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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 8 - Témoignages du 14 février 2008


OTTAWA, le jeudi 14 février 2008

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 10 h 50 afin d'examiner la situation actuelle du régime financier canadien et international et d'en faire rapport. Sujet : la faillite et l'insolvabilité.

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, mesdames et messieurs. La séance d'aujourd'hui est diffusée sur le web et télédiffusée sur la chaîne parlementaire. Joyeuse St-Valentin.

Nous poursuivons notre étude de la loi cadre sur la faillite et l'insolvabilité que l'on retrouve au chapitre 47 des Lois du Canada de 2005, et du projet de loi C-12 qui a été renvoyé à notre comité à la mi-décembre.

Ces mesures ont été adoptées mais n'ont cependant pas encore force de loi. Il reste encore quelques éléments à régler avant qu'elles puissent entrer en vigueur. Nous faisons cependant une étude comme si elles n'avaient pas été adoptées. Nous préparons une analyse critique en vue d'éventuelles améliorations.

Les fonctionnaires de divers ministères gouvernementaux nous disent qu'ils cherchent constamment à améliorer ces lois importantes afin d'avoir une loi cadre sur la faillite et l'insolvabilité qui soit avant-gardiste. Nous avons entendu un certain nombre de témoins dont le témoignage nous porte à croire qu'il y a certes place à l'amélioration. Au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, nous avons l'esprit ouvert.

Je suis le sénateur Angus, de Montréal. Je préside ce comité. À ma gauche siège le sénateur Harb, un sénateur de l'Ontario. De l'autre côté de la table se trouvent le sénateur Meighen, de Toronto; le sénateur Tkachuk de Saskatoon; et le sénateur Jaffer de la Colombie-Britannique. Le sénateur Jaffer est la dernière venue à notre comité.

Notre vice-président distingué, le sénateur Goldstein, est reconnu comme étant un expert en droit sur la faillite et l'insolvabilité. Il a un léger retard ce matin. J'avais espéré qu'il serait ici maintenant. Nous comptons beaucoup sur ses connaissances. Le voici.

Nous avons de nombreux témoins ce matin. Étant donné le temps dont nous disposons, nous allons commencer maintenant. Nos premiers témoins représentent le Conference for Advanced Life Underwriting : Paul Bourbonniere, président, et Brian Henley, vice-président des Relations gouvernementales. Ces deux messieurs ont déjà comparu devant notre comité auparavant. Nous sommes toujours heureux de bénéficier de leurs connaissances.

Paul Bourbonniere, président, Conference for Advanced Life Underwriting : Merci de nous permettre de comparaître devant votre comité aujourd'hui. Je suis président du Conference for Advanced Life Underwriting et M. Henley est le vice-président chargé des relations gouvernementales.

Nous venons vous rencontrer aujourd'hui pour vous faire part de notre appui au projet de loi C-12. Permettez-moi de vous parler un peu de notre organisation. CALU est une conférence de l'Association des planificateurs financiers du Canada, association qui compte plus de 10 000 membres au pays.

Le nom officiel de notre association est Advocis. Il s'agit de la principale association professionnelle bénévole de conseillers financiers du Canada. Ses membres fournissent des conseils sur les produits financiers et des conseils financiers en général à des millions de Canadiens. Ils fournissent aussi des conseils en matière de planification successorale et de planification de la retraite, de gestion de patrimoine, de gestion du risque et de planification financière.

Advocis a été créée en 1906 sous le nom d'Association des assureurs-vie du Canada. Depuis lors, elle est au service des conseillers financiers et de leurs clients au Canada. Elle vise à assurer le professionnalisme des conseillers financiers.

CALU a été créée pour répondre aux besoins des membres d'Advocis qui se spécialisent dans les applications avancées de l'assurance-vie et de domaines connexes, comme la planification successorale, la succession d'entreprises, les avantages sociaux des employés, la croissance du patrimoine et la planification de la retraite. Nombre de clients de la CALU sont des propriétaires de PME. Aujourd'hui, nous venons vous faire part des préoccupations de ces entreprises.

Nous appuyons le projet de loi C-12 et estimons qu'il améliore de façon appréciable les modifications proposées à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité qu'on trouve au chapitre 47, article 1, pour les raisons suivantes : le projet de loi C-12 ne propose pas de modifier de façon substantielle les exemptions accordées par les provinces et reconnues par la LFI fédérale. De même, le projet de loi C-12 ne modifie pas de façon appréciable les autres dispositions de l'article 91 qui protégeaient de manière raisonnable les créanciers en cas de règlements stratégiques précédant une faillite; les changements proposés antérieurement auraient eu pour effet de miner la certitude existante incluant la planification financière prudente de l'intégration de REER et de FERR exemptés.

Plutôt que de veiller à ce que tous les REER et les FERR soient pleinement protégés contre les réclamations des créanciers, les modifications proposées antérieurement au chapitre 47, article 1, visaient à limiter le montant pouvant être accumulé dans ces régimes et à ce que les cotisations versées durant une période donnée avant la faillite soient, peut-être par suite d'une ordonnance d'un tribunal, récupérées pour donner suite aux réclamations des créanciers. Pareille mesure aurait essentiellement favorisé les créanciers au détriment des épargnants canadiens.

La CALU est d'avis que le fait d'encourager les Canadiens à planifier stratégiquement leur retraite est un important objectif sociétal. En conséquence, elle estime que tous les REER et FERR devraient jouir de la même protection contre les créanciers dont profitent les RER.

Les limites initialement proposées relativement au montant pouvant être accumulé dans un REER et insaisissable par les créanciers pourraient être interprétées comme cherchant à contourner les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu. La loi stipule que lorsqu'un dépositaire est en cause, ce dernier n'a pas le droit d'éteindre une dette ou une obligation envers le régime par compensation à l'aide des biens détenus en vertu du régime et les biens détenus en vertu du régime ne peuvent être donnés en gage, cédés ou autrement aliénés, à titre de garantie d'un prêt ou à toute autre fin que d'assurer au particulier un revenu de retraite commençant à l'échéance. On trouve des dispositions semblables ailleurs qui portent sur les fonds enregistrés de revenu de retraite.

Nous sommes d'avis que la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit que les REER et les FERR visent à fournir un revenu de retraite au cotisant et non à fournir des garanties supplémentaires aux prêteurs. C'est pourquoi la CALU appuie le projet de loi C-12, qui rejette tout plafonnement du montant pouvant être accumulé dans un REER ou un FERR et échappant aux réclamations des créanciers.

De plus, nous avons cerné un certain nombre d'importants facteurs qui ont été examinés durant l'élaboration du projet de loi C-12 et qui ont permis de résoudre des problèmes que le projet de loi précédant aurait pu causer. On peut résumer ces problèmes de la façon suivante :

Le premier est l'équité. Le projet de loi C-12 prévient la possibilité que tout changement de politique favorisant les créanciers en accumulant les débiteurs à la faillite par l'octroi aux créanciers de droits accrus par rapport à ceux existant initialement ou au moment où le prêt a été consenti ou encore à n'importe quel moment avant la faillite ne donne lieu à de l'iniquité.

La CALU appuie le projet de loi C-12, car il reconnaît l'importance fondamentale de l'équité dans la protection de l'épargne-retraite de tous les Canadiens — qu'il s'agisse des travailleurs salariés comme des entrepreneurs — en cas de faillite. Les petits entrepreneurs et leurs familles sont particulièrement touchés en raison de la nécessité pour eux d'avoir une source de revenu de retraite qui ne soit pas directement tributaire du maintien du succès de leur entreprise, notamment en période d'instabilité économique.

Le deuxième point est le principe de la certitude. La planification financière requiert des données fiables et de la certitude, notamment en ce qui concerne les échéanciers et les horizons en cause lorsqu'il s'agit de conseiller les Canadiens et de les convaincre d'épargner pour leur retraite. Ces propositions sont à long terme. La perte de certitude qu'entraînaient les propositions précédentes aurait hélas eu des effets néfastes sur les Canadiens qui comptent sur leurs REER, particulièrement et d'une façon disproportionnée sur les travailleurs autonomes.

Un autre point est l'uniformité. La CALU appuie le projet de loi C-12 car il n'aurait pas d'effet néfaste sur les Canadiens qui ont répondu aux encouragements d'épargner pour leur retraite en recourant à des véhicules prudents comme les REER et les FERR exemptés d'impôt. Les Canadiens qui ont profité des possibilités de planification qu'offrent explicitement les gouvernements fédéral et provinciaux seraient touchés d'une façon disproportionnée par l'imposition soudaine d'un plafond à leur capacité de recourir à l'épargne-retraite exempte d'impôt dans le cadre de REER et de FERR.

Le principe de l'harmonisation législative est le quatrième point. À notre avis, le projet de loi C-12 améliore les propositions précédentes en évitant les contestations qu'aurait entraînées toute tentative de rompre l'équilibre maintenu depuis toujours entre les compétences législatives fédérales et provinciales. Les propositions précédentes, par l'imposition d'un plafond relativement au niveau d'exemption, auraient nui à l'application des mesures en vigueur pour la protection contre l'exécution ou la saisie, ce qui aurait provoqué un conflit entre les exemptions provinciales accordées dans le cadre des compétences provinciales en matière d'assurance et les pouvoirs du gouvernement fédéral en matière de faillite.

La CALU estime que le projet de loi C-12 soutient l'objet fondamental de la LFI en tant que processus où un débiteur insolvable peut obtenir quittance de toutes ses dettes en cédant tous ses actifs à un syndic pour répartition entre les créanciers. L'un des principaux objectifs de la LFI est de permettre à un débiteur malheureux, mais honnête, d'obtenir une quittance à des conditions raisonnables. En vertu de la LFI, le failli est présumé honnête, mais malchanceux. Cette présomption repose sur la preuve de règlements stratégiques menant à une faillite stratégique.

Les actes d'un débiteur peuvent inciter les tribunaux à ordonner l'inclusion uniquement de certains biens exempts dans les biens du failli, c'est-à-dire les REER et les FERR, aux termes de la LFI ou d'une quittance conditionnelle. Cela représente une façon raisonnable, mesurée et efficace de traiter les faillites stratégiques. La LFI vise à assurer une répartition juste et proportionnelle, sans préférence particulière, des biens du failli entre les créanciers.

En conclusion, mon collègue et moi-même aimerions féliciter le Sénat — et plus particulièrement votre comité — de l'excellent travail que vous faites dans ce dossier. Nous devons par ailleurs souligner le rôle qu'a joué le vice-président, le sénateur Goldstein, dans l'élaboration et l'adoption de ce projet de loi avec succès.

C'est un honneur de comparaître devant votre comité et il nous fera plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Bourbonniere. Monsieur Henley, aimeriez-vous ajouter quoi que ce soit?

M. Brian Henley, vice-président, Relations gouvernementales, Conference for Advanced Life Underwriting : Non, je pense que M. Bourbonniere a présenté nos positions de façon très éloquente.

Le président : D'autres membres du comité viennent d'arriver. Mes collègues étaient allés acheter des fleurs pour leurs êtres chers.

Le sénateur Moore est d'Halifax, le sénateur Massicotte est de Montréal et le sénateur Eyton est de Toronto. On peut voir à leur sourire que j'avais raison. Il y a ensuite bien sûr notre vice-président distingué, le sénateur Goldstein.

Je remarque, messieurs, que vous avez limité vos observations au paragraphe 32(1) qui porte sur les REER et les FERR. Peut-on donc conclure que ce paragraphe est la seule partie du projet de loi qui vous plaît ou qui vous déplaît? Avez-vous des observations à faire au sujet des autres aspects de la nouvelle loi?

M. Henley : Nous avons fait des observations précédemment en ce qui concerne les mesures législatives en général. Cependant, à titre de conseillers financiers, plus particulièrement à titre de conseillers qui pratiquent dans le domaine de la planification financière et des avantages sociaux, nous desservons surtout des clients qui accumulent des actifs qui leur permettront d'avoir un revenu pour eux et leurs familles à la retraite. C'est pour cette raison que nous avons mis l'accent sur cette principale préoccupation de nos clients.

Le président : Votre document est clair et je m'y reporte. Il fera partie du procès-verbal; il est en date de décembre 2007.

Je pose la question car vous êtes positif au sujet des amendements qui ont été apportés entre le projet de loi C-55 et le projet de loi C-12. Ces amendements ont-ils été apportés à la suite des problèmes que vous avez signalés au gouvernement en ce qui concerne le projet de loi C-55, parce que le gouvernement vous a écouté et modifié le projet de loi, ou est-ce que ces amendements auraient été apportés de toute façon?

M. Henley : Je ne veux pas laisser entendre que nous sommes puissants, mais nous avions des préoccupations relativement au projet de loi précédent. Nous avons fait des observations au nom de notre clientèle et de nos membres. Il semblerait qu'on nous ait écoutés. Certains changements à notre avis sont positifs pour les citoyens canadiens et ceux qui planifient leur retraite.

Le président : Je donne cette information aux fins du compte rendu car je pense qu'il est très difficile et compliqué de faire face à cet énorme appareil gouvernemental. Le processus que vous avez suivi a de toute évidence été constructif. Vous avez constaté un problème qui n'était pas encore entré en vigueur par proclamation. Il était donc encore possible de communiquer avec les hauts fonctionnaires qui cherchent constamment eux aussi à améliorer les mesures législatives. Vous avez très bien expliqué votre point de vue et on retrouve donc des améliorations dans le projet de loi C-12 et vous êtes satisfait.

M. Bourbonniere : Nous sommes satisfaits du projet de loi dans sa forme actuelle. Nous nous réjouissons par ailleurs d'avoir pu participer au processus. Nous représentons peut-être ce qui pourrait être un consensus, mais nous sommes à l'aise avec le résultat.

Le sénateur Harb : Vous avez passé beaucoup de temps à parler des dispositions et des propositions précédentes. Ces dernières semblent vous avoir frappé, de sorte que vous vouliez nous rappeler jusqu'à quel point elles étaient mauvaises.

Êtes-vous d'avis que peut-être à l'époque la Couronne pensait qu'il convenait d'inclure les REER parce que quelqu'un doit payer les créanciers? Chaque fois qu'un citoyen sort de l'argent d'un REER, le gouvernement prend sa part du gâteau immédiatement, ce qui reste peut être versé aux créanciers.

Croyez-vous que le gouvernement était sans doute motivé par quelque chose du genre, ou que la situation était moins sinistre?

M. Bourbonniere : Le terme sinistre est fort. C'est plutôt une question d'équité. Bien des gens dans cette pièce se rappellent sans doute qu'à la fin des années 1980, on a beaucoup travaillé pour mettre en place un régime juste et équitable d'épargne-retraite. En particulier, on s'est longuement penché sur les régimes de pension et les REER, afin qu'ils soient les plus justes et équitables possible. Nous avons constaté qu'il pourrait y avoir des problèmes en ce qui concerne la justice et l'équité; c'est ce qui nous préoccupait.

Le sénateur Harb : Disons que quelqu'un veut avoir un fiduciaire pour l'aider à faire face à une situation financière. Cette personne veut restructurer. Si cette personne voulait sortir de l'argent de son REER pour rembourser en partie les créanciers, croyez-vous que ce retrait devrait être permis? Dites-vous essentiellement que lorsque cet argent a été investi dans des REER, il a été versé dans un compte de retraite et que par conséquent il ne devrait pas être touché même dans de telles circonstances — que le gouvernement devrait dire non, cet argent ne sera pas sur la table?

Il pourrait être tentant pour quelqu'un de dire à cette personne : Nous comprenons que vous avez 200 000 $ dans ce compte. Si vous faites cela, je ne m'y opposerai pas. On nous a dit nombre de fois qu'il suffit qu'un intervenant dise non à un type de restructuration pour que la personne doive effectuer toutes sortes de contorsions.

Êtes-vous d'avis que, peu importe les circonstances, les REER ne devraient jamais se retrouver sur la table; que la loi devrait spécifier que personne, directement ou indirectement, ne devrait pouvoir abuser de son influence pour que le client qui se retrouve devant un fiduciaire retire ses REER?

M. Bourbonniere : L'idée de ne pas être autorisé à utiliser les REER comme garantie va dans ce sens. Il y a des cas où à notre avis il ne convient pas que quelqu'un soit obligé de faire ce genre de retrait. En effet, dans le monde des pensions, il y a des restrictions sur la liquidité. Cela dépend spécifiquement de la façon dont ce genre de restriction est établi.

Le fait est que les REER sont l'un des derniers investissements que les gens iraient chercher; mais il y a des gens qui remboursent leurs dettes en retirant leur REER. C'est un choix qui a par ailleurs des répercussions considérables à long terme. Le fait qu'une personne ait choisi d'utiliser de tels actifs à court terme coûte très cher à long terme; c'est l'autre problème. Il n'est pas possible de récupérer ou de recréer ce capital.

Il est très délicat de limiter l'utilisation à cet égard; c'est presqu'une situation de cas par cas. Nous devons voir la nature des restrictions avant de faire des observations spécifiques.

M. Henley : Si les restrictions équivalent à une disposition de blocage des cotisations, je pense que nous devons examiner la question de plus près avant de donner une opinion, car cette restriction serait litigieuse pour le consommateur canadien.

Mon collègue et moi-même ne sommes plus dans l'engrenage, nous ne donnons plus de conseils aux entreprises. Nous avons cependant beaucoup d'expérience, malheureusement avec des particuliers et des petites entreprises qui se retrouvent avec des difficultés financières.

Ayant été 29 ans dans ce domaine, j'ai rencontré peu de gens qui retiraient volontairement leurs REER. C'est une mesure de dernier recours. Franchement, habituellement nous leur conseillons de ne pas le faire. Cependant, il peut y avoir des circonstances où ils voudraient les retirer. Pour ce qui est de votre observation au sujet de la fiscalité du gouvernement fédéral, lorsque quelqu'un retire un montant important d'un REER, le gouvernement fédéral à l'heure actuelle exige une retenue d'impôt qui est loin d'atteindre l'assujettissement à l'impôt réel.

Le sénateur Meighen : J'ai une petite question qui se rattache indirectement en quelque sorte à votre exposé. D'autres témoins que nous avons entendus au sujet du même projet de loi ont laissé entendre que malheureusement le titre du projet de loi est faillite et insolvabilité. Ils ont dit qu'il devrait plutôt s'intituler insolvabilité et restructuration. Seriez-vous d'accord avec un tel changement?

M. Bourbonniere : Oui, nous serions d'accord en autant que les buts et les objectifs soient conformes au résultat. Le génie des mots est un art, non pas une science, mais ce serait là un changement intéressant.

Le sénateur Meighen : Vous donnez des conseils sur la restructuration, n'est-ce pas?

M. Bourbonniere : Oui, mais comme je l'ai dit, ce qui est important c'est le résultat, pas l'étiquette. Pour ceux qui nous écoutent et qui aiment manier les mots, ce changement pourrait être intéressant.

Le sénateur Jaffer : Si j'ai bien compris les témoins, la raison pour laquelle on changerait le titre ce serait pour faire en sorte que les gens se sentent plus à l'aise pour demander conseil.

M. Henley : Je suis d'accord pour dire que le terme est moins fort, mais c'est plutôt une question de marketing qu'une question d'ordre technique; c'est ce que c'est. Contrairement à ce que les cyniques pourraient croire, il y a peu de gens qui veulent faire faillite. La plupart des gens font bien des choses pour essayer de l'éviter. Le titre du projet de loi n'est pas aussi important que son contenu.

Le président : Sénateur Goldstein, voulez-vous faire une observation?

Le sénateur Goldstein : Monsieur Bourbonniere et monsieur Henley, merci de votre excellent exposé et du rôle constamment positif que vous et votre organisation avez joué dans la création de ces amendements qui ont une incidence sur la vie des professionnels de la souscription. Vous avez joué un rôle responsable, utile et éclairant, et tout le monde l'apprécie.

Il y a quelques années, vos prédécesseurs souhaitaient préserver un monopole en ce qui a trait à l'assurance-vie sur les rentes et étaient intéressés à protéger uniquement cet aspect dans une loi, mais vous avez abandonné cette position et adopté plutôt une position socialement correcte voulant que tous les REER méritent d'être protégés. Cela est donc tout à fait à votre crédit car vous avez placé l'intérêt public au-dessus de vos propres intérêts et cela n'est pas toujours le cas.

Je voudrais entendre vos observations sur la question du blocage. Vous vous souviendrez que le groupe de travail sur l'insolvabilité personnelle suggérait dans son rapport que les REER soient bloqués, avec certaines variations mineures. Les détails ne sont pas importants. Pour empêcher l'abus de la part d'un débiteur, ce dernier ne devrait pas être en mesure de déclarer faillite, de ne pas verser quoi que ce soit aux créanciers et de sortir de la faillite avec un joli montant dans son REER, capable de dépenser ce montant librement alors que les créanciers n'ont rien obtenu.

Il s'agit de trouver un juste équilibre entre les intérêts des débiteurs dans notre société, qui sont en grande partie victimes du système, et les créanciers, qui sont souvent également des victimes, nonobstant les avis contraires, car ils ont subi des pertes qu'ils n'ont pas nécessairement besoin de subir.

Que pensez-vous du fait que l'on veuille tenter de rétablir cet équilibre de sorte que dans les cas appropriés, les gens ne puissent pas s'en sortir avec des REER importants?

M. Bourbonniere : Merci de vos aimables paroles. Notre mot d'ordre a toujours été de représenter les intérêts des clients que nous servons, plutôt que nos propres intérêts.

Pour ce qui est de la question du blocage, nous serions ravis de participer à une étude sur la question car il se peut que cela fasse partie des conséquences imprévues. Le modèle auquel nous songeons est celui d'une personne qui se lance en affaires à l'âge de 25 ans et qui à 45 ans se retrouve avec des problèmes financiers. Quelqu'un qui commence comme employé qui décide au milieu de sa vie de changer de carrière; ou des employés qui s'endettent. Par ailleurs, des dispositions spécifiques de la Loi de l'impôt sur le revenu, notamment le programme d'éducation permanente ou le programme d'accession à la propriété, permettent délibérément un retrait d'un REER. Sans expliquer toutes les possibilités, il y a toutes sortes de conséquences imprévues. Nous sommes prêts à reconnaître tout à fait que pour quelque chose d'aussi important, nous voulons nous assurer que toutes les possibilités sont envisagées. L'abus du système est la dernière chose que nous aimerions voir.

La question mérite d'être étudiée et nous aimerions bien participer à une telle étude. À mon avis, certaines choses que j'ai mentionnées sont prioritaires.

M. Henley : Il faut par ailleurs examiner de très près le blocage par rapport aux autres genres de programmes de retraite offerts aux Canadiens : par exemple, les régimes de pensions des différents gouvernements et les différentes lois. Dans ma pratique, cela représente environ 40 à 50 p. 100 de mes clients.

Par exemple, bon nombre de gouvernements ont changé leur loi en ce sens qu'auparavant il y avait des dispositions de blocage pour toutes les cotisations après 24 mois de participation, mais les exigences sont maintenant moins strictes, selon la province où on se trouve.

Un autre secteur où nous constatons qu'il y a de nombreux problèmes avec les petites et moyennes entreprises est celui des petites entreprises familiales et du concept de la planification de la succession. Jusqu'à présent les établissements de prêts canadiens sont tout à fait disposés à prêter de l'argent pour construire un immeuble ou à offrir une marge de crédit pour exploiter une entreprise. Cependant, il est difficile pour les petites et moyennes entreprises d'emprunter de l'argent pour acheter un commerce. Si les membres de la famille participent, et les parents qui ont eu la prudence de veiller à s'occuper d'eux-mêmes en dehors de l'exploitation de l'entreprise, il y a d'autres problèmes. Ce sont là quelques questions auxquelles nous songeons, pour vous en nommer quelques-unes rapidement.

Le blocage des cotisations mérite un examen et un débat plus approfondis avant d'envisager un tel concept.

Le sénateur Goldstein : Lorsqu'il y a un montant considérable dans un REER, lequel est à l'heure actuelle exonéré d'impôt, approuvez-vous la possibilité qu'un juge qui regarde ce REER lorsque le débiteur en question assiste à son audience de quittance, dans le but peut-être de suggérer au juge, soit sur le plan législatif, soit autrement, qu'une partie de ce REER ou un montant d'argent équivalent devrait être versé par le débiteur comme condition de la quittance?

Je vais vous poser la question franchement : Je me souviens d'une affaire qui date d'un certain nombre d'années, bien avant que je ne devienne sénateur, où le débiteur avait un REER de 2,6 millions de dollars qu'il avait accumulé en épargnant mais aussi en y ajoutant d'autres gains. La personne en question a déclaré faillite et voulait que les créanciers absorbent les 900 000 $ qui leur étaient dus. Elle était sur le point de se décharger de ses responsabilités envers les créanciers alors qu'elle avait 2,6 millions de dollars en REER. Il y eut une audience d'acquittement et, sans entrer dans les détails, je peux vous dire que de façon générale mon client s'en est bien sorti.

Par contre, ce n'est pas toujours comme cela que ça se passe. Je vous ai donné un exemple extrême pour tenter de bien illustrer la situation. Bien que ça n'arrive pas très fréquemment, il y a tout de même parfois une importante différence entre l'argent que détient le débiteur et les pertes subies par les créanciers.

Pensez-vous qu'un juge pourrait remédier à cette situation?

M. Bourbonniere : Peu importe le nom qu'on emploie pour le désigner, un plafond est un plafond. En ne laissant qu'un certain montant, ce qu'on a fait, on a en fait mis en place un plafond.

Grâce à la réforme des pensions, notamment, certains montants peuvent être versés dans un REER sous forme de cotisations. À une certaine époque, on pouvait réinvestir ses revenus de pension par exemple. Il est possible d'accumuler des montants importants. Encore aujourd'hui, nous prétendons que les limites auxquelles les REER sont assujetties les pénalisent par rapport aux régimes de pension individuels. On peut moins facilement accumuler de l'argent qu'à une certaine époque, à moins d'avoir des investissements qui rapportent beaucoup.

Il y a autre chose. La plupart des propriétaires d'entreprise estiment qu'ils prennent suffisamment de risques dans le cadre de leurs activités habituelles que lorsqu'ils accumulent de l'argent, ils ont tendance à l'investir prudemment. On a peut-être l'impression qu'il s'agit de personnes qui sont attirées par l'appât d'un gain rapide et qui prennent des risques considérables quand ils investissent, comme ils le font en affaires, mais ce n'est pas le cas. Nous avons constaté qu'ils étaient plutôt conservateurs. Encore une fois, il est beaucoup moins facile d'accumuler de grosses sommes d'argent qu'à une certaine époque. De prime à bord, je dirai que l'approche ressemble trop à l'imposition d'un plafond pour que nous puissions y donner notre accord.

M. Henley : Sénateur, je sais que vous avez cité un exemple extrême. Par contre, on suppose que l'établissement de crédit, le débiteur, évalue les risques associés au prêt accordé à une personne en fonction de sa capacité de rembourser. Dans les cas où on ne peut pas se servir de REER comme gage lors de cession ou comme biens affectés en garantie, entre autres, on suppose que l'établissement de crédit en question a déterminé qu'il avait de bonnes chances de se faire rembourser son prêt.

Le président : Messieurs, vous vous êtes exprimés clairement. Nous sommes ravis que vous ayez eu des propos aussi positifs.

Nous allons passer à notre prochain témoin, Andrew J. Hatnay, avocat chez Koskie Minsky LLP.

Bonjour monsieur. Je sais que vous avez assisté à la première partie de nos délibérations de ce matin. Nous n'avons pas beaucoup de temps et par conséquent on vous demande d'être aussi concis que possible. Mes collègues poseront leurs questions dans ce même esprit.

Pourriez-vous nous donner des détails sur votre cabinet d'avocats. Êtes-vous ici à titre personnel ou représentez- vous des intérêts en particulier?

Andrew J. Hatnay, avocat, Koskie Minsky LLP : Je désire remercier tous les sénateurs de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je suis avocat au cabinet Koski Minsky à Toronto. Notre cabinet est une firme qui se spécialise dans la représentation des employés, des syndicats, des fonds de pension mais nous nous occupons également de litiges généraux. Nous avons fondé notre réputation en représentant les employés et les syndicats.

Le but de mon témoignage aujourd'hui, c'est d'aider les sénateurs en leur donnant un aperçu des effets de la faillite et de l'insolvabilité sur les employés et les syndicats. J'ai défendu de nombreuses causes, en représentant des employés, des syndicats et des fonds de pension dans le contexte de la faillite. J'ose espérer que, grâce à mon expérience, je pourrais vous éclairer sur la situation.

Je ne représente pas de clients en particulier, à l'exception de celui qui est dans la tribune, le syndicat du bâtiment United Association. D'une certaine façon, je présenterai les deux volets de mon exposé en même temps, en raison du temps limité. Je vous indiquerai quand mes commentaires s'appliquent au syndicat United Association.

De façon générale, les changements proposés à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers de compagnies sont bons. À l'heure actuelle, comme vous le savez sans doute, la première loi ne renferme que très peu de protection pour les employés et la seconde, rien du tout. Votre étude ouvre donc la voie aux changements.

Mon témoignage d'aujourd'hui vise à mettre en lumière les problèmes inhérents au texte législatif proposé. J'estime qu'en général, même si je suis satisfait du texte proposé, sa mise en œuvre suscitera des problèmes et la loi ne donnera pas d'aussi bons résultats que je le souhaiterais ni même aussi bons que le pensent certaines personnes.

Commençons par les régimes de pensions. Les régimes de retraite sous-capitalisés d'un employeur en faillite sont un problème de taille à l'échelle du Canada. Les régimes de retraite d'un employeur en faillite, qui sont sous-capitalisés, doivent être liquidés. Un administrateur externe est nommé pour procéder à la liquidation du régime de retraite et s'il est sous-capitalisé l'administrateur traite les actifs et envoie tout simplement des lettres aux retraités leur disant : « Vos prestations seront réduites. Désolé. Il n'y a pas d'argent dans le régime de pensions. »

Dans le texte législatif proposé, on crée ce qu'on appelle les charges de retraite.

Le président : Voulez-vous dire qu'il n'y a pas d'argent ou qu'il n'y a pas suffisamment d'argent?

M. Hatnay : Qu'il n'y a pas suffisamment d'argent. Les membres d'un régime de retraite sous-capitalisé font face à des prestations réduites.

Parlons maintenant de la charge de retraite dans le texte proposé. La charge de retraite créerait un statut de créancier garanti dans les cas de faillite pour les montants dus en raison d'un régime de pensions sous-capitalisé. Dans mon mémoire, j'explique qu'il existe trois types de paiements qui doivent être versés à un régime de retraite : les paiements du coût normal, les paiements spéciaux et les paiements de liquidation. S'il y a faillite et que le régime de pensions en question est sous-capitalisé, ce sont les paiements de liquidation et les paiements spéciaux non payés qui présentent de l'intérêt.

La charge de retraite, telle qu'elle est conçue, ne sera utile au régime de pensions que de façon limitée en permettant de créer un ordre de priorité des réclamations dans le cas de paiements du coût normal non versé. C'est tout. Cette mesure ne permettra pas de remettre le régime de pensions d'aplomb; elle n'empêchera pas non plus les réductions des prestations. Pour certains régimes de pensions et certaines compagnies, la charge de retraite risque de ne servir à rien du tout parce que dans certains cas les sociétés payent les coûts normaux mais pas les paiements spéciaux et n'ont pas suffisamment d'argent pour assumer les paiements de liquidation. On peut ainsi dire que la charge de retraite ne sera pas une mesure utile dans tous les cas.

J'aimerais me reporter à des dossiers précis pour vous donner des exemples concrets. Le problème s'est posé lorsque nous représentions une société québécoise, Ivaco. Dans mon mémoire, je cite les propos du juge ontarien qui reconnaît que même si des changements ont été apportés, ils n'auront pas d'effets sur les régimes de pensions d'Ivaco, qui étaient sous-capitalisés de dizaines de millions de dollars.

Ce que j'essaie de vous dire en fait, c'est que la charge de retraite sera utile mais seulement dans certains cas. Dans d'autres cas, elle ne servira à rien du tout.

J'aimerais maintenant vous parler de la priorité accordée aux charges de retraite. En théorie, c'est un principe qui paraît bien; tout le monde veut jouir du statut de créancier garanti. Toutefois, le statut de créancier garanti ne va pas résoudre tous les problèmes.

Les créanciers garantis se font concurrence entre eux. Comme vous le savez, lorsqu'il y a faillite, tous les créanciers veulent être remboursés en premier. On ne sait pas exactement comment le statut prioritaire est accordé aux charges de retraite. Il faudra prendre en compte les revendications des fournisseurs devant être payés dans les 30 jours, les demandes visant à créer une fiducie réputée et les demandes de paiements des salaires impayés, thème que j'aborderai dans une minute.

De plus, ce qui est pour moi le plus troublant, c'est que la disposition 18 qui modifie le paragraphe 50.6(2) du texte proposé donne au juge siégeant en faillite le pouvoir d'élever la garantie d'un prêteur à une société en difficulté. Ce que ça veut dire, c'est qu'un juge peut abaisser davantage le rang des charges de retraite, selon les faits précis du dossier en question.

Le président : Je voudrais être sûr d'avoir bien compris. Disons qu'on accorde une garantie accrue à un créancier en particulier, on le fait pour le pousser à continuer d'accorder des prêts, n'est-ce pas? Ça ne s'applique pas aux prêts consentis dans le passé? Je n'en suis pas sûr et c'est pour ça que je pose la question.

M. Hatnay : Selon le libellé de la loi, la garantie accordée par un juge s'applique aux prêts qui sont sur le point d'être accordés mais également aux prêts consentis par le passé. Bref, l'article accorde énormément de pouvoir au juge siégeant en faillite pour établir les priorités.

Le président : C'est rétroactif.

M. Hatnay : Je pense que c'est rétroactif, également.

Le sénateur Goldstein : Monsieur Hatnay, ce n'est pas comme ça que j'interprète les dispositions et je ne pense pas que ce soit l'intention du législateur.

Le président : Je voulais que ce soit clair. Allez-y, parce que c'est un point essentiel dans le cadre de la restructuration.

M. Hatnay : Je vous citerai volontiers l'article, s'il nous reste du temps.

Ce que j'essaie de vous faire comprendre, c'est que même si une charge est accordée, ce qui est une bonne chose, elle n'est avantageuse que lorsqu'elle est assortie d'une priorité adéquate. La subordination dont j'ai parlée ainsi que le pouvoir du juge de prioriser, crée de l'incertitude en ce qui concerne la charge de retraite.

Même s'il y a une bonne charge de retraite qui couvre les coûts normaux, si elle est subordonnée à d'autres réclamations et que la caisse n'est pas suffisamment fournie, elle aura une valeur bien moindre et risque même de ne rien valoir du tout.

Je vous parle de cette question de priorité parce que j'estime que c'est un aspect qui est important. Ça ne suffit pas d'accorder une garantie à une partie ou une entité, il faut également établir l'ordre de priorité.

Le président : Dans le cas de régimes de pension sous-capitalisés, il existe d'autres recours pré-faillite, je pense, selon la cause de la sous-capitalisation.

M. Hatnay : Ces recours sont limités. Prenons l'exemple d'un régime de pension sous-capitalisé mais dont l'employeur n'est pas en faillite. Je peux même vous citer l'exemple de Stelco.

Stelco, aciérie de renom, a fonctionné pendant des années, sinon des décennies, en gérant des régimes de pension sous-capitalisés. C'est un peu comme quelqu'un qui ne verse que les paiements minimaux obligatoires chaque mois à sa compagnie de carte de crédit alors que son solde est très important. De la même façon, Stelco gérait son régime de pension en ne versant que le minimum requis par la loi; les responsables ne contrevenaient pas à la loi mais le régime était gravement sous-capitalisé. Ils ont fait appel à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies en disant qu'ils faisaient faillite et se sont tournés vers leurs propres régimes de pension sous-capitalisés.

Pour revenir à ce que vous disiez, qu'auraient pu faire les membres? Ils auraient pu écrire à Stelco pour dire qu'ils n'étaient pas contents de la situation, qu'il fallait accroître le financement des régimes de pension. Stelco, tout comme n'importe quelle autre compagnie aurait pu répondre en disant qu'il n'y avait pas infraction à la loi, que tout était fait correctement, que tout le monde avait droit à une pension et que de toute façon il n'y avait pas suffisamment d'argent pour financer le régime de pension parce qu'il fallait construire une nouvelle aciérie. Et ça se serait terminé comme ça.

Pour ce qui est des recours avant la faillite, il est possible d'envoyer des pétitions à l'organisme de réglementation du gouvernement pour que celui-ci incite la société en question à accroître le financement du régime. Par contre, dans l'exemple de Stelco, les responsables auraient répondu qu'ils ne faisaient rien d'illégal. Les prestations de retraite sont versées, ils accroîtront donc le financement du régime.

Les solutions possibles avant une faillite sont limitées. Stelco est un bon exemple de compagnie qui a pu poursuivre ses activités pendant des années avec un régime de pension gravement sous-financé. Le gros problème commence à se poser lorsque la compagnie demande à être protégée contre la faillite.

Le sénateur Eyton : Dans le cas de la Stelco, si je comprends bien, une partie de l'arrangement envisageait un versement important au régime de pension, cela faisait partie de la restructuration d'ensemble.

M. Hatnay : C'est exact.

Le sénateur Eyton : Mais vous semblez dire que rien n'a été fait, alors qu'un versement important avait été effectué.

M. Hatnay : Non, je ne voulais pas du tout donner cette impression. Je répondais simplement à la question de savoir s'il était possible de faire quelque chose avant la faillite. J'avais donc cité le cas de la Stelco en évoquant sa situation avant la mise en cessation de paiement. Il est exact de dire, en effet, que dans le cadre de la restructuration de cette compagnie, on avait mis en place un plan qui comportait un virement de fonds important aux régimes de pension.

Le seul commentaire que j'aurais à faire se situe dans le contexte d'une restructuration. Le processus est entièrement imprévisible. Dans le cas de la Stelco, le résultat avait été favorable aux membres, mais il n'existe aucune garantie qui puisse valoir pour d'autres compagnies.

Cela a toujours été un problème de droits et, dirais-je aussi, un problème pour les retraités et les pensionnés parce que ceux-ci veulent un certain degré de certitude quant au devenir de leur pension. Il est toujours difficile pour un avocat de leur dire quelque chose que nous ignorons encore. Nous sommes toujours en pourparlers avec les créanciers; nous allons comparaître devant un juge. Un créancier fait ceci ou cela et un autre fait autre chose. Au bout du compte, le résultat obtenu dans le cas de Stelco a été bon, mais ce n'est pas toujours le cas et le processus lui-même est imprévisible.

Je voudrais maintenant passer au programme de protection des salariés. Ici encore, cela a été un effort louable. Je félicite le Parlement et les sénateurs pour avoir instauré ce programme parce qu'à l'heure actuelle, la loi ne prévoit pratiquement rien, si ce n'est l'article 126 qui donne aux employés une créance prioritaire de 2 000 $ par rapport aux autres créanciers non privilégiés.

Le programme comporte deux volets : un versement de 3 000 $ pour les salaires non payés et la paye de vacances, plus un maximum de 2 000 $ que l'employé peut réclamer, ici encore, pour les salaires et la paye de vacances auxquels il avait droit.

Le problème immédiat sur lequel je voudrais attirer votre attention est que, selon le texte actuel de la loi, le PPS ne s'applique que s'il y a faillite ou mise sous séquestre. Je vous demande de bien tenir compte de cela parce que cela n'est pas bon. Il arrive très souvent qu'une compagnie ne soit pas officiellement en faillite en vertu de la loi, qui définit très précisément le terme, et qu'il n'y ait pas eu non plus de mise sous séquestre.

Ici aussi, je vous parle en tant qu'avocat qui s'occupe de ce genre de cas, et je cite en exemple une compagnie du nom d'Axium Entertainment qui a fait les manchettes. C'est une compagnie qui a fait faillite aux États-Unis. Elle a un siège à Toronto et ce siège est maintenant fermé. La compagnie a renvoyé tous ses salariés chez eux — ils nous ont téléphoné — sans leur payer d'indemnités de départ et de cessation d'emploi.

Les employés en question ignorent ce qui se passe. Il n'y a pas de syndic de faillite, il n'y a pas non plus de liquidateur judiciaire, la compagnie a simplement fermé ses portes. Les salariés sont finalement dans la même situation que s'il y avait eu nomination d'un syndic ou d'un liquidateur. Ils ont perdu leur emploi, on les a renvoyés chez eux, ils n'en reviennent pas et ils ne sont pas contents. Toutefois, dans ce cas-là, le programme de protection des salariés ne s'appliquerait pas, il ne pourrait pas intervenir pour les aider.

Selon moi, c'est là une grave omission. Il est tout à fait possible qu'une compagnie ferme ses portes sans qu'un syndic ou un liquidateur ait été nommé, il est tout à fait possible que les salariés puissent être renvoyés chez eux purement et simplement. Or, eux aussi devraient pouvoir bénéficier du programme.

La seconde chose que je voudrais faire valoir au sujet du programme de protection des salariés, c'est la définition du salaire. J'ai souvent eu maille à partir des syndics, avec des liquidateurs et d'autres créanciers sur cette question de la définition du salaire, parce que c'est le genre d'argument qui surgit immanquablement dans le contexte de l'actuelle Loi sur la faillite et l'insolvabilité, ici encore en ce qui concerne l'article 36 et les créanciers privilégiés en raison précisément du libellé de cette disposition — qu'un employé a droit à 2 000 $ en compensation de salaires non payés. Mais que sont ces « salaires »?

Le projet de loi donne une définition, je pense, des salaires, de la paie de vacances et de « l'indemnité de départ ou de cessation d'emploi ». Il exclut précisément « l'indemnité de départ pour cause de cessation d'emploi ». En ce qui concerne la définition des « salaires », j'aurais une ou deux choses à dire.

Pour commencer, la compagnie doit à ses employés beaucoup plus que leurs salaires. Il y a les prestations de santé, les cotisations au fonds en fiducie pour la paie de vacances dans le cas des syndicats, comme le client qui se trouve derrière moi, les fonds de santé et de bien-être social ainsi que les cotisations collectives à un REER. Il n'y a pas que les salaires horaires qui soient dus aux employés, il y a toutes sortes d'autres choses.

La United Association, qui est le client représenté ici aujourd'hui, gère des régimes de pension et de prestations à employeurs multiples. Ces régimes sont tous des régimes auxquels l'employeur est obligé de cotiser. Si un employeur se déclare en faillite et qu'il doit de l'argent à ces fonds, le problème — et cela vaut pour les employés syndiqués comme non syndiqués — c'est que l'actuelle définition des « salaires » est vague et insuffisamment probante. Cette définition devrait être élargie afin qu'elle précise très clairement qu'elle comprend toutes les cotisations en matière de santé et de bien-être, de REER collectifs, ainsi que les payes de vacances — qui sont autant de composantes d'un contrat d'emploi. Comme vous le savez, un contrat d'emploi ne comprend pas que le salaire, il comprend bien des choses en somme. Cette définition est donc insuffisante.

Je soutiens personnellement que cette définition donnera lieu à des litiges et à des différends sur la signification exacte des « autres rémunérations ». Il vous est loisible ici de rendre cette définition plus claire comme il convient. C'est cela qu'il faut faire.

L'exclusion de l'indemnité de départ et de cessation d'emploi intéresse nos clients syndiqués. En ma qualité d'avocat ayant représenté des milliers d'employés remerciés, je sais pertinemment que l'indemnité de départ ou de cessation d'emploi est de loin le plus gros montant que l'employeur leur doit. Pour bien comprendre de quoi il s'agit, faisons un petit retour en arrière, parlons un peu de ce qu'est un emploi et de ce qu'est une compagnie active. En Ontario, la loi est claire : un employeur peut remercier un employé sur préavis ou pour un motif valable, mais le motif valable n'intervient pas dans notre discussion. Le mot préavis veut dire que la loi exige de l'employeur qu'il avertisse suffisamment à l'avance un employé avant de le licencier. La Cour suprême du Canada a déjà rendu de nombreux jugements sur l'importance qu'il y a pour un employeur de traiter ses employés avec dignité et de façon convenable lorsque ceux-ci sont remerciés, et également au sujet de la nécessité pour l'employeur de donner un préavis suffisant. Ce préavis est indispensable afin que l'employé puisse retomber sur ses pieds et retrouver un autre travail. Et il est particulièrement essentiel pour les employés dont le revenu est faible.

Déjà, dans une compagnie en activité, il est difficile pour un employé d'accepter un avis de cessation d'emploi, mais c'est encore plus difficile lorsque son employeur est en faillite, que la compagnie a fermé ses portes et donc que l'employé risque de ne jamais voir la couleur de son indemnité de cessation d'emploi. Ce genre de situation se produit souvent au Canada, il suffit de penser à Eaton, à Dylex et à Irwin Toy. Personnellement, j'ai vu de mes yeux des employés blêmes et en état de choc venir nous consulter. La situation est désastreuse. Un beau lundi, on leur dit que tout va bien mais le vendredi, ils apprennent que la compagnie est en faillite et qu'ils doivent récupérer leurs affaires. Pour un salarié gagne-petit, cela équivaut à une catastrophe.

En général, les salaires dus aux employés ne représentent pas beaucoup. En effet, les compagnies payent leurs salariés pratiquement jusqu'au moment où elles tombent en faillite. Si les salaires cessent d'être payés, les salariés ne viennent plus au travail parce qu'ils ne peuvent pas se permettre de travailler gratuitement. Inversement, un employeur qui aurait des problèmes financiers veut continuer à pouvoir payer ses salariés afin de pouvoir continuer à fonctionner aussi longtemps que possible, pour pouvoir encaisser ses comptes à recevoir et faire le ménage. Il méconnaît l'indemnité de départ ou de cessation d'emploi. Dans les dossiers sur lesquels j'ai travaillé, les salaires représentaient toujours des sommes infimes et, parfois même, il n'y avait aucun arriéré de salaire. Le programme qui obtient d'excellents résultats lorsqu'il s'agit de percevoir les salaires, ne sera pourtant d'aucun secours pour ces salariés. Peut-être le sera-t-il en ce qui concerne l'indemnité de vacances, qui est une somme modeste due par l'employeur à son salarié. Par contre, l'indemnité de départ payée à défaut de préavis est, de loin, la créance la plus importance du salarié. Cela peut se chiffrer à plusieurs millions de dollars. Dans le cas de Eaton et de Dylex, c'était des sommes énormes. Les salariés ont besoin de cet argent pour se trouver du travail.

Exclure l'indemnité de départ aura pour effet d'amoindrir considérablement l'efficacité du Programme pour la protection des salariés parce qu'il s'agit de gros montants. Qu'il s'agisse de prévoir la totalité de l'indemnité de départ ou 50 p. 100 seulement, c'est une question qui mérite d'être discutée. Mais si on l'exclue totalement, on amoindrira considérablement le programme et je ne veux pas que cela se produise. Je ne veux pas que des salariés puissent dire que le PPS ne fait rien pour eux. Cela semble bien beau sur le papier, mais cela ne leur est d'aucune utilité. Je suis ici aujourd'hui pour appeler l'attention du comité sur cette question, pour autant que ça en vaille la peine.

Le président : Cela termine-t-il votre déclaration préliminaire?

M. Hatnay : Oui.

Le président : Excellent, monsieur, vous étiez tout à fait clair.

Le sénateur Harb : Les témoins que nous avons déjà entendus ont également parlé du problème des REER, mais l'ont évoqué du point de vue du consommateur et je suis heureux que vous en parliez vous du point de vue de la compagnie.

À votre avis, il faut que la réglementation ou la loi soit suffisamment rigoureuse pour dissuader l'employeur de faire quoi que ce soit avec cet argent qui, en somme, revient aux salariés. Vous nous dites que nous devrions mettre quelque chose noir sur blanc comme quoi les compagnies en activité qui cotisent à un régime de pensions pour leurs employés, par exemple, doivent inclure ces cotisations dans les sommes à payer au salarié à son départ. Il faut préciser clairement que ces cotisations n'appartiennent pas à l'employeur. C'est le genre de chose qui vaut pour les RPE et les REER, puisque cela fait partie du contrat de travail du salarié. Par conséquent, il faut d'une façon ou d'une autre que ces cotisations soient mises en réserve, par exemple dans un fonds administré en fiducie par un conseil d'administration ou dans tout autre vecteur, afin de les protéger. Vous me dites que la loi actuelle est insuffisante à cet égard, n'est-ce pas?

M. Hatnay : Vous venez de dire quelque chose beaucoup mieux que moi. Dire que l'employeur doit mettre en réserve l'argent qu'il doit à ses salariés au titre des cotisations à un REER collectif, à un RPE, d'un régime de santé et de bien- être, des salaires ou autres, c'est une excellente solution.

Le président : Toutefois, en réalité n'est-ce pas déjà ce qui se passe étant donné que les administrateurs sont personnellement responsables de cet argent? Mon expérience personnelle, toute indirecte soit-elle, me dit que les conseils d'administration suivent l'évolution de la situation et, à titre préventif, font précisément ce que suggère le sénateur Harb. Ils mettent en réserve les sommes nécessaires étant donné leur responsabilité personnelle. Est-ce bien cela que vous avez pu constater?

M. Hatnay : D'après ce que j'ai pu voir moi-même, c'est exceptionnel. Il arrive effectivement que des entreprises procèdent de cette façon. On parlerait ici d'une compagnie prudente et qui a les intérêts de ses salariés à cœur. Je ne veux pas dire pour autant que les autres soient malfaisantes, mais lorsqu'une compagnie est aux portes de l'insolvabilité, lorsqu'elle est en crise, sa direction a probablement des préoccupations plus pressantes que les indemnités de cessation d'emploi des salariés. Peut-être, étant donné qu'elle est ainsi distraite, agira-t-elle contrairement à l'éthique. Mais d'après ce que j'ai pu constater moi-même, il est rare qu'une compagnie mette de l'argent en réserve pour payer les indemnités de départ des employés.

Le président : Sénateur Harb, vous me pardonnerez pour cette interruption, mais les compagnies cotées en Bourse ont des administrateurs qui sont parfaitement conscients de leur responsabilité individuelle, comme d'ailleurs c'est le cas dans d'autres compagnies privées dirigées par des cadres. Vouliez-vous davantage parler de ces dernières?

M. Hatnay : Non, je parle de toutes les catégories de compagnies, d'un bout à l'autre du spectre.

Le sénateur Harb : Vous pensez par conséquent de la façon suivante : en toute justice, si le salarié doit s'acquitter de ses obligations et honorer son contrat en travaillant et en faisant ce qu'on exige de lui, l'employeur, à partir de maintenant, devrait avoir pour règle claire qu'il doit lui aussi honorer un engagement, un engagement qui comprend sa quote-part au régime de pensions, au REER et ainsi de suite. Toutefois, une fois qu'il a payé sa part, il faut que cet argent échappe totalement à son contrôle. La loi devrait lui interdire de toucher à cet argent.

M. Hatnay : Cette solution me semble excellente.

Le sénateur Harb : Tout à fait logique.

M. Hatnay : Vous évoquez la possibilité de verser de l'argent dans une fiducie. La loi sur les pensions de chaque province du Canada prévoit une protection à l'intention des employés dans le cas de cotisations non versées au titre des pensions de retraite. Cette protection s'appelle une fiducie réputée.

Ça se passe comme suit : la province stipule que tout montant que doit verser un employeur dans un fonds de pension mais qui n'a pas été payé est réputé avoir été versé dans une fiducie. C'est exactement ce que vous dites, et je crois que l'idée est bonne.

Les provinces accordent cette protection pour séparer les fonds, même si la société en question n'a pas créé de fonds distincts, les fonds sont réputés être distincts. La Cour suprême du Canada a statué qu'une fiducie réputée ne s'applique pas aux cas de faillite. La décision de la cour indique que les provinces ne peuvent modifier les priorités contenues dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité fédérale au moyen d'une loi provinciale. Il incombe donc au Parlement, y compris les sénateurs, de se pencher sur la question.

Dans le cas d'Ivaco, la société sidérurgique québécoise, le concept d'une fiducie réputée a été rejeté par le juge siégeant en faillite de la cour de première instance. Les plaignants ont interjeté appel, et la Cour d'appel a encore une fois rejeté le concept de la fiducie réputée. La Cour suprême devait entendre l'affaire, mais les parties ont conclu un règlement. La question aurait fait l'objet d'un litige.

La fiducie réputée en cause avait été proposée en vertu de la LACC. Il ne s'agissait pas d'une faillite. Toutefois, la loi actuelle stipule que les fiducies réputées constituées en vertu d'une loi provinciale n'ont aucune incidence en cas de faillite.

Votre idée est excellente mais elle exige une modification de la loi fédérale.

Le sénateur Harb : Nous en prenons note et nous allons y réfléchir.

J'aimerais maintenant vous parler d'un cas, il s'agit de quelqu'un qui a travaillé pour une entreprise pendant 10 ans et qui a droit à un mois de rémunération pour chaque année de service, jusqu'à concurrence d'un certain nombre d'années. Je crois qu'il est important que ce montant aussi soit mis en réserve dans le cadre de la fiducie, afin que l'employé ne se retrouve pas dans une situation comme celle que vous avez décrite, c'est-à-dire qu'une entreprise ferme ses portes et laisse pour compte tous ses employés.

Vous êtes du même avis que moi : ces montants devraient en faire partie.

Au fond, les indemnités de départ sont prévues dans le contrat. L'employeur respecte les clauses du contrat sauf quand il n'en a pas les moyens. L'employeur respecte normalement les termes du contrat car si les employés s'acquittent de leurs responsabilités, l'employeur doit le faire également.

M. Hatnay : Je suis d'accord. Votre position est également excellente. Cela aiderait beaucoup les employés si une société mettait de l'argent de côté pour pouvoir payer les indemnités de départ.

Le sénateur Harb : Une telle exigence éliminerait la possibilité qu'un employeur n'embauche que des contractuels afin d'éviter ce genre de problème.

M. Hatnay : Il y a toujours le risque de manipulation.

Le sénateur Massicotte : Chaque fois que l'on tente d'améliorer le statut de quelqu'un, on nuit forcément à un autre. Il s'agit d'un tiraillement constant pour s'approprier sa part de ressources insuffisantes.

Dans deux de vos recommandations, vous proposez d'accorder davantage d'importance soit aux indemnités de départ ou à des paiements spéciaux qui seraient prélevés sur un fonds de pension.

Avons-nous des chiffres? Quels sont les paiements qui sont encore plus prioritaires? Avons-nous des chiffres généraux qui nous indiquent que tel pourcentage est destiné aux créanciers, tel autre aux créanciers ordinaires, et un autre encore aux créanciers privilégiés.

M. Hatnay : Je n'ai pas de chiffres à vous fournir mais, en règle générale, le système fonctionne comme suit : l'article 136 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité prévoit un ordre de priorité. Tout d'abord, il y a les réclamations des créanciers garantis. Ensuite, réclamations préférentiels et ordinaires des employés, jusqu'à concurrence de 2 000 $ de salaire. Le reste de l'argent va aux créanciers ordinaires.

Le sénateur Massicotte : Pouvez-vous nous fournir des chiffres pour attester, par exemple, que dans les cas typiques, 90 p. 100 de l'argent est versé aux créanciers garantis, et ainsi de suite?

M. Hatnay : Je ne peux vous fournir de telles statistiques. Fort de mon expérience, je peux vous affirmer que dès qu'une société fait faillite, on pose tout d'abord ces deux questions : Qui est le créancier garanti? Quels sont les montants qui lui sont dus et quel est l'actif de la société? Le syndic ou le séquestre trouveront rapidement les réponses et seront prompts à dire : « Les créanciers ordinaires n'ont droit à rien. »

Le sénateur Massicotte : Dans la majorité des cas, les créanciers garantis sont des banques ou des institutions bénéficiant d'un genre de financement permanent?

M. Hatnay : C'est ça, ce sont des banques, des prêteurs, ainsi de suite.

Le sénateur Massicotte : Ce sont des institutions financières bien renseignées bénéficiant de dispositions spéciales.

Un témoin qui a comparu la semaine dernière avait une certaine expérience du droit international de la faillite, et bien qu'il ne nous ait pas fourni de modèle, il a dit que la plupart des lois en matière de faillite visaient principalement à s'assurer que les prêteurs garantis sont encouragés à aider et à prêter de l'argent. La croissance économique dépend largement des prêts. Une des priorités consiste donc à s'assurer que les prêteurs garantis sont protégés afin de les encourager à prêter de l'argent.

Y aurait-il des répercussions sur la position des prêteurs garantis?

M. Hatnay : Si un prêteur garanti était ici aujourd'hui, je suis sûr qu'il dirait qu'il ne faudrait pas le faire, parce qu'il serait obligé d'imposer des taux d'intérêt plus élevés ou encore de refuser d'accorder un prêt dans certains cas. Il y a toujours ce spectre d'un prêteur qui se plaint de devoir accorder la priorité aux employés parce que cela aura une incidence sur son chiffre d'affaires.

J'aimerais également vous faire part d'une observation générale, soit que les sociétés n'empruntent pas seulement de l'argent aux banques. Il existe toute une gamme de prêteurs spécialisés dans le domaine des prêts en difficulté ainsi que d'autres prêteurs qui sont tous des entités financières très sophistiquées. Dans la plupart des cas, ces entités sont en mesure de générer des profits.

C'est une erreur de dire que si vous accordez la priorité aux employés à qui l'on doit des indemnités de départ, ou si vos leur garantissez leurs créances, on ne prêtera pas d'argent à une entreprise.

Je ne souscris pas à cet argument.

Le sénateur Massicotte : Avez-vous déjà présenté des demandes de prêts bancaires ou négocié des prêts?

M. Hatnay : Moi? Non, je n'ai contracté que des prêts personnels.

Voici une analogie. Vous savez peut-être qu'il existe des prêteurs qui prêtent de l'argent aux débiteurs en possession de leurs biens. Ce genre de prêteur est prêt à accorder des crédits même si l'entreprise est insolvable, toutefois, le prêteur veut avoir la priorité sur tous les autres créanciers et imposera des taux d'intérêt élevés.

Les tribunaux de l'Ontario, et c'est le cas maintenant dans tout le pays, accordent la priorité à ces prêteurs. Ces tribunaux ont trouvé une solution permettant de protéger le prêteur qui accorde des crédits aux débiteurs en possession de leurs biens. Cette protection sera prévue dans le projet de loi.

Il s'agit d'une approche novatrice, en ce sens que les tribunaux facilitent ce genre de prêts qui existent dans la pratique. Les entreprises et les prêteurs continueront d'exister, même dans des cas d'insolvabilité, et les prêteurs poursuivront leurs activités. Ces prêteurs ne refuseront pas d'accorder des crédits et ne renonceront pas à des profits.

On se préoccupe toujours de la perception. Si les attitudes sont suffisamment négatives, les gens seront convaincus que ça ne marchera pas. Je trouve cet argument difficile à accepter. Si une entreprise a une base financière adéquate, et si un prêteur compétent est présent et peut trouver une solution pour rentabiliser l'entreprise, ensemble ils trouveront le moyen de réaliser des bénéfices. Ce ne sera pas forcément aux dépends des employés. Je crois que l'on peut mettre en place des mesures qui aideront les employés sans décourager les prêts.

Le sénateur Massicotte : Mon observation est peut-être d'ordre personnel, soit.

Je respecte votre avis quant à l'absence de répercussions sur les prêts, mais au cours des six derniers mois, pratiquement chaque banque centrale du monde, dont la nôtre, a fait des déclarations faisant état de leur grande préoccupation quant à la situation actuelle et qu'il en résultera une contraction considérable du crédit. Il s'agit de centaines de milliards de dollars.

Nos banques canadiennes, ainsi que les banques américaines et anglaises, ont tenté d'accroître les liquidités. Actuellement, les prêts ont une structure verticale au Canada, mais on observe maintenant un renversement de la vapeur. Beaucoup s'inquiètent que notre pays ne souffre énormément du manque de liquidités.

Vous ne vous souciez pas de la position des créanciers garantis, mais bon nombre de personnes compétentes craignent qu'il n'y ait pas suffisamment de prêts. Dans un exposé hier, on nous a dit que le Canada est à court de 100 milliards de dollars.

Si vous pouviez nous fournir des renseignements — pas de ouï-dire mais des renseignements bien précis — sur les gagnants et les perdants, cela nous serait d'une grande utilité, car nous tentons de répartir l'argent.

M. Hatnay : Si vous voulez bien, je peux faire des recherches et vous fournir ces renseignements dans un document séparé. De telles études existent. Il s'agit d'études économiques complexes. Je les ai lues. Je ne me sens pas en mesure d'en discuter maintenant, mais je serai heureux de faire un suivi.

Le président : Nous vous saurons gré de bien vouloir envoyer ces renseignements au greffier. Cela nous sera très utile.

Le sénateur Eyton : Je vais poursuivre dans la même veine que le sénateur Massicotte et vous demander si le crédit est disponible, et quel en est le coût. Chacun de ces facteurs peut décourager les investissements et les emplois, ainsi de suite, c'est donc une préoccupation.

Vous nous avez fait trois suggestions précises. Pouvez-vous m'indiquer maintenant, ou alors faire suivre la réponse au comité plus tard, quel montant est déduit en vertu de ces dispositions de façon générale? L'actif d'une société ou une succession vaut tant. Compte tenu des dispositions, quelle en serait l'incidence? Est-ce qu'on enlève 10 p. 100, 15 p. 100 et encore 20 p. 100 de la caution disponible?

Il me semble que nous devons faire ce genre d'analyse avant de pouvoir décider si nous pouvons nous permettre d'adopter toutes ces mesures, eu ayant égard aux prêteurs en général. Je ne crois pas qu'il y ait une différence significative entre les banques et les autres prêteurs. Ils ont normalement la même approche, c'est-à-dire qu'ils souhaitent retirer des bénéfices, et si le risque est élevé, les intérêts le seront également, ou encore le prêt sera refusé.

M. Hatnay : Votre demande est semblable à celle du sénateur Massicotte. Je serais heureux de vous fournir la réponse dans un document supplémentaire. Je ne peux vous fournir de chiffres, mais j'effectuerai les recherches nécessaires. Je comprends que le législateur doit parvenir à un équilibre. Vous devez alimenter l'économie et entretenir un milieu propice au crédit.

Je suis ici pour vous rappeler qu'il ne faut pas oublier le pendant de la question, c'est-à-dire les employés. Je comprends votre dilemme, et je suis prêt à vous présenter d'autres mémoires si cela vous sera utile.

Le président : Merci, c'est très gentil. Cela nous sera très utile.

Le sénateur Goldstein : Monsieur Hatnay, nous vous remercions tous de votre exposé équilibré et fort intéressant. Merci.

Je voulais aborder de nombreuses questions, mais je me contenterai d'une, c'est-à-dire la super priorité que vous proposez, soit l'inclusion des indemnités de départ et de cessation d'emploi dans le programme de protection des salariés.

Vous vous souvenez que la responsabilité du directeur se limite aux salaires ou aux traitements offerts pour services rendus, selon le libellé des lois provinciales. Dans Schwartz c. Scott et Barrette c. Crabtree, la Cour suprême a stipulé que les indemnités de départ ne correspondaient pas aux services rendus mais bien aux services non rendus.

Si le programme de protection des salariés était modifié de façon à inclure les indemnités de départ ainsi que divers autres paiements qui ne correspondent pas aux services rendus, les droits de subrogation du gouvernement contre les administrateurs seraient limités parce que les lois provinciales prévoyant leurs responsabilités ne tiennent pas compte de cette définition élargie.

Êtes-vous d'accord pour dire que si nous devions inclure les indemnités de départ, et il se peut que nous prenions une telle décision, il faudrait alors modifier chaque loi provinciale afin de s'assurer que le gouvernement fédéral, et là il s'agit de moi, de vous, soit les contribuables, ne se trouve pas accablé de dettes énormes sans aucun recours?

M. Hatnay : En ce qui concerne votre première observation, j'ai travaillé sur quelques causes touchant à la responsabilité des administrateurs. La jurisprudence est bien fournie. Elle indique que les administrateurs peuvent être tenus de payer les indemnités de départ et de cessation d'emploi.

Nous ne sommes pas ici pour nous lancer dans un débat juridique ni faire état de diverses causes, mais je vous parle de décisions rendues par la Cour suprême du Canada, notamment celle du juge Iacobucci, qui a défini les indemnités de départ et de cessation d'emploi. C'est simplement une indemnité de préavis. C'est quoi un préavis? Si l'employé est congédié après un mois, mais l'employeur ne veut pas voir l'employé sur les lieux de travail pendant un mois, l'employé reçoit une indemnité de préavis.

Selon le juge Iacobucci cette indemnité correspond à un salaire, ni plus ni moins. L'employeur peut choisir de faire travailler l'employé pendant tout le mois, afin que celui-ci fasse son travail et fournisse des services, ou bien l'employeur peut demander à l'employé de quitter les lieux immédiatement, et bon nombre d'employeurs choisissent cette deuxième solution.

Sauf tout le respect que je vous dois, je ne suis pas forcément d'accord pour dire que la responsabilité de l'administrateur ne comprend pas les indemnités de départ et de cessation d'emploi. C'était ma première observation.

Je ne pense pas comme vous qu'il y aurait nécessairement un problème si nous modifiions le programme de protection des salariés afin d'inclure les indemnités de départ et de cessation d'emploi. La définition d'un salaire peut être modifiée de façon à inclure ces indemnités. Cela voudrait dire que le programme de protection des salariés débourserait davantage d'argent, bien sûr il s'agirait de ressources fédérales, mais on pourrait rédiger la disposition de manière à ce qu'elle ne soit pas trop onéreuse pour le contribuable canadien. On pourrait envisager, par exemple, que le programme assurerait 50 p. 100 des indemnités de départ et de cessation d'emploi, ou encore 30 p. 100 ou une autre formule. Ce serait assurément mieux que ce que reçoivent les employés actuellement, c'est-à-dire rien.

Le sénateur Goldstein : Vous n'y voyez pas un problème constitutionnel?

M. Hatnay : Non.

Le sénateur Goldstein : Vous avez fait valoir, avec raison d'ailleurs que le système est lacunaire parce que les sociétés qui ne font pas faillite et ne sont pas mises sous séquestre se trouvent néanmoins à devoir congédier des employés, que ce soit directement ou indirectement, et que ces employés ne sont pas admissibles au programme de protection des salariés, ce qui était votre argument initial.

Ne convenez-vous pas qu'il s'agit également d'une question constitutionnelle? Le programme de protection des salariés est un programme fédéral portant sur l'insolvabilité, et si nous ne traitons pas l'insolvabilité, alors le gouvernement fédéral n'a pas d'affaire à s'aventurer dans le domaine des garanties de salaire, en l'absence de faillite ou de mise sous séquestre.

Où voyez-vous la compétence du gouvernement fédéral dans un domaine qui par ailleurs relève clairement des provinces?

Je conviens qu'il y a une lacune et que nous devrions tenter de la combler. Mais comment? Ce qui est plus important à déterminer encore, dans les circonstances, est-ce le gouvernement du Canada ou les gouvernements provinciaux qui devraient intervenir?

M. Hatnay : Puisque le Programme de protection des salariés a été proposé par le gouvernement fédéral, ce devrait être le gouvernement fédéral.

Le sénateur Goldstein : Mais il s'agit du domaine de la faillite.

M. Hatnay : C'est vrai ce que vous dites. Toutefois, je retourne la question pour considérer le problème.

Le problème, c'est qu'une société ferme ses portes et congédie tous ses employés. La société dit qu'elle ne fait pas faillite et n'a pas été mise sous séquestre, elle ferme tout simplement ses portes. Dans l'exemple que je vous ai donné, la société-mère a fait faillite aux États-Unis. La société a des bureaux partout au monde et elle ferme son bureau de Toronto.

Dans ce cas, on pourrait modifier la loi de façon à ce que, si une société ferme ses portes et une de ses filiales ou sa maison-mère fait faillite, le Programme de protection des salariés s'appliquerait.

Je crois que le gouvernement fédéral a les pouvoirs nécessaires pour prévoir un programme qui s'appliquerait en pareils cas.

Je n'y vois pas de problème constitutionnel pour seul motif que le gouvernement agit dans le domaine de la faillite et de l'insolvabilité.

Le sénateur Goldstein : Pourrait-on résoudre le problème en demandant aux employés de déposer une requête de mise en faillite?

M. Hatnay : La compagnie tomberait alors en faillite, et le Programme de protection des salariés s'appliquerait immédiatement.

Le sénateur Goldstein : Donc, ce n'est pas un problème.

M. Hatnay : Au contraire, il s'agit d'un problème pratique énorme. La question a été soulevée en l'occurrence. Vous en souvenez-vous : les employés qui sont congédiés songent avant tout à payer leur loyer ou leur hypothèque et ne pensent pas à retenir les services d'un avocat qui déposera une requête de mise en faillite. Ces employés ne songent pas à mettre leur employeur en faillite pour recouvrer quelques milliers de dollars aux termes du Programme de protection des salariés. Cette solution ne fonctionnera pas sur le plan pratique.

Je vous encourage à penser à des solutions qui correspondent à l'aspect pratique de la situation. Je me ferais un plaisir de vous aider. Toutefois, je ne crois pas qu'une requête de mise en faillite donnerait des résultats.

Le président : Monsieur Hatnay, j'aimerais tout d'abord vous remercier au nom de tout le comité de votre exposé clair ainsi que de votre aide et de votre coopération. Nous attendons les renseignements que vous nous avez promis. Si j'ai bien compris, vous serez prêt à répondre à nos questions lorsque nous rédigerons notre rapport.

Je souhaite la bienvenue à nos nouveaux témoins. Je vous souhaite une joyeuse Saint-Valentin. J'aimerais vous remercier du beau valentin que vous nous avez envoyé par le biais du Globe and Mail de ce matin. Nous avons bien pensé à l'Université de Toronto ce matin lorsque nous déjeunions. Nous accueillons M. Jacob S. Ziegel, professeur émérite de l'Université de Toronto ainsi que son collègue, M. Anthony Duggan, également professeur à l'Université de Toronto.

Vous connaissez déjà notre comité. Vous êtes déjà venu comparaître le 18 décembre et encore le 4 janvier.

J'espère qu'avec le temps, vous comprendrez que vous avez écrit votre premier article sans consulter les observations contenues dans notre rapport portant sur le projet de loi C-12, qui répondaient à vos préoccupations. Nous nous sommes offusqués de certaines critiques publiques nous accusant de ne pas être en possession de tous nos moyens.

Nous prenons notre travail au sérieux. Nous tentons d'effectuer une étude exhaustive des mérites ainsi que des inconvénients de cette mesure. De plus, nous tentons d'aider le gouvernement dans un domaine complexe alors qu'il tente de grouper des mesures touchant au domaine social et des éléments tels que le Programme de protection des salariés et la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Les décideurs politiques ont leurs motifs et ces motifs remontent à plusieurs années déjà, comme vous le savez.

En ce qui concerne notre comité, de la législature en cours, nous examinons les mesures qui nous sont soumises et nous le faisons avec sérieux. Nous ne nous soustrayons absolument pas à nos devoirs de surveillance ou d'examen.

Monsieur Ziegel, je sais que dans votre for intérieur vous le savez très bien, tout comme vous, monsieur Duggan.

Cela étant dit, nous sommes ravis de votre présence et nous sommes également ravis que vous suiviez l'évolution de cette mesure législative. Nous sommes heureux que vous partagiez avec le souhait de le faire comme il se doit.

Jacob S. Ziegel, professeur émérite, Université de Toronto, à titre personnel : M. Duggan et moi-même sommes heureux de comparaître devant le comité aujourd'hui pour présenter nos avis sur les chapitres 47 et 12 des Lois du Canada, ainsi que les avis de sept autres professeurs de droit de cinq écoles de droit du Canada.

Exception faite de l'un d'entre nous, nous enseignons, ou avons déjà enseigné, le droit canadien de la faillite aux étudiants de premier cycle et de deuxième et troisième cycles ainsi qu'aux avocats. Tous sauf un participent activement à la recherche et à la rédaction d'articles sur le droit de l'insolvabilité, et bon nombre d'entre nous le font depuis des années.

L'année dernière, la professeure agrégée Stephanie Ben-Ishai, de la Osgoode Hall Law School, qui fait partie de notre groupe, et M. Duggan ont publié chez Nexus un recueil révisé de 15 documents d'analyse portant sur divers aspects du chapitre 47, avec la participation de bon nombre de membres de notre groupe. Ces articles expriment en plus amples détails les préoccupations dont nous faisons part dans le mémoire présenté au comité.

J'aimerais souligner l'importance des affirmations suivantes : il serait erroné de décrire le chapitre 47 et le chapitre 12, ainsi que les lois modifiées, comme étant des lois cadres. Ce terme a été utilisé par votre comité entre autres. Pour la plupart, les modifications aux lois existantes et au programme de protection des salariés renferment des dispositions détaillées et extrêmement techniques conjuguées aux directives, règles régissant la faillite et formules prescrites de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. La législation sur la faillite du Canada sera bientôt aussi complexe et détaillée que le Code de la faillite des États-Unis. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous recommandons une refonte complète de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. La loi n'a pas été révisée depuis 1949. Cette révision s'impose pour que la loi soit plus cohérente et facile à comprendre, pour permettre la suppression de dispositions désuètes et on pourra également éliminer les nombreux dédoublements dans la loi et entre la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.

Contrairement à ce que pense l'un des sénateurs, nous ne visons pas la perfection dans nos mémoires. En fait, nous indiquons clairement aux pages 6 et 7 que nous appuyons les principes de la loi. Là où nous ne sommes pas d'accord sur certaines modifications, c'est parce que nous estimons qu'elles s'appuient sur des suppositions erronées, proposent les mauvaises solutions ou encore comportent des ambiguïtés importantes ou d'autres lacunes liées à la rédaction.

Vous trouverez un sommaire de nos avis à l'égard des dispositions du chapitre 47 et du chapitre 12 dans nos recommandations à la page 7 et à la page 11 du mémoire. Nos avis ont été rendus publics lorsque nous avons présenté un mémoire au comité de l'industrie de la Chambre des communes en octobre 2005. Nos mémoires portent sur tous les éléments clés des modifications à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies ainsi que sur les aspects liés au commerce et aux consommateurs de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Nous soulevons également une question importante qui a suscité très peu d'intérêt, soit la pertinence de financer le nouveau programme de protection des salariés à partir du Trésor.

Nos principales préoccupations sont les suivantes : le manque de transparence dans les projets de loi qui constituent les chapitres 47 et 12; l'absence de documents consultatifs pour obtenir l'avis du public sur les avant-projets de loi; l'absence de documents après le dépôt des projets de loi au Parlement pour expliquer les raisons des modifications. Nous sommes d'avis que le Canada aurait intérêt à s'inspirer des pratiques législatives exemplaires de la Grande- Bretagne.

Nous nous inquiétons également du fait qu'au moins une des modifications apportées au chapitre 47 et adoptées dans le projet de loi C-12 découle des pressions économiques et politiques exercées en coulisse. Ces modifications représentent des changements apportés à l'article 67 de la LFI en ce qui a trait au traitement des REER et FERR dans les cas de faillite. Les propositions originales du C-47 ont été adoptées après de longues discussions par le Groupe de travail sur l'insolvabilité personnelle dont je faisais partie, et ces propositions représentaient une solution de compromis. Ces solutions étaient reflétées dans le projet de loi C-47. À notre avis, il est regrettable que le gouvernement fédéral ait cédé devant les pressions exercées par certaines parties. Les modifications proposées n'ont pas fait l'objet de discussions à la Chambre des communes, n'ont pas été étudiées par un comité de la Chambre des communes, et ont été adoptées sans que les parties intéressées aient l'occasion d'intervenir pour proposer que les dispositions du projet de loi C-47 soient maintenues.

Mon collègue, M. Duggan, vous parlera maintenant de nos préoccupations quant au dédoublement de nombreuses dispositions de la LFI et de la LACC, de l'incompatibilité quant au traitement des questions particulières dans les dispositions de la LFI, et des problèmes associés au concept et au fonctionnement du traitement des opérations annulables et des transactions sous-évaluées tels que proposés dans les amendements à la LFI.

Puis, si le comité me le permet, j'aimerais prendre quelques minutes pour vous parler de ce qui est à mon avis l'iniquité et le caractère peu judicieux d'importantes modifications proposées aux dispositions sur l'insolvabilité des consommateurs dans la LFI, et du fait que les amendements proposés ne visent aucunement à réduire le nombre élevé de cas d'insolvabilité de consommateurs au Canada.

Le président : Merci, monsieur Ziegel. Votre exposé a été présenté, comme d'habitude, avec beaucoup de clarté, de concision et il était fort intéressant.

Je sais que vous comprendrez pourquoi je fais le commentaire suivant. Le rôle de notre comité, lorsque nous passons en revue des mesures législatives, n'est pas d'entamer un dialogue avec le gouvernement quant au caractère judicieux, s'il en est, de ses politiques publiques dont il s'inspire pour adopter ces mesures législatives, mais plutôt de déterminer si la loi, telle que libellée, permet de concrétiser ses politiques, des politiques avec lesquelles nous, les sénateurs, ou les témoins, ne sommes pas nécessairement d'accord. Cependant, nous avons pris note de vos commentaires sur le programme de protection des salariés. Ces propositions étaient tout à fait inattendues. Ce programme a été appuyé par plusieurs gouvernements successifs, car il visait à faire disparaître toute possibilité de partisannerie. Le projet de loi original, le C-55, prévoyait des dispositions pour la création de ce programme et on l'on a adopté à la hâte lorsque le Parti libéral était au pouvoir; ces dispositions avaient été maintenues par les gouvernements successifs jusqu'au gouvernement actuel. C'est la politique du gouvernement, que ce dernier ait consulté le public ou non. Je suppose que vous avez trouvé votre forum dans les médias nationaux. La tâche du comité est de s'assurer que tout au moins la politique est concrétisée clairement dans les mesures législatives.

M. Anthony Duggan, professeur, Université de Toronto, à titre personnel : J'aimerais apporter une petite précision si vous me le permettez. J'aimerais signaler que l'article publié dans le Globe Mail a été rédigé exclusivement par M. Ziegel. Il ne s'agissait pas du résultat d'une collaboration entre M. Ziegel et moi-même. En fait je n'ai été au courant de ces articles qu'après leur publication — probablement après que vous n'ayez appris leur existence. J'ai eu l'article publié aujourd'hui dans l'avion qui m'amenait à Ottawa. Je ne suis pas nécessairement en désaccord avec ce que dit M. Ziegel, mais si je n'avais rien dit, on aurait conclu que j'en étais le co-auteur. Je ne veux en prendre ni le crédit ni le blâme.

Le président : Les deux premiers articles ont été publiés dans le National Post, les 18 décembre et 4 janvier, et un autre a été publié aujourd'hui dans le Globe and Mail.

M. Duggan : Je n'en connais même pas les détails.

Notre mémoire porte sur diverses questions et présente nombre de détails. Clairement, il nous est impossible de vous parler de tout ce que vous pouvez y trouver. Si le comité me le permet, je vais simplement lui mentionner quelques points saillants. J'aimerais dire quelques mots sur les dispositions portant sur les dons, les opérations et les traitements préférentiels; puis quelques mots sur les dispositions touchant les contrats exécutoires et enfin j'aimerais vous parler de la rédaction.

Dans son rapport de 2003, votre comité avait recommandé de créer un système uniforme dans l'ensemble du Canada concernant les traitements préférentiels, les dons et les opérations sous-évaluées. En d'autres termes, les dispositions de la LFI touchant les traitements préférentiels, les dons et les opérations devraient s'appliquer aux cas de faillite, et avoir préséance sur les lois provinciales.

Cependant, les nouvelles réformes ne tiennent pas compte de cette recommandation. Nous savons que la Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada se penche actuellement sur les lois provinciales et, si tout va bien, en viendra, à la fin de son étude, à la même conclusion que le comité en 2003.

Je suis d'ailleurs d'accord avec la recommandation formulée par le comité. Je crois qu'il faudrait mettre en œuvre ce cadre national. Cependant, il serait bon de rappeler que si le Canada décidait de mettre sur pied un système uniforme, il faudrait prévoir dans la LFI une nouvelle disposition pour les cas où le débiteur offre un don ou fait une opération sous-évaluée, et où il y a en fait activité frauduleuse de la part du débiteur.

En principe, s'il y a en fait fraude, les syndics devraient être en mesure de contester cette opération, peu importe si elle a été faite longtemps avant la déclaration de faillite. Dans son libellé actuel, la loi précise que le syndic peut contester l'opération en intentant des poursuites conformément aux lois provinciales. Cependant, si les lois provinciales ne s'appliquent plus aux faillites, ce que nous recommandons, il faudra prévoir des dispositions en ce sens dans la LFI.

Dans notre mémoire, nous apportons quelques précisions quant à ces dispositions, mais il s'agit de précisions plutôt techniques. Nous voulions simplement vous signaler l'importance d'ajouter cette disposition à la loi.

J'aimerais passer brièvement aux dispositions sur les contrats exécutoires. Il s'agit d'une intervention légèrement technique, je vous saurais gré d'être patients, parce que cela m'amènera à la rédaction de la loi.

J'aimerais tout d'abord signaler que la loi actuelle a été constituée au coup par coup, et que les nouvelles dispositions proposées représentent une nette amélioration. Même s'il s'agit d'un pas dans la bonne direction, il demeure des lacunes, un certain manque de cohérence et des problèmes au niveau de la rédaction. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.

Tout d'abord, il n'existe aucune disposition portant sur les clauses de non-responsabilité, ou les résiliations, dans les procédures de faillite. Ainsi, les lois provinciales continueront de s'appliquer, comme c'est le cas actuellement, pour les ententes entre propriétaires et locataires, alors que pour les autres types de contrats, ce sont les règles du droit commun qui s'appliqueront. Nous ne comprenons pas pourquoi on fait cette distinction.

De plus, les règles régissant la résiliation de baux commerciaux proposées dans les modifications apportées à la LFI — l'actuel article 65.2 — ne sont pas identiques aux dispositions de résiliation pour les autres types de contrats, qui figurent à l'article 65.11 de la nouvelle version proposée de la LFI. Il y a donc une série de règlements pour les ententes entre propriétaires et locataires aux termes de la LFI, et une autre série de règles pour les autres types de contrats. Nous ne voyons pas pourquoi traiter les contrats de façon différente.

Troisièmement, le nouvel article 84.2 de la LFI porte exclusivement sur les procédures de faillite ordinaires, mais ces dispositions ne s'appliquent que dans les cas où le failli est une personne physique. Nous ne comprenons pas pourquoi. À notre avis, cette disposition devrait également s'appliquer si le failli est une entreprise. Il s'agit peut-être d'un oubli, ou cette distinction peut être délibérée; nous ne le savons vraiment pas.

Quatrièmement, dans la nouvelle version de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, à l'article 11.4, on prévoit des règles particulières pour les fournisseurs essentiels, alors qu'aucune disposition équivalente n'est pas prévue dans la LFI; nous ne comprenons pas pourquoi. S'il faut prévoir une nouvelle disposition pour les fournisseurs essentiels dans les procédures découlant de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, il faut certainement prévoir le même genre de dispositions dans les procédures visant les contrats commerciaux dans la LFI.

Tout cela m'amène à faire un commentaire un peu plus général sur la rédaction; en effet, nous sommes d'avis que la rédaction pourrait être améliorée. Par exemple, les dispositions sur les contrats exécutoires devraient être regroupées dans la même partie de la loi parce qu'elles sont fondées sur le même concept. Cependant, les dispositions sur la résiliation sont dans une partie; les dispositions ipso facto dans une autre; et enfin, les dispositions de la loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies sur les cessions figurent dans une autre partie.

Le simple fait que ces dispositions soient éparpillées dans la loi masque le lien conceptuel qui existe entre elles. Il se pourrait donc que le lecteur interprète mal ces dispositions. Il se peut également que les rédacteurs se trompent, parce que le lien conceptuel entre ces dispositions leur échappera; ainsi, ils ne font peut-être pas leur travail de façon aussi cohérente qu'ils le devraient.

De plus, et c'est peut-être encore plus important, il existe des dédoublements dans ces textes. Il y aura trois séries de dispositions distinctes — une qui s'applique aux cas de faillite simple auxquels s'applique la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, les propositions touchant la LFI et enfin les procédures découlant de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Il vaudrait mieux que l'on retrouve une seule série de propositions pour ces trois possibilités. Compte tenu du libellé actuel des propositions — et nombre de personnes s'en sont plaints — le lecteur doit retrouver trois séries distinctes de dispositions et les comparer pour savoir si elles prévoient les mêmes choses.

De plus, trois séries distinctes de dispositions forcent le rédacteur à vérifier sans cesse qu'elles correspondent bien et qu'il n'y a pas d'écarts non voulus entre ces dispositions. Le fait est qu'il existe actuellement plusieurs écarts que nous avons recensés dans le libellé actuel de ces propositions, ce qui prouve bien la validité et le bien-fondé de mon intervention.

Il ne s'agit pas simplement de mettre de l'ordre; il s'agit simplement de clarifier un point essentiel de la politique sur les faillites. Le choix du demandeur entre divers régimes d'insolvabilité lorsqu'il doit se demander s'il doit déclarer faillite, s'il doit avoir recours à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies ou la LFI — tout cela doit être fondé sur ce qui sera à l'avantage de tous les créanciers. La décision ne devrait pas être fondée sur le fait que les règles régissant les contrats exécutoires ou d'autres opérations sont à l'avantage du demandeur dans un régime plutôt que dans l'autre. En d'autres termes, les écarts entre les lois qui s'appliquent à divers régimes encouragent les intervenants à utiliser les lois de façon stratégique, et pas nécessairement dans le meilleur intérêt des créanciers.

Le problème au niveau des dédoublements ne se limite pas aux dispositions sur les contrats exécutoires. En fait, ce problème existe dans plusieurs autres dispositions du projet de loi — par exemple, les dispositions touchant la priorité accordée aux salariés, les dispositions touchant la priorité accordée aux cotisations aux régimes de pensions, les dispositions touchant la subordination des réclamations relatives aux capitaux propres et les dispositions sur les dettes envers la Couronne.

J'aimerais terminer en signalant qu'un régime uniforme de dispositions touchant les contrats exécutoires, les priorités et les choses du genre mènerait à l'intégration de la LFI et de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Tout cela nous ramène à la même vieille histoire; je dois encore une fois revenir à la charge.

Je sais que certains s'opposent à cette suggestion, mais je crains que tout le monde ne parle pas tout à fait de la même chose. Personnellement, je propose d'intégrer deux lois, et non pas d'éliminer le choix qu'offre la LACC.

Il serait parfaitement possible d'intégrer l'essentiel de la LACC, dans sa forme actuelle, à la LFI — par exemple, en faisant une nouvelle Partie III A ou peu importe. Ainsi, tout le monde aurait le même choix de régimes qu'actuellement et les procédures découlant de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies ne changeraient pas vraiment de forme.

Cependant, il ne serait plus nécessaire de répéter la même chose trois fois pour chaque régime. Les points communs, les conflits et les différences entre les trois régimes seront évidents. Je cède à nouveau la parole à M. Ziegel.

Le président : Je tiens à vous remercier de vos commentaires savants et réfléchis. Je sais que nous, comme le gouvernement et les responsables de la rédaction, sommes heureux de pouvoir entendre des gens comme vous qui connaissent si bien le domaine. Il me semble que tous vos commentaires étaient fort logiques.

M. Ziegel : J'aimerais d'abord rassurer les sénateurs et leur dire que ce qui a été publié dans le Globe and Mail ce matin était un document dont je suis le seul auteur. Je ne sais pas pourquoi on aurait pensé que cet article reflétait les opinions de mon collègue. Je tiens simplement à vous confirmer que j'assume toute responsabilité de ce qui a été publié dans le Globe and Mail.

Je suis clairement impatient d'entendre les questions que les sénateurs voudront bien nous poser. Cependant, j'aimerais m'attarder pour des raisons très importantes aux questions qui touchent les consommateurs.

Deux questions très importantes ont fait surface au cours des 25 dernières années dans les lois régissant les faillites au Canada. La première porte sur la restructuration des compagnies insolvables pour les aider à assainir leur gestion financière et à sauver des emplois. L'autre question, qui était aussi importante, est le problème de l'insolvabilité des consommateurs.

Ces problèmes n'ont cessé de prendre de l'ampleur ces 25 dernières années. Comme nous l'avons noté dans nos mémoires, et comme je l'ai répété dans mon article publié dans le Globe and Mail ce matin, nous sommes passés à un faible nombre dans les années 70 d'environ 3 000 cas d'insolvabilité des consommateurs à environ 100 000 cas par année de nos jours. Le Canada est un des pays occidentaux qui enregistre le plus important nombre de cas d'insolvabilité, nous en avons encore plus qu'aux États-Unis. Il y a certainement lieu de s'inquiéter de la situation.

Le problème n'est pas attribuable à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, mais c'est quand même un problème sur lequel la loi doit se pencher. Ce que j'ai essayé d'indiquer dans l'article publié dans le Globe and Mail et dans nos mémoires et que nous continuons à avoir l'impression fausse que les problèmes relèvent exclusivement du consommateur. Ainsi, on s'est toujours demandé que faire du consommateur? Comment améliorer l'éducation et le comportement du consommateur? Comment obtenir un revenu excédentaire du consommateur et quelles conditions doit-on imposer avant d'accorder une libération du failli? Nous ne disons pas que ces questions ne sont pas fondées, mais elles sont trop limitées. Il doit quand même y avoir une certaine équation. Le tango se danse à deux. L'autre partie importante quand on parle de l'insolvabilité des consommateurs, ce sont les créanciers. Ils offrent des crédits importants et créent des situations dans lesquelles il est très facile pour les consommateurs d'accumuler des dettes très importantes dont ils ne peuvent se sortir.

Nous exhortons le comité, dans ses délibérations, à tenir compte des responsabilités des créanciers qui doivent agir de façon beaucoup plus responsable. Nous n'avons pas essayé de présenter des propositions quant à la façon de procéder pour faire en sorte que les créanciers agissent de façon plus responsable. J'ai des suggestions personnelles, et si le temps le permet, je serai très heureux de vous en faire part.

J'aimerais m'attarder maintenant à quelques problèmes particuliers que nous avons mentionnés dans nos mémoires. Pour ce qui est de la prolongation de la libération automatique qui passerait d'une période de neuf mois à douze mois, il ne s'agit pas là, sénateurs, d'une question technique. À mon avis, il s'agit d'une question politique importante qui a des répercussions pratiques.

Les statistiques démontrent actuellement qu'au moins 5 p. 100 des consommateurs qui doivent verser des revenus excédentaires ne sont pas en mesure d'effectuer les paiements prévus dans la période initiale de neuf mois. Ainsi, ils sont tenus de faire des paiements plus longtemps, parfois pendant beaucoup plus longtemps. Ils n'ont donc pas accès à cette libération après neuf mois que la loi avait prévue pour eux.

Nous indiquons dans notre mémoire qu'en prolongeant la période de libération automatique, en la faisant passer de 9 à 21 mois, vous allez compliquer les problèmes énormément. Pour ce qui est des propositions touchant les consommateurs, nous savons qu'il existe déjà un taux élevé de délinquance, soit 35 p. 100 ou plus. Je crois qu'il est juste de dire qu'en faisant passer la période de libération automatique de 9 à 21 mois, le problème ne fera qu'empirer de façon proportionnelle.

Je crois que le gouvernement a eu tort d'accepter cette modification. Les auteurs de la proposition n'avaient pas bien réfléchi à la question. En fait cette proposition ne vient pas du gouvernement, d'un organisme social ou d'une étude indépendante. Elle a été formulée par les syndics qui craignaient d'être écrasés par le nombre de faillites des consommateurs. Ils avaient peut-être de très bonnes intentions. Cependant, puisque je connais un très grand nombre de syndics, je suis convaincu qu'ils n'avaient pas bien pensé à l'impact possible de cette modification à la période de libération automatique.

Je sais que votre comité a entendu divers témoins qui ont parlé des problèmes associés aux prêts aux étudiants. Je ne passerai pas en revue avec vous toutes les choses que vous avez déjà entendues. Cependant, j'aimerais faire deux commentaires.

Dans notre mémoire nous avons proposé qu'au lieu de laisser les registraires et les tribunaux essayer de composer avec les problèmes épineux de ce qu'on devrait faire des prêts aux étudiants en retard, le gouvernement devrait mettre sur pied un comité ou une commission indépendant d'allègement de la dette. Ce comité serait composé d'intervenants qui connaissent bien les facteurs économiques et les problèmes associés aux prêts aux étudiants, et les étudiants pourraient présenter une demande directement au comité afin d'obtenir un allègement de leurs dettes.

Mon autre commentaire, qui est en fait un peu plus de nature personnelle, est que les statistiques démontrent qu'un pourcentage important des prêts en retard n'est pas lié aux études universitaires ordinaires mais plutôt aux étudiants qui fréquentent des collèges de formation professionnelle privés. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux n'ont pas accordé suffisamment d'attention aux conseils que les étudiants devraient recevoir avant de demander ces prêts appuyés par le gouvernement fédéral.

Il n'est pas très efficace de se plaindre par la suite que les études de l'étudiant ne représentaient aucun avantage économique. L'étudiant n'était pas en mesure de trouver un emploi et donc n'est pas en mesure non plus de rembourser le prêt qu'on lui a offert. Je suis convaincu qu'il faudrait accorder beaucoup plus d'attention au premier volet de l'opération plutôt qu'attendre que les problèmes ne fassent surface.

Enfin, j'aimerais dire quelques mots sur le besoin d'adopter une nouvelle approche en ce qui a trait à l'insolvabilité des consommateurs. Tout d'abord, il faut rappeler qu'il faut absolument un plus grand nombre d'études empiriques. Le Bureau du surintendant des faillites a beaucoup accompli à cet égard, et ceux d'entre nous qui œuvrent dans le secteur lui en sont reconnaissants. Cependant, les ressources du Bureau du surintendant sont limitées. Il nous faudrait des ressources beaucoup plus importantes.

Nous n'avons toujours pas de statistiques de base à cet égard. Nous disposons de très peu de renseignements sur les cartes de crédit sauf que nous savons combien de gens ont des cartes de crédit et combien d'argent n'est pas payé sur les cartes de crédit. Nous en savons beaucoup moins sur la façon dont fonctionnent les cartes de crédit, les taux de délinquance et les choses du genre que les États-Unis. Nous sommes convaincus qu'il nous faut avoir beaucoup plus d'études empiriques que nous n'en avons actuellement.

J'ai noté avec intérêt l'autre jour que le Bureau de la concurrence dispose d'un budget de 47 millions de dollars. Je suis convaincu que le Bureau du surintendant des faillites dispose d'un montant beaucoup moins important. Peut-être votre comité pourrait-il prendre les mesures pour que le Bureau du surintendant des faillites dispose d'un peu plus d'argent, ce qui permettrait de procéder à des études empiriques, et demander que d'autres travaux de recherche soient effectués. Je crois que cela serait à l'avantage de l'ensemble de la société canadienne.

Nous avons également une remarque sur un terme qui est utilisé et que nous trouvons préoccupant. Nous continuons à stigmatiser ceux qui font faillite. Nous les qualifions de « faillis ». À l'époque victorienne, il n'y avait pas pire insulte que de dire de quelqu'un que c'était un failli. C'est un terme qui, à mon sens, est toujours utilisé de façon péjorative, même s'il n'a pas nécessairement une valeur dépréciative en soi.

J'estime que le moment est venu de modifier la terminologie. Ceux qui présentent une proposition de consommateur ne sont pas qualifiés de faillis, mais bien de débiteurs, ou de personnes insolvables. Nous estimons qu'il n'y a aucune raison d'établir une distinction entre les deux groupes de personnes. La seule différence essentielle entre les deux tient à leur capacité de rembourser. On ne fait que retourner le fer dans la plaie quand on qualifie les consommateurs à faible revenu de faillis tout simplement parce qu'ils ne sont pas en mesure de présenter une proposition de consommateurs. Il ne devrait pas en être ainsi à notre avis, et le terme devrait être changé.

Le sénateur Massicotte : J'ai lu votre mémoire. Vous avez parlé de prêts étudiants. Parlez-moi du déficit du régime de pensions. À quoi faut-il s'attendre, étant donné ce qui a été approuvé? Est-ce au régime de pensions qu'il faudrait accorder la priorité lorsqu'il y a un manque à gagner?

M. Ziegel : Nous n'abordons pas cette question dans notre mémoire.

Il s'agit d'une question difficile. Je ne suis pas sûr que le droit de la faillite soit l'instrument idéal pour la régler. À mon avis, des mesures devraient être prises bien avant que l'employeur arrive à ce stade. Si les régimes de pensions étaient bien surveillés, on devrait pouvoir tirer la sonnette d'alarme bien avant que l'entreprise ou l'employeur ne fasse faillite.

Je comprends, bien sûr, le raisonnement de ceux qui voudraient que les déficits et les fonds de pensions soient prioritaires dans la répartition des éléments d'actif disponibles, mais comme le font souvent remarquer les économistes, il y a un prix à payer pour cela. Lorsqu'un créancier en particulier a la priorité en cas de faillite, les prêteurs resserrent le crédit disponible, ce qui pourrait avoir des conséquences néfastes.

Nous sommes à la recherche d'une solution qui obligerait les employeurs à tenir à jour leurs cotisations au régime de pensions et qui feraient également en sorte qu'ils aient un accès convenable au crédit dont ils ont besoin. Si vous me demandez de vous dire comment cela pourrait se faire, je ne suis pas un spécialiste des fonds de pensions.

Le sénateur Massicotte : Comment devrions-nous traiter les conventions collectives? Il y a un amendement qui limiterait le droit d'un juge de rouvrir une convention collective ou de la démanteler. Il est à espérer que la structure soit ainsi faite qu'elle motive suffisamment le syndicat et l'employeur à trouver une solution. La structure est-elle suffisante pour amener les deux parties à s'entendre? La structure actuelle semble dicter que, quoi qu'il arrive, les conventions collectives doivent être respectées. Est-il dans l'intérêt du Canada de conserver cette disposition telle quelle?

M. Duggan : Il faudrait prévoir une solution de dernier recours qui permettrait aux tribunaux d'intervenir en cas de rupture des négociations. Je suis prêt à reconnaître que dans 90 p. 100 des cas ou je ne sais trop, les parties peuvent négocier une solution, mais j'estime qu'il faut prévoir la possibilité d'intervention dans les autres cas où les parties n'arrivent pas à négocier une solution; et il est important que cette possibilité soit prévue dès le départ. Il est important que les prêteurs éventuels aient une certaine assurance lorsqu'ils consentent un prêt que, si, dans le pire des scénarios, on n'arrivait pas à s'entendre sur le respect de la convention collective, un juge pourrait intervenir et dire : « Voici ce qui doit se produire ».

Le sénateur Massicotte : Je vois que, dans votre rapport, vous ne recommandez pas l'application de la loi type aux opérations internationales. Vous serez heureux d'apprendre que la proposition en ce sens n'a pas été retenue. Pourquoi êtes-vous contre la loi type?

M. Ziegel : Vous avez mal compris notre position. Nous appuyons fermement la loi type. Nous n'appuyons pas les modifications qu'apporte la version canadienne de la loi type de la CNUDCI. Ces modifications ont été adoptées sans justification. Certains amendements ont été apportés au projet de loi C-12, et nous pensons que c'est là une bonne chose, mais il reste des écarts par rapport à la loi type pour lesquels aucune raison n'est donnée. Notre position sur le sujet remonte à notre plainte initiale quant au manque de transparence dans la rédaction du projet de loi C-55 et du projet de loi C-12. Si les rédacteurs avaient dit « voici nos raisons », nous aurions peut-être pu à ce moment-là répondre à leurs arguments, pour dire si nous étions d'accord ou pas, mais nous ne connaissons pas les raisons.

Le sénateur Massicotte : La proposition n'a pas été retenue. Est-ce là une erreur vraiment grave?

M. Ziegel : Dans la mesure où l'uniformité se trouve compromise. L'idée de la loi type est d'assurer l'uniformité autant que possible entre les pays qui y souscrivent. On se trouve ainsi à créer un mauvais précédent, puisque chacun pourra y aller de ses modifications, que ce soit les États-Unis, le Royaume-Uni ou les différents pays de l'Union européenne. Nous nous retrouverions alors, non pas avec une loi type, mais bien avec un amalgame de dispositions législatives disparates, si bien que la situation pourrait n'être guère mieux qu'avant l'adoption de la loi type.

Le sénateur Massicotte : Nous conseilleriez-vous alors de revenir à la loi type?

M. Ziegel : Oui, essentiellement, ou, à tout le moins, j'aimerais connaître les raisons qui ont amené les rédacteurs à apporter des modifications à la loi type. Je ne connais pas leurs raisons.

Le sénateur Harb : J'espère que vous n'allez pas considérer mes remarques comme une attaque personnelle, mais certains éléments de votre mémoire de même que votre article d'aujourd'hui, au mieux, je qualifierais votre approche de staliniste et, au pire, je la qualifierais de marxiste-léniniste à cause de la façon dont vous abordez toute la question des créanciers et des investisseurs. D'après votre article et votre mémoire, vous semblez vous concentrer sur le fait que, dans une large mesure, nous devrions rejeter une plus grande partie du blâme sur les créanciers, si bien que la responsabilité de ceux qui profitent de ce que les créanciers ont à offrir serait moindre. Alors, d'après vous, si un groupe de jeunes entrent dans un magasin et achètent une énorme tablette de chocolat dont ils s'empressent de se gaver, c'est au propriétaire de l'épicerie qui leur a vendu la tablette de chocolat qu'il faudrait s'en prendre au lieu de se dire que ce n'est peut-être pas bon pour eux de manger tout ce chocolat.

Ma question concerne quelque chose que vous dites aux pages 27 et 28 de votre mémoire. Là encore, vous semblez vouloir, dans certaines circonstances, que l'investisseur et le créancier ne se retrouvent pas sur un pied d'égalité dans les cas de faillites. Vous parlez du fait que l'investisseur prend, lui aussi un risque. Vous oubliez un élément important, à savoir que dans notre monde actuel, l'investisseur peut prendre un risque quand l'entreprise se porte bien, mais qu'il peut aussi prendre un risque et bien se tirer d'affaires quand les choses vont moins bien pour l'entreprise. J'attire votre attention sur toute la notion des investissements dérivés.

Je veux que vous sachiez à quel point la situation serait complexe si nous suivions vos recommandations. Nous ouvririons une boîte de Pandore dont nous ne pourrions plus jamais nous sortir. Essentiellement, quand un créancier prête de l'argent à une entreprise, il ne peut plus continuer à soutenir l'entreprise dans certaines circonstances. Si le créancier est le premier à investir de son argent, il sera le premier à le récupérer.

Ce qu'a accompli le comité pour ce qui est de la protection des travailleurs et des employés, par exemple, est légitime, si l'on veut, mais aller plus loin — avec ce que vous proposez en vue de faire en sorte que l'investisseur soit sur un pied d'égalité — serait irréaliste, parce que c'est plus compliqué que de traiter avec des travailleurs ou des créanciers. Les investisseurs peuvent faire ou perdre des profits, mais les créanciers sont, essentiellement, protégés. Ils ne profitent pas de la réussite de l'entreprise parce qu'ils prêtent l'argent.

Je dois vous dire que je comprends votre point de vue, mais que je ne suis pas du tout du même avis; j'aimerais savoir ce que vous avez à dire à ce sujet.

M. Duggan : Me permettez-vous de dire quelque chose à ce sujet? Il s'agit de la question de la subordination des réclamations relatives à des capitaux propres. J'ai mentionné que vous avez peut-être déjà obtenu des détails supplémentaires à ce sujet, ou que vous en obtiendrez de la part d'un de mes collègues.

Selon nous, les investisseurs ne doivent pas nécessairement être traités comme des créanciers ordinaires. Ce n'est pas ce que nous disons. Nous disons plutôt que cette question est complexe et doit être examinée de façon plus approfondie. Il faut continuer de se pencher sur cette question parce que des lois provinciales sur les valeurs mobilières prévoient des mesures de protection pour les investisseurs, afin qu'ils ne fassent pas l'objet de fraude au moyen de fausses déclarations, de prospectus et ainsi de suite. Ils ont le droit de prendre des mesures pour obtenir des dommages- intérêts ou une résiliation s'ils ont fait l'objet d'une fraude. D'un côté, les provinces offrent cette protection en vertu des règlements sur les valeurs mobilières. En revanche, les lois sur la faillite abolissent cette protection dans la situation où elle est le plus nécessaire. Les provinces donnent aux investisseurs ce droit d'action en vue d'obtenir des dommages- intérêts. Selon les lois sur les faillites, si le débiteur est en faillite, la demande est reportée. Il semble qu'il y ait contradiction de ces politiques. Il faut déterminer quelle politique a priorité. Nous ne disons pas que les investisseurs doivent profiter de cette protection et être traités comme des créanciers ordinaires. Nous disons plutôt que les deux politiques contradictoires doivent faire l'objet de mesures immédiates et être conciliées. Il faudra probablement entendre ce qu'ont à dire les spécialistes en droit des valeurs mobilières à ce sujet, parce qu'au bout du compte, il faudra déterminer s'il est plus important d'inciter la confiance chez les investisseurs ou chez les créanciers; il s'agira d'une décision difficile.

M. Ziegel : Je suis tout à fait d'accord avec mon collègue.

Le président : Le collègue dont vous avez parlé sera ici le 27 février pour parler de certaines de ces questions.

M. Ziegel : Si vous me le permettez, je ferai suite à ce que M. Duggan a dit à ce sujet. Premièrement, il n'est pas question de subordonner les réclamations des investisseurs ou de les faire équivaloir aux réclamations des salariés. Ces revendications sont différentes. La revendication d'un investisseur sera celle d'un créancier ordinaire. En vertu de la LSI, les revendications des salariés ont un statut préférentiel. C'était le cas avant les amendements actuels et ce sera toujours le cas par la suite; en fait, les revendications des salariés deviendront encore plus prioritaires. Avec tout le respect que je vous dois, il est trompeur de dire que notre mémoire indique qu'il faut harmoniser les revendications des investisseurs avec celles des salariés. Ce sont deux catégories différentes.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, vous ne tenez pas compte du fait qu'en vertu de la loi, avant le projet de loi C-55, les investisseurs étaient traités comme des créanciers ordinaires s'ils pouvaient prouver qu'on les avait persuadés d'investir au moyen d'assertions inexactes frauduleuses. Ainsi, c'est le projet de loi C-55 qui a changé la situation précédente. Ce n'est pas nous qui tentons de changer la loi. Il existe une différence fondamentale.

Je suis étonné de vous entendre dire que nos mémoires ou ce que j'ai dit avaient des origines marxistes-léninistes. C'est la première fois que j'entends même cette affirmation. Avec tout le respect que je vous dois, je crois que c'est totalement inacceptable. Vous avez utilisé l'analogie d'une friandise pour illustrer l'exemple d'un consommateur qui peut être attiré par une publicité. Nous sommes tous quotidiennement entourés de publicité visant à nous faire acheter ceci, cela, ou à aller ici ou là. Selon moi, laisser entendre que ces consommateurs sont rapaces et irresponsables, alors que les annonceurs et les créanciers n'ont rien à se reprocher constitue, avec tout le respect que je vous dois, une distorsion absolue du marché actuel. Je pense parler au nom de mes collègues en disant que nous ne voyons absolument pas l'utilité de nous excuser auprès des membres du comité pour avoir tenter de les persuader d'établir un meilleur équilibre entre les positions des créanciers et des débiteurs, par rapport à ce que nous trouvons actuellement dans la loi.

Le sénateur Harb : Je n'ai jamais utilisé l'expression « rapaces ». C'est vous qui l'avez utilisée. Après avoir lu votre article, on en conclut qu'essentiellement, ce sont les créanciers qui rapaces. Nous vivons dans une société capitaliste et il faut que l'acheteur soit averti. Il incombe à la personne qui consent un prêt d'établir les modalités de ce crédit, mais en bout de ligne, le consommateur exerce son choix. Les voitures sont fabriquées de telle sorte qu'elles peuvent atteindre des vitesses de 220 kilomètres à l'heure, mais cela ne signifie pas que les acheteurs de ces voitures peuvent rouler à de telles vitesses. Ils prennent connaissance des règles à observer et ils s'y tiennent. Monsieur Ziegel, vous le savez. Il y a longtemps que vous connaissez le domaine.

Il est totalement injuste de s'attendre à ce que nous, le comité sénatorial, dictions aux créanciers ce qu'ils doivent offrir et ce qu'ils doivent refuser.

M. Ziegel : Tout d'abord, vous avez trop extrapolé les notions auxquelles nous songeons. J'ai dit que nous n'avions pas essayé d'exposer dans notre mémoire ce que nous estimons être des pratiques responsables de prêts.

Permettez-moi de vous rappeler que dans l'Union européenne, cette question de comportement responsable du créancier a suscité de graves inquiétudes. En fait, l'énoncé de l'Union européenne quant aux politiques en matière de crédit a retenu la notion de responsabilité en matière de prêts, et le gouvernement de Grande-Bretagne en a fait autant dans la Loi sur le crédit à la consommation qu'il a adoptée tout récemment. La loi belge a des dispositions précises concernant les délinquances.

Le sujet est vaste. Je souhaiterais que nous disposions de plus de temps pour l'approfondir. J'aimerais bien en débattre avec vous car, tout à fait contrairement à vous, je n'adhère pas à la notion d'un prétendu marché débridé. Si vous aviez raison, nous n'aurions pas de loi sur la publicité trompeuse. Le marché n'aurait aucune restriction. J'ose espérer que nous avons dépassé la notion d'un marché sans borne, sans restriction. Comme je l'ai dit, ce sujet pourrait nourrir un débat animé et j'aimerais bien avoir l'occasion d'y participer avec vous.

Le président : Je vous remercie tous deux, sénateur Harb et monsieur Ziegel.

[Français]

Les jeux sont faits, tout est clair et net, et le débat commence.

[Traduction]

En tant que président, je conclus de vos remarques judicieuses qu'il faut trouver un juste milieu dans tout cela. Quant à une discussion sur l'équilibre entre diverses théories sociales et l'organisation de notre société en 2008, il vaudrait peut-être mieux trouver une autre tribune pour la mener.

Je m'en voudrais beaucoup si je ne laissais pas au sénateur Goldstein la parole avant de lever la séance. Messieurs, il se peut que nous vous demandions de revenir. Votre participation est très utile. Il est rassérénant de constater tant de franchise. Les décideurs doivent faire leur travail et c'est ce qui fait que notre système de partis fonctionne.

Le sénateur Goldstein : Merci à vous deux, messieurs Ziegel et Duggan. Je me réjouis de constater que la confiance que nous continuons de vous porter est tout à fait justifiée. Nous vous remercions tous deux ainsi que les autres qui interviennent dans ce processus car vous aidez et guidez notre réflexion et vous nous faites profiter de vos lumières. Cela ne signifie pas nécessairement que nous adhérions à vos façons de voir car dans bien des cas, les enjeux se prêtent à des jugements de valeur. Nous l'avons constaté il y a un instant, ces jugements, tous également intéressants, voire également valides, reposent sur diverses approches.

J'aurais voulu aborder bien des questions soulevées par M. Ziegel, surtout, mais nous n'en n'avons pas le temps.

Je voudrais apporter un complément d'information pour dissiper un malentendu possible. Je crains qu'après vous avoir entendus, notre auditoire en conclue que la législation canadienne sur l'insolvabilité, en matière de faillite personnelle notamment, est rétrograde et ne protège pas le consommateur comme on le souhaiterait.

Je crois que vous serez tous les deux d'accord avec moi — surtout le professeur Ziegel — que comparé à d'autres régimes, notamment celui des États-Unis, où les lois relatives à la faillite et l'insolvabilité sont hostiles aux consommateurs, nous avons un régime relatif aux faillites et l'insolvabilité des consommateurs qui est juste, raisonnable et équilibré. Vous serez d'accord avec cela, n'est-ce pas? De votre point de vue, il faut rendre le système plus juste mais, d'un point de vue objectif, vous seriez d'accord pour dire que le système est juste et équilibré, n'est-ce pas?

M. Ziegel : Comme je l'ai dit, de mon point de vue, si la période de libération du failli passe de neuf à 21 mois, ce sera un pas en arrière.

Le sénateur Goldstein : Je ne veux pas en débattre avec vous. Vous savez pourquoi, car lorsque vous avez siégé au comité que j'ai présidé, nous avons passé sept heures à examiner cette question précise, et seulement cette question, et vous êtes donc conscient qu'il y a deux points de vue. Je ne commencerai pas à en parler maintenant.

Le président : Même si la Loi sur les liquidations et restructurations, qui porte sur l'insolvabilité de certaines institutions financières, et qui est une vieille loi archaïque et, je crois, désuète, n'a pas été incluse dans cette réforme des lois relatives à la faillite et l'insolvabilité, croyez-vous que ce serait utile d'entendre des témoignages par rapport à cette loi? On a communiqué avec nous de façon informelle dans les dernières 24 heures et je me demandais ce que vous en pensiez.

M. Ziegel : En théorie, cette loi peut être utilisée par plusieurs sortes de compagnies canadiennes, mais en réalité elle est utilisée par peu d'entreprises à part celles qui sont obligées de se servir de la Loi sur les liquidations et restructurations. Je n'ai pas étudié la loi en profondeur depuis assez longtemps, mais je la connais certainement.

S'il y a des preuves selon lesquelles elle est à la source de problèmes importants — et je ne crois as que ce soit le cas —, alors bien sûr on devrait la mettre à jour. Cependant, je ne suis pas au courant si ces problèmes existent ou non. J'ai l'impression que le sénateur Goldstein connaît ces choses mieux que moi, et je suis sûr que les entreprises qui se servent ou qui auraient à se servir de la Loi sur les liquidations et restructurations ne tarderaient pas à exiger des réformes et une mise à jour si elles croyaient que c'était nécessaire.

M. Duggan : Oui, on devrait l'inclure. En ce moment, c'est le parent pauvre. Il ne devrait pas y avoir de différence arbitraire entre les règles qui s'appliquent dans des régimes concurrents. Si nous laissons la Loi sur les liquidations et restructurations de côté — c'est-à-dire, si elle ne fait pas partie de cet examen — comment pourrons-nous nous assurer qu'à mesure que nous avançons sur d'autres fronts, nous ne laissons pas la Loi sur les liquidations et restructurations loin en arrière?

La séance a été levée.


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