Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 19 - Témoignages du 15 mai 2008
OTTAWA, le jeudi 15 mai 2008
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui a été saisi du projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, notamment en ce qui concerne les entités de placement étrangères et les fiducies non-résidentes ainsi que l'expression bijuridique de certaines dispositions de cette loi, et des lois connexes, se réunit aujourd'hui à 10 h 50 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, mesdames et messieurs. Nous poursuivons l'examen du projet de loi C-10, un projet de loi omnibus portant sur les nombreuses modifications proposées à la Loi de l'impôt sur le revenu.
Dernièrement, nous nous sommes concentrés sur certaines dispositions concernant les crédits d'impôt pour production de film et de vidéo. Aujourd'hui, nous allons avoir un répit rafraîchissant de cet aspect de l'action. J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à notre témoin, Patrick Marley du bureau de Toronto d'un cabinet national bien connu, Osler, Hoskin & Harcourt LLP. Je crois, monsieur Marley, que vous avez suivi nos délibérations, entamées en novembre 2007.
Je suis le sénateur David Angus, de Montréal. Les membres du comité sont le sénateur Goldstein, vice-président du comité, lui aussi de Montréal; le sénateur Francis Fox, du Québec; le sénateur Bert Brown, de l'Alberta; le sénateur Trevor Eyton, de l'Ontario; le sénateur David Tkachuk, de la Saskatchewan; le sénateur Mac Harb, de l'Ontario; le sénateur Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick; et le sénateur Michel Biron, du Québec. Le greffier du comité est Line Gravel.
Le greffier m'annonce que le document du témoin est en anglais seulement, et il n'a donc pas été distribué. Si les honorables sénateurs sont d'accord, il pourrait être distribué. Que souhaite le comité?
Le sénateur Fox : Il devrait être distribué.
Le sénateur Harb : Je ne suis pas d'accord.
Le sénateur Goldstein : Tout ce qui est présenté à ce comité devrait être dans les deux langues officielles.
Le sénateur Fox : Je suis d'accord. Le gouvernement du Canada doit traiter avec les citoyens de ce pays dans la langue de leur choix. Cependant, quand les citoyens se présentent au gouvernement du Canada, je ne vois pas pourquoi ils doivent remettre la documentation dans les deux langues officielles.
Le président : Retirez-vous votre objection, sénateur Harb?
Le sénateur Harb : Oui.
Le président : Monsieur Marley, il y un nouveau venu, c'est le sénateur Paul Massicotte, du Québec. Sénateur Massicotte, nous sommes en train de débattre du fait que le document du témoin n'est qu'en anglais et il a été remis aux interprètes. Si les sénateurs sont d'accord, nous allons distribuer le document.
Le sénateur Goldstein : Je m'y oppose. Je suis membre du Comité sénatorial permanent des langues officielles et nous sommes résolus à préserver le principe voulant que les documents qui sont distribués doivent être dans les deux langues officielles. Cela dit, si la majorité vote autrement, je m'inclinerai.
Le sénateur Fox : Autrement dit, nous pourrions l'accepter mais cela ne créerait pas de précédent.
Le sénateur Goldstein : Ce n'est pas un précédent et, à ce que je sache, ce n'est pas au dossier.
Le président : C'est un aide-mémoire pour faciliter le déroulement de l'audience. Nous prenons note de votre objection et elle sera au compte rendu, sénateur Goldstein.
Honorables sénateurs, pouvons-nous poursuivre?
Le sénateur Goldstein : J'aimerais avoir le document, et alors nous pourrons poursuivre.
Le président : Monsieur Marley, vous avez la parole.
Patrick Marley, associé, Osler, Hoskin & Harcourt LLP : Je vous remercie de me donner cette occasion de parler ici aujourd'hui. À titre d'information, je suis associé chez Osler, Hoskin & Harcourt LLP à Toronto. Je me concentre sur la planification fiscale internationale des entreprises, et les fusions et acquisitions. Avant de me joindre à Osler en 1998, j'étais agent de la législation de l'impôt au ministère des Finances, où j'ai contribué à rédiger des lois fiscales du domaine international. Je viens ici à titre personnel, alors les perspectives que j'exprimerai sont miennes et ne reflètent pas nécessairement celles de notre cabinet ou de nos clients. Je comprends que tout le monde ne partage pas mon enthousiasme pour les questions fiscales techniques, alors j'essaierai d'éviter les détails techniques du projet de loi C-10. Si les sénateurs veulent avoir des explications plus étoffées sur n'importe quel aspect, ils n'auront qu'à me le dire.
Le projet de loi C-10 comporte un éventail de modifications fiscales techniques en plus de celles dont le comité a discuté jusqu'à maintenant. Une grande partie de ces modifications sont importantes et utiles aux contribuables. Cependant, je suis sûr que d'autres vous ont dit que le projet de loi C-10 comporte des dispositions qui suscitent des inquiétudes, non pas tant en ce qui concerne les objectifs sous-jacents de la politique fiscales, mais plutôt, parce qu'ils risquent de déborder de la portée visée.
Je vais commencer par parler de l'un des changements favorables à l'impôt pour donner aux sénateurs une idée de ce que comporte le projet de loi. Un exemple de changement utile que propose le projet de loi C-10 est la disposition visant à corriger un problème technique qui, autrement, peut se poser pour diverses combinaisons de deux entreprises, qu'il s'agisse de fusion nationale ou étrangère. La Loi de l'impôt sur le revenu, la LIR, envisage que certaines fusions nationales ou étrangères puissent se faire sur le principe du transfert libre de l'impôt, qui fait qu'aucun gain ni perte n'est reconnu. Cependant, le projet de loi C-10 corrige une anomalie dans la LIR qui pourrait autrement engendrer des gains sur ce type de transaction. Plus précisément, des gains pourraient être réalisés par le fait qu'une société parente détient des actions d'une filiale et ces actions sont annulées au moment de la fusion. Le projet de loi C-10 fait en sorte que ces actions ne peuvent engendrer aucun gain.
Nous avons d'abord parlé de ce problème de la LIR avec le ministère des Finances Canada en 2002, et les représentants du ministère ont été très compréhensifs et nous ont envoyé une lettre de confort disant qu'ils convenaient qu'une modification était souhaitable. Cependant, comme c'est le cas avec la plupart des lettres de confort, aucune garantie n'était offerte qu'une modification devienne un jour loi, ou que le Parlement y donnerait son accord.
En passant, je voudrais souligner brièvement l'importance des lettres de confort et leur rôle dans l'administration du système fiscal. Ce comité a soulevé des questions dans le cadre de délibérations antérieures sur la légalité des lettres de confort et sur leur place dans le système.
Les lettres de confort ne sont pas des ententes en tant que telles, mais seulement une indication que les fonctionnaires pertinents du ministère des Finances ont convenu du fait qu'une modification est souhaitable.
Le président : Si je peux me permettre de vous interrompre, compte tenu de votre expérience du monde fiscal, connaissez-vous des cas où le contribuable a soulevé la question de la lettre de confort, mais les autorités n'ont pas donné suite?
M. Marley : Il est arrivé qu'il n'y ait pas de suite, mais l'expérience démontre qu'en ce qui concerne les questions fiscales techniques, où la modification vise à corriger une anomalie dans la LIR et n'a pas d'incidence sur la politique fiscale, le ministre des Finances et le Parlement tendent à être d'accord avec ces modifications fiscales techniques, pour donner effet à la politique fiscale. Cependant, il n'y a aucune garantie que le Parlement sera d'accord et décidera d'apporter une modification pour que ce soit loi.
Les lettres de confort sont utiles aux spécialistes parce qu'elles interviennent souvent dans le contexte de transactions particulières où le libellé de la LIR ne semble pas appuyer les objectifs sous-jacents. Il est utile aux spécialistes de savoir que les fonctionnaires pertinents du ministère des Finances sont d'accord sur le fait qu'une modification particulière à la loi est souhaitable.
Le président : Certains des sénateurs, ici, sont membres d'associations du barreau, mais aucun de nous de se considère expert en matière fiscale. Cependant, nous avons entendu parler de décisions en matière d'impôt et d'obtention de décision anticipée. J'ai toujours pensé que si la situation que vous avez décrite survenait, quelqu'un interviendrait auprès de l'Agence du revenu du Canada et du ministère des Finances Canada pour obtenir une décision. Est-ce que vous confondez les décisions et les lettres de confort, dans ce cas?
M. Marley : Ce sont là deux procédures différentes qui visent deux buts différents. La décision en matière d'impôt, comme vous le dites, est rendue par l'Agence du revenu du Canada. Elle permet à quelqu'un de savoir que l'Agence du revenu du Canada est d'accord avec son interprétation de la loi. Une lettre de confort laisse entendre que le ministère des Finances Canada convient du fait qu'une modification à la loi est souhaitable.
Le président : Est-ce que quelqu'un peut agir comme si le changement était chose faite?
M. Marley : Oui, mais c'est potentiellement à ses propres périls si les changements ne deviennent pas loi un jour, parce que ce n'est qu'une indication de la probabilité d'apport d'un changement, et non une modification en tant que telle de la loi.
Le sénateur Goldstein : Cela ne lie en rien le gouvernement.
M. Marley : Non, parce que les fonctionnaires du ministère des Finances Canada ne peuvent faire de promesse quant à ce que fera le Parlement. L'Agence du revenu du Canada ne fait qu'interpréter la loi. La procédure de décision a force exécutoire, mais c'est une interprétation de la loi en vigueur et non des modifications qui pourraient être apportées à la loi.
Une dernière chose, au sujet des lettres de confort, c'est que les compagnies ne peuvent généralement s'y fier à des fins de comptabilité financière, ce qui est un élément important pour les compagnies publiques qui ne peuvent s'appuyer que sur les modifications à la loi fiscale qui sont passées en substance. En passant, le projet de loi C-10 est considéré comme étant passé en substance parce qu'il a franchi l'étape de la troisième lecture à la Chambre, bien qu'il n'y ait aucune certitude qu'elle devienne loi.
Le projet de loi C-10 n'est pas parfait : à mon avis, les trois plus importants problèmes concernent l'application des règles visant les fiducies non-résidentes aux fiducies commerciales en général; l'application généralisée d'une nouvelle règle qui vise les clauses restrictives; et l'incertitude qui entoure certaines dispositions des règles sur les entités de placement étrangères. Je vais en parler brièvement.
Tout d'abord, les règles visant les fiducies non-résidentes ont été conçues pour prévenir le report non approprié de l'impôt canadien, manœuvre qui est le plus souvent associée aux fiducies personnelles et abris fiscaux. Cet objectif de la politique fiscale est important et les règles proposées semblent réaliser cet objectif. Le problème, avec cet aspect du projet de loi C-10, concerne les fiducies commerciales non-résidentes, en particulier quand elles se trouvent dans des pays signataires d'un traité fiscal. Les fiducies commerciales, comparativement aux fiducies personnelles, ressemblent plus à des sociétés. Des modifications récentes au pays font que les fiducies de revenu commerciales sont traitées au Canada comme des sociétés, et le règlement d'application de la Loi de l'impôt sur le revenu traite les fiducies commerciales non-résidentes comme des sociétés.
Cependant, à part quelques exceptions très précises, le projet de loi C-10 traite les fiducies commerciales non-résidentes comme des fiducies personnelles plutôt que comme des sociétés. Cette différence peut avoir d'importantes répercussions néfastes sur l'impôt canadien. Je vous donne un exemple. Supposons qu'un contribuable fasse un petit placement de 100 $ à titre de participation minoritaire dans une vaste fiducie commerciale non résidente. En vertu du projet de loi C-10, si l'exception étroite ne s'applique pas, tout le revenu de cette importante fiducie commerciale non résidente est assujettie à l'impôt au Canada. Si cette fiducie a un revenu de 100 millions de dollars, l'intégralité de ce revenu est imposable au Canada, même si la seule participation canadienne est un maigre placement de 100 $ par un Canadien.
Le sénateur Goldstein : Qui paie cet impôt?
M. Marley : L'investisseur canadien et la fiducie elle-même seraient conjointement et individuellement responsable de l'impôt.
Le sénateur Goldstein : Si cette fiducie est loin là-bas, à qui l'ARC exige-t-elle l'acquittement de l'impôt?
M. Marley : L'application des dispositions relatives à l'obligation fiscale est un problème.
Le sénateur Goldstein : Est-ce que le petit investisseur de 100 $ est responsable de l'impôt sur le revenu de 100 millions de dollars?
M. Marley : L'obligation de cet investisseur se limite au montant total du placement. Dans cet exemple, l'investisseur pourrait perdre l'intégralité du placement de 100 $. Techniquement parlant, la fiducie est responsable de la dette fiscale sur le revenu de 100 millions de dollars dans cet exemple.
Par contraste, si la fiducie était traitée comme une société, en ce qui concerne son revenu, soit que celui-ci ne serait absolument pas assujetti à l'impôt au Canada, soit que seulement la portion liée au placement de 100 $ par le Canadien serait imposable au Canada. C'est évidemment une différence énorme, et c'est pourquoi divers groupes ont émis des préoccupations relativement à cet impôt, notamment pour les entités exonérées d'impôt qui ne sont normalement pas assujetties à l'impôt; en ce qui concerne le risque d'être conjointement et individuellement responsable de l'impôt des fiducies non-résidentes; et les investisseurs ordinaires qui assument une responsabilité fiscale qui pourrait être énorme.
Nous comprenons que le ministère des Finances cherchait à faire en sorte que les fiducies commerciales non-résidentes soient généralement traitées de la même manière que les sociétés. Cependant, la règle qui s'applique, pour ce traitement, l'alinéa h) de la définition de « fiducie étrangère exempte », est extrêmement compliquée et déroutante. Bien souvent, il n'est pas possible aux conseillers fiscaux d'énoncer des opinions pour nos clients à qui s'appliquent ces règles. Cette confusion porte les investisseurs à prendre le risque d'une obligation fiscale potentiellement énorme, qui est néanmoins limitée au montant total de leur placement. En conséquence de cette incertitude, nous pensons que bien des Canadiens éviteront d'investir dans les fiducies commerciales non-résidentes, et nous avons vu des fiducies non-résidentes qui interdisaient purement et simplement aux Canadiens d'investir chez elles.
Les sénateurs savent que le ministère des Finances a émis des lettres de confort pour répondre aux préoccupations qu'ont soulevées certains fonds de pension et d'autres. Nous pensons que ces lettres de confort répondent comme il se doit à ces préoccupations. Cependant, elles ne font rien pour d'autres investisseurs, que ce soient les investisseurs exonérés de l'impôt ou non.
Bien des traités fiscaux dont le Canada est signataire permettent aux autorités fiscales du Canada et de l'autre pays d'accorder un allègement relativement à l'application de ces règles. Cependant, ce processus est lourd. Quoi qu'il en soit, des déclarations de l'Agence du revenu du Canada donnent à entendre que le Canada pourrait tout simplement refuser d'accorder cet allègement dans tous les cas, même si la fiducie est située dans un pays signataire de traité à lourde fiscalité comme les États-Unis.
Deuxièmement, les règles sur les clauses restrictives visaient à inverser certaines décisions de tribunaux selon lesquelles les paiements faits en vertu de certaines ententes ou clauses de non-concurrence pourraient être reçus exonérés d'impôt. Par exemple, si une personne vent des parts d'une compagnie, il est courant que le vendeur s'entende avec l'acheteur pour ne pas lancer une entreprise concurrente. Le problème survient dans ces cas quand une portion du produit de la vente est assignée à cet accord de non-concurrence. La jurisprudence en matière d'impôt soutient que ces paiements pourraient être versés aux particuliers exonérés d'impôt.
Le projet de loi C-10 infirme les décisions du tribunal et rend ces montants imposables, ce qui est, on peut le comprendre, un objectif de la politique fiscale. Cependant, les règles proposées vont beaucoup plus loin, en ce sens qu'elles ne sont pas limitées aux arrangements de non-concurrence et pourraient s'appliquer à un éventail de clauses ou d'ententes ordinaires qui font partie de quasi toutes les transactions d'achat et de vente, comme une entente pour ne pas vendre les biens de l'entreprise avant la fermeture, ou un accord de ne pas payer d'importants dividendes avant la fermeture.
Il est souvent difficile de déterminer si ces règles s'appliqueraient à une clause particulière d'une entente dans le cadre de transactions commerciales ordinaires. À toutes fins pratiques, nous pensons que les contribuables et l'Agence du revenu du Canada n'appliqueront pas ces règles de manière générale hors du contexte de non-concurrence. De toute évidence, la stratégie est risquée pour les contribuables, en particulier quand de grosses sommes sont en cause.
Troisièmement, les règles visant l'entité de placement étrangère sont conçues pour prévenir le report non approprié de l'impôt canadien sur certains investissements étrangers. Les règles proposées semblent réaliser cet important objectif de la politique fiscale. Cependant, de la même manière que les deux autres aspects dont j'ai parlé, certaines de ces règles sont d'une extrême complexité et, bien souvent, elles seront difficiles à interpréter pour les contribuables et l'Agence du revenu du Canada. Cette difficulté est source d'incertitude pour bien des placements ordinaires.
Outre les modifications fiscales que propose le projet de loi C-10, bien d'autres ébauches de modifications fiscales restent sans être résolues depuis de nombreuses années. Une grande partie de ces modifications s'appliqueront rétrospectivement. Par exemple, d'importantes modifications aux règles du Canada visant l'impôt sur les revenus étrangers sont à l'état d'ébauche depuis 2004 et l'on s'attend à ce qu'elles s'appliquent de manière générale rétrospectivement à 2004, ou même avant dans certains cas. Bien d'autres changements à ces projets de règlements sont prévus avant qu'ils soient présentés sous forme de projet de loi.
Les clients et conseillers, particulièrement ceux qui sont à l'étranger, sont souvent déçus que souvent, nous devions fournir trois réponses à toutes leurs questions sur l'impôt : une description des résultats selon le règlement qui est actuellement en vigueur, selon le projet de règlement et en vertu des modifications prévues au projet de règlement. Cette nécessité s'avère même pour les questions de base, comme quelles sont les conséquences d'une fusion à l'étranger, ou est-ce qu'on peut déduire les frais d'intérêt sur les emprunts contractés pour acheter des actions? La préférence va généralement à l'élimination de l'incertitude par la promulgation de modifications fiscales proposées plutôt que de les laisser pendant de longues périodes sous forme d'ébauche. Il est possible qu'un report de l'adoption du projet de loi C-10 puisse causer d'autres retards dans l'adoption de toutes ces autres modifications fiscales.
Que devrions-nous faire du projet de loi C-10? La nécessité d'apporter des modifications favorables au projet de loi C-10, comme les dispositions relatives aux fusions dont j'ai parlé tout à l'heure, et le désir de faire le ménage dans l'énorme quantité de projets de loi doivent être équilibrés avec les graves préoccupations que d'autres personnes ont soulevées relativement au projet de loi C-10. Bien que je ne pense pas que des projets de loi doivent être parfaits avant d'être promulgués, puisqu'il est toujours possible d'y apporter des modifications ultérieurement, les préoccupations ou problèmes graves qu'ils posent doivent être réglés.
Bien des membres de la communauté fiscale préféreraient que le règlement touchant les fiducies non-résidentes, les règles visant la clause restrictive et celles qui concernent l'investissement étranger soient jetés aux orties et que le gouvernement reparte à zéro. Je ne pense pas que ce soit nécessaire, mais je pense que ces règles pourraient être améliorées dans le cadre actuel, au moyen de changements ciblés plutôt que de révisions à grande échelle.
À mon avis, les problèmes du projet de loi C-10 que j'ai exposés aujourd'hui sont assez sérieux pour que l'on veuille les corriger avant sa promulgation. S'il n'est pas possible de les corriger, l'autre choix serait d'y apporter d'autres modifications le plus tôt possible, et que l'Agence du revenu du Canada offre un encadrement administratif confirmant une interprétation raisonnable des règles.
Je vous remercie de m'avoir accordé de votre temps et de vous pencher sur ces importants enjeux. Je répondrai volontiers à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Marley. Vous avez abordé plusieurs sujets et aspects dont le comité est déjà au courant et qui ont suscité des préoccupations chez d'autres témoins et des membres du comité.
Vous avez donné au projet de loi de nombreux qualificatifs. Avez-vous employé celui de « projet de loi omnibus? » Nous sommes devenus habitués à l'expression. Avez-vous des points de vue à exprimer sur ce type de projet de loi?
M. Marley : Sur le fait qu'un seul projet de loi comporte plusieurs modifications fiscales?
Le président : Oui, et celles-ci remontent à bien des années.
M. Marley : Il est préférable de ne pas avoir d'énormes projets de loi qui remontent si loin dans le temps. Le problème vient en partie du fait que les règles fiscales changent constamment, et des modifications y sont régulièrement proposées. Il semble que les projets de modifications arrivent plus vite que la loi ne peut être promulguée. Nous semblons accumuler de plus en plus de projets de loi de nature fiscale sans jamais promulguer les parties ébauchées.
Le sénateur Massicotte : Il est évident que ce projet de loi est complexe. Nous essayons d'entendre les témoignages de gens comme vous pour nous aider à mieux circonscrire les problèmes, dans un français ou un anglais simple.
Je vais commencer par les lettres de confort. Dans votre document, vous dites que certaines lettres de confort émises semblent satisfaire aux besoins de certains investisseurs. Nous en avons discuté et vous avez répondu à une question sur la légalité des lettres de confort, qui ne sont pas des documents ayant force exécutoire.
Dans le cas des trois lettres qui ont été émises, comment l'Agence du revenu du Canada peut-elle interpréter ou appliquer à quelqu'un un traitement qui soit contraire à la loi?
M. Marley Au sujet du premier élément, sur l'accessibilité des lettres de confort, je dois préciser qu'elles sont publiées et figurent dans les exemplaires commerciaux de la Loi de l'impôt sur le revenu pour que la population y ait accès.
Pour ce qui est de l'application de la loi, comme vous le signalez à juste titre, l'Agence du revenu du Canada applique la loi telle qu'elle est, sans tenir compte de projets de loi ou, dans ce cas-ci, d'une lettre de confort, qui est l'étape qui précède le projet de loi.
La façon de faire, en général, consiste à laisser une année d'imposition ouverte en laissant le contribuable produire une déclaration autorisant une nouvelle cotisation tardive visant l'exercice. Si le projet de loi n'est pas promulgué au cours de l'année, l'ARC procède à la cotisation en se fondant sur la loi en vigueur.
Bien évidemment, si l'impôt n'est pas payé quand il doit l'être et la loi de l'impôt n'est pas modifiée rétrospectivement, le contribuable doit payer des intérêts sur les sommes dues, comme ce serait le cas normalement.
Le sénateur Massicotte : Cela ne règle pas le problème. Si le projet de loi est promulgué, cela ne résout pas le problème. Cela revient plutôt à dire que nous souhaitons régler le problème ultérieurement si nous en avons la possibilité. C'est dire qu'ils étudieront cela ultérieurement.
M. Marley : C'est juste. Cependant, cela aide à résoudre le problème dans le sens où l'on n'a pas à payer l'impôt et on garde l'exercice ouvert en vue d'une cotisation ultérieure de telle manière que le contribuable ne débourse rien tant que le projet de loi n'est pas promulgué.
Le sénateur Massicotte : Le contribuable peut ne rien débourser. Si l'investisseur doit un million de dollars d'impôt, le contribuable, le fonds de pension ou l'entreprise est autorisé à ne pas verser un million de dollars en dépit du fait que selon la loi, il est réputé devoir ce montant.
M. Marley : Dans le cours normal des choses, si les contribuables n'acquittent pas l'impôt qu'ils doivent, ils doivent le payer à un moment donné, plus l'intérêt cumulé. L'investisseur a un choix : il peut payer l'impôt et demander un remboursement une fois que la loi est promulguée, ou ne pas verser l'impôt et courir le risque que si la loi n'est pas promulguée, il devra à la fois l'impôt et l'intérêt cumulé sur le montant dû.
Le sénateur Massicotte : Cela étant dit, vous avez décrit l'enjeu dans votre document, et oralement. Il semble bien que ce gouvernement a l'intention de modifier le projet de loi encore pour exonérer les institutions qui ont reçu des lettres de confort. Pourtant, bien des investisseurs pourraient investir 100 $ dans une fiducie commerciale des États-Unis ou une fiducie étrangère et se retrouver avec d'importantes dettes fiscales. Vous avez donné l'exemple d'une obligation fiscale sur un revenu de un million de dollars.
M. Marley : La fiducie pourrait être responsable de l'impôt sur un revenu de un million de dollars. L'obligation de l'investisseur se limite au montant investi.
Une clause, dans la définition de « fiducie étrangère exempte », vise à exonérer certaines fiducies commerciales. Si vous regardez bien le projet de loi, quel que soit le nombre de fois où on le lit, on se demande encore si cette clause s'applique à un placement particulier.
Le sénateur Massicotte : Pierre Paul pourrait investir toutes ses économies dans une fiducie étrangère et courir le risque de perdre l'intégralité de ses 20 000 $ à cause du manque de clarté de la loi?
M. Marley : C'est jute; pour vous donner un exemple, si on prend la situation inverse, c'est comme si un investisseur des États-Unis ou du Royaume-Uni faisait un placement dans une fiducie de revenu du Canada. Si leurs règles étaient semblables aux nôtres, la fiducie canadienne pourrait devoir payer de l'impôt sur les revenus de ses placements étrangers, soit aux États-Unis ou au Royaume-Uni, rien que parce qu'une personne a investi dans cette fiducie, à moins que l'exception étroite bien précise ne s'applique à elle.
Le sénateur Massicotte : L'investisseur particulier a-t-il un recours?
M. Marley : Oui, le maximum est fixé au montant du placement. La question qui a été posée plus tôt, c'est comment le Canada peut-il recouvrer cet impôt? Il est évidemment difficile de le faire quand il n'y a pas d'actif dans le pays.
Le sénateur Massicotte : L'investisseur a recours à l'actif de l'investisseur canadien jusqu'à concurrence du montant du placement de l'investisseur?
M. Marley : C'est bien cela.
Le sénateur Massicotte : Est-ce normal, à votre avis? Est-ce équitable?
M. Marley : À mon avis, c'est approprié pour les fiducies personnelles quand le gouvernement n'est pas en mesure de déterminer qui sont les bénéficiaires en bout de ligne, ou le revenu qui leur sera distribué.
Pour les fiducies commerciales, où l'intérêt est fixé à un montant particulier, il n'est pas approprié de percevoir de l'impôt sur le revenu mondial de la fiducie.
Le sénateur Massicotte : Est-ce le cas, selon vous, dans la loi qui est proposée?
M. Marley : Absolument, sous réserve de l'exception étroite dans la définition de « fiducie exempte ».
Le sénateur Massicotte : Pour reprendre la réponse, les investisseurs canadiens qui sont passifs et intelligents, mais qui ne sont pas fiscaliste peuvent investir 100 000 $ d'économies de toute une vie dans une fiducie étrangère qui est tout ce qu'il y a de plus kasher, légal, notamment, et découvrir qu'ils ont exposé l'intégralité de leur investissement de capitaux?
M. Marley : C'est cela. Parce qu'il est difficile pour l'Agence du revenu du Canada de s'en prendre à la fiducie étrangère, elle serait plus susceptible de s'en prendre à l'investisseur canadien pour l'intégralité de son placement pour récupérer l'impôt de la fiducie.
Le sénateur Massicotte : C'est dangereux. Les investisseurs canadiens ne sont pas toujours assurés. Ils ne lisent pas la loi de l'impôt tous les matins au réveil.
M. Marley : Je pense que c'est la raison pour laquelle, en ce qui concerne les fiducies commerciales étrangères, le plus simple est d'interdire aux Canadiens d'investir chez elles pour ne pas courir le risque de devoir payer de l'impôt au Canada.
Le sénateur Massicotte : Je ne suis pas convaincu que cette interprétation soit juste en ce qui concerne la révision de la loi. Il y a un an et demi, une fiducie de revenu aurait été désavantagée comparativement à une entreprise, au plan de l'impôt. De toute évidence, une énorme planification précède la conversion de ces fiducies de revenu en société. J'ai entendu que certaines des modifications proposées feraient obstacle à ce transfert libre de l'impôt à une société, et que le report de cette loi aurait une incidence sur un transfert libre de l'impôt. Est-ce vrai? Est-ce que ce projet de loi a une incidence sur ces transferts libres de l'impôt?
M. Marley : Est-ce que le report de l'adoption du projet de loi C-10 reporterait la capacité de la fiducie de revenu de se reconvertir en société? Je pense que cela revient au fait que nous avons un grand nombre de projets de loi de nature fiscale. La règle dont vous parlez n'a pas encore été proposée. Elle n'est pas encore sous forme de projet de loi. Compte tenu de tous ces projets de règles qui sont encore à l'étude, on pourrait supposer que le report de l'adoption du projet de loi C-10 retarderait aussi l'adoption d'autres modifications fiscales.
Le sénateur Massicotte : Mais n'est-ce pas dans le projet de loi omnibus?
M. Marley : Pas dans ce projet de loi-ci.
Le sénateur Harb : Nous vous remercions infiniment pour votre excellente présentation. J'apprécie que vous soyez venu avec une proposition de solution, qui est intéressante.
Vous avez dit qu'il y a une lettre de confort et vous avez parlé des pour et des contre. Avez-vous eu l'occasion de voir cette lettre?
M. Marley : Celle qui concerne les règles visant la fiducie non résidente pour le fonds de pension et les autres?
Le sénateur Harb : Oui.
M. Marley : Oui, je l'ai vue.
Le sénateur Harb : Cette lettre vous satisfait-elle?
M. Marley : Je pense qu'elle répond de manière pertinente aux préoccupations de ces investisseurs. Évidemment, elle ne fait rien pour d'autres investisseurs exonérés ou imposables.
Le sénateur Harb : Un fonds de pension comme le Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario, l'OMERS, le fonds de pension des enseignants et d'autres qui ont comparu devant le comité avaient de gros problèmes, avec cette lettre. En conséquence le ministère des Finances a décidé de les rencontrer pour en discuter avec eux.
En l'absence d'une espèce d'accord de tous ces fonds et de leurs représentants, il serait imprudent d'aller de l'avant avec une lettre de confort. On a dit que la perte pour ces fonds serait de l'ordre de centaines de millions de dollars. Un groupe a affirmé qu'il perdrait près d'un milliard de dollars si quelque chose comme ce qui est proposé était appliqué tel quel.
Si le projet de loi ne peut être scindé en raison de sa nature, et nous l'acceptions tel quel ou le renvoyions à la Chambre, que feriez-vous?
M. Marley : Ce que je ferais? Voilà encore, à mon avis, une question difficile. Comme j'essayais de le dire, il y a des pour et des contre aux deux solutions. Si cela ne dépendait que de moi, j'y apporterais d'autres modifications avant de le promulguer en loi.
Le sénateur Harb : L'adopteriez-vous tel qu'il est actuellement?
Le sénateur Moore : C'est ce qu'il a dit.
Le sénateur Goldstein : Merci d'être ici aujourd'hui, monsieur Marley, et merci pour votre exposé clair et direct.
Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Je comprends le désir du gouvernement, dans le cadre de la politique fiscale, d'adopter des mesures pour percevoir de l'impôt sur les paiements découlant de la clause restrictive en partant du principe que, plus souvent qu'autrement, ces paiements sont une partie déguisée du prix d'achat dans une certaine mesure. Dans une situation comme dans l'autre, ils se retrouvent à bénéficier d'un traitement fiscal favorable aux mains du payeur et d'un merveilleux traitement fiscal, parce que ce n'est pas de l'impôt, aux mains du bénéficiaire. En non-initié, j'accepte cette approche comme étant une mesure appropriée de la politique fiscale, bien que je n'aie pas la moindre expérience en politique fiscale.
Ce que je ne comprends pas, dans le paragraphe suivant de votre présentation, qui porte sur les nouvelles règles qui s'appliquent non seulement aux engagements de non-concurrence — et c'est à la page 2 — mais aussi à une gamme d'autres clauses ou ententes qui sont partie intégrante d'à peu près toutes les fusions et acquisitions et les transactions de vente. Je le comprends bien. Quel genre d'incidence monétaire ces choses ont-elles, par exemple, l'engagement de ne pas payer un dividende jusqu'à la fermeture; un engagement à ne faire aucun changement; un engagement à ne pas licencier certains employés clés dans l'intervalle; un engagement de ne pas augmenter son propre salaire; et cetera. Ces ententes que vous — et d'autres experts du domaine — rédigez sont remplies de ce genre de choses.
Comment serait calculé l'impôt sur ce genre de clauses, en vertu de cette loi?
M. Marley : C'est une excellente question. Il importe de souligner deux choses. D'abord, il y a la manière dont l'impôt est calculé en vertu du projet de loi C-10. Ce peut être l'une de trois façons. Il y a le traitement des gains en capital, qui serait semblable à la vente d'actions. C'est-à-dire qu'ils seraient traités de la même manière et, par conséquent, il n'y aurait pas de conséquence fiscale négative, mais il pourrait y avoir impôt sur le revenu. Même s'ils vendent des parts d'immobilisations, les paiements répartis à ce type de clauses pourraient être traités comme des revenus. Ils paieraient plus d'impôt sur cette portion que si le tout était le produit d'une disposition. Il pourrait aussi y avoir retenue d'impôt s'il y a participation d'un non-résident.
Autrement, la solution simple pourrait être de ne pas répartir de montant à ces clauses.
Le sénateur Goldstein : C'était justement la question que j'allais poser.
M. Marley : Le problème, avec le projet de loi C-10, c'est qu'une autre règle peut forcer la répartition à ces clauses. C'est à l'article 68. Il stipule qu'un montant raisonnable doit être alloué à chacune de ces clauses. Il est difficile de donner une valeur à une clause du genre « je ne verserai pas de dividendes avant la fermeture ». Pourtant, n'importe quel acheteur insistera là-dessus. Par conséquent, les contribuables sont confrontés au dilemme de devoir assigner un montant à cet accord, de ne pas verser de dividendes et le traiter à part sous le régime de cette règle, en risquant ainsi un traitement fiscal différent, ou de décréter que cette règle ne s'applique pas à cet accord, alors ils ne pensent pas qu'elle devrait s'y appliquer.
Le sénateur Goldstein : Alors j'ai un problème. J'ai du mal à comprendre pourquoi la distribution effectuée en vertu de l'article 68 entraîne un traitement à titre de revenu plutôt qu'à titre de gains en capital. Si je vends mes actions de contrôle d'une société pour un million de dollars et je conviens de ne pas verser de dividendes dans l'intervalle avant la fermeture et toutes ces autres choses dont je vous ai parlé, quel genre de valeur est-ce que cela a? Est-ce que ce n'est pas partie du million de dollars imposé sur l'écart entre le prix de base rajusté et le produit de la vente, pour employer le jargon technique?
M. Marley : Oui, sauf que la règle par défaut est que c'est réputé être sur le revenu net plutôt que sur les gains en capital.
Le sénateur Goldstein : Où se trouve cette règle?
M. Marley : À l'article 56.4. Plusieurs règles sous l'article 56.4 pourraient permettre le traitement comme des gains en capital, mais elles ne s'appliquent pas dans tous les cas.
La raison pour laquelle je dis que la règle pourrait s'appliquer à d'autres types de clauses, c'est que la définition d'une clause restrictive à l'article 56.4 n'exige pas qu'elle soit restrictive ou même que ce soit une clause. La définition est extrêmement large. Je pense que nous pouvons l'interpréter, en combinaison avec le contexte et l'objet de la règle, comme signifiant qu'elle devrait s'appliquer aux engagements de non-concurrence. Cependant, les mots eux-mêmes ne se limitent pas aux engagements de non-concurrence et sont beaucoup plus généraux.
Le sénateur Goldstein : Comment corrigeriez-vous cette situation? Quel type de modification la corrigerait?
M. Marley : Je pense à deux choses; l'une est de préciser la définition de la clause restrictive pour qu'elle s'applique plus clairement aux engagements de non-concurrence et non à d'autres types de clauses et, deuxièmement, si on supprime la règle qui force la distribution aux clauses, alors les contribuables peuvent répartir tout sur le produit de la disposition. Le tout serait imposé de la manière normale comme la vente d'actions, et ils n'auraient pas à se préoccuper d'essayer d'assigner une valeur distincte à des clauses différentes ou à des ententes conclues dans le cadre d'une transaction.
Le sénateur Goldstein : Une définition plus étroite de l'article 56.4 et un petit rajustement de l'article 68 suffiraient?
M. Marley : À mon avis, oui.
Le président : C'est dans des situations comme celle-là que je m'efforce de résister à la tentation de rappeler aux sénateurs que les conseils juridiques gratuits ont la valeur du papier sur lequel ils sont couchés, mais quoi qu'il en soit, je vous laisse la parole, sénateur Tkachuk.
Le sénateur Tkachuk : Je vais essayer d'éviter les aspects techniques pour revenir au projet de loi.
Ces modifications ont été annoncées par les gouvernements dans des budgets ou autrement. Est-ce que le ministère du Revenu applique ces modifications comme si elles étaient déjà loi?
M. Marley : Voulez-vous dire l'Agence du revenu du Canada?
Le sénateur Tkachuk : Oui.
M. Marley : Non; à ce que je comprends de la manière dont elle applique la loi, c'est que l'ARC applique la loi qui est en vigueur maintenant et non les règles qui pourraient entrer en vigueur une fois que le projet de loi C-10 aura été adopté. Cependant, quand des contribuables ont produit des déclarations fondées sur les modifications proposées, l'Agence du revenu du Canada, je crois, adopte une approche raisonnable plutôt que de cotiser et de forcer les contribuables à verser des impôts qu'ils pourraient ne jamais devoir, en laissant, en fait, le dossier ouvert jusqu'à ce que l'on sache si les modifications sont adoptées. Ensuite, l'agence perçoit l'impôt plus les intérêts, parce que l'impôt n'aura pas été versé en temps opportun, ou ne cotise pas le contribuable si la loi est adoptée.
Le sénateur Tkachuk : C'est comme quand il y a annonce d'une TPS dans le budget mais la loi en tant que telle qui concrétise l'annonce de TPS, ou l'annonce d'impôt sur le revenu, ne devient pas loi avant que le projet de loi soit adopté, n'est-ce pas? Par contre, tout le monde agit comme si le projet de loi est déjà promulgué.
M. Marley : C'est vrai; dans le contexte de la TPS, ce que je pense qui s'est fait dans le passé, c'est qu'ils ont fixé la date d'entrée en vigueur avec assez d'avance pour essayer de faire en sorte que la loi soit adoptée, parce que, surtout dans le contexte de la TPS, où ce ne sont pas que les particuliers qui produisent des déclarations, mais elle s'applique au quotidien sur les transactions commerciales ordinaires, il est plus important que la loi elle-même soit en vigueur.
Le président : J'ai toujours été un peu confus à ce sujet. Qu'est-ce qu'une motion de voies et moyens? Est-ce que ces dispositions budgétaires sont mises en vigueur autrement qu'au moyen d'une loi d'importance comme celle-ci, pour ces raisons mêmes, à ce moment-là? Je ne sais pas.
M. Marley : D'après ce que je comprends, ce n'est qu'une indication, sur une base générale, de tous les changements, disons, à un budget, mais ensuite les modifications précises sont présentées sous forme de projet de loi pour modifier la loi de la manière normale.
Le sénateur Tkachuk : Cette loi rassemble plusieurs problèmes qui ne sont pas réglés, notamment dans un cas, depuis le budget de 1999, et essaie de promulguer leur solution en loi. C'est pourquoi ce projet de loi est si exhaustif.
Est-ce que les deux problèmes qui, selon vous, devraient être résolus, le sont dans les lettres de confort?
M. Marley : Les lettres de confort ne traitent pas des problèmes dont j'ai parlé. C'est pourquoi, du moins à mon avis, ces changements s'imposent encore.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce que les lettres de confort ont une échéance? Pendant combien de temps sont-elles valides? Est-ce qu'elles pourraient l'être pendant 20 ans si rien n'arrive? Ce projet de loi date de 1999. Il pourrait y avoir des lettres de confort qui le concernent.
M. Marley : La situation est semblable avec le projet de modifications à la loi de l'impôt. Des projets de modifications ont été diffusés en 1991 sur la déductibilité des intérêts, qui sont encore envisagées, mais personne ne s'attend plus à ce qu'elles soient adoptées.
Pour répondre à la question, une lettre de confort reste valide à perpétuité, mais avec le passage du temps, la probabilité qu'elle devienne loi diminue.
Le sénateur Tkachuk : Comment la fiducie commerciale déclare-t-elle cela? Est-ce une obligation fiscale? Vous avez dit qu'elle doit penser qu'à un moment dans l'avenir, si rien ne se passe, elle pourrait devoir verser l'impôt sur le revenu ou, encore, elle peut verser l'impôt et à un moment donné en demander le remboursement. Comment est-ce qu'elle le déclare dans ses états financiers? Comment compose-t-elle avec cette obligation fiscale potentielle?
M. Marley : Pour revenir à l'exemple de la fiducie non résidente, la plupart des fiducies non résidents n'en tiendraient pas compte en partant du principe qu'elles ne sont pas au Canada, leur actif n'est pas au Canada, et je soupçonne que la plupart des fiducies commerciales non-résidentes ne produiraient pas de déclaration de revenus au Canada. Elles en produiraient dans leur propre pays. Je suppose, à toutes fins pratiques, que c'est ce qui se passe. En ce qui concerne les fiducies exemptes de l'impôt comme les fonds de pension, elles sont exonérées, alors elles ne paient pas d'impôt au Canada et ne produisent pas de déclarations de revenus.
Le sénateur Goldstein : Nous avons entendu plusieurs témoignages à propos de certaines modifications, et vous êtes le premier témoin à soulever la question de l'imposition des clauses restrictives. Moi-même, je ne savais pas que cela pouvait poser problème.
Est-ce que vous, ou quelqu'un de votre connaissance, avez abordé cette question avec le ministère?
M. Marley : Oui. Quand des projets de modifications fiscales sont diffusés, généralement, les fiscalistes transmettent certains commentaires au ministère des Finances Canada par l'intermédiaire d'un comité mixte de membres de l'Association du Barreau canadien, l'ABC, qui représente les avocats, et l'Institut Canadien des Comptables Agréés, l'ICCA, qui représente les comptables. Ce comité mixte fait des exposés détaillés au ministère des Finances Canada sur les projets de loi. En particulier, les règles dont nous discutons aujourd'hui, comme celles qui s'appliquent aux fiducies non-résidentes et aux entités étrangères d'investissement, ces règles qui ont subi six ou sept modifications dans l'intervalle depuis 1999, ont été l'objet de nombreuses présentations de ce comité mixte, et d'autres aussi, comme celle de l'article 56.4 et les règles s'appliquant aux fiducies non-résidentes.
Le sénateur Goldstein : Pour revenir encore aux problèmes que posent les articles 56.4 et 68, est-ce que le ministère a donné une réponse aux préoccupations que, je présume, le comité mixte a exprimées?
M. Marley : Le ministère des Finances Canada a modifié les règles à deux ou trois reprises relativement à l'article 56.4, alors il a ajouté diverses exceptions qui précisent mieux les règles.
D'après mon expérience, ces exceptions ne s'appliquent pas toujours et ne font pas assez pour limiter la règle visant à ce que des impôts soient perçus sur les engagements de non-concurrence.
Le sénateur Goldstein : Estimez-vous encore que le projet de loi tel qu'il est libellé n'est pas adéquat, pour les raisons que vous avez données?
M. Marley : À mon avis, oui, mais je le répète, tel qu'il est maintenant, c'est beaucoup mieux qu'auparavant.
Le sénateur Goldstein : C'est une bonne chose. Est-ce qu'une majorité des fiscalistes partagent votre avis, à votre connaissance?
M. Marley : À ma connaissance oui, mais je ne peux l'affirmer en toute certitude.
Le sénateur Goldstein : Vous n'avez pas fait de sondage formel, mais je sais que les fiscalistes forment un tout très communicatif. Vous êtes constamment en communication, sur des sujets importants. Savez-vous, d'après ces communications, si la majorité des fiscalistes, tant les avocats que les comptables agréés, ont encore des préoccupations au sujet des articles 68 et 56?
M. Marley : Vous avez bien raison. Comme nous travaillons sur les transactions, la question est souvent soulevée. Quasiment chaque transaction est assortie de diverses clauses restrictives, et bien des transactions ont des clauses de non-concurrence, alors c'est un processus complexe que d'essayer de faire en sorte que dans tous les cas, quelqu'un corresponde à l'une des exceptions pour tenter de l'assujettir au même traitement fiscal que pour la vente de l'entreprise ou d'actions.
Le sénateur Goldstein : Ce projet de loi tel qu'il est maintenant libellé doit entrer en vigueur pour l'exercice commençant en 2007, ce qui signifie en fait que lorsque vous rédigez une entente de fusion et d'acquisition ou un contrat d'achat tout simplement, vous êtes déjà, de fait, assujettis à ces règles?
M. Marley : C'est juste. La seule précision que je voudrais donner, c'est que diverses dispositions que contiennent ces règles ont des dates d'entrée en vigueur différentes.
Le sénateur Goldstein : Oui, je sais.
M. Marley : Je ne peux pas me rappeler au pied levé si c'est 2007. Je pensais que ce pouvait même être avant.
Le sénateur Goldstein : C'est bien 2007.
M. Marley : Vous avez raison. Une fois que le règlement aura été adopté, il s'appliquera rétrospectivement.
Le sénateur Goldstein : Ce même problème se pose en ce moment, quand vous préparez une entente de fusion et d'acquisition?
M. Marley : Absolument.
Le sénateur Eyton : Merci d'être venu. Je dois m'excuser. Je n'étais pas ici, alors j'ai manqué une partie de votre présentation. J'ai été intrigué par le fait qu'en dépit de votre jeune âge, vous œuvrez dans ce domaine déjà depuis longtemps. J'ai remarqué en particulier votre expérience de conseiller en politique fiscale, je suppose à Ottawa, au ministère des Finances.
À l'époque, est-ce que vous vous préoccupiez de certains de ces enjeux dont nous traitons aujourd'hui, et les avez-vous étudiés? Je crois que vous êtes parti en 1998.
M. Marley : C'est exact. Je suis parti avant qu'il soit question de ces changements dont nous avons parlé aujourd'hui.
Le sénateur Eyton : Depuis lors, je présume, ils vous préoccupent?
M. Marley : Absolument; notre cabinet et d'autres, comme je l'ai dit, a transmis au ministère des Finances Canada, principalement par l'intermédiaire du comité mixte, des observations relativement à chacun des projets qui ont été présentés au fil des années.
Le sénateur Eyton : Quand je regarde les notes, vous commencez par dire qu'idéalement, nous adopterions le projet de loi C-10 et, de fait, nous traiterions séparément, je suppose, des modifications qui, selon vous, s'imposent au régime fiscal en général?
M. Marley : C'est là une question difficile. Évidemment, je m'en remets à votre décision à savoir s'il faudrait adopter le projet de loi et régler les préoccupations à la première occasion qui s'offrira, ou s'il convient de les régler d'abord.
Le sénateur Eyton : Vous avez énoncé trois possibilités. La première consisterait à régler tous les problèmes que pose le projet de loi, et vous avez émis l'avis que cette approche n'est pas absolument nécessaire. La deuxième est de régler les problèmes au moyen de modifications ciblées. La troisième possibilité dont vous avez parlé, que vous décrivez comme la meilleure solution, serait d'apporter d'autres modifications aussitôt que possible et que l'ARC émette des directives administratives confirmant une interprétation raisonnable des règles. C'est votre position de repli.
M. Marley : C'est exact. Je répète qu'à mon avis personnel, en prenant l'exemple des règles s'appliquant aux fiducies non-résidentes, plutôt que de repartir à zéro sur une feuille blanche au bout de neuf ans de travail sur les règles actuelles, je laisserais le cadre en place, surtout tel qu'il s'applique aux fiducies personnelles, mais pour les fiducies commerciales, je reformulerais l'alinéa h) au sujet des fiducies étrangères exemptes pour faire qu'il soit clair que si quelqu'un acquière des intérêts d'une fiducie commerciale étrangère, ce ne sont pas les règles visant les fiducies non-résidentes qui s'appliquent. Nous avons d'autres séries de règles pour prévenir le report non approprié de l'impôt étranger, comme les règles visant les entités d'investissement étrangères, ou s'il y a participation majoritaire dans une société, par exemple, nos règles portant sur le revenu étranger accumulé tiré de biens. C'est la principale règle contre le report de l'impôt que comporte notre régime.
La plupart du temps, les gens font des placements hors du Canada sous forme sociale plutôt que de fiducie.
Le sénateur Eyton : Cette réponse à ma question est plutôt complexe. J'essayais de focaliser sur la solution que vous avez proposée ici, soit l'apport d'autres modifications le plus tôt possible, et que l'ARC émette des directives administratives confirmant une interprétation raisonnable. En fait, la question que je pose est la suivante : pourriez-vous vous satisfaire de cette alternative? Elle n'est peut-être pas parfaite, mais est-ce que vous pourriez vous en satisfaire?
M. Marley : Je le pense.
Le sénateur Ringuette : Je suis agréablement étonnée d'entendre vos commentaires et la lumière que vous faites sur la question, du moins selon ma perspective, au sujet des lettres de confort. Vous avez parlé de nombreuses modifications que subissent ces projets avant qu'ils deviennent projets de loi.
D'après votre expérience, quelle est la durée de ce processus au ministère des Finances, la rédaction et la modification d'un projet avant qu'il nous soit présenté, en un format encore non acceptable et avec des défauts, comme ceux que vous nous avez exposés aujourd'hui? Je suis un peu étonnée. D'après votre expérience au ministère et maintenant dans le secteur privé, combien de temps doit prendre cette démarche? La rédaction d'un projet et sa modification avant qu'il soit présenté aux parlementaires?
M. Marley : Cela dépend, en partie, de la nature du changement et de sa complexité. Je pense avoir parlé brièvement des modifications à nos règles sur les sociétés étrangères affiliées, sur l'impôt sortant. Des changements en profondeur ont été proposés à ces règles en 2004. Ils sont encore à l'état de projet. Cependant, depuis 2004, le ministère des Finances Canada consulte l'Agence du revenu du Canada et les contribuables, et ils ont réalisé la nécessité de modifier en profondeur la loi de 2004. Ces dernières années, le ministère a parlé de divers moyens qu'il pourrait prendre pour modifier la loi une fois que les modifications auront été présentées à nouveau sous forme de projet aux fins de commentaires avant de devenir un projet de loi.
C'est l'exception à la norme, mais dans ce cas-là, nous attendons avec optimisme que ces changements soient présentés sous forme de projet, peut-être plus tard au cours de cette année, et ils pourraient éventuellement être proposés sous forme de projet de loi vers la fin de cette année ou peut-être l'année prochaine. Ces règles peuvent rester à l'état de projet probablement encore cinq ans ou plus, et souvent c'est encore plus longtemps.
Évidemment, ce n'est pas la situation idéale. Ce que nous devrions faire — et ce n'est pas ce que veulent entendre tous les parlementaires — c'est adopter plus de lois fiscales, et promulguer les projets de loi en loi plus rapidement.
Le sénateur Ringuette : Je comprends ce que vous dites. Vous ne devez pas oublier que notre comité a été saisi du projet de loi C-10 en novembre. Les parlementaires n'hésitent pas à étudier les lois; cependant, elles ne sont pas communiquées.
Entre-temps, d'après votre expérience dans le secteur privé, s'il y a des reports de cinq ou six ans, pendant lesquels un client peu reporter l'acquittement de l'impôt sous réserve qu'il produise une déclaration une fois la loi adoptée, cela fait une période de cinq ou six ans d'incertitude à l'égard du placement, ce qui doit probablement coûter très cher aux investisseurs et au gouvernement canadien.
M. Marley : C'est un problème. Comme je le disais, nous devons souvent fournir une réponse aux questions et dire à nos clients ce qui arrivera selon les règles actuellement en vigueur, selon les règles à l'étude et selon ce qu'elles deviendront à notre avis avant d'être promulguées. Autant que possible, nous essayons de structurer les transactions de manière à ce qu'elles satisfassent à ces trois situations. Ce n'est pas toujours possible, mais en gros, c'est là où nous en sommes.
Le sénateur Ringuette : Au sujet des lettres de confort, d'après vos connaissances et votre expérience, combien de ces lettres de confort, qui ne sont pas si réconfortantes, y a-t-il actuellement au ministère des Finances Canada?
M. Marley : Je ne sais pas exactement combien il y en a. Je pense avoir dit que dans les exemplaires commerciaux de la Loi sur l'impôt, le gouvernement publie généralement les lettres de confort et tout projet de modifications à la loi, en texte ombragé. Ils ne peuvent pas se soustraire à la Loi de l'impôt sur le revenu, mais si vous y jetez un œil, vous verrez que tout le texte ombragé concerne des projets de modifications qui n'ont pas encore été adoptées. Dans cette section se trouvent aussi tous les changements au projet de loi C-10, qui sont de toute évidence assez nombreux, mais il faut encore bien d'autres changements. Un bon nombre d'entre eux sont utiles aux contribuables, et ont été demandés par eux. D'autres sont des changements que l'Agence du revenu du Canada a demandés pour pouvoir mieux administrer les règles.
Le sénateur Goldstein : J'aimerais poser une toute dernière question si vous le permettez, monsieur le président. La Loi de l'impôt sur le revenu, sans ces modifications, tenait en quelque 2 000 pages dans le passé. Je ne parle pas du règlement d'application, mais de la loi elle-même. Ce projet de loi-ci compte 560 pages. Selon votre expérience, est-il jamais arrivé que des modifications de cette envergure soient présentées ainsi en bloc?
M. Marley : Je ne le sais pas exactement en ce qui concerne le nombre de pages. Il est déjà arrivé qu'il y ait d'importantes modifications d'ordre technique.
Le sénateur Goldstein : Il y en a certainement déjà eu d'importantes, mais y en a-t-il eu d'aussi importantes que celles-ci, à votre souvenir?
M. Marley : Pas que je sache.
Le sénateur Goldstein : Je ne cherche pas à faire de critique, ce n'est qu'une question. Je suis curieux.
M. Marley : Il est possible que ce soit déjà arrivé. Je ne sais pas exactement.
Le sénateur Goldstein : Pourrait-on dire sans risque de se tromper que la modification ou la suggestion de modification d'une ou de plusieurs parties de la loi, des éléments ciblés, que vous avez presque tous décrits, pourrait mettre en péril le reste de cette loi, qui est largement réparatrice et appropriée pour les Canadiens? Est-ce que cela vous inquiéterait?
M. Marley : C'est une bonne question et oui, ce serait préoccupant. Si nous séparons tous les changements fiscaux techniques pour en faire de nombreux projets de loi, le problème est que cela alourdit le processus de promulgation de la loi, particulièrement quand d'importants projets de loi additionnels sont attendus, et continueront d'être élaborés au fur et à mesure de la présentation de nouveaux budgets et que de nouveaux changements s'imposeront.
À mon avis, le problème, c'est qu'on n'adopte pas assez de ces modifications chaque année. Elles n'arrêtent pas de s'accumuler jusqu'à ce que des projets de loi fiscaux omnibus soient présentés.
Le sénateur Goldstein : Au sujet des entités de placement étrangères, certaines de ces règles ne sont pas très différentes, au plan de l'effet qu'elles produisent, des règles visant le revenu étranger accumulé tiré de biens qui ont été intégrées à la Loi de l'impôt sur le revenu il y a quelques années, probablement une dizaine d'années déjà et peut-être même plus.
À ce que je me rappelle de la réaction des fiscalistes à ces règles, ils les trouvaient extrêmement compliquées, difficiles à interpréter pour les contribuables et aussi pour l'ARC. Les règles n'en sont pas moins en vigueur, elles sont exécutées et appliquées, et les Canadiens connaissent de manière générale les règles du jeu en ce qui concerne le revenu étranger accumulé tiré de biens.
N'est-ce pas le cas aussi des règles visant les entités de placement étrangères? Il leur faudra s'y habituer, mais ils s'y habitueront et composeront avec elles?
M. Marley : Chacune de ces règles vise le même but, soit de prévenir le report non approprié de l'impôt canadien. Les règles visant le revenu étranger accumulé tiré de biens forment le principal ensemble de règles, puis il y a les règles visant les entités de placement étrangères et, dans une certaine mesure, en guise de renfort, les règles visant les fiducies non-résidentes.
Le sénateur Goldstein : C'est juste.
M. Marley : La loi comporte actuellement les règles visant les entités de placement étrangères et les fiducies non-résidentes, mais l'ARC trouve que les règles actuelles ne sont pas suffisantes pour protéger adéquatement le système.
Pour ce qui est de la complexité des règles, vous avez raison. La complexité, en soit, est ce que nous, les conseillers fiscaux sommes payés pour démêler au quotidien. La complexité, en soi, peut être démêlée et on peut s'y faire. Le problème, c'est que si elle est telle que la lecture et l'analyse des dispositions ne fournissent pas une réponse au bout du compte et laissent les conseillers fiscaux perplexes, à se demander si une disposition s'applique ou non, la complexité devient incertitude et ne peut être atténuée par une analyse plus poussée.
Le président : Monsieur, nous vous remercions infiniment. Vous avez jeté un éclairage intéressant sur des questions épineuses pour nous. Vous avez donné de bons conseils à nos collaborateurs qui participent à la production de cette loi, de ce type de lois. Nous veillerons à ce qu'ils soient largement distribués.
M. Marley : Je vous remercie encore une fois de plus de m'avoir donné cette occasion de venir ici aujourd'hui.
Le président : Honorables sénateurs, c'est là-dessus que prend fin ce témoignage. Nous devons régler la question qu'a soulevée le sénateur Goldstein hier. On me dit que ce genre de débat se déroule généralement à huis clos. Est-ce que vous souhaitez que nous nous réunissions à huis clos?
Le sénateur Goldstein : Je suis prêt à ce que nous ayons une brève séance à huis clos, à condition que si une ou plusieurs personnes décident de revenir en séance publique, nous mettions cette décision aux voix.
Le président : La séance est levée.
Le sénateur Goldstein : Non, vous suspendez la séance.
Le président : Veuillez m'excuser; comme vous voulez.
La séance se poursuit à huis clos.