Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 2 - Témoignages du 29 novembre 2007
OTTAWA, le jeudi 29 novembre 2007
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 33, afin d'étudier de nouvelles questions concernant son mandat et d'en faire rapport.
[Traduction]
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
Le président : Bonjour. Je suis heureux de vous accueillir au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je suis le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta, et j'ai l'honneur d'être le président de ce comité.
Avant de commencer, j'aimerais vous présenter les membres du comité : le sénateur Trenholme Counsell, du Nouveau-Brunswick, le sénateur Campbell, de la Colombie-Britannique, le sénateur Brown, de l'Alberta, le sénateur Adams, du Nunavut, le sénateur Cochrane, de Terre-Neuve-et-Labrador et le sénateur Spivak, du Manitoba.
Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Ronald Thompson, commissaire à l'environnement et au développement durable par intérim. M. Thompson est accompagné de M. Andrew Ferguson et de M. Richard Arseneault, qui occupent tous les deux un poste de directeur principal au Bureau du vérificateur général.
Le 30 octobre de l'an dernier, en vertu de la Loi sur le vérificateur général, le commissaire a présenté son rapport annuel à la Présidente intérimaire du Sénat. Ce rapport est composé de deux chapitres. Le premier traite du développement durable au sein du gouvernement, et le deuxième, des pétitions en matière d'environnement que reçoit le Bureau du vérificateur général.
Monsieur Thompson, la parole est à vous.
Ronald Thompson, FCA, commissaire à l'environnement et au développement durable par intérim, Bureau du vérificateur général du Canada : Nous sommes heureux d'être ici pour répondre à vos questions et pour discuter de notre rapport annuel de 2007 qui a été déposé le 30 octobre au Parlement. Les deux questions dont traite ce rapport font partie intégrante du mandat que le Parlement a confié il y a environ 12 ans au commissaire à l'environnement et au développement durable. Comme l'a mentionné le sénateur Banks, le rapport porte sur les stratégies de développement durable et les pétitions en matière d'environnement.
[Français]
Les stratégies de développement durable portent sur des enjeux qui intéressent l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens — la protection de l'environnement, la prospérité économique et des questions sociales telles que la santé.
Ces enjeux sont interdépendants. Par exemple, on reconnaît de plus en plus que la santé économique du Canada dépend de la santé de l'environnement.
Il y a une dizaine d'années, le Parlement demandait aux ministères de préparer des stratégies de développement durable pour les encourager à adopter des politiques et des programmes qui tiennent compte de l'environnement.
Les ministères devaient considérer non seulement les aspects économiques et sociaux, mais aussi la protection de l'environnement lors de l'élaboration de politiques et dans la gestion de leurs activités et de leurs programmes.
[Traduction]
Nous surveillons les stratégies de développement durable depuis plus d'une décennie. Malheureusement, l'ambition et la détermination qui ont marqué le début de l'initiative des stratégies de développement durable se sont estompées. Pour nous, les stratégies se sont avérées très décevantes.
Lors de notre vérification de cette année, nous avons trouvé très peu d'éléments probants indiquant que les stratégies se sont améliorées ou qu'elles ont encouragé les ministères à intégrer réellement la protection de l'environnement aux enjeux socioéconomiques. Cette année, j'invite le gouvernement à faire un examen approfondi de ce qui doit être corrigé. L'examen devrait donner lieu à un plan d'action concret qui permettra au gouvernement de répondre enfin aux attentes du Parlement en matière de développement durable.
Je suis heureux que le gouvernement accepte notre recommandation d'effectuer un examen et qu'il se soit engagé à le terminer d'ici octobre 2008. J'espère vraiment que votre comité suivra de près cet examen. Je crois qu'il pourrait être utile de tenir une audience séparée avec Environnement Canada, qui dirigera l'examen, pour discuter des objectifs, de la démarche et du plan de travail.
C'est le moment idéal pour effectuer cet examen. Les Canadiens accordent beaucoup d'importance aux questions environnementales, et le gouvernement dispose du temps nécessaire pour adapter son approche avant le dépôt des prochaines stratégies en 2009.
[Français]
Le deuxième chapitre de mon rapport, qui traite des pétitions en matière d'environnement, comporte des résultats beaucoup plus satisfaisants.
Les pétitions sont des lettres envoyées à la vérificatrice générale par des citoyens qui souhaitent présenter leurs questions et leurs préoccupations aux ministres fédéraux.
Les ministres sont tenus de répondre aux lettres, par écrit, dans un délai de 120 jours. Le commissaire gère ce processus au nom de la vérificatrice générale.
Notre étude rétrospective sur les pétitions montre que les pétitionnaires apprécient ce processus, qui leur fournit une tribune pour exprimer leurs préoccupations et leur garantit une réponse officielle.
Selon les pétitionnaires et les fonctionnaires du gouvernement, les pétitions ont eu un impact sur la façon dont le gouvernement gère certaines questions environnementales et de développement durable.
[Traduction]
Nous avons également cerné des façons d'améliorer le processus de pétition, par exemple en sensibilisant davantage les Canadiens à celui-ci. Selon nous, les pétitions en matière d'environnement sont un élément important de notre démocratie. Elles favorisent la participation du public, la transparence et la reddition des comptes du gouvernement à l'égard des questions environnementales qui préoccupent la population canadienne.
J'aimerais, à titre de conclusion, dire quelques mots sur nos travaux futurs. En février prochain, nous avons l'intention de présenter au Parlement un rapport d'étape, le rapport Le Point, qui contiendra environ 14 chapitres. Ceux-ci feront état des progrès réalisés par le gouvernement sur des questions que nous avons vérifiées par le passé, comme les substances toxiques, les espèces menacées, les sites contaminés et les évaluations environnementales stratégiques.
D'après notre expérience, de nombreux parlementaires trouvent le rapport Le Point utile, car il indique clairement les cas où les progrès réalisés depuis nos vérifications ont été insuffisants. Si, en février prochain, certains de ces chapitres intéressent le comité, nous serions heureux de témoigner devant vous pour en discuter.
Quant à l'avenir, nous commençons tout juste des vérifications sur des sujets comme la pollution atmosphérique, dont les émissions de gaz à effet de serre, la prévision des conditions météorologiques violentes et la qualité de l'eau.
Le président : Merci. Nous avons bien des questions à vous poser.
[Français]
Le sénateur Nolin : Monsieur le commissaire par intérim, selon les multiples rapports précédents, vous avez affirmé que les stratégies de développement durable étaient extrêmement décevantes. Je ne sais pas si vous avez soulevé ce point dans vos remarques liminaires avant que j'arrive. À votre avis, y a-t-il une lueur d'espoir, ou a-t-on affaire à des bureaucrates qui vont inventer toutes sortes de méthodes et d'arguments pour ne pas faire face à leurs responsabilités?
[Traduction]
M. Thompson : On m'a toujours accusé d'être un optimiste et je vais continuer de l'être. Le processus en matière d'énergie durable suscite beaucoup d'espoir, plus d'espoir que ce que nous avons vu depuis longtemps. Des stratégies de développement durable ont été mises en œuvre il y a dix ans. L'évocation d'un nouveau processus au sein du gouvernement n'a peut-être pas été bien reçue, car à l'époque, nous étions aux prises avec des déficits et d'autres problèmes. C'est derrière nous maintenant. Actuellement, les Canadiens connaissent bien les questions environnementales et ils sont très préoccupés par celles-ci. Nous pouvons déceler un certain changement qui se dessine au sein du gouvernement en vue de faire face à ces questions. Ce dernier a convenu de réexaminer le processus de stratégie de développement durable afin de vérifier s'il est possible de l'exploiter tel qu'il avait été prévu initialement. Des comités comme celui-ci s'intéressent à la question et exercent des pressions sur le gouvernement pour que cet examen soit effectué comme il se doit. Il y a donc tout lieu d'espérer, et je suis optimiste que ce processus sera ranimé et qu'il prendra de la vigueur.
Le sénateur Nolin : Je suis certain que l'on peut tirer des enseignements de l'expérience d'ailleurs. Existe-t-il un modèle que nous pouvons suivre pour dégager les bonnes nouvelles et faire ressortir ceux qui dépassent les attentes?
Que faisons-nous de ceux qui ne prennent absolument pas leurs responsabilités?
M. Thompson : C'est une bonne question. Nous avons examiné les stratégies de développement durable ministère par ministère pendant presque une décennie. Nous les avons comparées entre elles et nous nous sommes rendu compte que cet exercice n'avait pas conduit à leur amélioration. Il est temps de procéder à un examen fondamental du processus global dans le cadre duquel s'élaborent les stratégies qui sont publiées tous les trois ans. Des éléments qui font actuellement défaut dans le processus devraient y être inclus.
Par exemple, le gouvernement du Canada ne dispose pas d'une stratégie pangouvernementale en matière de développement durable. Mais, quand on y pense, le développement durable est une question pangouvernementale, et non une question qui se traite à l'échelle de chaque ministère. Nous sommes pleins d'espoir que cet examen déterminera si le gouvernement peut mettre en place une stratégie globale. Si une telle stratégie était adoptée, l'étape suivante consisterait à la déployer dans chaque ministère. De la sorte, les ministères pourraient contribuer à quelque chose de concret. À l'heure actuelle, ils travaillent seuls, sans coordination; c'est chacun pour soi, ce qui n'est pas très judicieux. Il n'est pas surprenant qu'ils ne portent pas attention à ces stratégies; ils ne savent pas où elles s'insèrent dans le plan de la gestion gouvernementale. Une stratégie pangouvernementale clarifierait cette question et encouragerait les ministères à bien mettre en œuvre cette stratégie.
Il y a un autre point que nous avons mentionné aux autres au cours des deux ou trois dernières années. Dès que le gouvernement mettra en place un meilleur processus de stratégie de développement durable avec une stratégie pangouvernementale, au moins en partie au début, il sera important d'ajouter à ce processus des récompenses pour la bonne conduite et l'adoption de stratégies efficaces, ainsi que des sanctions pour l'obtention de mauvais résultats. Nous demandons au gouvernement de porter attention à cette question lors de l'examen. Comment fonctionnera le processus complet? Comment peut-il fonctionner? Il faut qu'il intègre des récompenses et des sanctions.
Le sénateur Nolin : Nous croyons comprendre qu'il n'y aura pas de sanction.
M. Thompson : Nous avons examiné un certain nombre de ministères afin de déterminer si nous pouvions trouver des ententes entre les ministres et les sous-ministres ou entre les sous-ministres et les sous-ministres adjoints. Nous avons découvert qu'il y en a très peu, quand il y en a, qui portent sur les stratégies de développement durable. Elles sont plutôt rares et, dans le monde actuel où l'environnement constitue une question tellement importante, il ne devrait pas en être ainsi.
Le président : Monsieur Thompson, corrigez-moi si je fais erreur, mais je me rappelle que, sous le gouvernement Mulroney, aucune initiative proposée ne pouvait suivre son cours sans avoir fait l'objet d'une évaluation environnementale, comme ce fut toujours le cas avec le Conseil du Trésor, par exemple. Vous en souvenez-vous? Ne serait-ce pas la mesure la plus efficace pour mettre en œuvre ce que vous proposez?
M. Thompson : Je ne m'en souviens pas. Si vous me le permettez, je vais demander à M. Arseneault ou à M. Ferguson de répondre à cette question.
Richard Arseneault, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Monsieur le président, vous faites référence au Plan vert, dans le cadre duquel le gouvernement a élaboré de nouveaux outils institutionnels. En 1990, l'un d'eux consistait en une évaluation environnementale stratégique à laquelle était soumise toute proposition faite au Cabinet. Les sénateurs se souviendront sans doute que nous avons examiné le Plan vert en 2004 relativement aux directives du Cabinet et que nous avons constaté que, lorsqu'un fonctionnaire de haut niveau — sous-ministre — dirigeait les activités, les ministères obtenaient de bons résultats parce qu'ils se conformaient aux directives du Cabinet. Évidemment, un tel outil nécessite un processus systématique, car des propositions sont constamment présentées au Cabinet. Par conséquent, vous devez établir un processus afin de veiller à ce que ces étapes soient respectées. Évaluer les impacts environnementaux d'une politique n'est pas chose aisée. Parfois, vous devez faire des recherches.
En 2004, nous nous sommes rendu compte que le rendement n'était pas très bon. Nous assurons le suivi de cette question et nous rendrons publiques nos conclusions dans le rapport d'étape de février 2008. Fait intéressant, cet outil institutionnel ressemble à un autre qui a été mis en place — soit les stratégies de développement durable. Ni l'un ni l'autre de ces outils n'est très efficace.
M. Thompson : Nous ne voulons pas discuter aujourd'hui de ce que contiendra le rapport de février. Rétrospectivement, l'année 2004 n'a pas été très bonne.
En réponse à votre question, ces deux processus ne sont pas incompatibles. Ils peuvent être appliqués conjointement, et devraient l'être. Tout au moins, en faisant l'exercice, je ne crois pas qu'il serait judicieux de prétendre que l'on pourrait se débarrasser du processus de stratégie de développement durable si nous ranimions l'autre processus. Ils peuvent être appliqués conjointement, et devrait l'être, parce qu'ils accomplissent des choses différentes.
M. Arseneault : Un autre programme qui a été mis en œuvre à l'époque, c'est la gérance de l'environnement lancée dans le cadre du Plan vert et aux termes de laquelle les ministères devaient préparer des plans d'action indiquant les mesures qu'ils prendraient pour protéger l'environnement. Cette initiative a été remplacée en 1995 par le nouveau processus de stratégies de développement durable. Nous avons suivi au cours des ans l'évolution de ce processus et avons signalé ses principales faiblesses. Afin d'améliorer le processus, nous avons formulé des recommandations, qui ont reçu un bon accueil. Le gouvernement a déclaré qu'il élaborerait une stratégie fédérale de développement durable. Il a fait cette promesse plusieurs fois. Où est cette stratégie? N'est-elle pas encore élaborée?
Le président : Elle existe, en principe, mais comme l'a souligné le sénateur Nolin, si aucune pression n'est exercée, il y a peu de chances qu'elle voit le jour.
Le sénateur Cochrane : Je sais que, de votre point de vue, nous devrions avoir une stratégie de développement durable. Comment met-on en œuvre cette stratégie?
M. Thompson : Dans une large mesure, nous mettrions en œuvre la stratégie pangouvernementale de développement durable par l'intermédiaire des stratégies de chaque ministère en la matière. Celles-ci constitueraient des outils pour transmettre l'information et permettraient aux ministères d'établir leur propre contribution à la stratégie pangouvernementale. Ainsi, afin de contribuer aux objectifs globaux, chaque ministère déterminerait ses propres stratégies en fonction de ses activités fondamentales. Tous les trois ans, les stratégies de développement durable de chaque ministère seraient divulguées et on indiquerait comment chacun d'eux contribue aux efforts que déploie à cet égard le gouvernement dans son ensemble. Il s'agit donc d'une approche concrète, ciblée et axée sur les résultats, à propos de laquelle le comité ou d'autres comités pourraient inviter des fonctionnaires à s'expliquer : « Vous avez dit que vous feriez telle chose, vous en avez fait plus ou vous en avez fait moins, expliquez-nous pourquoi. « C'est ainsi que nous voyons comment les divers éléments s'imbriqueraient.
Le sénateur Cochrane : En 1998, le rapport du commissionnaire indiquait que presque tous les ministères n'avaient pas réussi à fixer des objectifs clairs et, de nouveau en 1999, les ministères ont été chargés de mettre en œuvre des stratégies, mais des objectifs clairs faisaient toujours défaut. Cette situation s'est poursuivie, et nous nous demandons quand on y remédiera. Nous avons besoin d'objectifs clairs. Employons-nous à les fixer.
Puisque si peu d'efforts ont été déployés, y a-t-il des obstacles qui empêchent les ministères d'agir? Dans l'affirmative, quels sont-ils? Pouvons-nous, les parlementaires, faire quoi que ce soit pour aider à supprimer des obstacles?
M. Thompson : Il existe deux grands obstacles. Le premier consiste en l'absence absolue d'une stratégie pangouvernementale. Quand on y pense, si un ministère particulier doit agir de façon efficace et concevoir une stratégie de développement durable satisfaisante pour lui-même, il doit le faire un peu sous le coup de l'urgence, comme s'il faisait quelque chose d'utile en fonction des objectifs globaux du gouvernement du moment. L'absence d'une stratégie pangouvernementale est l'une des raisons principales qui fait que ces stratégies individuelles ne sont pas très efficaces.
Le deuxième obstacle, c'est que les parlementaires n'ont pas manifesté beaucoup d'intérêt pour cette question, peut- être à cause des documents qui n'ont pas été très intéressants. On peut le comprendre. Toutefois, dans une perspective d'avenir, si les parlementaires exprimaient leur intérêt, et si les stratégies pouvaient être améliorées — et je crois qu'elles peuvent l'être — et si les parlementaires, dotés de meilleures stratégies, pouvaient amener les ministères à discuter des mesures qu'ils prennent dans le domaine essentiel de la protection de l'environnement, ainsi que dans d'autres domaines, il n'y aurait alors pas seulement une demande à l'égard de telles stratégies, mais également des pressions pour qu'elles soient élaborées, et bien élaborées.
Selon moi, et je suis au Bureau du vérificateur depuis plus de 30 ans, des mesures concrètes sont prises dans un domaine quand les parlementaires manifestent de l'intérêt. S'ils n'expriment aucun intérêt, il existe de nombreuses autres initiatives ou crises sur lesquelles les fonctionnaires, très occupés, peuvent se pencher. Toutefois, quand un parlementaire invite un fonctionnaire à comparaître devant un comité pour discuter d'une question, que ce soit une stratégie de développement durable ou des états financiers, croyez-moi, nous nous présentons et nous le faisons bien préparés.
Andrew Ferguson, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Ces stratégies de développement durable visaient à accélérer un changement fondamental dans la manière dont l'environnement et le développement durable sont considérés par le gouvernement. Jusqu'en 1995 environ, quand ces nouvelles stratégies ont été mises en œuvre, des services de l'environnement étaient créés en vue de jouer un rôle plus défensif en matière d'environnement. Ils devaient protéger l'environnement, alors que la plupart des autres services avaient d'autres rôles à jouer, par exemple accroître la prospérité économique ou assurer l'éducation et des soins de santé. Par l'adoption des nouvelles stratégies, on cherchait à rendre chaque ministère responsable de la protection de l'environnement pendant qu'il réalisait ses autres programmes. Les ministères devaient comprendre les répercussions de leurs programmes sur l'environnement en général et mettre en œuvre des stratégies qui accentueraient les éléments positifs tout en atténuant les éléments négatifs de leurs programmes.
Il s'agissait d'un changement fondamental; on passait d'un seul ministère qui jouait un rôle défensif à tous les ministères qui devaient désormais comprendre comment leurs politiques et programmes, qui stimulent l'économie, inciteraient également à la protection de l'environnement. Mais ce résultat ne s'est pas concrétisé, et c'est ce qui doit se passer. Il faut sérieusement préconiser ce changement afin que tous les ministères jouent un rôle actif dans l'évaluation de l'incidence de leurs politiques ou programmes sur la dégradation ou la protection de l'environnement.
Le sénateur Trenholme Counsell : Cet exposé était très intéressant. C'est une véritable sonnette d'alarme. Si nous avions besoin d'être réveillés ce matin, nous le sommes maintenant.
Vous avez parlé de nombreuses questions qui m'ont secouée. Ce que j'ai d'abord noté et remarqué le plus souvent lors de votre intervention et à la suite de celle-ci, c'est que l'élan s'est atténué. Je n'arrive pas à le croire : l'élan s'est atténué.
Vous avez mentionné de nombreux autres points. Vous avez parlé d'un processus orphelin qui a besoin d'être revitalisé. Vous avez également dit que les parlementaires manifestaient peu d'intérêt. Lorsqu'il m'arrive de suivre la période des questions à la télévision, et je ne sais pas si vous considérez cela comme une preuve convaincante de quoi que ce soit, ou lorsque je lis les journaux nationaux, j'ai l'impression que les parlementaires affichent un grand intérêt. Je me demande si cette affirmation voulant que les parlementaires manifestent peu d'intérêt met plutôt en évidence un manque d'intérêt pour les rouages du gouvernement et un grand intérêt pour les questions environnementales et internationales.
Par ailleurs, j'aimerais aussi savoir s'il est un gouvernement fédéral ou national qui pourrait servir d'exemple, étant donné que nous semblons devoir suivre de meilleurs modèles.
M. Thompson : Laissez-moi commencer par une autre observation.
Les gens considèrent la vérification législative comme un travail rétrospectif à portée historique qui « porte le coup de grâce ». Je ne suis pas de cet avis. Nous avons critiqué ce processus parce que nous estimons primordial qu'il fonctionne bien, ce qui n'est pas le cas, à notre avis.
Nous tentons, par cette vérification, de nous tourner vers l'avenir et de voir s'il existe une façon de raviver et de restructurer ce processus qui, selon nous, est d'une importance capitale, et de faire en sorte qu'il remplisse ses objectifs. Bien que nous ayons analysé le passé, nous mettons véritablement l'accent sur l'avenir. C'est ainsi que la recommandation s'inscrit dans l'examen que nous demandons. Nous espérons que cela portera fruit et, à vrai dire madame le sénateur, je suis optimiste et je crois qu'avec de la bonne volonté, nous parviendrons à de bons résultats.
L'élan s'est vraiment atténué. Je me souviens de l'époque où le Guide de l'écogouvernement a été publié, guide dans lequel a été rendu public le processus d'élaboration des stratégies de développement durable. On portait alors un grand intérêt à la question à l'échelle du pays. Le guide a été appliqué dans les ministères et les organismes puis, pour une raison que j'ignore, peut-être parce que d'autres questions de l'heure ont eu préséance, il a été tout simplement jeté aux oubliettes.
Jusqu'à aujourd'hui, le processus d'élaboration des stratégies de développement durable qui a été mis en place et qui portait beaucoup d'espoir il y a dix ans a simplement piétiné. La plupart des ministères et des organismes y consacrent très peu de temps, car ils ne voient simplement pas comment ce processus s'inscrit dans leur sphère d'activité. À mon avis, voilà où réside le problème, et il est possible d'y remédier. J'espère que ce problème sera réglé.
Pour ce qui est du manque d'intérêt des parlementaires, mon observation se rapportait au délai du processus d'élaboration des stratégies de développement durable et non à l'intérêt porté à l'environnement. De toute évidence, on s'intéresse énormément à l'environnement ces jours-ci, et je crois bien que cet intérêt va croissant.
Si l'on faisait subir une cure de rajeunissement au processus d'élaboration des stratégies de développement durable, par exemple en mettant en œuvre une stratégie pangouvernementale à laquelle pourraient contribuer les ministères et les organismes, les diverses initiatives isolées — et on compte à ce jour beaucoup de mesures efficaces de protection de l'environnement dans des ministères et organismes — pourraient être mieux coordonnées. On pourrait les regrouper et bien les définir. Il serait ainsi plus facile de mettre en ordre de priorité les mesures que prennent les divers ministères et de décider comment et quand il conviendrait d'agir. D'un point de vue prospectif, cette façon de faire serait très fructueuse, et c'est pourquoi nous y accordons une si grande importance.
Pensez aux ouvrages publiés tous les trois ans. Ils semblent bons et intéressants et sont imprimés sur du beau papier lustré. Des ouvrages intéressants en apparence, mais quelle est leur utilité? Quelle est leur importance? Contribuent-ils réellement à améliorer l'environnement au Canada? Nous n'en sommes pas certains, mais nous croyons qu'ils le peuvent.
C'est vraiment envers le processus que l'on constate un manque d'intérêt. Nous préconisons ce processus, car nous avons grand espoir que, s'il est restructuré, il pourra favoriser une meilleure gouvernance dans notre pays.
Deux autres pays ont recours à une stratégie globale. À vrai dire, il s'agit d'une approche assez nouvelle. Lorsqu'il est question d'enjeux environnementaux, la Suède est toujours au rendez-vous et elle applique une stratégie globale pour l'environnement. Des objectifs sont fixés dans les hautes sphères du gouvernement et ils sont diffusés aux ministères qui contribueront à leur réalisation. Ce processus n'en est qu'à ses balbutiements en Suède, mais nous pourrions aussi l'envisager. Nous espérons que ce point sera abordé dans le cadre de l'examen. Le Royaume-Uni a entrepris la même démarche. Il est en train d'établir des objectifs globaux et s'efforcera de les diffuser dans les différents ministères.
Le gouvernement du Québec a également mis en œuvre une stratégie de développement durable pour l'ensemble de la province. Lui aussi s'efforce de diffuser sa stratégie globale dans ses divers ministères pour leur donner l'occasion de contribuer à l'objectif d'une façon concrète.
Nous espérons que les responsables d'Environnement Canada qui dirigent cet examen s'entretiendront avec certaines personnes pour tirer parti de leur expérience.
M. Arseneault : J'aimerais ajouter que d'autres pays que ceux que nous avons mentionnés jusqu'ici ont aussi mis sur pied des stratégies nationales ou fédérales, des stratégies de gouvernement central. L'Allemagne, par exemple, l'a fait en se donnant une longue liste d'objectifs et de cibles. Pour l'Allemagne, tout comme pour le Canada, la difficulté réside dans la mesure du progrès. C'est souvent à cet égard que les gouvernements échouent. Ils ne se dotent pas de mécanismes qui leur permettraient de déterminer s'ils ont fait ou non des progrès dans l'atteinte de leurs cibles. C'est là que réside la principale difficulté, et nous espérons que l'examen du système fédéral canadien insistera sur le suivi et la mesure ainsi que sur le compte rendu à la population canadienne des progrès accomplis.
Le président : Il ne fait aucun doute que toute la bonne volonté du monde ne mènera à rien s'il nous est impossible de savoir, faute de système de mesure, si les objectifs ont été atteints.
M. Arseneault : Comme vous le savez, nous avons examiné diverses stratégies par le passé. Nous avons examiné les stratégies mises en œuvre par Finances Canada depuis 2004. D'extraordinaires engagements ont été pris par le ministère. Toutefois, nous avons commencé à demander à ses fonctionnaires le sens qu'ils donnaient à ces engagements, et nous avons découvert qu'ils ne leur donnaient pas le même sens que nous. Nous leur avons ensuite proposé de profiter de l'examen du régime fiscal pour déceler la présence d'éléments qui pouvaient avoir une incidence sur l'environnement; nous leur avons recommandé de prendre au besoin certaines mesures correctives, mais ils ont ni plus ni moins rejeté notre proposition. Ils tenaient à poursuivre ce qu'ils avaient commencé, sans plus.
Le président : Notre comité et d'autres comités sénatoriaux ont entendu divers gouvernements successifs de toutes allégeances dire de belles paroles sans jamais passer à l'acte.
M. Arseneault : En effet. Le fait est que, sur papier, leurs engagements étaient valables, mais ceux que nous avons vérifiés se sont trouvés dilués dans les stratégies qui ont suivi.
Le sénateur Adams : Nous vous remercions d'être venu, monsieur Thompson. Vous connaissez le Nunavut et je peux donc me permettre de vous poser quelques questions qui concernent le Nunavut.
Vous avez mentionné le rapport d'étape qui sera présenté en février prochain et vous avez signalé que 14 de ses chapitres vous préoccupent. J'ai rencontré un couple du Nunavut hier qui dit se préoccuper du règlement des revendications territoriales avec la Nunavut Tunngavik Incorporated, ou NTI. Je pense que vous comprenez ce en quoi consiste l'accord conclu avec la NTI.
Nous avons conclu un accord avec le gouvernement du Canada. Le Nunavut, qui s'étend de l'île d'Ellesmere à certaines îles de la baie James, compte 21 refuges d'oiseaux migrateurs. Nous avons conclu un accord avec le gouvernement. Les négociations entre la NTI et le Conseil du Trésor sur les aspects financiers durent depuis quatre ans. La NTI n'a pas cessé d'écrire au ministre de l'Environnement depuis l'époque du gouvernement libéral et n'a jamais reçu de réponse. C'est très intéressant.
Nous commençons à en avoir un peu assez de voir chaque année des scientifiques s'amener dans la région pour dénombrer les ours polaires et les baleines; il y en a justement un maintenant à Clyde River. Les rorquals à bosse s'y rendent année après année. Les Inuits surveillent les baleines car ils veulent savoir comment leur nombre varie d'une année à l'autre. Ils ont besoin d'argent et ils doivent recruter des gens pour s'acquitter de cette tâche. L'accord comprenait le versement d'une somme de 8,3 millions de dollars sur sept ans devant servir à observer les mammifères dans leur environnement, mais aucun montant n'a encore été versé.
Ceux qui vivent dans cette région s'acquittent d'une tâche difficile. Nous voudrions former d'autres personnes à ce travail dans le Nunavut. Vous serait-il possible de nous aider un peu plus afin que nous puissions poursuivre nos activités et assister ceux qui s'occupent d'observer les mammifères dans le territoire?
M. Thompson : Nous avons au moins un chapitre sur les 14 prévus en février qui porte sur cette question, pas seulement au Nunavut mais bien sur tout le territoire du Canada. En fait, il y en a probablement deux qui traiteront, d'une façon ou d'une autre, de la question que vous avez soulevée. Il pourrait être intéressant de s'y pencher lors de leur publication.
Les chapitres du rapport de vérification sont des chapitres qui nous permettent de voir ce à quoi le gouvernement s'est engagé il y a quelques années ainsi que la mesure dans laquelle aujourd'hui, les engagements ont été respectés ou non. Il s'agit d'outils efficaces pour procéder à un exercice de responsabilisation où on pourrait inviter les représentants d'un ministère qui a fait l'objet d'une vérification à participer à un comité où nous siègerions aussi et où le ministère serait appelé à expliquer pourquoi il n'a pas respecté pleinement ses engagements si c'est ce qui s'est réellement passé. Je fais donc cette suggestion qui pourrait vous intéresser.
Je tente présentement de me rendre dans le Nord en compagnie d'un de mes collègues, Ronnie Campbell, vérificateur général adjoint responsable d'un certain nombre de ministères, dont le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, et d'Andrew Lennox, responsable du travail de Mme Fraser dans le Nord. Je crois que nous avons sans doute de la difficulté à fixer les dates de ce voyage. J'aimerais m'y rendre en tant que commissaire et noter les inquiétudes des gens face aux questions environnementales. J'aimerais comprendre qui ils sont et voir s'il est possible d'élaborer un plan d'action afin de chercher à enrayer certaines de ces inquiétudes.
Nous avons établi un objectif dans notre plan de travail de commissaire pour les trois ou quatre prochaines années et nous avons indiqué que nous voulons nous pencher sur le Nord au cours des deux ou trois prochaines années, mais ce n'est qu'un objectif. Nous n'avons pas encore établi comment nous procéderons. Nous y travaillons actuellement. Ce sera bientôt chose faite. Je crois que nous serons en mesure de faire ce voyage en janvier ou en février, et il se peut, si vous le voulez bien, que nous vous consultions pour savoir avec qui nous devrions nous entretenir. Nous devons nous renseigner sur ces choses. On ne peut se contenter de rester à Ottawa. Nous devons nous déplacer et parler avec les gens de ce qui les préoccupe et comprendre leurs préoccupations, puis voir s'il est possible de vérifier le travail lié à ces préoccupations.
Le sénateur Milne : Je vous suggère de consulter également le sénateur Sibbeston à propos d'un voyage aux Territoires du Nord-Ouest.
M. Thompson : Oui, en effet.
Le sénateur Adams : Nous voulons également faire la promotion du tourisme, car beaucoup de gens aiment l'ornithologie et l'observation des baleines. Nous insistons beaucoup en ce sens.
M. Thompson : Oui, l'écotourisme est très important.
Le sénateur Campbell : Ce n'est pas sans raison que le premier ministre Mulroney est considéré comme le premier ministre le plus vert qu'ait eu le Canada. Ce que j'ai entendu aujourd'hui me confirme qu'il était très avant-gardiste en ce qui a trait à l'environnement. Vous affirmez que les gouvernements qui ont suivi étaient aux prises avec un déficit, mais le déficit et l'environnement ne sont pas deux éléments incompatibles. Voilà un point à traiter.
Je me pose donc deux questions : pourquoi ces stratégies ont-elles été négligées et comment fait-on pour leur donner une deuxième vie? J'ai l'impression que si les politiciens sont les maîtres, les sous-ministres sont les pilotes. Bien sûr je sais que les bureaucrates survivent au gouvernement. Ils attendent la prochaine élection pour voir qui sortira gagnant, et reprennent pratiquement les choses du début au lieu de disposer d'un processus continu qui ne varie pas en fonction du parti au pouvoir. L'important, c'est qu'il y ait une politique en place, ainsi qu'une responsabilité.
Je crois que nous devrions envisager de rendre les sous-ministres davantage responsables. Il y avait un article intéressant dans les journaux à ce sujet. Lorsque les sous-ministres font un bon coup, ils sont récompensés. Lorsqu'ils échouent, il y a un prix à payer. Les conséquences peuvent prendre la forme de bonus, ou d'une réaffectation aux fonctions de sous-ministre adjoint.
Pourquoi ces stratégies n'ont-elles pas répondu aux attentes? Est-ce que c'est la bureaucratie qui mène aux cloisonnements? Comment provoquer la relance de ces stratégies? Comment convaincre les bureaucrates qu'elles revêtent une importance capitale et que tout ce que nous faisons doit être vu dans une optique environnementale, la protection de l'environnement étant un atout pour les affaires, le gouvernement et, surtout, les citoyens?
M. Thompson : Je ne sais pas pourquoi ces stratégies n'ont pas répondu aux attentes. Comme je l'ai fait un peu plus tôt aujourd'hui, je pourrais spéculer, mais je n'ai pas de certitude. Je pense que la relance viendra avec l'examen prévu. D'abord, les députés diront que l'examen sera profitable. Nous ferons en sorte que ce soit un bon examen, car nous obligerons ses responsables à démontrer qu'ils se sont acquittés de leurs responsabilités avec efficacité. Et dans un an, cet examen devrait nous permettre de disposer d'un ensemble de propositions que nous étudierons avec les députés et qui relanceront le processus relatif aux stratégies de développement durable de manière à ce qu'il donne les résultats qu'il aurait toujours dû donner. Nous sommes sur la bonne voie et c'est pourquoi je suis optimiste, monsieur le sénateur, et que j'ai bon espoir que cela marchera. Cela marchera si nous y travaillons tous ensemble. Mais cela ne marchera pas s'il s'agit d'un de ces examens qui se font continuellement, auxquels personne n'accorde la moindre attention et dont le rapport se retrouvera sur les tablettes.
Cet examen devrait constituer une initiative majeure. Il coûtera évidemment de l'argent, mais il ne devrait pas être excessivement coûteux. Il faut qu'il s'agisse d'une initiative d'envergure afin que Michael Horgan, le sous-ministre d'Environnement Canada, s'attelle fermement à cette tâche et soit tenu de la mener à terme; toutes les personnes concernées et qui dépendent des résultats de l'examen pour mettre le processus sur les rails devraient le soutenir. J'ai bon espoir que tout ira bien. C'est ainsi que je relancerais le processus.
Par ailleurs, je suis entièrement d'accord avec votre observation que les sous-ministres sont les meneurs. Ce sont eux qui dirigent vraiment le gouvernement. Je suppose qu'ils y sont obligés.
Le président : Ce n'est pas très éclairant, monsieur.
M. Thompson : Notre gouvernement est un vaste appareil qui comprend de nombreux domaines complexes, et les sous-ministres accomplissent en général de l'assez bon travail, mais ils ont aussi besoin de motivation. Mais la motivation fait-elle partie des dispositions de leurs contrats? Ils ont chacun un contrat avec le ministre, lequel énumère un certain nombre de priorités. J'aimerais demander à ces personnes si la stratégie de développement durable de leur ministère fait partie de leur contrat avec le ministre.
Pour l'année prochaine, j'aimerais savoir si cet examen a une place importante dans le contrat du sous-ministre d'Environnement Canada avec son ministre. J'admets que si la protection de l'environnement — et nous parlons aujourd'hui du processus relatif aux stratégies de développement durable — n'est pas intégrée aux termes de son contrat, il y a très peu de chance de voir le dossier évoluer selon nos attentes.
Le sénateur Campbell : Je ne sais pas combien d'examens j'ai pu voir, mais j'ai l'impression qu'il y en a un tous les ans, et le problème est que nous pourrions avoir un nouveau gouvernement — ou un gouvernement différent ou un autre ministre — avant que cet examen ne prenne fin.
Les sous-ministres vont et viennent. Un jour vous êtres sous-ministre des Finances, le lendemain, vous ne l'êtes plus. Les sous-ministres ne doivent pas perdre de vue cette réalité, quel que soit leur ministère ou leur poste actuel; ainsi, à chaque fois qu'ils feront quelque chose, ils pourront l'envisager dans cette optique.
Pensez-vous vraiment que cet examen portera des fruits? Bien sûr, nous vous entendrons à nouveau en octobre 2008, de sorte que vous auriez intérêt à faire attention à ce que vous dites parce que nous ne manquerons pas de vous le rappeler à la première occasion.
M. Thompson : J'espère que vous le ferez.
Le sénateur Campbell : J'aimerais partir d'ici avec le sentiment qu'il y a véritablement de l'espoir que l'examen sur lequel nous tablons donne les résultats escomptés et ne soit pas seulement un document d'un quelconque gouvernement qui se contente de dire : « Eh, bien! Voilà ce qu'on va faire ou ce qu'on veut faire. »
Le président : Avant que M. Thompson ne réponde à cela, je veux préciser que la personne à laquelle nous voudrons parler en octobre 2008 sera le ministre de l'Environnement qui se chargera de l'examen. Je présume que vous vous intéressez également à cet examen.
M. Thompson : Certainement, sénateur.
Le sénateur Campbell : Je n'ai jamais vu un ministre comparaître devant nous, peu importe au nom de quel gouvernement, sans nous vanter les réalisations de ce dernier.
Le président : C'est bien vrai.
M. Thompson : Permettez-moi de vous parler un peu d'espoir. J'ai vraiment bon espoir que les choses iront dans le sens escompté. Dans ce rapport de vérification, nous nous sommes donné beaucoup de mal pour formuler une recommandation que nous jugeons sensée. Nous avons réalisé dès le début que le processus relatif aux stratégies de développement durable devait être engagé à l'échelle de l'administration fédérale. Ce ne doit pas être un processus individuel en fonction de chaque ministère. En conséquence, la recommandation vise le gouvernement et non un ministère en particulier.
Nous n'aimons pas procéder ainsi parce qu'en formulant une recommandation à l'intention d'un gouvernement, on vise une entité qui n'est personne en particulier, mais nous devions procéder ainsi, car c'est justement là que le bât blesse.
Nous avons ensuite discuté avec de nombreux intervenants à propos des personnes qui devraient diriger l'examen et, à l'évidence, la décision devait être prise par le gouvernement. J'ai eu des entretiens avec le Bureau du Conseil privé et Environnement Canada, environ huit autres sous-ministres des ministères de la capitale et quatre sous-ministres à la retraite. Ensuite, j'ai écrit à Kevin Lynch, le greffier du Conseil privé, pour lui demander s'il réagirait à cette recommandation de notre chapitre au nom du gouvernement ou s'il allait désigner quelqu'un d'autre pour le faire à sa place.
Dans sa réponse, M. Lynch m'a informé qu'après mûre réflexion, on avait donné la préférence à Environnement Canada pour diriger l'examen. Répondant à son tour à notre recommandation, ce ministère a déclaré qu'il procéderait à l'examen de concert avec Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et le Secrétariat du Conseil du Trésor — et j'ai l'impression que le Bureau du Conseil privé sera également de la partie. Il y a un ministère-pilote, mais deux ou trois autres organismes centraux très puissants qui participent aussi au processus ont manifesté leur intérêt.
Je pense qu'il s'agit là d'une base importante. Les gens ont pensé à la nécessité d'un examen. Ils ont convenu qu'un examen devait avoir lieu et ils ont aussi réfléchi aux personnes qui devraient diriger cet examen comme à celles qui devraient y participer.
Nous avons une recommandation et l'engagement du gouvernement à procéder à cet examen. À partir de là, les choses peuvent aller bien ou mal selon l'intérêt manifesté. Nous pouvons stimuler cet intérêt, ce que nous ferons certainement le plus souvent possible, mais les personnes qui feront de cet examen une réussite ou un échec sont les députés. S'ils disent que nous devons réformer le processus, et que l'examen qui s'amorce est la meilleure façon d'y parvenir, alors il en sera ainsi. C'est aussi simple que cela.
Le fait de tenir des audiences comme celle-ci — et nous en avons eu deux autres dans la dernière huitaine de jours sur cette même question — soulève mon enthousiasme, parce que les parlementaires s'intéressent vraiment à la question. Vous vous en préoccupez et les autres personnes auxquelles nous avons parlé s'en soucient également. Compte tenu de l'empressement dont tout le monde fait preuve, cela devrait marcher.
M. Arseneault : J'aimerais ajouter mon grain de sel à cette conversation. Avant de me joindre au Bureau du vérificateur général il y a six ans, j'ai travaillé dans des ministères pendant 21 ans. J'ai travaillé pour Environnement Canada, Ressources naturelles Canada, Transports Canada, et Pêches et Océans Canada. Je sais ce qui se passe au gouvernement.
Si les organismes centraux ne font aucune surveillance ou ne démontrent aucun intérêt, le projet est voué à l'échec. Les fonctionnaires qui tentent d'accomplir quelque chose rencontreront des obstacles au sein des organisations si les organismes centraux ne sont pas là pour les soutenir et assurer un suivi.
En ce qui a trait aux évaluations environnementales stratégiques, qui sont une directive du Cabinet, on s'attend à ce qu'un organisme central en assure le suivi, mais ce n'est pas le cas. Nous n'en avons trouvé aucun qui le faisait.
M. Thompson : En 2004, cela a été impossible.
M. Arseneault : En 2004, aucun organisme central n'assurait un tel suivi au moment de la vérification. Nous avons posé la question aux organismes, qui se sont renvoyé la balle entre eux. C'est un élément important, car nous avons maintenant Environnement Canada — ministère responsable qui n'est pas le plus populaire en ville — qui supervisera un projet qui affectera l'ensemble du gouvernement. Le soutien des organismes centraux est essentiel à la réussite du projet. Le soutien du Parlement, de même que le soutien des comités, serait sans doute aussi positif.
Le président : Et peut-être leur examen minutieux.
M. Ferguson : M. Thompson a parlé il y a quelques minutes d'objectifs très importants, de mesures du rendement accessibles au public, et cetera. Je crois que les personnes qui se chargeront de l'évaluation devront déterminer quels mécanismes peuvent survivre aux changements de gouvernement. Ils ont plusieurs moyens à leur disposition — dépenses, impôts, lois, et cetera. — et ils devront déterminer lequel de ces moyens sera le plus efficace pour assurer que le processus survivra au prochain changement de gouvernement ainsi qu'à celui qui suivra.
Le sénateur Campbell : J'aimerais vous remercier de votre présence aujourd'hui. Votre rapport est intéressant à lire — enfin un rapport gouvernemental qui allie vérité et solutions.
Le président : Comme l'a mentionné le vice-président, il ne s'agit pas d'un rapport gouvernemental. C'est un rapport du vérificateur général, ce qui est très différent.
Le sénateur Nolin : Il y a une légère différence.
Le sénateur Spivak : J'ai quelques questions à poser, mais permettez-moi de faire d'abord une brève entrée en matière. Il me semble que le terme « développement durable » a vu le jour à la suite du rapport Brundtland, en des temps beaucoup plus simples, où la protection de l'environnement était considérée comme le principal objectif. Cependant, nous sommes maintenant devant un problème bien plus sérieux; un défi d'ensemble.
Il serait génial que tous les ministères adoptent des ampoules écoénergétiques et des voitures écoefficaces; mais je me demande si, en termes de développement durable, vous considérez que votre rôle va au-delà de cela. Bien sûr, l'accent a réellement été mis sur le « développement durable » depuis le rapport Brundtland. Selon vous, votre rôle consiste-t-il seulement à revoir les politiques du gouvernement ou implique-t-il également de formuler des recommandations sur la façon d'améliorer les choses?
Voici quelques exemples. En ce qui a trait à notre système fiscal, presque tous les experts fiscaux et banquiers renommés s'accordent pour dire que nous devrions créer une taxe sur les émissions carboniques, et l'évaluation environnementale est très difficile car les provinces y font obstacle. Puis il y a le projet de loi C-30, qui était le projet de loi du gouvernement même; tout le monde l'a adopté et ce projet de loi comprenait d'excellentes solutions pour les toxines et autres substances du genre. Les politiques sur l'eau et l'éthanol sont d'autres exemples, qui seront sûrement un désastre, à mon avis et selon bien d'autres gens.
Comment percevez-vous votre rôle dans l'ensemble? Considérez-vous qu'il fait partie de votre mandat de dire au gouvernement, de façon très diplomatique, ce que vous croyez être la meilleure solution en fonction du contexte actuel? Il ne s'agit pas de simplement protéger l'environnement.
M. Thompson : Je crois que notre mandat convient très bien à la tâche à accomplir. Permettez-moi de dire quelques mots sur les conseils stratégiques. Nous avons établi la limite à ce sujet à de nombreuses reprises, et nous continuerons de le faire : nous sommes des vérificateurs de la direction de la commissaire, et, à titre de vérificateurs, il est préférable que nous ne donnions pas de conseils stratégiques. Si nous donnons des conseils sur une politique et que plus tard nous sommes appelés à vérifier la mise en application de cette politique, on pourrait alors considérer que notre travail est biaisé car nous aurions contribué à la conception de ce qui est vérifié. Voilà pourquoi nous préférons ne pas donner de conseils stratégiques. Lorsque nous nous présentons devant un comité comme celui-ci avec un rapport de vérification, nous voulons être certains que vous aurez foi dans les faits sur lesquels il se fonde et que nous n'avons pas d'intérêt personnel à défendre quant à un aspect particulier de la politique. C'est là que se situe notre limite quant aux conseils stratégiques.
Il existe, par contre, des institutions au sein du gouvernement, telles que la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie (TRNEE), dont le travail consiste à explorer le secteur des politiques. J'ai eu deux réunions avec son nouveau président, David McLaughlin, puis nous avons déjeuné ensemble avec les membres de la table ronde il y a environ une semaine. La TRNEE compte beaucoup de nouveaux membres; nous leur avons expliqué ce que nous faisons et ils nous ont précisé ce qu'ils font.
Je crois qu'ensemble, nous pouvons très bien servir le Parlement. Si la table ronde est revigorée et reprend ses activités, elle peut effectuer des analyses de politique et formuler des conseils stratégiques judicieux au gouvernement. Nous pouvons offrir des conseils éclairés en matière de vérification.
Nous nous entendons un peu sur le projet de loi C-288. Il s'agit du projet de loi en vertu duquel le gouvernement a soumis un plan en matière de changements climatiques à la fin août. On a demandé à la TRNEE de vérifier si les mesures prévues dans ce projet de loi étaient réalistes. À la fin septembre, elle a publié un assez bon rapport dans lequel elle se montrait très critique à l'égard des données du plan gouvernemental. Elle a mentionné que le fait de rassembler des données pour un plan propre à chaque initiative pose certaines difficultés, et nous croyons que le gouvernement devrait aborder ces difficultés et tenter de les résoudre avant de répéter l'expérience.
Pour notre part, en ce qui concerne le projet de loi C-288, nous vérifierons l'adoption et la mise en œuvre du plan dans deux ans — il s'agira d'une vérification rétrospective fondée sur les résultats. Nous avons tenu des discussions avec les membres de la table ronde au sujet de leur travail, qui est fort différent du nôtre, et nous nous en tiendrons chacun avec des fonctionnaires d'Environnement Canada au sujet de l'établissement de la prochaine série de rapports pour savoir s'il est possible de faire mieux.
Pour répondre directement à votre question, nous ne pensons pas que nous devrions fournir des conseils stratégiques.
Le sénateur Spivak : Le développement durable signifie que l'on devrait laisser la terre dans le même état où elle se trouve actuellement, du moins pour le moment. Remarquez, la situation s'aggrave de plus en plus. Je ne sais pas si nous devrions la laisser dans le même état.
Êtes-vous comptable?
M. Thompson : Je suis comptable de mes péchés, oui.
Le sénateur Spivak : Et qu'en est-il de la juste valeur? Oublions la formulation de conseils stratégiques; que pensez- vous d'examiner ce que le gouvernement fait pour vérifier l'optimisation des ressources?
M. Thompson : C'est là que nous pouvons vraiment être utiles.
Le sénateur Spivak : Pour ce qui est des initiatives qui visent à laisser la terre dans l'état où on le devrait, y a-t-il optimisation des ressources?
M. Thompson : Nous pouvons jouer un rôle très important à ce chapitre. Lorsque le gouvernement met en place des politiques et des programmes, les sénateurs et tous les Canadiens veulent s'assurer qu'ils sont gérés soigneusement et sagement et que les résultats souhaités sont atteints. C'est là que nous intervenons. Nous vérifions ces programmes pour nous assurer qu'ils sont bien gérés. Nous vérifions également si les ministères responsables des programmes ont des procédures en place pour s'assurer que les programmes fonctionnent et que les résultats sont en voie d'être atteints. Si les ministères n'ont pas de processus de mesure, nous jetterons les hauts cris et nous reviendrons pour vous en parler. Nous ferons de même s'ils ont adopté un mécanisme de mesure qui n'est pas très efficace. C'est là que nous pouvons nous rendre le plus utiles.
Le sénateur Spivak : C'est une tâche herculéenne.
M. Ferguson : Il importe que le pays sache ce que le gouvernement fédéral essaie d'accomplir en matière de développement durable et que l'on dispose de mesures de rendement qui peuvent nous donner une base objective pour évaluer nos progrès.
Le sénateur Spivak : En ce qui concerne l'examen, il me semble que le ministère de l'Environnement devrait en faire l'objet. J'ignore quelle crédibilité on peut accorder à un examen interne. J'aurais préféré que Don Drummond et Jack Mintz aient réalisé un examen. Oublions le Sierra Club; on ne parle pas de lui.
J'espère que l'examen donnera de bons résultats mais, à priori, le cadre dans lequel il se déroule ne me donne pas beaucoup d'espoir parce je suis ici depuis 1986. J'étais ici lors de la publication du premier mémoire du Cabinet précisant que l'on devrait examiner les conséquences environnementales de chaque politique gouvernementale.
Comment justifiez-vous la tenue d'un examen interne?
M. Thompson : Nous croyons fermement, à la lumière du travail que nous avons accompli, que l'ensemble du processus de développement durable devrait être réexaminé. Il est temps de songer à la façon de corriger le processus parce qu'il ne fonctionne plus.
Étant arrivés à cette conclusion, nous avions le sentiment que nous devrions laisser au gouvernement le soin de décider comment procéder à l'examen. L'idée qu'Environnement Canada s'en charge ne me préoccupe peut-être pas autant que d'autres personnes. Si le ministère décide de faire un bon travail et de faire intervenir les bonnes personnes, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du gouvernement, s'il se rend au Royaume-Uni et en Suède, s'il traverse la rivière pour voir ce qui se passe au Québec et, peut-être, s'il se rend en Allemagne pour avoir une idée de ce qui se fait aujourd'hui en matière de stratégie globale de développement durable et de la façon dont on peut ramener tout ça à l'échelle des ministères d'une façon raisonnable, cela pourrait donner de bons résultats.
M. Arseneault : Lors de l'élaboration de ce chapitre et de notre recommandation, nous avons rencontré des fonctionnaires d'Environnement Canada. Ils ont réfléchi à la question. Il y a des gens remarquables dans ce ministère, comme ailleurs dans la fonction publique. Ils veulent faire du bon travail. Ils sont probablement confrontés à des problèmes systémiques.
Le sénateur Spivak : Je conviens qu'il y a des gens merveilleux à Environnement Canada, mais il existe des tensions entre les bureaucrates et les ministres.
Le président : C'était un commentaire, pas une question, monsieur Thompson.
Le sénateur Milne : À propos de développement durable, j'ai assisté à une conférence sur la façon de disposer des résidus des sables bitumineux en Alberta. Malheureusement, j'ai dû partir avant d'entendre quelles sont les nouvelles découvertes à ce chapitre.
J'ai lu votre rapport, monsieur Thompson; il est excellent et je vous félicite. Quelques questions me préoccupent. Plusieurs ministères ne font rien. Le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration ne fait absolument rien. Bien sûr, vous ne pouvez l'obliger à faire quoi que ce soit.
Santé Canada n'a pas encore de nouvelles lignes directrices sur l'évaluation de l'innocuité des aliments nouveaux dérivés d'animaux et de poissons d'élevage, qui est l'un de ses trois objectifs. Le troisième objectif de Santé Canada, c'est d'établir les exigences légales concernant le libellé des étiquettes des produits de viande et de volaille crues hachées, mais les règlements ne sont pas encore en place. Cela a un impact sur la santé des Canadiens au quotidien, et le ministère n'a pas atteint les objectifs qu'il s'était fixés. Que pouvons-nous faire à ce sujet?
M. Thompson : C'est précisément parce que ces situations se produisent que nous avons un commissaire à l'environnement et une vérificatrice générale. Notre rôle consiste à vérifier ce qui fonctionne bien et ce qui ne fonctionne pas bien. Dans le cas qui nous occupe, comme vous l'avez mentionné, les choses ne fonctionnent pas bien.
Deuxièmement, il faut boucler la boucle en matière de reddition des comptes d'une façon ou d'une autre. Les fonctionnaires prennent au sérieux le fait d'être convoqués devant un comité parlementaire pour discuter d'une conclusion de vérification. Je ne veux pas être méchant, mais si on les talonne, des changements peuvent survenir.
À cet égard, si votre comité ou d'autres comités de la Chambre ou du Sénat qui sont concernés par ces sujets jugent opportun de tenir une audience et de demander aux fonctionnaires des ministères responsables de ces programmes pourquoi ces problèmes existent et ce qu'ils comptent faire pour y remédier, les effets pourraient être très bénéfiques.
Le sénateur Milne : En d'autres mots, notre comité devrait écrire à d'autres comités pour leur proposer d'examiner ces problèmes.
Vous occupez le poste de commissaire par intérim depuis un moment déjà. Auriez-vous plus d'influence si vous étiez un haut fonctionnaire qui relevait directement du Parlement? Cela donnerait-il davantage de visibilité à votre rapport?
M. Thompson : On s'est beaucoup demandé quelles devaient être les fonctions du commissaire et si le poste devait rester au sein du Bureau du vérificateur général ou en être détaché. Au bout du compte, la décision revient aux parlementaires. Pour effectuer un changement, il faudrait modifier la Loi sur le vérificateur général, et c'est au Parlement d'y voir.
Je travaille au sein du Bureau du vérificateur général depuis un peu plus de 30 ans, et je connais son influence positive et son savoir-faire en matière de vérifications législatives dans le domaine de l'environnement, des finances et dans d'autres domaines. Assumer les fonctions de commissaire au sein de ce grand bureau permet de tirer profit de tout ce savoir-faire et, soyons honnête, de jouir de toute cette influence. Au cours des dernières années, peu de rapports ont autant suscité l'intérêt que ceux déposés par la vérificatrice générale, à l'exception de l'excellent rapport sur les changements climatiques présenté l'année dernière par Mme Gélinas, qui tombait à point et a retenu l'attention.
Ce que nous avons présenté il y a trois semaines a reçu beaucoup d'attention, et nous en sommes ravis. Mme Fraser et moi avons rencontré les médias ensemble, et nous avons participé à des séances d'information parlementaires à huis clos. Au final, même si mon rapport a été déposé en même temps que le sien, nous avons trouvé que beaucoup d'attention, notamment de la part des médias, a été accordée à un sujet qui n'était pas particulièrement palpitant, soit celui du processus lié aux stratégies de développement durable. Nous avons aussi participé à trois séances de comités parlementaires sur la question, ce qui n'est pas mal du tout.
Nous avons plus de poids au sein du Bureau du vérificateur général qu'à l'extérieur de celui-ci. Nous avons examiné la situation d'autres mandataires du Parlement, notamment celle du commissaire aux langues officielles et de la commissaire à la protection de la vie privée. Je me souviens que M. Desautels, ancien vérificateur général du Canada, m'a raconté que le dirigeant d'un organisme lui avait confié qu'il enviait toute l'attention qui était accordée aux mandataires du Parlement et qu'il peinait à recevoir la même attention pour des sujets qu'il estimait pourtant d'une importance vitale.
En d'autres mots, je ne crois pas que la présence de l'équipe du commissaire au sein du Bureau du vérificateur général pose problème, et j'hésiterais à changer une formule gagnante.
Le sénateur Milne : Vous vous adressez ici à un sénateur. Merci de le faire.
Le sénateur Brown : Dans votre introduction, vous avez parlé de récompenses et de pénalités. J'aimerais savoir à quoi vous songez dans les deux cas.
M. Thompson : Je parlais des récompenses et des pénalités auxquelles peut s'attendre tout employé au sein d'une grande organisation. Par exemple, Mme Fraser et moi avons une entente selon laquelle je dois accomplir certaines choses au cours de la prochaine année; si je les fais bien, je conserverai mon emploi et j'aurais peut-être même droit à des primes occasionnelles. Si je les fais mal, je devrai rendre des comptes. C'est ainsi que fonctionnent les organisations.
Mon contrat de rendement détaille les aspects importants du poste que j'occupe et du bureau pour lequel je travaille, et la même chose s'applique pour les sous-ministres. S'il faut revitaliser le processus lié aux stratégies de développement durable, je suggère de trouver une façon d'inscrire la question à l'ordre du jour des sous-ministres et de leur faire comprendre qu'ils doivent s'en occuper adéquatement. En ce moment, la question ne figure pas à leur ordre du jour, ou du moins pas véritablement. Si elle faisait partie des mesures qu'il faille coûte que coûte mettre en œuvre efficacement dans la prochaine année, nous verrions rapidement le processus lié aux stratégies de développement durable se mettre en branle. Si pour une raison ou une autre les sous-ministres manquaient à leur devoir et mettaient en œuvre de mauvaises stratégies qui ne réglaient en rien les problèmes, une partie de leur évaluation de rendement à la fin de l'année serait consacrée à leur échec dans le domaine des stratégies de développement durable.
Je crois qu'un tel système devrait être en place et rien ne porte à croire que c'est le cas.
Le sénateur Brown : Je ne pensais pas aux récompenses et aux pénalités qui s'appliquent aux personnes qui travaillent dans votre organisme ou un autre ministère. Je pensais plutôt à récompenser ou à pénaliser la façon dont nous traitons l'environnement et nos efforts pour l'améliorer. J'imagine que dans tout domaine où les activités humaines sont liées à l'environnement — que ce soit l'air, l'eau ou le sol — nous devrions tenter d'imposer des changements dans ce domaine. On a beaucoup parlé d'une taxe sur les émissions de carbone et de d'autres pratiques réglementaires. Est-ce que votre organisme serait intéressé à se servir du système de récompenses et de pénalités pour favoriser la recherche et l'innovation? Avant de transformer un processus du tout au tout, qu'il ait trait à l'air, à l'eau ou au sol, il faut faire des recherches approfondies. Quelqu'un doit trouver une meilleure façon de procéder. Les entreprises s'efforcent de le faire dans une certaine mesure. S'il y avait une façon de pénaliser les entreprises qui ne satisfont pas aux exigences, je proposerais de les contraindre à investir dans un fonds global de recherche et de développement. Ce fonds permettrait d'effectuer des recherches dans tout domaine d'activité problématique pour l'environnement, qu'il s'agisse des émissions de dioxyde de carbone, de la contamination des eaux ou de la remise en état des sites miniers. Si au lieu d'être pénalisées sur le plan de l'impôt, les entreprises étaient tenues de verser annuellement un pourcentage de leurs profits dans un fonds, cela pourrait avoir un effet presque immédiat, plutôt que dans trois à cinq ans, sur la recherche et sur la manière d'appliquer celle-ci à l'environnement.
M. Thompson : Bien sûr, je suis d'accord qu'il faut faire preuve de créativité pour régler le problème épineux de la protection de l'environnement et de l'avenir. Je préciserai tout de suite qu'en ce qui concerne le choix d'une politique plutôt qu'une autre, la création d'un fonds ou l'utilisation de tout autre instrument par le gouvernement, le bureau du commissaire refuserait d'intervenir parce qu'il s'agit d'une question stratégique.
Certains ministères se tournent vers l'avenir et j'espère qu'on abordera avec eux la question du présent examen. Dans le cadre du processus lié aux stratégies de développement durable, Finances Canada a dit examiner son régime fiscal afin de déterminer comment celui-ci pourrait mieux protéger l'environnement. Voilà un choix original. Il est évident que le régime fiscal a une grande incidence sur le comportement des entreprises de notre pays et peut entraîner une bonne ou une mauvaise conduite.
M. Ferguson l'a dit, le processus lié aux stratégies de développement durable a été conçu pour inciter les ministères à se tourner vers l'avenir afin de tenter de régler les problèmes environnementaux qui pourraient surgir. Plus important encore, il vise à trouver des façons de mieux protéger l'environnement, d'accomplir un certain nombre de choses et de mettre en application les solutions trouvées. Le sénateur Baker a proposé des idées, et je voudrais que les ministères puissent être aussi créatifs dans l'élaboration de propositions de politique et de programme à mettre en œuvre.
Il serait peut-être utile de discuter avec Finances Canada de leurs travaux par rapport au régime fiscal. Je suggérais aussi de demander à des représentants d'Industrie Canada, par exemple, ce qu'ils entreprennent pour l'avenir, quelles ont été leurs réalisations, et ce qu'ils prévoient pour l'avenir.
Le sénateur Brown : J'espérais que vous vous serviez de votre crédibilité à titre de commissaire par intérim à l'environnement, de la même façon que Sheila Fraser, la vérificatrice générale du Canada, use de son influence à l'échelle du pays. Vous pourriez peut-être utiliser cette crédibilité pour favoriser la recherche et l'innovation dans votre domaine. Je ne vous propose pas de créer un fonds, mais plus le temps passe et plus les gens diront qu'il ne sert à rien d'imposer des pénalités puisque de nombreuses industries ont les moyens de les payer. En imposant des pénalités, nous retirons de l'argent de l'économie, tandis que les entreprises refilent tout simplement la facture à leurs clients. Cependant, si cet argent était prélevé à des fins spécifiques, comme la recherche ou l'amélioration des procédés ayant trait à l'air, à l'eau ou au sol, nous aurions de meilleures chances d'avoir une véritable incidence sur l'environnement.
Le président : Sénateur Brown, ce rapport et les choses dont nos invités parlent concernent les stratégies de développement durable de ministères fédéraux et ne renvoient pas aux affaires opérationnelles.
M. Arseneault : Une stratégie globale de développement durable pourrait favoriser la recherche et l'innovation dans certains domaines. Industrie Canada a mis au point une stratégie d'innovation. Les effets de celle-ci ne se font pas encore bien sentir sur la stratégie actuelle de développement durable de ce ministère, et il y aurait de bonnes raisons de se demander pourquoi.
Vous parliez d'enjeux liés à l'application de la loi, notamment une réglementation et son application dans toute l'industrie. C'est en partie ce qui se passe au gouvernement fédéral, ainsi que dans les provinces. Même si nous n'avons pas beaucoup examiné par le passé l'application de la loi, nous savons qu'il y a des problèmes là aussi.
Le gouvernement actuel a annoncé un programme de réglementation ambitieux sur la protection de la qualité de l'air et les émissions de gaz à effet de serre, programme auquel il travaille en ce moment. Il n'a pas encore été mis en place, mais lorsqu'il le sera, nous procéderons à un examen et nous ferons part de nos constatations.
Nous effectuerons un suivi en ce qui concerne notre rapport de 2006 sur le changement climatique. C'est prévu pour le début de 2010. Nous examinerons les mesures que le gouvernement a prises depuis notre rapport de 2006 et ce qu'il a fait de nos recommandations.
Tout cela est lié d'une façon ou d'une autre. Le changement climatique représente un véritable enjeu en matière de développement durable pour notre pays et le monde entier. Pour quelles raisons les stratégies de développement durable n'illustrent-elles pas bien les activités du gouvernement à ce sujet? Il y a un manque de cohésion.
Le sénateur Brown : Je ne parle pas vraiment de la réglementation, mais plutôt d'un moyen d'assouplir la réglementation et la bureaucratie pour obliger ces entreprises, quelles qu'elles soient, à investir dans la recherche afin de trouver une solution. Si les entreprises trouvent une façon plus économique et moins dommageable de faire quelque chose dans leur propre intérêt, elles le feront, sans que nous ayons besoin de les réglementer.
M. Arseneault : Nous savons que les ministères fédéraux font de la recherche. Environnement Canada, Ressources naturelles Canada, Pêches et Océans Canada et Agriculture et Agroalimentaire Canada sont fondés sur le savoir. Même s'ils sont chargés de la réglementation et de la formulation de politiques, ces ministères sont également fondés sur le savoir. Ils font de la recherche, de la surveillance, et ils fournissent des renseignements aux décideurs pour leur permettre de prendre des décisions éclairées.
Le sénateur Brown : Je me contente de faire du recrutement ici.
M. Ferguson : Vous avez soulevé un point très important. Ces stratégies visaient à inciter tous les ministères fédéraux responsables à consulter leur clientèle et leurs partenaires exactement à propos des choses dont vous parlez. Le but est de travailler efficacement pour que les politiques de notre ministère, par exemple, envoient les bons signaux — pas forcément réglementer, mais peut-être innover et fournir les bons incitatifs en fonction des intérêts économiques et sociaux concernant la protection de l'environnement. Il serait fort possible de financer des recherches dans le cadre des stratégies de l'un ou l'autre des ministères responsables. C'est exactement le but visé par les stratégies, mais elles ne fonctionnent pas.
Le président : En ce qui concerne le point soulevé par le sénateur Brown, serait-il possible d'obtenir le résultat recherché simplement en donnant un exemple qui, nous l'espérons, serait suivi, ou y aurait-il pour le gouvernement un moyen d'inciter l'industrie à aller dans ce sens et à être plus innovatrice et, par conséquent, plus rentable?
M. Thompson : J'espère que cela se produira, mais c'est encore une fois une question stratégique. Si les ministères fédéraux réfléchissent suffisamment à la manière d'envisager l'avenir et de prévoir et d'exploiter certaines possibilités, et si cela pouvait être communiqué aux parlementaires par le biais, par exemple, de stratégies de développement durable, je pense que le dialogue se préciserait et susciterait plus d'intérêt. Ce que vous proposez est tout à fait juste. Il faut le faire.
[Français]
Le sénateur Nolin : Vous avez soulevé l'enthousiasme de mes collègues et certainement le mien. Plusieurs Canadiens, qui nous entendent et nous voient, en arrivent à la conclusion, encore une fois, qu'il est trop important de laisser ces questions à la merci de la partisanerie. Vous avez certainement autour de la table des gens qui vont vous dire que si on peut mettre de côté la partisanerie pour garder un enjeu en tête, on est beaucoup plus efficace.
Je m'interroge sur le suivi parce que vous nous interpellez comme membres du comité et comme parlementaires. J'aimerais savoir comment on peut vous aider et agir en tandem. Je comprends que le ministère de l'Environnement va diriger l'examen. J'ai cru comprendre que vous n'étiez pas trop satisfait que ce soit un ministère de ligne qui ait cette responsabilité et que vous aimeriez que les agences centrales s'impliquent dans cet examen et cette politique globale. Comment peut-on vous aider? Est-ce qu'on interpelle certains ministères en attendant que l'examen final soit fait? Est- ce qu'on fait venir les agences centrales pour leur demander si elles pensent avoir un rôle de leadership à jouer dans l'élaboration? Qu'attendez-vous de nous? Notre appétit est là et les Canadiens veulent de l'action. Tout le monde est d'accord avec ce que vous avez dit. Que peut-on faire pour s'entraider?
[Traduction]
M. Thompson : Je suis heureux que vous posiez cette question. Il pourrait être très utile, entre autres, que le sous- ministre de l'Environnement, Michael Horgan, assiste tôt à une audience publique pour discuter du type d'étude qu'il envisage avant l'élaboration de celle-ci. Vous pourriez ainsi exercer une certaine influence sur Environnement Canada pour que l'étude soit aussi générale qu'elle doit l'être, qu'elle comporte un bon plan de travail, un bon processus de consultation, des résultats visés mûrement réfléchis et un échéancier clair pour corriger ce processus qui ne fonctionne pas. Si vous souhaitez que nous vous emboîtions le pas, nous serons heureux de le faire.
Je ne participerais pas à une réunion pour attendre ensuite que l'étude soit effectuée. Il pourrait être utile d'organiser une consultation de mi-parcours avec Environnement Canada. Une réunion pourrait être organisée au début pour examiner avec les représentants du ministère la manière dont ils accompliront l'étude, pour exercer une influence à ce sujet et pour obtenir ensuite un rapport d'étape dans cinq ou six mois sur le déroulement de leurs travaux, leurs résultats et ce qui en ressort. Bien entendu, il y aurait une audience à la fin du rapport, et le gouvernement serait encouragé à mettre en œuvre les recommandations. Cela serait très utile.
[Français]
M. Arseneault : Vous remarquerez que, dans la recommandation que nous avons faite, on indique clairement que la présente réponse a été élaborée en consultation avec le Bureau du Conseil privé, une agence centrale très importante au gouvernement; le Secrétariat du Conseil du Trésor, une autre agence centrale très importante au gouvernement; et un ministère clé dans les questions certainement de la maison fédérale pour mettre la maison en ordre, le ministère des Travaux publics. Cela peut être une idée d'inviter des représentants de ces ministères, en plus d'Environnement Canada, pour discuter de la direction, du plan d'action pour la revue et, comme M.Thompson l'a mentionné, pour savoir où ils en sont, vers quoi ils se dirigent et, lors du dépôt du rapport, il serait intéressant de savoir ce qui se passe.
Vous pouvez influencer, par vos questions et par vos connaissances, certaines des avenues qu'ils vont poursuivre.
Le sénateur Nolin : J'appuie vos propositions et j'imagine que nous aurons l'occasion d'en discuter. Toutefois, je trouve que le processus est long. J'imagine qu'il faut commencer à interpeller certains ministères puisque j'ai l'impression qu'ils veulent que les Canadiens s'intéressent à leur planification. C'est pourquoi je pense qu'on peut leur offrir ce genre de tribune.
Vous avez dit à quelques reprises que personne n'était de mauvaise fois dans tout ce processus et qu'il suffisait de mettre en place des mécanismes pas trop lourds qui permettraient l'émergence de cette bonne volonté.
Comment pourrions-nous interpeller certains ministères qui ne réussissent pas à livrer la marchandise malgré les bons rapports et les bonnes intentions? Croyez-vous que ce serait créer des obstacles inutiles à un processus qui semble vouloir émerger?
Je vous pose la question parce qu'en matière de finances publiques, le comité sénatorial ne rencontre pas tous les ministères annuellement. Il identifie plutôt quatre ou cinq ministères et examine leurs finances sous toutes les coutures.
J'imagine qu'en matière environnementale on pourrait élaborer un processus semblable. Vous dites que vous collaborez avec une trentaine d'agences et ministères. Peut-être que, par le biais d'un processus pluriannuel, on pourrait se servir de vos examens pour interpeller ces ministères et voir où ils en sont dans le processus.
Parce que trois ans, je pense que c'est une longue période. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
[Traduction]
M. Thompson : Il serait merveilleux de disposer d'un plan pluriannuel et, si le comité le veut bien, ce serait également merveilleux que les ministères concernés par les stratégies de développement durable se manifestent et discutent du contenu des stratégies. Ce serait excellent. Pour l'année prochaine, cependant, l'accent est mis sur cet examen. D'après moi, la chose la plus utile que peut faire le comité, c'est de soutenir cet examen et de veiller à ce qu'il soit mené à bien. Comme M. Arseneault l'a dit, le Secrétariat du Conseil du Trésor serait concerné, comme il se doit. Il faut faire en sorte que ses membres se réunissent avec votre comité et Environnement Canada pour discuter de leur mode de collaboration. Le ministère des Finances devrait probablement être présent aussi, mais je n'en suis pas certain. Il a un rôle à jouer en matière de politique fiscale. Au moins, commencez l'examen, soutenez-le et assurez-vous que les personnes responsables savent que c'est important pour vous et que vous vous attendez à des résultats afin que le problème soit réglé.
Le sénateur Nolin : Je l'espère. Demander à un ministère de se charger du travail, c'est un moyen de ne pas être blâmé en cas d'échec.
M. Thompson : Je l'espère moi aussi, sénateur, mais je suis optimiste.
Le sénateur Nolin : Je n'y vais peut-être pas par quatre chemins, mais nous avons déjà vu cela par le passé.
M. Thompson : J'avoue que nous entendons des commentaires comme celui-ci depuis quelques temps. Cela dit, il reste qu'ils ont été chargés de le faire. Ce sont des personnes efficaces.
Le sénateur Nolin : Je ne remets pas en question la qualité, le travail et le professionnalisme d'Environnement Canada. Je n'y vais peut-être pas par quatre chemins lorsque je dis que les organismes centraux refilent le tout à un ministère.
M. Thompson : C'est pourquoi vous avez probablement remarqué aujourd'hui que j'ai fait allusion à plusieurs organismes centraux au cours de mon témoignage. Le Secrétariat du Conseil du Trésor est certainement concerné. Il en est question dans la réponse d'Environnement Canada. Il devra participer à cet examen. D'une façon ou d'une autre, le Bureau du Conseil privé voudrait y prendre part.
Je suis d'accord avec vous. Ce serait une bonne chose de les inviter à se réunir avec Environnement Canada pour qu'ils se demandent : « De quelle manière allons-nous collaborer pour effectuer cet examen? », et pour que vous soyez rassurés de savoir que cela va se produire.
[Français]
M. Arseneault : Le rapport de suivi de février prochain comportera probablement des exemples d'un ministère-ligne et d'une agence centrale qui collaborent afin de générer du progrès. Il serait peut-être intéressant pour le Sénat d'examiner ce modèle. D'autres modèles existent, mais vous serez certainement intéressés de voir ce que le rapport va révéler.
[Traduction]
Le président : Vous avez qualifié le rapport de février de rapport d'étape. Nous l'appelons couramment un bulletin. Vous avez raison, il est très efficace. Par le passé, notre comité a déclaré qu'il suivrait les recommandations faites à ce sujet. Nous ne nous sommes pas montrés très assidus pour examiner ces choses. Nous devrions l'être davantage. Nous pouvons adopter une approche longitudinale, qui laissera entendre aux responsables qu'ils seront tenus de comparaître pour nous expliquer la manière dont les choses se passent, et pour ainsi attirer peut-être l'attention du public, à laquelle les politiciens sont parfois sensibles.
Le sénateur Thenholme Counsell : Vous nous avez tous beaucoup fait réfléchir. Je pensais à votre déclaration selon laquelle les députés seront ceux qui feront bouger les choses. D'une certaine façon, c'est un grand compliment pour un élu.
Je crois savoir ce que vous entendiez par là. Ce que je dis maintenant n'a pas du tout un caractère politique, mais il me semble que c'est la personne haut placée qui fait avancer les choses. Je vais faire marche arrière avant de poursuivre et penser à la façon dont nous épongeons le déficit : chaque ministère doit avoir été informé que cela devait se produire et qu'il n'y avait aucun doute dans les hautes sphères qu'il s'agissait du mandat dans les années 1990.
Nous entendons souvent dire que nous avons maintenant un déficit énorme. Nous avons un déficit d'action et un déficit d'engagement; selon moi, c'est un déficit aussi sinon plus néfaste à toute l'évolution du Canada et du monde que notre propre déficit financier dans les années 1990.
Que ce soit l'actuel premier ministre, le précédent ou le prochain, qu'il s'agisse de la même personne ou de quelqu'un d'autre, cela doit venir d'en haut. Je ne crois pas qu'utiliser le mot « aspiration » soit assez fort. Nous avons entendu ce mot très récemment. Nous devons dire que nous le ferons; ça sera fait — qu'on le dise de n'importe quelle façon.
J'ai fait partie du gouvernement. J'en ai fait partie pendant dix ans au Nouveau-Brunswick. Au gouvernement, si on vous dit que c'est une des trois priorités, voire la priorité absolue, alors vous le ferez. Bien sûr, vous devez ensuite rendre des comptes.
Comme pays, en faisons-nous vraiment la priorité que le comité, vous, monsieur et bon nombre de Canadiens veulent qu'elle soit? En réalité, cette grande vision doit-elle venir entièrement d'en haut?
M. Thompson : Je n'en disconviens pas le moindrement, madame le sénateur. Manifestement, les choses se font quand le pouvoir décisionnel en convient.
J'ai l'impression que les Canadiens sont aujourd'hui aussi et peut-être plus préoccupés qu'ils ne l'ont jamais été au sujet de l'environnement. Cela doit avoir un effet sur nous tous, sur les députés et sur les dirigeants.
Je le constate dans ma propre famille. Je suis grand-père pour la première fois. J'ai la photo de mon petit-fils dans ma poche parce que j'aime ce petit garçon, mais aussi parce qu'il est une des raisons pour lesquelles je me soucie autant de vérifier l'intégrité des programmes environnementaux mis en place par le gouvernement, car ils nous concernent de façon bien réelle.
On s'inquiète beaucoup dans l'ensemble du pays, à la Chambre et au Sénat de cette question. Je suis convaincu que les choses iront mieux. Il n'y a jamais eu un meilleur moment pour s'arrêter, réfléchir et dire maintenant : « Comment pouvons-nous comme pays ou comme gouvernement fédéral faire quelque chose, par exemple mieux protéger l'environnement? Il n'y a jamais eu un meilleur moment pour le faire, et je suis persuadé que cela arrivera.
M. Arseneault vient de m'envoyer une note sur les pétitions en matière d'environnement. Nous n'en avons pas parlé ce matin, mais nous pouvons le faire un peu plus tard si vous le souhaitez. Il s'agit d'un petit programme qui permet aux Canadiens d'exprimer leurs préoccupations au sujet de l'environnement dans le contexte du développement durable. Ils peuvent correspondre directement avec les ministres par notre entremise et obtenir d'eux une réponse. Nous constatons que ce moyen est de plus en plus utilisé ces dernières années. Je présume que ce sera aussi le cas à l'avenir.
Je pense que c'est le bon moment de s'attaquer à ce problème, de faire la lumière sur la nécessité de mieux protéger l'environnement, et j'ai le sentiment que le gouvernement fédéral dans son ensemble est disposé à essayer de le faire.
Le président : En ce qui a trait aux réponses des ministres aux questions posées dans ces pétitions, je crois que tous s'accordent pour dire que ce moyen est très pertinent, et il est bien que la réponse soit obligatoire et doive être fournie dans un délai précis. Toutefois, indépendamment du parti au pouvoir, bon nombre d'entre nous autour de cette table sont habitués à voir des réponses écrites des ministres, qui sont souvent présentées à la toute dernière minute, qui se conforment parfaitement à l'exigence, mais qui ne sont d'aucune façon exhaustives. Elles disent : « Nous continuons à examiner la question et nous continuerons à travailler avec nos intervenants pour... Ce ne sont que des paroles creuses, qui ne contiennent rien de concret.
Estimez-vous que les réponses des ministres aux questions posées par les Canadiens dans les pétitions par l'intermédiaire de votre bureau sont exhaustives?
M. Thompson : Sénateur, nous les trouvons plus vagues et moins précises ces derniers temps et nous ne savons pas exactement pourquoi.
Le président : Votre langage est plus courtois que le mien.
M. Thompson : Cependant, nous voulons savoir ce qui cloche. Elles ne devraient pas être ainsi, mais elles semblent l'être devenues au cours des dernières années. Nous voulons améliorer les directives que nous donnons d'une part aux Canadiens sur la façon de présenter une pétition et d'autre part aux autres ministères sur la façon de rédiger une réponse pour le compte d'un ministre. Nous pensons que nos directives pourraient être plus fermes et plus claires; espérons que si nous le faisons bien, les réponses des ministres seront peut-être un peu plus pertinentes. Nous avons des inquiétudes à ce sujet et nous en avons fait mention dans le chapitre.
Le président : Votre mandat vous permet-il de commenter abondamment le manque de substance de telles réponses?
M. Thompson : Nous avons examiné attentivement la question et, en fait, nous faisions ces pétitions rétrospectivement. Il y a des limites, mais la réponse directe à votre question est oui, nous le pouvons et nous le faisons.
Par exemple, un pétitionnaire peut ne pas aimer une réponse d'un ministre. La réaction du ministre peut ne pas être celle à laquelle s'attendait le pétitionnaire, mais pour autant qu'il réponde à la question, alors c'est très bien. Nous ne voudrions rien faire à ce propos. Cependant, si une question est posée et qu'on n'y répond pas, c'est autre chose. Nous avons eu de tels cas et nous avons signalé leur fréquence publiquement dans le rapport annuel sur les pétitions. Nous n'avons pas nécessairement à nous abstenir d'en parler, parce que ça ne devrait pas se produire.
Nous ne sommes pas uniquement une boîte aux lettres dans le groupe du commissaire parce que nous vérifions ces pétitions. Nous passons en revue toutes les pétitions pour voir s'il y a de nouvelles questions que nous devrions examiner et nous vérifions également certaines des réponses aux pétitions.
C'est un bon petit processus. Vous avez raison, les réponses ne sont pas aussi claires qu'elles devraient l'être ou que nous pensons qu'elles pourraient l'être et nous prendrons certaines mesures pour améliorer la situation.
M. Arseneault : Il est important aussi que nous ayons fait une étude pour comprendre l'opinion des signataires des pétitions et celle des fonctionnaires du ministère qui préparent les réponses pour le compte des ministres. De façon claire, les signataires de pétitions croient que le processus constitue un instrument valable qui aide leur cause. Ils n'obtiennent peut-être pas nécessairement ce qu'ils veulent, mais ils reçoivent de l'information qui s'avère valable dans bien des cas.
De plus, les fonctionnaires des ministères que nous avons interviewés et sondés au cours de notre étude — il ne s'agit pas d'une vérification mais d'une étude, et il est important de savoir qu'il y a une différence théorique entre les deux — nous ont dit que les pétitions ont entraîné, selon eux, quelques changements au gouvernement. Nous avons des exemples à l'appui. Il est difficile de déterminer qu'une pétition a été la seule source de changement, mais ce mécanisme a exercé une certaine pression sur le système pour faire changer les choses. Nous le constatons dans les notes d'information aux ministres. Quand nous faisons des vérifications, nous voyons le rapport du commissaire sur une pétition. Nous avons reçu une pétition et nous avons vu que les bureaucrates l'utilisent pour faire pression sur le système, ce qui prouve qu'il s'agit d'un geste positif.
Le président : Bien. J'aimerais attirer l'attention des Canadiens sur ce rapport et les encourager à utiliser ce système.
Le sénateur Cochrane : Je suis heureuse de constater que les pétitions font un certain effet. Je l'ignorais. Je vous remercie de ces renseignements.
Je voudrais revenir sur la question de la stratégie durable. Vous avez mentionné dans votre exposé de ce matin qu'en février vous remettrez au Parlement un rapport d'étape sur les questions qui ont fait l'objet de vérifications par le passé. Disposez-vous d'un échéancier pour cette stratégie de développement durable?
Une autre question me vient à l'esprit dans la foulée de celle du sénateur Nolin. Vous disiez que nous devrions probablement effectuer des suivis lorsque la stratégie définitive ou le rapport final seraient à moitié terminés. Monsieur le commissaire, votre bureau pourrait-il faire la même chose avant l'élaboration de la stratégie finale? Vous devriez peut-être vérifier où en sont rendus les ministères. Cela mettrait probablement plus de pression sur eux.
M. Thompson : Le chapitre sur la stratégie relative au développement durable, dont les recommandations sont claires, est pour nous un chapitre important sur la vérification. Nous allons certainement assurer le suivi des par l'intermédiaire de rapports d'étape dans les années à venir. Cela ne fait aucun doute. Je pense que nous pourrions le faire assez souvent et assez rapidement.
Nous rencontrerons les représentants d'Environnement Canada et nous suivrons de près en coulisse le déroulement de l'examen, que nous avons beaucoup à cœur. Nous n'effectuerons pas de vérification au début. Nous attendrons que le gouvernement ait effectué un examen, puis nous interviendrons. Cependant, si nous constatons pendant l'examen qu'on fait fausse route ou que le travail effectué n'a pas la portée visée, nous interviendrons certainement. Je pense que nous pourrions influencer un peu le processus, mais nous ne tenterons certainement pas d'effectuer une vérification au début de l'examen. Nous voulons permettre au gouvernement d'effectuer son travail, puis nous jetterons un coup d'œil à la mise en œuvre.
Le sénateur Milne : J'ai trois questions. Premièrement, lorsque vous avez effectué la vérification à Ressources naturelles Canada, vos efforts ont porté sur la stratégie nationale relative aux espèces forestières étrangères envahissantes. Dans le cadre de vos travaux, avez-vous jeté un coup d'œil aux espèces indigènes envahissant la forêt comme le dendroctone occidental du pin ponderosa dans l'Ouest? Peu importe ce qu'on fait, on ne peut pas dire que les résultats soient efficaces.
Deuxièmement, en ce qui concerne mon projet favori, je constate que, dans sa stratégie de développement durable de 2001, Ressources naturelles Canada s'est engagé à créer une base de données nationales sur les eaux souterraines d'ici 2003. Le ministère a réitéré son engagement en 2004, mais il a reporté la date en 2006; il semble qu'on parle maintenant d'environ 20 p. 100 en 2006. Où en est-on et est-ce que vous vous y intéressez?
Troisièmement, comment choisissez-vous l'objectif précis de votre vérification dans un ministère?
M. Thompson : Je vais demander à M. Ferguson de répondre à la deuxième question.
En ce qui concerne le dendroctone du pin ponderosa, je peux seulement dire qu'en février, un chapitre sur quatorze traitera des espèces envahissantes. Ce serait peut-être une bonne idée d'examiner les recommandations antérieures que nous avons présentées, entre autres, à Ressources naturelles Canada par rapport à ce genre de problème.
M. Ferguson : Je peux faire des commentaires sur la façon dont nous déterminons nos choix à l'égard des stratégies.
Le sénateur Milne : Oui, mais revenez aux aquifères dans ce cas.
M. Ferguson : L'eau souterraine ne faisait pas partie de notre vérification relative aux stratégies de développement durable. Nous n'avons pas traité de cette question. Pas plus que les organismes nuisibles d'ici ne faisaient partie de notre vérification actuelle. Notre vérification des espèces envahissantes prévue pour février englobe les espèces aquatiques envahissantes, et c'est sur ce sujet que nous nous sommes penchés en 2002.
Le sénateur Milne : La vérification couvre donc essentiellement les Grands Lacs.
M. Ferguson : Non, la vérification inclut la côte; il s'agit d'une vérification nationale.
M. Thompson : M. Ferguson est responsable du travail que nous accomplissons chaque année sur les stratégies de développement durable, il est donc bien outillé pour expliquer comment nous choisissons ces 10 ou 11 engagements chaque année.
M. Ferguson : Il y a désormais 32 stratégies qui sont déposées tous les trois ans. Au moment du dépôt, nous examinons toutes les stratégies et élaborons un programme pour les trois années suivantes.
Bien sûr, nous avons beaucoup de pain sur la planche. Chacune des 32 stratégies contient environ 100 engagements. Nous devrons être attentifs à la façon dont nous attribuons nos ressources financières et humaines.
Nous essayons d'examiner toutes les stratégies au cours des trois années. Pour y parvenir, nous prenons une tranche d'environ dix stratégies par année. Nous regardons l'importance des engagements dans chacune d'entre elles. Nous consultons le ministère pour comprendre quels engagements, à son point de vue, contribuent le plus à faire avancer son programme.
Nous examinons également si le tout peut faire l'objet d'une vérification. Dans de nombreux cas, nous avons constaté qu'il n'existe pas de moyen objectif pour évaluer les progrès accomplis.
Le sénateur Milne : Vous n'avez pas de base de référence à partir de laquelle vous pourriez travailler.
M. Ferguson : Oui. Par ailleurs, les engagements sont souvent énoncés en termes assez vagues.
Nous tenons compte d'un certain nombre de facteurs — l'importance, la vérifiabilité et, bien entendu, nos propres contraintes en matière de ressources humaines et financières. Pendant trois ans, nous essayons d'examiner au moins quelques engagements de chacune des 32 stratégies.
M. Arseneault : Puisque nous faisons partie du Bureau du vérificateur général, nous avons accès à des effectifs plus nombreux qui ne se limitent pas au groupe du commissaire. Nos collègues d'ailleurs au bureau nous aident à surveiller les engagements pris par les ministères à l'égard des stratégies sur le développement durable qu'ils déposent au Parlement. Nous sommes en mesure d'abattre plus de travail grâce à l'ensemble de l'effectif du bureau qui collabore avec nous. Cet appui est capital.
Le président : Merci chers collègues et merci à nos invités. Vous avez fait preuve d'un grand esprit d'ouverture et d'une grande franchise. Soyez convaincus que nous allons vous demander de revenir nous voir. Vous pouvez peut-être nous aider à titre non officiel, à l'extérieur des audiences, à concevoir les moyens qui nous permettront d'unir nos efforts pour tirer le tout au clair et assurer véritablement l'efficacité de cette stratégie de développement durable.
La séance est levée.