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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 17 - Témoignages du 30 avril 2008


OTTAWA, le mercredi 30 avril 2008

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, saisi du projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, notamment en ce qui concerne les entités de placement étrangères et les fiducies non-résidentes ainsi que l'expression bijuridique de certaines dispositions de cette loi et des lois connexes, se réunit ce jour à 16 h 20 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je suis David Angus, du Québec, et je préside le comité. Les autres membres du comité sont le sénateur Yoine Goldstein, vice-président du comité, du Québec ; le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta; le sénateur David Tkachuk, de la Saskatchewan; parrain du projet de loi C-10 ; le sénateur Trevor Eyton, de l'Ontario; le sénateur Dennis Dawson, du Québec; et le sénateur Pierrette Ringuette, du Nouveau- Brunswick.

Cette séance sera diffusée sur CPAC et l'Internet. Pour la suite de notre étude du projet de loi C-10, nous avons le privilège de recevoir l'honorable Jim M. Flaherty, ministre des Finances, accompagné de Gérard Lalonde et de Brian Ernewein.

Monsieur le ministre, nous avons beaucoup pensé à vous. Le projet de loi C-10 contient de nombreux chapitres et présente maints tours et détours que nous avons cherché à pleinement cerner. Vos fonctionnaires nous ont aidés en cela, ainsi que nos excellents chargés de recherche, et aujourd'hui nous approchons de la fin de nos audiences sur le projet de loi. Je crois savoir que vous tenez beaucoup à ce projet de loi et vous avez accepté de nous rencontrer cet après-midi pour nous expliquer pourquoi.

Monsieur le ministre, vous avez la parole.

L'honorable James M. Flaherty, C.P., député, ministre des Finances : Merci et bon après-midi. Je réalise que ce projet de loi est très long. L'une des raisons en est l'habitude d'annoncer des mesures par des avis de voies et moyens qui ne sont pas exécutoires. J'ai entendu à maintes reprises de la bouche de comptables agréés, de comptables généraux licenciés et d'avocats fiscalistes que cela introduit une certaine incertitude dans leur profession. Une grande partie de ce projet de loi légalise ainsi maintes de ces mesures que le gouvernement précédent a laissées s'accumuler. Nous devons faire les choses dans les règles et si une mesure est censée se traduire par un texte de loi, il importe de la légaliser et de ne pas l'administrer par le biais d'un avis de voies et moyens.

Le président : Monsieur le ministre, vous faites référence là à un aspect qui nous préoccupe tous beaucoup, à savoir que ce projet de loi est devenu un fourre-tout plutôt qu'un texte sur un sujet particulier. Je soupçonne que le comité le renverra accompagné de quelques observations défavorables sur la notion de projet de loi omnibus. Connaissant votre avis sur ce genre de projet de loi, j'espère que ces observations seront prises en considération.

M. Flaherty : En tant que ministre des Finances, je tiens à déblayer le terrain et nous avons une accumulation de mesures antérieures qui n'ont pas été légalisées.

Je remercie les sénateurs de cette invitation à comparaître. Ce projet de loi vise à donner effet à certaines mesures ou apporter certaines modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu.

[Français]

Je ne parlerai pas longtemps afin de vous permettre de poser des questions au sujet de ce texte de loi.

[Traduction]

Le projet de loi C-10 cherche à donner effet à un certain nombre de mesures, dont beaucoup remontent au budget fédéral de 1999 ou au début de cette décennie. Le projet de loi C-10, et son prédécesseur le projet de loi C-33, a été introduit en novembre 2006 lors de la 39e législature. Votre comité sénatorial en est saisi depuis décembre 2007. Après ces longues délibérations, j'espère que tous les parlementaires réalisent pleinement l'importance des mesures proposées dans le projet de loi C-10.

Le projet de loi porte notamment sur l'imposition des fiducies non-résidentes et entités de placement étrangères et apporte un certain nombre d'autres modifications techniques à la Loi de l'impôt sur le revenu.

[Français]

Les mesures prévues permettront d'accroitre l'équité fiscale et elles donnent directement suite aux préoccupations soulevées par la vérificatrice générale au sujet du recours à des structures non résidantes comme les fiducies pour obtenir des avantages fiscaux.

[Traduction]

En ce qui concerne les modifications apportées par le projet de loi au régime des crédits d'impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne, la ministre du Patrimoine canadien a récemment comparu devant votre comité et répondu à nombre de vos questions. Le but du projet de loi dont vous êtes saisis consiste à rendre notre régime fiscal plus équitable et plus compétitif. Tous les Canadiens et, j'en suis sûr, tous les sénateurs, souscrivent à cet objectif.

Comment réaliser cet objectif? Réduire les impôts est un élément de la solution. Des impôts réduits allègent le fardeau pesant sur les contribuables et encourage à travailler, épargner et investir davantage. Une fiscalité moins lourde nous aide à créer des conditions favorables à l'investissement, à la création d'emplois et à l'activité économique.

Il n'en demeure pas moins que les Canadiens restent toujours trop imposés. Notre gouvernement est résolu à continuer d'alléger les impôts au fur et à mesure que les ressources le permettront.

[Français]

Enfin, elles favorisent l'investissement au Canada, ce qui donne un élan à la croissance économique et à la création d'emplois. C'est un fait que les Canadiens paient trop d'impôts et notre gouvernement prend les moyens pour y remédier.

[Traduction]

Les mesures que nous avons introduites depuis notre arrivée au pouvoir, notamment dans le budget de cette année, qui est notre troisième budget, réduiront le fardeau fiscal de presque 200 milliards de dollars en 2007-2008 et les cinq années suivantes. Ces mesures s'inscrivent dans un plan économique plus large de notre gouvernement, appelé Avantage Canada, qui apporte un avantage fiscal au Canada. Ce projet de loi est un volet clé de notre plan économique à long terme. Nous réduisons également la dette fédérale à hauteur de plus de 37 milliards de dollars d'ici 2009-2010.

Ainsi, nous allons instaurer des réductions d'impôt sur le revenu des particuliers, au titre de la garantie de remise fiscale, à hauteur de 2 milliards de dollars par an. Chaque fois que nous réduisons la dette publique et épargnons des intérêts du fait que nous réduisons le principal, nous réduisons les impôts des particuliers d'un montant équivalent. Ces réductions fiscales accordées aux Canadiens avoisinent 2 milliards de dollars.

[Français]

Tout cela pour dire que notre gouvernement a pour objectif de réduire les impôts afin d'encourager les citoyens à travailler, à épargner et à investir, le tout dans un effort de créer un régime fiscal canadien concurrentiel.

[Traduction]

Avantage Canada représente un plan réaliste et responsable, qui donne des résultats. Le projet de loi C-10 en est un élément. Les mesures contenues dans le projet de loi C-10 contribuent à la stratégie de notre gouvernement visant à créer un régime fiscal compétitif et équitable.

Je vais dire quelques mots au sujet des fiducies non-résidentes et des entités de placement étrangères. Les mesures proposées dans ce projet de loi visent à prévenir le report et l'évitement d'impôt obtenus par le mécanisme des fonds de placement étrangers et des fiducies non-résidentes. Si quelqu'un cherche à réduire ses impôts en ayant recours à des fonds de placement étrangers, les mesures proposées dans le projet de loi C-10 feront en sorte que tout revenu produit par cet investissement sera imposé comme s'il avait été gagné au Canada.

[Français]

Cela est parfaitement juste. En effet, ces dispositions concordent avec notre objectif d'équité et d'intégrité, des qualités qui doivent former l'assise de tout régime fiscal qui se veut concurrentiel.

[Traduction]

Justement, aujourd'hui, 30 avril, est la date limite à laquelle les Canadiens doivent produire leur déclaration d'impôt. La vaste majorité de ces Canadiens vont diligemment payer leur juste part d'impôt et, ajouterais-je, paierons beaucoup moins sous notre gouvernement conservateur. Ces Canadiens laborieux seraient déçus s'ils pensaient que le Parlement ne faisait rien pour que tout un chacun paie sa juste part. C'est la seule façon pour que notre régime fiscal fonctionne efficacement au Canada. Le projet de loi C-10 s'inscrit entièrement dans la ligne de cet objectif. Il propose de modifier les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu relatives à l'imposition des revenus provenant de fiducies non-résidentes et d'entités de placement étrangères.

Ces deux types de véhicules de placement sont utilisés par quelques contribuables canadiens pour se donner un avantage inéquitable. Il ne faut pas oublier, en examinant ce texte, que les modifications qu'il contient n'ont pas été élaborées dans l'isolement. Les responsables de Finances Canada ont largement consulté les Canadiens, notamment des conseillers fiscaux professionnels, les autorités fiscales et les contribuables eux-mêmes. Cela ne veut pas dire que toutes les parties consultées se sont dites ravies du résultat. Il serait évidemment contraire à leur intérêt de le faire. Cependant, le gouvernement a pris en compte tous ces avis. Encore une fois, les Canadiens qui paient leur juste part d'impôt verraient d'un mauvais œil que le Parlement laisse perdurer cette injustice fiscale à cause des doléances d'un petit nombre de contribuables intéressés.

[Français]

Les modifications prévues dans le projet de loi C-10 sont importantes et nécessaires pour maintenir l'équité de notre régime fiscal.

[Traduction]

Le régime actuel encourage les résidents canadiens à gagner des revenus de placement en faisant appel à des fiducies non-résidentes et des entités de placement étrangères basées dans un pays qui impose moins ces revenus que le Canada. Autrement dit, en recourant à ces véhicules d'investissement pour gagner des revenus de placement, des résidents privilégiés du Canada qui possèdent les ressources et la capacité de le faire, peuvent reporter le paiement de l'impôt. Dans certains cas, ils évitent totalement tout impôt canadien ou étranger sur ce revenu.

Cette situation représente une injustice flagrante pour ces Canadiens laborieux qui déposent aujourd'hui leur déclaration d'impôt et paient ce qu'ils doivent, et est contraire au principe de l'équité fondamentale. Elle érode également l'assiette fiscale canadienne et engendre des injustices qui sapent l'intégrité de notre régime fiscal. Cette situation est inacceptable aux yeux de notre gouvernement et, je l'espère, de tous les parlementaires.

[Français]

Les modifications proposées dans le projet de loi C-10 nous aideront à atteindre cet objectif puisqu'elles élimineront l'incitation à recourir aux fiducies non résidentes et aux entités de placement étrangers pour réduire l'impôt sur le revenu payé au Canada.

[Traduction]

Les fonctionnaires du ministère des Finances Canada ont procédé à une large concertation sur les règles et donné suite à maintes objections soulevées. Nonobstant cette consultation, un problème a été mis en évidence en décembre 2007 lors des délibérations de votre comité sur le projet de loi C-10. Il s'agit de l'application des règles sur les fiducies non-résidentes aux placements effectués par les fonds de pension canadiens. Je crois savoir qu'une solution à ce problème, à laquelle je souscris, a été trouvée lors de discussions entre les fonds de pension canadiens et les fonctionnaires de Finances Canada.

En résumé, les mesures contenues dans le projet de loi C-10 sont essentielles pour assurer que les contribuables paient leur juste part d'impôt et représentent un pas concret vers un régime fiscal compétitif et équitable.

[Français]

Je serai maintenant heureux de répondre aux questions des membres du comité sur ce projet de loi. Je tiens à mentionner que les fonctionnaires du ministère des Finances sont avec nous aujourd'hui afin de préciser, au besoin, les détails du texte de loi.

[Traduction]

Je suis heureux d'être ici en compagnie de fonctionnaires du ministère des Finances.

Le président : Merci, monsieur le ministre, de ce résumé concis. J'ai une liste d'intervenants et je sais que tout le monde a beaucoup de questions à poser. Je vais commencer avec le sénateur Dave Tkachuk.

Le sénateur Tkachuk : Bienvenue, monsieur le ministre. Une grande partie du débat public sur ce projet de loi, non pas au sein de ce comité mais dans les médias, a porté sur le crédit d'impôt pour production cinématographique. Le projet de loi lui-même, comme le président l'a dit, est volumineux et traite de nombreux sujets. Les fonds de pension ont soulevé deux problèmes par rapport au projet de loi C-10. Vous les avez évoqués, mais vous n'avez pas dit précisément comment ce problème a été réglé. Il y avait aussi la question des fiducies non-résidentes.

Pourriez-vous nous parler de ces deux problèmes et de la manière dont ils ont été réglés, ou nous dire si ces doléances étaient valides?

M. Flaherty : M. Ernewein traitera de cette question, avec votre permission, je l'espère, car il a participé directement à ces discussions.

Brian Ernewein, directeur général, Bureau du sous-ministre adjoint principal, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Lorsque nous avons comparu ici en décembre, un problème a été soulevé en fin de journée qui nous a pris de court, car nous n'avions pas eu l'occasion de l'analyser en profondeur au préalable. Il s'agissait de l'application potentielle des règles relatives aux fiducies non-résidentes aux fonds de pension. D'autres entités étaient concernées également, mais principalement les fonds de pension.

À ce moment-là, nous avons indiqué que les types de placements que font les fonds de pension seraient couverts par les règles relatives aux fiducies commerciales. Ce serait le résultat dans pratiquement tous les cas. Autrement dit, les fonds de pension seraient exonérés, dans la pratique, au titre de ces règles.

Néanmoins, le souhait du comité était que nous revoyions la question et en parlions avec l'Association des conseillers en gestion de portefeuille qui a comparu devant vous, ainsi qu'avec certains fonds de pension qui nous ont contactés individuellement à ce sujet. L'on nous a demandé s'il serait possible et approprié d'apporter un changement tel que l'exemption des fonds de pension ne soit pas soumise à la définition des fiducies commerciales mais fasse l'objet d'une exemption explicite, évitant ainsi aux fonds de pension d'avoir à faire l'examen plus détaillé au titre de la première définition. Voilà où nous en sommes restés dans notre discussion avec les fonds de pension et notre recommandation au ministre. Alors que nous maintenons qu'à certains égards nous aurions pu obtenir ce résultat aux termes actuels du projet de loi, nous recommandons qu'une modification soit apportée dans les meilleurs délais de façon à stipuler que les fonds de pension sont directement exempts de la règle. Nous avons discuté de cette modification avec les fonds de pension et leur en avons expliqué les détails, et nous pensons avoir leur appui pour cela.

Le sénateur Tkachuk : Qu'en est-il des fiducies non-résidentes?

M. Ernewein : Le problème des fonds de pension concerne les règles applicables aux fiducies non-résidentes. Peut- être songez-vous plutôt à la question soulevée par M. Gagnon, de Stikeman Elliott, au sujet des fiducies américaines.

Le sénateur Tkachuk : C'est cela.

M. Ernewein : Je suis un peu mal à l'aise de parler de la question en étant assis à côté de mon ministre, mais nous n'avons pas modifié notre recommandation au ministre à ce sujet, pour les raisons que nous avons données en décembre.

M. Flaherty : C'est vrai. C'est juste.

M. Ernewein : Nous pouvons revoir ces règles, mais nous ne proposons pas de changement.

Le sénateur Tkachuk : Ai-je le temps pour une autre question?

Le président : Je vous en prie. Peut-être, sénateur Tkachuk, avant de passer à un autre sujet, le témoin a parlé d'une modification au sujet des pensions. Serait-il possible de savoir en quoi elle consistera et si une mesure intérimaire est prise, telle qu'une lettre d'intention?

Le sénateur Tkachuk : Voilà une bonne question complémentaire de la présidence.

Pensiez-vous introduire l'amendement ici, ou bien à la Chambre des communes? En a-t-il été fait mention?

M. Ernewein : Le mécanisme que nous proposons est celui dont vous voyez de nombreuses manifestations dans ce projet de loi. Le ministère des Finances et sa Direction de l'impôt possède ce que j'ai parfois qualifié de « Section des quasi-décisions », c'est-à-dire qu'elle recommande à notre ministre des modifications aux règles d'impôt sur le revenu intéressant des aspects techniques. On a pris coutume d'appeler ces recommandations des lettres d'intention. Le projet de loi C-10 concrétise un certain nombre de ces lettres d'intention antérieures. C'est le mécanisme que nous proposons également en l'occurrence, à savoir une lettre d'intention adressée à l'industrie explicitant les points dont nous avons discuté. Je pense qu'elle sera disséminée plus largement et, selon notre processus, très largement. Les lettres que nous avons envoyées étaient adressées à l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada et à l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite, qui représentent les divers groupes d'administrateurs de fonds de pension.

Le sénateur Tkachuk : Bien que ces lettres d'intention soient rassurantes, le ministre a parlé de modifications à la loi et je suis perdu. Est-ce qu'il y aura à l'avenir des modifications de la loi suite aux lettres d'intention, ou bien ces lettres d'intention ont-elles quelque valeur exécutoire qui puisse rassurer les organisations?

M. Ernewein : Le Parlement reste suprême et les modifications doivent être sanctionnées par lui. En général, les fiscalistes et les milieux d'affaires acceptent de s'en remettre aux lettres d'intention émises par le ministère des Finances.

Dans ce cas particulier, nous avons reçu confirmation écrite de l'association qui représente les fonds de pension et une confirmation similaire par courriel de l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada. Je crois que des représentants de cette organisation sont présents et ils pourront s'exprimer eux-mêmes. Cependant, je peux vous répondre que oui, cela prendra la forme d'une modification contenue dans un projet de loi ultérieur, légalisant la pratique antérieure. Cette approche semble être acceptable par les parties.

Le sénateur Tkachuk : Cela vous satisfait-il, monsieur le président?

Le président : Non, mais je pense que nous nous dispersons. Ne tournons pas autour du pot. Il semble donc que sur ce problème majeur, qui est apparu lors de nos audiences de décembre, de longs pourparlers se soient déroulés entre ces parties prenantes et vous et vos fonctionnaires, monsieur Ernewein.

Il nous on dit que ce n'est que tard dans la journée d'hier que les parties sont parvenues à une entente finale, et que vous alliez émettre une lettre qui serait déposée lors de notre séance d'aujourd'hui, et que nous demanderions ensuite à ces représentants de confirmer qu'ils sont satisfaits.

Nous ne pouvons adopter le projet de loi sans voir la lettre d'intention. Ce serait contraire, pour reprendre votre formule, à l'usage antérieur. Nous voyons toujours la lettre, et je vous demande donc où est-elle? Je pense que c'était le sens de votre question, sénateur Tkachuk.

Le sénateur Tkachuk : C'est une excellente question complémentaire.

M. Flaherty : Je me ferais un plaisir de déposer la correspondance.

Le sénateur Tkachuk : Puis-je passer à la question suivante?

Le président : Quelle était la réponse?

Le sénateur Tkachuk : Il se fera un plaisir de déposer la lettre.

Le président : Très bien, merci, monsieur le ministre.

Le sénateur Eyton : J'aimerais m'attarder sur cette question. D'après les témoignages que nous avons entendus précédemment, le problème était l'inclusion des fonds de pension dans une définition dont ils pensaient qu'ils devraient être exclus. Est-ce que la lettre d'intention aura pour effet que les dispositions sur les fiducies non-résidentes ne s'appliqueront pas à eux? Est-ce l'effet ultime de la lettre d'intention?

M. Ernewein : Oui, pour ce qui est des fonds de pension et des véhicules de mise en commun des fonds de pension mettant en jeu plusieurs fonds, c'est l'effet. Ils ne seront pas considérés comme des contribuants résidents ou des bénéficiaires résidents aux termes des règles dans cet article. En bref, cela signifie qu'ils n'ont plus à se préoccuper de ces dispositions.

Le sénateur Eyton : C'était leur demande expresse et, à votre connaissance, ils sont maintenant satisfaits?

M. Ernewein : Je le crois. L'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada a soulevé d'autres points dont elle souhaite discuter avec nous à l'avenir. Cependant, pour ce qui est de la question qu'elle a portée à l'attention du Sénat — encore une fois, ses représentants sont là et peuvent s'exprimer eux-mêmes — je crois qu'elle est d'accord avec ce que nous avons fait.

Le sénateur Tkachuk : J'ai encore une autre question, car je ne peux passer sous silence le crédit d'impôt pour production cinématographique dont on a fait grand battage dans les médias. Pouvez-vous nous en dire quelques mots et nous donner votre point de vue sur ce débat qui se déroule?

Le président : N'allumez pas votre microphone si vous ne voulez pas être entendu.

M. Flaherty : Les dispositions concernant ce crédit relèvent directement de la compétence du ministre du Patrimoine canadien, comme vous le savez. La ministre Verner a comparu devant vous et répondu, je crois, aux questions posées en disant qu'elle allait se concerter avec une industrie divisée afin de trouver une solution qui soit mutuellement acceptable afin d'assurer que des films qui répandent des choses telles que la propagande haineuse ne bénéficient pas d'un financement fédéral.

J'ai avec moi une copie du communiqué de presse publié le 14 novembre 2003 par le gouvernement précédent et expliquant les modifications au régime qu'il proposait alors. L'initiative de ces changements revient au précédent gouvernement libéral et non au nôtre. Ces modifications sont exactement les mêmes que celles que vous voyez dans ce projet de loi. Comme vous le savez, ce projet de loi a également reçu l'appui de tous les partis à la Chambre des communes.

Je cite le communiqué de presse de 2003 parce que d'aucuns prétendent qu'il n'y a pas eu suffisamment de concertation. Cette consultation a duré des années. En 2003, les ministres de l'époque, John Manley, vice-premier ministre et ministre des Finances, et Sheila Copps, ministre du Patrimoine canadien, ont déclaré ceci dans leur communiqué de presse :

La proposition d'aujourd'hui est le fruit de consultations poussées avec tous les secteurs de l'industrie cinématographique, entreprises par les ministères des Finances et du Patrimoine canadien [...]

La dernière chose que je dirais à ce sujet est que, en ma qualité de ministre des Finances, je suis le gardien de l'argent du contribuable et responsable de la façon dont il est dépensé. Les besoins de la société canadienne sont nombreux. Le financement de films ou de vidéos contenant des scènes de haine, d'extrême violence et de pornographie n'en fait pas partie.

En tant que ministre des Finances, il est de mon devoir de ne pas financer ce type de produits. À ceux qui prétendent que c'est de la censure, je réponds que cela est conforme à la volonté des Canadiens. Nous avons une Charte des droits et libertés et nous avons un Code criminel, et ceux qui crient à la censure doivent penser que nous enlevons le droit de produire ce type de films. Eh bien, ce n'est pas le cas. Ceux qui veulent réaliser de telles productions peuvent les financer eux-mêmes, sans demander aux contribuables canadiens de payer la facture de ce genre de produits contenant des scènes de violence extrême, de haine, de pornographie et autres du genre.

Le président : Sénateur, est-ce que cela répond à toutes vos questions?

Le sénateur Tkachuk : Oui.

Le sénateur Goldstein : Merci, monsieur le ministre, de comparaître une deuxième fois sur ce projet de loi. Nous savons que vous êtes un homme très occupé et que c'est pour vous un sacrifice que de revenir nous rencontrer de nouveau. Nous sommes reconnaissants de votre présence et de votre déclaration.

J'ai plusieurs observations à faire. Je ne sais pas si je pourrais les faire toutes; je ne sais pas si je pourrais poser toutes mes questions parce que d'autres membres du comité voudront aussi traiter de certains de ces aspects.

Vous avez dit trois choses que j'ai du mal à comprendre. Voyons-les sans suivre d'ordre particulier. Vous avez parlé d'une industrie divisée et je ne comprends pas ce que vous entendez par-là. Donnez-vous à entendre que l'industrie de la production cinématographique et magnétoscopique est divisée sur cette question?

M. Flaherty : Oui, et j'ai entendu des points de vue divergents.

Le sénateur Goldstein : Je vous pose la question, car nous-mêmes n'avons entendu aucun autre point de vue de la part de l'industrie. Nous avons entendu des opinions divergentes venant d'autres personnes, mais non de l'industrie.

M. Flaherty : Je suppose que tout dépend de votre définition de « l'industrie ». Tous les réalisateurs de films et de vidéos du Canada ne sont pas opposés à cette disposition.

Le sénateur Goldstein : Ce n'est pas ce qu'il me semble, car je n'ai entendu personne travaillant dans cette industrie dire quelque chose de différent.

M. Flaherty : Si vous voulez connaître l'opinion des Canadiens, peut-être devriez-vous demander à des Canadiens ordinaires ce qu'ils pensent de la propagande haineuse et de la pornographie et s'ils pensent que leurs impôts devraient servir à les financer.

Le sénateur Goldstein : Je suis heureux que vous posiez la question de cette façon. Permettez-moi de reformuler celle que j'allais poser dans le contexte de celle-ci. Vous conviendrez, n'est-ce pas, que les films pornographiques sont déjà exclus des crédits d'impôt, et ce depuis 1972?

M. Flaherty : Oui.

Le sénateur Goldstein : Cette disposition particulière, l'article 120 et l'article 121 du projet de loi, ne change rien à cela. Personne ne pourra jamais produire de films pornographiques et bénéficier d'un crédit d'impôt pour cela.

Parlons de la haine. Convenez-vous que la propagande haineuse est proscrite par le Code criminel? Une propagande haineuse visant un segment identifiable particulier de la population canadienne est proscrite par le Code?

M. Flaherty : Il existe une disposition expresse à cet effet dans le Code criminel.

Le sénateur Goldstein : Merci.

M. Flaherty : Juste un instant, sénateur. Il faut voir ce que dit cette disposition. Sauf votre respect, ne jouez pas au plus fin. Cette disposition du Code criminel est relativement complexe. Je suis avocat.

Le sénateur Goldstein : Moi aussi.

M. Flaherty : Vous admettrez, dans ce cas, sénateur, sans jouer au plus fin, que cette disposition du Code criminel du Canada est relativement précise.

Le sénateur Goldstein : Cette disposition interdit néanmoins la représentation ou la promotion de la haine. Quoi qu'il en soit, je pense que les gens jugeront par eux-mêmes.

M. Flaherty : Cette disposition couvre également la littérature haineuse.

Le sénateur Goldstein : Effectivement, entre autres.

M. Flaherty : Oui.

Le sénateur Goldstein : Vous avez dit que vous ne refusez pas aux réalisateurs le droit de produire, mais que s'ils veulent produire quelque chose qui n'est pas conforme aux lignes directrices, ils doivent produire ces œuvres eux- mêmes. Vous avez conscience, monsieur le ministre, n'est-ce pas, que l'industrie dépend de ces crédits d'impôt pour trouver le financement. Les témoignages que nous avons entendus jusqu'à présent indiquent que l'industrie sera dans l'impossibilité pratique de trouver le financement si elle n'est pas assurée de ces crédits. Lorsque vous dites qu'ils peuvent produire ces œuvres eux-mêmes, n'est-ce pas la même chose que de dire qu'un Noir à qui on refuse le service dans un restaurant ne souffre pas de discrimination parce qu'il peut toujours aller dans un autre restaurant?

M. Flaherty : C'est stupide.

Le sénateur Goldstein : Merci.

M. Flaherty : Ce que je dis, sénateur, c'est précisément ce que j'ai dit. Si quelqu'un veut produire ce genre d'œuvres, cette personne peut chercher le financement où elle veut ou bien utiliser ses propres ressources, mais elle ne peut prétendre recevoir l'argent du contribuable pour cela.

Le sénateur Goldstein : Monsieur le ministre, si c'est votre opinion, et je la respecte — vous pouvez nourrir les opinions que vous voulez, nous sommes heureusement un pays libre — pourquoi ne pas étendre cette interdiction et ces lignes directrices aux productions américaines? Les productions américaines peuvent produire absolument tout ce qui leur plaît au Canada, sans perdre leurs crédits d'impôt. Les productions canadiennes, en revanche, si elles produisent ce genre de choses au Canada, perdent leurs crédits d'impôt. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous faites cette distinction et pourquoi vous adoptez cette approche discriminatoire?

M. Flaherty : M. Lalonde va répondre.

Gérard Lalonde, directeur, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Sénateur, vous vous souviendrez qu'une question similaire a été posée lors de la première comparution, je crois. Moi-même, ou un autre des fonctionnaires présents, avons expliqué qu'il y a plusieurs différences pour ce qui est du crédit d'impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne. Les représentants du ministère du Patrimoine pourront parler pour eux-mêmes.

Le sénateur Dawson : Désolé d'interrompre.

[Français]

Monsieur le président, vous savez que les règles sont très claires, un document qui est déposé devant un comité du Sénat doit être déposé dans les deux langues, surtout par un officiel du gouvernement canadien.

[Traduction]

Oui, je suis capable de lire l'anglais, merci beaucoup, mais il existe une règle et je tiens à ce qu'elle soit respectée. Soit vous me dites que vous aurez une version française dans quelques minutes soit je dirai que, de mon point de vue, nous n'avons pas reçu de lettre d'intention.

Le président : Nous prenons bonne note de votre remarque, sénateur. Bien évidemment, tout le monde connaît bien les règles, pas seulement notre président, mais nous tous. Cette affaire a fait l'objet de négociations jusqu'à la dernière minute. La lettre sera traduite incessamment, et les copies traduites formeront le document officiel. Comme vous le savez, c'est moi qui ai demandé au sénateur Tkachuk d'insister sur la production de la lettre. J'ai pensé que cela rendrait notre audience plus significative. La traduction est en cours, mais non achevée. Si vous voulez ajourner la séance, je veux bien.

Le sénateur Dawson : Le principe derrière la lettre d'intention était de rassurer le comité.

Le président : Il ne s'agissait pas de rassurer le comité; le fait est que les intervenants qui ont comparu devant nous et ont élevé des protestations, à juste titre, ont négocié une solution de compromis avec le gouvernement, que reflétera non seulement cette lettre du ministre mais aussi une lettre de cet intervenant.

[Français]

Le sénateur Dawson : Monsieur le président, en tant que comité, nous avons beau croire en la bonne foi du ministre et en la bonne foi de l'industrie, jusqu'à preuve du contraire, puisqu'il n'y a pas de lettre devant nous — car vous êtes en accord, il n'y a pas de lettre devant nous — je ne vois pas comment on pourrait continuer à parler d'une lettre d'intention qui n'est pas devant nous.

Le président : C'est comme vous voulez, ne continuons pas à en discuter.

Le sénateur Dawson : Je ne veux pas être de mauvaise foi, monsieur le président, mais lorsque vous étiez vice- président du comité en novembre 2005, nous avions eu une lettre de Ralph Goodale sur la taxe de luxe — je ne sais pas si vous vous rappelez.

[Traduction]

Vous étiez là. Vous étiez vice-président à l'époque. Nous avons reçu une lettre d'intention de M. Goodale, dont le gouvernement a été battu quelques mois plus tard. Cette lettre d'intention n'a jamais été concrétisée parce que le nouveau gouvernement — comme c'était son droit — ne pensait pas que cette lettre d'intention était dans son intérêt.

Je n'aime guère les lettres d'intention au départ, mais lorsque je n'ai même pas vu la lettre — parce qu'officiellement nous n'en avons pas — je reste inquiet. Je veux m'assurer que nous ayons un mécanisme garanti avant d'être rassurés. Les gouvernements minoritaires, les lettres d'intention, les ministres des Finances, nous les avons vus aller et venir et connaissons les résultats. Si nous n'avons pas officiellement une version de la lettre qui puisse nous rassurer, je refuse de procéder à un vote rapide sur cette mesure sans avoir vu la lettre.

Le président : Il n'y a pas de problème. Je pense que vous avez bien exposé le problème, sénateur. Nous étions déjà passés à un autre sujet. J'ai demandé à la greffière — passant outre à son conseil, je le précise — de vous distribuer la lettre afin que vous en ayez pleinement connaissance. Lorsque viendra le moment de l'étude article par article du projet de loi, nous aurons en main la lettre dans les deux langues officielles, de même que la lettre de l'intervenant, et nous respecterons donc parfaitement les règles.

Pour l'instant, si vous ne souhaitez pas que l'on y fasse référence ou ne voulez pas tenir compte de son existence, très bien, car nous sommes déjà passés à un autre sujet. À quelques exceptions près, nous tous avons suivi toutes les audiences. Je crois, sénateur Goldstein, que vous étiez là.

Le sénateur Goldstein : Eh bien, évidemment.

Permettez-moi de poser une question que vous ne pourrez qualifier ni de stupide ni de finaude, monsieur le ministre — ou peut-être le ferez-vous, si c'est votre choix. C'est votre privilège.

Le président : Revenons en arrière. Monsieur Lalonde, je crois que vous aviez commencé à répondre à la question précédente.

M. Lalonde : Oui, le sénateur Goldstein a parlé du crédit d'impôt pour services de production et demandé pourquoi le critère de l'ordre public n'est pas appliqué à ce crédit dans le projet de loi. Le crédit d'impôt pour services de production est différent à divers égards. Comme le ministère du Patrimoine canadien l'a expliqué la dernière fois, le crédit d'impôt pour production canadienne est un produit culturel. En conséquence, le ministère met beaucoup l'accent sur la valeur culturelle, et dans ce contexte le cadre de politique publique est important.

Il existe encore une autre différence importante entre les deux crédits. Le crédit d'impôt pour services de production n'est offert que pour les films dont le coût dépasse un certain seuil. On peut donc considérer qu'il s'agit de films grand public, et non pas de films qui pourraient potentiellement — et je dis potentiellement, car comme les témoignages l'ont déjà fait ressortir, cette problématique n'est pas un enjeu récurrent; cette disposition vise uniquement à prévenir un problème. Les films à public restreint ne sont pas concernés par le crédit d'impôt pour services de production, mais ils pourraient potentiellement bénéficier du crédit d'impôt pour production canadienne.

Le sénateur Goldstein : J'aimerais comprendre ce que vous nous dites. Vous nous parlez de la nature des différences entre les deux crédits. Ma question n'était pas de savoir si les deux étaient identiques. Ma question est de savoir si des films américains qui enfreignent ce que l'on va considérer ou ce que l'on peut considérer comme étant les lignes directrices relatives à l'ordre public vont néanmoins bénéficier d'un crédit d'impôt, alors que les films canadiens qui enfreignent les lignes directrices n'en bénéficieront pas. C'est vraiment très simple. Quelles que soient les raisons, ce sera le résultat, n'est-ce pas, monsieur Lalonde?

M. Lalonde : Le résultat pratique, comme j'ai essayé de l'expliquer, tient à la conception des deux crédits d'impôt, puisque le crédit d'impôt pour services de production est assorti d'un seuil élevé. Le problème ne se pose pas dans son cas, car seuls des films grand public bénéficient de ce crédit.

Le sénateur Goldstein : Dites-vous qu'un film pornographique canadien à gros budget ne bénéficierait pas d'un crédit d'impôt alors qu'un film pornographique américain à gros budget en bénéficierait?

M. Lalonde : Je dirais que lorsque quelqu'un produit un film à gros budget, cette personne va vouloir récupérer son investissement et donc rechercher un marché de masse. Le genre de film dont vous parlez ne rencontrerait pas un auditoire de masse.

Le sénateur Goldstein : C'est votre avis. Avez-vous une compétence particulière en matière culturelle?

M. Lalonde : Je ne travaille pas pour le ministère du Patrimoine canadien mais j'ai eu un rôle dans la conception des deux crédits. Je ne pense pas que nous ayons jamais vu de difficulté sérieuse avec le crédit d'impôt pour services de production.

Le sénateur Goldstein : Votre collègue, monsieur Ernewein, a déposé une lettre et dit qu'elle avait le soutien des intervenants. Elle n'est pas traduite, bien qu'elle soit datée du 2 avril. La lettre plus récente du 29 avril n'est pas traduite non plus, ce que je peux admettre. Le résultat est que l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite a fait savoir qu'elle est parvenue à un accord général avec vous au sujet de votre approche et de cette lettre du 2 avril. Cependant, nous avons une lettre datée d'aujourd'hui, de l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada, qui a comparu en même temps que l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite. Avez-vous copie de cette lettre?

M. Flaherty : Non.

Le sénateur Goldstein : La lettre dit, et je cite :

Nous sommes maintenant pleinement préparés à souscrire à la promulgation du projet de loi C-10 sous réserve d'une ultime clarification écrite du ministère des Finances sur une question en suspens.

Pouvez-vous nous dire quelle est cette question en suspens?

M. Flaherty : Accepteriez-vous de nous communiquer cette lettre?

Le sénateur Goldstein : Elle est publique et je pensais que vous en aviez copie. Je suis tout à fait disposé à vous la remettre.

M. Ernewein : Nous n'avions pas vu ce courriel daté du 30 avril mais un courriel de Mme Walmsley, présidente de l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite, qui nous est parvenu vers 18 h 30 hier soir, demandait une clarification concernant l'application aux fiducies d'investissement à participation unitaire. Nous avons répondu par courriel ce matin et je crois qu'il règle la question.

Le sénateur Goldstein : Je vais continuer à poser mes questions à M. Lalonde, car c'est lui qui y répond de toute façon, et il est moins prompt à prendre offense.

M. Flaherty : Je suis « cool », sénateur.

Le sénateur Goldstein : Oui, je n'en doute pas. La Cour d'appel fédérale, dans la cause Canada c. Harris, que vous connaissez sans doute extrêmement bien, a statué, au paragraphe 36 :

Ni le ministre du Revenu ni ses préposés n'ont quelque discrétion que ce soit dans l'application qu'ils doivent faire de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ils sont tenus de la suivre d'une manière absolue comme d'ailleurs les contribuables sont obligés d'y obéir telle qu'elle est... Il n'est pas possible de juger leur conduite selon des critères mouvants et variables comme le sont ceux que dicte le principe de la justice naturelle. Pour déterminer si leurs décisions sont valides ou non, il ne s'agit pas de se demander s'ils ont exercé leurs pouvoirs d'une façon correcte ou abusive, mais bien s'ils ont agi comme la loi qui les gouverne leur prescrit d'agir.

La Cour d'appel de la Colombie-Britannique, dans la cause Longley v. Canada (Minister of National Revenue), a confirmé la notion que le ministre est tenu d'appliquer la loi de manière absolue.

Cohen v. The Queen a tranché que tout accord par lequel le ministre conviendrait d'imposer le revenu autrement qu'en conformité de la loi serait une entente illégale.

Comme vous le savez, monsieur Lalonde, nous parlons ici de préclusion promissoire. Les tribunaux n'ont cessé de dire que des engagements de la part du ministère, qu'ils soient le fait du ministre ou de quiconque d'autre au sein du ministère, de ne pas imposer précisément comme l'exige la Loi de l'impôt sur le revenu ne sont pas exécutoires.

Pouvez-vous nous donner l'assurance que la lettre d'intention est exécutoire alors que les tribunaux n'ont cessé de dire qu'elle ne l'est pas et que la Loi de l'impôt sur le revenu n'est pas exécutoire alors que la Loi de l'impôt sur le revenu dit qu'elle l'est?

La question suivante est de savoir, s'il faut modifier la loi, pourquoi ne pas le faire maintenant? Attendez-vous de nous que nous adoptions une loi dont nous savons qu'elle doit être modifiée sans l'amender?

M. Flaherty : La question a déjà reçu réponse, mais nous pouvons la répéter pour vous, sénateur, si vous n'avez pas suivi auparavant.

Le sénateur Goldstein : Cette réponse semble caractéristique de votre comportement, monsieur le ministre.

M. Flaherty : Si vous parlez des films, alors revenons aux crédits d'impôt pour production cinématographique.

Le sénateur Goldstein : Non. Je suppose que vous n'avez pas compris la question. Je n'ai pas posé cette question.

M. Flaherty : Nous couvrons le même terrain que nous avons déjà couvert, mais je veux bien recommencer.

Le sénateur Goldstein : Non, sauf votre respect. Je crois que M. Ernewein comprend ma question.

M. Ernewein : Oui, comme je l'ai déjà mentionné, il est vrai que le Parlement est souverain et qu'il faut une modification de la loi pour donner effet aux changements que nous recommandons. Au cours des délibérations du comité avant décembre, nous avons compris que vous nous demandiez de trouver une solution à cette affaire, de concert avec les contribuables affectés. Il existe un processus bien connu dans les milieux de l'impôt et des affaires pour régler ce genre de choses, et je crois que nous nous en sommes servi avec succès dans ce cas. Il faudra une modification de la loi, mais la procédure est conforme à ce que nous avons fait dans d'autres cas. La modification peut être apportée ultérieurement et le mécanisme semble produire un résultat satisfaisant.

Le président : Peut-être puis-je vous aider. Je crois que le sénateur Goldstein a fait ressortir que, nonobstant la pratique antérieure suivie et son efficacité apparente de votre point de vue, cette façon de faire a été déclarée illégale et que si un contribuable avait une divergence ou un litige avec le gouvernement de Sa Majesté, le tribunal ne tiendrait aucun compte de ces lettres. Je crois que le sénateur Goldstein vous demande de confirmer ou de nier que vous avez conscience de cet état de chose.

Le sénateur Goldstein : Et aussi, pourquoi ne pas modifier la loi maintenant?

M. Flaherty : En tant que ministre, lorsque nous avons un accord avec les groupes concernés, comme c'est le cas ici, je considère cela comme suffisant. Ce projet de loi a été approuvé par tous les partis à la Chambre des communes. L'électorat s'est prononcé sur ce projet de loi à la Chambre des communes.

Le sénateur Goldstein : Monsieur le ministre, vous étiez à la Chambre des communes lorsqu'au moins deux des trois partis ont dit avoir voté pour ce projet de loi par erreur, parce qu'ils n'en comprenaient pas la teneur. Prétendez-vous qu'ils y souscrivent toujours?

M. Flaherty : Vous savez, nous qui sommes élus à la Chambre des communes avons l'obligation de savoir ce pour quoi nous votons. J'espère que la plupart des membres se font un devoir de respecter cette norme.

Le sénateur Goldstein : Néanmoins, ils ont dit en votre présence qu'ils ne voteraient plus aujourd'hui en faveur de cette mesure.

Je n'ai qu'une dernière observation, car je veux laisser à d'autres la possibilité d'intervenir. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, qu'il importe d'adopter ce projet de loi dans les meilleurs délais. Nous partageons ce désir, mais je me dois de faire remarquer que nous avons demandé une lettre d'intention le 4 ou le 5 décembre, ou quelque engagement de modifier la loi, et nous avons dû attendre cinq mois la réponse, bien que la lettre ne fasse qu'une page et soit en anglais seulement.

Donner à entendre que nous faisons traîner les choses alors que votre ministère a pris cinq mois pour émettre une lettre d'une page est totalement inapproprié, vous en conviendrez, j'en suis sûr.

Le président : Sénateur, j'espère que vous me pardonnerez de dire ceci, mais nous n'avons pas demandé de lettre d'intention ni rien d'autre. Nous avons demandé aux parties de se concerter et d'essayer de régler leurs divergences. Êtes-vous d'accord?

Le sénateur Goldstein : C'est vrai.

Le président : Il n'a pas été fait mention d'une lettre d'intention.

Le sénateur Goldstein : La lettre d'intention a été mentionnée par la suite.

Le président : Je veux être transparent et objectif.

Le sénateur Goldstein : Exact. Je ne pense pas que nous soyons ceux qu'il faille taxer. Le Sénat ne peut être taxé, si vous me pardonnez l'emploi de ce terme, d'être la cause du retard. Je n'ai pas d'autres questions.

Le président : Attendez-vous d'autres réponses?

Le sénateur Goldstein : Non, je n'en ai pas reçu jusqu'à présent.

Le sénateur Dawson : Je dois faire une mise au point sur plusieurs aspects. Premièrement, le ministre a parlé d'un projet de loi, citant la date de 2003 et le fait que trois ou quatre ministres avant lui ont approuvé le projet de loi. Si c'est un mauvais texte, qu'il ait été rédigé par un libéral ou un conservateur, ce n'est toujours pas un meilleur projet de loi cinq années plus tard. La réalité est que, même si un communiqué de presse a été publié en 2003, c'était une mauvaise loi à l'époque et cela reste une mauvaise loi.

Deuxièmement, je tiens à préciser que tous les représentants de l'industrie qui ont comparu devant le comité étaient opposés au projet de loi. Il n'y avait pas de divergence au sein de l'industrie concernant ce projet de loi. Quoi que le ministre ait dit — il songeait peut-être à quelques personnes ou à quelques prêcheurs qui ont pu approuver le projet de loi — la réalité est que l'industrie nous a clairement demandé, en tant que parlementaires ayant mandat d'étudier ces projets de loi, d'essayer de l'amender. Ils nous ont même remis un amendement en anglais et en français qu'ils proposent, et j'espère que nous aurons l'occasion d'en parler. Bien que je ne sois pas membre régulier de ce comité, j'espère que j'aurai l'occasion d'en parler.

L'autre problème est que nous avons ici un ministre des Finances qui n'a clairement pas respecté la lettre d'intention du ministre des Finances précédent, et il voudrait que nous soyons rassurés par le fait que l'industrie et son ministère en sont maintenant parvenus à une entente. Nous sommes en situation de gouvernement minoritaire et je veux aider l'industrie, et je me sentirais plus rassuré à cet égard si nous avions un amendement.

Puisque le ministre est tellement sûr que l'autre Chambre adore ce projet de loi, il pourrait probablement le faire adopter rapidement en juin et l'affaire serait réglée.

Le président : Peut-être ai-je mal saisi, mais la lettre d'intention porte sur une autre partie.

Le sénateur Dawson : Je le sais très bien. Puisque je ne l'ai pas vue, je ne veux pas trop en parler. Cependant, la lettre exprime l'intention d'introduire une modification de la loi ultérieurement. Puisque le libellé est déjà prêt, je me sentirais plus rassuré, après l'expérience que ce ministre nous a fait vivre il y a deux ans, si nous amendions le projet de loi, le renvoyions à la Chambre et s'il est assuré que ses membres seront assez éclairés pour voir que c'est un meilleur projet de loi, ils l'adopteront.

Le président : Sénateur, nous prenons note de vos commentaires. Lorsque nous en viendrons à l'étude article par article, et j'espère que ce sera mercredi ou jeudi prochain, vous pourrez faire valoir vos arguments et il en sera tenu compte. Avez-vous des questions pour le ministre?

Le sénateur Dawson : Je voulais établir aux fins du procès-verbal que l'industrie n'était pas divisée sur cet enjeu.

Le président : C'est votre opinion.

Le sénateur Dawson : Qu'il s'agisse d'un projet de loi libéral ou d'un projet de loi conservateur, si c'est un mauvais projet de loi, c'est un mauvais projet de loi; et l'on sait que les lettres d'intention ne sont pas toujours respectées par les ministres, y compris par celui que nous avons en face de nous aujourd'hui.

Le président : Vos commentaires ont été consignés. Le procès-verbal sera explicite et montrera notamment si l'industrie était divisée.

Le sénateur Eyton : Pour revenir sur l'idée qu'un mauvais projet de loi est un mauvais projet de loi, cette opinion a été exprimée il y a presque 10 ans déjà. Nul d'entre nous ne prétendra que le projet de loi en sa forme actuelle, même avec les lettres d'intention, constitue un texte parfait.

Cependant, dans ses remarques liminaires, le ministre nous a dit qu'il est grand temps que ce projet de loi C-10 — ce texte complexe et volumineux sur lequel tant de gouvernements et de personnes ont travaillé pendant toutes ces années — soit adopté, maintenant. Le risque, bien entendu, est qu'une autre année s'écoule, ou deux ou trois, si nous ne l'adoptons pas, et le délai ne fera qu'aggraver le problème.

Je sais que ce n'est pas une question, mais un commentaire, mais je me range du côté du gouvernement et je comprends parfaitement la situation.

Monsieur le ministre, vous connaissez la position de la ministre du Patrimoine canadien qui, effectivement, est favorable au projet de loi en sa forme actuelle, mais offre un sursis d'application de 12 mois. Pendant cette période, elle-même et le ministère ouvriront une concertation avec l'industrie — et je suppose avec d'autres membres du public également — afin d'établir des lignes directrices qui conviennent à tout le monde. Souscrivez-vous à cette position, monsieur?

M. Flaherty : J'approuve la position adoptée par la ministre, oui.

Le sénateur Eyton : Pour en venir à une autre partie de vos remarques liminaires, vous avez évoqué l'équité fiscale. Bien entendu, c'est notre raison d'être ici et vous avez eu raison de nous rappeler qu'aujourd'hui est la date limite du dépôt de nos déclarations d'impôt. Les nouvelles règles sont complexes et nous avons reçu à leur sujet de nombreuses interventions provenant de groupes importants. Il y a eu depuis d'autres discussions et analyses; apparemment, une solution a été trouvée à certaines difficultés importantes qui nourrissaient les objections au texte actuel du projet de loi.

Êtes-vous convaincu que vous avez maintenant trouvé la bonne solution au problème de l'évitement fiscal par le biais des fiducies non-résidentes et des entités de placement étrangères? Nous avons eu beaucoup de temps pour réfléchir et débattre. Vous avez entendu les interventions des détracteurs. J'aimerais que vous nous donniez l'assurance que vous avez trouvé la solution la meilleure, ou presque, à un problème qui est sans doute majeur vu les années d'effort qu'il a fallu y consacrer.

M. Flaherty : On reproche parfois aux gouvernements d'être sourds, de ne pas consulter suffisamment et de ne pas s'efforcer de trouver des solutions aux questions litigieuses. Je donne acte aux fonctionnaires des efforts qu'ils ont déployés. Ils ont travaillé fort pour parvenir à un résultat qui satisfait les principaux intéressés. Je pense que ce travail est à leur crédit.

Comme vous l'avez remarqué, cette affaire semble avoir trouvé une conclusion heureuse. Je pense que cette conclusion est à porter au crédit des fonctionnaires du ministère des Finances et des représentants des intervenants qui ont réussi à trouver une solution, au lieu que le gouvernement persiste à foncer avec le projet de loi.

Quoi qu'il en soit, je ne doute pas que les discussions ont été fructueuses, car c'est ce que l'on m'a dit, et qu'un consensus a été trouvé. Je vais laisser M. Ernewein vous faire part des préoccupations qu'il peut encore avoir.

M. Ernewein : Le résultat essentiel est que nous recommandons le projet de loi à notre ministre et au gouvernement. J'espère ne pas vous surprendre en disant que la législation fiscale n'est pas éternelle. Nous demandons régulièrement des modifications et nous avons nos budgets annuels, mais nous avons aussi des projets de loi fiscaux de caractère technique pour apporter des ajustements. Je ne pense pas que cette mesure-ci, même aujourd'hui, soit à l'abri de modifications futures. Cependant, pensons-nous que nous avons trouvé la bonne structure pour régler un problème sérieux? La réponse aux deux questions est oui.

Le sénateur Eyton : Je vois dans mes notes que l'Institut des fonds d'investissement du Canada a estimé que le problème inhérent à la règle d'antiévitement de l'article 94.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu tient au fait que son application est limitée aux cas où il existe un objectif d'évitement fiscal.

Cela m'a un peu inquiété, mais sa suggestion était que le problème pourrait être réglé simplement en substituant au critère de la « motivation d'évitement fiscal » l'existence d'un « résultat d'évitement ». Ainsi, on pourrait constater, après le fait, l'existence d'un certain effet. Est-ce que cette idée vous paraît valable? Cela m'a semblé arbitraire et inquiétant, mais c'est la position exprimée par l'Institut et nous en avons quelque peu discuté.

M. Ernewein : J'essaie d'organiser ma pensée pour vous répondre. La prémisse de la question est juste, à savoir que la règle actuelle de la Loi de l'impôt sur le revenu concernant les fiducies non-résidentes et les entités de placement étrangères dépend à certains égards de l'existence d'une motivation d'évitement. Dans la proposition de modification initiale, ce critère était balayé, du moins dans le cas des entités de placement étrangères. La question est celle-ci : quel est le résultat? Le contribuable a-t-il quelque chose qui ressemble à un fonds de placement étranger, selon notre définition? Si oui, le revenu de ce fonds est imposable au Canada. Le contribuable peut déduire de l'impôt canadien tout impôt payé à l'étranger, mais le résultat final est que toute différence entre l'impôt payé à l'étranger et l'impôt normalement payable au Canada sera effacée, de façon à avoir la neutralité fiscale.

Une question posée lors de ces consultations que nous avons menées sur plusieurs années intéresse la portée et l'application de cette règle aux placements dans des fonds publics et celle de savoir, par exemple, si Joe Canadien investissant dans un fonds mutuel américain doit passer en revue tous les critères pour voir si cette règle s'applique. En réponse à cette question, les règles actuellement proposées dans le projet de loi ont été quelque peu modifiées. Dans le cas des placements étrangers privés, le critère devient le résultat. Cependant, dans le cas des placements dans des valeurs cotées sur les bourses étrangères et d'autres fonds publics, il y a exemption, à moins que l'investisseur ait pour motif l'évitement fiscal.

Une contestation et une critique que nous avons soulevées par rapport aux règles existantes qui reposent sur le critère de l'évitement est qu'il est difficile à Revenu Canada de déterminer quel est le motif. Les contribuables ne vont pas déclarer spontanément qu'ils ont un motif d'évitement, et il faut donc établir son existence. Ce n'est pas facile. En ce qui concerne nos recommandations dans ce projet de loi, nous avons rétabli le critère du motif d'évitement à certains égards. Il s'applique dans la situation publique où nous pensons que, en général, le contribuable ne sera pas visé par les règles. Une chose que nous avons faite différemment en le rétablissant dans le contexte public est de donner beaucoup plus d'indicateurs pour déterminer quand l'on jugera qu'il existe un motif d'évitement et quand il n'existe pas.

Le sénateur Eyton : Vous considérez donc le résultat plutôt que le motif?

M. Ernewein : Encore une fois, dans le cas des placements privés, c'est clairement le résultat et le résultat seul qui compte. Dans le cas de placements publics, c'est davantage fonction du motif mais nous avons donné beaucoup d'indications quant aux situations où l'on jugera que ce motif ou objectif existe et n'existe pas.

Le président : Je sais que le temps vous est compté, monsieur le ministre. Cependant, j'ai encore quelques membres souhaitant poser des questions.

Le sénateur Goldstein : Puis-je poser une question sur ce que M. Ernewein a dit?

M. Flaherty : J'ai dit que je serais ici pendant une heure et je suis là depuis plus d'une heure maintenant. Je devrais être ailleurs. Je resterai encore quelques minutes, mais j'ai une limite de temps.

Le président : Merci, monsieur le ministre.

Le sénateur Goldstein : Vous avez dit que, à votre avis, vous avez donné satisfaction aux représentants des fonds de pension qui ont comparu ici. Nous avons reçu une lettre, dont vous avez je pense copie, du conseil des universités disant qu'ils risquent d'être couverts par inadvertance par le même genre de disposition. Avez-vous tenu compte de sa position?

M. Ernewein : Nous avons connaissance de quelques autres qui, sans doute sur la foi de la lettre d'intention précédente adressée aux fonds de pension, ont dit qu'ils sont exonérés. Aussi, ils demandent à être couverts par l'allègement consenti aux fonds de pension.

Le sénateur Goldstein : Et le ferez-vous?

M. Ernewein : Nous n'avons pas fait de recommandation à cet égard. Oui, nous voulons mieux comprendre leur situation pour voir si elle est similaire à celle des fonds de pension. L'argument des fonds de pension est que, du fait du volume des fonds à investir, ils sont parfois amenés à faire des placements étrangers qui ne cadrent pas facilement avec les règles applicables aux fiducies commerciales. Il sera important pour nous de déterminer si les universités, par exemple — et d'autres font valoir les mêmes arguments — effectuent aussi des placements exotiques à l'étranger de nature telle que les règles d'exemption des fiducies commerciales ordinaires ne s'appliqueraient pas en tout état de cause.

Le sénateur Goldstein : Vous n'avez pas encore eu l'occasion de faire cette détermination?

M. Ernewein : Non.

Le sénateur Ringuette : J'ai beaucoup de questions, mais puisqu'il semble que vous deviez partir, je vous en poserai deux courtes.

Premièrement, vous avez dit que des membres de l'industrie vous ont fait part de leur adhésion au projet de loi C-10. Notre comité a déployé beaucoup d'efforts pour joindre tous les Canadiens concernés. J'ai reçu plus de 5 000 courriels sur le crédit d'impôt pour production cinématographique. Monsieur le ministre, si vous connaissez des témoins de l'industrie dont vous souhaitez que le comité les entende, je suis sûr que tous les membres seront ravis de les inviter et de les contacter pour connaître leur avis. Je pense que c'est important.

Il se pose deux autres questions, dont la plus importante est le crédit d'impôt lui-même. Je ne connais personne qui accepterait de financer un film disséminant de la propagande haineuse ou des scènes de violence extrême ou de pornographie. C'est l'essence du problème en ce qui concerne le crédit d'impôt pour production cinématographique, à savoir que personne ne veut d'ambiguïté à cet égard. L'industrie ne veux pas d'ambiguïté et je pense que la plupart des témoins que nous avons entendus ne veulent pas d'ambiguïté sur ce plan. Vous avez dit que des consultations ont été menées pendant des années. La ministre Verner a comparu ici et a dit vouloir consulter pendant une autre année encore. Il subsiste de l'ambiguïté dans ce domaine. Je pense que nous convenons tous que les choses doivent être claires, mais le problème avec le projet de loi C-10 relativement au crédit d'impôt pour production cinématographique c'est que, encore une fois, les choses ne sont pas claires. J'aimerais votre avis sur ce point.

Une autre chose qui m'a inquiétée lorsque la ministre Verner a comparu, c'est que je lui ai demandé si une étude d'impact économique avait été faite. Sa réponse a été non. Nous sommes maintenant confrontés à plusieurs années d'ambiguïté. Vous avez dit vous-même, publiquement, que la conjoncture économique est précaire. Nous parlons de milliers d'empois dans cette industrie. Je pense qu'il nous incombe de veiller à ce que les choses soient claires et de ne pas promulguer une législation qui entraîne de nouvelles pertes d'emplois canadiens et mette en péril la bonne infrastructure créée ces dernières décennies dans maintes grandes villes du pays. Je nourris ces craintes, monsieur le ministre. J'espère que vous les comprendrez, en rapport avec le crédit d'impôt pour production cinématographique.

Si vous avez encore une minute, monsieur le ministre, j'ai un autre problème que vous devez comprendre, qui met en jeu la confiance.

Monsieur Ernewein, lorsque vous avez comparu la première fois avec ce projet de loi, je me souviens très clairement que le président vous a demandé si vous aviez consulté les groupes concernés. Je sais que ce projet de loi est complexe et que deux ou trois groupes importants s'en inquiètent. Vous nous avez dit oui, que vous les aviez consultés et qu'ils étaient d'accord. Cependant, des témoins ont comparu ensuite qui nous ont dit ne pas avoir été consultés et avoir des réserves.

C'était en novembre. Puis, en décembre, le ministère — et je ne me souviens pas si c'était vous personnellement — a comparu de nouveau. Il a été entendu que le ministère consulterait ces intervenants et nous reviendrait avec des accords, des amendements ou tout ce qu'il fallait pour assurer que les choses soient claires et qu'il n'y ait plus d'ambiguïté. Nous voici maintenant cinq mois plus tard. J'admets que vous avez travaillé contre la montre, mais selon notre perspective, nous attendons depuis cinq mois. Vous pouvez voir que, techniquement, nous n'avons toujours pas de lettre en main.

Le président : Vous avez raison, sénateur, mais permettez-moi de vous faire remarquer, à vous et au sénateur Goldstein, que ceci est la première comparution du ministre sur ce projet de loi. Un secrétaire parlementaire a été ici pendant 12 minutes sur le projet de loi, et c'est tout. Ces deux messieurs du ministère ont suivi tous nos travaux, sont venus pour des breffages et ainsi de suite. Ils savent tous deux parfaitement tout ce que vous avez dit.

M. Flaherty : Je comprends vos préoccupations concernant les dispositions relatives à la production cinématographique. J'admets également que c'est un sujet difficile. Ce n'est pas facile. C'est un sujet, je le dis avec respect, qui a fait l'objet de nombreux débats au fil des ans dans le public, dans les facultés de droit et dans l'industrie. Je me souviens des débats sur le crédit d'impôt, le contenu des productions et ainsi de suite, lorsque j'étais au gouvernement de l'Ontario.

Je pense que vous et moi pouvons convenir que cette question est un enjeu légitime de politique publique et est un sujet d'intérêt public. Nous parlons là de l'argent public et les Canadiens ont parfaitement le droit d'exiger, lorsque l'État dépense leur argent, qu'ils gagnent et reversent sous forme d'impôt — nous sommes le 30 avril et ils en versent beaucoup aujourd'hui — que leur argent serve à des fins publiques convenables. Une politique publique convenable, je pense que vous et moi en sommes d'accord, suppose certaines restrictions quant à la nature des productions qui seront financées sur fonds publics.

À l'heure actuelle, rien dans la Loi de l'impôt sur le revenu ou dans le règlement d'application n'exclut les productions dont la teneur est illégale en vertu du Code criminel. Cette modification dans le projet de loi conférera le pouvoir explicite d'exclure ces productions.

Le sénateur Ringuette : Monsieur le ministre, vous conviendrez avec moi, toutefois, que le projet de loi n'apporte pas la clarté. L'absence de clarté est au cœur, à mon avis, du problème et du débat. D'après tout ce que nous a dit l'industrie, le problème est là. En ce qui concerne la violence extrême, la pornographie et la propagande haineuse, je n'ai entendu personne dans l'industrie réclamer des crédits d'impôt canadiens pour ce genre de production. Tout le monde est d'accord. Les gens veulent une disposition qui soit claire.

M. Flaherty : N'est-ce pas exactement ce que la ministre du Patrimoine canadien, la ministre Verner, propose : elle va consulter pendant encore un an et élaborer des lignes directrices de concert avec l'industrie? N'est-ce pas la chose raisonnable à faire en partant du point de vue, que nous partageons, je pense, qu'il faut des règles régissant l'usage des fonds publics, dans l'intérêt public?

Le sénateur Banks : Nous sommes reconnaissants de votre présence, monsieur le ministre, comme tous les sénateurs l'ont dit. J'espère que vous comprenez que nous remplissons notre devoir constitutionnel. Parfois, ce que décide la Chambre des communes n'est pas le dernier mot, et c'est ce que veut notre Constitution actuelle, à moins que quelqu'un ne modifie la Constitution.

Monsieur le ministre, pourriez-vous prendre quelques minutes pour m'expliquer, comme vous l'expliqueriez à l'homme de la rue qui rentre chez lui par le bus à 5 heures ce soir, pourquoi, lorsque vous dites qu'au moins deux amendements doivent être apportés à ce projet de loi, vous réclamez que le Sénat adopte ce projet de loi, dont vous dites qu'il faut l'améliorer, au lieu que le Sénat apporte les amendements et renvoie le projet de loi à la Chambre des communes? À l'évidence, la façon la plus rapide de promulguer ce projet de loi consiste à l'amender. Les amendements sont quasiment prêts et énoncés dans la lettre d'aujourd'hui de M. Ernewein, datée du 2 avril. Comment expliquez- vous cette façon de faire à l'homme ordinaire?

M. Flaherty : C'est parce que les parties concernées ont travaillé fort et de concert au fil de nombreux mois pour parvenir à une entente, et elles se sont mises d'accord.

Le sénateur Banks : Est-ce un accord sur ce qu'il convient de changer dans le projet de loi?

M. Flaherty : Ils sont parvenus à une entente sur les questions qui les préoccupaient, et les intéressés sont satisfaits, sénateur.

Le sénateur Banks : Oui, et comme M. Ernewein l'a dit, pour que ces dispositions deviennent exécutoires, il faut modifier le projet de loi.

M. Flaherty : Je suis ministre des Finances depuis plus de deux ans. Dans le cours ordinaire des choses, comme vous l'imaginez, chaque jour des contribuables et différents éléments de notre économie soulèvent des problèmes auprès du ministère des Finances, parfois sur des aspects très précis, et le ministère des Finances formule des positions auxquelles les contribuables se fient. C'est un processus continu.

Le sénateur Banks : Ces deux là sont connus aujourd'hui, n'est-ce pas?

M. Flaherty : D'autres problèmes sont également connus, concernant d'autres aspects non couverts dans ce projet de loi.

Le sénateur Banks : Ces deux là sont connus, et les changements sont convenus, et tout le monde sait qu'ils doivent être apportés.

M. Flaherty : Oui; comme l'indiquent les lettres, sénateur, les parties se sont accordées sur un mécanisme à suivre à l'avenir, pour leur satisfaction mutuelle. Franchement, je ne vois pas pourquoi vous voulez aller à l'encontre de la volonté des parties, je le dis respectueusement.

Le sénateur Banks : Ce n'est pas ce que je veux. Je veux donner effet à la volonté des parties.

M. Flaherty : Alors honorez leur entente et adoptez le projet de loi.

Le président : Merci d'être venu, monsieur le ministre. Comme à l'accoutumée, vous nous avez été utile. Je demande à vos fonctionnaires de bien vouloir rester dans la salle. Je demanderais aux honorables sénateurs s'ils acceptent ce qui suit, vu que ce n'était pas prévu à l'ordre du jour. La dame et le monsieur de l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada, qui ont négocié et conclu une entente avec le ministère sur cette importante question mettant en jeu des billions de dollars, sont ici dans la salle. Ils sont prêts à comparaître et à confirmer ou nier avoir conclu une entente. Êtes-vous tous d'accord? Merci beaucoup.

Monsieur Ernewein ou monsieur Lalonde, vous serez à proximité si nous avons besoin de vous, j'espère.

J'ai demandé à Katie Walmsley et à son collègue, Tom Johnston, de l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada, de venir de Toronto pour confirmer ou nier ce que nous ont dit aujourd'hui les représentants du ministère des Finances, dont le ministre.

Qui sera le porte-parole?

Katie A. Walmsley, présidente, Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada : Je vais commencer, et M. Johnston entrera davantage dans les détails.

Le président : Vous comprenez que le comité, pour des raisons juridiques valides, n'a en main aucune lettre. Si je puis résumer ce qui me semble être la progression logique, une lettre est en cours de rédaction par le gouvernement, et vous en connaissez la teneur. Elle portera la date d'aujourd'hui et sera dans les deux langues officielles, et vous-mêmes rédigerez une lettre disant plus ou moins oui, nous accusons réception et approuvons. Je pense que vous êtes parvenu, au cours des discussions, à une entente. Parlez-nous-en, s'il vous plaît.

Mme Walmsley : Merci de nous avoir invités de nouveau à vous parler. Je veux revenir en arrière un instant sur notre présentation de décembre et rappeler au comité que l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada souscrivait à l'esprit général du projet de loi C-10, notamment les dispositions relatives aux fiducies non- résidentes qui verrouillaient les paradis fiscaux étrangers et poursuivaient l'objectif de l'équité fiscale pour les Canadiens. Nous sommes en faveur de ces objectifs.

Nos commentaires et nos pourparlers avec le ministère des Finances portaient spécifiquement sur les dispositions qui avaient des répercussions sur les pensions et l'épargne-retraite des Canadiens. Nous avons travaillé fort au cours des derniers mois, au moyen de téléconférences, de courriels et de lettres, avec le ministère des Finances.

Pour rendre justice au ministère des Finances et à tous les intervenants, le projet de loi est complexe et notre législation fiscale est complexe. Il a fallu de nombreuses discussions, non pas tant pour parvenir à un accord mais pour assurer que les choses soient claires aux yeux de toutes les parties, et au fur et à mesure que nous avancions avec ce projet de loi, la communauté financière a acquis une image claire et complète de la façon d'interpréter le projet de loi et de la manière d'investir de manière prudente l'épargne-retraite des Canadiens.

Cela a été l'esprit des discussions. Elles ont culminé la semaine dernière en une réponse à une lettre d'intention que nous avons reçue le 2 avril. Nous avons correspondu avec le ministère pour assurer que nous comprenions entièrement la lettre et avoir l'assurance que l'épargne-retraite de la majorité des Canadiens ne serait pas touchée de manière négative par le projet de loi C-10.

Nous avons reçu notre dernière confirmation ce matin. Je réponds à la question antérieure du sénateur Goldstein en disant que, si j'indiquais dans ma dernière lettre au sénateur Angus qu'il restait encore une question exigeant clarification, nous avons reçu cette clarification ce matin. Notre interprétation de la lettre d'intention était juste, si bien que nous sommes satisfaits de cette lettre. Nous et la communauté financière sommes assurés de pouvoir nous appuyer sur la lettre d'intention du ministère des Finances.

Le président : Merci beaucoup. Monsieur Johnston, souhaitez-vous ajouter quelque chose?

Tom Johnston, président, Comité de l'industrie, de la réglementation et de la fiscalité, Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada : Je me fais l'écho des propos de ma collègue et je remercie les fonctionnaires du ministère des Finances du dialogue engagé non seulement avec notre groupe, mais aussi avec l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite. Je souligne de nouveau que l'opinion de l'industrie est que nous allons pouvoir nous appuyer sur la lettre d'intention, car nous avons besoin de placer les fonds.

Il importe de dire également que nous sommes encouragés de voir que le ministère des Finances est disposé à travailler avec nous sur l'une des questions maintenant mises en jeu par la séparation en fiducies distinctes des éléments d'actif des régimes de pension enregistrés et des fonds imposables, ce qui va faire passer les comptes des détenteurs d'unité en dessous du seuil requis pour avoir le statut de fiducie de fonds commun de placement. Le ministère des Finances se montre réceptif et disposé à une concertation avec nous, et nous sommes satisfaits des progrès.

Le président : Si je comprends bien, cette lettre que j'ai distribuée, à tort ou à raison, à mes collègues représente un travail évolutif. Vous connaissez le contenu réel de la lettre finale et vous êtes d'accord. Nous attendrons cette lettre, évidemment, avant de voter sur le projet de loi. Je suis sûr que nous l'aurons demain.

Le sénateur Banks : Disons que nous avons l'option A, à savoir une lettre d'un fonctionnaire du ministère disant que deux modifications seraient apportées, cette lettre décrivant de manière plus ou moins complète la nature de ces deux modifications. Ce fonctionnaire disait qu'il recommanderait au ministre d'introduire ces modifications. Ce même fonctionnaire disait, bien entendu, ne pas pouvoir garantir que ces aménagements seraient adoptés par la Chambre des communes.

L'autre solution, l'option B, serait que l'une des deux Chambres du Parlement introduise et adopte ces amendements et renvoie le projet de loi à la Chambre des communes, laquelle serait réceptive à ces changements, nous dit-on.

Sachant que vous devez vous en remettre à l'un de ces deux choix pour placer de gros montants d'argent appartenant à vos clients, préféreriez-vous vous fier à un projet de loi amendé ayant force exécutoire, ou bien à une lettre disant qu'un recommandation sera faite et que des modifications à la loi pourront être introduites ultérieurement?

M. Johnston : Sénateur Banks, de toute évidence, nous préférerions la deuxième solution. Cependant, reconnaissant la nécessité d'investir prudemment — et nous parlons là de plus d'un billion de dollars — nous savons que les lettres d'intention ont presque toujours été respectées, comme l'a dit M. Ernewein. Après tout ce qui a été dit officiellement aujourd'hui à ce comité, et étant donné que l'industrie va agir sur la base de cette lettre d'intention, je pense que nous pouvons nous y fier.

Le sénateur Banks : Êtes-vous le moindrement préoccupé par l'affirmation que vous avez peut-être entendue tout à l'heure voulant que la lettre d'intention et son application sont illégales, du moins sur le plan formel?

M. Johnston : Cette situation a été soulevée à l'occasion d'une lettre d'intention précédente de l'ancien ministre Goodale. Les gros fonds de pension et les conseillers en gestion de portefeuille gérant les régimes de retraite qui investissent à l'échelle mondiale continueront de le faire. Les dispositions de l'alinéa h) sur les fiducies commerciales exonérées étaient problématiques parce qu'elles laissaient à l'écart un grand nombre de valeurs mobilières américaines, qui représentent une grosse part du marché. Les valeurs exclues étaient les actions de sociétés non cotées et l'infrastructure, laquelle représente aussi un gros segment du marché.

L'industrie va agir sur cette base. Le ministère des Finances nous a assurés, de bonne foi je crois, qu'il était prêt à apporter cet aménagement et le ministre a donné son accord. Nous préférerions une loi officielle, mais nous accepterons la lettre d'intention.

Le président : Si je comprends bien, après les discussions que vous avez eues, l'industrie va de toute façon agir maintenant sur la base de la lettre d'intention.

Mme Walmsley : Puisque la lettre a été émise le 2 avril, les gestionnaires de placements agissent déjà sur la base de la lettre. Ils ont reçu l'assurance du ministère des Finances qu'ils pouvaient le faire.

Le sénateur Banks : J'ai eu quelques expériences malheureuses dans le passé, avec un gouvernement différent, qui assurait dans des lettres d'intention qu'il apporterait certains changements à une loi, sans que cela soit fait, et c'est ce qui motive ma question.

Je ne comprends rien aux affaires qui se traitent avec des chiffres comportant sept ou huit zéros. Cependant, n'avez- vous pas investi l'argent de vos clients dans des fiducies de revenu en vous fiant à l'assurance du gouvernement actuel qu'il ne les imposerait jamais?

Le président : Ne répondez pas si vous ne le souhaitez pas. Je déclare la question irrecevable.

Le sénateur Goldstein : La lettre existe. Si la lettre vous convient et que nous amendons la loi conformément à la lettre, la lettre continuera d'exister. Vous continuerez à avoir le réconfort de la lettre d'intention si notre comité choisit d'apporter un amendement. Si le comité propose un amendement, vous ne serez pénalisés en rien. Vous ne serez pas touchés.

Ma clarification s'adressait à Mme Walmsley. Excusez-moi, vous ai-je interrompu?

Le sénateur Tkachuk : Je précise qu'il n'est pas garanti qu'un projet de loi amendé sera adopté.

Le sénateur Goldstein : Bien sûr que non.

Le sénateur Tkachuk : Alors il n'y a plus de lettre d'intention.

Le sénateur Goldstein : Je ne vous suis pas.

Le président : Elle existe à la place d'un amendement.

Le sénateur Goldstein : Ce n'est pas ce qu'elle dit. Quoi qu'il en soit, elle vaut ce qu'elle vaut, et nous savons ce que les tribunaux disent qu'elle vaut.

Comme vous le voyez, nous nous débattons avec ce problème et nous essayons de faire notre travail, sans insulter personne, ajouterais-je. Au cours de votre témoignage, madame Walmsley, vous avez dit que la majorité de l'épargne- retraite des Canadiens sera maintenant protégée. Cela implique qu'une minorité de l'épargne-retraite des Canadiens ne sera pas protégée. Pouvez-vous clarifier ce point?

Mme Walmsley : Je ferai quelques commentaires et je demanderai ensuite à M. Johnston de répondre plus précisément à la question.

Comme je l'ai mentionné, le projet de loi est complexe et les règles touchant les placements des Canadiens, que ce soit dans un régime de pension, un régime enregistré d'épargne-retraite ou d'autres instruments, sont complexes.

Au cours de nos discussions, nous avons cherché à établir que l'épargne-retraite en général ne serait pas pénalisée. Sur la base de ce dialogue, des courriels, et cetera, nous pensons que la plus grande partie est protégée. Il existe quelques exceptions mineures intéressant des cas particuliers peu courants. Nous pensons que certaines des répercussions fiscales dans ces cas particuliers pourront être complètement évitées du moment que l'on connaît les règles.

M. Johnston : Pour préciser quelles sont les précisions, comme ma collègue l'a noté, la vaste majorité des fonds de pension et des régimes créés par une loi, tels que le Régime de pensions du Canada ou la Caisse de dépôt, sont couverts. Idéalement, tout serait englobé dans le régime. Restent en dehors du régime des fonds de pension comptant moins de dix membres et les régimes de pension individuels. Les régimes d'épargne-retraite enregistrés, les REER et les fonds de revenu de retraite, ou FRR, ont une exonération différente. Plutôt que l'exonération complète de la règle du contributeur résident ou du bénéficiaire résident, Finances Canada a offert une solution que nous jugeons finalement satisfaisante, comme nous l'avons dit. Dans le cas des REER, les détenteurs pourront détenir une fiducie non résidente à condition de répondre à la définition de l'alinéa h) des « fiducies étrangères exemptes » et en respectant l'un des critères des « biens d'exception ». C'est un mécanisme byzantin comportant quantité de tours et de détours. Il est à porter au crédit du ministère qu'il a réglé une grande partie du problème.

Le sénateur Goldstein : Cela ne figure pas dans la lettre que, techniquement, nous n'avons pas encore vue.

M. Johnston : La lettre du 2 avril fait état des REER. Pour ce qui est des précisions subséquentes, nous et les représentants du secteur des pensions demandions l'assurance que la référence à des régimes de pension provinciaux et similaires engloberait aussi la Caisse de dépôt et l'Office d'investissement des régimes de pension du secteur public, ou OIRPSP, puisqu'ils avaient mentionné uniquement l'Office d'investissement du régime de pension du Canada. L'une des autres dispositions concernait les caisses séparées dont les régimes à cotisations déterminées et les fiducies unitaires sont couverts parce que référence était faite à certains intermédiaires canadiens. Nous pensons avoir à ce stade quelque chose d'assez complet...

Le sénateur Goldstein : Sauf que l'exonération n'est pas une exonération et que les observations relatives aux REER ne sont contenues nulle part dans cette lettre ni dans aucune autre lettre.

M. Johnston : Nous avons la conversation.

Le sénateur Goldstein : Vous avez eu des conversations, comme vous l'avez dit, mais existe-t-il une lettre ou quelque chose par écrit que nous puissions examiner pour essayer de comprendre?

M. Johnston : À l'avant-dernier paragraphe de la lettre du 2 avril, vous verrez une mention. C'est très technique mais il y est question de modifier l'alinéa h) de la définition. La règle fondamentale est que si un REER est détenu par l'intermédiaire d'une fiducie de fonds mutuels, dont tous les membres sont soit des REER soit des régimes de pension enregistrés, des RPE, les membres peuvent investir dans des fiducies non-résidentes sous l'effet de cette règle. La lettre du 2 avril mentionne expressément les REER.

Le sénateur Goldstein : Cette disposition ne fonctionne que si le bassin commun ne contient que des REER. Si j'investissais une partie de mon FRR dans un fonds commun contenant d'autres types de régimes, je ne serai pas exonéré.

M. Johnston : C'est juste.

Le sénateur Goldstein : C'est un problème.

M. Johnston : Je conviens que c'est un problème. C'est pourquoi nous travaillons avec Finances Canada pour rectifier certaines des conséquences. L'industrie des fonds va devoir séparer toutes ces structures mixtes. Le résultat sera 800 conseillers créant de nouveaux régimes, assortis de nouveaux coûts, et sans que le détenteur d'unités n'atteigne le statut de fiducie de fonds commun de placement. Nous proposons une formule pour les membres d'un régime de pension similaire à celle appliquée aux membres d'un REER collectif, de façon à porter le nombre au-dessus du chiffre arbitraire de 150.

Le sénateur Banks : Je ne comprends rien à tout cela, mais je suis sûr que le mécanisme que vous avez décrit, celui de conseillers séparant tous ces investissements, va créer des emplois. La lettre dira que l'exonération ne s'applique pas à une fiducie ou à une société si l'une de ses activités consiste à administrer, à gérer ou placer les fonds au titre d'une convention de retraite, CR. Cela vous convient-il?

M. Johnston : Pour clarifier, Finances Canada était réticent à élargir aux CR l'exemption de la règle du contributeur résident ou du bénéficiaire résident. Tant l'Association canadienne des gestionnaires de fonds de retraite que l'Association des conseillers en gestion de portefeuille du Canada se sont dit prêtes à reconnaître cette situation comme un compromis positif et un gain.

Mme Walmsley : Les deux associations ont reconnu que les conventions de retraite font l'objet d'un traitement fiscal différent. Nous ne voulions pas aborder cet aspect et ouvrir une boîte de Pandore.

Le sénateur Banks : Si une société ou fiducie existante présente cet aspect, elle va séparer les différents fonds et créer une nouvelle entité.

M. Johnston : Exact.

Le sénateur Goldstein : Je ne suis personnellement pas vraiment inquiet, car je n'investis pas dans les fiducies, mais je m'inquiète pour ceux qui prennent l'argent de leur REER et par inadvertance se retrouvent englués dans des dispositions byzantines et vont voir leur épargne imposée. J'ai du mal à accepter cela.

M. Johnston : Si je puis apporter un éclaircissement à la défense du ministère, la plupart des REER ne pourraient pas investir directement dans une fiducie non-résidente.

Le sénateur Goldstein : Non, mais ils peuvent investir dans un fonds commun.

M. Johnston : Oui.

Le sénateur Goldstein : C'est ce que je dis, et le problème est là.

Mme Walmsley : Ce que nous avons exploré avec le ministère, sur le plan des fonds combinant des investisseurs imposables et non imposables, dont des REER, c'est qu'il était difficile d'exonérer les détenteurs de REER des fonds mixtes sans conférer un avantage spécial aux investisseurs imposables dans ce fonds. Il est apparu qu'il n'y a pas de solution facile à cette situation. La solution pour assurer l'équité fiscale est que les gestionnaires des fonds les sépareraient en veillant à protéger les REER.

Le sénateur Goldstein : Une femme qui possède un REER et utilise une partie de l'argent dans le REER pour investir dans un fonds commun susceptible d'être visé par ce libellé court un risque.

M. Johnston : Je suis d'accord, mais il incombera à l'industrie des fonds de placement de veiller à ce que cette situation ne se produise pas. Je suis d'accord avec vous, sénateur, il subsiste quelques problèmes.

Le sénateur Goldstein : Vous avez fait de votre mieux pour l'organisation que vous représentez, et c'est bien.

Le président : J'ai demandé à M. Ernewein de venir à la table pour traiter du point que vous avez soulevé. Il pourra peut-être ou non vous aider.

Aimeriez-vous traiter de la question?

M. Ernewein : Oui, j'espère pouvoir vous renseigner. M. Johnston a déjà expliqué le problème, mais je veux souligner que le raisonnement qui sous-tend la délimitation proposée dans la recommandation est qu'il s'agit d'exonérer les placements des fonds de pension. M. Johnston a déjà indiqué que les REER ont une marge de manœuvre commerciale limitée du fait de leur plus petite envergure, comparée aux fonds de pension qui font toutes sortes de placements exotiques à l'étranger. En outre, les REER connaissent des contraintes réglementaires que n'ont pas les fonds de pension. Du point de vue pratique et légal, les REER ne font pas cette sorte de placement direct.

La question abordée dans nos discussions était la possibilité que les REER, constituant une forme d'éparge-retraite, soient groupés avec d'autres instruments d'épargne-retraite, ou d'autres REER ou des fonds de pension et acquérir ainsi l'envergure et, peut-être, la capacité légale d'investir également à l'étranger. Nous pensons que cette situation peut se produire et les règles proposées en tiennent compte. La ligne de démarcation que nous avons tracée, et dont vous avez parlé — et dont nous avons parlé aussi avec l'Association des conseillers en gestion de portefeuille — pose la question de savoir quoi faire avec les fonds de placement commun groupant des investisseurs imposables et des placements d'épargne-retraite. Le problème est que les investisseurs imposables, selon la théorie sur laquelle les règles sont fondées, doivent être assujettis au même niveau d'imposition qu'ils investissent au Canada ou à l'étranger. La difficulté est de protéger les instruments d'épargne-retraite exonérés d'impôt, tout en cherchant à maintenir l'impôt et l'application des règles fiscales, y compris de ces règles-ci, aux placements imposables. Cela nous a menés à la solution pratique consistant à dire qu'un véhicule commun de placement aura droit à cette exonération s'il est composé entièrement d'épargne-retraite. Dans la négative, nous n'avons pas la possibilité pratique, dans les limites de la Loi de l'impôt sur le revenu, de déconstruire les fonds communs de placement pour déterminer comment appliquer les règles aux investisseurs imposables qui le composent et appliquer des règles différentes à l'épargne-retraite exemptée qui en fait partie aussi. Nous savons d'expérience que les fonds ont su dans le passé séparer les divers véhicules de placement à impôt différé — c'est ce qu'ils faisaient lorsque les limites de propriété étrangère étaient en place. Ce n'est probablement pas idéal, ils préféreraient probablement des économies d'échelle aussi grandes que possible en groupant toutes les catégories. Cependant, il nous semble faisable d'opérer cette séparation de façon à avoir un véhicule de placement d'épargne-retraite pur, y compris un fonds commun, qui sera exonéré d'impôt.

Le sénateur Goldstein : Ne pourriez-vous pas arriver au même résultat en exemptant purement et simplement les REER et les FERR? Après tout, vous cherchez à imposer les investisseurs dont les fonds communs de placement investissent dans des paradis fiscaux pour minimiser leur impôt; et si vous voulez dire à ceux qui sont imposables, désolé, vous devez payer la différence d'impôt — ce qui est approprié et que j'admets — ne pouvez-vous pas dire simplement que les FEER et les REER, en l'absence de l'article 248 sur l'évitement fiscal, sont automatiquement exemptés, comme vous l'avez fait dans le cas du revenu étranger accumulé tiré de biens, le REATB?

M. Ernewein : Je comprends ce que vous voulez dire. La question est légitime, mais ce n'est pas l'investisseur particulier — votre REER ou le mien — qui est assujetti aux règles; c'est plutôt le fonds, selon la manière dont il est caractérisé. C'est en quelque sorte une réponse binaire. Soit il est assujetti aux règles soit il ne l'est pas. Pour déterminer s'il doit être assujetti aux règles, nous avons dit qu'il ne le sera pas lorsqu'il est composé d'épargne-retraite. Lorsqu'il y a un mélange des deux, nous disons que oui, il reste assujetti aux règles.

Le sénateur Goldstein : Si la valeur du fonds est composée pour un tiers de véhicules non exemptés et deux tiers de véhicules exemptés, ne pouvez-vous pas dire que, pour un fonds commun de placement donné, un tiers des revenus, ceux attribuables aux véhicules non exemptés, seront imposés et les deux autres tiers ne le seront pas?

M. Ernewein : Cela paraît simple et attrayant pour cette raison. Mais lorsqu'on y regarde de plus près, comme nous l'avons fait dans la passé, on s'aperçoit que cela devient vite beaucoup plus compliqué.

Le président : Votre explication est utile, monsieur Ernewein.

Le sénateur Banks : Est-ce que vous ou vos collaborateurs du ministère avez parlé de cela avec le Département du Trésor aux États-Unis? Les représentants de Stikeman Elliott, lorsqu'ils ont comparu ici, ont indiqué que le ministère américain juge cette position non conforme à la lettre ou l'esprit des accords fiscaux canado-américains.

M. Ernewein : Je crois que cette question m'a été posée en décembre et j'ai répondu alors par la négative. Pour ce qui est du Département du Trésor — qui est distinct du Internal Revenue Service — nous n'avons pas eu de discussion avec lui. Cependant, il y a eu des communications entre notre Agence du revenu du Canada et l'Internal Revenue Service.

Pour vous donner une réponse complète, j'ajoute que nous étions à Washington il y a quelques semaines pour travailler à une explication technique du traité canado-américain que le gouvernement a signé l'an dernier. Nous avions comparu devant le comité l'an dernier à ce sujet. La question a été évoquée lors d'une courte discussion à ce stade, mais c'est la seule communication dont j'ai connaissance.

Le sénateur Banks : Est-ce que vous avez participé à cette discussion ou avez-vous eu un rapport ultérieur? Est-ce que les Américains ont exprimé des réserves ou des objections?

M. Ernewein : Je ne sais pas trop ce que nous sommes censés révéler sur la teneur de ces pourparlers, mais je vais laisser cela de côté pour l'instant. Je peux dire qu'en l'occurrence il a simplement été convenu d'en faire un sujet de discussion ultérieure.

Le président : S'il n'y a pas d'autres questions pour les témoins, je veux, tout d'abord, remercier Mme Walmsley et M. Johnston d'être venus de Toronto nous rencontrer. C'est un sujet important pour vous et vos membres, et important également pour nous. Merci d'être venus, monsieur Ernewein et monsieur Lalonde. Ce sujet a été un travail de longue haleine, et il n'est pas encore terminé. Nous savons où vous joindre.

Demain matin, à 11 h 45, comparaîtra le gouverneur de la Banque du Canada.

La séance est levée.


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