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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 13 - Témoignages du 2 avril 2008


OTTAWA, le mercredi 2 avril 2008

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été déféré le projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, notamment en ce qui concerne les entités de placement étrangères et les fiducies non résidentes ainsi que l'expression bijuridique de certaines dispositions de cette loi, s'est réuni ce jour à 16 h 10 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, mesdames et messieurs. Bienvenue à la ministre Josée Verner. Je suis le sénateur Angus, de Montréal, au Québec. Sont présents aujourd'hui le vice-président, le sénateur Goldstein, du Québec; le sénateur De Bané, du Québec; le sénateur Tkachuk, de la Saskatchewan; le sénateur Gustafson, de la Saskatchewan, qui remplace le sénateur Meighen qui n'est pas avec nous aujourd'hui; la greffière du comité, Line Gravel, sans qui ce comité ne pourrait pas être efficace; le sénateur Ringuette, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Moore, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Massicotte, du Québec; le sénateur Lapointe, du Québec; et le sénateur Fox, du Québec.

Assis à côté du sénateur Fox, un invité mystérieux qui nous sera présenté plus tard. Nous avons aussi avec nous June Dewetering, de la Bibliothèque du Parlement, qui nous aide beaucoup dans les travaux du comité.

[Français]

Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-10, loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, notamment en ce qui concerne les entités de placement étrangères et les fiducies non résidentes ainsi que l'expression bijuridique de certaines dispositions de cette loi, et des lois connexes.

[Traduction]

C'est un titre bien long pour un projet de loi. Ce projet de loi est la nouvelle mouture du projet de loi C-33 de la première session de l'actuelle législature, connu sous le nom de Loi de 2006 modifiant l'impôt sur le revenu. Le projet de loi C-33 a été déposé à la Chambre des communes le 22 novembre 2006 par le ministre des Finances. Toutefois, le projet de loi est mort au Feuilleton à la dissolution de la première session de la législature; il a été déposé lors de la deuxième session sous le nom de projet de loi C-10. Le comité étudie ce projet de loi depuis le 4 décembre 2007. Nous avons déjà tenu des audiences.

J'aimerais qu'il soit clair que le projet de loi est un recueil de différentes modifications qui se sont accumulées depuis les années 1990. C'est un de ces gros projets de loi qui posent toujours problème pour des législateurs comme nous. Chacune des modifications modifie une disposition différente d'une loi-cadre complexe, nos lois de l'impôt sur le revenu, et quand survient une situation comme celle-ci, cela peut poser problème de temps en temps.

Nous expliquons continuellement aux responsables des différents ministères concernés qu'il n'est pas souhaitable de légiférer de cette façon. Il est possible que nous ayons encore à faire face au même problème car il existe plusieurs textes législatifs importants urgents et récents touchant l'impôt sur le revenu, ainsi que des problèmes qui remontent à 1998 et 1999. Mais, le projet de loi étant ce qu'il est, nous délibérerons de la façon la plus équilibrée possible.

Je crois que tout le monde ici sait que la création de notre comité remonte à 1867. Le comité a une réputation d'intégrité bien méritée, je crois, dans son étude du système de marchés des capitaux. Nous adoptons une approche équilibrée et juste dans nos travaux et nous procédons rarement à un vote. Nous travaillons par consensus et nous essayons d'accomplir le véritable travail que le Sénat est censé accomplir, c'est-à-dire procéder à un second examen objectif des lois de façon équilibrée. Nous ne nous considérons pas comme une tribune pour que les citoyens puissent venir faire des représentations particulières d'une façon qui soit hors de l'esprit que je viens de souligner. Nous entendons les témoins qui ont des arguments légitimes à présenter, qui sont pertinents pour la loi.

Le projet de loi comporte une anomalie, selon les notes d'information que nous a données le Service d'information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque du Parlement. Le projet d'article 125.4 exigerait que le ministre du Patrimoine canadien établisse des lignes directrices sur les circonstances en vertu desquelles les conditions proposées relatives à la définition de « certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne » donnée au paragraphe 125.4(1), à la page 348 du projet de loi. Cette définition « serait modifiée de manière telle que le ministre du Patrimoine canadien « certifierait en outre que le financement public de la production ne serait pas contraire aux politiques générales du gouvernement... »

Bon nombre d'intervenants ont comparu devant le comité pour nous exprimer leurs préoccupations vis-à-vis de ce libellé. Selon notre note d'information, « la modification s'appliquerait en général à des projets de production cinématographique ou magnétoscopique à l'égard des certificats délivrés par le ministre du Patrimoine canadien après le 20 décembre 2002 ».

Pour nous aider à comprendre les menus détails de ce projet de loi, nous avons le grand plaisir d'accueillir l'honorable Josée Verner, ministre du Patrimoine canadien, qui en est à sa première comparution devant notre comité. Comme elle l'a souligné aujourd'hui à la Chambre des communes, elle est aussi la ministre responsable du statut de la femme et d'autres portefeuilles importants.

La ministre est accompagnée de la sous-ministre du ministère du Patrimoine canadien, Judith LaRocque; du sous- ministre adjoint, Affaires culturelles, Jean-Pierre Blais; et de l'avocat général, Bruce Stockfish. L'invité mystère vient du ministère et est bien connu de notre comité : Gérard Lalonde.

[Français]

L'honorable Josée Verner, C.P., députée, ministre du Patrimoine canadien : Monsieur le président, honorables sénateurs, je suis ici pour vous parler de certains aspects du projet de loi C-10, soit la loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu. Comme vous le savez, ce projet de loi a fait récemment l'objet de discussions concernant des crédits d'impôt pour la production de films ou de vidéos. Le programme de crédit d'impôt pour la production de films ou vidéos canadiens est la pierre angulaire des mesures du gouvernement à l'appui de notre industrie audiovisuelle. Depuis 1995, il a contribué à plus de 12 000 productions dont la valeur totale atteint près de 22 milliards de dollars.

Le ministère des Finances prévoit que les dépenses fiscales dans le cadre du crédit d'impôt pour films ou vidéos canadiens s'élèveront à 210 millions de dollars en 2008. En 2006-2007, notre gouvernement a investi plus de 752 millions de dollars dans le contenu cinématographique et télévisuel canadien par l'intermédiaire d'autres programmes d'aide à l'industrie, ce qui ne comprend pas le financement de plus d'un milliard de dollars pour Radio-Canada/CBC.

Par exemple, Téléfilm Canada constitue un élément important pour favoriser le secteur audiovisuel. Notre contribution annuelle à Téléfilm Canada est d'environ 120 millions de dollars. Le projet de loi C-10 contient une disposition qui permettrait au ministre du Patrimoine canadien de refuser d'accorder un crédit d'impôt pour certaines productions pour lesquels le financement public est jugé contraire à l'ordre public.

Il oblige aussi la ministre à élaborer des lignes directrices qui précisent les types de productions prévues par la disposition.

[Traduction]

Comme vous le savez, je souhaite travailler en étroite collaboration avec l'industrie et établir un partenariat. Mon ministère et moi-même avons entamé des discussions préliminaires avec des intervenants clés de l'industrie au sujet de leurs préoccupations.

Malgré ce que vous avez peut-être entendu ou lu, le critère « contraire à l'ordre public » n'est pas un concept nouveau. Il fait partie du régime de crédits d'impôt depuis sa création en 1995, dans le cadre du Règlement de l'impôt sur le revenu.

En 2002, le gouvernement libéral de Jean Chrétien a décidé qu'il était préférable qu'une disposition offrant l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire soit transférée dans la loi plutôt qu'indiquée dans le Règlement.

[Français]

Un avant-projet de loi a par la suite été annoncé en 2002 par le ministre des Finances, John Manley, et en 2003, par ce dernier et la ministre du Patrimoine canadien, Sheila Copps. En novembre 2006, le projet de loi C-33, qui comprenait les amendements maintenant proposés dans le projet de loi C-10, a été présenté à la Chambre des communes et il est mort au Feuilleton en septembre 2007.

En octobre 2007, le projet de loi C-10 a été présenté puis adopté par la Chambre avec l'appui de tous les partis. Et la mention « contraire à l'ordre public » n'est pas exclusive au gouvernement fédéral. On la retrouve aussi dans plusieurs systèmes de crédits d'impôt provinciaux. D'autres provinces utilisent des concepts très similaires dans leurs programmes destinés au cinéma et à la télévision.

[Traduction]

La raison d'être de la disposition « contraire à l'ordre public » est très simple. Elle permet au gouvernement de s'assurer, dans des circonstances exceptionnelles, d'exclure certains contenus du financement public.

Il existe du contenu considéré potentiellement illégal en vertu du Code criminel, tel que l'obscénité, la propagande haineuse, et la pornographie juvénile. Actuellement, il n'existe aucune disposition dans la Loi de l'impôt sur le revenu ni dans le Règlement qui vise à exclure ce contenu. La modification proposée corrige cette faille en particulier.

[Français]

Je tiens à souligner que la disposition « contraire à l'ordre public » ne sera pas prise à la légère. La mesure ne vise qu'un très petit nombre de productions, probablement seulement quelques cas sur plus de 1 000 productions canadiennes bénéficiant d'un crédit d'impôt chaque année.

L'industrie du film et de la télévision soutient que la disposition soit une forme de censure. Ce n'est absolument pas le cas. C'est tout simplement une question de responsabilité et d'intégrité.

Les producteurs demeureront libres de financer leurs projets sans fonds publics.

Notre gouvernement est déterminé à assurer la liberté d'expression et il continuera à soutenir la production d'un contenu canadien divertissant et de grande qualité. Nous sommes aussi déterminés à garantir l'intégrité et la responsabilité en ce qui concerne la gestion de fonds publics et à conserver la confiance des contribuables.

Je le dis et le répète. Le projet de loi C-10 n'est aucunement une question de censure. C'est une question de responsabilité, d'intégrité et d'efficacité, car avec tout ce débat, il ne faut pas oublier que le projet de loi contient aussi des amendements que l'industrie audiovisuelle canadienne demande depuis longtemps.

Grâce à ces amendements, il y aura plus de transparence en ce qui a trait aux bénéficiaires de l'aide fiscale puisque les noms de ceux qui recevront des crédits d'impôt et des créateurs associés aux productions seront rendus publics. De cette façon, on éliminera les abus potentiels en matière de crédits d'impôt qui ont été constatés dans le passé.

Ces amendements étendent également la portée du programme de crédits d'impôt aux dépenses liées à l'étape initiale de la rédaction de scénarios. Ce sont là des changements que l'industrie canadienne du film et de la télévision attend avec impatience.

[Traduction]

Le 40e anniversaire de Téléfilm Canada, qui a été célébré récemment, constitue une date charnière dans le développement de l'industrie canadienne du film et de la télévision. Aujourd'hui, le volume annuel total de productions audiovisuelles se chiffre à près de 5 milliards de dollars, grâce à Téléfilm Canada, au programme de crédits d'impôt et à d'autres instruments importants dans la boîte à outils de la politique audiovisuelle du Canada. Cette industrie produit un contenu de renommée internationale dans les centres de production répartis dans tout le pays, et elle peut compter sur des producteurs, des réalisateurs, des scénaristes et des acteurs primés et de renommée internationale.

Notre gouvernement et les Canadiens croient en cette industrie. Nous sommes fiers d'avoir contribué à son développement et nous continuerons à le faire.

[Français]

C'est pourquoi dans le contexte du projet de loi C-10, il est important de répondre aux préoccupations de l'industrie et des parlementaires. Pour aller de l'avant et pour continuer de tirer partie des succès de l'industrie canadienne du film et de la télévision, je propose donc la stratégie suivante. Tout d'abord, lorsque le projet de loi C-10 aura reçu la sanction royale, le gouvernement du Canada s'engage officiellement à ne pas appliquer la disposition contraire à l'ordre public pour une période de 12 mois.

Entre-temps, j'invite les représentants de l'industrie canadienne du film et de la télévision à mener l'élaboration de lignes directrices et des pratiques administratives afférentes et à me les proposer. Ces lignes directrices porteront sur le type de contenu considéré comme susceptible d'être illégal aux termes du Code criminel, et sur les autres types de contenu pour lesquels l'aide gouvernementale serait clairement inacceptable.

Les lignes directrices préciseront également comment elles seront appliquées et administrées. Je recommande cette façon de procéder pour les raisons suivantes. Premièrement, le processus est équitable et transparent, aussi il vise à poursuivre le dialogue d'ouverture que le gouvernement a toujours favorisé avec l'industrie canadienne du film et de la télévision.

Deuxièmement, une telle approche a déjà été utilisée au sein de l'industrie. Par exemple, à la demande du CRTC, les radiodiffuseurs canadiens ont élaboré un code d'application volontaire concernant la violence à la télévision.

Troisièmement, on établit la preuve d'une démarche de bonne foi. Nous croyons que l'industrie a la maturité nécessaire pour jouer un rôle de premier plan dans l'élaboration de lignes directrices qui s'appliqueront à ses activités. Enfin, cette façon de procéder permet de réaffirmer le principe selon lequel certains types de contenu, quoique légaux, n'ont pas à être subventionnés par les contribuables.

L'industrie audiovisuelle sait que la légitimité de l'aide gouvernementale qui lui est accordée exige la plus grande rigueur en ce qui a trait à la façon dont l'argent est dépensé.

Des représentants de mon ministère et moi-même avons eu des discussions préliminaires avec des intervenants clés de l'industrie au sujet de leurs préoccupations et de la stratégie proposée. À ce stade-ci, ils sont encore hésitants, mais je continue à leur tendre la main et les invite à considérer attentivement ma proposition.

Je crois fermement que de faire équipe ensemble représente la meilleure approche.

Permettez-moi de réaffirmer que le gouvernement reconnaît l'importance du rôle des artistes et des créateurs au sein de la société. L'objectif de ce projet de loi, en ce qui concerne le crédit d'impôt pour la production de films ou vidéos canadiens, est de préciser à l'intention de l'industrie ce qui constitue un contenu inacceptable et de garantir une gestion responsable des fonds publics.

Le projet de loi C-10 contient de nombreux amendements importants que l'industrie du film et de la télévision attend depuis longtemps. Il est important qu'il soit adopté rapidement. Mes représentants et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, madame la ministre. Avant de procéder avec des questions, j'aimerais présenter un autre sénateur qui vient tout juste d'arriver. Il s'agit du sénateur Trevor Eyton de l'Ontario.

J'aimerais ajouter que nous avons parmi nous aujourd'hui plusieurs représentants des industries affectées par la loi en question, c'est-à-dire des représentants des « stakeholders ».

[Traduction]

Nous avons fourni des installations dans deux autres pièces de l'édifice : la pièce 705, avec des installations télévisuelles et audiovisuelles en français; et la pièce 505, avec les mêmes installations en anglais. Notre audience est diffusée sur le réseau CPAC, ainsi que sur Internet.

Je souhaite la bienvenue à toutes les personnes présentes et à tous nos téléspectateurs. J'ai une longue liste de questionneurs.

[Français]

Si vous n'avez pas d'objection, madame la ministre, on aimerait procéder tout d'abord avec le sénateur Massicotte.

Le sénateur Massicotte : Madame la ministre, merci d'être parmi nous aujourd'hui. Comme vous le savez, les mots dans cette clause concernent directement les Canadiennes et les Canadiens et l'importance de ces trois ou quatre mots contenus dans le projet de loi suscite certaines préoccupations.

Je pense que votre présentation aide à mieux comprendre la portée de ces mots et je dois dire que je ne doute pas de votre parole ni de votre bonne foi. Les projets de loi deviennent éventuellement des lois et ces lois durent des décennies, parfois même des siècles et parfois les gens interprètent les mots comme n'étant pas nécessairement cohérents avec l'intention initiale.

Dans votre présentation, vous dites :

Enfin, cette façon de procéder permet de réaffirmer le principe selon lequel certains types de contenus, quoique légaux, n'ont pas à être subventionnés par les contribuables.

A-t-on des exemples de telles situations?

Mme Verner : Merci, sénateur Massicotte, de votre question. Je voudrais revenir sur les quelques mots qui font l'objet d'un questionnement et vous rappeler simplement que c'est un langage utilisé par certaines provinces, entre autres la Colombie-Britannique, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard, y compris pour un des programmes de la SODEC au Québec dans lequel on trouve des dispositions « contrary to public policy ». Bref, on en trouve dans plusieurs provinces.

Ce qui est étonnant avec l'utilisation de ces mots, c'est que c'est exactement ce qui se trouvait dans l'intention annoncée par l'ancien gouvernement en 2002, par le ministre John Manley, et en 2003, par Sheila Copps. C'est exactement le même langage qui est utilisé. Rien n'a été changé. Absolument rien. Tout à coup, c'est en 2008 qu'on se pose la question sur le langage utilisé. Vous comprendrez que je suis la plus surprise entre tous. C'est la précision que je voulais apporter concernant l'ordre public.

[Traduction]

Le président : Si vous me permettez une brève interruption, madame Verner, vous avez fait référence à deux documents qui ont été publiés en 2003. Avez-vous ces deux documents avec vous et pourriez-vous les donner à la greffière pour qu'ils soient versés au dossier?

[Français]

Mme Verner : Oui, absolument. Des copies seront remises.

Quand vous me demandez des exemples concrets de contenus problématiques, vous comprendrez que, présentement, je demande à l'industrie de se pencher sur les contenus qui pourraient être problématiques, sur des lignes directrices. Je ne veux donc pas leur tirer le tapis sous les pieds. Mon offre est honnête et sincère. Je souhaite travailler en partenariat avec eux.

Je vous dirai que de façon très cohérente, il m'apparaît très clairement que, comme gouvernement, on ne peut pas accorder un crédit de taxe à un producteur, par exemple, qui serait poursuivi en vertu du Code criminel. Je pense que la main gauche doit faire la même chose que la main droite. Les contribuables canadiens n'accepteraient pas que le gouvernement ait cette attitude irresponsable.

Pour le moment, je n'ai aucun outil pour me prémunir contre cela. Techniquement, aujourd'hui, c'est faisable, donc je pense qu'il faut corriger la situation. Pour ce qui est du reste qui ne serait pas nécessairement inclus dans le Code criminel, mais qui serait franchement inacceptable, on peut penser à des formes de violence ou des formes de dénigrement envers des groupes ciblés de la société. Comme je vous le dis, je ne veux pas aller trop loin, mais je pense que, comme société, on accepte et on fait la promotion de la liberté d'expression, alors comme gouvernement, faut-il tout appuyer financièrement? Il m'apparaît clair que c'est non.

Certains contenus ont le droit d'être produits, mais pour lesquels un gouvernement responsable a le droit de se poser la question. J'invite l'industrie, qui est parfaitement au courant que ce genre de contenu existe ou puisse exister, à se pencher sur la question et à me soumettre des lignes directrices.

Le sénateur Massicotte : Oui, on constate que ces mots ont été utilisés dans d'autres provinces. Je ne donne pas beaucoup d'importance à cela parce qu'on a le droit de faire des erreurs, mais l'important c'est de les corriger quand on les voit. Quand vous dites que les choses qui sont légalement acceptables et qui visent une portion de la population ne seraient pas subventionnées par le programme de crédits, vous savez que c'est un terrain glissant. En d'autres mots, vous dites que c'est légal et acceptable dans notre société?

Mme Verner : En vertu du Code criminel.

Le sénateur Massicotte : Des critères sont établis pour dire qu'on ne permet pas cela même si c'est totalement légal?

Mme Verner : Vous savez que dans le domaine du livre et du magazine, il existe déjà un guide, mais je veux quand même revenir sur le libellé de ce qui a été annoncé en 2002 et en 2003.

Personne n'a dit que c'était une erreur. C'est le langage utilisé en Colombie-Britannique, à l'Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et au Manitoba. Nous vous remettrons des documents pour que vous puissiez le constater.

Je vais demander à M. Blais de compléter sur ce qui se fait au niveau du livre et du magazine et sur la notion d'ordre public.

Jean-Pierre Blais, sous-ministre adjoint, Affaires culturelles, Patrimoine canadien : À travers tous nos programmes, le ministère voit beaucoup de programmes dans les domaines du livre, des magazines canadiens, des enregistrements sonores, et cetera, et cela fait des années qu'on a des lignes directrices. Elles étaient un peu différentes d'un programme à l'autre. Cependant, cela fait plusieurs années qu'on tire une ligne sur le fait qu'il y a certains types de production, de création qui, par leur contenu, dirigent des attaques vers des groupes identifiables ou expriment de la violence excessive, et qui sont exclus des programmes, comme la pornographie par exemple. Nous avons cela en place depuis plusieurs années. Je crois bien même qu'à un certain moment, M. Fox était ministre lorsque ces politiques ont été mises en place. C'est de longue date, on a l'expérience pour les juger et de la jurisprudence interne pour l'application.

La notion d'ordre public n'est pas une nouvelle notion en droit. On la retrouve dans la jurisprudence du common law et même à plusieurs reprises dans le Code civil du Québec. Depuis le nouveau Code civil, c'est un terme connu. On sait que le Code civil dit spécifiquement qu'on ne peut pas faire des contrats qui sont contre l'ordre public. C'est un terme d'art assez connu dans les milieux juridiques et ce que Mme Verner propose à l'industrie, c'est en fait d'alimenter plus clairement, en toute transparence, le contenu de la notion du public.

Le sénateur De Bané : Vous avez raison de dire que, dans le Code civil, l'expression « ordre public » revient souvent. Un contrat contre l'ordre public n'est pas valide. Si je signe un contrat avec quelqu'un et que je veux le payer pour tuer quelqu'un, c'est un contrat contre l'ordre public. La ministre a bien dit que cela peut être légal, cela ne viole aucune loi, mais quand même, on va trouver que, franchement, donner un crédit d'impôt, c'est trop. Vous avez raison, cela veut dire illégal. On ne peut pas signer un contrat pour commettre un acte criminel. Cependant, la ministre a dit — je le soumets respectueusement — que même si cela ne viole aucune loi, c'est un peu trop d'accorder des avantages fiscaux.

Le président : Ce n'est pas la place pour plaider la cause.

M. Blais : Je peux ajouter un complément d'information. Effectivement, on pourrait penser cela, sauf que si je regarde les commentaires du ministre de la Justice à l'époque, en ce qui a trait au Code civil, il définit que, effectivement, c'est illégal, illicite ou immoral.

Dans l'interprétation du ministre de la Justice de l'époque, M. Rémillard « ordre public » allait plus loin que « contre le Code criminel ».

Le sénateur Massicotte : Quand on parle de liberté d'expression, c'est un sujet très délicat. Quand on commence à mettre des limites à cette notion, c'est quelque chose de fondamental à nos valeurs canadiennes. Cela me donne l'impression qu'il est dangereux de dire que des actes sont illégaux et inacceptables dans le domaine et que des critères doivent s'appliquer après le fait, à savoir qu'il n'y aura pas de crédit d'impôt.

La ministre dit qu'on va établir ces critères et qu'il y aura une collaboration avec l'industrie. Mais pourquoi avoir besoin de ces mots? Arrive-t-il souvent que l'on s'en serve? Est-ce qu'il arrive souvent que des choses illégales fassent en sorte qu'on refuse ce crédit d'impôt?

Mme Verner : Je vous comprends de tenir de façon très sûre à la liberté d'expression. Je tiens aussi à la liberté d'expression. Je ne comprends pas dans votre question que tout cela est dans les intentions du gouvernement depuis 2002, et c'est aujourd'hui que vous vous questionnez sur les mots « l'ordre public ». Le libellé de l'article est exactement le même que ce qui a été présenté en 2002 et en 2003. Pourquoi est-ce que cela ne vous inquiétait pas en 2002 et en 2003?

Le sénateur Massicotte : Parce que je n'étais pas sénateur.

Le sénateur Fox : Vous avez omis de dire que cela avait été enlevé dans le règlement de 2005.

Mme Verner : Je l'ai mentionné. C'est en 2005 que cela a été enlevé du règlement pour le mettre dans le projet de loi, ce qui fait en sorte que le projet de loi n'étant pas adopté, je n'ai aucun moyen, si la chose se produit, pour retirer le crédit de taxe. C'est là où il faut remédier à la situation. C'est la première des choses. La deuxième, toujours pour répondre au sénateur Massicotte et il me fera plaisir de répondre au sénateur Fox par la suite, oui, il y a eu des cas où le crédit de taxe a été retiré.

Le sénateur Massicotte : Qui était légal? Avez-vous des exemples?

Mme Verner : En vertu de l'article 241 de la Loi sur le revenu, je ne peux pas parler de produits spécifiques ici.

Le sénateur Massicotte : Sans nommer personne, je comprends. J'aimerais savoir quand même où on s'en va.

M. Blais : C'était du contenu avec des éléments pornographiques.

Le sénateur Massicotte : Légal?

M. Blais : Oui, parce que tout ce qui est pornographique n'est pas nécessairement criminel.

Le sénateur Massicotte : Je comprends que c'était en 2002 et 2003. Je n'étais pas sénateur à cette époque. Mais il se peut qu'il en soit ainsi. Nous sommes heureux que le débat ait eu lieu et nous sommes là pour apprendre de ces expériences. Nous sommes ici aujourd'hui pour fixer les objectifs. Le but est de s'assurer une meilleure compréhension. Ce n'est pas parce qu'on doute de votre bonne foi. Pouvez-vous donner des exemples d'éléments pornographiques qui ont eu lieu dans les provinces et qui n'ont pas reçu de crédit d'impôt?

M. Blais : C'est en vertu du crédit fédéral. Dans le règlement, la pornographie est spécifiquement nommée.

Le sénateur Massicotte : Qui a décidé qu'on ne donne pas ce crédit?

M. Blais : Le pouvoir de certifier ou non appartient à la ministre. Et comme toute décision au sein du gouvernement, elle agit sur recommandation et analyse des fonctionnaires et du ministère de la Justice.

[Traduction]

Le président : Je demande aux autres sénateurs de faire preuve de discipline. Comme je l'ai dit plutôt, le sénateur Massicotte tient à poser des questions et je lui accorde une certaine latitude.

Nous passons maintenant au sénateur Fox. Je suis certain que vous allez vous en tenir aux directives et poser des questions brèves et directes.

[Français]

Le sénateur Fox : Merci d'être avec nous aujourd'hui. Je vous demande une clarification dans votre texte. Je ne comprends pas ce qui est arrivé à partir de 2002 et 2003. Ma compréhension est qu'en 2005, le règlement a été changé et les mots en question ont été retirés du règlement. Vous passez ensuite à 2002-2003 et ensuite à 2006. Qu'est ce qu'il y a eu en 2002-2003? Vous dites que c'est un avant-projet de loi aux fins de discussion?

Mme Verner : Oui, c'était cela.

[Traduction]

Le Sénateur Fox : Ce projet de loi soulève des questions fondamentales. Il ne s'agit pas seulement de questions de virgules et de paragraphes ici et là. Deux passages en particulier soulèvent des questions fondamentales, à tort ou à raison, pour quiconque s'intéresse aux droits civils dans notre pays. Il s'agit de l'article 123 et du paragraphe 120 (12).

On se demande si ce projet de loi ne crée pas un mécanisme qui limite la liberté d'expression et impose une forme de censure. Ce dernier aspect inquiète les gens du milieu, et le sénateur Eyton connaît beaucoup de ces gens. Les gens sont réellement préoccupés par le financement de films à l'avenir. Certains films sont financés exclusivement par les crédits d'impôt. Si une décision de censure est prise une fois le film terminé, ce serait désastreux.

Je pense à des entreprises que le Sénat connaît bien, comme Incendo, une entreprise gérée par Stephen Greenberg et Jean Bureau. Ils réussissent à se financer grâce aux crédits d'impôt. Les banques leur font une avance de 25 p. 100 du crédit d'impôt qu'ils reçoivent, et ils peuvent produire le film et le financer. Si les banques estiment qu'il y a une possibilité que les crédits d'impôt soient retirés, alors la sécurité financière de nombreux films est en péril.

Deux questions importantes se posent : à savoir si nous nous dirigeons à notre insu ou volontairement vers un système de censure par un groupe de personnes inconnues, lesquelles ont toutes extrêmement foi en la bureaucratie, qui décidera si un film va à l'encontre de l'ordre public, fondant sa décision sur des lignes directrices et non sur un règlement. Ces lignes directrices n'ont pas à être déposées au Parlement. À titre de lignes directrices ministérielles, elles peuvent être modifiées du jour au lendemain.

Les gens de l'industrie cinématographique et de la communauté culturelle en général ont soulevé cette question. Je ne la prendrai pas à la légère. Nous voulons encourager les intervenants qui estiment que cette mesure pose problème à demander la permission de comparaître devant notre comité en communiquant avec Line Gravel. Nous ne voulons pas adopter un projet de loi qui aurait des effets que la ministre veut également éviter. En ce sens, le projet de loi est important.

D'autres de notre côté parleront en détail de ces effets. J'aimerais revenir au contexte. Toute la communauté cinématographique, la communauté audiovisuelle et la communauté culturelle sont atterrées de constater que le projet de loi, d'une façon ou d'une autre, se retrouve devant le Parlement à ce moment-ci. Il s'agit d'un document de 568 pages, dont quelques-unes traitent des crédits d'impôt pour l'audiovisuel.

Ma première question à la ministre porte sur la transparence. Nous croyons tous en la transparence. Le gouvernement, dont la ministre fait partie, a beaucoup parlé d'améliorer la transparence. Il doit y avoir une meilleure façon de fonctionner.

Le président : Sénateur, votre préambule a duré 4 minutes 59 secondes. Si vous avez plus d'une question, je vous suggère de résumer rapidement. Vous êtes en train de faire un discours, et non de poser une question.

Le Sénateur Fox : Je présume que la communauté n'a pas été avertie que cette disposition se trouvait dans le projet de loi. Y a-t-il eu une conférence de presse? La communauté a-t-elle été consultée à l'avance? Le projet de loi indique-t- il ce qu'il contient? Avez-vous comparu devant l'un ou l'autre des comités de la Chambre? Avez-vous prononcé un discours au moment de la deuxième lecture?

Je crois que la réponse à toutes ces questions est non. On peut comprendre les préoccupations que le projet de loi suscite.

Pour terminer, on parle de crédits d'impôt pour les œuvres produites au Canada. Mais il existe également des crédits d'impôt pour les services produits ici. Ce projet de loi est sans effet sur les services produits. Heureusement, ces services ne sont pas touchés, car tous les films américains tournés à Montréal sont exemptés de tels critères — et Dieu sait à quel point ces productions sont importantes du point de vue économique à Montréal et à Vancouver, plus particulièrement.

[Français]

Il y a deux poids, deux mesures. Les productions canadiennes devront répondre à des exigences plus sévères que les productions américaines qui n'y sont nullement soumises. Avez-vous l'intention de soumettre les productions américaines aux mêmes critères parce qu'il s'agit de fonds publics?

Mme Verner : Dans votre préambule, vous avez dit plusieurs choses auxquelles j'aimerais répondre. D'abord, il n'y a rien de différent dans le projet de loi C-10. Rien n'a été annoncé en 2002 ni en 2003. À l'époque, et M. Blais pourra compléter ma réponse, l'industrie a été consultée, contrairement à ce que vous dites. Y compris depuis 1999. Quand vous dites que ce serait un groupe de fonctionnaires qui décideraient si une œuvre est admissible au crédit d'impôt, ce que je précise bien dans mon allocution c'est que j'offre à l'industrie de suspendre la notion « d'ordre public » tant et aussi longtemps que l'industrie ne m'aura pas soumis les lignes directrices tel qu'indiqué dans l'intention du gouvernement libéral, c'est-à-dire d'avoir des lignes directrices. Je leur propose une démarche encore plus transparente, c'est-à-dire qu'ils vont se consulter entre eux, y compris les modalités administratives afférentes. Je suis ouverte si on me propose un comité consultatif sur lequel siégeraient des représentants de l'industrie, la table est mise. Je continue de tendre la main à l'industrie afin de m'assurer qu'ils vont participer à l'exercice.

M. Blais pourra compléter ma réponse en ce qui a trait aux entreprises de service dont vous avez fait état il y a quelques minutes.

Le sénateur Fox : Je n'ai pas compris la dernière partie. Les entreprises de service?

Mme Verner : M. Blais va y répondre.

M. Blais : Le langage, que vous retrouvez dans le projet de loi aujourd'hui était annoncé au moins depuis 2003, faisait partie de l'annonce du gouvernement à l'époque. Donc le texte « contraire à l'ordre public » et la notion des lignes directrices, était du domaine public au moins depuis ce temps. Il y a même eu des consultations avec les associations de producteurs depuis 1999 sur ce langage. C'est quelque chose avec lequel on apprécie l'échange et le dialogue avec l'industrie et cela depuis longtemps.

En ce qui a trait aux productions de service, elles visent plutôt des crédits pour encourager le travail au Canada. Ce n'est pas un crédit lié au contenu. La logique même de ce crédit est tout autre. D'ailleurs lorsqu'on le certifie, on ne se penche pas autant sur le contenu que sur le fait que cela attire des investissements au Canada.

Le sénateur Ringuette : Je vais essayer d'être brève dans mes questions. Vous avez mentionné que le crédit sert à l'investissement au Canada. Et dans votre présentation, vous avez bel et bien indiqué qu'au cours des 12 dernières années, l'industrie a injecté, dans l'économie canadienne, près de 22 milliards de dollars.

Dans le projet de loi qui est à caractère « impôt sur le revenu », donc revenu pour le gouvernement et pour les individus, est-ce que vous avez fait une analyse de l'impact économique sur l'industrie, sur les emplois, de ce que vous proposez dans le projet de loi?

Mme Verner : Votre question est très technique. Sur ce point, je vais demander aux gens qui m'accompagnent de répondre.

Le sénateur Ringuette : Ce n'est pas une question technique. Ce que je vous demande, en premier lieu, c'est si vous avez fait une étude d'impact économique sur l'industrie et les emplois au pays, en ce qui concerne la mesure que vous voulez introduire.

Mme Verner : Je voudrais juste ajouter la chose suivante. On parle aussi de quelques cas, on parle de mesures d'exception. C'est important de le souligner. Pour ce qui est des études, M. Blais va vous répondre.

M. Blais : Bon an mal an, prenons par exemple 2007, le crédit d'impôt a été une subvention à l'industrie d'environ 200 millions de dollars, ce qui est considérable. Les lignes directrices seraient pour un nombre très petit de production. Le reste du secteur de la production continuerait. Donc, l'impact économique serait mineur.

Le sénateur Ringuette : La réponse est donc que vous n'avez pas fait d'étude d'impact économique sur la proposition que vous avancez dans ce projet de loi?

M. Blais : Nous sommes en train de faire une évaluation très détaillée sur le crédit d'impôt en cours, qui fait partie du plan d'affaire du ministère depuis le début de l'année, parce qu'on fait des revues de nos programmes. Donc, l'étude du programme est sous analyse. Mais étant donné que cela vise très peu de productions, l'impact devrait être du même ordre.

Le sénateur Ringuette : Est-ce que vous pouvez nous dire aussi pourquoi cette mesure n'inclut pas les productions américaines faites au Canada? Si on n'est pas prêt à subventionner, par crédits d'impôt, les producteurs canadiens qui font des productions au Canada, pourquoi on serait prêt à donner des dollars canadiens à des producteurs américains? Expliquez-moi cela.

Mme Verner : M. Blais a donné déjà une partie de la réponse au sénateur Fox. Je vais lui demander de compléter.

M. Blais : Le crédit d'impôt vise à attirer des investissements au Canada. Ce crédit d'impôt est basé, calculé et administré autour des dollars dépensés au Canada, tandis qu'on ne regarde pas le contenu canadien. Ce n'est pas un crédit intimement lié au contenu. C'est une autre logique pour ce crédit d'impôt.

Le sénateur Ringuette : On a deux poids, deux mesures. On a une mesure pour les producteurs canadiens et une, très avantageuse et très différente, pour les Américains.

Ma prochaine question a rapport à votre présentation à la page 4. Vous indiquez :

Il existe du contenu considéré potentiellement illégal selon les termes du Code criminel, tel que l'obscénité, la propagande haineuse, et la pornographie juvénile.

Vous dites qu'actuellement, il n'existe pas de dispositions dans la Loi sur l'impôt sur le revenu ni dans le règlement visant à exclure ce contenu.

Pourquoi n'avez-vous pas inclus, dans ce projet de loi C-10, au lieu de trépasser par des supposées lignes directrices, qui seront à votre discrétion, ces trois items soit l'obscénité, la propagande haineuse et la pornographie juvénile? Ne sont-ils pas des éléments dans l'acte comme tel? L'ensemble de la population canadienne pourrait souscrire à vos intentions.

Mais je peux vous dire que depuis un mois et demi, j'ai reçu presque 5 000 courriels qui ne sont pas d'accord avec ce que vous voulez faire et cela pour maintes raisons.

Le président : La question est claire. Vous voulez répondre?

Mme Verner : Merci, monsieur le président. Il y a plusieurs choses dans ce que vous dites. Je me réfère encore en 2002 et en 2003.

Le sénateur Ringuette : Non, écoutez, répondez à ma question.

Mme Verner : C'est ce que j'essaie de faire. Si vous me laissez la parole, je vais me faire un plaisir de le faire.

Le sénateur Ringuette : Monsieur le président m'a demandé de poser des questions succinctes et c'est ce que j'ai fait.

Le président : C'est ce que vous avez fait. Alors, n'ajoutez pas des commentaires après les questions.

Mme Verner : Si vous connaissez l'historique, cela m'étonne que vous posiez ces questions. Il est bien indiqué dans les documents de 2003 que l'on souhaite l'établissement de lignes directrices.

J'irais plus loin. Je demande que ce soit l'industrie qui rédige les lignes directrices et qu'elle me les soumette. Je pense que le partenariat est là, la collaboration était là en 2003, lorsque les intentions du gouvernement libéral ont été annoncées et l'industrie s'est déclarée satisfaite de cela. C'est exactement le même libellé qu'on retrouve aujourd'hui en 2008.

Le sénateur Ringuette : Monsieur le président, je suis vraiment déçue que la ministre ne puisse pas répondre à la simple question : Pourquoi n'inclut-on pas dans le projet de loi C-10 l'obscénité, la propagande haineuse et la pornographie juvénile, point à la ligne? Pourquoi?

Mme Verner : Parce qu'il se trouve que comme gouvernement responsable, il y a des notions qui ne sont pas dans le Code criminel, mais pour lesquelles on pense que l'ensemble des contribuables canadiens ne devrait pas fournir l'argent de leur travail durement gagné. Comme je vous le disais tout à l'heure et comme je l'ai dit à vos collègues, il y a des exemples de violence excessive, il y a du dénigrement envers des groupes ciblés de la société, mais je ne veux pas aller plus loin, j'aimerais que ce soit l'industrie qui établisse les lignes directrices.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Madame la ministre, c'est à vous qu'il incombe de nous convaincre des raisons pour lesquelles vous avez besoin de ces directives et de cet article. À l'appui de votre position, vous avez mentionné quatre provinces, soit celles de la Colombie-Britannique, de Terre-Neuve-et-Labrador, de l'Ontario, et de la Nouvelle-Écosse, qui est ma province. Dans ces provinces, les systèmes sont régis par des règlements. Nous avons fait une recherche. Il est intéressant de voir qu'aucune de ces quatre provinces n'a indiqué avoir de plan pour définir dans leurs règlements quels usages sont « contraires à l'ordre public », ni d'intention de transférer les pouvoirs des règlements vers les lois.

En outre, leurs représentants nous ont dit qu'ils n'ont jamais connu de cas dans lesquels l'application des exigences en matière de propriété aurait fait en sorte que le crédit d'impôt soit accordé par le gouvernement fédéral et refusé par le gouvernement provincial, ou l'inverse.

J'aimerais savoir, comme le sénateur Massicotte vous l'a demandé au début de la réunion, quels sont les titres des œuvres cinématographiques qui ont été réalisées et auxquelles on aurait refusé le financement si cette disposition s'était appliquée.

[Français]

Mme Verner : Merci de votre question, première des choses, lorsque vous parlez, entre autres, dans votre province de « contraire à l'ordre public » et qu'il n'y a pas de lignes directrices, vous comprenez qu'à ce moment l'évaluation est au sens large. Les raisons pour lesquelles on propose des lignes directrices, c'est que cela permet d'être plus précis et de rester dans un processus juste, équitable et transparent.

Concernant les noms des productions qui n'ont pas reçu de crédit de taxes, en vertu de l'article 241 de la Loi sur l'impôt, ce sont des informations fiscales et je ne suis pas autorisée à donner le nom des productions.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Si vous ne pouvez pas nous en donner les titres, pourriez-vous fournir au comité le nombre de films qui se seraient trouvés dans cette situation et les années au cours desquelles ils ont été tournés, s'il vous plaît?

[Français]

Mme Verner : Il y en a eu deux, mais pour les motifs, je vais demander à M. Blais de vous répondre.

[Traduction]

Le président : En quelle année?

M. Blais : Il y a eu en 2007 deux cas visés par la définition de pornographie, qui est prévue expressément dans le règlement.

Le sénateur Moore : Il existait déjà des règles applicables à de tels cas.

M. Blais : Il n'y a eu que deux cas. La ministre a signalé qu'elle ne pouvait pas fournir de titres, mais les sénateurs savent que le projet de loi comprend une proposition qui permettrait d'afficher sur le site Web les titres des productions.

Le sénateur Moore : Il n'y a eu que deux cas, tous les deux l'an dernier. N'y a-t-il eu rien d'autre?

M. Blais : Je me suis trompé. Ces deux cas étaient en 2002 et en 2007.

Le sénateur Moore : Il n'y a eu qu'un cas à chacune de ces deux années?

M. Blais : Oui.

Le sénateur Moore : S'il n'y a eu rien d'autre, je me demande pourquoi on essaie de régler un problème qui n'existe pas.

J'aimerais savoir, madame la ministre, si vous ou vos fonctionnaires avez rencontré Charles McVety, de la Coalition de l'action pour la famille au Canada, de Calgary, en Alberta, ou avez discuté avec lui?

Mme Verner : Jamais.

Le sénateur Moore : Savez-vous si certains de vos fonctionnaires l'ont rencontré?

M. Blais : Je ne l'ai pas rencontré, et je ne crois pas qu'aucun de mes fonctionnaires l'ait fait.

Le sénateur Moore : On trouve au paragraphe 120(12), page 351, une phrase très importante que le sénateur Fox a mentionnée. On peut lire : Il est entendu que ces lignes directrices ne sont pas des textes réglementaires au sens de la Loi sur les textes réglementaires ».

Si cette disposition est adoptée, ces lignes directrices, dont nous ne connaissons pas la teneur, ne pourront pas être modifiées par le Parlement. Elles ne pourront pas être examinées par le comité mixte permanent d'examen de la réglementation, et elles pourraient même échapper à la compétence des tribunaux. Il faudrait d'abord connaître la teneur de ces lignes directrices. Pourquoi ce pouvoir vous est-il nécessaire?

Bruce Stockfish, avocat général, Patrimoine canadien : Il est exact de dire que les lignes directrices ne sont pas des textes réglementaires et que, par conséquent, elles ne sont pas assujetties au même traitement que les règlements. Cette disposition a été incluse dans le projet de loi pour accroître au maximum la souplesse nécessaire à leur rédaction. Il est faux de dire par contre que les lignes directrices ne seraient pas assujetties à un examen judicaire, par exemple. Les tribunaux pourraient examiner ces lignes directrices pour voir si elles sont rédigées de façon raisonnable, si elles sont appliquées de façon uniforme plutôt qu'arbitraire. Les tribunaux pourront exercer une certaine surveillance.

Le sénateur Moore : Toutefois, elles ne seront pas assujetties à l'examen du Parlement du Canada, et ce n'est pas une bonne chose. Je ne peux comprendre pourquoi un ministre pourrait souhaiter avoir un pouvoir aussi illimité. Je ne suis pas convaincu que ce soit nécessaire, après avoir entendu le témoignage présenté devant le comité aujourd'hui.

[Français]

Mme Verner : J'aimerais ajouter que c'est la même chose pour les autres lignes directrices des autres programmes du ministère. Je reviens toujours aux intentions du gouvernement libéral en 2002-2003. C'est exactement la même chose. Ce qu'on propose en plus, c'est de travailler avec l'industrie et de s'assurer qu'on va travailler en partenariat.

[Traduction]

Le sénateur Moore : C'est bien beau de dire que cette mesure a été examinée par d'autres gouvernements, mais la mesure législative proposée maintenant, dans sa forme actuelle, n'a jamais été présentée à notre comité du Sénat du Canada.

Madame Verner : C'est vrai.

Le président : Ce projet de loi ne nous a pas été présenté avant le 4 décembre 2007, sous quelque forme que ce soit.

Le sénateur Moore : L'industrie n'a pas vraiment d'importance.

[Français]

Mme Verner : Il a été adopté par le Parlement avec l'appui de tous les partis.

Le sénateur Ringuette : Par la Chambre des communes?

Mme Verner : Par la Chambre, oui.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Je m'inquiète du pouvoir vague, illimité et inattaquable de cette disposition qu'on donne au ministre, quel que soit le gouvernement.

Le président : Notre comité a été à plusieurs reprises confronté au problème que posent les lignes directrices, entre autres dans le cas du Bureau du surintendant des institutions financières du Canada, le BSIF, et de tous les pouvoirs que possède ce bureau pour ce qui est de régir les entreprises et les banques du secteur des services financiers. C'est une méthode dont il faut user avec prudence. Les gouvernements y ont souvent recours de nos jours, que ce soit une bonne chose ou non, à notre avis.

De toute façon, le sénateur Goldstein souhaite demander des précisions.

Le sénateur Goldstein : Il ne s'agit pas de mon intervention principale, si jamais si c'est mon tour.

[Français]

Madame la ministre, vous avez dit tout à l'heure qu'en 2002-2003, lorsque les règlements ont été élaborés, que l'industrie s'est déclarée satisfaite. C'est ce que vous avez dit. Qui dans l'industrie s'est déclaré satisfait, quand et dans quelle forme?

Mme Verner : C'est dans un communiqué de presse datée du 14 novembre 2003.

[Traduction]

L'association canadienne de production de films et de télévision a déclaré que « les producteurs félicitent le gouvernement fédéral de bonifier le crédit d'impôt ».

[Français]

Le sénateur Goldstein : Ils ne se sont pas penchés sur la question de savoir si le crédit d'impôt aurait pu être refusé. Ils se sont prononcés seulement sur les aspects fiscaux et non pas sur cet aspect que vous voulez faire adopter en ce moment.

Mme Verner : Il s'agissait quand même des mêmes dispositions et je vais vous les lire. Le 14 novembre 2003, il est bien indiqué que « le fait d'accorder à la production un soutien financier de l'État ne serait pas contraire à l'ordre public ». C'est bien indiqué et sur une page subséquente, on retrouve la notion de « lignes directrices » :

Que le ministre du Patrimoine canadien publie les lignes directrices sur les circonstances dans lesquelles les conditions énoncées[...]

Je vous fais grâce du reste. On parle, en 2003, des lignes directrices et on parle de la notion de l'ordre public. Or écoutez, je ne peux pas dire à leur place pour quelles raisons ils ont émis un communiqué de presse à l'époque. Je ne peux pas parler en leur nom. Mais ce que je vous dis, c'est que personne ne peut feindre d'ignorer aujourd'hui ce qui était là en 2003, ce qui avait été annoncé en 2002 et ce qui a été adopté par la Chambre en 2007, avec l'appui de tous les partis.

Le sénateur Goldstein : À l'insu de plusieurs partis comme on l'a entendu à la Chambre il y a deux semaines.

Mme Verner : C'est assez curieux, ne serait-ce que de la part du Parti libéral. Ils étaient tous là lorsque cela a été annoncé en 2003.

Le sénateur Goldstein : Croyez-vous qu'un être humain ordinaire pourrait comprendre 560 pages d'articles épais, incompréhensibles, même pour les experts en matière d'impôt?

Mme Verner : Ce qui a été publié par le ministère des Finances, le communiqué de 2003 n'a pas 600 pages.

Le sénateur Goldstein : Il parle des crédits d'impôt?

Mme Verner : Absolument.

Le sénateur Goldstein : Mais ne parle pas de la discrétion donnée à la ministre.

Mme Verner : C'est faux, c'est écrit, c'est bien indiqué.

Le sénateur Goldstein : « À la discrétion de la ministre », pourriez-vous le lire? Trouvez la citation.

Mme Verner : Il est bien indiqué « certificat délivré par la ministre du Patrimoine canadien relativement à une production et attestant qu'il s'agit d'une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne relativement à laquelle ce ministre est convaincu[...] » elle est là la notion.

Le sénateur Goldstein : Convaincu de quoi?

Mme Verner : Que le fait d'accorder à la production un soutien financier de l'État ne serait pas contraire à l'ordre public.

Le sénateur Goldstein : Ma question était la suivante madame la ministre et vous l'avez bien comprise. Est-ce que vous avez mentionné la discrétion du ministre dans ce communiqué? La réponse est non.

Mme Verner : Écoutez, je viens de vous lire le communiqué.

[Traduction]

Le président : Les faits sont éloquents. Chers collègues, on m'a dit qu'il y aura un vote à la Chambre des communes à 17 h 30. La ministre devra bien sûr nous quitter à temps pour pouvoir aller voter. Nous avons d'autres témoins à entendre. Nous avons pu poser des questions. Je vais laisser la parole à un autre sénateur, le sénateur Tkachuk, et si je comprends bien, madame la ministre, vous devrez partir à 17 h 20 pour aller voter. Serez-vous en mesure de revenir?

Madame Verner : J'étais censée partir à 17 heures. Je suis prête à rester encore quelques minutes, mais j'étais supposée partir avant.

Le président : Je comprends. Pourriez-vous écouter les questions du sénateur Tkachuk, et vous devrez ensuite revenir?

Le sénateur Tkachuk : Je vais essayer d'être aussi bref que possible. L'important, que vous avez essayé d'expliquer, c'est que ces mesures ne représentent pas un changement dans la politique; il n'y a donc aucune raison de s'alarmer s'il n'y a pas de changement.

Le fait est qu'à un certain nombre de reprises, on a refusé de financer certaines émissions, par décision ministérielle, et cela peut venir en partie de ce qu'il existait déjà un règlement ou une politique. Par conséquent, les gens de l'industrie seraient moins enclins à présenter une demande s'ils savaient que cette demande serait rejetée.

Sans cette disposition, avez-vous le pouvoir, comme ministre, ou l'obligation d'approuver une demande? Pouvez- vous refuser d'approuver une demande?

[Français]

Mme Verner : Merci de votre question, puisque les règlements ont été retirés en 2005, en raison de la nouvelle législation qui venait, si cette disposition est retirée du projet de loi C-10, nous ne posséderons aucun moyen pour prévenir la remise de crédit d'impôt à certaines productions.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : Même si vous le vouliez, vous ne pourriez pas le faire?

Madame Verner : Absolument.

Le sénateur Tkachuk : Si vous n'avez pas le droit d'approuver les demandes, comment êtes-vous responsable devant le Parlement de ces approbations?

Judith A. LaRocque, sous-ministre, Patrimoine canadien : Actuellement, le processus d'approbation se fait en deux volets. Un producteur peut présenter un projet et demander un certificat pour le crédit d'impôt au Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens, ou BCPAC. Dans le cadre de ce processus, les producteurs prennent divers engagements. Par exemple, que le réalisateur sera canadien, que le scénariste sera canadien, que la principale vedette sera aussi canadienne, notamment.

À ces conditions, le BCPAC délivre un certificat, ou plutôt une ébauche de certificat qui n'est qu'un avis préliminaire. Les producteurs peuvent se présenter à la banque munis de ce certificat en disant que s'ils font tout ce qui est prévu, le crédit d'impôt leur sera accordé. Et c'est habituellement à cela qu'ils reçoivent des prêts pour la production.

Une fois le film tourné, le BCPAC regarde toute la liste des engagements pris et vérifie s'ils ont été tenus. Ce n'est qu'à ce moment que le ministre délivre le certificat final.

Le ministre a le pouvoir discrétionnaire lorsqu'il s'agit de déterminer si les producteurs se sont acquittés de leurs obligations. Le ministre n'a toutefois pas discrétion, actuellement, pour déterminer si quelque chose va à l'encontre du Code criminel, ce qui rendrait quelqu'un passible de poursuites, ce pourquoi le ministre n'a pas le pouvoir de refuser le crédit d'impôt.

Cela va au-delà de la disposition sur ce qui est « contraire à l'ordre public » parce que même si la situation se produit dans de rares cas, il reste qu'à notre avis il serait certainement inacceptable pour les contribuables canadiens d'avoir à accorder un crédit d'impôt pour certains types de productions, comme celles dont la ministre a parlé et qui dénigrerait un groupe particulier, qui inciterait à la haine, et cetera.

Le sénateur Tkachuk : Sans sa disposition, la ministre ne peut pas dire : « Je ne veux pas signer ce certificat. Je pense que le film est illégal, ou je pense que le public serait horrifié d'apprendre que nous finançons Laura baise à la ronde ou quelque chose du genre ».

Madame LaRocque : Actuellement, la ministre peut refuser de signer seulement si Laura baise à la ronde n'a pas rempli les conditions imposées relatives au réalisateur, à la vedette, et cetera.

Le président : Madame la ministre, permettez-vous que nous posions des questions à vos collaborateurs, en votre absence? Nous reprendrons contact avec vous pour que vous comparaissiez de nouveau devant le comité.

[Français]

Mme Verner : Oui, absolument. Je vais juste vérifier leur agenda avant de prendre un engagement.

Le président : Vous avez un vote très important.

[Traduction]

Le président : La ministre reviendra. Pour l'instant, les fonctionnaires resteront.

[Français]

Est-ce que c'est possible ce soir après le vote?

Mme Verner : Non.

Le président : D'accord, on contactera le personnel de votre bureau.

[Traduction]

Nous avons un autre groupe de témoins, mais nous avions prévu passer la période de 16 à 17 heures avec la ministre et ses fonctionnaires; nous devrions au moins terminer un tour de questions pour ces témoins. Cela plaît-il au comité? Après ce tour de questions, nous ferons venir les autres témoins.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Tkachuk : J'aimerais une précision au sujet de la responsabilité ministérielle envers la Chambre des communes. Lorsqu'ils répondent à des questions à la Chambre au sujet de l'ordre public, ou au sujet de lignes directrices, les ministres peuvent prendre certaines décisions. Mais sans lignes directrices, vous me dites que cette situation prive le ministre du droit de décider, c'est bien cela?

Mme LaRocque : Je ne suis pas avocate et je vais donc demander à M. Stockfish de vous répondre. Je pense que cela prive la ministre de toute discrétion quant au refus de crédits d'impôt, à moins que soient respectées les fins prévues pour ce crédit d'impôt.

M. Stockfish : La ministre a le pouvoir d'agir pour toutes questions dans la mesure où ce pouvoir lui est accordé par la loi. Dans ce cas-ci, délivrer un certificat pour fins de crédit d'impôt est une chose qui se fait presque automatiquement, sans droit de regard sur le contenu, tant que les exigences de la loi sont satisfaites.

Mme LaRocque a parlé de l'exigence relative à la propriété canadienne et aux aspects canadiens. Elle a aussi rappelé que certaines productions n'étaient pas exclues. La pornographie est un type de production exclu d'après le Règlement et l'exemple que vous avez donné n'aurait pas respecté les critères. Tant que ces critères sont respectés, la ministre n'a d'autre choix que d'accorder le certificat, même si elle peut trouver le contenu inacceptable.

Le sénateur Tkachuk : La ministre a dit qu'elle était prête à attendre un an pour l'entrée en vigueur de cette disposition, en attendant que soient créées les lignes directrices et a invité le secteur du cinéma à la conseiller quant à ces lignes directrices. J'aimerais savoir s'il y a des réticences de la part du secteur lorsqu'il s'agit de conseiller la ministre? Est-ce simplement parce que le processus n'est pas terminé?

Le président : Cette question s'adresse-t-elle à Mme LaRocque?

Le sénateur Tkachuk : Elle s'adresse à qui voudra bien y répondre.

Le président : Lequel de nos témoins traite avec le secteur du cinéma?

M. Blais : C'est moi. Dans son discours, la ministre a dit qu'ils étaient « hésitants ». Mais nous ne sommes qu'au début du processus. Comme la ministre l'a dit, nous espérons poursuivre notre partenariat avec ce secteur, partenariat qui existe depuis des années. La ministre l'a dit, elle leur tend la main pour maintenir ce partenariat et cette collaboration.

Le sénateur Goldstein : Mais n'ont-ils pas refusé de traiter de cette question, que vous sachiez?

Mme LaRocque : À notre connaissance, ils n'ont pas dit oui.

Le sénateur Goldstein : Vous ne répondez pas à ma question.

Mme LaRocque : Je n'ai pas entendu de « non ». Nous pensons que la participation du secteur du cinéma est dans l'intérêt de tous. Nous préférons qu'il participe à l'élaboration de ces lignes directrices parce que nous voulons qu'elles soient assez précises. Nous espérons pouvoir arriver à une entente sur la teneur de ces lignes directrices, afin d'avoir la clarté et la transparence qui donneront des certitudes aux producteurs, plutôt que d'avoir une discrétion illimitée comme on a maintenant et que cette situation ne justifie pas.

Le sénateur Eyton : J'apprécie l'aperçu que nous a donné la ministre. Avez-vous eu des discussions sur cette période de grâce de 12 mois avec le secteur du cinéma?

Mme LaRocque : Oui.

Le sénateur Eyton : Malgré la générosité apparente de l'offre qui lui est faite de travailler ensemble à une solution, diriez-vous que la réaction est toujours hésitante?

M. Blais : Au centre de ce secteur, il y a des intérêts divers. J'ai parlé à un groupe de producteurs. Comme l'a dit Mme LaRocque, ils n'ont pas refusé mais n'ont pas non plus encore accepté. Ils posent des questions, et c'est le genre de relations que nous avons habituellement avec des groupes sectoriels et culturels. Ils posent des questions et nous essayons d'y répondre; c'est un dialogue.

Le sénateur Eyton : Mais cette offre remonte à quelques semaines.

M. Blais : Je dirais que cela fait moins de deux semaines.

Le sénateur Eyton : Dans le discours et dans nos documents d'information, il y a diverses solutions possibles au sujet de cette disposition. On nous a parlé des années 2002, 2003 et 2005. Il serait utile d'avoir une chronologie exacte de cette disposition, assortie de dates qui nous permettent d'en connaître l'évolution. À un certain moment, on a décidé de faire de ce règlement une disposition législative. Il doit y avoir une raison à cela, puisque ce n'est pas le genre de choses qu'on décide de faire spontanément. Quelqu'un a dû juger que ce règlement devait devenir une loi.

Gérard Lalonde, directeur, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances du Canada : Cette question remonte à il y a longtemps. Le crédit d'impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne a été créé au moment du budget de février 1995. Il remplaçait la déduction pour amortissement, un allègement fiscal qui n'avait pas beaucoup de succès, du point de vue des politiques. Le programme coûtait cher sans que les producteurs de films en profitent vraiment.

Avant le budget de 1995, nous avons collaboré de près avec des associations de producteurs de films et de télévision à la préparation de ce qui a été annoncé dans le budget. Cette proposition comprenait bon nombre de règlements fiscaux dont l'ébauche a été publiée le 12 décembre 1995. Les règlements prévoyaient un critère relatif à l'ordre public, mais rien qui se rapporte à des lignes directrices.

La rédaction des règlements a pris beaucoup de temps, et pour une bonne raison, pour que tous les freins et contrepoids soient prévus. Il fallait aussi veiller à ce que le règlement soit tout à fait conforme aux lois canadiennes, particulièrement aux lois applicables aux mesures législatives subordonnées.

Comme les sénateurs le savent, les règlements, y compris ceux qui se rapportent à l'impôt, sont adoptés par décret en conseil, au Cabinet, sans être déposés au Parlement. Ils relèvent toutefois du pouvoir de prendre des règlements, conféré par une loi habilitante.

Étant donné les pouvoirs délégués se rapportant aux règlements, ceux-ci doivent avoir un objectif clair et doivent tirer leur pouvoir d'une loi habilitante.

J'ai déjà mentionné que les critères relatifs à l'ordre public étaient compris dans l'ébauche initiale de ces règlements. Pendant qu'on finalisait ces règlements, il y a eu des moments où ces dispositions ont été près d'être adoptées. Elles ne l'ont été qu'en 2005, et je pourrai vous expliquer pourquoi plus tard.

Le ministère de la Justice avec qui travaille étroitement le ministère des Finances a signalé qu'il serait préférable que les critères relatifs à l'ordre public se trouvent dans la loi habilitante, soit, dans ce cas-ci, la Loi de l'impôt sur le revenu. Il ne s'agissait pas d'interdire le recours aux règlements, mais on signalait que bon nombre de provinces avaient inscrit ces critères dans les règlements.

Le président : Quand cela a-t-il été signalé, monsieur Lalonde?

M. Lalonde : Ce conseil a été donné avant la publication des amendements proposés en 2002 à la Loi de l'impôt sur le revenu, visant à supprimer ces critères des règlements. À ce moment-là, les amendements avaient été proposés, mais pas encore adoptés. Ils étaient toutefois administrés par l'Agence de revenu du Canada, ou comme on l'appelait à l'époque, Revenu Canada. Dans une note du 20 décembre 2002, je crois, on a proposé d'inscrire ces critères dans la Loi de l'impôt sur le revenu.

On nous a aussi rappelé que la discrétion ministérielle devait préférablement être assortie de lignes directrices. Cette exigence a donc été intégrée au projet de loi.

En décembre 2002, les ébauches de modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu ont été publiées et nous avons continué de discuter de cette proposition, ainsi que d'autres mesures qui intéressaient le secteur du cinéma et de la télévision. Ces discussions ont mené à la publication en novembre 2003 d'un avant-projet de loi visant particulièrement la production cinématographique et télévisuelle. Le critère relatif à l'ordre public ainsi que les lignes directrices s'y trouvaient.

On les trouvait au départ dans la publication de 2002, qui était assez large. Elles étaient répétées dans celle de 2003, de moindre portée puisqu'on n'y traitait que des aspects des lois fiscales se rapportant au crédit d'impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne.

La mesure annoncée le 20 décembre 2002 a fait l'objet d'un avis de motion de voies et moyens déposé le 30 octobre 2003 par le ministre John Manley. Mais il y a eu prorogation en novembre 2003 et il fallait un nouveau projet de loi.

En outre, le lendemain, la loi proposée pour améliorer les modifications au crédit d'impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne a été annoncée. Ces modifications supplémentaires ont été intégrées à un plus important projet de loi qui a été déposé en juillet 2005. En janvier 2006, le Parlement a été dissout et il a fallu déposer à nouveau le projet de loi, numéroté C-33, en novembre 2006.

Il y a eu prorogation du Parlement le 13 septembre 2007 et le projet de loi était de nouveau dans les limbes. Il avait été adopté par le Chambre des communes, mais pas par le Sénat. Il a été encore une fois déposé, portant le numéro C- 10.

Voilà la genèse de cette mesure législative.

Le président : La question du sénateur Eyton était la suivante : est-ce qu'à un moment donné, cette mesure est passée des règlements à la loi? Vous nous avez donné beaucoup d'information.

Le sénateur Eyton : C'était une longue réponse pour une courte question.

Je voulais savoir plus particulièrement si l'initiative était venue du ministère de la Justice.

M. Lalonde : Oui.

Le sénateur Eyton : Cette disposition est-elle préférable sous forme de loi que sous forme de règlement?

M. Lalonde : Mme Hassan, du ministère de la Justice, peut répondre à cette question.

Sandra Hassan, avocate générale, directrice, Division du droit fiscal, Direction juridique, ministère des Finances Canada : D'après notre analyse, il était préférable de retirer cette disposition des règlements et de l'intégrer à la loi, étant donné le risque qu'elle soit déclarée nulle pour cause d'imprécision. D'après la jurisprudence, en effet, les tribunaux sont plus indulgents envers une disposition de ce genre si elle se trouve dans une loi que dans un règlement. C'est la situation qu'a expliquée M. Lalonde.

Lorsque le règlement proposé au départ a été publié en 1995, la disposition n'était qu'un article des règlements. Quand on l'a ajoutée au projet de loi pour faire en sorte que les contribuables sachent ce à quoi on s'attend d'eux, et pour réduire le risque que pouvait représenter son imprécision, on a ajouté un paragraphe. Ce paragraphe précisait que le ministre établirait des lignes directrices. On réduisait ainsi le risque, d'après le ministère de la Justice.

Le président : Madame Hassan, connaissez-vous personnellement le dossier au sujet duquel vous témoignez?

Mme Hassan : Je n'étais pas là à l'époque. Mais je suis maintenant directrice de cette division et je connais le dossier.

Le président : Merci.

Le sénateur Eyton : J'ai bien l'impression que si ce conseil n'avait pas été donné, et que la disposition était toujours dans les règlements, nous n'en parlerions pas aujourd'hui.

Mme Hassan : Vous avez raison.

Le sénateur Eyton : Qu'arrivera-t-il si cette disposition n'est pas adoptée? Quel sera le résultat?

M. Lalonde : Cela ne se produira que si le Sénat ne l'adopte pas en troisième lecture ou...

Le président : Ce n'est pas la question que je posais. Présumons que le Sénat n'adopte pas cette disposition précise. Le sénateur Eyton demande quelles en seraient les conséquences.

M. Lalonde : Le projet de loi serait renvoyé à la Chambre. Une motion serait déposée, présumons-nous, pour retirer cette disposition. Le projet de loi serait renvoyé à la Chambre des communes et on y voterait sur la modification.

Le président : Sénateur Eyton, je pense que vous devez poser une question complémentaire.

Le sénateur Eyton : Je parlais des conséquences pour Patrimoine canadien et pour le processus. Vous avez actuellement un processus. Je présume que si ces dispositions n'étaient pas adoptées, vous ne changeriez rien au processus, n'est-ce pas?

Mme LaRocque : Oui, sénateur, cela signifierait que la ministre ne disposerait d'aucun des pouvoirs qu'elle cherche à exercer grâce à cette loi. Nous reviendrions alors à l'époque où l'on suivait strictement ce qui a été fait du crédit d'impôt accordé en rapport au contenu canadien.

Le sénateur Fox : Est-ce ainsi à l'heure actuelle?

Mme LaRocque : Oui.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce qu'on pourrait alors prendre un règlement?

Mme Hassan : Il en existe déjà un, qui est d'ailleurs assorti de certains critères. Ce règlement, DORS/2005-126, exclut déjà certaines productions. Si l'on se reporte au paragraphe 1006 (1), on y voit que sont exclues les productions qui sont une interview-variétés et une émission d'information, d'actualités ou d'affaires publiques ou une émission qui comprend des bulletins sur la météo ou les marchés boursiers. Sont également exclues les productions qui sont des interviews-variétés, les productions comportant un jeu, un questionnaire ou un concours; la présentation d'une activité ou d'un événement sportif, la présentation ou d'une remise de prix; une production visant à lever des fonds; de la télévision vérité; de la pornographie; de la publicité; une production produite principalement à des fins industrielles ou institutionnelles; enfin, une production, sauf un documentaire, qui consiste en totalité ou en presque totalité en métrage d'archives.

Il existe donc déjà un règlement.

M. Blais : L'essentiel par rapport à ce sujet est que si nous nous en tenons aux règlements actuels, la ministre pourra quand même exclure des projets pour raison de pornographie, sauf que la définition de la pornographie que donnent les lignes directrices du BCPAC est plus étroite. Ainsi que l'ont précisé la ministre et notre conseiller juridique, dans le cas de productions qui seraient en infraction au Code criminel, la ministre ne disposerait pas de toute la latitude voulue pour exclure ce genre de choses, par exemple un contenu haineux ou de la pornographie juvénile. Elle ne pourrait pas non plus exclure le petit nombre de projets qui, bien que légaux, dépassent les limites que l'industrie s'est elle-même fixées.

Le président : La parole est maintenant au vice-président du comité, le sénateur Goldstein. Madame LaRocque et madame Gibbons, un autre témoin vous accompagne. Souhaitez-vous qu'elle se joigne à vous?, ou est-elle ici pour répondre à des questions au besoin?

Nouvel intervenant : Elle est ici pour répondre au besoin.

Le président : Bien, je l'ai aperçue.

Sénateur Goldstein, la parole est à vous. Après, je crois que ce sera le tour du sénateur Fox. Ai-je raison de dire que vous voulez intervenir à nouveau?

Le sénateur Fox : Oui, si nous en avons le temps.

Le sénateur Goldstein : Cinq provinces se sont déjà dotées de mécanismes fiscaux afin de soutenir des productions canadiennes, ou plutôt provinciales, dans leur cas; le gouvernement fédéral quant à lui a aussi créé un incitatif fiscal aux mêmes fins. Quatre de ces cinq provinces assortissent ces instruments de mesures d'exclusion pour des raisons d'atteinte à l'ordre public. Il existe donc déjà des dispositions d'exclusion pour des raisons d'atteinte à l'ordre public, mais elles ne font l'objet d'aucune ligne directrice.

De plus, le gouvernement fédéral et diverses provinces accordent des subventions aux publications — j'entends par là des livres et des revues. Par conséquent, si on tient compte du nombre d'années pendant lesquelles le gouvernement fédéral et les provinces ont accordé des dégrèvements d'impôt aux publications culturelles, cela donne près de cent ans d'expérience en la matière.

Pendant cette période, deux projets ont été rejetés pour cause de pornographie, raison qui constitue déjà un motif d'exclusion. Par conséquent, pouvez-vous nous aider à comprendre pourquoi, compte tenu d'une expérience longue d'un siècle et de l'inexistence d'un problème, vous avez tout d'un coup estimé que la question est urgente et que le monde va s'effondrer si l'on n'agit pas?

M. Blais : Je ne peux me prononcer au nom des provinces car j'ignore ce qu'elles ont autorisé ou non par le passé. Cela dit, on peut penser que s'il existait une règle en la matière, elle dissuaderait vraisemblablement certains producteurs de demander une subvention liée au programme. Le fait que nous n'ayons pas exclu certains projets ne doit pas nous faire conclure que la loi, les lignes directrices ou encore d'autres mesures n'ont pas été efficaces.

Au fédéral, les lignes directrices remontent à il y a déjà quelques années, et il y a eu certains cas de ce genre, dont les deux que nous avons évoqués, où l'on demandait la certification de production audiovisuelle. Les autres programmes de subventions ont aussi exclu certains projets.

Le sénateur Goldstein : Combien?

M. Blais : Il y en a eu trois, je crois, au cours des deux dernières années. Encore une fois, on ne peut nécessairement conclure que nous ne les aurions pas exclus si le règlement n'avait pas existé. Si une telle règle n'était pas là, il serait trop tard pour intervenir en vertu du programme de crédits. Je crois que la sous-ministre voudrait ajouter quelque chose.

Le sénateur Goldstein : À mon avis, les Canadiens vont tirer leurs propres conclusions à ce sujet.

La ministre nous a dit que la proposition ne diffère en rien de ce qui existe déjà. Selon elle, son libellé est identique, tout comme les détails, et ce genre de disposition a déjà été étudiée, adoptée et acceptée par divers autres gouvernements.

Il n'empêche que dans les faits, le libellé est radicalement différent; le projet d'article 125.4, dont nous sommes saisis, dit bien qu'un « certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne » correspond à une production, et cetera. ayant reçu un certificat au sujet de laquelle « le ministre est convaincu[...] que le fait d'accorder un soutien financier de l'État ne serait pas contraire à l'ordre public ».

Toutefois, l'article 1106 du Règlement auparavant en vigueur précisait déjà qu'une production cinématographique ou magnétoscopique exclue l'était au motif que son soutien aurait été contraire à l'ordre public.

D'emblée, il semble que très peu de choses distinguent l'ancienne loi de celle qui est proposée. Est-ce qu'il ne vous semble pas révélateur cependant que le libellé de l'article 1106 se fondait sur la présomption de conformité à l'ordre public de la part de la production, et que, partant, le ministre était tenu de démontrer qu'elle lui était contraire, tandis que le projet de loi inverse tout à fait cette obligation? Il y a maintenant présomption d'atteinte à l'ordre public, à moins que le ministre ne juge que la production n'y est pas contraire. Pourquoi avez-vous modifié le libellé de manière aussi fondamentale?

M. Lalonde : Dans l'ensemble, il s'agissait de donner au libellé un style qui permettrait de l'insérer logiquement dans le cadre législatif. On a donc donné un tour négatif au nouveau libellé du règlement portant sur l'exclusion pour qu'il soit conforme à la version d'origine de la Loi de l'impôt sur le revenu préexistante.

Le sénateur Goldstein : Monsieur Lalonde, vous conviendrez que la modification porte ici non sur un tour grammatical mais sur le fond. Les avocats ici présents le pensent. En effet, ils mettent en jeu le fardeau de la preuve, les circonstances justifiant une exclusion ainsi que l'impossibilité pour les bailleurs de fonds éventuels de savoir si un jour, le ministre ne va pas déclarer un projet donné contraire à l'ordre public. Vous ne semblez pas avoir réfléchi aux conséquences que tout cela peut avoir pour une industrie de cinq milliards de dollars. Je trouve plutôt renversant qu'on envisage un tel changement.

M. Lalonde : Votre question en contient beaucoup d'autres. Pour ce qui est de la première, par rapport au pouvoir discrétionnaire, je ne suis pas d'accord avec votre affirmation selon laquelle il s'exercera de manière différente. Il ne s'agit pas d'ouvrir ou de fermer un commutateur mais bien d'exercer un pouvoir discrétionnaire. Par conséquent, le fait d'imposer une présomption négative plutôt que positive ne devrait pas entraîner de conséquences, particulièrement lorsqu'il est question d'exercer ou non un pouvoir discrétionnaire.

De plus, en ce qui concerne le changement à la Loi de l'impôt sur le revenu, on a ajouté l'exigence de créer des lignes directrices. Cette exigence ne se trouvait pas dans la réglementation. À mon avis, la proposition de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu est plus respectueuse des libertés publiques que celle qui avait été proposée au départ dans la réglementation.

Votre question complémentaire portait sur la capacité de l'industrie de trouver du financement des banques, après avoir reçu l'assurance qu'un crédit d'impôt serait octroyé. Il y a plusieurs raisons, dont certaines ont été esquissées par Mme Hassan, selon lesquelles une production cinématographique canadienne attestée ou ce qui aurait été attesté comme étant un film canadien pourrait ne pas recevoir un certificat après coup. En bout de ligne, une production pourrait ne pas recevoir un certificat si, par exemple, on avait déterminé que la vedette, le producteur ou les scénaristes, qui étaient présumément des Canadiens, n'avaient pas la citoyenneté canadienne. Ça pourrait se produire.

Le sénateur Fox : Ce sont des critères objectifs.

M. Lalonde : De plus, aucun crédit d'impôt ne serait octroyé à une production si celle-ci n'était jamais diffusée. Essentiellement, il y a un processus en deux volets, tel que décrit plus tôt par les représentants de Patrimoine canadien, en vertu duquel un producteur cinématographique qui fait une demande pour un crédit d'impôt tentera d'obtenir un certificat provisoire de Patrimoine canadien en présentant le contenu présumé du film, de même que l'identité des acteurs, des scénaristes et du distributeur.

En autant que ces éléments demeurent essentiellement les mêmes jusqu'à la fin du processus de production, le certificat sera délivré et le producteur aura droit au crédit. Le critère de l'ordre public n'est pas différent. Si, dans leur demande à Patrimoine canadien, des producteurs ont indiqué que leur film raconte l'histoire d'une famille vivant dans les Rocheuses canadiennes, par exemple, et que le film porte effectivement sur ce sujet, alors il ne devrait pas y avoir de problème. Cependant, si le film a été substantiellement remanié, au point où ça soulèverait la situation exceptionnelle et que le critère « contraire à l'ordre public » serait invoqué, ce qui arrive rarement, il faudrait que la représentation soit substantiellement faussée entre le moment de la demande du certificat provisoire et celui du refus du certificat final.

Le sénateur Goldstein : Je n'ai pas d'autres questions.

M. Blais : On a dit que les autres critères étaient objectifs et facilement applicables. Ayant examiné la question tant du côté de la pratique privée que du côté gouvernemental, je vous dirais que ce n'est parfois pas si simple d'établir l'identité du scénariste. Nous exigeons que le producteur ou ceux qui exercent les fonctions liées à la production soient des Canadiens. Lorsque des Américains dirigent les activités sur le plateau de tournage, il y a beaucoup d'ambiguïtés à savoir qui sont les vrais producteurs. À cet égard, nous avons actuellement des lignes directrices détaillées, semblables à celles que nous envisageons dans le cas qui nous concerne, et qui permettent aux gens de l'industrie de comprendre ce que nous voulons dire quand nous affirmons que les producteurs et les scénaristes doivent être des Canadiens. Quelqu'un qui fait de la réécriture est-il un scénariste? Ces lignes directrices aident l'industrie à mieux comprendre les situations. Je ne voudrais pas que vous présumiez que les critères du système actuel sont objectifs et pourraient être appliqués par un ordinateur puisque ça demande une part d'analyse.

Le sénateur Goldstein : Au mieux, une analyse de votre réponse me porte à croire que l'on est en train d'accroître la subjectivité dans une industrie qui en a déjà beaucoup. Je vous dirais respectueusement que vous n'aidez pas l'industrie mais lui mettez plutôt des bâtons dans les roues.

M. Blais : Ces lignes directrices sont précisément ce qu'utilise le Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens afin de créer un climat de certitude et faciliter le financement de l'industrie. C'est du pareil au même. L'industrie a composé avec les lignes directrices dans le passé.

Le sénateur Goldstein : Monsieur Blais, je crois comprendre que l'industrie vous a dit qu'elle ne voulait pas se trouver mêlée à ces lignes directrices.

M. Blais : Comme je l'ai déjà mentionné, j'ai parlé avec certains intervenants de l'industrie seulement. Je le répète : le groupe à qui j'ai parlé était hésitant.

Le président : Nous avons besoin d'éclaircissements à la suite des questions du sénateur Goldstein. La ministre a déclaré de façon catégorique qu'une disposition sur l'ordre public avait été adoptée en 2002 et en 2005. Elle a produit des documents et elle a dit que l'on retrouvait la disposition mot pour mot, sans changement. Or, si j'ai compris les questions que l'on vient tout juste de poser, le sénateur Goldstein a souligné le fait que le libellé est différent et qu'il ne correspond pas mot pour mot aux dispositions de 2002 et 2005.

Honorables sénateurs, est-ce bien ce que vous comprenez également? Si tel est le cas, alors la ministre travaille peut- être à partir d'une idée fausse. Nous tentons tous de résoudre cette question de façon décente.

M. Lalonde : Il n'est pas différent de celui qui avait été proposé en 2002 et en 2003. Seule la structure grammaticale est différente.

Le sénateur Massicotte : Peu importe. C'est de la politique. Tenter de déterminer ce qu'il y avait en 2003 équivaut tout simplement à tenter de dire que sur le plan politique, est-ce que quelqu'un a quoi que ce soit à gagner? Nous devons déterminer s'il s'agit d'une bonne ou d'une mauvaise mesure législative, d'une mesure législative appropriée ou inappropriée. Peu nous importe ce qui s'est passé auparavant. Nous devons déterminer ce qui est le mieux pour le Canada et si c'est approprié aujourd'hui.

Le président : Ma question n'était absolument pas de nature politique. Je voulais plutôt savoir si on nous avait dit la vérité, et maintenant on a tiré la situation au clair. Ce n'est pas à notre comité de décider s'il s'agit là d'une bonne ou d'une mauvaise politique. S'il y a des failles dans le projet de loi qui est proposé et que notre comité décide en toute sagesse d'étudier le projet de loi article par article, alors c'est ce que nous ferons.

[Français]

Le sénateur Fox : Premièrement, je partage l'inquiétude du sénateur Goldstein. Effectivement, en changeant la façon de rédiger le texte en mettant un « ne pas », il y a un fardeau de preuve qui semble, à première vue, avoir été renversé. Si cela ne change rien, pourquoi faire le changement? Laissez-le de la façon à laquelle nous sommes habitués.

Deuxièmement, madame LaRocque, quand vous ajoutez le paragraphe (b) à l'article 120.3, vous dites que le fait d'accorder à la production le soutien financier de l'État ne serait pas contraire à l'ordre public. Vous dites également que c'est ce qui se retrouve dans la législation provinciale?

Mme LaRocque : Oui, dans quelques-unes.

Le sénateur Fox : Est-ce qu'il y a, par la suite, dans la législation provinciale, un pouvoir de réglementation là- dessus?

Mme LaRocque : Je l'ignore.

M. Blais : C'est très différent. Dans le cas de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan, de Terre-Neuve-et- Labrador et de la Nouvelle-Écosse, c'est à la fois dans les lignes directrices et dans la législation. Dans le cas du Yukon, de l'Île-du-Prince-Édouard, du Nunavut, de l'Alberta et du Québec, c'est dans des lignes directrices. Dans le cas du Manitoba, du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario, c'est dans la législation.

Le sénateur Fox : Ce serait alors conforme à plusieurs provinces si c'était uniquement dans la législation et qu'on apportait cet amendement sans nécessairement procéder à l'amendement du paragraphe 120 (12)?

M. Blais : Il y a différents modèles disponibles.

Le sénateur Fox : Je n'ai pas compris la réponse de M. Lalonde. Est-ce impossible de concevoir qu'au lieu d'avoir des lignes directrices, on ait une réglementation? Comme on le sait, normalement, la réglementation est déposée devant un comité du Parlement.

[Traduction]

M. Lalonde : Êtes-vous en train de demander s'il serait impossible de faire en sorte que le règlement exige des lignes directrices?

Le sénateur Fox : Non, plutôt que de dire que le ministre publiera des lignes directrices, ce qui est une chose fantastique pour un ministre, est-ce que ça ne pourrait pas se retrouver dans un règlement? Le ministre publierait des lignes directrices sous forme de règlement, et le Parlement aurait ensuite la possibilité de les examiner.

Lorsqu'un ministre publie des lignes directrices, il peut les changer le lendemain, s'il le souhaite — je ne dis pas que la ministre ferait cela — tandis que dans le cas d'un règlement, il y a un processus à suivre.

Je ne sais pas si j'ai bien compris, mais vous avez dit qu'aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, il n'était pas possible de prendre un règlement, qu'il fallait plutôt publier des lignes directrices.

M. Lalonde : Pas du tout; il est possible de prendre un règlement aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu et nous en avons d'ailleurs beaucoup.

Le sénateur Fox : Nous pourrions modifier le projet de loi en disant que nous voulons un règlement, et la ministre pourrait, après en avoir parlé à l'industrie, inclure ses lignes directrices dans un règlement. Est-ce possible du point de vue juridique, sur le plan de la rédaction ou selon ce qui est prévu par la loi?

M. Lalonde : Cela est possible. Dans ce cas-ci, nous avons commencé avec un règlement qui ne comportait pas de lignes directrices, nous l'avons inscrit dans la loi et introduit le concept d'exiger des lignes directrices, mais les lignes directrices n'étaient pas des instruments prévus par la loi. Cette approche visait à s'assurer que les lignes directrices sont les plus souples possible, plutôt que d'être un règlement. Si les lignes directrices ont besoin d'être changées, par exemple, si elles doivent être moins strictes — ce n'est pas simple de réviser un règlement.

Le sénateur Fox : Je ne peux pas parler au nom de tous les membres du comité, mais il est sûr que certains d'entre nous seraient plus à l'aise — moi, certainement, avec des règlements aujourd'hui qu'avec des lignes directrices. Si je comprends bien la réponse serait que nous pourrions avoir des règlements plutôt que des lignes directrices.

[Français]

Mme Hassan : En réponse à votre première question où vous dites qu'on a modifié le texte et ce faisant, on a renversé le fardeau de la preuve, le critère se trouvait à l'origine dans un avant-projet de règlement de l'impôt sur le revenu, qui avait été rendu public le 12 décembre 1995. On se réfère à ce document lorsqu'on dit que le critère était positif. On parlait alors d'une production pour laquelle, de l'avis du ministre du Patrimoine canadien, il serait contraire à l'intérêt public d'accorder des fonds publics.

Comme l'expliquait M. Lalonde, le critère qu'on retrouve présentement dans le projet de loi C-10 a été formulé de manière à pouvoir l'insérer grammaticalement dans la définition de « certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne », mais il n'y avait pas d'intention. On n'a pas changé le critère comme tel.

Le critère qu'on a devant les yeux depuis 2002-2003, comme l'expliquait M. Lalonde, a été repris plusieurs fois. Il est présentement devant nous dans le projet de loi C-10 et il n'a pas changé. Il est toujours formulé à la forme négative. La ministre a bien répondu à la question; depuis 2002, c'est le même critère.

Le sénateur Fox : Je reviens aux lignes directrices et aux commentaires de M. Blais sur ce qui est objectif et subjectif. Déterminer si quelqu'un est un citoyen canadien, la réponse est oui ou non — après enquête peut-être —, mais à la fin, c'est objectif. Il est citoyen ou non.

Lorsqu'on se demande si quelque chose est obscène, ce n'est pas un critère objectif. Y a-t-il quelque chose qui va à l'encontre du Code criminel? À moins qu'un juge décide que cela va à l'encontre du Code criminel, ce n'est pas une décision objective qui serait faite par le ministère. C'est très subjectif. C'est là où je trouve que le bât blesse. Vous allez demander à la ministre de décider si quelque chose va à l'encontre du Code criminel alors que ce n'est pas son rôle, pas plus que le rôle du ministère.

Demander au ministère de décider si quelque chose est obscène, c'est ouvrir la porte à la censure. On pense à Lady Chatterley's lover — il y a longtemps — qui apportait une réflexion sur l'obscénité. Il est difficile et subjectif d'arriver à de telles conclusions. Si on est pour avoir des lignes directrices, je préférerais avoir des critères objectifs et si, par la suite, le film va à l'encontre du Code criminel, il faudrait trouver une façon différente d'enlever le crédit d'impôt rétroactivement. Il ne s'agit pas de décider à l'intérieur du ministère si quelque chose est obscène, si quelque chose est ceci ou cela. Vous quittez le domaine de ce qui est objectif pour aller vers celui du subjectif. Je vous soumets cela pour vos commentaires.

Mme LaRocque : Il faut quand même tenir compte de l'objectif premier que nous avions qui était de créer de la certitude dans l'industrie. On serait prêt à accepter des lignes directrices rédigées par l'industrie pour que les gens comprennent bien les règles du jeu avant d'aller chercher un crédit d'impôt. C'est la certitude qui fait en sorte que l'industrie est en santé ou non. L'idée était de cerner cela — où il y a possiblement un manque d'objectivité — avec les lignes directrices.

Le sénateur Fox : Je comprends l'objectif, mais on n'en est pas là.

[Traduction]

Le président : Le sénateur Tkachuk a une question complémentaire. Seriez-vous prêt à lui accorder cela, sénateur Fox?

Le sénateur Fox : Bien entendu.

Le sénateur Tkachuk : Je voulais clarifier la position des membres de notre comité. Puisque notre audience est télévisée, pour que ce soit clair et consigné au compte rendu, le projet de loi a reçu l'appui de tous les partis à la Chambre des communes, n'est-ce pas?

M. Lalonde : Oui, en effet.

Le sénateur Tkachuk : Un de ces partis, à ce que je sache, était quand même le Parti libéral du Canada.

Le sénateur Moore : C'est pour ça que nous avons le Sénat.

Le sénateur Tkachuk : C'est pour cela qu'il vous faut le Sénat, peut-être.

M. Blais : Je voulais répondre au sénateur Fox qui parlait d'objectivité. Je travaillais dans le secteur privé sur des questions de certification, et nous avons eu de longs débats sur des questions telles que savoir si des images d'archives sont utilisées dans la production ou non; si le producteur est canadien; si les autres qui se trouvent sur le plateau le sont. Ce sont des questions difficiles.

À première vue, il peut vous sembler que la décision est claire, mais je peux vous dire qu'il y a plusieurs différents types de productions. Les gens essaient de pousser un peu plus loin. Par exemple, ils embauchent des gens pour retravailler un scénario mais disent qu'ils ne sont pas vraiment scénaristes. Ces questions sont difficiles.

Nous ne prenons pas l'administration du crédit d'impôt à la légère. Nous savons que cela a un impact sur la population. Pour leur donner autant de certitude que possible, nous avons des lignes directrices et nous faisons le point avec eux pour qu'ils sachent exactement comment nous interprétons les règles.

Le président : Merci de votre observation.

Le sénateur Tkachuk : Je sais qu'il y a un autre groupe de témoins.

Le président : Non, plus maintenant. Nous les avons tous intégrés.

Le sénateur Tkachuk : Le sénateur Eyton et moi-même avons un comité qui commence à siéger à 18 h 15.

Le président : Moi aussi, mais les hauts fonctionnaires sont ici. Je crois que la plupart des sénateurs ont pu dire ce qu'ils avaient sur le cœur. Voici notre occasion de le faire. Je crois que la ministre serait prête à recomparaître si les membres du comité le souhaitent.

Sénateur Massicotte, vous êtes le dernier à avoir la main levée.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Madame LaRocque, vous avez mentionné que vous seriez prête à aller aussi loin que demander à l'industrie de définir les lignes directrices et que vous accepteriez leurs recommandations sans implication politique ni bureaucratique. Est-ce que je me trompe?

Mme LaRocque : Nous voulons un dialogue. Certes, nous avons des objectifs de politique publique. Toutefois, nous croyons qu'avec toute la bonne volonté nous pourrions travailler avec l'industrie.

Le sénateur Massicotte : Et si l'industrie vous répond en disant que les lignes directrices consistent en deux pages vides, qu'il suffit d'enlever trois ou quatre mots, que diriez-vous?

Mme LaRocque : Le Parlement peut décider que le projet de loi C-10 devrait passer de façon intégrale et que nous avons le devoir de créer des lignes directrices puisque la loi l'exige. Si nous voyons, à un certain moment, que l'industrie ne veut pas travailler avec nous, nous aurons le devoir, dans l'hypothèse où le projet de loi C-10 est adopté, de trouver d'autres moyens d'impliquer le public et l'industrie.

Le sénateur Massicotte : Nous sommes ici pour apprendre et non pour prendre une décision aujourd'hui. Nous posons des questions pour nous renseigner. Je ne suis pas expert de cette industrie. Toutefois, j'aimerais faire remarquer que nous avons reçu plus de 5 000 courriels, vous en avez sans doute reçus autant, ainsi que madame la ministre. On constate que les Canadiens et les Canadiennes sont très sensibles lorsqu'il s'agit de la liberté d'expression et avec raison. Quand on commence à manipuler, à gérer ou à tenter de définir cette liberté d'expression, les Canadiens le sont d'autant plus.

L'histoire révèle que de tels cas ne se sont produits qu'à deux occasions en cinq ans. Or, nous nous apprêtons à imposer un travail énorme, avec des lignes directrices qui risquent d'être compliquées, et beaucoup de bureaucratie, en soulevant plusieurs inquiétudes. Il faut se demander pourquoi suivre cette voie, qui pourrait n'avoir que peu d'impact positif. Il est vrai qu'on interceptera peut-être deux films un peu offensifs. Et alors? Est-ce si important au point de soulever tout ce débat? Il n'est pas trop tard pour reculer. Le projet de loi n'est pas encore adopté.

Mme LaRocque : C'est une question de volonté politique. Et si nous sommes ici, c'est pour une question politique. La question peut-être examinée sous un autre angle. Si nous accordons un crédit d'impôt à une production considérée par la majorité des Canadiens comme étant inappropriée, qu'il s'agisse d'un contenu ultraviolent, dénigrant où haineux...

Le sénateur Massicotte : Mais légal.

Mme LaRocque : Mais légal, est-ce bien l'intention du crédit d'impôt? La question est bonne.

Le sénateur Massicotte : On parle de deux circonstances dans les cinq dernières années.

Mme LaRocque : On parle de deux projets qui ont été refusés. On ne sait pas non plus les projets qui n'ont pas fait une demande pour un crédit d'impôt.

M. Blais : On ne sait pas non plus lesquels n'ont pu être exclus faute de critères en place.

Le sénateur Massicotte : Voilà la question. On peut trouver une scène offensive, mais il est dangereux de s'engager dans cette voie et il faut se demander s'il en vaut la peine. C'est pourquoi nous avons ces rencontres.

Mme LaRocque : Et c'est exactement pourquoi nous estimons que les lignes directrices sont importantes et nécessaires pour cerner le problème et avoir une très bonne compréhension de la question. Nous visons une entente partagée entre le gouvernement et l'industrie afin d'être tout à fait clair dans l'application de ce règlement ou de ces lignes directrices.

[Traduction]

Le président : Les hauts fonctionnaires ont-ils quelques dernières observations à faire?

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous remercie d'avoir partagé vos observations avec nous sur ces questions morales et juridiques complexes.

La séance est levée.


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