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RAPPORT DU COMITÉ

Le mercredi 18 juin 2008

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense

a l’honneur de déposer son

DIXIÈME RAPPORT


Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le mardi 20 novembre 2007, à étudier, afin d’en faire rapport, les services et les avantages sociaux offerts aux anciens combattants en reconnaissance des services rendus au Canada, dépose maintenant son dixième rapport, un rapport provisoire intitulé Rapport sur la réduction des prestations d’invalidité à long terme du régime d’assurance-revenu militaire.

 

Respectueusement soumis,

Au nom du président du comité, Colin Kenny,
JOSEPH A. DAY


RAPPORT SUR LA RÉDUCTION DES PRESTATIONS D’INVALIDITÉ À LONG TERME DU RÉGIME D’ASSURANCE-REVENU MILITAIRE  

Un rapport provisoire du Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense 

Président, L’honorable Michael A. Meighen
Vice‑président, L’honorable Joseph A. Day

Juin 2008


MEMBRES

 Sous-comité des anciens combattants
39e LÉGISLATURE, 2e SESSION 

L’honorable Michael A. Meighen, président
L’honorable Joseph A. Day, vice-président
L’honorable Tommy Banks
L’honorable Colin Kenny
L’honorable Nancy Ruth 

*L’honorable Marjory Lebreton, C.P. (ou l’honorable Gerald Comeau)

*L’honorable Céline Hervieux-Payette, C.P.
(ou l’honorable Claudette Tardif)

*Membres d’office 

Autres sénateurs ayant participé aux travaux du sous-comité : Les honorable sénateurs Dallaire, Downe et Segal 

Personnel de recherche de la Bibliothèque du Parlement :
Brigadier général (ret) Jim Cox  

Greffières du sous-comité :
Shaila Anwar et Gaëtane Lemay


ORDRE DE RENVOI

Extrait des Journaux du Sénat, le mardi 20 novembre 2007 :

L'honorable sénateur Kenny propose, appuyé par l'honorable sénateur Banks,

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à entreprendre une étude sur:

a) les services et les avantages sociaux offerts aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants, aux membres des missions de maintien de la paix et à leurs familles en reconnaissance des services rendus au Canada ;

b) les activités commémoratives organisées par le ministère des Anciens combattants pour rappeler à tous les Canadiens les réalisations et les sacrifices des anciens combattants;

c) la mise en œuvre de la Charte des anciens combattants adoptée récemment;

Que le comité fasse périodiquement rapport au Sénat, au plus tard le 31 mars 2009.

La motion, mise aux voix, est adoptée.

Le greffier du Sénat
Paul C. Bélisle


RAPPORT SUR LA RÉDUCTION DES PRESTATIONS D’INVALIDITÉ À LONG TERME DU RÉGIME D’ASSURANCE-REVENU MILITAIRE 

RÉSUMÉ 

            L’assurance invalidité prolongée (AIP) du Régime d’assurance-revenu militaire (RARM) est un régime d’assurance invalidité collective qui fournit aux membres des Forces canadiennes 75 p. 100 de leur solde lorsqu’ils sont libérés des Forces en raison d’une blessure invalidante([1]).  La prestation est habituellement versée pendant un maximum de 24 mois, mais peut être payée pendant une plus longue période dans certains cas.

            Les anciens combattants qui touchent des prestations d’AIP du RARM sont parfois aussi admissibles à une pension d’invalidité versée par le ministère des Anciens Combattants du Canada (ACC), en vertu de la Loi sur les pensions([2]), pour la même blessure.  Dans ces cas, le montant correspondant aux paiements versés en application de la Loi sur les pensions est déduit des prestations d’AIP du RARM, de sorte qu’au total, l’ancien combattant reçoive quand même 75 p. 100 de la solde qu’il touchait au moment où il a été libéré.  De plus, un ancien combattant qui reçoit des prestations d’AIP du RARM réduites et une pension d’invalidité en vertu de la Loi sur les pensions pour une même blessure subira une autre réduction de ses prestations du RARM s’il devient ensuite admissible à une deuxième pension d’invalidité en vertu de la Loi sur les pensions, accordée en vue d’une deuxième blessure sans rapport avec la première.

            Les anciens combattants considèrent injustes ces récupérations des prestations d’AIP du RARM.  Elles semblent encore plus injustes du fait que les membres blessés qui restent dans les FC continuent de toucher l’intégralité de leur solde, en plus de la pension d’invalidité complète versée en vertu de la Loi sur les pensions.  Les anciens combattants se demandent pourquoi on soustrait de leurs prestations du RARM le montant de la pension d’invalidité découlant de la Loi sur les pensions, alors que ce montant n’est pas déduit de la solde des membres actifs des FC.

            Le Sous-comité a étudié la question et convient que la réduction des prestations d’AIP du RARM versées aux anciens combattants est effectivement injuste.  Nous recommandons que le gouvernement mette fin immédiatement à cette pratique.

 

CONTEXTE 

            La police d’AIP du RARM a été créée en 1969 afin de fournir aux membres des FC une protection du revenu en cas d’invalidité totale qui n’était pas liée au service militaire.  Depuis 1975, le montant de la prestation d’AIP du RARM correspond à 75 p. 100 de la solde du membre au moment de sa libération, moins les réductions applicables.

            En 1976, la couverture assurée par le RARM a été élargie afin d’inclure les blessures subies en cours de service, puisque dans certains cas les pensions versées en application de la Loi sur les pensions ne suffisaient pas.  Par conséquent, les membres atteints d’invalidité totale qui ont droit à une pension d’invalidité non imposable versée en application de la Loi sur les pensions ont aussi droit, en vertu de l’AIP, à recevoir, toutes sources confondues, 75 p. 100 de la solde qu’ils touchaient au moment d’être libérés.

            Les pensions d’invalidité découlant de la Loi sur les pensions ont été ajoutées à la liste des réductions applicables à l’AIP([3]), en partie parce que le cumul des paiements d’invalidité provenant de deux sources fédérales pour une même blessure va à l’encontre des intentions du Conseil du Trésor à l’égard de ces régimes([4]).  En réduisant les prestations du RARM, on fait également en sorte que le montant des prestations d’assurance-invalidité ne soit pas supérieur au revenu et que la valeur nette des prestations accordées soit comparable, que l’invalidité soit liée au service militaire ou non.  Cette pratique a aussi permis à l’assureur de réduire au minimum le coût de l’AIP ainsi que le coût des primes, dont le financement est partagé par le Conseil du Trésor (85 p. 100) et les membres des FC (15 p. 100).

            À l’origine, les pensions versées aux termes de la Loi sur les pensions étaient payables uniquement quand le militaire était libéré des FC.  En 1971, la Loi a été modifiée afin que les membres des FC blessés dans une zone de service spécial (ZSS) puissent recevoir une pension d’invalidité, tout en restant en service.  En octobre 2000, Anciens Combattants Canada a parrainé une modification à la Loi sur les pensions pour rendre admissible aux pensions d’invalidité les membres des FC blessés, peu importe où ils ont été blessés.  Cette modification était destinée à rétablir la parité entre les membres actifs, mais elle a eu pour conséquence inattendue de soulever des doutes quant à l’équité de réduire les prestations d’AIP du RARM versées aux anciens combattants, ce qui a donné lieu, en octobre 2003, à une enquête par l’Ombudsman de la MDN et des FC.

 

LE PROBLÈME 

                        Au fil des années, de nombreux anciens combattants ont été libérés des FC pour des raisons médicales, à cause de blessures liées au service militaire.  Certaines de ces blessures sont si débilitantes que l’ancien militaire n’a pas pu occuper un emploi au civil.  S’il était chanceux, et avait souscrit au RARM, il touchait des prestations d’AIP conçues pour fournir 75 p. 100 de la solde reçue au moment de la libération des FC.  Ces paiements étaient versés pendant deux ans, après quoi ils pouvaient continuer au besoin.

                        Les anciens combattants blessés dans l’exercice de leurs fonctions sont aussi admissibles à une pension d’invalidité en vertu de la Loi sur les pensions, laquelle est administrée par AAC.  Le montant de cette pension d’invalidité peut varier selon la gravité de la blessure, mais la pension est toujours exempte d’impôt et n’est pas considérée comme un revenu d’emploi aux fins de Revenu Canada.

            Cependant, le RARM, pour sa part, considère comme un revenu les pensions d’invalidité versées aux termes de la Loi sur les pensions, de sorte que lorsqu’un ancien combattant blessé reçoit ce type de paiement, le RARM réduit les prestations d’AIP d’un montant équivalent.  De cette façon, le montant total que touche l’ancien combattant continue de correspondre à 75 p. 100 de la solde à la date de sa libération des FC.  De nombreux anciens combattants se sont plaints que cette récupération par le RARM est injuste.

            De plus, si un ancien combattant blessé touche, en vue d’une blessure X, des prestations d’AIP du RARM réduites du montant équivalent à la pension d’invalidité versée en vertu de la Loi sur les pensions, il subira une autre réduction des prestations d’AIP correspondant aux montants des paiements d’invalidité distincts reçus pour une blessure Y, qui peut n’avoir aucun lien avec la blessure X en fonction de laquelle a été calculé à l’origine les paiements d’AIP du RARM.  Cela signifie qu’un ancien combattant qui commence à recevoir une pension d’invalidité aux termes de la Loi sur les pensions en raison d’une perte d’ouïe, subira une déduction d’un montant équivalent de ses prestations d’AIP du RARM accordées pour son problème de genoux.  Cette situation est aussi considérée très injuste par les anciens combattants.

            Il existe encore un autre élément qui exacerbe l’impression d’injustice.  Les cotisations au régime d’AIP du RARM sont obligatoires pour les membres actifs des FC.  Les anciens combattants, après avoir payé des primes d’assurance pendant de nombreuses années, voient leurs prestations, qu’ils affirment avoir payées, réduites juste au moment où ils en ont le plus besoin.

 

DISCUSSION

                        Il convient de souligner que cette question ne vise pas les anciens militaires auxquels s’applique la nouvelle Charte des anciens combattants[5].  Par conséquent, la question des réductions des prestations d’AIP du RARM est circonscrite entre les années 1976 et 2006.

                        L’assurance invalidité prolongée du RARM relève du Conseil du Trésor.  Les modifications apportées aux contrats ou aux taux doivent être approuvées par le Secrétariat du Conseil du Trésor qui fait ensuite une présentation au Conseil du Trésor s’il y a lieu.  Le Chef d’état-major de la Défense (CEND) est le propriétaire de la police et, à ce titre, porte la responsabilité, en vertu du pouvoir qui lui est délégué, de conclure ou de rompre au nom des FC toute relation contractuelle avec l’assureur (Manuvie) et de suivre la gestion des régimes d’AIP.

                        La réduction des prestations d’AIP est une pratique courante et acceptée dans le secteur de l’assurance([6]).  L’AIP du RARM garantit aux anciens combattants invalides un pourcentage plus élevé du salaire au moment de la libération que ce que prévoient la plupart des autres régimes du gouvernement.  De plus, étant donné que la pension mensuelle versée en vertu de la Loi sur les pensions est non imposable et que les réductions à l’AIP du RARM sont effectuées en montants absolus, la prestation d’invalidité nette du demandeur, après impôt, augmente et finit par dépasser 75 p. 100 de la solde au moment de la libération.

                        La décision de 1976 portant que les prestations d’AIP s’appliquent aux invalidités liées au service a été prise afin que les bénéficiaires de la Loi sur les pensions ne soient pas défavorisés par rapport à ceux qui touchent des prestations d’AIP pour des raisons qui ne sont pas liées au service, et non pour qu’ils reçoivent plus.  Cet objectif a été réalisé.  Les membres actifs des FC qui touchent une pension d’invalidité reçoivent plus d’argent qu’avant la modification apportée à la Loi sur les pensions en octobre 2000, mais les anciens combattants invalides, bien qu’ils ne touchent ni plus ni moins d’argent qu’avant, en reçoivent moins que les membres actifs des FC, d’où une impression d’injustice.  Un membre blessé des FC qui reste actif reçoit à la fois sa pleine solde et la pension d’invalidité.  Un ancien militaire plus gravement blessé reçoit une pension d’invalidité et seulement la part de l’AIP du RARM nécessaire pour que le montant total qu’il touche corresponde à 75 p. 100 de la solde à la date de sa libération.

 

CONSTATATIONS

                        Il s’agit d’une question extrêmement complexe, mais le Sous-comité s’est évertué à se concentrer sur la question centrale, à savoir si la méthode actuelle, qui réduit les prestations d’AIP du RARM versées aux anciens combattants, est juste.  Nous avons conclu qu’elle ne l’est pas.

                        Le rapport spécial de l’Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes d’octobre 2003 présente une analyse détaillée de la question et nous constatons avec plaisir qu’il en vient à la même conclusion que nous.  Il juge aussi injustes les réductions des AIP du RARM([7]).  En fait, tous les témoins qui ont comparu devant nous, à l’exception de ceux du ministère de la Défense nationale (MDN), conviennent que les réductions sont injustes.

                        Le rapport de l’Ombudsman contenait cinq recommandations dont trois ont été mises en œuvre.  Malheureusement, le ministère de la Défense nationale a décidé de ne pas donner suite aux deux principales recommandations, soit qu’on mette fin immédiatement à la réduction des prestations d’AIP du RARM et que l’on rembourse les anciens combattants assujettis à ces réductions depuis 2000. 

                        Au cours de notre étude sur la question, nous avons demandé au ministère de la Défense nationale de nous fournir deux éléments d’information.  Premièrement, nous lui avons demandé le paiement moyen d’AIP du RARM pour l’exercice écoulé.  Deuxièmement, nous lui avons demandé de calculer le coût du remboursement de tous les anciens combattants dont les prestations d’AIP du RARM avaient été réduites depuis 1976.  Les deux demandes ont été adressées aux témoins du Ministère quand ils ont comparu le 30 avril 2008.  Au moment de la publication du présent rapport, le Ministère ne nous avait pas encore répondu.

 

SUIVI

            Le Sous-comité se soucie de tous les anciens combattants dont les prestations d’invalidité prolongée au titre du Régime d’assurance-revenu militaire ont été réduites depuis 1976. Nous reviendrons sur la question complexe du remboursement plus tard cette année, lorsque le ministère de la Défense nationale nous aura communiqué les informations que nous lui avons demandées. 

 

RECOMMANDATION 

Que le gouvernement cesse immédiatement de réduire les prestations d’AIP du RARM accordées aux anciens combattants d’un montant équivalent à la pension d’invalidité versée en vertu de la Loi sur les pensions.


LISTE DES TÉMOINS

Nom de l’organisme et représentants

Date de comparution


L'honorable Gregory Francis Thompson, C.P., député, Ministre des Anciens Combattants Canada

5 mars 2008

Services financiers du RARM :

·         André Bouchard, président

Ministère de la Défense nationale :

·         Brigadier-général David Martin, président-directeur général, Agence de soutien du personnel des Forces canadiennes

30 avril 2008

La Légion royale canadienne :

·         Jack Frost, président national

·         Pierre Allard, directeur, Bureau d'entraide

À titre personnel :

·         Capt (ret) Sean Bruyea

·         Dennis Manuge

·         Peter Driscoll

7 mai 2008


 

([1])     Voir les détails du régime d’AIP du RARM à (http://www.sisip.ca/fr/Downloads_f/901102_f.pdf, consulté en juin 2008).

([2])     Ministère de la Justice du Canada.  Loi sur les pensions (L.R., 1985, ch. P-6), (http://laws.justice.gc.ca/fra/lois/p-6/index.html, consulté en juin 2008).

([3])     Le montant des prestations doit être réduit du total des montants provenant des sources suivantes : la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes; le Régime de pensions du Canada ou la Régie des rentes du Québec; tout revenu d’emploi (réduction partielle dans le cas d’un programme de réadaptation); la Loi sur les pensions, y compris les indemnités de personnes à charge.  Voir les détails du régime d’AIP du RARM, Partie III, Section 2, paragraphe 24, (http://www.sisip.ca/fr/Downloads_f/901102_f.pdf, consulté en juin 2008).

([4])     5060-1 (CMP) Note de service du chef du personnel militaire au chef d’état-major du ministre de la Défense nationale.  Rapport spécial de l’Ombudsman de la MDN et des FC : Déductions injustes des paiements du RARM effectués à d’ex‑membres des FC, 2 mai 2006.  Divulguée en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

([5]) La nouvelle Charte des anciens combattants est entrée en vigueur en 2006. Elle prévoit l’octroi d’un montant forfaitaire pour blessure invalidante subie dans le contexte du service militaire. Ce montant forfaitaire est sans effet sur les prestations d’invalidité prolongée du Régime d’assurance-revenu militaire. On trouvera de plus amples renseignements sur la Charte sur le site du ministère des Anciens combattants (http://www.vac-acc.gc.ca/) et sur celui de la Légion royale canadienne (http://www.legion.ca/fr/action-sociale/nouvelle-charte-des-anciens-combattants-des-changements-simposent/). Documents consultés en juin 2008.

([6])     5060-1 (CMP) Note de service du chef du personnel militaire au chef d’état-major du ministre de la Défense nationale.  Rapport spécial de l’Ombudsman de la MDN et des FC : Déductions injustes des paiements du RARM effectués à d’ex‑membres des FC, 2 mai 2006.  Divulguée en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

([7])     Rapport spécial de l’Ombudsman de la MDN et des FC.  Déductions injustes des paiements du RARM effectués à d’ex‑membres des FC, octobre 2003, (http://www.ombudsman.forces.gc.ca/rep-rap/sr-rs/sis-rar/index-fra.asp, consulté en juin 2008).


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