement — s'adressent aux personnes qui ont de la difficulté à faire leurs remboursements chaque mois. Une partie des données dont nous disposons montrent que ces programmes n'atteignent même pas cet objectif. Le malentendu fondamental qui existe, c'est que ces mesures de gestion de la dette ont un but précis, mais la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, pour sa part, est censée cibler les étudiants beaucoup moins nombreux se trouvant dans une situation beaucoup plus désespérée. Cette minorité minuscule et désespérée de débiteurs étudiants se compose de personnes n'ayant aucun espoir raisonnable de pouvoir rembourser leur dette. Étant donné les conséquences de longue durée d'une faillite sur le plan du crédit, on peut comprendre que pour la plupart des débiteurs étudiants, la faillite demeure une option de dernier recours.

Lors de réunions précédentes du comité, le sénateur Goldstein signalait en se fondant sur sa grande expérience dans le domaine, que l'appareil judiciaire est bien équipé pour empêcher les fraudes en matière de faillites de la part de détenteurs de prêts d'études, et point n'est besoin que le gouvernement fédéral tente de se suppléer à l'appareil judiciaire avec l'interdiction de faillite imposée sur les prêts d'études de tous les étudiants, et pas seulement des étudiants qui comptent commettre une fraude. Un autre choix très clair s'offre au gouvernement fédéral, un choix que nous recommandons, à savoir mettre fin à l'interdiction de faillite visant les prêts d'études. Les sénateurs se souviendront que de 1964 à 1977, soit pendant 33 ans, aucune interdiction de ce genre ne frappait le Programme canadien de prêts aux étudiants. La situation des étudiants d'aujourd'hui n'a pas sensiblement changé, sauf que leur niveau d'endettement a augmenté à l'issue de décisions prises par les gouvernements fédéral et provinciaux. Les étudiants d'aujourd'hui sont en effet considérablement plus endettés que leurs prédécesseurs. Le gouvernement fédéral doit accepter une plus large part de responsabilité dans la mesure où il a créé plusieurs milliers de débiteurs honnêtes malchanceux de plus. En raison du retrait du gouvernement fédéral du domaine de l'enseignement postsecondaire, la génération actuelle d'étudiants est la plus endettée de toute l'histoire de notre pays.

À titre de compromis, nous appuyons également le projet de loi d'initiative parlementaire du sénateur Goldstein visant à ramener à deux ans la période d'interdiction de faillite, la tenue d'une audience pour établir l'existence éventuelle de graves difficultés étant possible n'importe quand avant. Les changements qui sont proposés à l'égard de l'interdiction de faillite touchant les prêts d'études fait l'objet d'un large appui, et pas seulement auprès des témoins que vous avez déjà entendus. Je rappelle aux sénateurs qu'en 2005, à l'étape de la deuxième lecture, plus de 100 députés ont voté en faveur d'un projet de loi d'initiative parlementaire visant à réduire la durée de cette interdiction. Douglas Wellbanks, ancien directeur des Services d'aide aux débiteurs et de recouvrement des créances au gouvernement de la Colombie-Britannique, est l'auteur d'un article sur le sujet dont j'ai des exemplaires à l'intention des membres du comité. Tant le témoignage de la Coalition que celui de M. Wellbanks seraient utiles au comité.

En terminant, j'aimerais faire une comparaison que je tire d'un document que j'ai déjà fait parvenir au comité. Opposer une interdiction de faillite à une dette étudiante impossible à gérer équivaut à fermer des salles d'urgence pour enrayer une épidémie; on pénalise les victimes et on ferme les yeux sur les causes. Nous pouvons faire mieux. Tous les partis ont déjà beaucoup fait progresser l'examen de l'interdiction de faillite à l'égard des prêts d'études. Des preuves de plus en plus abondantes montrent que cette loi cause beaucoup de tort aux débiteurs étudiants les plus désespérés et les plus vulnérables. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

Le président : Je vous remercie, monsieur Boyko, de cet exposé très clair et concis. Vous représentez la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants. Si je ne m'abuse, la fédération est un organisme étudiant. Êtes-vous étudiant vous-même?

M. Boyko : Je ne le suis plus. Je suis un employé de notre bureau national.

Le président : La fédération a-t-elle un bureau permanent ici à Ottawa?

M. Boyko : Oui. Il est près d'ici. Le personnel de notre bureau se compose d'employés à temps plein comme moi et de nombreux étudiants qui arrêtent leurs études temporairement pour servir les membres de la fédération à Ottawa.

Le président : Comment la fédération est-elle financée?

M. Boyko : Nous sommes financés par les cotisations de nos membres un peu comme le sont les syndicats ouvriers.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de vous joindre à nous, monsieur Boyko. Nous vous sommes reconnaissants d'être ici et d'essayer de nous aider à mieux comprendre cette question.

Vous avez parlé d'intérêts extrêmement élevés. Vous avez aussi cité des chiffres. Si l'on met 50 ans à rembourser un prêt, il est évident que le montant total remboursé sera plus élevé que le montant du prêt initial. Quel taux d'intérêt portent les prêts d'études?

M. Boyko : Deux choix s'offrent aux étudiants lorsqu'ils consolident leurs prêts à la fin de leurs études. Ils peuvent opter pour un taux fixe, qui est le taux préférentiel plus 5 p. 100, et conserver ce taux pendant toute la durée de leur période de remboursement. Ils peuvent aussi opter pour un taux flottant, qui est le taux préférentiel plus 2,5 p. 100. Le taux flottant suit le marché.

Le sénateur Massicotte : S'agit-il du taux préférentiel de la Banque du Canada ou du taux préférentiel des banques à charte canadiennes?

M. Boyko : Je n'en suis pas sûr, mais je crois que c'est le taux préférentiel de la Banque du Canada.

Le sénateur Massicotte : Ce taux se rapproche sans doute du taux préférentiel exigé par les banques à charte canadiennes. C'est sans doute le taux d'intérêt le moins élevé offert aux entreprises canadiennes.

M. Boyko : Je regrette, mais je ne connais pas la distinction entre ces deux taux. Je crois que le taux flottant atteint en ce moment 8,25 p. 100. C'est le taux total. Le taux préférentiel plus 2,5 p. 100 donne un taux de 8,25 p. 100 ou de 8,5 p. 100.

Le sénateur Massicotte : Les statistiques que vous avez données montrent que les prêts d'études présentent peu de risques, et que par conséquent, il n'est pas nécessaire de prévoir une interdiction de faillite spéciale pour ce genre de dettes. Autrement dit, les prêts d'études devraient être traités comme n'importe quel autre type de prêt.

Si les prêts d'études présentent peu de risques, ne convenez-vous pas que nous devrions revenir au régime qui était en vigueur il y a de nombreuses années? Autrement dit, le gouvernement du Canada devrait peut-être se retirer du domaine des prêts d'études et les étudiants devraient peut-être plutôt obtenir des prêts ordinaires auprès des banques à charte canadiennes. Si ces prêts présentent peu de risques, le gouvernement a-t-il vraiment un rôle à jouer dans ce domaine?

M. Boyko : Je crois que les risques sont relativement élevés. C'est la raison pour laquelle le gouvernement fédéral a créé ce programme au départ. Nombre d'étudiants n'ont pas de biens à donner en garantie ou n'ont pas les antécédents de crédit nécessaires non plus pour obtenir un prêt d'études auprès de sources privées. Je crois que c'est ce qui explique que le gouvernement fédéral ait commencé au départ à accorder ce genre de prêts.

Je crois comme vous que les étudiants ne devraient pas devoir emprunter pour financer leurs études. La meilleure façon de financer les études serait de créer un système national de subventions fondées sur les besoins.

Le sénateur Massicotte : La meilleure façon de financer l'éducation pourrait évidemment faire l'objet d'un autre important débat. Chaque province jouit d'une grande marge de manoeuvre à cet égard. Qu'est-ce qui serait juste dans le système actuel dans le cadre duquel l'étudiant lui-même assume la majeure partie du coût de ses études? Le gouvernement pense que son rôle est d'aider les étudiants en garantissant leur dette puisque les étudiants qui poursuivent leurs études gagneront un meilleur revenu à l'avenir, ce qui ne peut qu'être bon pour l'économie canadienne. Comme les témoins que nous avons entendus il y a plusieurs années, vous nous avez donné des statistiques indiquant qu'avant la modification de la loi, les banques accusaient d'importantes pertes à l'égard des prêts d'études.

Si vous reconnaissez que l'ancien système ne fonctionnait pas et si, pour des raisons de politique publique, le gouvernement a cru qu'il ne devait pas assumer une part plus importante des frais d'études, qu'est-ce qui serait juste? Si une période d'interdiction de faillite de deux ans n'a pas donné le résultat escompté, et que dix ans c'est trop long, qu'est-ce qui constituerait un bon compromis? Je conviens que le gouvernement pourrait décider de complètement subventionner les études au Canada, mais dans le cadre du système actuel, qu'est-ce qui serait juste?

Si nous excluons une période d'interdiction de deux ans et des pertes au-delà de ce que le gouvernement est prêt à accepter, qu'est-ce qui serait juste? Nous reconnaissons que le fait pour un étudiant de faire des études présente un avantage économique pour lui. Comment s'y prendre pour promouvoir les études et pour protéger les intérêts de chacun?

M. Boyko : Cette question est plutôt hypothétique. Je crois qu'il est fondamentalement injuste de demander à quelqu'un d'emprunter entre 25 000 $ et 35 000 $ pour financer ses études. C'est ce qui amène les étudiants à se retrouver avec des niveaux d'endettement très élevés.

La législation en matière de faillites vise un groupe de débiteurs désespérés, honnêtes et malchanceux. On devrait traiter ces débiteurs comme on traite les autres débiteurs qui connaissent des difficultés et qui demandent qu'on les libère de leurs dettes. Ce choix devrait aussi être offert aux étudiants.

Je pense qu'il ne faudrait pas oublier que le fait de poursuivre des études postsecondaires est avantageux pour les étudiants. S'ils gagnent un revenu plus élevé une fois qu'ils font partie de la population active, ils paieront aussi des impôts plus élevés. Je ne pense pas qu'il faille exagérer l'investissement qui est consenti dans chaque étudiant puisque les étudiants dans leur ensemble vont ensuite payer des impôts plus élevés.

Le sénateur Massicotte : Soutenez-vous que les étudiants ne devraient pas contribuer au financement de leurs études bien que ce soient eux qui en profitent le plus? Soutenez-vous que ce devrait être le rôle du secteur public? Vous dites que les prêts d'études devraient être traités comme tous les autres prêts. Vous ai-je bien compris?

M. Boyko : Je m'excuse, mais je ne saisis pas bien la question. Je crois que l'éducation publique est un droit et que nous ne devrions pas opposer des obstacles financiers à l'exercice de ce droit. La vaste majorité des étudiants qui poursuivent des études postsecondaires vont contribuer à élargir l'assiette fiscale.

Le nombre de débiteurs étudiants qui devraient se prévaloir de cette loi est peu élevé. Il existe des programmes d'allégement de la dette qui, s'ils sont bien mis en oeuvre, peuvent aider les étudiants qui connaissent des difficultés temporaires. Il ne s'agit pas ici d'étudiants en dentisterie qui déclarent faillite après avoir obtenu leur diplôme parce qu'ils veulent se débarrasser d'une dette de 8 000 $. Il ne s'agit pas de cette population-là. Il s'agit d'étudiants qui sont devenus handicapés, qui ont divorcé ou qui, pour diverses raisons, ont des difficultés financières et ne peuvent plus rembourser leur dette de 20 000, 30 000 ou 40 000 $. Ces étudiants-là devraient pouvoir défendre leur cause devant un juge.

La faillite n'est jamais automatique. C'est le juge qui décide d'accorder ou non le droit de déclarer faillite. Il peut refuser ce droit. À l'heure actuelle, les étudiants n'ont pas le droit de défendre leur cause devant un tribunal.

Le sénateur Harb : Je crois que vous nous avez dit essentiellement que les étudiants devraient être traités de la même façon que tous les autres débiteurs. La situation d'une personne ayant contracté un prêt auprès d'une banque peut changer. Cette personne demandera alors le droit de déclarer faillite, le cas échéant. Les étudiants devraient être traités de la même façon. Dans ces circonstances, avez-vous songé à présenter une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne pour discrimination fondée sur l'âge?

M. Boyko : C'est étrange que vous me posiez la question. L'organisme que je représente a entrepris une contestation fondée sur la Charte pour des motifs analogues et nous ne sommes pas parvenus à établir que l'âge ou le statut d'étudiant pouvait être un motif de discrimination fondée sur l'âge.

La Cour supérieure de l'Ontario ne nous a donc pas donné raison, mais je pense qu'on pourrait modifier la loi en se fondant sur d'autres motifs.

Le sénateur Harb : Pour étayer votre cas, avez-vous mené des études pour établir le pourcentage d'étudiants qui ont jusqu'ici déclaré faillite? Dans l'affirmative, combien d'étudiants ont invoqué les dispositions relatives à la faillite?

J'aimerais aussi savoir si une analyse de rentabilité a été faite pour établir le coût de mise en oeuvre du programme de prêts aux étudiants ainsi que les frais de représentation juridique devant les tribunaux du gouvernement, des banques et des institutions financières? Ces statistiques pourraient être surprenantes et pourraient peut-être étayer votre raisonnement en faveur de la gratuité de l'éducation postsecondaire. L'éducation est d'ailleurs gratuite dans de nombreux pays industrialisés du monde.

A-t-on entrepris des études de ce genre?

M. Boyko : Il faudrait effectivement faire des études de ce genre. La majeure partie de l'information dont nous disposons date de la période précédant l'interdiction de faillite à l'égard des prêts d'études. À partir de ce moment-là, il est devenu impossible d'obtenir la libération des dettes d'études. Nous sommes maintenant en 2008, soit 10 ans plus tard. C'est lorsque les frais de scolarité ont doublé dans les années 90 que le niveau d'endettement des étudiants a atteint des sommets inégalés. Ce n'est que maintenant que prend fin la période d'interdiction de faillite pour la plupart des étudiants. Je crois que nous devrions pouvoir commencer à recueillir ces données.

Je sais que certains des témoins précédents que vous avez entendus et qui s'occupaient plus directement des demandes de faillite disposent de plus de données sur cette question. Malheureusement, la majeure partie de nos données datent d'avant cette période.

Le sénateur Harb : Si je lis bien dans vos pensées...

Le président : Pensez-vous que le témoin a répondu à la question de savoir si des études avaient été entreprises?

Le sénateur Harb : Il a répondu que non.

Si je lis bien dans vos pensées, ce que vous voulez dire, c'est que vous préféreriez que cet article soit abrogé et qu'il ne figure plus dans la loi. D'après vous, l'éducation devrait être gratuite pour tous puisque, comme vous l'avez dit au sénateur Massicotte, les étudiants vont un jour payer des impôts. Autrement dit, la société y trouve son compte. Préférez-vous que cet article soit supprimé du projet de loi et que l'on reconnaisse le principe de la gratuité de l'éducation?

M. Boyko : Nous sommes d'avis qu'il faut éliminer l'interdiction de faillite visant les prêts d'études. En outre, les gouvernements fédéral et provinciaux devraient prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire les obstacles financiers auxquels sont confrontés les étudiants, ce qui pourrait comprendre/ l'élimination des frais de scolarité. À mon avis, ce serait une bonne mesure.

Le président : Est-ce une mesure que le gouvernement fédéral peut prendre?

M. Boyko : Le gouvernement fédéral peut inciter les provinces à la prendre.

Le sénateur Meighen : Pour poursuivre dans la même veine que le sénateur Harb, supposons le pire, et que l'interdiction de faillite soit maintenue — qu'il s'agisse de deux ans ou d'une période plus longue —, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez des programmes d'exemption d'intérêts et de réduction de la dette en cours de remboursement?

Vous avez dit dans votre déclaration préliminaire que peu d'étudiants sont admissibles à ces programmes. À supposer que la période d'interdiction de faillite à l'égard des prêts d'études soit maintenue et à supposer aussi que vous jugiez utiles ces programmes, que pourrait-on faire pour que plus d'étudiants en profitent?

M. Boyko : Je ne voudrais pas donner l'impression que notre organisme pense que les programmes tels l'exemption d'intérêts et la réduction de la dette en cours de remboursement ne sont pas utiles. Les personnes qui téléphonent à notre bureau, et qui découvrent qu'elles ne sont pas admissibles aux programmes après avoir fait les calculs nécessaires, vous diront que les seuils prévus sont clairement trop élevés. Je crois que l'on pourrait facilement étudier les conséquences d'une réduction du seuil d'admissibilité pour que davantage d'étudiants puissent se prévaloir des mesures d'allégement des intérêts.

Il est question d'adapter le système pour favoriser une meilleure correspondance entre le montant que doit rembourser le débiteur étudiant et son revenu. À l'heure actuelle, c'est tout ou rien. Soit une personne est admissible au programme d'exemption, et elle peut cesser de faire ses paiements pendant six mois, soit elle n'y est pas admissible, et elle doit continuer de rembourser 350 ou 450 $ par mois.

On discute à l'heure actuelle d'une mesure, que nous considérons être une amélioration, en vue de rendre le système plus progressif. Or, ce changement ne règlera pas le fond du problème qui est que les étudiants se retrouvent à la fin de leurs études avec des dettes en prêts d'études de 25 000 $, sans parler de leur carte de crédit et leurs autres dettes.

En réponse à votre question, je pense que nous pouvons faire beaucoup pour rendre les programmes plus généreux. Il est à espérer qu'un jour personne n'ait à recourir à la législation en matière de faillites. Les personnes qui, pour une raison ou une autre, ne sont pas admissibles au programme de gestion de la dette que les représentants du gouvernement fédéral ont présenté avec tant de fierté — et il y a des gens qui passent à travail les mailles du filet —, devraient pouvoir défendre leur cause devant un juge.

Le sénateur Meighen : Vous avez mentionné le point qu'a soulevé le sénateur Goldstein, à savoir l'exigence du prêt en règle qui est un critère d'admissibilité à ces programmes. J'ai l'impression qu'une personne peut facilement rater un paiement si sa situation financière se détériore. Si elle rate un paiement ou deux, elle n'est plus admissible à ces programmes. Il faut donc présenter une demande avant de se trouver dans cette situation. Si j'étais tout-puissant, j'éliminerais d'abord et surtout cette exigence. Êtes-vous d'accord avec moi?

M. Boyko : Je suis d'accord avec vous pour dire qu'une fois qu'une personne est en situation de défaut de paiement, elle n'est plus admissible aux programmes qui sont censés l'aider.

Une personne est en situation de défaut de paiement si elle n'a pas fait de paiement depuis 270 jours, ce qui équivaut à neuf mois. Ce délai semblera raisonnable à la plupart d'entre nous. Comme je le disais, certaines personnes tombent cependant entre les mailles du filet. Puisque le seuil d'admissibilité aux programmes est trop élevé, certaines personnes y sont jugées inadmissibles. Je conviens que la législation sur les faillites devrait viser les personnes qui, pour une raison ou une autre, sont en situation de défaut de paiement, mais ne sont plus admissibles aux programmes dont nous avons parlé.

Le sénateur Jaffer : Je voulais poser la question que le sénateur Meighen a posée, mais j'en ai une autre portant sur l'initiation à la gestion financière. Offrez-vous des programmes d'initiation à la gestion financière s'adressant aux nouveaux étudiants?

M. Boyko : Notre organisme n'offre pas ce genre de programmes, mais la plupart des universités et des collèges comptent des services d'aide financière qui en offrent.

Le sénateur Jaffer : Ma question complémentaire est la suivante : des étudiants m'ont dit que les banques leur prêtent facilement, au moins 5 000 $ à 6 000 $, lorsqu'ils vont à l'université. Pensez-vous que le comité devrait encourager les banques à offrir des programmes de gestion des prêts ou des programmes visant à apprendre aux étudiants comment être des emprunteurs responsables?

M. Boyko : Je crois que les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent prendre des mesures pour faire en sorte que les étudiants et leurs familles aient moins besoin de recourir à des lignes de crédit privées. À titre d'exemple, les gouvernements peuvent faire en sorte que le système tienne davantage compte des besoins financiers des étudiants et ils peuvent aussi remplacer le plus possible les prêts par des subventions. Il est vrai qu'une grande part du problème consiste à calculer de façon très rigoureuse l'argent qu'on gagne et l'argent qu'on doit rembourser. Toute l'information au monde n'aidera pas ceux qui ne peuvent à la fois payer leur loyer et rembourser leur prêt d'études.

Je conviens que les gouvernements devraient aussi veiller d'entrée de jeu à ce que les étudiants comprennent exactement quels sont leurs engagements. Un système de subventions fondées sur les besoins contribuerait cependant à réduire les sommes d'argent que les étudiants sont contraints d'emprunter.

Le sénateur Moore : Je m'excuse de mon retard. Le président vous a posé des questions sur l'organisme auquel vous appartenez. Je m'excuse si je vous pose des questions auxquelles vous avez peut-être déjà répondu, mais combien d'universités et d'étudiants votre organisme représente-t-il?

M. Boyko : Nous représentons quelque 87 syndicats étudiants auxquels appartiennent des collèges, des universités, des étudiants de premier cycle et des étudiants de cycles supérieurs. Au total, nous représentons environ un demi- million d'étudiants.

Le sénateur Moore : Combien d'employés votre organisme compte-t-il?

M. Boyko : Je crois que quatre personnes travaillent actuellement à notre bureau.

Le sénateur Moore : En vous comptant?

M. Boyko : Oui.

Le sénateur Moore : Quand le président vous a demandé comment vous étiez financé, vous avez dit que vous perceviez des cotisations auprès de vos membres un peu comme les syndicats ouvriers. Qu'est-ce que vous voulez dire par là? Chaque école paie-t-elle un montant X? Ce montant est-il fonction du nombre d'inscriptions? Quelle est la cotisation moyenne?

M. Boyko : Les étudiants doivent payer leurs frais de scolarité au début de l'année. Ils paient alors au même moment une cotisation à leur syndicat étudiant local et une cotisation à notre syndicat provincial et national. Chacun de nos membres paie une cotisation.

Le sénateur Moore : Ce sont donc les étudiants eux-mêmes, et non pas les universités, qui paient la cotisation.

M. Boyko : Oui.

Le sénateur Moore : Quelle est la cotisation moyenne?

M. Boyko : La cotisation est de 3,82 $ par semestre.

Le président : Cela comprend-il la TPS?

Le sénateur Goldstein : La cotisation est maintenant de 3,78 $ vu la réduction de 2 p. 100 de la TPS.

M. Boyko : La cotisation a été fixée en 1992 ou 1993 à 3 $ et elle a ensuite augmenté en fonction de l'Indice des prix à la consommation.

Le sénateur Moore : La cotisation est versée chaque semestre. Le sénateur Massicotte ou le sénateur Harb vous a posé une question sur le niveau d'endettement des étudiants et vous avez fait mention des prêts d'études et des cartes de crédit. Votre organisme a-t-il établi une ventilation de la dette moyenne des étudiants pour savoir quelle est la part respective dans cette dette des frais de scolarité, des frais de subsistance et des activités sociales?

M. Boyko : Nous n'avons pas entrepris de faire cette ventilation, et il est peut-être impossible de le faire. Lorsqu'un étudiant présente une demande dans le cadre du Programme canadien de prêts aux étudiants — et il doit du même coup présenter une demande dans le cadre du programme provincial d'aide aux étudiants —, il doit indiquer ce qu'il compte payer en frais de scolarité et en frais de logement et aussi ce qu'il compte gagner pendant l'été. Les frais de scolarité et les frais de subsistance sont pris en compte dans le calcul du prêt d'études, et cette proportion varie d'une province à l'autre.

Le sénateur Moore : Au cours de l'année, l'étudiant peut aussi emprunter 4 000 $ ou 5 000 $ de plus pour d'autres fins que les frais de scolarité et l'achat de manuels. Vous n'avez pas fait cette analyse. Quelle est la dette moyenne des étudiants à la fin de leurs études?

M. Boyko : Elle se situe entre 22 000 $ et 28 000 $.

Le sénateur Moore : Pouvez-vous fournir au comité un tableau comportant ces chiffres?

M. Boyko : Non.

Le sénateur Massicotte : S'agit-il de la dette moyenne des étudiants qui obtiennent leur diplôme ou de la dette moyenne des étudiants qui ont une dette?

M. Boyko : Nous ne tenons compte que des étudiants qui ont une dette. C'est le montant moyen des prêts d'études des étudiants universitaires ayant terminé un programme de quatre ans.

Le sénateur Massicotte : Il s'agit donc seulement de la dette moyenne des étudiants qui ont une dette, n'est-ce pas?

M. Boyko : Oui.

Le sénateur Massicotte : Combien d'étudiants ont une dette?

M. Boyko : Environ la moitié.

Le sénateur Massicotte : Je suppose que la dette moyenne est sans doute la dette de la moitié de ces étudiants.

M. Boyko : Oui, mais je crois qu'on ne doit pas inclure les étudiants qui n'ont pas de dette.

Le président : Le sénateur Moore a la parole.

Le sénateur Massicotte : Il s'agit d'une question complémentaire. Connaissez-vous les antécédents socio- économiques des étudiants qui ont une dette?

M. Boyko : Nous ne possédons pas cette information qui serait cependant précieuse. On peut présumer que les étudiants qui présentent une demande de prêt sont ceux qui n'ont pas les ressources financières au départ pour financer leurs études. Je ne pense pas jamais avoir vu d'étude analysant les antécédents socio-économiques des détenteurs de prêts d'études. Je crois qu'il est raisonnable de présumer qu'ils proviennent de familles dont le revenu est peu élevé.

Le sénateur Moore : S'agit-il d'étudiants de premier cycle ou de cycles supérieurs?

M. Boyko : Il s'agit d'étudiants ayant terminé un programme de quatre ans. Ce chiffre ne comprend pas les étudiants des cycles supérieurs.

Le sénateur Moore : Parmi les étudiants membres de votre organisme qui terminent leurs études avec des dettes, y en a-t-il qui ont contracté des prêts auprès d'établissements de prêts sur salaire?

M. Boyko : Je l'ignore, mais je ferai de mon mieux pour trouver ce renseignement pour le comité. Je sais que le comité a étudié la question des taux d'intérêt criminels, ce qui peut aider certains étudiants endettés.

Le sénateur Moore : Qu'est-ce qui entre dans ces 22 000 $ à 28 000 $ de dette? A-t-on fait cette ventilation? Combien coûtent les manuels, par exemple?

Comme votre cotisation est de 4 $ par étudiant, votre budget s'élève à quelque quatre millions de dollars. Quelle partie de votre budget consacrez-vous à ce genre de recherche?

M. Boyko : Environ la moitié.

Le sénateur Moore : Je voulais le savoir parce que vous pouvez ainsi faire des travaux utiles non seulement pour ce comité, mais pour tout le pays.

M. Boyko : Je dirais que nous affectons la moitié de notre budget à la défense des intérêts.

Le sénateur Moore : L'élimination de l'endettement étudiant est l'une de vos missions fondamentales.

M. Boyko : Oui.

Le sénateur Moore : Vous ne savez cependant pas de quoi se compose cette dette. Je pense que vous devriez faire ce genre de recherche. Je n'ai pas d'autres questions à poser pour l'instant.

Le président : Il ne nous reste plus que cinq minutes exactement avec ce témoin. Sénateur Goldstein, vous vous intéressez de façon particulière à ce sujet en raison de votre projet de loi d'initiative parlementaire.

Le sénateur Goldstein : J'ai différentes observations à faire et questions à poser. Je possède des statistiques sur le coût de recouvrement des créances que je transmettrai au comité. Elles proviennent du budget et des énoncés financiers du ministère des Finances, lesquels sont publics. Le comité devrait avoir cette information. Les coûts de recouvrement s'élèvent à plusieurs millions de dollars par année.

Nous avons des données empiriques sur les étudiants qui ont tendance à emprunter. Le professeur Saul Schwartz de l'Université Carleton a publié un article savant sur le sujet. Je vous le transmettrai, sénateur Moore.

Il existe trois types de prêts d'études : selon que l'on fréquente un collège, une école de nature plus générale comme une école professionnelle ou l'université. Peut-on dire que les étudiants qui obtiennent un prêt pour poursuivre des études universitaires éprouvent moins de difficulté à rembourser leurs prêts que les étudiants qui fréquentent d'autres types d'établissements d'enseignement?

M. Boyko : Pourriez-vous répéter votre question?

Le sénateur Goldstein : J'essaie de faire une comparaison entre les étudiants et les prêts qui leur sont accordés, mais j'ai posé la question de façon compliquée, et je m'en excuse.

Les étudiants qui fréquentent l'université, comme les étudiants qui fréquentent des écoles professionnelles, contractent des prêts d'études. Les statistiques dont nous disposons permettent d'établir un taux de défaut de paiement général ainsi qu'un taux de recouvrement général. Je crois que vous, ou d'autres membres de votre organisme avez des statistiques établissant les pertes pour les prêts universitaires et pour les autres types de prêts. Il est important que le comité ait cette information. Pouvez-vous vous engager à la lui transmettre?

M. Boyko : Je crois que les taux de remboursement figurent dans le rapport annuel du Programme canadien de prêts aux étudiants.

Le sénateur Goldstein : On peut aussi faire une ventilation. J'ai vu cette information, et vous devez l'avoir. Pouvez- vous, je vous prie, vous engager à la transmettre au comité, je vous prie?

M. Boyko : Je m'y engage.

Le sénateur Goldstein : J'ai une question d'ordre plus général à poser en rapport avec les observations qu'ont faites certains de mes collègues en ce qui touche le projet de loi d'initiative parlementaire que je parraine. Je me demande s'il faut attacher autant d'importance à la durée du prêt — la période d'interdiction de faillite — qu'il s'agisse de deux, de cinq, de sept ou de dix ans, qu'à la possibilité de permettre à un juge de rendre une décision sur l'existence éventuelle de graves difficultés qui empêcheraient un étudiant de rembourser sa dette. Peu m'importe vraiment quand cela peut être fait après que l'étudiant ait terminé ses études. Si on lui prouve que le fait de rembourser son prêt causera à l'étudiant de graves difficultés, le juge devrait pourvoir libérer l'étudiant en partie ou en totalité de ses dettes, ou reporter en entier ou en partie le versement des intérêts. Pensez-vous que ce genre de mesure aiderait les étudiants?

M. Boyko : Vous connaissez mieux que moi l'importance des dispositions pour difficultés graves dans la législation en matière de faillites. Ces dispositions sont tout à fait essentielles. Aucune interdiction de faillite — qu'il s'agisse de deux, de cinq, de sept, de dix ou de 100 ans, ne serait appropriée sans ce genre de disposition. Nous en sommes tout à fait convaincus.

Quelle que soit la valeur intrinsèque de cette mesure, il n'en demeure pas moins que pendant 33 ans, le Programme canadien de prêts aux étudiants, créé il y a maintenant 43 ans, n'a comporté aucune interdiction de faillite. Je comprends ce que vous essayez de dire. L'élément le plus important à modifier dans cette législation a trait à l'audience visant à établir si l'étudiant fait face à des difficultés graves.

Le président : Monsieur Boyko, je vous remercie non seulement d'avoir comparu devant nous aujourd'hui, mais aussi de votre lettre dans les deux langues officielles, datée du 29 novembre, qui sera incluse à notre compte rendu. Vous nous avez bien exposé votre point de vue, et nous vous en sommes reconnaissants.

Nous accueillons maintenant les représentants de l'Institut international d'insolvabilité. Il s'agit de MM. Bruce Leonard, président, et David Ward, avocat. Bienvenue, messieurs. Comment voulez-vous procéder?

Bruce Leonard, président, Institut international d'insolvabilité : On m'a recommandé de procéder avec prudence.

Le président : La greffière m'informe que vous avez une demi-heure.

M. Leonard : C'est moi qui ferai l'entrée en matière.

Le sénateur Goldstein : Permettez-moi de faire une brève déclaration. Je suis membre de l'Institut international d'insolvabilité dont le parrain est Bruce Leonard, également parrain de la loi-type internationale dont il vous parlera. Le Canada peut être très fier de ses efforts et de ses travaux dans ce domaine.

Le président : Je vous remercie, sénateur Goldstein. Nous prenons bonne note de ce que vous venez de dire. Nous sommes heureux de vous accueillir, monsieur.

M. Leonard : Je suis heureux d'être ici. Je vous remercie de nous accueillir de nouveau et je vous remercie, sénateur Goldstein, de ces bonnes paroles. Je ne les mérite pas. Je n'ai fait qu'être au bon endroit au bon moment.

Je vais scinder mon exposé d'aujourd'hui en trois parties. Je vous parlerai d'abord des dispositions internationales de la législation. Je crois qu'on peut parler à ce sujet de véritable honte nationale. Je vous entretiendrai ensuite de la participation, ou du manque de participation, des créanciers dans le système canadien des faillites et de l'amélioration qui s'impose dans ce domaine. Je vous expliquerai enfin comment nous pourrions améliorer la transparence et l'intégrité du système canadien de l'insolvabilité, lesquelles laissent à désirer. Ce comité est sans doute le meilleur endroit où tenir cette discussion.

Permettez-moi d'abord de vous dire quelques mots sur l'International Insolvency Institute lui-même. Il s'agit d'une société canadienne non commerciale sans but lucratif. Aux dernières nouvelles, l'institut comptait des membres dans 61 ou 62 pays au monde. Nous tirons nos revenus des cotisations de nos membres et de l'organisation occasionnelle de conférences. Nos membres participent aux efforts de réforme du régime de l'insolvabilité dans le monde entier, mais ils le font dans leurs pays respectifs. Certains de nos membres américains ont participé au processus de réforme aux États- Unis. Nos membres anglais ont fait de même en Angleterre. Nos membres japonais ont, eux, participé au processus de réforme au Japon. Nos membres anglais, par exemple, ne participent pas au processus de réforme aux États-Unis, et l'inverse est également vrai. Je vous parlerai par conséquent exclusivement de la situation qui existe au Canada.

La portée des dispositions sur l'insolvabilité internationale figurant dans la loi a été élargie par rapport à la loi antérieure. Je vous entretiendrai de la loi-type de la CNUDCI sur l'insolvabilité transfrontalière. Le sigle CNUDCI désigne la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international. C'est l'organisme commercial des Nations Unies oeuvrant notamment dans le domaine de l'arbitrage international. Cet organisme promulgue des traités et des lois-types qui sont adoptés dans le monde entier. Ces lois-types sont considérées comme la norme d'or à l'échelle internationale.

L'année 1994 a marqué le début des travaux d'élaboration de la loi-type sur l'insolvabilité transfrontalière. Cette loi a pour objectif d'aider les intervenants à rendre les procédures internationales plus transparentes et souples et de favoriser la coopération entre les pays.

Le Canada a joué un rôle important dans l'élaboration de cette loi-type. Une avocate du ministère de la Justice à Ottawa présidait le groupe de travail de la CNUDCI qui a produit cette loi. Le groupe de travail se composait de 70 à 80 organismes non gouvernementaux et États membres. Le Canada a participé pleinement aux travaux de la CNUDCI qui ont abouti à l'élaboration de la loi-type. Comme je le disais, c'est une avocate canadienne qui a présidé le groupe de travail.

Le président : Voulez-vous nommer cette personne?

Le sénateur Goldstein : Son nom figure dans le mémoire.

M. Leonard : Il s'agit de Kathryn Sabo. Elle a présidé les travaux du groupe de travail avec brio. Elle a eu le mérite d'amener un groupe disparate de personnes à travailler de façon productive.

Une délégation officielle du ministère de la Justice a également représenté le Canada tout au long du processus. Ses membres ont participé à chacune des séances. La CNUDCI, dont le mode de fonctionnement est collégial et axé sur la collaboration, a fini par élaborer une loi-type sur l'insolvabilité transfrontalière. Cette loi-type a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies, et est devenue un produit onusien à la fin 1997.

La loi-type sur l'insolvabilité transfrontalière n'est pas complexe. Elle ne compte que 32 articles et son objet est de favoriser la collaboration internationale. C'est maintenant la norme d'or de la collaboration internationale en matière d'insolvabilité. Douze pays l'ont jusqu'ici adoptée plus ou moins telle quelle. Huit autres pays songent à le faire, ce qui porterait à 20 le nombre total de pays à l'avoir adoptée. Le Royaume-Uni, les États-Unis, le Mexique et le Japon sont parmi nos principaux partenaires commerciaux à l'avoir adoptée, et l'Australie et la Nouvelle-Zélande sont sur le point de le faire. Cette loi finira par être en vigueur dans le monde entier.

Il est intéressant de noter que la plupart des pays ayant adopté la loi-type l'ont adoptée telle quelle. La loi américaine compte 32 articles et la loi britannique en compte un peu plus ou un peu moins, mais c'est essentiellement la même loi. La loi-type a été éviscérée au Canada. Je ne suis pas sûr de la raison pour laquelle cela s'est produit et personne n'a pu me le dire. Le Canada a adopté 20 des 32 articles de la loi-type. Les 12 autres articles semblaient poser des difficultés.

Le document que je vous ai distribué traite de cette question. Il énumère les dispositions de la loi-type. Dans la colonne de gauche, on voit le sort que le Canada a réservé à ces dispositions. Le contraste est désolant. Vous pouvez constater quelles sont les dispositions qui ont été supprimées. Aucune de ces dispositions ne se retrouve dans la loi actuelle.

En revanche, les États-Unis et l'Angleterre ont adopté toutes les dispositions de la loi-type, tout comme la plupart des autres pays. Le Canada fait bande à part en n'ayant pas adopté la loi-type. Nous sommes en situation de non- conformité.

Le président : Ce qui est vraiment paradoxal, c'est que cet excellent travail est l'œuvre de Kathryn Szabo et de ses collègues du ministère de la Justice. Les autorités compétentes l'ont pourtant rejeté.

M. Leonard : Tout à fait. Je n'ai cependant jamais compris pourquoi nous avions agi ainsi, et personne ne me l'a jamais expliqué. Je suis ici pour presser le comité de recommander que le Canada adopte la loi-type telle qu'elle a été rédigée, la même loi-type en faveur de laquelle la délégation canadienne s'est prononcée. Je le recommande pour que notre loi-type corresponde à celle de nos principaux partenaires commerciaux. Il ne semble y avoir aucune raison de ne pas adopter la loi-type qui a été approuvée à Vienne.

Le sénateur Eyton : Vous devez bien avoir une idée de la raison pour laquelle elle n'a pas été adoptée. Il ne s'agit pas simplement d'une erreur administrative ou typographique. Il doit bien y avoir une raison pour laquelle 12 articles ont été supprimés.

M. Leonard : On ne m'a jamais donné de raison qui le justifie. Il y aurait peut-être un lien avec le fait que le Canada a un système juridique dualiste, fait incontestable. Peut-on vraiment évoquer cette raison pour s'opposer à des dispositions portant sur la prestation d'aide supplémentaire aux représentants étrangers? Cela ne fait aucun sens.

Je parle ici de pays de droit civil. Le Japon a complètement changé son système pour pouvoir adopter la loi-type. Le Japon était jusque-là un État territorial. Ce pays est passé à un système universel simplement pour pouvoir adopter la loi-type. Nous aurions pu facilement adopter la loi-type telle quelle.

Le sénateur Massicotte : Nous avons étudié cette question il y a quatre ou cinq ans. Nous avons à ce moment-là entendu des représentants du gouvernement. Si j'ai bonne mémoire, la loi-type leur plaisait. Je crois qu'ils en ont parlé en bien. Je me souviens avoir posé des questions sur la loi. Est-ce que ma mémoire est bonne?

Le sénateur Moore : Tout à fait.

Le président : Je n'en suis pas sûr. Supposons que les représentants du gouvernement l'aient aimée.

M. Leonard : Les personnes qui représentaient le Canada à Vienne à la CNUDCI aimaient la loi-type et ont voté en sa faveur. Quelque chose s'est produit sur le plan politique à leur retour au Canada. Nous nous retrouvons donc avec une loi qui ne ressemble en rien à la loi-type, et qui ne cadre pas avec la loi qu'ont adoptée les États-Unis, le Royaume- Uni et le Japon.

Le sénateur Massicotte : Ce changement d'attitude ne coïncide-t-il pas avec l'arrivée au pouvoir du gouvernement conservateur?

Le président : J'ai plutôt l'impression que c'est le contraire.

M. Leonard : Je refuse respectueusement de répondre à cette question.

Voilà ce que j'avais à dire sur la loi-type. Je recommande, au nom de l'organisme dont je suis membre et en mon nom personnel, que le Canada adopte la loi-type telle qu'elle a été rédigée. Je ne vois pas quel mal il y aurait à cela.

Le président : Ce n'est que la partie de votre exposé qui porte sur la loi-type. Veuillez poursuivre, monsieur.

Le sénateur Meighen : Avez-vous dit que le Japon était un pays de droit civil?

M. Leonard : Oui.

Le sénateur Meighen : D'autres pays de droit civil ont-ils adopté la loi-type?

M. Leonard : Oui, le Mexique, la Pologne, la Roumanie et l'Espagne.

Le sénateur Meighen : Le problème n'a donc rien à voir avec le droit civil ou la common law, n'est-ce pas?

M. Leonard : Non.

Je voudrais maintenant vous parler de la participation des créanciers au règlement des cas d'insolvabilité. Le contraste entre la situation à l'échelle internationale et celle qui prévaut au Canada est aussi défavorable à notre pays. Nous n'avons pas de système, et nous ne favorisons pas la mise sur pied d'un système qui permettrait aux créanciers ordinaires de participer au processus de faillite. On ne permet pas à ces créanciers de constituer des comités. En fait, ils peuvent le faire s'ils le souhaitent, mais on ne les tient pas informés du déroulement du processus et celui-ci n'est pas transparent. Ils ne peuvent pas se représenter de façon efficace lors des grandes réorganisations comme peuvent le faire les créanciers et les prêteurs garantis. Cette incapacité des créanciers canadiens à participer au processus les défavorise.

En revanche, dans les cas procédant du Chapitre 11 aux États-Unis, les créanciers ordinaires non garantis recouvrent presque toujours une partie de la valeur de leurs réclamations. Dans les affaires importantes au Canada, ce n'est presque jamais le cas. Ces créanciers sont habituellement complètement exclus du processus.

Le président : Parlez-vous de la restructuration des entreprises?

M. Leonard : Oui.

Le président : Il pourrait y avoir un lien que le sénateur Massicotte voudra sans doute faire entre les conventions collectives et la différence entre le Canada et les États-Unis à cet égard.

M. Leonard : Je le crois. La loi a été modifiée au Royaume-Uni pour prévoir un arrangement destiné aux créanciers non garantis en ce qui touche le privilège flottant sur valeurs mobilières. Au Royaume-Uni, 20 p. 100 du produit maximal de la réalisation du privilège flottant sur les valeurs mobilières sont réservés aux créanciers non garantis. Au Royaume-Uni, les créanciers non garantis obtiennent toujours quelque chose aux termes de la loi. Aux États-Unis, ils obtiennent quelque chose en raison de leur position. Ils sont organisés, et ils font partie du processus. Le débiteur qui fait l'objet de la restructuration doit leur soumettre son plan pour approbation. Aux États-Unis, les créanciers non garantis obtiennent toujours un certain taux de rendement sur leurs investissements.

Au Canada, ces créanciers sont le plus souvent exclus. Il n'y a rien pour eux. On ne les incite pas à s'organiser, et ils ne peuvent pas former de comités de créanciers. Je pense que le comité devrait recommander qu'on permette à tout le moins aux créanciers non garantis de s'organiser pour qu'ils aient un porte-parole officiel lors des négociations qui ont lieu dans le cadre des grandes restructurations.

Le président : Parlez-vous d'un processus officiel? À ma connaissance, les créanciers non garantis ont toujours constitué des comités. Il s'agissait peut-être de comités non officiels.

M. Leonard : Il s'agissait effectivement de comités non officiels n'ayant aucun statut. Le système américain comporte des comités officiels contrairement à notre système. Les créanciers non garantis sont par conséquent mieux traités aux États-Unis qu'au Canada, et cela pour aucune bonne raison. Le comité pourrait peut-être se pencher sur cette question. Il existe différents points de vue et différentes façons de procéder.

Permettez-moi enfin de vous parler de la transparence et de l'intégrité. C'est ce que j'appellerais ma théorie du « chapeau unique ». C'est une théorie qui veut que dans une restructuration découlant d'un processus d'insolvabilité, chacun ne porte qu'un seul chapeau.

Le président : Voulez-vous dire que tous les créanciers doivent être égaux?

M. Leonard : Non, mais permettez-moi de m'expliquer. Dans plusieurs pays, les réclamations gouvernementales ne sont plus prioritaires. Cette idée n'a pas semblé plaire au ministère la dernière fois que je l'ai soulevée.

Le président : Le comité pourrait voir les choses autrement.

M. Leonard : En effet. C'est une tendance à laquelle nous avons consacré un article.

Le président : Cet article se trouve-t-il dans votre mémoire?

M. Leonard : Non.

Le président : Pourriez-vous préciser pour le compte rendu de quel article il s'agit?

M. Leonard : Il s'agit d'un article qui a été publié, et que je peux transmettre au comité.

La transparence et l'équité renvoient au comportement qu'on attend des administrations chargées du processus d'insolvabilité et des représentants, des fiduciaires, des liquidateurs des biens, des administrateurs-séquestres et des avocats. Le Canada semble avoir tendance à permettre aux représentants en matière d'insolvabilité d'agir à plus d'un titre, et à l'occasion à des titres contradictoires. Il n'est dit ceci nulle part dans la loi : « Si une responsabilité vous est confiée, acquittez-vous de cette responsabilité à l'égard de votre groupe-client. Tenez-vous en à cette responsabilité et ne changez pas de chapeau ou ne portez pas trop de chapeaux en même temps. » Voilà la façon la plus claire de résumer la situation.

Je peux donner en exemple le changement qui est survenu entre le projet de loi C-49 et le projet de loi C-12. Au départ, il devait être interdit à un fiduciaire de représenter un créancier garanti à moins qu'un avocat indépendant n'ait attesté de la validité du cautionnement du créancier garanti. Le projet de loi C-49 prévoyait — ce qui a été modifié — que l'avocat donnant cet avis sur le cautionnement du créancier garanti ne devait avoir eu aucun lien avec ce créancier dans les deux années précédant cet avis. Le même critère s'applique au vérificateur qui n'est pas un fiduciaire : deux années d'indépendance.

Cette disposition a été amendée dans le projet de loi C-12. L'avocat doit maintenant seulement être indépendant. On interprétera cela comme voulant dire que l'avocat doit être indépendant aujourd'hui du créancier garanti. Je ne sais pas d'où vient cet amendement, mais il ne favorise pas la transparence ni l'équité.

Voilà quelles étaient mes principales recommandations. Je renvoie le comité aux conclusions qui figurent dans notre mémoire aux pages 32 et 33. Les représentants du ministère pourront ensuite se pencher sur l'annexe qui aborde des questions techniques. J'attire donc votre attention sur nos principales conclusions.

David Ward, avocat, Institut international d'insolvabilité : Comme nous manquons de temps, je ne ferai pas de déclaration préliminaire officielle. Je vous renvoie à notre mémoire.

M. Leonard a déjà parlé de l'adoption de la loi-type par divers pays au monde. Notre mémoire comporte une section consacrée à ce sujet. J'attire votre attention sur cette partie de notre mémoire. Notre mémoire comporte aussi deux autres sections dont je vous recommande la lecture.

Dans la première section, nous comparons le système d'insolvabilité aux États-Unis — un système fort développé — à celui du Canada. Nous pensons que le système canadien pourrait faire sept emprunts au système américain. Il s'agit d'éléments de leur système qui fonctionnent bien, et qu'il vaudrait la peine d'envisager d'adopter. Cette section de notre mémoire débute à la page 19.

M. Leonard a dit que le résumé de nos conclusions se trouve aux pages 32 et 33. Je vous signale que les conclusions figurant à la page 32 auraient une incidence neutre sur les intérêts des entreprises faisant l'objet de la réorganisation et sur leurs créanciers.

Nous faisons valoir que ces changements ne devraient pas être particulièrement controversés parce qu'ils ne portent pas sur des questions prioritaires, et ne devraient modifier d'aucune façon les priorités ou le déroulement du processus. Il s'agit de changements importants, mais qui concernent surtout la procédure. Ce sont des changements qui ne sont pas particulièrement controversés, mais ils amélioreraient le système.

Le président : Je vais demander au sénateur Eyton s'il veut traiter d'un point dont nous avons parlé plus tôt aujourd'hui.

Le sénateur Eyton : Ma mémoire doit me jouer des tours, car je ne me souviens pas du sujet dont nous aurions parlé.

Le sénateur Goldstein : C'est peut-être la mémoire du président qui lui joue des tours.

Le président : La présidence a une excellente mémoire.

Le sénateur Eyton : Je voulais vous demander combien de membres compte votre institut. Je pense que vous avez dit 61, n'est-ce pas?

M. Leonard : Soixante et un pays en sont membres.

Le sénateur Eyton : À quelles professions appartiennent vos membres?

M. Leonard : Ils sont avocats, comptables, universitaires ou juges. Il y a aussi quelques organismes de réglementation.

Le sénateur Eyton : Vous avez donc une bonne vue d'ensemble des pratiques et des normes internationales?

M. Leonard : Nous l'espérons.

Le sénateur Eyton : Depuis combien de temps votre organisme existe-t-il?

M. Leonard : Depuis huit ans. Il est relativement nouveau.

Le sénateur Eyton : Je me demande toujours quel est le meilleur modèle. À votre avis, de quel modèle devrions-nous nous inspirer? D'après votre expérience, quel est le meilleur système?

M. Leonard : J'hésite toujours à répondre à cette question.

Le sénateur Eyton : Je vous la pose.

M. Leonard : Dans ce cas-là, je n'ai d'autre choix que d'y répondre. Pour un ensemble de raisons, je crois que c'est le système américain qui est le meilleur. C'est peut-être en raison des ressources dont on dispose dans ce pays pour étudier les lois. Les Américains font beaucoup de recherche de fond. Voilà pourquoi leur loi en matière de faillite est six fois plus longue que la nôtre. Les Américains veulent s'assurer que la loi est équitable. En voulant la rendre équitable, ils l'ont compliquée. Elle penche peut-être trop en faveur des débiteurs. Il faudrait un équilibre. Je crois cependant que le meilleur système, c'est le système américain.

Le sénateur Eyton : Est-ce le même système dans tous les États-Unis, ou y a-t-il des variantes dans chaque État?

M. Leonard : Le système est fédéral.

Le sénateur Eyton : Les États n'ont-ils pas eux-mêmes adopté des dispositions dans ce domaine?

M. Leonard : C'est la doctrine de la suprématie du gouvernement fédéral qui s'applique.

Le sénateur Eyton : Vous avez parlé avec beaucoup d'éloquence des trois questions sur lesquelles vous vouliez attirer notre attention aujourd'hui, à savoir les aspects internationaux, la participation des créanciers et la transparence.

J'ai été le témoin tant des bons côtés que des mauvais côtés de la restructuration des entreprises. Je crois que la conclusion que l'on peut tirer de presque toutes les restructurations qui ont eu lieu au Canada, c'est que les principales difficultés liées à la mise en oeuvre de la législation en matière de faillites et d'insolvabilité sont liées à la lenteur du processus et à son coût. Je sais que vous n'avez pas abordé ce sujet, mais je vous demande de bien vouloir répondre de toute façon à ma question.

La situation est-elle positive au Canada par rapport à celle qui prévaut aux États-Unis, qui selon vous, ont un meilleur système que le nôtre? Vous avez dit que les créanciers ordinaires ne touchent souvent pas un seul sou. Il ne reste d'ailleurs pas grand-chose quand on tient compte des frais juridiques, des honoraires des avocats et des comptables, particulièrement lorsqu'on essaie de gérer une entreprise qui ne nous est pas familière. La situation mène à un désastre très coûteux. Avez-vous des chiffres à nous donner qui pourraient nous permettre de comparer ce qui se passe ici à ce qui se passe dans d'autres pays?

M. Leonard : Il n'existe pas de données empiriques vraiment complètes. Je ne peux vous donner que quelques exemples. Je crois qu'il va sans dire que le système américain est lent et coûteux. Par ailleurs, il est transparent et équitable, et le tribunal est impartial. Plus la transparence est grande devant le tribunal, plus il y aura des sujets de litige, et plus les procédures juridiques seront longues.

Le sénateur Eyton : Permettez-moi d'être plus précis. En moyenne, quel pourcentage de la valeur totale de l'entreprise part en frais administratifs?

M. Leonard : Cette information existe. Je ne l'ai pas avec moi. Ce que je cherche habituellement à établir, c'est ce qu'obtiennent les créanciers non garantis en cas de faillite procédant du Chapitre 11. Comme ces créanciers n'ont que leur position de négociation, qu'obtiennent-ils? Le sénateur Goldstein aura son propre point de vue là-dessus. Je crois que c'est entre 10 et 15 sous, ce qui peut sembler peu, mais ils n'obtiennent rien du tout dans d'autres systèmes.

Le sénateur Eyton : Je voudrais savoir à combien s'élèvent les frais administratifs. On pourrait ensuite les comparer aux chiffres que vous citez. Je pense que cette comparaison serait intéressante.

M. Leonard : En effet. L'un de nos membres de Los Angeles a aménagé un site Web intéressant sur lequel il suit les faillites procédant du Chapitre 11. Il indique quelle en a été l'issue et combien de temps elles ont duré. Je peux vous donner l'adresse du site si cela vous intéresse. C'est sur ce site qu'on trouve les meilleures données empiriques.

Le sénateur Eyton : Existe-t-il des pays où les faillites sont réglées en dehors des tribunaux?

M. Leonard : C'est vrai que le système américain est sans doute celui qui fait le plus appel aux tribunaux dans le monde. Si nous voulons améliorer notre système, nous ne devrions pas adopter le système américain sans le modifier. Dans les pays européens, un grand nombre de faillites se règlent en dehors des tribunaux, mais je ne sais pas exactement pourquoi. Ce n'est qu'une observation.

Le sénateur Massicotte : Je voudrais parler du tableau d'ensemble. De toute évidence, si notre système repose sur la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, la LACC, c'est que quelqu'un a décidé dans sa sagesse qu'il était préférable sur le plan économique que les entreprises qui sont insolvables se restructurent pour optimiser les perspectives d'emploi et la croissance économique. Nous acceptons ce raisonnement. Lorsque vous dites qu'un système est meilleur que l'autre, je suppose que vous tenez compte de ces deux facteurs?

Parlons maintenant des concurrents. Air Canada et d'autres entreprises qui ont été restructurées en vertu de la LACC peuvent faire le ménage, en particulier les sociétés qui ont besoin d'augmenter leur financement. Elles se débarrassent le plus possible de leurs mauvais contrats, de leurs baux et de leurs contrats d'emploi. En fait, les employés d'Air Canada ont dit qu'ils avaient été floués. Je comprends ce qu'on a fait, mais qu'en est-il des concurrents? Les concurrents se plaignent parfois de l'injustice du processus et craignent de perdre tout leur avoir propre parce que leurs coûts de fonctionnement ne sont pas les mêmes que leurs concurrents. Il semble exister un problème d'équité. Comment le règle-t-on? Abstraction faite de ce problème, je crois qu'il est toujours dans l'intérêt du pays de permettre le recours à la LACC. Vous pouvez peut-être nous éclairer sur cette question.

M. Leonard : Je ne pense pas qu'on soit parvenu à régler ce problème. Il s'est posé à la fin des années 1980 et 1990 quand presque toute l'industrie des transports aériens, sauf American Airlines, était sous le coup de faillites procédant du Chapitre 11. Cette société a poursuivi ses activités, a fait des bénéfices et payait ses impôts pendant que d'autres sociétés, qui poursuivaient également leurs activités, ne remboursaient pas leurs dettes. Cette situation a été jugée injuste, et elle l'était dans un certain sens. Je ne pense pas qu'on ait trouvé une façon de régler le problème.

Le sénateur Massicotte : Dans cette industrie, toutes les sociétés se déclaraient en faillite constamment. Elles obtenaient un avantage concurrentiel en déclarant faillite tous les cinq ans.

M. Leonard : Je ne pense pas qu'il y ait une solution que nous puissions officialiser. C'est effectivement un problème. American Airlines s'est beaucoup plaint du processus parce que c'était la dernière société à demeurer sur le marché. À ma connaissance, personne n'a proposé de solution à ce problème.

Le président : Contrairement à mon habitude, je me permettrai de poser une question. Il semble clair que vous préférez le système américain au nôtre, ou du moins à ce qui est proposé dans cette loi. Je crois savoir qu'après la Seconde Guerre mondiale, le Japon, lorsqu'il s'est restructuré, a adopté un régime d'insolvabilité s'apparentant au régime américain, en particulier en ce qui touche le Chapitre 11.

Lorsque les représentants du gouvernement ont comparu devant le comité, il est ressorti de leur témoignage que la décision de ne pas adopter le système américain était une décision de principe. Les membres de ce comité ont posé beaucoup de questions. Le système américain procédant du Chapitre 11 est bien connu. Même ceux qui ne sont pas des spécialistes des faillite comme vous-même ou comme le sénateur Goldstein, connaissent le concept d'une faillite aux termes du Chapitre 11. Ce système a toujours paru logique.

La décision de principe qui a mené à l'élaboration de ces lois découle d'une étude intensive de tous les intervenants, qui a été suivie par une étude de ce comité, conseillé à l'époque par le sénateur Goldstein. Je crois que vous avez aussi participé à cette étude, monsieur Leonard. Pensez-vous qu'une erreur a été commise, qu'il faudrait revenir sur la décision de principe qui a été prise à l'époque et qu'il faudrait adopter le système américain, pour des raisons d'uniformité?

M. Leonard : Je n'en demande pas tant. Je veux que le Canada se dote du meilleur système possible, un système qui reflète ses valeurs. Voilà mon idéal. Nous n'avons jamais affecté les ressources voulues à l'élaboration d'un tel système. Voilà pourquoi nous devons choisir des éléments d'autres systèmes pour les adapter à nos besoins. Nous pourrions cependant élaborer notre propre système si nous avions les ressources à consentir à cette fin.

C'est ce comité qui a fait la majorité, voire la totalité, du bon travail législatif accompli dans ce domaine. Je recommande que le comité participe si possible de façon continue à l'élaboration et à l'amélioration de notre législation en matière d'insolvabilité. Je crois que ce comité regroupe les personnes les plus compétentes pour le faire. Le comité jouirait de l'appui du secteur privé. C'est une merveilleuse tâche que le comité pourrait entreprendre.

Je vais faire une analogie. Autour de 1972, le Canada a entrepris de réformer sa législation en matière de sûretés mobilières. Nous nous sommes demandés qui avait le meilleur système dans ce domaine. Ce sont les États-Unis. Le Code commercial uniforme, le CCU, et notamment l'article 9, est la meilleure loi dans ce domaine parce qu'elle est le fruit de 20 ans de réflexion. Peu importe que le système soit américain, il fonctionne.

Presque toutes les provinces et les territoires ont maintenant adopté une variante de l'article 9 du CCU. L'Ontario, pour sa part, a adopté l'article 2 du CCU sans l'appeler de cette façon. On ne devrait pas avoir honte d'adopter un système américain simplement parce qu'il est américain. Si un système fonctionne et répond à nos objectifs, nous devrions l'examiner. J'aimerais que le comité le fasse.

Le président : Je vous remercie de l'estime dans laquelle vous tenez le comité. Nous pourrions indiquer dans notre rapport que nous aimerions revenir sur nos conclusions de 2003.

Le sénateur Goldstein : Peut-on dire, monsieur Leonard, que les dispositions de la loi-type que nous n'avons pas adoptées avaient surtout trait au statut du représentant personnel devant les tribunaux? À mon avis, notre système de tribunaux, que ce soit en common law ou en droit civil, n'a pas besoin d'un autre intervenant. Je crois donc que ce qui a incité le ministère à ne pas adopter ces 12 articles, c'est que 10 d'entre eux traitent exclusivement des représentants personnels.

M. Leonard : J'ai du mal à accepter cette position. Vous pouvez regarder la liste qui figure aux pages 16 et 17 du mémoire. Le point (d), à la page 16, n'a pas été adopté et il traite de la prestation d'aide supplémentaire à un représentant. Cette disposition convenait aux États-Unis et au Royaume-Uni, mais ne nous convenait pas à nous.

Le sénateur Goldstein : Cette aide n'est-elle pas disponible de toute façon? C'est ce que je fais valoir.

M. Leonard : Je suppose qu'on pourrait soutenir que certains des éléments que nous avons supprimés existent déjà.

Le sénateur Goldstein : Cela ne vaut-il pas pour la plupart des dispositions? Je pose la question parce que je ne voudrais pas que les personnes ici présentes ou que ceux qui nous écoutent pensent que la loi-type, qui est excellente, a été à ce point éviscérée par le législateur canadien qu'elle ne peut plus fonctionner. Ce n'est pas le cas.

M. Leonard : Je trouverais ce raisonnement plus convaincant si le gouvernement avait justifié ces suppressions d'une façon ou d'une autre. Les États-Unis étaient dans le même cas.

Le sénateur Goldstein : Vous n'avez pas besoin qu'un législateur vous le confirme. Vous le savez.

M. Leonard : Je suis un partisan de l'uniformité. Nous avons dirigé le processus et nous nous y sommes prononcés favorables. Je ne vois vraiment pas ce qui explique que nous n'ayons pas adopté la loi-type telle quelle au Canada.

Le sénateur Goldstein : M. Ward a fait remarquer que toutes les suggestions qui se trouvent dans votre excellent mémoire sont des suggestions qui ne représentent pas des changements de principe, mais qui visent plutôt à simplifier le processus. C'est rassurant.

Le président : Nous vous sommes reconnaissants d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Nous accorderons à vos observations et à vos recommandations toute l'attention qu'elles méritent au moment de la rédaction de notre rapport.

Nous accueillons maintenant des représentants de l'Association canadienne des professionnels de l'insolvabilité et de la réorganisation. Je souhaite la bienvenue à M. Alan H. Spergel, président, et à Mme Guylaine Houle, syndic en matière de faillite, Pierre Roy et associés inc. Nous attendons avec impatience d'entendre votre déclaration préliminaire. Je ne résumerai pas maintenant l'objet de cette réunion. J'espère que ceux qui suivent nos travaux à la télévision et par Internet savent déjà comment s'est déroulée la séance jusqu'à maintenant.

Alan H. Spergel, président, Association canadienne des professionnels de l'insolvabilité et de la réorganisation : Je dirai d'abord quelques mots, et je céderai ensuite la parole à ma collègue, qui traitera de quelques points particuliers de notre mémoire.

Le président : Nous avons déjà votre mémoire daté du 13 février 2008. Il fait partie de notre compte rendu. Si je ne m'abuse, votre organisme a déjà comparu devant nous dans le cadre de cette étude.

M. Spergel : Notre association a en effet déjà comparu devant le comité. La dernière fois, nous avons surtout abordé la question du point de vue des entreprises, mais cet après-midi, nous traiterons plutôt de l'insolvabilité personnelle. Nous n'allons pas vous répéter la même chose.

Le président : Je suis heureux de vous l'entendre dire parce que certains intervenants se demandaient pourquoi nous vous donnions de nouveau l'occasion de comparaître devant nous. En fait, vous allez maintenant traiter d'un aspect tout à fait différent du sujet à l'étude. Nous nous intéressons aussi à la question des faillites personnelles.

M. Spergel : Ma collègue, Mme Houle, est une ancienne secrétaire-trésorière de notre association. L'ACPIR, comme on nous appelle, est l'organisme national représentant les professionnels de l'insolvabilité et de la réorganisation. Nos 880 membres réguliers portent le titre de professionnels agréés de l'insolvabilité et de la restructuration. Le titre de CIRP atteste que son titulaire a fait certaines études, possède une expérience professionnelle particulière et est agréé comme syndic de faillite. Notre association félicite le Sénat d'avoir adopté le projet de loi C-55, maintenant le projet de loi C-47, et plus récemment, le projet de loi C-12, maintenant le projet de loi C-36. Nous étions complètement favorables à la réforme de la législation en matière d'insolvabilité. Notre association a d'ailleurs collaboré à toutes les étapes de ce processus.

Nous sommes heureux que votre comité poursuive son étude, et nous vous remercions de l'occasion que vous nous donnez de comparaître de nouveau devant vous.

Aujourd'hui, nous allons surtout traiter de l'insolvabilité personnelle. Si la réforme entreprise améliore certainement les choix s'offrant aux personnes souhaitant se réhabiliter, nous estimons qu'en amendant certaines dispositions, on améliorerait l'équité et l'efficience du processus d'insolvabilité. Avant d'entrer dans le vif du sujet, notre association souhaite proposer un nouveau nom pour la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, la LFI. Nous voudrions ainsi que le titre de la loi reflète mieux la nature de nombreux engagements actuels en matière d'insolvabilité. Nous aimerions que la loi s'appelle la Loi canadienne sur l'insolvabilité et la réorganisation ou la LCIR.

Aujourd'hui, les professionnels agréés de l'insolvabilité et de la réorganisation peuvent être nommés, aux termes de la LFI, pour remplir tout un ensemble de fonctions dont celles de fiduciaire et d'administrateur de proposition, de syndic de faillite, de séquestre intérimaire, de séquestre nommé par le tribunal et de séquestre privé.

Si toutes ces nominations sont faites en vertu de la LFI, le titre de la loi ne reflète pas l'ensemble des rôles que les professionnels de notre domaine sont appelés à jouer. Le titre de la loi ne reflète pas non plus le fait que l'on souhaite désormais privilégier au Canada la réorganisation et la réhabilitation tant des entreprises que des particuliers. Étant donné que la faillite est maintenant devenue une solution de dernier recours pour les entreprises et les particuliers endettés, il ne convient plus que le titre de la loi pertinente donne à entendre que son principal objet est l'encadrement des faillites.

Mentionnons que le système en place au Royaume-Uni, qui est la source d'inspiration de notre propre système, se fonde sur des lois aujourd'hui appelées la Insolvency Act, 1986, qui a été modifiée plusieurs fois depuis lors, et la Enterprise Act, 2002. Il n'est nullement mention dans le titre de ces lois des faillites.

En outre, si la LFI devenait la LCIR, il se peut que le nom même de la loi ne dissuade plus les entreprises et les particuliers connaissant de graves difficultés de demander de l'aide avant qu'il ne soit trop tard. Nous ne voulons pas que le titre même de la loi repousse les particuliers et les entreprises qui auraient besoin de nos services. Après tout, les hôpitaux ne font pas ouvertement la promotion de leurs morgues, et les dentistes n'insistent pas non plus sur le fait qu'ils arrachent des dents. Nos membres préféreraient qu'on les appelle des professionnels de l'insolvabilité et de la réorganisation plutôt que des syndics de faillite. Ce changement de nom serait dans l'intérêt général.

À l'heure actuelle, les particuliers insolvables cherchent de l'aide auprès de nombreux conseillers non professionnels, non formés et peu scrupuleux. Nous sommes perçus comme des spécialistes n'offrant qu'un service de dernier recours, celui de la faillite, et le failli ne nous consulte souvent qu'après que des charlatans financiers lui aient soutiré ses dernières ressources, et que lorsque la seule option qui reste est celle de la faillite.

Nous pensons que le retrait du terme « faillite » du titre de la loi encouragerait grandement les débiteurs à demander de l'aide auprès de professionnels adéquatement formés et réglementés.

Enfin, j'attire l'attention du comité sur trois questions liées à l'insolvabilité personnelle qui sont traitées dans notre sommaire, et dont vous parlera Mme Houle.

[Français]

Guylaine Houle, syndic en matière de faillite, Pierre Roy et associés inc., l'Association canadienne des professionnels de l'insolvabilité et de la réorganisation : Monsieur le président, le premier aspect de la solvabilité personnelle que nous aimerions aborder concerne les prêts étudiants.

Même après les modifications, les dispositions nous semblent encore indûment sévères à l'endroit des anciens étudiants qui ploient sous le fardeau de leurs dettes.

Nous nous demandons aussi pourquoi les étudiants en graves difficultés financières ne peuvent pas au moins s'adresser à un juge pour obtenir une certaine forme d'allégement. Nous appuyons en totalité les modalités plus indulgentes du projet de loi C-205 du sénateur Goldstein.

Les régimes épargnes enregistrés de retraite : il est tout à fait équitable que les REER et les FEER soient traités au même titre que les pensions. Mais nous endossons la disposition anti-abus exigeant que les REER exempts de saisis aux termes de la loi soient immobilisés, afin de s'assurer que les fonds ne serviront qu'à des fins de retraite.

Notre dernier point concerne les dettes d'impôt sur le revenu. L'un des raisonnements, qui sous-tendait les modifications de 1992 à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, visait à mettre les réclamations de la Couronne sur un pied d'égalité avec celles des autres créanciers. À notre avis, l'Agence du revenu du Canada — et le ministère du Revenu du Québec, pour ceux qui pratiquent au Québec — détient déjà suffisamment de pouvoir de recouvrement sans y ajouter ceux d'un traitement spécial que lui accorde la réforme actuelle de la loi. À tout le moins, ce traitement spécial ne devrait pas être l'apanage de l'Agence de revenu du Canada ou du ministère du Revenu du Québec, mais il devrait être au moins consenti à tous les créanciers dans la même situation.

Honorables sénateurs, mon collègue et moi sommes à votre disposition pour vos questions.

[Traduction]

Le président : Je vous remercie, madame Houle. J'ouvre maintenant la période de questions.

Le sénateur Moore : J'aimerais vous poser une question sur la recommandation qui figure dans votre mémoire à l'égard de la période d'attente pour la libération des prêts d'études. Au moment où nous avons examiné cette loi en 2003, cette période était de 10 ans. Presque tous les témoins qui ont alors comparu devant nous ont recommandé une période de cinq ans, y compris les banques. Presque tous les témoins ont dit penser que cinq ans était raisonnable.

Madame Houle, en cas de graves difficultés, vous dites que sept ans, et que même cinq ans, c'est trop long. N'avions- nous pas proposé que le cas d'un étudiant éprouvant de graves difficultés puisse être revu plus tôt?

Le sénateur Goldstein : Nous avons demandé qu'un examen de la loi soit fait.

Le sénateur Moore : Madame Houle, vous avez recommandé qu'en cas de difficultés graves, cette question soit réglée immédiatement lors de l'audience sur la demande de libération du failli.

Vous appuyez depuis deux ans le projet de loi d'initiative parlementaire du sénateur Goldstein. Vous semblez dire que la période de cinq ans est acceptable s'il est possible de régler plus tôt les cas de difficultés graves. Lorsque votre organisme a comparu devant le comité en 2003, vous étiez de ceux qui étaient favorables à la période de cinq ans. Votre position a donc changé. Expliquez-nous pourquoi vous réclamez maintenant une période de deux ans plutôt que de cinq.

M. Spergel : Il faut connaître l'historique des dispositions portant sur les prêts d'études. Nous sommes chanceux que Mme Houle soit ici aujourd'hui puisqu'elle siégeait au groupe de travail sur l'insolvabilité personnelle dont faisaient partie presque tous les intervenants du domaine. Je vais lui demander de vous expliquer elle-même quelle a été l'issue de ces discussions, et comment nous sommes d'abord parvenus à la période de cinq ans, et maintenant à la période de deux ans que recommande le sénateur Goldstein dans son projet de loi, projet de loi que nous appuyons.

Mme Houle : En un mot, nous voudrions l'élimination complète de cette période d'attente. Notre organisme ne voit aucune raison de faire une distinction aux termes de la loi entre les prêts aux étudiants et les autres types de prêts. Voilà notre position. Nous sommes tout à fait convaincus que la Loi sur la faillite et l'insolvabilité devrait traiter de la même façon tous les créanciers non garantis. Ce principe est à la base de la LFI. Or, la loi actuelle prévoit une période d'attente de 10 ans. De toute évidence, toute période d'attente inférieure à 10 ans est préférable à la situation actuelle.

En 2003, nous avons dit que la période d'attente de cinq ans nous était acceptable. Les rédacteurs du projet de loi ont plutôt choisi de proposer une période d'attente de sept ans. Le fait de ramener cette période à cinq ans constituerait évidemment une amélioration. La disposition originale, qui prévoyait une période d'attente de deux ans, est entrée en vigueur en septembre 1997 pour environ neuf mois seulement. La loi a été modifiée le 13 juin 1998, et la période d'attente est soudainement passée de deux à dix ans.

Je n'ai pas vraiment fait de longues recherches sur la question, mais je suis convaincue qu'entre septembre 1997 et juin 1998 aucune donnée n'a été recueillie pour établir la validité de cette période. La période d'attente est simplement passée de deux ans à dix ans sans que qui que ce soit n'ait été consulté.

Compte tenu du fait que le sénateur Goldstein a étudié à fond la question, notre organisme a décidé d'appuyer la proposition qu'il fait de porter cette période à deux ans. Cela nous ramènerait à la période d'attente de deux ans qui existait en septembre 1997. Lorsqu'une personne connaît de graves difficultés, il n'y a aucune raison de ne pas lui offrir une aide immédiate.

Le sénateur Moore : En 2003, on nous a dit que c'était surtout à la demande des banques à charte que la période d'attente avait été portée à 10 ans. À l'époque, il semblait y avoir une épidémie de faillites chez les diplômés. On a conclu que les étudiants voulaient profiter des dispositions de la loi et se débarrasser de leurs dettes peu après avoir obtenu leur diplôme. Je suppose que cela a dû régler le problème parce que les étudiants eux-mêmes ont dit être d'accord avec une période d'attente de cinq ans.

Mme Houle : Je ne conteste pas la validité des données des banques, mais j'ai du mal à croire qu'elles aient subi des pertes aussi importantes, puisque seulement environ 100 000 particuliers font faillite chaque année. De ce nombre, seulement peut-être la moitié a des prêts d'études. Comment les banques pouvaient-elles parler d'» épidémie » de faillites. Cela étant dit, la période d'attente est toujours de 10 ans aujourd'hui. Les banques ont dû présenter au législateur des données qui l'ont convaincu que la période de 10 ans était appropriée.

Le sénateur Jaffer : J'ai une brève question à poser. Avez-vous fait des recherches pour voir si les gens auraient davantage recours à vos services si le titre de la loi était modifié? Pourquoi pensez-vous que ce serait le cas?

M. Spergel : C'est une excellente question. L'une des principales raisons pour lesquelles nous proposons de changer le titre de la loi, c'est qu'il devrait refléter l'évolution de la politique en matière d'insolvabilité. Comme vous le savez sans doute, l'avant-dernière réforme mettait l'accent sur la réhabilitation du débiteur personnel au moyen de ce que nous appelons les « propositions de consommateurs ». Avant cette réforme, nous aidions essentiellement les débiteurs à faire faillite. Nous dissuadons actuellement les gens de faire faillite, et nous cherchons à les amener à opter pour des propositions de consommateurs. Lors d'une deuxième faillite, ces personnes doivent être des « faillis non libérés » pendant une période plus longue, tout dépendant de leurs ressources financières.

Notre rôle a beaucoup changé. Quand les journaux parlent de nous, c'est dans le cadre d'une grande réorganisation en vertu de la LACC. Quand est-il question dans les grands titres d'une faillite? Nous oeuvrons maintenant surtout dans le domaine de la réorganisation.

Je ne pense pas que ce changement ait été bien communiqué aux particuliers. Notre association a également changé son nom. Nous croyons que le fait de dire que nous sommes des professionnels de l'insolvabilité et de la réorganisation reflète mieux le rôle que nous jouons.

Soit dit en passant, on peut déplorer que notre principal organisme de réglementation s'appelle le surintendant des faillites. Nous pensons que l'organisme de réglementation devrait plutôt s'appeler le surintendant de l'insolvabilité et de la réorganisation. Ce changement de nom permettrait de régler toutes sortes de petits problèmes de terminologie.

Je crois que nos membres, qui s'occupent surtout de la réorganisation et de la réhabilitation des entreprises et des particuliers, trouveraient que ce nouveau nom reflète davantage le travail qu'ils accomplissent.

Mme Houle : L'utilisation du terme « faillite » est une cause de stigmatisation. Malgré que nous souhaitions beaucoup conseiller aux débiteurs de soumettre une proposition de consommateur aux syndics de faillite, c'est difficile de le faire. Une fois qu'ils s'adressent à nous, ils n'ont plus d'argent. Ils ont traversé une période difficile. Il est alors difficile de les diriger vers une proposition de consommateur. Ils n'ont alors souvent d'autre choix que de déclarer faillite.

Si l'on éliminait la stigmatisation associée à la faillite, et si l'on permettait aux débiteurs de recourir à nos services dès qu'ils connaissent des difficultés financières, cela nous permettrait de les amener à présenter des propositions de consommateurs. Nous aurions ainsi plus de temps, et le débiteur aurait peut-être plus d'argent, ce qui nous permettrait de lui proposer une solution qui lui soit acceptable.

Le sénateur Massicotte : Je ne comprends pas. J'ai lu votre mémoire, et je connais votre organisme. Vous comptez 880 membres, et vous vous appelez l'Association canadienne des professionnels de l'insolvabilité et de la réorganisation. Nous avons entendu plus tôt le témoignage des représentants d'une association qui s'appelle l'International Insolvency Institute. Votre exposé porte surtout sur la situation des particuliers. Intervenez-vous surtout auprès des particuliers? L'autre groupe de témoins a plutôt traité de la situation des entreprises. Ces deux groupes ont-ils des liens?

M. Spergel : Il existe une vaste gamme de spécialisations. Certains professionnels de l'insolvabilité interviennent surtout auprès de particuliers, et seulement en cas d'insolvabilité personnelle. De la même façon, certains professionnels interviennent seulement auprès des entreprises. Un certain nombre de professionnels exercent leur profession dans les deux domaines.

Je dois donc répondre par « oui » et par « non » à votre question.

Le sénateur Massicotte : Êtes-vous un organisme professionnel reconnu? Toute personne exerçant dans ce domaine doit-elle nécessairement être agréée par votre association?

M. Spergel : Non, l'agrément de notre association n'est pas absolument nécessaire. Notre association travaille cependant étroitement avec le surintendant des faillites. À l'heure actuelle, pour obtenir sa licence de syndic de faillite, il faut s'inscrire à un programme de reconnaissance conjoint appelé le Programme national de reconnaissance professionnelle en insolvabilité. Ce programme est offert conjointement par notre association et par le Bureau du surintendant des faillites.

Le sénateur Massicotte : Ce bureau délivre les licences de syndic, n'est-ce pas? Tous vos membres sont-ils des syndics de faillite?

M. Spergel : Oui.

Le sénateur Massicotte : Vos 880 membres?

M. Spergel : Oui.

Le sénateur Massicotte : Les 80 membres de l'Institut international d'insolvabilité sont-ils membres de votre organisme?

M. Spergel : Je crois que l'institut représente plutôt 80 pays. Certains de nos membres appartiennent peut-être à cet institut. Je crois que cet organisme compte également des avocats, et peut-être même des banquiers et des organismes de réglementation.

Le sénateur Massicotte : À quelle profession appartiennent la majorité de vos membres?

M. Spergel : Ils sont des comptables agréés. Notre groupe est associé à l'Institut canadien des comptables agréés, l'ICCA. Vous deviez avoir reçu une lettre de l'ICCA.

Le président : Nous devons mettre fin à cette séance.

Madame Houle, lorsque vous avez soulevé toute la question de la stigmatisation des faillis, cela m'a fait penser que vous aviez lu la transcription de notre audience de la semaine dernière. Certains groupes ont parlé des faillites personnelles. Je leur ai parlé de la stigmatisation dont sont toujours victimes les faillis. Un failli ne peut pas devenir membre de l'Association du Barreau canadien. La même chose vaut pour diverses autres associations professionnelles. Il existe un obstacle.

Je ne pense pas que le simple fait de changer le titre de la loi éliminera cette stigmatisation. En terminant, je me demande s'il y a des mesures concrètes que nous pouvons prendre pour éliminer la stigmatisation des « faillites légitimes », si je peux m'exprimer ainsi.

M. Spergel : Je crois qu'il faut être prudent à cet égard. Nous ne voulons pas encourager les gens à déclarer faillite. Nous avons pensé que le fait de changer le nom de la loi serait une bonne première mesure qui nous permettrait de vraiment jouer notre rôle comme professionnel de l'insolvabilité et de la réorganisation.

Ce changement n'entraînera pas une modification immédiate des attitudes. Notre organisme fait déjà sa part pour faire comprendre au public que notre rôle ne se limite pas aux faillites. La faillite, c'est la solution de dernier recours, mais il existe des mesures intermédiaires que vous connaissez bien. Nous voulons faire primer la réorganisation et les propositions de consommateurs sur les faillites.

Vous participeriez à nos efforts d'éducation du public en changeant le nom de la loi. Malheureusement, un certain nombre de personnes se présentent comme des conseillers financiers et exploitent ceux qui sont vulnérables. Nous devons mieux rejoindre ces personnes. Il est effrayant de constater le nombre de personnes qui s'adressent à nous, et qui disent s'être d'abord adressées à des personnes non agréées. Nous voulons éliminer la stigmatisation associée à la faillite, et encourager ainsi, nous l'espérons, les gens à s'adresser à nous. Nous voulons qu'ils sachent que nous ne sommes pas là simplement pour les aider à faire faillite, mais aussi pour les aider à régler leurs problèmes financiers.

Le président : C'est exactement ce que nous pensons. Plus on parlera du sujet, mieux ce sera. Cette séance est l'une des occasions qui nous sont données de le faire. Nous menons une étude. Comme vous, les témoins précédents ont parlé de l'influence que peut avoir notre rapport. En 2008, les particuliers continuent de s'adresser pour de l'aide à des personnes qui ne sont pas agréées alors qu'ils pourraient soumettre une proposition de consommateur, ou même être libérés de leurs dettes plus tôt s'ils doivent faire faillite.

Or, certains particuliers continuent de s'endetter et de s'adresser à des prêteurs sur salaire qui exigent des taux d'intérêt usuraire. Ceux qui sont désespérés posent des gestes désespérés qui mènent souvent à l'alcoolisme et à d'autres problèmes sociaux.

Le sénateur Massicotte : Dans toutes les grandes villes, des comptables ou d'autres professionnels établissent des plans d'affaires qui prévoient un volume élevé de faillites personnelles. Ces plans d'affaires mettent l'accent sur les faillites. Cette approche n'est-elle pas négative? On voit la liste de ces bureaux dans les Pages jaunes des annuaires téléphoniques de Toronto et de Montréal.

M. Spergel : Nous devons reconnaître les améliorations qui découlent de la loi actuelle. En prolongeant la période pendant laquelle une personne doit demeurer un failli non libéré, la présentation d'une proposition de consommateurs devient possible. Si la période passe de 21 mois à 36 mois, une personne peut alors présenter une proposition de consommateur et faire des paiements semblables échelonnés sur la même période. On peut ainsi éviter des faillites. La loi s'oriente dans le bon sens. J'espère qu'on verra le nombre de propositions de consommateurs augmenter et celui des faillites personnelles, diminuer.

Le sénateur Eyton : Vous avez entendu la question que j'ai posée aux représentants de l'International Insolvency Institute. Savez-vous à combien s'élèvent les coûts d'administration des biens de la faillite ou de l'insolvabilité? La plupart du temps, il ne reste rien pour les créanciers ordinaires. Quel pourcentage représentent les coûts administratifs?

M. Spergel : Je crois que le témoin précédent vous a dirigé vers un site Web qui traite du sujet. J'ai déjà vu des renseignements semblables qui s'appliquaient à des faillites importantes. Nous devons examiner les coûts administratifs et voir comment a évolué la Loi sur l'insolvabilité au fil des ans. Lorsque j'ai débuté dans la profession, ce sont les créanciers qui dirigeaient l'audience d'insolvabilité. Aujourd'hui nous voyons qu'ils ne sont pas les seuls à jouer un rôle lors de cette audience, et que ce sont plutôt les syndics de faillite qui jouent un rôle majeur lors des réorganisations. Le processus est aujourd'hui judiciarisé.

Je crois que le balancier est allé trop loin dans l'autre direction. Voilà pourquoi les amendements me plaisent tellement. Je crois qu'ils favoriseront l'équité du processus. La LFI est toujours structurée de façon à accorder un rôle primordial au créancier qui détermine en fait si la réorganisation est acceptable. La LFI offre maintenant certains des avantages que seule la LACC offrait auparavant. Il est à espérer que le coût des réorganisations diminuera par conséquent.

Le sénateur Eyton : Comme le sénateur Massicotte l'a fait observer, c'est une question de coût et de temps. Une période d'attente de cinq ans coûtera davantage qu'une période d'attente d'un an.

M. Spergel : Une proposition doit être soumise dans un délai de six mois dans le cadre de la LFI. Comme nous en sommes tous conscients, particulièrement ce soir, il est normalement nécessaire de respecter les délais fixés. Cela vaut pour l'insolvabilité. J'appuie les amendements proposés, et je me réjouis des changements qui s'annoncent. Je ne pense pas avoir répondu directement à votre question, mais les amendements devraient permettre de régler le problème des coûts administratifs. Ils devraient effectivement favoriser les réorganisations et le recours à la LFI plutôt qu'à l'ICCA, un processus qui a tendance à être plus coûteux.

Le sénateur Goldstein : Êtes-vous heureux que nous ayons adopté le projet de loi immédiatement au lieu d'attendre l'issue de ces audiences?

M. Spergel : Ce n'est pas tout à fait cela. Je sais que le projet de loi a été adopté, mais je crois que nous attendons qu'il soit proclamé.

Le sénateur Goldstein : Certaines parties de la loi n'ont toujours pas été proclamées parce que le règlement est en cours d'élaboration. Il sera prêt sous peu.

M. Spergel : Ce qui me rendrait vraiment heureux, c'est qu'on poursuive le processus de réforme de l'insolvabilité dans le cadre de ces deux lois. Nous avons beaucoup de chemin à faire. Ces deux lois sont d'importants pas dans la bonne direction, mais il ne faut pas s'arrêter là.

Le sénateur Goldstein : Nous tâchons de poursuivre le processus.

M. Spergel : Je suis heureux de ces deux pas dans la bonne direction, mais j'aimerais que nous ne perdions pas notre élan.

Le président : Madame Houle et monsieur Spergel, je vous remercie d'avoir comparu devant le comité. Mesdames et messieurs les sénateurs, nous avons eu une excellence séance.

La séance est levée.


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