Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 20 - Témoignages du 29 mai 2008
OTTAWA, le jeudi 29 mai 2008
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui a été saisi du projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, notamment en ce qui concerne les entités de placement étrangères et les fiducies non résidentes ainsi que l'expression bijuridique de certaines dispositions de cette loi, et des lois connexes, se réunit aujourd'hui, à 10 h 50, pour étudier le projet de loi.
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, chers collègues. Nous poursuivons aujourd'hui l'étude du projet de loi C-10 effectuée par le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.
Le sénateur Tkachuk : Excusez-moi quelques instants, mesdames et messieurs.
Nous examinons ce projet de loi depuis longtemps, et nous avons entendu de nombreux témoins. Nous arrivons à la fin de la session. Je crois comprendre que ce projet de loi pose problème aux représentants de l'autre côté. Ils n'ont présenté aucun amendement. Nous sommes déjà à la fin mai. Sauf votre respect, la situation est claire. Il n'y a aucun changement. C'est la même histoire chaque semaine. Les représentants de l'industrie et de l'opposition ont bien présenté leurs arguments, et les membres du Parti libéral ont bien exposé leur point de vue.
Le président : Faites-vous référence à un article particulier du projet de loi?
Le sénateur Tkachuk : Je parle de l'article qui semble échauffer le plus les esprits, soit les crédits d'impôt pour les films et les politiques publiques.
L'industrie a proposé des amendements, mais les membres du Parti libéral présents ici ne nous ont pas indiqué ce qu'ils désiraient faire. Est-ce qu'ils veulent supprimer le passage? Est-ce qu'ils veulent l'amender? S'ils veulent un amendement, pourquoi ne passons-nous pas simplement à l'étude article par article pour qu'ensuite ils proposent l'amendement et qu'on règle la question? Ils ont la majorité ici. Je ne vois pas où est le problème.
Le président : Je ne crois pas qu'il y ait de problème. Si je vous comprends bien, vous demandez pendant combien de temps encore les membres du Comité étudieront le projet de loi.
Le sénateur Tkachuk : Nous avons peut-être même une cause commune. Si les libéraux veulent un amendement, nous n'en connaissons pas la teneur et nous ne savons pas du tout quelles sont leurs intentions. Nous ne pouvons pas simplement jaser pendant des heures. Peut-être que ce qu'ils ont à proposer nous conviendrait à tous. Je n'en sais rien. Je n'ai rien vu. Tout ce que je les ai entendu dire, c'est qu'ils étaient mécontents du projet de loi sous sa forme actuelle. Je ne les ai entendus présenter aucun amendement qu'ils désireraient apporter au projet de loi. La Chambre des communes a déjà été saisie du projet de loi auparavant sous le gouvernement libéral. Je crois qu'il s'agissait alors du projet de loi C-33. Les députés en ont discuté et l'ont adopté à l'unanimité. Toutefois, le projet de loi est mort au Feuilleton en raison des élections. Ce n'est pas un nouveau dossier. Ce projet de loi a été adopté à l'unanimité par la Chambre.
Nous discutons de la question depuis décembre d'une façon ou d'une autre. Si les libéraux veulent un amendement, il y a peut-être une cause commune. Nous pourrions peut-être en venir à un accord et faire quelque chose ensemble. Cependant, si nous ne savons pas de quoi il s'agit, c'est très difficile à faire.
[Français]
Le sénateur Dawson : L'une des raisons pour lesquelles nous recevons une série de témoins, c'est que le ministre a comparu ici il y a quelques semaines et a dit que l'industrie était divisée sur le sujet.
[Traduction]
Lorsque le ministre nous a dit que l'industrie était très divisée sur le sujet, j'ai cru que nous devions entendre d'autres témoins pour prouver que ce n'était pas le cas. Il y a une cause commune, et les représentants de l'industrie en débattent.
Selon moi, la raison pour laquelle nous accueillons ce deuxième groupe de témoins, c'est parce que, dans une certaine mesure, le ministre a induit en erreur les gens qui écoutent le comité.
Le sénateur Goldstein : J'ai deux remarques à faire. D'abord, je demande que nous réservions du temps après les témoignages pour discuter de cette importante question. Il faudrait peut-être entendre ces témoins, car ils sont ici et ils attendent. Nous pourrons ensuite avoir cette discussion.
Ensuite, il serait plutôt difficile d'effectuer une étude article par article à l'heure actuelle. Je ne veux pas être présomptueux, mais je crois qu'il est très probable que nous nous entendions sur quelque chose en ce qui a trait aux productions cinématographiques et magnétoscopiques. Il se peut aussi que ce ne soit pas le cas. Jusqu'à présent, tous les témoins ont recommandé qu'on refuse l'accréditation d'un film dont le contenu ne respecte pas le Code criminel. Je ne sais pas si vous souscrivez à cette recommandation, sénateur Tkachuk.
Le deuxième point, et le plus important, c'est qu'il y a toute une gamme de questions fiscales, dont l'une nous a été présentée pour la première fois hier, qui rendent l'étude article par article difficile du fait que nous devons entendre d'autres témoins, au moins en ce qui a trait aux questions fiscales.
Il ne nous reste que deux semaines pour entendre des témoins. Si je me souviens bien, à l'exception des maires qui viennent témoigner la semaine prochaine au sujet des incidences éventuelles de cette disposition sur leur ville respective, la majorité des témoins qui restent parleront des aspects fiscaux du projet de loi et non des aspects relatifs aux films.
Cela étant dit, je propose que nous tenions la discussion proposée par le sénateur Tkachuk immédiatement après avoir écouté les témoins.
Le sénateur Tkachuk : Ça ne me pose aucun problème.
Le président : Nous sommes tous d'accord. Merci, messieurs les sénateurs, d'avoir soulevé ce point. Nous avons tous besoin de savoir où nous allons.
La greffière et mon personnel ont dressé la liste de tous les témoins que nous avons entendus à ce jour dans l'étude de ce projet de loi. La greffière vous en remettra à chacun une copie afin de vous aider dans votre réflexion sur la façon dont nous devons procéder à l'approche de la relâche d'été.
[Français]
Je suis le sénateur David Angus, je suis un sénateur du Québec et je demeure à Montréal. Je suis le président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. À ma droite, le sénateur Yoine Goldstein, un autre sénateur québécois, qui est le vice-président du comité et à droite, un autre Québécois très bien connu, le sénateur Francis Fox.
[Traduction]
De l'Alberta, un homme bien connu dans votre secteur de spécialité, le sénateur Tommy Banks. À sa droite, un agronome très heureux de la Saskatchewan, le sénateur Gustafson. Aussi de la Saskatchewan, le sénateur David Tkachuk, que vous venez d'entendre. Le sénateur Trevor Eyton, de Toronto.
[Français]
À ma gauche, un autre Québécois, le sénateur Dennis Dawson, à sa gauche, le sénateur Wilfred Moore de Halifax et enfin, le sénateur Paul Massicotte de Montréal et le sénateur Michel Biron, tous deux de la belle province de Québec.
Sans aucun autre délai, procédons à notre étude du projet de loi C-10 qui est devenu assez controversé. Nous avons entendu 65 témoins jusqu'à maintenant. Nous sommes maintenant prêts à vous entendre.
Roger Frappier, producteur, Max Films Inc. : Monsieur le président, je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui pour nous exprimer sur le projet de loi C-10. Permettez-moi de me présenter. Je suis producteur depuis une trentaine d'années, ma société Max Films Inc. existe depuis 20 ans. J'ai produit une trentaine de longs métrages, j'ai eu deux films qui ont été mis en nomination pour un Oscar — Le Déclin de l'empire américain et Jésus de Montréal, de Denys Arcand —, j'ai été le seul producteur canadien honoré à Cannes en 1998 lorsqu'ils ont honoré le travail du producteur cinématographique au point de vue international avec une dizaine d'autres producteurs. Étant donné mon âge, à défaut de l'être sur le plan sportif, j'ai été intronisé, la semaine dernière, au Panthéon cinématographique canadien. Cela prenait 25 ans de travail dans l'industrie.
Le président : Félicitations!
M. Frappier : Merci. D'entrée de jeu, je ne peux qu'ajouter ma voix à tous ceux et celles qui sont venus devant vous, les réalisateurs et les producteurs, pour dire à quel point le projet de loi C-10, en imposant des conditions sévères dans l'octroi des crédits d'impôt, est préjudiciable et catastrophique pour notre cinématographie, autant d'un point de vue national qu'international.
Il y a déjà dans les critères essentiels pour qu'un film soit admissible au fonds de long métrage de Téléfilm Canada, cette phrase :
Le projet ne peut contenir aucun élément de violence gratuite ou d'exploitation sexuelle grave ou gratuite, ne peut être ni obscène, indécent ou pornographique selon la définition du Code criminel, et, n'est pas de nature diffamatoire ou autrement illégale.
Nous sommes déjà régis de ce côté par ces critères et de l'autre, ce qui m'apparaît plus important, par le Code criminel. Pourquoi alors ajouter au Code criminel? Il faut dire que le Code criminel est quelque chose qui est purement objectif alors que le comité, qui serait mis sur pied par le ministère du Patrimoine, est inévitablement subjectif.
Permettez-moi une petite anecdote par rapport au comité. Au cours de ma vie, j'ai souvent été membre de jury pour des manifestations cinématographiques, le Festival des films du monde, des festivals internationaux à Chicago et en Europe, et même à l'intérieur du même monde cinématographique, on a des discussions pour l'attribution des prix. Je peux défendre un film en disant que c'est un chef-d'œuvre et le type à côté va dire que c'est un grand navet et que jamais il ne devrait recevoir un prix. Vous voyez alors lorsqu'on est devant une même œuvre à quel point la perception, lorsqu'il s'agit de critères subjectifs, peut être différente.
Une bonne partie de notre financement vient des crédits d'impôt fédéral et provincial, ces crédits d'impôt, qui nous sont donnés environ deux ans après la fin de la production d'un film, sont entretemps financés par des banques. Aucun producteur ne va prendre la chance de se voir retirer son crédit d'impôt à la production deux ans après sa mise en œuvre. Cela aurait des conséquences graves sur l'avenir de la compagnie. Aucune banque ne va prendre le risque financier de s'impliquer dans un projet si elle croit que le sujet peut porter atteindre à l'ordre public.
Je viens de produire un film Borderline de Lyne Charlebois, qui raconte la vie d'une jeune femme, la journée de son anniversaire, à 30 ans, à 20 ans et à 10 ans. À 20 ans, le titre le dit, Borderline, sa seule relation au monde était à travers le sexe et l'alcool. Ce film a reçu des critiques élogieuses au Québec lors de sa sortie et il a réalisé 1,3 millions de dollars au box office. En fait, la première semaine de sa sortie en salle, nous étions numéro 1 de toutes les productions, y compris les blockbusters américains.
Ce film est basé sur deux romans écrits par Marie-Sissi Labrèche. Si les dispositifs de la loi C-10 étaient en vigueur, jamais je n'acquerrais les droits de ces romans pour en faire un film. Borderline ne verrait jamais le jour. Voilà le côté le plus insidieux de ce projet de loi, le côté qui peut s'associer ce qu'on pourrait appeler de la censure, c'est-à-dire ce qu'on ne voit pas, ce qui est au départ d'une idée.
Combien de films alors ne verrait pas le jour parce que les producteurs, les scénaristes et les réalisateurs n'auraient plus la liberté de développer à leur guise des sujets qui les interpellent et qui les touchent?
On peut citer de nombreux films à l'échelle internationale qui n'auraient pas vu jour s'ils avaient été réalisés par des Canadiens sous le projet de loi C-10.
Mentionnons tout simplement Le dernier tango à Paris de Bernardo Bertolucci avec Marlon Brando et Maria Schneider sans parler des Oranges mécaniques de Stanley Kubrick.
En 2004, j'ai coproduit avec la Société EurepaCorp de Luc Besson Les filles du botaniste du cinéaste et romancier chinois Dai Sijie. Ce très beau film qui raconte une histoire d'amour entre deux femmes a été salué par la critique internationale. Il nous a été impossible de tourner ce film en Chine même si Dai Sijie voulait y tourner parce que cette histoire lui a été inspirée par des personnes qu'il connaissait en Chine. Dai Sijie est un romancier et un cinéaste international dont La petite tailleuse chinoise a remporté des prix internationaux.
On a dû tourner le film au Vietnam parce que le comité chinois a refusé le scénario. Je ne peux m'empêcher de voir des liens entre le comité que veut mettre sur pied le ministère du Patrimoine pour juger un film après sa fabrication, s'il est contre l'ordre public et ce comité chinois qui a décidé avant sa fabrication que Les filles du botaniste étaient contre l'ordre public.
L'impact de cette loi, si elle était adoptée, aurait des conséquences catastrophiques sur notre cinéma. La liberté d'expression et la liberté de création n'ont pas de prix. Le projet de loi C-10 met véritablement en danger l'industrie québécoise et canadienne du cinéma. Il n'est absolument pas nécessaire puisque nous avons déjà toutes les dispositions dans le Code criminel pour faire face à des abus.
Le président : Merci beaucoup M. Frappier. Nous allons garder pour plus tard les questions des sénateurs. Madame Robert, vous avez la parole.
[Traduction]
Denise Robert, présidente et productrice, Cinémaginaire : Même dans mes rêves les plus fous, je n'aurais jamais pensé être invitée à témoigner devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Je vous remercie de m'avoir invitée.
Le sénateur Fox : Parfois, le succès tarde à venir.
Le président : Il n'a pas tardé tant que ça dans son cas.
Mme Robert : Laissez-moi me présenter brièvement. Je suis moi aussi productrice, pour ma part depuis 18 ans. J'ai produit plus de 35 longs métrages, tant des productions locales que des coproductions. Certains ont été honorés au Festival international du film de Cannes, au Festival du film de Venise et aux Oscars. J'ai gagné un Oscar pour Les invasions barbares, qui a fait honneur au Canada partout dans le monde. Je compte également parmi les quelques Canadiens — je crois que M. Frappier est également un de ceux-là — à avoir été invités à devenir membres de la prestigieuse Academy of Motion Picture Arts and Sciences des États-Unis, qui compte très peu de membres. Pour y être invité, il faut être reconnu comme une personne qui repousse les limites de l'excellence dans le septième art. Je suis également membre de la British Academy of Film and Television Arts et des César en France.
Je joins ma voix à celle de mes collègues et amis de l'industrie du film ainsi qu'à celle des personnes qui travaillent dans les industries de la télévision, du livre, du théâtre, de la danse et de la musique. Lorsqu'il est question de censure, tous les artistes du pays sont touchés.
Il y a deux éléments de cette loi qui sont préoccupants pour la majorité d'entre nous. D'abord, le fait que les décisions soient prises de façon rétroactive aurait pour effet d'éliminer toutes les possibilités de financement. Les prêts bancaires constituent la plus grande partie du financement que nous recevons.
Je crois que des représentants de banques ont dit devant le comité qu'ils ne financeraient absolument pas quelque chose qui, au bout du compte, ne serait pas reconnu comme une œuvre d'art au sens des lignes directrices du comité.
[Français]
L'effet de laisser des fonctionnaires juger de la moralité d'une œuvre artistique, si on regarde à travers les décennies, je pense que l'art est quelque chose qui a fait évoluer les sociétés. Au Canada, on a le plaisir et le bonheur d'avoir de nombreux artistes qui nous font évoluer comme société. En conséquence on devient une inspiration pour des sociétés dans le monde entier.
Il ne faut pas reproduire ce que l'histoire nous a enseigné. Au XIXe siècle, si on regarde Gustave Flaubert dans Madame Bovary ou Charles Baudelaire dans Les fleurs du mal, ces deux artistes ont été traduits devant les tribunaux sous prétexte que leurs œuvres étaient contraires à l'ordre public, ainsi que Édouard Manet avec Déjeuner sur l'herbe, le tableau où vous avez ces trois hommes bien habillés avec leur chapeau et une femme nue à prendre le déjeuner sur l'herbe. Pourtant ces œuvres sont aujourd'hui des inspirations et des chefs-d'œuvre.
Dans la création, l'outil essentiel est la liberté d'expression.
Si vous me permettez de reprendre une phrase de Hamlet qui dit que « l'art doit être le miroir de la vie. »
Il y a de jolies choses dans la vie et d'autres qui le sont moins, mais il faut être capable de tout regarder. La violence fait partie de notre réalité, et il faut la regarder pour savoir comment composer avec elle. Le comité pourrait décider qu'une scène est contraire à l'ordre public. Est-ce qu'une violence extrême est contraire à l'ordre public? Il est évident qu'on ne veut pas de violence dans notre vie, mais nous devons accepter le fait qu'elle fait partie de notre réalité. Je partage mon inquiétude avec tous mes collègues : laisser des fonctionnaires interpréter ou établir les règles du jeu m'inquiète au plus haut point.
Vous me permettrez quelques anecdotes. Il y a quelques années, un fonds de télévision a été mis sur pied pour financer des oeuvres entièrement canadiennes. Des projets de séries télévisées ont été soumis dont Dans une galaxie près de chez vous. Les personnages de cette série venaient de l'espace. La grande question qui s'est posée alors a été : » mais attendez une minute, est-ce que l'espace est Canadien? » Est-ce que les vaisseaux spatiaux sont Canadiens? Pour donner une authenticité canadienne à cette émission on a dû inclure des feuilles d'érable et des castors. Dans le cas d'une autre émission, Madame Croque-Cerise, la grande question du comité fut de savoir si une cerise était Canadienne.
Je vous raconte ces anecdotes simplement parce qu'elles démontrent que quand on met sur pied un comité composé de personnes, même si elles sont de bonne volonté, c'est leur subjectivité qui prend le dessus et pour cela, il n'y a pas de loi. La subjectivité est personnelle.
Notre Code criminel répond bien aux problèmes de pornographie en général. Les gens qui exercent notre profession n'ont pas l'intention d'aller à l'encontre du Code criminel.
Le président : Merci beaucoup, madame Robert, c'était très intéressant.
[Traduction]
Le sénateur Harb : Jusqu'à présent, chaque témoin du domaine des arts ou de la production cinématographique nous a dit la même chose : ce n'est pas une bonne disposition, car elle réduira la liberté d'expression. C'est de la censure, c'est une violation de nos droits.
Serait-il juste de dire que si, en définitive, le comité et le gouvernement vont de l'avant avec ou sans votre appui, l'industrie contesterait cet élément devant les tribunaux parce qu'il viole les droits et les libertés d'expression? Nous avons le Code criminel, et la décision va plus loin que ce que nous avons en place.
Mme Robert : Je ne peux prévoir ce que l'avenir nous réserve. Personnellement, je m'interroge à ce sujet. Avons-nous des exemples de personnes qui abusent du système et qui font des films qui vont à l'encontre de l'intérêt public? J'en doute.
Habituellement, les lois visent à corriger quelque chose qui ne fonctionne pas bien. Cela semble fonctionner. Le Code criminel est efficace à cet égard.
M. Frappier : Il y a un élément auquel nous ne pensons jamais. Nous travaillons de plus en plus en coproduction. Lorsque nous travaillerons avec des coproducteurs étrangers, il nous sera difficile de savoir si nous pouvons continuer les partenariats, parce que dans deux ans nous ne serons peut-être pas en mesure de remplir nos obligations financières. Sur le plan international, le Canada sera vu comme un pays qui fait un pas en arrière comparé à ce qui se passe actuellement du côté de la liberté de production et d'expression ailleurs dans le monde.
En réponse à votre première question, la censure est très diluée. Pendant de nombreuses années en Espagne, sous le régime de Franco, le cinéma a montré que les cinéastes ne pouvaient pas s'exprimer. Les cinéastes doivent faire preuve de beaucoup de courage pour s'exprimer quand il y a en place un comité qui étudie les films dans le but de décider s'ils vont à l'encontre de l'intérêt public.
[Français]
Je ne vois pas pourquoi le Canada a besoin de cette clause. À l'heure actuelle, tout fonctionne très bien. Il existe des lois et des obligations encadrant les sociétés d'investissement tant au provincial qu'au fédéral. S'il y avait eu quelque chose, un scandale! Je ne comprends absolument pas pourquoi tout d'un coup on est obligé de mettre sur pied un comité qui regardera les films deux après leur conception pour déterminer si on peut leur accorder ou non un crédit d'impôt. Que fera ce comité avec les productions étrangères, les productions américaines, par exemple, qui viennent tourner ici, qui reçoivent des crédits d'impôt avec les maisons de services et qui s'en retournent chez eux par après, une fois le tournage terminé? Ils ne seront pas assujettis à ce comité. Il y aura donc deux poids deux mesures. Cela veut dire que les productions étrangères seront même avantagées par rapport à nous au plan de la liberté de production et de création. Je ne sens absolument pas le besoin de ce projet de loi. Le Canada est un pays libre qui fonctionne très bien.
Le cinéma est même un fer de lance pour un pays. Le cinéma voyage très bien. Récemment, le film canadien Blindness a fait l'ouverture du Festival de Cannes alors que le film d'Atom Egoyan était en compétition. Ces cinéastes se confrontent à ceux du monde entier lors de la compétition de Cannes. Ces cinéastes ont besoin de cette liberté d'expression. Souvent, le cinéaste, comme n'importe quel autre créateur, repoussera plus loin les limites de la création.
Il y a 50 ans, les gens s'embrassaient à peine au grand écran. Depuis, la société a évolué. Des œuvres cinématographiques ont fait évoluer la société parce que des artistes ont eu le courage d'en repousser ses limites. Le cinéma d'aujourd'hui est rendu beaucoup plus loin, mais comparativement à d'autres pays, on a encore du chemin à faire. La liberté est essentielle à la création d'une œuvre.
[Traduction]
Le sénateur Harb : Connaissez-vous une démocratie qui dispose d'un système de crédits d'impôt semblable à celui du Canada et qui émet le même genre de restrictions pour accorder des crédits?
Mme Robert : La France a un programme de crédits d'impôt et elle suit le Code criminel.
Le sénateur Harb : Est-ce semblable?
Mme Robert : C'est le même code qu'ici, c'est-à-dire qu'il s'applique à la pornographie, à la pornographie juvénile, et cetera.
Le sénateur Harb : À tous ces cas...
Mme Robert : Aucun comité ne jugera si un film va à l'encontre de l'intérêt public ou s'y conforme. En fait, un tel jugement ne serait pas acceptable en Europe, où la liberté d'expression est l'un des outils les plus précieux mis à la disposition des artistes.
Le sénateur Harb : Il y a quelques années, quelqu'un a dit dans un magazine que le Canada était branché et avant- gardiste, mais je ne me souviens plus du nom du magazine. Êtes-vous d'avis que si nous allons de l'avant avec cette disposition, que beaucoup d'entre vous avez qualifiée de discriminatoire, nous passerons pour les méchants sur la scène internationale?
Mme Robert : C'est déjà le cas. J'étais à Cannes récemment et j'ai lu dans la presse spécialisée des États-Unis que le Canada imitait la Chine. On est vu comme un pays qui fait un retour en arrière. C'est inacceptable et on s'interroge à ce sujet. Je suis certaine que certains d'entre vous ont lu des commentaires dans la presse spécialisée. Les gens se demandent ce qui va se passer et se disent que ça ne peut pas être vrai.
Le président : J'aimerais préciser que nous avons entendu hier que le Québec avait une disposition, même s'il fait partie du Canada, je crois bien.
Le sénateur Harb : Est-ce que ce serait un facteur de dissuasion, en quelque sorte, pour les maisons de production comme la vôtre? Si c'était une loi, cela vous pousserait-il à vous établir aux États-Unis ou ailleurs afin de ne plus être assujettie à cette règle?
Mme Robert : C'est une très bonne question, mais les artistes se nourrissent de la société qui les entoure.
[Français]
La société autour de nous, c'est ce qui nous inspire et nous n'avons aucunement l'intention de la quitter. Nous aimons être ici, nous sommes très reconnaissants de l'appui que le gouvernement actuel donne à notre industrie. On y tient. On veut continuer à exercer notre métier ici. Nous en sommes fiers. Nous allons continuer à exprimer notre opinion à cause de cette liberté de pouvoir exprimer ce qu'on ressent et ce qu'on pense.
Vous êtes des gens intelligents et sensibles et je pense que vous allez comprendre que c'est important pour nous. Vous êtes ici pour nous représenter et vous représentez les artistes également. Vous avez cette sensibilité à le comprendre. L'intention était bonne, mais je pense que la conséquence n'est pas bonne. Vous allez quand même pouvoir reconnaître cela et nous permettre d'exercer notre métier ici parce que ce serait un drame épouvantable si les plus grands créateurs d'ici étaient obligés de quitter le pays pour exercer leur métier auquel ils tiennent beaucoup.
M. Frappier : Il pourrait aussi y avoir des situations extrêmement cocasses. Par exemple, le dernier film que j'ai produit, Borderline, est basé sur deux livres. En admettant que ce comité existe et qu'on me refuse les crédits d'impôt deux ans après, jusqu'où cela pourrait s'étendre puisqu'il y a également des crédits d'impôt et de l'argent du gouvernement qui sert à la publication des livres? C'est-à-dire qu'on ne pourrait pas voir ce qu'on écrit ou est-ce qu'on mettrait un nouveau comité sur pied pour lire tous les livres et enlever les subventions à ce qu'on écrit? La chaîne continuerait comme ça.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : J'écoute depuis un certain temps déjà l'industrie cinématographique parler de la liberté d'expression. Est-ce que l'état actuel de l'industrie cinématographique et de l'industrie de la télévision au Canada a atteint un niveau où aucune émission de télévision ou aucun film n'est produit sans subvention de l'État?
Mme Robert : C'est une réalité partout dans le monde, à l'exception des États-Unis. Chaque pays — l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la France, l'Italie, partout — accorde des subventions gouvernementales sous différentes formes. Les crédits d'impôt sont populaires. Le Royaume-Uni se sert des loteries pour financer les productions.
Essentiellement, l'industrie du divertissement est régie et dirigée par les Américains. Ils font du bon travail, ils produisent de bons films. Toutefois, je crois que chaque pays a décidé que, pour connaître sa propre identité, il est important que nos formes d'art expriment notre identité, que nos enfants voient qui nous sommes par le biais des films, de la télévision, des journaux et des livres. Il en va de même en France et dans tous les autres pays.
Nos productions doivent concurrencer celles des Américains. Que vous soyez en France, au Québec ou à Vancouver, vous faites concurrence aux films américains ou aux livres américains ou aux émissions de télévision américaines; vous concurrencez les meilleurs au monde.
C'est acceptable et sain, mais il s'est avéré nécessaire d'obtenir du financement public parce que le territoire de vente est limité. Les États-Unis comptent plus de 200 millions de personnes. Sur le plan commercial, leurs productions sont donc viables; dans la plupart des pays, cependant, les productions ne sont pas viables. Alors, il faut des fonds pour vous aider. Certains films ou certaines séries télévisées deviennent viables et se vendent partout dans le monde, mais l'industrie a encore besoin de l'aide du gouvernement.
M. Frappier : Si je peux ajouter une chose, cela arrive même aux États-Unis. Dans beaucoup d'endroits aujourd'hui, comme au Michigan et à La Nouvelle-Orléans, on accorde des crédits d'impôt avantageux pour empêcher les productions de venir au Canada. C'est pourquoi en ce moment nous sommes placés devant un véritable problème avec les productions américaines. À Montréal, les studios sont vides; c'est la même chose à Toronto. Les Américains comprennent maintenant le problème et, dans beaucoup d'États, le crédit d'impôt accordé par le gouvernement est plus élevé que ce qui est accordé ici au Canada.
Le sénateur Tkachuk : C'est la guerre des contribuables.
Mme Robert : L'industrie des arts, sénateur, n'est pas la seule qui obtient un financement du gouvernement.
Le sénateur Tkachuk : Hier, M. Gross a mentionné que l'Inde ne subventionne pas ses films.
Mme Robert : Il y a de l'argent pour la production de films en Inde, à Bollywood, mais d'après les rumeurs que j'entends, et je ne peux pas confirmer si elles sont vraies ou non, c'est que l'argent provient de sources privées différentes. L'Inde est très peuplée et les films sont tournés pour la population. C'est une tout autre histoire.
Cependant, les arts ne sont pas les seuls à être financés par le gouvernement. Des entreprises de l'industrie aéronautique et autres sont financées; la plupart des industries sont financées. Pourquoi? Parce que nous faisons concurrence aux nations les plus puissantes au monde et que nous essayons de survivre et de créer nos propres industries, desquelles nous pouvons être fiers.
Le sénateur Tkachuk : Bon nombre d'entreprises au Canada ne sont pas subventionnées par les contribuables; la grande majorité des entreprises ne sont pas financées par les contribuables.
Pour faire suite à la question des arts et de la population civile, du besoin de connaître les histoires et de savoir qui prend les décisions, actuellement, certaines provinces ont des dispositions d'intérêt public semblables, donc, évidemment, elles prennent des décisions sur les films qui sont présentés. Lorsque les investisseurs décident d'investir de l'argent, ils prennent des décisions au sujet des films qui sont montrés, et ils se basent sur des critères pour savoir quel genre de film générera des profits. Pour l'instant, selon ce que dit presque toute l'industrie, les banques prennent les décisions. Quand vous allez à la banque, c'est elle qui décide ce qui est dans l'intérêt public. Ce film générera-t-il des profits? Répondra-t-il aux critères pour obtenir un crédit d'impôt?
C'est une poignée de bureaucrates, ou peut-être un ministre responsable devant la population, qui peut dire que ce film n'est pas dans l'intérêt public. À mon sens, comme la loi existe, il arrive qu'en de rares occasions, quand il y en a, on doive en tirer avantage, alors que maintenant, ce sont les banques qui prennent cette décision. Quelqu'un décide de ce qui est dans l'intérêt public, et c'est toujours comme ça, y compris vous-même.
Mme Robert : La banque n'a jamais demandé de voir le scénario de l'un ou l'autre des films que je produis.
Le sénateur Tkachuk : Parce qu'il y avait le crédit d'impôt comme garantie.
Mme Robert : Pas nécessairement; cela s'explique surtout par les lignes directrices de Téléfilm Canada et de tous les organismes gouvernementaux où on lit le scénario et où l'on connaît bien le Code criminel, et on le sait quand quelque chose va à l'encontre du Code criminel.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce que les gens de Téléfilm Canada se prononcent sur la question de l'intérêt public?
Mme Robert : Ils rendent une décision sur le contenu. Ils lisent un synopsis. S'ils ont l'impression qu'il y a de la pornographie juvénile, le scénario sera rejeté.
Le sénateur Tkachuk : Téléfilm est un organisme gouvernemental.
Mme Robert : Oui, c'est un organisme gouvernemental; mais ce sont des spécialistes qui ont la possibilité d'accepter ou de rejeter un film. Si le scénario est mauvais, il sera rejeté. Si le scénario traite d'un sujet gratuit et inacceptable, comme la pornographie juvénile, il sera rejeté.
Le sénateur Tkachuk : Ils ont, eux aussi, un critère lié à l'intérêt public.
Mme Robert : Ils ont le Code criminel.
[Français]
M. Frappier : Si on savait d'avance exactement le film qui serait un grand succès et qui pourrait fonctionner, c'est certain qu'on ferait uniquement ce film. Je suis d'accord avec vous, il y a beaucoup trop d'intervenants dans le processus de création cinématographique au Canada. Ce qui fait en ce moment qu'on n'a pas atteint le même niveau international que beaucoup d'autres pays, c'est justement parce qu'à tous les niveaux, il y a l'intervention soit de Téléfilm Canada, soit des télévisions et des investisseurs qui veulent tous voir leur partie de l'histoire dans le film.
Je pense que plus on va avoir de la liberté de création, plus le cinéma canadien sera capable de s'épanouir et d'avoir une réputation internationale.
Il faut dire aussi que le Canada et le Québec, présentement, ont de grands créateurs cinématographiques. On est dans une période où, sur le plan cinématographique, étant donné les écoles à Toronto, à Vancouver et à Montréal, il y a énormément de talents au niveau de l'écriture, de la réalisation et des services techniques. Le professionnalisme et le talent de notre cinématographie sont maintenant reconnus. Alors pourquoi y mettre un frein?
Permettez-moi de dire que le cinéma est peut-être l'activité commerciale la plus rentable sur le plan de l'investissement. Pour un dollar investi dans le cinéma, les économistes ont tous fait des études pour dire qu'il y en avait 4,5 qui revenaient à la société. Lorsque je produis un film de sept millions de dollars à Montréal, je crée à peu près 300 emplois et le sept millions est complètement dépensé dans la société montréalaise. On va louer des voitures, des camions, on va acheter des vêtements, on va mettre des gens dans des hôtels, on va aller dans les cours à bois se procurer du bois pour faire des décors, on va payer à la ville des rues. C'est économiquement ce qu'il y a de plus rentable pour un investissement de la part du gouvernement.
[Traduction]
Mme Robert : J'ai une petite anecdote. J'étais à bord d'un avion à destination de l'Europe à l'époque des Invasions barbares, quand nous faisions le tour du monde, récoltant les honneurs partout. Un homme d'affaires est venu vers moi et m'a dit : « Félicitations. Vous avez réussi en un an à faire en sorte que partout dans le monde on parle du Canada. Je suis chez Bombardier, et ça fait 12 ans que nous travaillons en vue d'obtenir une certaine reconnaissance. Vous avez fait cela en un an. »
Nous sommes tous fiers des films qui sont projetés à l'étranger et qui nous apportent les honneurs. C'est un genre de publicité qu'on ne pourrait pas se payer, même en rêve.
Le sénateur Tkachuk : Qu'on me comprenne bien. Personne ici ne veut nuire à l'industrie cinématographique.
L'une des questions qui m'a beaucoup marqué au cours des présentes audiences, c'est celle du financement. Nous cherchons une façon de défendre l'intérêt public, ce qui est notre responsabilité, tout en laissant aux artistes la liberté de faire leurs films et de satisfaire aux exigences de la banque. Le Code criminel est peut être le seul moyen dont nous disposons à cet égard.
On s'étonne de constater que cette ligne directrice existe depuis longtemps. L'idée qu'elle puisse devenir une loi circule depuis 2002. Cela fait sept ans maintenant. Jusqu'à aujourd'hui, cela n'avait pas provoqué beaucoup de remous.
En fait, le projet de loi C-33, qui renfermait la même disposition, a été adopté à l'unanimité, je crois, par la Chambre des communes. La Chambre a été prorogée et le texte a été déposé de nouveau sous la forme du projet de loi C-10. Pendant toutes ces années, personne au sein de votre industrie n'a sonné l'alarme à propos de cette disposition et indiqué qu'elle posait problème.
Or, cette disposition a été adoptée de nouveau. Nous voici donc ici, au Sénat, de même qu'à la Chambre des communes — où siègent les élus — à adopter deux fois cette disposition à l'unanimité. Tous les partis politiques l'ont adoptée deux fois. On peut plaider l'ignorance une fois, mais il est difficile de le faire deux fois. Voilà pourquoi nous avons décidé de prendre notre temps pour y jeter un coup d'œil.
Vous comprendrez le dilemme que nous avons et comment toute cette situation a évolué. Je ne voudrais qu'on se méprenne de quelque façon que ce soit et qu'on ait l'impression que nous ne sommes pas intéressés par l'industrie du cinéma. Nous trouvons simplement que toute cette situation est plutôt bizarre.
Mme Robert : C'est la première fois qu'on m'invite à venir parler de ce sujet. Pourquoi n'avons-nous pas été invités en 2002, quand la question était à l'étude?
Le sénateur Tkachuk : L'industrie ne nous a jamais envoyé de lettre ou quoi que ce soit jusqu'à tout récemment.
Mme Robert : Nous y voilà. Ce n'est pas de votre faute. C'est un document de 560 pages dans lequel on peut lire, par exemple :
[Français]
La Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, notamment en ce qui concerne les entités de placements étrangères et les fiducies non-résidentes ainsi que l'expression bijuridique de certaines dispositions de cette loi, et des lois connexes.
[Traduction]
Désolée. Je ne suis qu'une « blonde ». Je n'aurais pas pu lire cela.
Le sénateur Tkachuk : Je comprends, madame Robert. Nous partageons tous le même sentiment.
Au sein de l'industrie, madame Robert, vous avez des associations dont la seule tâche consiste à veiller sur vos intérêts.
Mme Robert : En effet.
Le sénateur Tkachuk : Si je recevais un projet de loi, que je le lisais et que je voyais les mots « crédits d'impôt, films », j'irais aussitôt cogner à leur porte.
M. Frappier : C'est la première fois qu'un comité est mis sur pied pour essayer de définir ce qui se situe entre le Code criminel et les règles de Téléfilm Canada, ce qui a cours dans notre société. C'est la première fois. Voilà pourquoi nous sommes ici. Nous ne sommes pas les seuls.
Le sénateur Tkachuk : Je crois avoir exprimé mon point de vue, monsieur le président.
Le président : Vous le faites toujours.
Mme Robert : Vous ne pourriez mieux dire, monsieur le sénateur. En même temps, c'est la raison pour laquelle j'ai bon espoir que vous ferez ce qu'il faut faire. Nous comptons réellement sur vous tous pour appuyer notre industrie et défendre la liberté dont nous jouissons depuis tant d'années. Vous nous avez confié cette responsabilité et nous ne vous décevrons jamais.
M. Frappier : Nous avons demandé au ministre si le crédit d'impôt fédéral pouvait être calculé de la même façon que le Québec établit son crédit d'impôt. Si tel était le cas, sans rien changer, d'est en ouest, de la Nouvelle-Écosse à Vancouver, nous pourrions avoir demain 12 millions de dollars de plus à investir en production cinématographique.
Toutes les études montrent qu'un dollar investi dans l'industrie ne coûte que 20 cents au gouvernement fédéral. Rien n'a été fait en cinéma depuis que le présent gouvernement a pris le pouvoir; pas un sou n'a été ajouté.
La seule chose, c'est cette règle imminente. Il y aura un comité qui jugera nos films. Nous avons fait de nombreuses interventions concernant notre secteur d'activité. Comme vous êtes davantage versés en économie que je ne le suis, peut-être pourriez-vous jeter un coup d'œil sur cette question. J'ai entendu dire que le simple fait de changer la méthode de calcul du crédit d'impôt, pour l'appliquer de la même façon que le Québec applique son propre crédit d'impôt, permettrait d'injecter demain 12 millions de dollars de plus dans notre industrie cinématographique.
Le sénateur Moore : Madame Robert, quand on lit le titre de la loi, on n'y voit nullement mention de crédits d'impôt à l'égard de l'industrie cinématographique, ni de lignes directrices en voie d'être établies.
Honnêtement, monsieur le sénateur Tkachuk, comment peut-on savoir?
Le sénateur Tkachuk : C'est un projet de loi concernant l'impôt.
Le sénateur Moore : On n'y fait aucunement mention de l'industrie du film, ni de lignes directrices. Je ne crois pas que votre observation soit juste.
Le président : J'aimerais exprimer mon propre point de vue. Vous indiquez à quel point les studios à Montréal et ailleurs sont à peu près vides. Certaines témoins ont laissé entendre qu'il y avait à cela d'autres raisons que le présent projet de loi. Par exemple, je me suis laissé dire que le niveau du dollar canadien a fait fuir beaucoup de cinéastes. Est- ce vrai?
Mme Robert : C'est vrai. C'est un calcul économique. À cause de la dévaluation du dollar américain, il n'est guère intéressant pour eux de venir à Montréal, à Vancouver ou ailleurs. Essentiellement, je pense que c'est cela. De nombreux États ont accordé un crédit d'impôt élevé et substantiel pour garder la production cinématographique chez eux. C'est catastrophique.
En ce moment même, je me prépare en vue du tournage d'un film qui doit avoir lieu cet été. Je suis au studio Mel's de la Cité du Cinéma. D'habitude, les studios sont remplis et il est difficile de trouver un espace de stationnement. Aujourd'hui, c'est vide.
Le président : J'ai un neveu qui est producteur de films à Hollywood. Nous l'apercevions tous les mois à l'hôtel Le St-James, en train de tourner un film après l'autre à Montréal.
[Français]
Ils sont disparus. J'ai demandé pourquoi. Ce n'est pas la valeur du dollar ou les crédits d'impôt ou quelque chose du genre.
[Traduction]
Mme Robert : La situation est dramatique. Elle est encore pire parce que notre pouvoir d'achat diminue en raison de la valeur de l'euro et nous tentons de réaliser des coproductions. Il y a beaucoup à faire pour mettre à jour les règles et règlements de la coproduction afin de nous moderniser et de soutenir la concurrence. Maintenant, nous sommes aussi en train de perdre cette lutte. C'est un vrai désastre.
Le président : C'est une période difficile.
Mme Robert : En effet.
Le sénateur Banks : J'aimerais que vous répondiez à la question suivante, s'il vous plaît. Vous et bon nombre de vos collègues de l'industrie qui vous ont précédés avez utilisé le terme « censure », mais ce n'est pas de censure dont il est question. Rien dans ce projet de loi ne vous interdit de faire un film. Vous pourriez le produire si vous trouviez des fonds ailleurs. Quel est le problème?
M. Frappier : Le problème est simple. Si je ne crois pas pouvoir obtenir le crédit d'impôt d'ici deux ans, je ne peux produire le film; à mon avis, c'est de la censure. C'est aussi simple que cela. Pour produire un film, nous avons besoin de la télévision, de la distribution, de l'argent de la production, d'un crédit d'impôt, de Téléfilm Canada et des organismes provinciaux. Sans tous ces éléments réunis, il nous est impossible de produire un film.
Les thèmes abordés n'ont pas à tourner uniquement autour du sexe. Il peut être question du monde de la politique, par exemple. Supposons que je souhaite produire un film sur la crise d'octobre, et que le comité juge que l'idée va à l'encontre de l'ordre public. Il peut étudier mon projet et décider de retirer mon crédit d'impôt deux ans plus tard en raison de certains éléments du film. Je ne prendrai pas ce risque. Si cela se produit, ce sera la fin de mon entreprise.
C'est une situation difficile pour les producteurs. Il y a des gens qui travaillent pour moi depuis plus de 15 ans. Nous investissons énormément dans le développement pour trouver du nouveau matériel, l'élaborer, mettre le tout par écrit et ensuite, pour financer et produire le film. C'est un processus qui se déroule sur une période de deux à trois ans. Le film que je suis en train de produire s'échelonne sur une période de six ans. Nous consacrons beaucoup de temps et d'argent à un film. Compte tenu de toutes les années investies, si je crains qu'un comité quelconque décide de retirer le crédit d'impôt une fois le film achevé, il m'est impensable d'entreprendre le projet. Je ne suis pas le seul à en tenir compte; le scénariste lui aussi renoncera à écrire son scénario s'il craint que le comité ne donne pas son appui au projet.
C'est une façon de faire très répandue en Espagne et dans d'autres pays où la liberté d'expression n'a pas sa place. Pendant de nombreuses années, en Russie, seuls les films approuvés par l'État pouvaient être produits. Les autres cinéastes ne pouvaient rien faire. Aujourd'hui, un grand nombre de cinéastes russes sont en train de faire leur marque. C'est la même chose en Chine, où de plus en plus de cinéastes repoussent les limites de la censure pour pouvoir s'exprimer librement.
C'est un concept qui évolue, car il a un caractère très subjectif. La décision d'accepter ou de refuser revient à un comité. Ce n'est vraiment pas objectif.
Le sénateur Banks : Le comité prendrait une décision sur un montant d'argent précis. Vous avez parlé d'un film de 7 millions de dollars. Je suppose que vous auriez droit à un crédit d'impôt se situant entre 1 et 1,5 million de dollars. Si un promoteur mène toute autre activité ou un projet de 7 millions de dollars, quel qu'il soit, et s'aperçoit qu'il pourrait ne pas toucher de financement d'une certaine source, il ira chercher le montant de 1 ou 1,5 million de dollars auprès d'une autre source.
M. Frappier : Le montant de 1,5 million de dollars correspond au crédit d'impôt, mais à cela s'ajoutent le financement de Téléfilm et tout le reste. C'est un montant plus élevé dont il est question.
Mme Robert : Monsieur le sénateur, s'il était possible d'obtenir des fonds d'autres sources, nous nous empresserions de frapper à leur porte. J'irais dès la fin de cette séance.
Lorsque Denys Arcand a été honoré à Hollywood pour son film Le déclin de l'empire américain, Steven Spielberg lui a dit : » Vous avez beaucoup de chance. » « Que voulez-vous dire? », a demandé Denys. M. Spielberg a répondu : » Vous faites des films. » « Et que faites-vous? », a demandé Denys Arcand. Il a dit : » Nous faisons de l'argent, pas des films. »
Ce commentaire m'apparaît très révélateur. Nous faisons des films. C'est une forme d'art. Nous exprimons ce que nous sommes par les films. Nous ne produisons pas de longs métrages comme Indiana Jones avec un budget de 200 millions de dollars en effets spéciaux. C'est la façon de faire des Américains. Nous nous exprimons par nos histoires et ainsi de suite, nous montrons qui nous sommes vraiment, et c'est ce qu'on appelle la cinématographie. La cinématographie est un art.
Pensez aux symphonies et aux orchestres partout au pays qui traversent une période difficile. Pourquoi? La musique classique est importante dans notre vie. Elle nourrit notre esprit et véhicule une certaine qualité. Toute forme d'art, que ce soit le théâtre ou la musique, a besoin de financement.
Vous avez raison lorsque vous parlez de censure. Dès qu'il est question qu'un comité détermine les critères, les décisions qui en découlent ne peuvent qu'être subjectives. Ce que je considère choquant pourrait ne pas l'être à vos yeux ou à ceux de M. Frappier. C'est une question de jugement personnel, ce qui est inacceptable, à mon avis, lorsque vient le temps de décider du sort d'un projet artistique. Le Code criminel doit être pris en considération dans une décision, mais autrement, c'est inacceptable de laisser les sentiments personnels entrer en ligne de compte.
Le sénateur Banks : Le sénateur Tkachuk a fait référence à de nombreuses entreprises canadiennes qui ne reçoivent pas de subventions et je présume que bon nombre de personnes travaillent pour vous sans recevoir de subventions directes du gouvernement — des menuisiers, des constructeurs de décors, des peintres. Ils ne reçoivent aucune subvention directe du gouvernement, mais ils ne travailleraient pas si vous ne pouviez produire des films, n'est-ce pas? Ils se retrouveraient tous sans emploi.
Mme Robert : Nous créons les emplois.
Le sénateur Banks : Je voudrais bien que le sénateur Tkachuk donne l'exemple d'un secteur industriel, par opposition aux entreprises canadiennes qui ne reçoivent pas de subventions du gouvernement. Je ne crois pas qu'il y en ait un seul.
[Français]
Le sénateur Dawson : Je serai bref. Mme Robert et M. Frappier ont bien fait leurs commentaires. Mme Robert a dit que dans certains milieux, vous avez vu que le Canada était comparé à la Chine pour la censure. Pouvez-vous nous donner la référence?
Mme Robert : Je ne l'ai pas avec moi, je l'ai lu dans les « trade » américains. Cela a fait le tour de tous les journaux liés à notre industrie, tout le monde regardait effectivement cette notion du projet de loi C-10 et de sa connotation par rapport à la censure au Canada.
Le sénateur Dawson : De temps en temps, on dit que le gouvernement du Québec a des critères pour ses crédits d'impôt. Avez-vous eu des cas depuis l'établissement de cette loi il y a 17 ou 18 ans où il y a eu quelques tentatives que ce soit de censure de la part du gouvernement Québec?
Mme Robert : Jamais, il n'y a pas eu de comité mis sur pied pour juger de l'intérêt public ou pas.
[Traduction]
Le sénateur Dawson : Sénateur Tkachuk, en raison des travaux effectués par le comité en décembre dernier, votre ministre a admis ici même que le projet de loi était mal formulé et qu'ils avaient une lettre d'entente avec l'industrie indiquant que vous étiez compétents parce que vous aviez relevé des lacunes dans ce projet de loi. Même s'il a été soumis à la Chambre deux ou trois fois, on ne corrige pas une erreur par une autre. Le comité a redressé un tort. On nous a dit hier que le Groupe Desjardins pourrait être victime d'une grande injustice parce que l'une des clauses du projet de loi penche du côté des banques et ne tient pas compte du fait qu'il y a une organisation au Québec nommée Desjardins qui peut être compromise en raison d'une clause mal formulée. C'est là notre rôle. Nous servons de Chambre de second examen objectif. Je suis à l'aise avec cette idée. Si le projet de loi avait été mal formulé il y a dix ans, du temps des libéraux, et adopté devant le Parlement dans le contexte d'un gouvernement libéral majoritaire, et que le comité en arrive aujourd'hui à la conclusion qu'il y a lieu de l'améliorer, nous devrions être fiers du fait que c'est là notre mandat.
Le sénateur Tkachuk : Je suis à l'aise avec l'idée.
Le président : Peut-être devriez-vous faire un film à propos de cela.
Le sénateur Dawson : Pas avec notre version du scénario.
[Français]
Le sénateur Fox : Merci d'être parmi nous et de nous faire profiter de votre grande expérience fondée sur des succès extraordinaires et pour lesquels tout le monde est très fier sur la scène canadienne et mondiale.
Je reviens aux questions du sénateur Tkachuk. J'ai l'impression qu'on a essayé de culpabiliser l'industrie pour ne pas avoir vu ce qu'il y avait dans ce projet de loi alors qu'on sait pertinemment qu'aucun des partis de l'opposition en Chambre n'a été éveillé à ce sujet. C'est peut-être parce que le ministère des Finances ne l'a jamais mentionné dans son discours à l'étape de la deuxième lecture ou que la ministre responsable du secteur n'a jamais parlé de cela dans son discours en Chambre. Cela aurait eu pour effet d'alerter le milieu.
C'est la première fois qu'il y a des audiences publiques à ce sujet. C'est à bon escient que vous venez devant ce comité pour faire connaître votre point de vue. Il n'y a jamais eu d'autres occasions d'audiences publiques où vous auriez pu le faire.
Ce projet de loi pour moi comporte trois facettes extrêmement importantes dont la liberté d'expression, et mon collègue le sénateur Harb l'a soulevée en partie ce matin. Il faut noter que l'Association des droits civils du Canada est venue témoigner et nous a fait part de leurs craintes et préoccupations selon lesquelles il y a atteinte à certains éléments de la liberté d'expression de la Charte canadienne. On a beaucoup parlé du Code criminel.
Toutefois, il y a la Charte canadienne des droits et libertés qui protège la liberté d'expression. Le professeur Pierre Trudel de l'Université de Montréal a écrit dans Le Devoir pour soulever les mêmes craintes. Il y a des craintes légitimes au sujet de la liberté d'expression. Je ne vous demande pas votre opinion à ce sujet car vous n'êtes pas des experts de la Charte quoique vous êtes les bienvenus pour faire des commentaires là-dessus.
Mais j'arrive à la question de l'économie. On parle d'une industrie de 5 milliards de dollars au Canada, de 126 000 emplois, au Québec de 1,2 milliards de dollars du point de vue économique et de 25 000 à 30 000 emplois.
On doit prendre la situation économique telle qu'elle existe. Le dollar canadien est élevé. On a ce projet de loi qui doit être pris dans un contexte mondial. Vous avez mentionné de nouveaux crédits d'impôt aux États-Unis. Mentionnons les 40 p. 100 offert dans l'État du Michigan, mentionnons le fait que des gens moins enracinés au Canada voudraient s'établir à Plattsburgh, pour avoir la nationalité américaine pour leur entreprise afin de produire des films pour le Canada.
Effectivement, si on prend la situation actuelle du dollar canadien élevé et si vous conjuguez à cela la situation à l'extérieur du Canada, au Michigan, et cetera, plus l'effet de ce projet de loi sur le dollar canadien, quel effet auriez- vous sur l'industrie du cinéma au Canada?
Mme Robert : Seriez-vous ouverts à accueillir un autre sénateur dans vos rangs.
Le sénateur Fox : Est-ce que vous voulez répondre? Avez-vous un commentaire?
Mme Robert : On ferme nos portes.
Le sénateur Fox : Vous voyez, on a une réponse, monsieur le président. Ils ferment leur porte en raison du projet de loi mis de l'avant par votre gouvernement.
Ce matin on a parlé beaucoup de balises du Code criminel. Mais soyons clairs et honnêtes, lorsque la ministre a comparu à notre comité, elle a dit non, le Code criminel ce n'est pas une balise suffisante, non la pornographie ce n'est pas une balise suffisante. Les Canadiens ont le droit de voir à ce que leur gouvernement ne finance pas des films même s'ils ne vont pas à l'encontre du Code criminel, même s'ils ne sont pas pornographiques, d'où la discrétion qu'elle s'accorde. La balise n'est pas le Code criminel dans l'intention du gouvernement.
C'est la position du gouvernement, je veux votre opinion sur la position du gouvernement, pas sur celle de certains sénateurs qui sont beaucoup plus libéraux que ce que leur ministre est venue dire en comité.
M. Frappier : Permettez-moi de répondre. J'arrive du festival de Cannes où j'ai vu la presque totalité des films en compétition. J'ai discuté longuement avec Gilles Jacob, le président du festival de Cannes et son programmateur. Les deux parlaient de la compétition et pourquoi il n'y avait pas de film québécois en compétition cette année. Ils mentionnaient le fait qu'ils étaient davantage à la recherche de sujets : ce qui est très important maintenant sur la planète, ce sont les sujets très forts.
Deux films italiens étaient en compétition et ils ont remporté le prix spécial du jury et le prix du jury. Le premier, Il Divo de Paolo Sorrentino, est un film sur les liens de Giulio Andreotti avec la mafia italienne et avec tous les journalistes qui ont essayé d'écrire là-dessus et qui sont morts, avec le juge Falcone qui avait présidé avec la mafia, il a pris beaucoup de risques, il avait une grande liberté et il a été financé par des financiers italiens. Ce film serait-il possible au Canada si on arrivait à dire : on va prendre une histoire politique canadienne —je n'en mentionnerai aucune — mais dans les journaux des deux ou trois dernières années, il y a beaucoup d'histoires à puiser pour en faire un film.
Quelle serait l'attitude de la ministre du Patrimoine avec son comité si elle regarde un film deux ans après et dirait : cela touche mon gouvernement ou d'ex-membres de mon gouvernement, alors je retire les crédits. Vous voyez la censure, elle peut aller très loin et ce n'est pas dans les prérogatives du Code criminel.
Les deux films italiens ont été soulignés partout dans la presse internationale comme étant le renouveau du cinéma italien et tout d'un coup, malgré que les films écorchent des politiciens italiens, un respect a été donné par rapport à cette cinématographie et à des possibilités de faire d'autres films.
Le sénateur Fox : J'ai le rapport économique sur la production cinématographique et télévisuelle au Canada. On nous donne plusieurs statistiques sur les productions cinématographiques officielles. L'an dernier, il y a eu un volume global d'environ 300 millions de dollars en coproductions officielles.
Pensez-vous, si le projet de loi va de l'avant, si cela va affecter les coproductions officielles? Si vous êtes approché par un coproducteur étranger, est-ce que la question des crédits d'impôt est importante?
Mme Robert : Très importante, elle est notre façon de répondre et de devenir un partenaire viable dans la coproduction. Si l'exigence est que le film doit être soumis à un comité et risque d'être refusé pour des raisons X, Y ou Z que l'on ne peut pas identifier à l'avance, il est évident que l'on va s'éliminer comme partenaire coproducteur. Quand tu montes un film, le risque est déjà énorme. Le montant d'argent impliqué est énorme. On parle de millions de dollars et en conséquence, on ne sera plus un partenaire de la coproduction. Donc les 350 millions de dollars investis dans ces productions, les partenaires étrangers iraient ailleurs pour chercher des partenaires autres que nous, et en conséquence, il y aurait des pertes énormes d'emploi dans le milieu.
Le sénateur Goldstein : J'ai deux questions, la première est la suivante : l'opinion que vous venez d'exprimer, qui fait écho à celle des autres témoins entendus jusqu'à présent sur la question est elle partagée par tous dans l'industrie ou y a-t-il des personnes qui considèrent que cette partie de ce projet de loi ne serait pas nuisible à l'industrie? Est-ce que l'opinion est unanime?
Mme Robert : Les artistes et artisans avec qui on travaille ont exprimé leur inquiétude profonde face à ce projet de loi, et ils sont totalement contre. Je pense que c'est unanime.
M. Frappier : Sur le film que je tourne en ce moment, même les techniciens sont venus me voir en disant que ça n'a aucun sens. Je ne peux pas témoigner pour d'autres mais tous ceux à qui je parle depuis que c'est rendu public, ils expriment la même voix.
Le sénateur Goldstein : Est-ce que vous avez entendu des voix dissidentes?
Mme Robert : J'en ai vu dans les journaux dans l'Ouest, surtout des religieux, qui disaient enfin une loi qui va nous empêcher de voir des homosexuels à l'écran. J'ai été sidéré quand j'ai vu cela dans le journal.
Le sénateur Goldstein : Est-ce que le fait de lier la discrétion du ministre pour ce qui est de l'octroi de crédits d'impôt au Code criminel mais pas plus loin, est-ce que cela pourrait être nuisible à l'industrie ou est-ce que vous pouvez vivre avec le critère de Code criminel comme étant le seul déterminant?
Mme Robert : Nous faisons actuellement avec le Code criminel que nous trouvons suffisant, bien articulé, basé sur des lois concrètes qui sont débattues dans des tribunaux où des gens compétents sont capables de débattre de points juridiques.
Le sénateur Goldstein : Vous seriez satisfaits si on ajoutait que le seul critère pour déterminer les octrois de crédits d'impôt serait le Code criminel?
M. Frappier : Le Code criminel régit l'ensemble de la société, pas uniquement le cinéma. On est tous soumis au Code criminel dans nos actions quotidiennes, dans notre société de toute façon. Pour moi, ce n'est pas nécessaire d'ajouter un lien au Code criminel. Il est évident que ma vie de citoyen est régie par le Code criminel.
Le sénateur Goldstein : On n'a même pas besoin de le mentionner.
M. Frappier : On n'a pas besoin de le mentionner, cela existe.
[Traduction]
Le sénateur Banks : J'aimerais clarifier une chose. Madame Robert, vous avez parlé d'une personne de l'Ouest du pays qui se disait en faveur de la modification. Est-ce que cette personne est un cinéaste?
Mme Robert : Non, c'est un prêtre qui s'est exprimé ainsi.
Le sénateur Moore : Monsieur Frappier, vous avez mentionné le comité qui pourrait être mis sur pied, sous le régime de la loi proposée, afin d'interpréter et de mettre à exécution les règlements ou les lignes directrices. Comme je l'ai fait devant d'autres témoins, je vais vous lire, à vous et à Mme Robert, un extrait de l'article 120 du projet de loi :
Le ministre du Patrimoine canadien publie des lignes directrices sur les circonstances dans lesquelles les conditions énoncées aux alinéas a) et b) de la définition de « certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne » au paragraphe (1) sont remplies.
C'est donc le ministre qui publie les lignes directrices. Et voici ce qui est le plus important :
Il est entendu que ces lignes directrices ne sont pas des textes réglementaires au sens de la Loi sur les textes réglementaires.
Cela signifie que les lignes directrices ne sont pas assujetties à un examen par le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, qui est composé de membres de la Chambre des communes et du Sénat. Les lignes directrices ne seraient pas sujettes à examen par la Chambre des communes ni par le Sénat du Canada. Le ministre pourrait modifier les lignes directrices existantes, et il pourrait en supprimer ou en ajouter sans que personne n'ait son mot à dire. Que pensez-vous de cela?
Mme Robert : C'est tout à fait inacceptable. C'est encore pire que je le croyais.
[Français]
M. Frappier : Vous nous donnez une raison de plus d'être contre. C'est donner le pouvoir absolu à une seule personne. C'est donner le pouvoir à ce comité et à ce ministre, selon, je dirais, l'humeur du temps dans laquelle elle est, d'édifier des lignes directrices.
Encore une fois, je ne sais pas d'où ce besoin vient. Lorsqu'on met un comité sur pied, c'est parce qu'il y a un véritable problème. Je ne sais pas où est le problème du cinéma canadien en ce moment pour avoir la nécessité de mettre sur pied un comité qui va édifier des lignes directrices pour savoir si le film est respectueux de l'ordre public. Cela est tellement vague, peut tellement porter à interprétation, tellement d'une subjectivité que je ne comprends pas d'où cela vient. Est-ce qu'il y a eu des menaces? Je n'arrive pas à comprendre. D'habitude la mise sur pied de mécanismes pour juger si une œuvre est conforme ou non, c'est joujours avec la montée, dans l'histoire, de gouvernements totalitaires. On peut le voir de façon historique, en Russie, en Espagne et en Allemagne. Ce sont toujours des gouvernements totalitaires qui ont mis sur pied de tels comités pour être capables d'édicter des règlements par rapport à la culture.
Si vous appliquez cela à d'autres domaines, par rapport à la littérature, même par rapport à la peinture, un comité pourrait décider que Dali est tout à fait contre l'ordre public, que c'est tellement laid à regarder, que ses peintures ne devraient pas exister. Il y en a qui le pense mais cela ne change rien à la place qu'il occupe dans l'histoire de la culture mondiale.
La même chose s'applique au cinéma. Beaucoup d'œuvres ont été faites à contre-courant, qui ont poussé des limites et qui sont maintenant des phares dans la culture générale et cinématographique. Je ne comprends pas la nécessité en ce moment de mettre sur pied ce comité. Pourquoi faudrait-il qu'il soit caché à l'intérieur de 500 quelques pages d'un projet de loi sur les crédits d'impôt? Je ne sais pas.
Le président : Vous avez cherché le rationnel de tout cela. Il y a des témoins du ministère du Patrimoine, qui ont dit qu'ils étaient en train d'échanger avec les membres de votre profession pour chercher le rationnel, pour en discuter. Êtes-vous tous les deux impliqués d'une façon ou d'une autre?
Mme Robert : Jamais, pourtant on est deux membres très actifs dans l'industrie.
M. Frappier : Non.
Le président : C'est le témoignage qu'on a eu. Jusqu'à ce jour, vous n'avez eu aucun échange avec les représentants de ce ministère?
Mme Robert : Non.
Le sénateur Biron : Dans l'éventualité où le projet de loi serait adopté tel quel, — c'est une question hypotéthique — qui croyez-vous devrait être membre de ce comité qui évaluerait le contenu des films pour savoir si le film rencontre l'ordre public? Le comité devait-il être formé de membres du Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens, du ministère de la Justice, d'un représentant de l'Association des policiers ou des juges, qu'en pensez-vous?
Mme Robert : Aucun parce qu'on parle d'un comité où cela devient subjectif. On peut trouver aujourd'hui que tout le monde admire le sens moral des choses mais la journée où cette personne est remplacée par une autre qui a un sens moral différent, les règles vont changer selon les personnes en place. Comme le sénateur l'a dit plus tôt, les règles ne sont assujetties à aucun contrôle. Cela peut changer d'un jour à l'autre. Un matin, on se lève et on change la règle parce que cela nous tente. Dans eux ans, un autre ministre peut changer cela différemment.
C'est pourquoi le Code criminel fonctionne bien. Tout le monde y adhère. Il règle toutes ces questions. C'est quelque chose qui a l'unanimité. Quand il y a des choses qui ne font pas l'unanimité, c'esf discuté avec des gens compétents, quii ont des formations juridiques, qui ont des formations à différents nivaeux.
Je ne crois en personne qui est capable d'arriver et d'avoir un sens moral. C'est quoi la moralité aujourd'hui et l'intérêt public? Je prends les scènes d'un film présenté en compétition à Cannes, Léolo, qui a fait honneur au Canada, dans lequel il y a un jeune garçon qui découvre la sexualité et qui se masturbe avec un morceau de foie. Imaginez si quelqu'un essaie de juger si cette scène est acceptable ou non? C'est évident quand je le décris, c'est inacceptable, c'est honteux, c'est effrayant, un petit enfant avec sun morceau de foie mais si vous regardez le film, c'est magnifique. C'est une forme d'expression d'art reconnue mondialement.
M. Frappier : Les végétariens n'ont pas aimé cela.
Le président : Madame Robert, monsieur Frappier, merci. Vous êtes renommés dans le monde pour vous exploits. Vous êtes excellents dans votre domaine. Nous sommes privilégiés de vous avoir entendus sur une politiqe publique très importante.
Mme Robert : Merci de votre générosité et de votre écoute.
M. Frappier : Je voudrais vous exhorter à aller voir des films canadiens et québécois. Il nous ferait grandement plaisir de vous envoyer des DVD, si vous avez le temps de les regarder, pour que vous puissiez voir le haut niveau de créativité de notre cinéma à l'heure actuelle.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : J'aimerais que M. Frappier nous envoie ces DVD après le vote.
Le président : Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant trois autres représentants éminents de l'industrie cinématographique : M. Tom Cox, producteur pour Seven24 Films, M. Josh Miller, président de Panacea Entertainment, et M. Michael Donovan, président de The Halifax Film Company.
Vous avez une bonne idée de la manière dont nous procédons et il serait inutile que je fasse un exposé détaillé sur le projet de loi C-10 dans mon introduction. Je vais donc me contenter de dire que nous sommes ravis de vous compter parmi nous.
Michael Donovan, président, The Halifax Film Company : Merci beaucoup de nous avoir invités. Je suis très heureux de pouvoir m'exprimer devant vous. Je vais vous parler un peu de moi. Je fais des films et des émissions de télévision au Canada depuis 30 ans. J'ai à mon actif des milliers d'heures d'enregistrement, que ce soit pour la télévision ou pour le cinéma. J'ai remporté de nombreux prix, dont un oscar, et j'ai fait tout cela depuis la ville de Halifax. Il y a, dans le monde, deux endroits importants pour l'industrie cinématographique dont le nom commence par la lettre « H ». Le premier est Hollywood, et l'autre, Halifax. C'est là que la comparaison s'arrête.
Je suis un membre actif de la communauté de la Nouvelle-Écosse et de Halifax. Je suis président du conseil des gouverneurs du Nova Scotia College of Art and Design, qui a un département de cinéma — l'un des meilleurs au Canada, à mon avis.
Chacun de nous s'attardera sur une question problématique différente. J'espère que nos observations se rejoindront au bout du compte.
Bien que je soupçonne que les membres du comité sont très au fait des aspects complexes, voire ténébreux du financement des films — vous connaissez peut-être plus de détails que vous le voudriez — je vais résumer brièvement, pour le compte rendu, les effets de cette initiative sur le financement des films, selon mon point de vue tout au moins. Il existe de nombreux instruments de financement pour les films autour du monde. Je crois que nous sommes tous familiers avec la plupart d'entre eux. L'un des éléments importants est que dans tous les pays, et même aux États-Unis, les films sont financés directement et indirectement par le gouvernement, et que c'est notamment la situation au Canada.
Les crédits d'impôt alloués pour l'embauche d'artisans du film — qui sont des crédits d'impôt liés à la main-d'œuvre — ont été inventés au Canada, et cette idée a été reprise dans de nombreux pays, notamment parce qu'on les considère comme une politique efficace et efficiente de financement indirect par le gouvernement. Cela s'explique par le fait que le résultat est un deux pour un : il y a des avantages sur le plan culturel et sur le plan industriel.
Cependant, ce qu'il faut retenir des crédits d'impôt, c'est qu'ils ne sont pas alloués avant que le film ait été terminé et vérifié et que les bénéfices pour l'industrie aient été démontrés. Ce n'est qu'après cela que les crédits sont alloués; cela prend parfois deux ans. Entre-temps, il faut cependant dépenser des sommes d'argent pour que le film puisse apporter ces bénéfices, et ces sommes, comme vous le savez, proviennent des banques. Au Canada, les fonds sont surtout fournis par deux banques : la Banque Royale du Canada et la Banque Nationale du Canada. Par exemple, en ce moment, notre entreprise dispose à cette fin d'une marge de crédit de 70 millions de dollars auprès de la Banque Royale du Canada, à un taux que j'estime juste et raisonnable.
L'une des caractéristiques des banques est qu'elles ne sont aucunement disposées à courir des risques, ce qui n'a rien d'étonnant. Étant donné que le système actuel est clair et précis, il n'y a pas de risque. Aucun coût n'est ajouté pour tenir compte de la possibilité que les crédits d'impôt seront refusés par suite d'une décision arbitraire. Le nouveau modificatif qui concerne la politique publique, cette vaste disposition — elle est simple et compte peu de mots, mais sa portée est très vaste — ajoute une large part d'imprévisibilité et d'arbitraire à la situation, ce qui accroît considérablement le risque.
Dans le meilleur des cas, les banques continueront de fournir le financement, mais d'une manière ou d'une autre, les coûts liés à ce financement augmenteront parce que le risque sera plus grand. À mon avis, cela ne sera avantageux pour personne — ni pour les contribuables qui, en dernier ressort, sont ceux qui assument ce risque, ni pour le gouvernement, ni pour les cinéastes — et cela ne contribuera pas à l'atteinte des objectifs globaux de la politique. Dans le pire des cas, les banques mettront fin au financement, comme certaines ont déclaré qu'elles le feraient. Le scénario le plus probable est cependant que les banques continueront de financer la plupart des films à un coût supérieur, mais que tout projet le moindrement hasardeux, tout ce qui n'aura pas été coulé dans le moule d'Anne... la maison aux pignons verts, courra le risque de ne pas être financé par une banque. Si les banques mettent un terme au financement qui précède ces crédits d'impôt, ces projets ne seront plus possibles au Canada. Voilà les faits.
Cela me semble donc être une manière détournée d'exercer une censure et, ce qui est pire, il semble qu'il s'agit peut- être là de l'objectif de cette disposition. Ma principale inquiétude est la suivante : j'ai contribué à des films et à des émissions de télévision à saveur politique. Par exemple, notre entreprise produit la série télévisée This Hour has 22 minutes, et j'ai également produit le film Bowling for Columbine, qui est le film pour lequel j'ai reçu un oscar. En dépit de leur aspect satirique, ces deux projets ont un contenu politique. Or, si je faisais, par exemple, un film satirique au sujet de notre premier ministre, et que je l'intitulais « Jeunes adultes avec intentions cachées », j'imagine que les banques ne me financeraient pas. Bien entendu, la situation pourrait être différente si je changeais le titre pour « Des dirigeants d'âge mûr qui manquent de transparence ».
Ce que je veux dire, c'est que je peux vous assurer que si le sujet est controversé, et même si c'est pour des raisons politiques, les banques du Canada n'avanceront pas de fonds, ce qui sera une décision raisonnable et responsable. Par conséquent, les projets ne seront pas réalisés.
De temps à autre, dans l'histoire de notre pays, il y a eu des moments où des artistes ont dû dire ou faire des choses controversées et, ce qui est encore plus important, des choses impopulaires, des choses avec lesquelles la plupart des Canadiens n'étaient pas d'accord à l'époque, avec lesquelles ils étaient en fait en profond désaccord. Cependant, cette liberté est le fondement de notre pays, et elle m'est chère. Je crois que la plupart des Canadiens partagent ce sentiment, du moins en théorie.
S'il est vrai que nous avons la liberté d'exprimer ces choses impopulaires, ce qu'il faut souligner, c'est que cela ne fonctionne pas; cette liberté n'a aucun sens si nous n'avons pas les moyens d'en bénéficier. Voilà pourquoi cette mesure, cette initiative apparemment innocente du gouvernement, mérite le débat soutenu dont elle fait l'objet, et doit, à mon avis, être modifiée.
Le président : Merci beaucoup, monsieur.
Tom Cox, producteur, Seven24 Films : Je suis le président de la société Seven24 Films, établie à Calgary. De plus, je siège au conseil d'administration de l'Alberta Motion Picture Industries Association (AMPIA) et au conseil de l'Association canadienne de production de films et de télévision (ACPFT). Je suis également l'ancien président du conseil d'administration de l'Institut national des arts de l'écran.
Je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole ici aujourd'hui. Je serai bref, car je sais que je ne vous apprendrai rien de nouveau. Je souhaite seulement faire entendre une voix régionale en provenance du bastion conservateur qu'est l'Alberta.
Je produis des projets cinématographiques et télévisuels en Alberta depuis 1990. Je suis très fier des projets auxquels j'ai participé. Parmi mes réalisations télévisuelles figurent des émissions comme The Ray Bradbury Theatre, North of 60, The Walter Gretzky Story, Mayerthorpe, ainsi que la série dramatique familiale actuellement en ondes à CBC, Heartland. La plupart de mes projets étaient destinés à la diffusion nationale et internationale et ne seraient pas considérés comme contraires à la politique publique, même selon les critères les plus sévères. Certains de ces projets ont été quelque peu controversés, mais auraient peut-être été approuvés en vertu du projet de loi C-10, s'il avait été adopté. Au fur et à mesure que ma société et moi avons commencé à concevoir davantage de projets de longs métrages, nous avons pris conscience que, si le projet de loi C-10 était adopté sans aucun amendement, non seulement le contenu de nos projets serait examiné minutieusement, mais les crédits d'impôt s'y rattachant pourraient nous être refusés.
Nous travaillons en ce moment à un projet — une histoire vraie — qui est une sorte de version moderne romancée de Bonnie et Clyde. Nous préparons aussi un scénario qui traite de la lutte contre la pornographie juvénile sur Internet. De tels films sont-ils durs? Absolument. Mettront-ils certains spectateurs mal à l'aise et est-ce que certaines personnes refuseront de les regarder? Absolument. Font-ils la promotion de la luxure et de l'exploitation, défendent-ils ou encouragent-ils les comportements analysés? Sûrement pas. Méritent-ils l'appui du public par l'entremise de crédits d'impôt pour l'industrie cinématographique et télévisuelle? Bien sûr que si, à moins que nous ne tournions le dos à notre tradition cinématographique qui consiste à représenter la réalité et à analyser des sujets en vue d'améliorer la condition humaine. Ce serait là, à mon avis, un véritable crime.
Un des projets auxquels j'ai eu le grand privilège de participer est Souvenirs de Brokeback Mountain. Ma société a réussi à produire ce film notamment grâce à notre expertise dans le domaine et aux équipes de calibre mondial et aux sites merveilleux de l'Alberta, mais principalement en raison de notre capacité d'obtenir des fonds essentiels par l'intermédiaire de crédits d'impôt provinciaux et fédéraux.
Ma participation au film Souvenirs de Brokeback Mountain reste un des moments forts de ma carrière, et ce film a sans doute redéfini l'excellence aux yeux de tous ceux qui y ont participé. Plus de 500 Albertains ont travaillé de manière directe à ce projet et des milliers d'autres ont été touchés indirectement puisque nous avons tourné partout dans le sud de l'Alberta, dans des petites villes comme Fort Macleod.
La pertinence de Souvenirs de Brokeback Mountain au présent débat semble évidente dès le départ, mais n'en demeure pas moins très ironique. Puisque nous travaillions en coproduction avec Focus Features, une entreprise des États-Unis établie à New York, nous aurions échappé au projet de loi C-10 puisqu'il n'existe pas d'accord de coproduction dans ce pays, et nous n'aurions jamais risqué de perdre nos crédits d'impôt après coup.
Quelle est donc la leçon à tirer ici? Ce film grandement controversé a fort probablement choqué certains groupes d'intérêts. Je crois que The Western Voice, dont a parlé Mme Robert, faisait référence à ce film à un certain moment. Le film aurait été approuvé tandis que des films canadiens moins controversés n'auraient pas reçu de financement en raison du risque de se le voir retirer.
Les conséquences plausibles de l'adoption du projet de loi C-10 sans amendement seraient de censurer le cinéma canadien au moindre signe de controverse, d'étouffer l'intérêt déjà fragile qu'on leur porte à cause de la menace du retrait du financement public et d'encourager la sous-traitance et les productions réalisées sans accord. Cela me semble plutôt ridicule, à moins que, évidemment, ces projets réalisés sans accord ou en sous-traitance ne contreviennent au Code criminel.
Il n'est vraiment pas dans mes intentions d'encourager un examen plus approfondi du projet de loi C-10 pour tenter une fois de plus d'en corriger les failles. Je veux démontrer que, bien que le projet de loi soit utile, cette partie est mal conçue; je veux aussi encourager le traitement équitable et objectif des films canadiens, soit le même traitement que nous réservons aux films étrangers.
Je conseille vivement au Sénat de recommander les amendements au projet de loi C-10 proposés par l'ACPFT concernant la politique publique en matière de crédit d'impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne. La simple précision apportée par ces amendements est vitale à la santé financière de notre industrie. Je crois également que cette précision procure un degré d'objectivité essentiel à la mise en œuvre de la politique publique.
Le Code criminel prévoit des mesures de protection suffisantes pour prévenir les utilisations inappropriées du financement public accordé au cinéma et à la télévision. Nous devons maintenant éviter le risque très réel que des recours inappropriés à la loi ne favorisent l'essor d'une politique culturelle draconienne.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Cox.
Josh Miller, président, Panacea Entertainment : Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer devant vous aujourd'hui. Je suis un producteur indépendant d'Edmonton. Ma société, Panacea Entertainment, produit des longs métrages, des documentaires et des séries de télévision.
Natif d'Edmonton, j'ai étudié et travaillé à New York ainsi qu'à Los Angeles pendant de nombreuses années avant de revenir au pays en 1990. J'évolue dans l'industrie du cinéma et de la télévision depuis 27 ans; j'ai d'abord été scénariste, puis diffuseur, et je travaille maintenant comme producteur.
Je suis membre du conseil de l'Association canadienne de production de films et de télévision, qui s'est déjà présentée devant vous concernant le projet de loi C-10. Je suis également membre du conseil de l'Alberta Motion Picture Industries Association et, pendant de nombreuses années, j'ai été membre du conseil de l'Alberta Foundation for the Arts, qui appuie financièrement les arts et les artistes de l'Alberta.
Aujourd'hui, mes commentaires porteront principalement sur des aspects du projet de loi C-10 d'un point de vue régional. Dans notre industrie, le terme « régions » désigne des zones situées en dehors de Toronto, Montréal ou Vancouver, quoique beaucoup de producteurs de Vancouver ont le sentiment que leur ville est aussi considérée comme une région. C'est parce que, de façon générale, toutes les décisions relatives à l'attribution des licences pour les émissions de télévision et les films canadiens sont prises à Toronto, pour le Canada anglophone, et à Montréal, pour le Canada francophone.
La Loi sur la radiodiffusion stipule que des productions canadiennes doivent être produites dans toutes les régions du Canada afin que les différents publics canadiens puissent apprendre à se connaître et bénéficier des points de vue provenant de toutes les régions du pays. Se connaître ne veut pas nécessairement dire s'aimer les uns les autres, mais cela aide certainement à se comprendre un peu mieux.
Dans la transcription de l'audience du 14 mai, le sénateur Massicotte a fait remarquer, et je paraphrase, qu'une importante partie du financement public accordé aux productions canadiennes vient des provinces. C'est vrai. Le financement provient des crédits d'impôt pour la main-d'œuvre ou des équivalents, et dans certaines régions, d'investissements directs en fonds propres.
Le sénateur Massicotte a fait observer que les décideurs provinciaux ont un grand pouvoir discrétionnaire et qu'ils préapprouvent des films en exerçant un jugement artistique et factuel. Il s'est demandé pourquoi il pouvait en être ainsi à l'échelon provincial et non pas à l'échelon fédéral.
Avant d'essayer de répondre à cette question, j'ai décidé de faire quelques recherches. Avant tout, je dois vous préciser que je ne suis pas un chercheur de formation et que mes recherches n'ont rien de scientifique. J'ai tout simplement examiné en ligne les programmes et les critères qui ont été mis en œuvre pour soutenir la production cinématographique et télévisuelle dans chaque province et territoire du Canada. Dans certains cas, on pouvait également consulter les lois provinciales qui sous-tendent ces programmes et critères.
J'ai compilé tous ces renseignements dans un document intitulé Incitatifs provinciaux à la production cinématographique et télévisuelle au Canada, et je serais heureux d'en fournir un exemplaire aux parties intéressées.
Le président : Si vous remettez votre document à la greffière, nous le joindrons au compte rendu. Ce document sera très intéressant pour nous.
M. Miller : En bref, à l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard, qui offre un crédit pour la technologie, toutes les provinces ont un programme d'incitatif à la production. Le Yukon est le seul territoire à offrir un tel programme pour la production de films et d'émissions télévisées.
Avant de vous communiquer les résultats de mes recherches, j'aimerais mentionner que les provinces qui investissent des capitaux propres dans des productions procèdent toujours à une évaluation subjective. En tant qu'investisseurs, les provinces s'attendent à récupérer leurs investissements et à participer aux bénéfices résultant de la vente du produit à l'intérieur et à l'extérieur du Canada.
La possibilité de recouvrer l'investissement repose sur plusieurs facteurs, par exemple les antécédents du producteur, la qualité du scénario, la renommée des acteurs, les compétences du réalisateur et l'intérêt commercial du produit. On procède habituellement à une évaluation subjective de ces éléments afin d'optimiser son investissement; le contraire serait inusité.
Les crédits d'impôt, quant à eux, visent des résultats précis, notamment favoriser l'activité économique, créer des emplois, bâtir des infrastructures, financer des entreprises et élargir l'assiette fiscale. Ils apportent d'autres avantages, par exemple en permettant de développer l'expertise à l'égard d'un nouveau média et de nouvelles technologies numériques.
Aucun de ces objectifs n'est contraire à la politique publique, ce qui m'amène à supposer, en ce qui concerne les crédits d'impôt et autres programmes équivalents offerts par les provinces, qu'il y aurait peu de restrictions en ce qui a trait au contenu, sauf les exclusions relatives à la programmation non prioritaire, à la pornographie et au contenu interdit par le Code criminel, comme la propagande haineuse.
Or, les résultats de mes recherches m'ont surpris. J'ai découvert, comme je m'y attendais, que certaines provinces n'imposaient aucun critère subjectif relativement à leurs programmes de crédits d'impôt et équivalents; c'était le cas notamment de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan, du Québec et du Yukon. Par contre, le Manitoba, l'Ontario, Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse ont mis en place des mesures leur permettant d'exclure, à leur discrétion, les productions qu'ils jugent contraire à la politique publique.
Vous ne serez sans doute pas surpris d'apprendre que l'Alberta allait encore plus loin. Le ministre de ma province peut arbitrairement exclure tout projet qu'il juge inacceptable, et ce même si le projet respecte toutes les lignes directrices relatives à la programmation. L'approche est un peu différente au Nouveau-Brunswick, où le ministre peut écarter tout projet qui ne met « pas en valeur l'image de l'industrie de production cinématographique du Nouveau- Brunswick ».
Il s'agissait pour moi d'une révélation, et les producteurs dans ces provinces, dont moi-même, devront s'efforcer de changer les choses. Si mes recherches m'ont appris que certaines provinces pouvaient exclure des projets qui seraient normalement considérés comme admissibles, il est à noter qu'à ma connaissance, aucune d'entre elles n'a jamais exercé ce pouvoir.
Il y a sans doute de nombreuses raisons qui peuvent expliquer pourquoi elles ne l'ont pas fait. Pour ma part, je pense qu'en tant que Canadiens, nous comprenons que rien ne pourrait être pire que le fait d'utiliser la censure pour réprimer des opinions sociales, politiques ou religieuses controversées tout en faisant valoir d'autres opinions; en tout cas, certainement pas un film ou une émission télévisée.
Pour terminer, peu importe si vous habitez à Peggy's Cove ou à Point Grey et peu importe votre allégeance politique, il faut chercher à comprendre les motifs qui nous amènent à vouloir adopter des mesures législatives qui, si elles sont invoquées, signaleront un changement fondamental, pour nous faire passer d'un pays qui prône la tolérance et la liberté d'expression, à un pays où ces valeurs rares et extraordinaires perdent de l'importance.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Miller.
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre présence parmi nous aujourd'hui. Je vous suis très reconnaissant de votre participation. Nous avons entendu un grand nombre de témoins du Canada central, et nous entendons maintenant des représentants de l'Ouest et de l'Est du pays. Il est important d'obtenir des vues de partout. Votre présence me réjouit, non seulement parce que vous êtes un spécialiste du domaine, mais aussi parce que vous habitez dans l'une de ces régions.
Vous avez mentionné, monsieur Cox, que vous venez de l'Ouest canadien. Vous représentez peut-être des valeurs plus conservatrices, du moins c'est le stéréotype auquel on s'attend de cette région, bien que je ne sois pas certain que le sénateur Tkachuk en soit un exemple.
Les trois ou quatre mots dont nous discutons aujourd'hui permettent au gouvernement, en collaboration avec un comité, d'établir des mesures interdisant l'octroi de crédits d'impôt dans le cas de films qui sont, par exemple, très violents ou qui véhiculent un message haineux. En tant que représentant de votre région, croyez-vous que le gouvernement a le droit d'aller aussi loin? Est-ce que le gouvernement a le droit d'imposer ce genre de critères?
M. Cox : Je suis convaincu que le gouvernement n'a pas le droit de s'immiscer de la façon proposée. Le gouvernement intervient déjà par l'entremise du Code criminel. C'est à ce niveau que le gouvernement devrait envisager d'apporter tout changement à l'avenir. Le changement proposé par le projet de loi C-10 est tout à fait inapproprié selon moi. J'estime qu'il est tout à fait inacceptable de confier à un ministre ou à un comité formé par le ministre ce genre de pouvoirs.
Le sénateur Massicotte : Je ne suis pas d'accord avec le ministre, mais je veux être très clair. Le ministre et d'autres soutiennent que les contribuables ne devraient pas financer ou subventionner des films qui sont violents ou dont le message est haineux. N'êtes-vous pas d'accord?
M. Cox : Je ne suis pas du tout d'accord avec les motifs invoqués, et en disant cela, je ne m'attaque pas au ministre actuel. Aucun ministre ou gouvernement ne devrait avoir le pouvoir de décider arbitrairement ce que les tribunaux ont convenu au nom du pays tout entier. Le Code criminel prévoit déjà des restrictions appropriées. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'aller plus loin.
Le sénateur Massicotte : Monsieur Donovan, qu'en pensez-vous en tant que représentant de votre région?
M. Donovan : Je suis dans le milieu depuis longtemps. Selon mon expérience, l'industrie et le gouvernement travaillent habituellement ensemble, selon un processus itératif, afin de définir les limites. Les Canadiens et les Canadiennes s'attendent à ce que l'on impose des limites, et je suis d'accord avec eux.
Or, dans le cas présent, il n'y a pas eu de processus itératif. Un sénateur a demandé aux témoins précédents s'ils avaient été invités à participer au processus, et la réponse était non. Est-ce que moi ou des gens que je connais avons été invités? Non.
Nous savions que le gouvernement prévoyait établir des lignes directrices et qu'il avait l'intention de tenir des discussions. Nous avons attendu. Puis, soudainement, on a remarqué un projet de loi, déjà en troisième lecture, qui vient tout changer et qui n'est fondé sur aucune ligne directrice. C'est d'ailleurs là le problème, ce qui a alerté notre industrie. Le projet de loi a été présenté à l'insu de tous, sans que le gouvernement fasse appel au processus habituel que nous connaissons tous et auquel les Canadiens s'attendent.
Les contribuables n'ont pas à financer des films pornographiques : c'est l'évidence même. Cependant, le gouvernement a agi, selon moi, de façon très pernicieuse, ce qui est pire.
Le sénateur Massicotte : Vous avez sans doute raison. Toutefois, le ministre a pris en considération ces préoccupations et a décidé d'établir un comité composé entre autres de représentants de votre industrie. Le gouvernement établira des lignes directrices afin de déterminer ce qui est juste ou injuste. N'acceptez-vous pas la solution qui vous est maintenant proposée?
M. Donovan : Non, parce que notre industrie n'a plus confiance dans le gouvernement, si vous tenez à le savoir. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas agi comme il le fallait?
Nous avons attendu l'invitation. Je dois gagner ma vie. Je dirais que, dans notre industrie, tous sont prêts à prendre l'avion pour aller assister à des réunions ennuyeuses, qui sont nécessaires parce que l'enjeu est tellement important. Nous avons attendu en vain.
La priorité, c'est de d'examiner et de comprendre les lignes directrices à l'aide d'un processus transparent. Par la suite, le projet de loi pourra être présenté, et le ministre pourra décider de son contenu.
Le sénateur Massicotte : Monsieur Miller, votre résumé était bon. J'avais demandé à mon personnel de faire la même chose, c'est-à-dire de préparer un résumé des façons dont les autres provinces et les autres pays s'y sont pris pour déterminer leurs pouvoirs discrétionnaires. Vous avez indiqué qu'il y a quatre ou cinq provinces qui peuvent, après coup, revenir sur leur décision d'offrir un crédit d'impôt à l'égard des coûts d'une production, en invoquant une disposition en matière de financement.
Il y a deux arguments de taille dans ce débat. D'abord, il y a la question de certitude. La disposition est vague, et le ministre pourrait décider après coup — peut-être même un an après — de ne pas octroyer de crédit d'impôt. Le pauvre producteur, lui, comptait sur ce crédit pour obtenir son financement, et sa banque le considérait comme une garantie contre un prêt. La question financière saute aux yeux.
Le deuxième argument, d'ordre moral, concerne la question de limites. Je suppose que, dans les quatre ou cinq provinces qui ont ces drôles de dispositions, qu'elles aient été appliquées ou non, les producteurs comme vous obtiennent de l'aide financière en fonction du crédit d'impôt provincial. Si je ne m'abuse, l'Alberta n'offre pas de crédit d'impôt provincial.
M. Miller : Pour tenir compte de la situation en Alberta, j'ai choisi d'ajouter l'expression « ou de son équivalent » dans mon exposé. L'Alberta offre des subventions. Elles ressemblent aux crédits d'impôt, à quelques différences près. Notamment, elles visent toutes les dépenses liées à une production.
Le sénateur Massicotte : Y a-t-il un certain pourcentage des coûts pour lequel le gouvernement n'a aucun pouvoir discrétionnaire relativement à l'application de la disposition, qu'il le veuille ou non?
M. Miller : Le règlement contient une disposition conférant ce pouvoir discrétionnaire au gouvernement. À ma connaissance, elle n'a jamais été invoquée. Elle n'a jamais été appliquée à un de mes projets.
Le sénateur Massicotte : Quand vous recevez une aide financière, comprend-elle la partie visée par le crédit d'impôt?
M. Miller : Normalement, les banques financent le gros du montant prévu par les crédits d'impôt. Elles aiment se donner une marge de manœuvre d'environ 10 p. 100 au cas où les estimations varieraient. À un moment donné, parce que l'Alberta offrait des subventions et non des crédits d'impôt, les banques offraient un financement provisoire de 100 p. 100. Par conséquent, le degré de confiance était encore plus élevé.
Le sénateur Massicotte : Faites-vous financer la portion correspondant au crédit d'impôt fédéral et au crédit d'impôt provincial ou son équivalent?
M. Miller : Oui.
Le sénateur Massicotte : Malgré la disposition, vous réussissez à obtenir des fonds.
M. Miller : La disposition a varié, et elle ne figure pas sur le formulaire de demande, ni dans les critères d'admissibilité généraux. Il faut descendre plus bas pour la voir. Quand je l'ai vue, j'ai pensé que c'était là d'où venait l'article, car le libellé était semblable à celui des dispositions des autres provinces.
Le sénateur Massicotte : J'ai travaillé dans le secteur du financement pendant presque toute ma carrière, et je sais que, si une province retire son aide financière en invoquant cette disposition, on aura beaucoup de mal à obtenir des fonds à partir de ce moment-là. À cause des audiences que nous tenons actuellement, les banques ont peut-être eu vent de ce risque, et personne n'aime le risque.
M. Miller : C'est exact. Si une province ou le gouvernement fédéral invoque la disposition une seule fois, c'est fini.
Le sénateur Harb : De toute évidence, vous préféreriez travailler plutôt que de venir ici pour essayer de convaincre un groupe de politiciens de ce que vous croyez être la bonne chose à faire. Vous défendez votre point de vue avec brio.
J'aimerais vous poser une question sur les dispositions liées à l'ordre public que vous avez mentionnées. Vous avez dit que les provinces ne les ont jamais invoquées. D'après vous, si le gouvernement adopte une telle disposition, comme il est prévu dans le projet de loi, est-ce que les provinces risquent de commencer à invoquer leurs propres dispositions liées à l'ordre public?
M. Miller : Non, je ne pense pas. Je crois que c'est plutôt le contraire qui se produirait. Si le gouvernement supprime cet article du projet de loi, nous aurions une bonne raison de demander aux provinces d'abroger leurs dispositions.
L'histoire nous a démontré que, parfois, le gouvernement fédéral donne l'exemple relativement à des dossiers qui sont importants aux yeux de toute la population canadienne et des régions. Espérons que nous l'appuierons.
M. Cox : À mon avis, si le gouvernement fédéral adopte le projet de loi C-10 tel quel et que, par après, il invoque la disposition ne serait-ce qu'une fois, chaque province aurait alors un motif légitime d'invoquer sa propre disposition. Par conséquent, je pense que c'est un danger important.
Le sénateur Harb : Ma deuxième question porte sur le crédit d'impôt. Vous œuvrez tous dans l'industrie cinématographique. Il est évident que, si vous ne faisiez pas d'argent, vous n'en feriez pas partie. Les gens qui ont un sens aigu des affaires vous diront que, si on ne fait pas de profits, mieux vaut plier bagage.
Essentiellement, c'est une question d'équilibre. Prenez le crédit d'impôt que vous recevriez du gouvernement fédéral une fois votre film réalisé et comparez-le à l'impôt qu'il percevrait sur vos profits et sur le revenu d'emploi généré. Croyez-vous que le gouvernement a intérêt de continuer à offrir des crédits d'impôt?
M. Cox : Je n'ai pas fait de recherches précises sur le crédit fédéral. Cependant, l'organisme dont M. Miller et moi siégeons au conseil d'administration, tout comme le gouvernement de l'Alberta, a fait des recherches sur le rendement du capital investi à l'échelle provinciale.
Le rendement du capital investi direct pour la province, sans multiplicateur, est positif, se situant entre 105 et 110 p. 100. La province reçoit cet argent avant même de verser les fonds qu'il a promis d'accorder au début de la production. Comme vous le savez, les crédits d'impôt sont versés seulement de 12 à 18 mois après la fin d'une production, c'est-à- dire après que l'argent a été dépensé et que les impôts ont été payés.
En effet, le gouvernement réalise un rendement sur le capital investi avant même d'avoir fait l'investissement. À l'échelle provinciale, tout au moins, le crédit d'impôt a d'énormes avantages, même si on fait abstraction des multiplicateurs, des retombées créatives, des retombées touristiques et de toute autre retombée, qui sont importantes. Il me semble alors évident que le rendement sur le capital investi et les avantages des crédits d'impôt fédéraux sont semblables.
Le sénateur Harb : Voici ma dernière question : Croyez-vous que l'adoption de cet article tuerait l'industrie cinématographique et forcerait les producteurs à réaliser leurs productions aux États-Unis?
M. Cox : D'après les discussions franches que j'ai eues avec des banquiers et des financiers privés, je ne crois pas qu'il soit exagéré de dire que ce serait le résultat. Ces gens n'aiment pas le risque, et ils acceptent les crédits d'impôt comme garantie en partant du principe qu'ils sont automatiques. Si les crédits deviennent subjectifs, ils ne seront plus considérés comme une garantie valide. Très honnêtement, ils sont au cœur de notre financement, au point où, sans eux, nous ne pourrions pas offrir de garantie suffisante en vue d'obtenir une aide financière provisoire. Donc, oui, effectivement, l'adoption de l'article tuerait l'industrie.
Le sénateur Tkachuk : Je tiens à dire à certains membres du comité que je suis un Canadien de deuxième génération. Mes grands-parents sont issus d'un pays au régime totalitaire. J'ai grandi dans la circonscription de John Diefenbaker. J'appuie fortement le gouvernement actuel. Je n'ai pas besoin qu'on me donne des leçons sur la liberté d'expression. Il ne s'agit pas ici de liberté d'expression. Nous avons un problème avec le projet de loi. Nous avons eu des problèmes avec les REER, mais cela ne signifie pas pour autant qu'il y avait un complot contre les banques. L'énorme projet de loi omnibus comportait des problèmes.
Le projet de loi C-10 ne date pas d'hier. L'industrie a reçu un document de travail sur le sujet en 2001. L'industrie, je l'ai déjà dit et je le répète, a reçu par la poste un document de travail sur le cadre, contraire à l'ordre public, que le gouvernement comptait adopter. De plus, il faisait partie du projet de loi en 2006 et en 2007, et il a été adopté à l'unanimité par la Chambre. Ce n'est pas que l'industrie n'en était pas au courant. Ce n'est pas que les banques n'en étaient pas au courant, à moins que personne n'ait vu tous ces documents circuler un peu partout. À la Chambre, ils disent tous qu'ils n'en sont au courant que depuis que l'industrie s'est ouvert les yeux après sept ans et qu'elle a commencé à dire « Il y a un problème ici ». Maintenant, l'industrie veut changer d'idée, et nous voulons l'aider à changer d'idée. Nous voulons que notre comité adopte un point de vue positif. Au début de la séance d'aujourd'hui, nous avons discuté de la possibilité de proposer des amendements pour régler la question.
L'un d'entre vous a mentionné plus tôt qu'il était membre de l'une des associations de l'industrie. Ce document de travail a été envoyé en 2001 à 33 intervenants de l'industrie et expliquait la disposition liée à l'ordre public. En 2006, le projet de loi a reçu l'appui de tous les partis, c'était le projet de loi C-33, et cette disposition particulière en faisait partie. Je ne peux pas croire que personne ne s'en soit aperçu et n'ait alors soulevé la question.
M. Donovan : Ce qui s'est passé entre 2001 et 2008 est intéressant — le silence absolu. Rien ne s'est passé.
Le sénateur Tkachuk : L'industrie, à qui on avait demandé de répondre, est demeurée silencieuse. Seuls quelques-uns ont répondu.
M. Donovan : C'est exact. Il y a eu une discussion. On s'attendait à ce qu'il y ait beaucoup plus de discussions. C'est typique de ce genre de situation, du moins selon mon expérience. À mesure que la date d'introduction dans la loi approche, la discussion suscite davantage l'intérêt du public. Ce n'est pas ce qui s'est passé ici. Ce fut le silence complet. C'était peut-être un accident, c'est probablement ce qui s'est passé.
Le sénateur Tkachuk : J'en suis persuadé.
M. Donovan : Il se peut, par contre, que ça n'ait pas été le cas, et que le silence ait été, jusqu'à un certain point, intentionnel. C'est ce qui m'inquiète, et c'est ce qui inquiète aussi d'autres personnes.
Le sénateur Tkachuk : Il ne fait aucun doute qu'ils voulaient une certaine protection d'ordre public. Le problème est l'interprétation qu'on en fait. Vous dites qu'il faudrait simplement utiliser le Code criminel. Cela me préoccupe beaucoup, parce que des films osés qui vont un peu trop loin sont produits avec l'argent des contribuables. Il est possible que les gouvernements adoptent davantage de lois en vertu des codes criminels. Il est facile d'adopter des lois pour se débarrasser de ce qu'on n'aime pas. Il est plus important que ce soit rendu public. De cette façon, quand un ministre prend une décision, 364 autres députés crient que c'est la mauvaise décision. À mon avis, cette protection est plus efficace que le Code criminel. Toutefois, si vous voulez utiliser le Code criminel, nous devrons l'examiner, et peut- être aussi d'autres questions. Ça me préoccuperait si j'étais vous.
M. Cox : Je suis beaucoup moins préoccupé par l'examen approfondi qui doit être entrepris pour modifier le Code criminel que par les pouvoirs discrétionnaires d'un seul ministre ou comité ministériel. Je ne trouve pas cela problématique. En fait, je crois qu'il s'agit du moyen le plus approprié à toute discussion sur une censure entendue et sanctionnée par les autorités publiques.
Le sénateur Tkachuk : Je ne suis pas d'accord avec vous, car le fait qu'une personne ait laissé un dossier à la maison de sa petite amie suscite énormément l'intérêt du public. Le Parlement est très efficace. Je suis persuadé que, si un ministre ou un comité agissait de manière inappropriée, cela créerait un énorme problème d'ordre public, surtout pour les membres du même parti, qui seraient consternés par la censure.
M. Cox : Malheureusement, si cela se produisait et que le ministre en poste, quel qu'il soit, utilisait ses pouvoirs discrétionnaires pour mettre fin à un projet, il serait peut-être trop tard pour sauver l'industrie, ainsi que le projet. Par conséquent, le débat aurait lieu trop tard.
Le sénateur Tkachuk : À mon avis, votre argument le plus solide jusqu'à maintenant est celui des affaires. Nous ne voulons pas nuire à l'industrie. L'industrie a connu du succès, même si elle est subventionnée. Néanmoins, tout le monde ici veut résoudre le problème d'ordre commercial afin que vous obteniez des fonds. Je sais à quel point la situation serait difficile si c'était menacé.
M. Cox : La prévisibilité.
Le sénateur Tkachuk : La prévisibilité est l'essentiel.
M. Cox : La constance est l'essentiel.
Le sénateur Tkachuk : Je suis d'accord avec vous sur ce point, et nous tentons de nous en sortir.
M. Cox : L'ajout formulé en langage simple que propose l'ACPFT offre une réponse assez simple et éloquente.
Le sénateur Eyton : Je vais répéter ce qu'a dit le sénateur Tkachuk selon qui ce n'est pas une question de censure. D'après les témoignages que nous avons entendus, nous pouvons dire qu'il n'y a pas d'intentions cachées. C'est un hasard. Cela remonte à sept ou huit ans. Le gouvernement n'a pas changé d'attitude. Tout le monde est fier de ce que votre industrie accomplit et veut qu'elle connaisse du succès à tous points de vue.
Nous essayons de déterminer si des critères devraient être établis pour ce qui équivaut à un investissement des contribuables dans des films de temps à autre. D'après les discussions, on s'entend en général pour dire qu'il devrait y avoir des critères. Nous devons alors nous demander quels sont ces critères. Quelle norme devrions-nous appliquer?
Hier, nous avons entendu Paul Gross dire que le premier filtre, comme il le surnomme, comprend des réalisateurs et des directeurs — l'industrie elle-même — qui examinent un produit afin de déterminer s'il faut aller de l'avant. Le deuxième critère dont nous avons entendu parler comprend les banques, où un employé, un comité ou un groupe d'experts examine le projet ou le scénario et dit « oui » ou « non ». Ce sont des critères cachés; nous ne savons pas vraiment quels sont ces critères. De plus, l'industrie applique des critères pour demeurer conforme au Code criminel, ce qui s'appuie sur la décision d'une personne ou d'un groupe d'experts. Nous avons entendu dire qu'à Téléfilm Canada, des personnes et des groupes d'experts utilisent des critères.
De nombreuses personnes se prononcent sur tout projet de film. Pour faire suite aux propos du sénateur Tkachuk, ma question est la suivante : Croyez-vous qu'il soit possible de doter les contribuables d'une série de critères? Ne pourrait-on pas établir une série de critères sensiblement plus rigoureux que la norme du Code criminel, qui est, après tout, la norme la plus basse possible? Le Code criminel est la norme d'après laquelle vous pouvez vous retrouver en prison si vous contrevenez à la loi. Je soupçonne que la plupart des Canadiens ne seraient pas d'avis que la norme du Code criminel soit appropriée pour investir leur argent.
La ministre a déjà indiqué qu'elle serait prête à suspendre pendant douze mois la disposition qui pose problème, celle dont nous parlons maintenant, et à travailler avec l'industrie pour établir certains critères qui seraient différents du Code criminel. À mon avis, cela me semble au moins être un noble effort et l'approche adéquate. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
M. Miller : J'aimerais faire rapidement quelques commentaires, car vous avez dit certaines choses durant votre introduction. Les banques ne lisent pas les scénarios, mais elles pourraient maintenant le faire si cette disposition était invoqué. Elles prennent en considération leur sécurité — c'est tout. Elles ne portent pas de jugement sur le contenu. Elles se préoccupent de leur sécurité — c'est tout ce qui importe pour elles — et de leurs risques. Par conséquent, ce n'est pas un facteur, à mon avis.
En ce qui concerne les organismes que vous avez mentionnés, par exemple Téléfilm, ce sont des investisseurs culturels. Ils examinent un certain nombre de choses. Manifestement, il est important que le contenu soit canadien. C'est ce qui importe, et c'est ainsi qu'ils croient que les contribuables devraient tirer une certaine valeur de leur investissement. Ils examinent également les moyens offrant la meilleure chance que les projets choisis soient présentés au public canadien, que ce soit par la télévision ou la distribution de films.
Le sénateur Eyton : Nous avons entendu des témoignages selon lesquels ils examinent également les scénarios.
M. Miller : Bien sûr, étant donné que ce sont des investisseurs culturels, à ce titre, ils investissent des capitaux. Comme je l'ai mentionné, ils examinent le matériel en fonction de la possibilité de recouvrement. Ils examinent la viabilité commerciale et la qualité artistique d'un projet.
Je voulais simplement aborder ces deux points.
Le sénateur Eyton : Mon point principal, c'était qu'il existe de nombreux critères. Alors, pourquoi les contribuables ne pourraient-ils pas en avoir un également?
M. Miller : Je crois que les contribuables en ont déjà. C'est ce que je dis.
M. Donovan : Je conviens que ceux qui collaborent aux films devraient comprendre quelles sont ces limites. Comme je l'ai dit plus tôt, je ne crois pas que quiconque soit contre l'existence de limites. Je crois que la vaste majorité des Canadiens s'attendent à ce qu'il y ait des limites. Maintenant, nous devons établir un processus relativement à ces limites — évidemment, pas par l'entremise de ce forum particulier.
On aurait dû commencer la discussion il y a trois ou quatre ans — en 2004 et en 2005 — et intensifier le débat juste avant de prendre cette mesure législative. C'est ce qui aurait dû se passer, mais ce n'est pas ce qui est arrivé. Maintenant il faut revenir en arrière et examiner quelles sont ces limites.
Il faut qu'elles soient spécifiques. Il ne faut pas qu'elles soient arbitraires, sous peine de voir censurer des films très impopulaires mais qui, bien qu'à contre-courant de la mentalité canadienne, seraient d'une importance vitale pour l'exercice de la liberté d'expression.
On peut citer comme exemple le cas de ce chroniqueur qui a défrayé les manchettes de la presse québécoise avec ses observations scandaleuses à l'endroit de la gouverneure générale. La plupart des Canadiens, si ce n'est tous les Canadiens, trouvent ce genre de commentaire offensant; mais prenons le cas d'un film pour lequel il y aurait une demande de crédits, alors qu'il n'existerait pas de politique claire selon laquelle des propos jugés offensants ne puissent constituer un motif de rejet : le ministre ne serait-il pas sous une pression énorme pour dire que les propos tenus dans le film sont contraires à l'ordre public? Même si je ne suis pas du tout d'accord avec les propos qui sont tenus dans ce film, je suis prêt à aller jusqu'au bout pour qu'ils puissent être exprimés librement, du moment qu'ils ne contreviennent pas au Code criminel.
Si l'on n'a pas les moyens nécessaires pour faire un film, il ne se fera tout simplement pas.
Le sénateur Eyton : J'aimerais que la barre soit placée à un niveau un peu plus haut que celui du Code criminel.
M. Cox : Je crois que ce qui fait peur, c'est le pouvoir discrétionnaire inhérent au processus, tel qu'il est énoncé à l'article du projet de loi C-10. Il est certain que je regrette de n'avoir pas réagi il y a quelques années, afin que l'alerte soit donnée à ce moment-là. Si l'on s'en remet au Code criminel, c'est que cela semble un moyen établi et objectif de gérer le problème.
Que l'on retienne ou non la proposition d'entreprendre un dialogue en vue d'établir au fil de la prochaine année des critères autres que ceux contenus dans le Code criminel, on risque d'être confronté à toutes sortes de problèmes qui n'ont pas leur place dans une société moderne, dès lors que ces critères ou ces balises pourront être interprétés subjectivement par un individu ou par un petit comité. C'est pourquoi nous nous en remettons au Code criminel. On pourrait certainement penser à autre chose, ou on pourrait étoffer le Code criminel, mais selon nous, ce n'est pas nécessaire.
Le sénateur Eyton : Je comprends votre argument de principe selon lequel il faut des certitudes et des balises pour savoir où l'on s'en va. La question est de savoir quels critères établir et comment les établir.
Le sénateur Tkachuk : S'il n'y avait pas la disposition concernant l'intérêt public, croyez-vous que l'on risquerait de voir un film porté devant la Commission des droits de la personne, comme cela a été le cas pour Mark Steyn et Ezra Levant? Je n'ai pas entendu grand-chose des gens du cinéma à ce sujet. Néanmoins, croyez-vous que cela soit une possibilité?
M. Donovan : Le Canada ne manque pas de moyens pour que l'on puisse protester et débattre publiquement des questions qui sont chères au cœur des Canadiens — il y a des cours de justice, des tribunaux, et cetera. Selon moi, les Canadiens — du moins ceux avec qui j'ai l'occasion de parler — souscrivent à ces mécanismes. Cependant, l'arbitraire n'est certainement pas ce que veulent les Canadiens. Je ne crois pas que les Canadiens veulent que le gouvernement soit en position d'agir arbitrairement, et c'est en cela que nous avons besoin de paramètres.
Ce qui me dérange vraiment, c'est l'absence de mécanisme. Il fallait un mécanisme et il n'y en a pas eu. Comme je l'ai déjà dit, on a de plus en plus l'impression que le gouvernement actuel a des intentions cachées, ce qui est peut-être le cas avec une telle disposition. C'est du moins mon impression.
Le sénateur Tkachuk : C'est ce que vous avez entendu dire et c'est votre opinion. Cela ne fait pas de doute. Je ne le sais pas non plus. Si vous pouviez m'éclairer à ce sujet, j'en serais très heureux.
Le sénateur Banks : Cela me rassure au plus haut point que de voir encore une fois le sénateur Tkachuk prendre la défense des arts et des lettres. J'espère que cela reflète aussi le sentiment de son gouvernement. Je suis d'autant plus rassuré que j'apprends qu'il est prêt à monter aux barricades pour nous défendre contre le péril de la censure, ainsi que je vous en savais capable, sénateur.
Le sénateur Tkachuk : Je suis en effet très préoccupé par l'affaire Ezra Levant et Mark Steyn contre la Commission des droits de la personne. J'aimerais savoir si d'autres seront aussi préoccupés que moi par la question de la liberté d'expression.
Le sénateur Banks : En tout cas, ils ne se sont pas encore manifestés par un projet de loi fiscal.
Le sénateur Tkachuk : Si c'est ce qu'il faut, dans le monde où vous gravitez...
Le sénateur Banks : J'aimerais poser ma première question à M. Cox et à M. Miller. Les crédits d'impôt provinciaux auxquels vous avez fait référence sont des crédits pour production cinématographique, et je suppose qu'ils sont fondés sur les coûts de main-d'œuvre?
M. Cox : À l'exception de l'Alberta, où ils concernent l'ensemble des dépenses effectuées en Alberta.
Le sénateur Banks : C'est encore plus englobant, mais dans les autres provinces où il existe des dispositions semblables, il existe des critères objectifs — et ce sont des comptables qui déterminent sur quoi portera le crédit d'impôt. Toutefois, toutes les provinces que vous avez nommées ont des dispositions semblables à celle proposée dans le présent projet de loi, et certaines sont encore plus draconiennes, ce qui ne pose pas encore de problème.
Pouvez-vous nous dire exactement en quoi réside le problème? Il n'y a pas encore eu de difficulté. Pourquoi est-ce un problème?
M. Miller : Je me suis posé la question lorsque j'ai pris connaissance de cette information. Je me suis dit qu'il y avait une loi ou une règle qui n'avait probablement jamais été appliquée et que, si tel était le cas, on était en droit de se demander pourquoi.
Le sénateur Banks : Il ne semble pas y avoir de problème dans les provinces auxquelles vous faites référence. Se pourrait-il que l'on soit en train de crier au loup pour rien?
M. Miller : Le loup n'est peut-être pas encore arrivé dans la bergerie, mais comme on l'a dit plus tôt, si cette disposition était invoquée ou risquait d'être invoquée, on aurait un réel problème au plan des certitudes et des garanties qui sont requises pour le financement de nos productions.
Comme je l'ai dit, dès que j'ai pris connaissance de la chose, j'ai pensé que cet exercice de consultation serait une bonne chose, ne serait-ce que du fait qu'il montrera la nécessité de traiter le problème aux plans provincial et fédéral.
M. Donovan : Il y a beaucoup de concurrence entre les provinces. Si une province invoquait cette disposition, ses producteurs ne pourraient obtenir de crédits bancaires. Le risque serait beaucoup trop élevé. Cela tuerait l'industrie du film, surtout dans les petites provinces.
Le président : Vous devriez voir la disposition québécoise qui nous a été lue hier. Elle va beaucoup plus loin que celle proposée par le fédéral. Elle dit essentiellement que la disposition concerne tout ce qui va à l'encontre de la politique gouvernementale.
M. Cox : L'histoire nous donne beaucoup d'enseignements sur le problème de savoir s'il vaut mieux ne pas crier au loup ou s'il vaut mieux prévenir que guérir... Je suis convaincu que les provinces qui sont dotées de tels crédits d'impôt préfèrent, si tant est que les gens au pouvoir sont au courant des détails de leurs dispositions à cet égard, faire fi de la disposition en question pour ne pas nuire au développement de leur industrie locale. Toutefois, si le gouvernement fédéral prenait l'initiative d'instituer une telle disposition, cela permettrait certainement aux autorités provinciales — en tout cas, chez nous — d'invoquer la disposition en question.
Le sénateur Banks : Tous ceux de vos collègues qui sont venus témoigner devant nous ont dit, à propos d'une question similaire portant sur l'institution d'un comité, qu'il serait pratiquement impossible pour un tel comité, quand bien même il serait composé entièrement de gens de l'industrie du film, d'établir des critères parfaitement objectifs permettant de faire ce que suggère la ministre, soit — comme l'a dit le sénateur Eyton — placer la barre à un niveau un peu plus haut que celui du Code criminel.
Toutefois, vous vous préoccupez davantage du processus et de l'ordre dans lequel les choses se déroulent. Si l'on fait abstraction de la question du processus, vous semblez penser qu'un tel comité pourrait proposer des critères objectifs viables. Est-ce le cas?
M. Donovan : À mon avis, qui diffère peut-être du point de vue de l'industrie en général, une multitude de lois fédérales comportent une « disposition et cetera » — à la discrétion du ministre. Cela n'a rien d'insolite. À l'échelle provinciale, cette disposition est quasi universelle. À l'échelle fédérale, elle est généralisée.
D'une certaine façon, le gouvernement a le droit d'ajouter une disposition et cetera. Cependant, il s'engage ainsi sur un chemin semé d'embûches. Cette expression est une arme dangereuse. Selon moi, les nouvelles politiques gouvernementales qui sont mises en place font l'objet de longues discussions.
Vers la fin des années 1990, il y a eu un débat d'ensemble à ce sujet. Nul n'a jugé que cette question était alarmante. D'après les quelques réunions dont j'ai entendu parler ou dont j'ai lu le résumé, je pouvais voir que la fin approchait. On espérait que des lignes directrices seraient établies. Et tout à coup, plus rien; le gouvernement semblait s'en être lavé les mains.
Le projet de loi a soudainement refait surface à la troisième lecture. Lorsque j'ai appris cette nouvelle, je croyais qu'il s'agissait d'une erreur monumentale et que le gouvernement s'empresserait de retirer le projet de loi en indiquant qu'il en avait sous-estimé les risques.
J'ai par la suite entendu parler des efforts discrets déployés par divers groupes de pression au cours des dernières années. Quelque chose ne tourne pas rond. Il est bon que le comité ait choisi de se pencher sur la question, et je vous remercie de me donner l'occasion d'exprimer mon point de vue à ce sujet.
C'est ce que je souhaite souligner. Le gouvernement a le droit d'imposer des limites et des règles. Les membres de notre industrie ont préconisé le recours aux dispositions du Code criminel. C'est une mesure extrême. Il pourrait en exister d'autres.
Retournons à la case départ. Ne nous fions pas à la parole d'un gouvernement qui déclare : « Faites-nous confiance. Nous établirons des lignes directrices au cours de la prochaine année. Entre-temps, nous allons mettre en place des mesures draconiennes. » Non.
Le sénateur Moore : Messieurs, je vous remercie d'être venus témoigner aujourd'hui. Je serai bref. Je n'ai qu'une seule question, et je l'ai posée aux autres qui sont venus témoigner devant le comité. J'aimerais que vous répondiez à la question en fonction des régions que vous représentez.
Selon le libellé du projet de loi, le ministre établit les lignes directrices. Dans une autre disposition, on indique que « Il est entendu que ces lignes directrices ne sont pas des textes réglementaires au sens de la Loi sur les textes réglementaires. » Ces lignes directrices ne sont donc pas soumises à une évaluation de la part du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, qui est composé de membres de la Chambre des communes et du Sénat. Des lignes directrices pourraient ainsi être modifiées, supprimées ou ajoutées à l'insu du grand public. Qu'en pensez-vous?
M. Cox : C'est franchement horrifiant.
Le sénateur Moore : Vous ne connaissiez pas cette disposition.
M. Cox : Je vous ai entendu poser cette même question aux deux témoins précédents. J'en ai été consterné. Cela vient appuyer votre déclaration selon laquelle la l'adoption du projet de loi occasionnerait un débat très public.
Il est clair que cela permet à un ministre ou à un comité ministériel d'adopter quelque chose sans débat et à l'insu des gens. C'est étonnant qu'on envisage une telle possibilité; c'est grave et c'est une raison de plus de rejeter le projet de loi tel que présenté.
Le sénateur Moore : Est-ce que quelqu'un à quelque chose à ajouter?
Un instant, s'il vous plaît. J'ai demandé aux représentants des diverses régions de répondre à la question. Vous avez eu votre tour et nous devons être au Sénat à 13 h 30. Nous pourrons partir lorsque ces messieurs auront terminé. Merci.
M. Miller : Je serai très bref. Dans le cadre de nos productions cinématographiques, nous traitons avec le gouvernement, c'est-à-dire avec la bureaucratie. Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais la bureaucratie a tendance à agir avec prudence. Je crains que, si l'on prend un règlement, la bureaucratie prêchera toujours par excès de prudence, ce qui aurait une incidence considérable sur la sélection du contenu.
M. Donovan : Je partage entièrement l'avis de mes collègues.
Le sénateur Goldstein : Téléfilm Canada a établi une liste de critères de sélection du contenu. En fait, si j'ai bien compris, Téléfilm étudie le contenu des productions. Cela ne vous a-t-il pas occasionné de difficultés dans le passé? Si ce n'est pas le cas, comme vous semblez le dire, pourquoi affirmez-vous que cela vous occasionnera des problèmes à l'avenir?
M. Donovan : J'aimerais répondre à la question. Dans ma déclaration préliminaire, j'ai fait la distinction entre les investissements publics directs et indirects. Le Canada a inventé le principe des investissements indirects. De nombreux pays l'ont depuis adopté car c'est un principe efficace, fiable et concret.
Il est tragique que le Canada s'apprête à remettre ce principe en cause sans donner l'impression d'être au courant. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons pris la situation très au sérieux. Par ailleurs, aux yeux de la plupart des gens, il est essentiel de prévoir des critères clairs et subjectifs en ce qui a trait aux investissements directs.
M. Cox : Étant donné qu'ils espèrent récupérer leur investissement, on doit s'attendre à ce que les investisseurs aient leur mot à dire concernant l'aspect créatif du projet.
Le sénateur Goldstein : Vous avez répondu à la question. Merci.
Le sénateur Fox : Vous avez répondu à toutes mes questions. Je ne vous poserai donc pas de question comme telle. Je souhaite vous remercier de votre présence. Ce fut un exposé enrichissant. Je croyais que nous avions fait le tour de la question, mais l'angle que vous avez adopté et certaines des nouvelles données que vous avez présentées au sujet des crédits d'impôts provinciaux et de la distinction entre la participation au capital et les autres types d'investissement nous ont été fort utiles. Je vous remercie.
Le président : J'aimerais vous remercier. Vous avez ajouté une nouvelle dimension.
Nous avions précisé au commencement de la séance ce matin que le sénateur Eyton souhaitait prendre la parole. Sénateur Eyton, avez-vous quelque chose à ajouter?
Le sénateur Eyton : Nous avons abordé ce sujet hier. J'estime que nous avons entendu un très grand nombre de témoignages, notamment à propos des dispositions concernant l'ordre public. J'imagine que nous avons tous formé une opinion et je crois que nous sommes arrivés au point où nous avons appris...
Le président : Ces messieurs peuvent partir. Nous essayons d'avoir une discussion.
Le sénateur Tkachuk : S'ils souhaitent être présents, il s'agit d'une réunion publique.
Le président : Nous entendons tous la sonnerie du Sénat. Vous avez soulevé cette question tout à l'heure et le sénateur Eyton l'a abordée. Après tout, il est le parrain du projet de loi.
Le sénateur Eyton : Je veux parler plus particulièrement des dispositions concernant l'ordre public. Il me semble que nous ayons entendu tous les témoignages nécessaires pour bien comprendre la situation et former une opinion à ce sujet. Il est donc inutile d'avoir d'autres témoignages sur cette disposition alors que le temps nous est compté et que nous devrions poursuivre nos travaux. Je mentionne cela pour souligner que les membres libéraux du comité sont nettement majoritaires et qu'ils ont manifestement des opinions bien arrêtées ainsi que des suggestions, je l'espère, concernant les modifications qu'ils souhaitent proposer. Afin que nous puissions poursuivre nos travaux, je demanderais aux membres du comité de bien vouloir résoudre la question. Le sénateur Tkachuk a mentionné un examen du projet de loi article par article, ce que je crois être prématuré à l'heure actuelle étant donné que nous entendons encore des témoignages concernant les diverses dispositions de ce projet de loi omnibus. J'aimerais cependant en finir avec les témoignages sur les dispositions concernant l'ordre public puisque cette question a été étudiée à fond.
Le Sénateur Goldstein : Je suis d'accord. Il me semble que l'essentiel des opinions sont faites et que la plus grande partie de l'industrie, avec laquelle je crois que nous sommes tous d'accord, voudrait que le seul critère soit le respect du Code criminel.
Le président : Pour autant qu'on puisse en juger.
Le sénateur Goldstein : Pour autant qu'on puisse en juger, et je suis certainement prêt, si vous le voulez bien, à préparer une modification, mais je crois qu'il est encore trop tôt, car nous devons aborder l'ensemble du projet de loi.
Le sénateur Tkachuk : Nous aimerions la recevoir à temps pour l'étudier, et non voir une modification apparaître pendant l'examen article par article.
Le sénateur Goldstein : Ce n'est que mon avis, car nous n'en avons bien sûr pas discuté.
Le sénateur Moore : Monsieur le président, il me semble qu'il appartient au comité de direction de faire ce que nous faisons en ce moment. La séance de la Chambre commence à 13 h 30 et je dois y prendre la parole. Je dois donc partir maintenant. Nous pourrions organiser une réunion du comité de direction la semaine prochaine pour en discuter.
Le sénateur Eyton : Je ne fais pas partie du comité de direction et je voulais soulever ce point. Je crois que nous devrions essayer de régler cette question, qu'elle soit entre les mains du comité de direction ou de l'ensemble du comité. De toute façon, le comité de direction répond de ses actes devant le comité.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez raison.
Le sénateur Fox : Qu'en est-il des autres témoins qui devaient se présenter?
Le sénateur Goldstein : La plupart des témoins qu'il reste à entendre, à l'exception d'un syndicat du Québec, aborderont d'autres aspects du projet de loi, les aspects fiscaux. Nous avons entendu des gens qui ont traité des nouveaux aspects fiscaux, notamment dans les témoignages d'hier, et nous ne pouvons pas clore le sujet avant d'avoir donné la chance au ministère des Finances d'intervenir.
Le président : Le sénateur Goldstein a fait valoir son point de vue. J'ai demandé au sénateur Massicotte de rester. Il prendra la parole.
Le sénateur Massicotte : Je crois que nous en avons tous assez entendu pour nous faire une opinion, mais je reconnais qu'il y a des manœuvres politiques. C'est la nature de cette institution, que je déplore, car selon moi, nous devrions éviter cette attitude partisane que nous adoptons trop souvent. À mon avis, c'est ce qui se passe, mais cela ne cause peut-être pas de problème. De combien de temps avons-nous encore besoin? Nous ne pouvons pas refuser d'entendre des gens qui ont accepté notre invitation, mais nous pouvons convenir du temps que nous passerons à discuter de ces trois ou quatre mots. Est-ce une ou deux semaines? Que prévoyons-nous?
Le sénateur Goldstein : Nous avons des témoins pour les deux semaines à venir, deux semaines de plus, et nous avons encore un créneau libre si j'ai bonne mémoire. Ce créneau est-il occupé? Nous devons trouver une heure pour que le ministère se prononce sur les questions fiscales.
Le sénateur Massicotte : Nous devons examiner la question fiscale et nous mettre au travail. Comme cette discussion concerne trois ou quatre mots sur l'industrie cinématographique, nous entendrons encore deux ou trois témoins de cette industrie.
Le président : Ce ne sera pas nécessaire si le comité le décide.
Le sénateur Goldstein : Mercredi prochain, pendant la première heure, à 16 heures, tous les témoignages porteront sur la question fiscale, tout comme au cours de la deuxième heure. La séance de mercredi traitera donc entièrement de l'aspect fiscal. Jeudi, ce seront les maires qui viendront, et comme nous les avons invités, nous ne pouvons pas reculer. Cela nous laisse seulement la semaine du 9 juin, et ce mercredi-là, nous entendrons les représentants de l'industrie cinématographique.
Le sénateur Massicotte : Nous serons ici jusqu'au 20 juin.
Le sénateur Goldstein : Qui sait? Jeudi, nous entendrons des témoignages sur la question fiscale. Sénateur Massicotte, je suis d'accord avec le sénateur Eyton. Nous avons entendu suffisamment de témoignages sur l'industrie cinématographique pour nous forger une opinion, mais nous ne pouvons pas annuler nos invitations. Je crois que nous devrions tout régler dans les deux semaines sur lesquelles nous sommes certains de pouvoir compter.
Le sénateur Massicotte : En votre qualité de vice-président et de représentant du camp en faveur des modifications, êtes-vous en mesure de recommander ces modifications avant que nous partions pour l'été?
Le sénateur Goldstein : Ce serait mon objectif.
Le sénateur Massicotte : À tous les égards, les questions fiscales et toutes les autres?
Le sénateur Goldstein : Je dois entendre le ministère. Nous avons entendu l'opinion de personnes en cause dans deux domaines, mais nous n'avons pas laissé la chance au ministre de répondre. Je ne peux donc rien rédiger avant d'entendre ce que le ministre a à dire et de connaître la position du ministère. Je crois que nous pourrons tout régler, y compris les questions fiscales, lors du témoignage du ministre. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'entendre d'autres témoins.
Le sénateur Massicotte : Vous voulez entendre le ministre des Finances?
Le sénateur Goldstein : Cela n'a aucun sens. Ce pourrait être des représentants du ministère des Finances.
Le sénateur Massicotte : Qu'en est-il de la question de l'industrie cinématographique? Voulez-vous que la ministre revienne?
Le sénateur Goldstein : Non. Voulons-nous revenir sur la question de l'industrie cinématographique?
Le sénateur Massicotte : Pourrions-nous voir vos amendements avant de partir?
Le sénateur Goldstein : Je l'espère.
Le président : Quand vous parlez de ses amendements, nous prévoyons, et c'est ce que le sénateur Tkachuk et le sénateur Eyton ont...
Le sénateur Goldstein : Ils ont dit qu'ils voulaient voir quelque chose. J'essaierai.
Le sénateur Massicotte : Si quelqu'un a l'intention de proposer quelque chose, nous devons savoir de quoi il s'agit.
Le sénateur Tkachuk : Si rien n'est proposé, pourquoi faisons-nous venir tous ces témoins?
Le sénateur Goldstein : Vous m'avez bien compris. Je devrai trouver le temps.
Le président : Trop de gens parlent en même temps.
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie, monsieur le président. Je suis heureux que certains paramètres aient été établis pour cette discussion.
Le président : Quelqu'un veut ajouter quelque chose?
Le sénateur Banks : Je comprends l'empressement de certains, mais je tiens à souligner que la dernière réunion et celle d'aujourd'hui nous ont apporté des précisions sur les deux questions.
Le président : Y a-t-il d'autres commentaires? Pour terminer cette séance, je tiens à faire remarquer que les témoignages que nous avons entendus sont très convaincants. Il y en a eu beaucoup. Il est clair que les libéraux, qui sont majoritaires, peuvent obtenir ce qu'ils veulent. Les amendements seront adoptés ici, tout comme à la Chambre. Si vous voulez régler la question de l'industrie cinématographique rapidement, il faudra nous y mettre. Voilà mon commentaire, et c'est pourquoi le sénateur Tkachuk a parlé de l'examen article par article. Vous savez très bien qu'il est inutile d'entendre d'autres témoins, peu importe le sujet.
La séance est levée.