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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 7, Témoignages du 15 avril 2008


OTTAWA, le mardi 15 avril 2008

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 17 h 49 pour examiner, afin d'en faire rapport, de nouvelles questions concernant son mandat et pour étudier une ébauche de budget.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je suis le sénateur Banks, de l'Alberta, et j'ai l'honneur de présider le comité.

J'aimerais vous présenter rapidement les membres du comité. Le distingué sénateur du Québec, le sénateur Nolin, est le vice-président du comité. Siègent à ses côtés le sénateur Brown, de l'Alberta, le sénateur Mitchell, lui aussi de l'Alberta, et le sénateur Trenholme Counsell, du Nouveau-Brunswick. Est également dans la salle, et va bientôt s'asseoir, le sénateur McCoy, de l'Alberta, et le groupe de travail de l'Alberta est donc ici présent.

Nous examinons aujourd'hui l'adaptation au changement climatique dans le Nord du Canada, ce en prévision de la visite prochaine du comité dans l'Arctique. Nous sommes heureux d'accueillir, dans le cadre de ce que nous espérons sera une séance de salle de classe pour nous, des représentants de Ressources naturelles Canada. Il s'agit de Mark Corey, sous-ministre adjoint, Secteur des sciences de la Terre; de Don Lemmen, gestionnaire de la recherche, Direction des impacts et de l'adaptation liés au changement, et qui est très au courant des questions qui nous occupent ici; et de Sharon Smith, chercheure en pergélisol.

Vient également de se joindre à nous le sénateur Cochrane, de Terre-Neuve et du Labrador.

En mars 2008, le ministère a publié un rapport d'évaluation exhaustif intitulé Vivre avec les changements climatiques au Canada, édition 2007, dont présente un intérêt tout particulier pour le comité le chapitre 3, qui porte sur le Nord du Canada.

Nous serions reconnaissants aux témoins de nous faire des remarques liminaires aussi concises et brèves que possible afin que nous puissions passer aux questions, en gardant présent à l'esprit le fait que notre objet ici est de nous renseigner au sujet de ce que nous devrions guetter, de ce que nous devrions voir et des personnes avec lesquelles nous devrions nous entretenir lorsque nous nous rendrons dans l'Arctique.

Mark Corey, sous-ministre adjoint, Secteur des sciences de la Terre, Ressources naturelles Canada : Merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître devant vous cet après-midi. Nous sommes heureux d'être ici pour vous entretenir du rapport que nous avons diffusé récemment. Il s'agit d'un rapport faisant autorité qui est énorme et renferme quantité d'informations.

Il est découpé par région. Les questions qui vous intéresseront le plus sont traitées dans les résumés et sans doute dans les parties concernant le Nord.

Je vais vous dire quelques mots au sujet des antécédents des deux chercheurs qui nous ont accompagnés. M. Lemmen est chercheur chez RNCan, c'est-à-dire Ressources naturelles Canada. Il est spécialiste de l'adaptation aux changements climatiques et représente souvent le Canada dans les négociations internationales à ce sujet. Il a dirigé l'élaboration du rapport, il a présidé le comité consultatif et il a été le principal réviseur scientifique et le rédacteur principal de la synthèse qui se trouve au début du rapport.

Mme Smith, elle aussi chercheure chez RNCan, est experte dans le domaine du pergélisol à la Commission géologique du Canada, ou CGC. Elle a été responsable des sections sur le pergélisol et l'infrastructure dans le chapitre sur le Nord du Canada, qui vous intéressera tout particulièrement. Mme Smith est l'un des chercheurs qui ont été récompensés par le prix Nobel, qui a été décerné aux auteurs du rapport par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.

[Français]

Ce rapport est un des principaux ouvrages du programme sur les impacts et l'adaptation liés aux changements climatiques. Il s'agit d'une étape importante. Des progrès énormes ont été accomplis dans ce domaine au cours des dix dernières années, en particulier en ce qui concerne notre capacité d'adaptation. C'est également la première fois en dix ans que toute l'information scientifique existante sur les impacts des changements climatiques au Canada et l'adaptation à ces derniers est réunie en un seul rapport. Ceux qui ont besoin de ces informations pour prendre leurs décisions pourront désormais y accéder plus facilement.

La production du rapport a nécessité deux années de travail. La rédaction a requis la participation de 145 auteurs du gouvernement, des universités et des OGN de partout au Canada. Plus de 3 100 références ont été citées. Le processus était supervisé par un comité consultatif de 16 personnes composé de représentants des gouvernements, du milieu universitaire, des groupes autochtones et du secteur privé de toutes les régions du Canada. Les chapitres ont été examinés par 110 spécialistes scientifiques représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.

[Traduction]

Comme je l'ai mentionné, il s'est agi d'un travail énorme auquel ont participé un grand nombre de personnes. Il est incroyable que nous ayons réussi à verser le tout dans un seul volume exhaustif que les personnes intéressées peuvent consulter.

Ressources naturelles Canada a assuré l'ensemble de la coordination du rapport et y a investi environ 1,5 million de dollars. Une grande partie du travail et du financement sont allés à la production finale du document — traduction, révision technique, mise en page et impression. Le rapport a été diffusé au public le 7 mars. Il est aujourd'hui disponible dans les deux langues officielles sur Internet.

Nous sommes heureux de pouvoir offrir au comité des dossiers de référence renfermant l'entièreté du rapport. Je vais vous livrer certains des principaux constats, pour lancer la discussion, après quoi je vous rendrai la parole afin que vous puissiez nous poser des questions plus détaillées.

À l'échelle nationale, le rapport souligne que les collectivités qui dépendent des ressources et les collectivités autochtones sont particulièrement vulnérables au changement climatique, et cette vulnérabilité est amplifiée dans l'Arctique.

Le chapitre sur le Nord du Canada souligne plusieurs points importants, notamment que les changements dans les conditions du pergélisol ont des conséquences importantes pour la conception et l'entretien des infrastructures dans le Nord et que la réduction de la couverture des glaces de mer et l'augmentation du transport maritime en découlant diminueront l'éloignement de l'Arctique, ce qui créera à la fois des occasions de croissance dans de nombreux secteurs économiques et des défis associés à la culture, à la sécurité et à l'environnement — encore une fois, donc, nous envisageons et des possibilités et des défis à relever.

L'adaptation est nécessaire, car les conséquences des changements climatiques sont déjà évidentes dans chaque région du Canada. En voici quelques exemples.

Dans le Canada atlantique, il y aura des tempêtes plus violentes, une élévation du niveau de la mer, de l'érosion côtière et des inondations. Les pêches marines seront touchées en termes de transport, de commercialisation et de santé et de sécurité au travail. Les collectivités côtières peuvent faire de la planification et pendre des mesures pour diminuer leur vulnérabilité à l'élévation du niveau de la mer.

[Français]

Au Québec, les changements les plus marqués sont prévus dans les régions arctiques. Bien que certaines conséquences, notamment en matière d'hydroélectricité et de la foresterie, seront bénéfiques, d'autres seront négatives sur l'écosystème et la santé humaine. On verra une augmentation de l'érosion des berges le long du golfe Saint-Laurent et dans l'estuaire du Saint-Laurent.

[Traduction]

En Ontario, les infrastructures essentielles seront de plus en plus perturbées et les pénuries d'eau seront de plus en plus fréquentes. Les vagues de chaleur extrême pourraient présenter des risques pour la santé des citoyens et accroître les tensions sur les collectivités qui dépendent des ressources. La forte capacité d'adaptation de l'Ontario n'est pas uniforme dans la province.

Dans les Prairies, le manque croissant d'eau est un des risques climatiques les plus sérieux. Les provinces des Prairies ne bénéficient plus des avantages qu'offrent des hivers rigoureux, ce qui entraînera une augmentation des organismes nuisibles et des maladies et des difficultés pour les activités forestières et énergétiques hivernales. D'autre part, le manque de routes d'hiver fiables diminuera les possibilités de transport vers les collectivités éloignées.

En Colombie-Britannique, il manquera de plus en plus d'eau et il y aura plus de concurrence pour l'utilisation de l'eau. Les forêts, la foresterie et les collectivités qui dépendent de la forêt sont vulnérables aux infestations de ravageurs — par exemple, le dendroctone du pin ponderosa — et aux incendies. Les tensions dans le secteur des pêches seront exacerbées.

Dans le Nord du Canada, la région qui vous intéresse, je pense, le plus, nous pouvons observer des changements dans le pergélisol, la glace de mer, les glaces lacustres et l'enneigement. Les conséquences sont importantes sur les infrastructures et leur conception. Il y aura des changements dans la disponibilité, l'accessibilité et la qualité des espèces, ce qui affectera les collectivités qui dépendent de la nourriture du pays. La plus grande navigabilité dans les mers arctiques entraînera à la fois des occasions de croissance et des défis en matière de culture, de sécurité et d'environnement.

Comme vous pouvez le constater, plusieurs de ces conséquences présenteront des défis pour l'infrastructure. L'infrastructure est un dossier à long terme qui exige des années de planification avant de pouvoir y apporter de véritables changements, où que ce soit au Canada. Il importera donc de commencer à planifier dès maintenant en fonction des changements à venir et de la possibilité d'une fatigue et d'une usure plus rapides de nos éléments d'infrastructure. L'évaluation que nous avons faite documente également certaines mesures d'adaptation qui ont déjà été prises : des bâtiments sont éloignés de la côte, les critères de conception sont revus et les mesures d'urgence sont améliorées.

En conclusion, le rapport renferme énormément de choses. C'est avec plaisir que nous entamons avec vous ce soir cette discussion. Nous avons ici deux de nos chercheurs chefs de file qui pourront, nous l'espérons, répondre à vos questions au sujet du rapport.

Le président : Allons-nous passer tout de suite aux questions, ou bien M. Lemmen et Mme Smith aimeraient-ils ajouter quelque chose?

Nous avons été rejoints par le sénateur Adams, qui représente le Nunavut, et par le sénateur Spivak, qui représente le Manitoba.

Vous avez fait mention de préoccupations d'ordre social, mais là n'est pas le propos particulier du comité ici réuni. Il semble cependant qu'il ne soit pas possible de discuter d'adaptation dans le Nord sans au moins évoquer, ne serait-ce que de manière oblique, l'aspect social.

Ceux d'entre nous qui vivent dans le Sud du Canada, au contraire du sénateur Adams qui habite le Nord, ont tendance à réfléchir au Nord dans le contexte du développement — routes, mines et ainsi de suite — sans peut-être tenir compte autant que nous le devrions des habitants de cette région, des Inuits.

Est-il approprié pour nous de tenir compte de ces éléments? Ont-elles une grande importance dans le contexte de notre examen des questions d'adaptabilité au changement climatique dans le Nord et du développement dans le Nord?

Don Lemmen, gestionnaire de la recherche, Direction des impacts et de l'adaptation liés au changement, Ressources naturelles Canada : Il s'agit là d'un point extrêmement important. C'est en fait l'aspect de notre rapport dont nous sommes le plus fiers. Nous avons en effet beaucoup insisté sur la dimension humaine de toute cette question.

La plupart des gens, et une grosse partie de la science, ne se sont intéressés qu'au seul environnement biophysique. Nous avons fait un réel effort pour demander en quoi ce qui se passe touche les collectivités, la population et l'économie. Il nous faut reconnaître que les gens ne s'adaptent pas au changement climatique. Ils s'adaptent plutôt aux conditions changeantes, et le climat est l'un de ces éléments qui est en train de changer autour d'eux.

Le Nord est à l'heure actuelle un environnement très dynamique. La mondialisation et l'évolution démographique sont autant de facteurs dans le genre d'adaptation qui se fera dans le Nord. Le changement climatique sera un facteur important, mais non pas exclusif. Vous avez tout à fait raison; il nous faut comprendre les collectivités et leur capacité de s'adapter aux environnements changeants.

Le sénateur Adams : Je sais qu'il y a certains résidents du Nord qui ne vivent pas beaucoup au-dessus du niveau de la mer. Les personnes résidant autour de la baie d'Hudson constatent chaque année que la marée monte de plus en plus haut. J'ai déjà mentionné au comité que les personnes vivant autour d'Eskimo Point avaient constaté des marées plus hautes que jamais auparavant. Quelqu'un avait attaché ses chiens le long de la rive, et ceux-ci sont morts noyés dans les eaux de marée.

À Rankin Inlet, nous avions construit un petit port et les eaux n'y avaient jamais débordé, sauf, à l'occasion, en octobre, lors de marées exceptionnellement hautes. C'est ainsi que nous lancions notre bateau. Aujourd'hui, nous n'avons plus à le tirer très loin pour le mettre à l'eau, du fait de la montée du niveau de l'eau.

Nous avons entendu des témoins de Pêches et Océans Canada et de la Commission canadienne des affaires polaires il y a environ trois semaines. On nous a dit que certaines des collectivités vivront des problèmes à l'avenir, notamment autour de Tuktoyaktuk. Certains des logements ont été construits trop près du rivage par le gouvernement, et chaque année l'eau s'en approche davantage. Ce phénomène va-t-il s'accentuer encore davantage dans le Nord, monsieur Lemmen?

M. Lemmen : Les questions des changements dans le niveau de la mer et dans le niveau de l'eau sont certes extrêmement importantes. À l'échelle planétaire, le niveau de la mer est en train de monter et continuera de monter, peut-être de jusqu'à un demi-mètre au cours du siècle à venir. Dans la zone arctique, cela est plutôt complexe, car non seulement le volume de l'eau est en train de changer, mais la terre est en train de monter ou de descendre.

Ce qui surviendra dans votre localité pourra être différent de ce que vivront d'autres collectivités ailleurs dans l'Arctique. La terre dans la région de la baie d'Hudson est en train de se soulever plutôt rapidement, tandis que dans certaines zones autour de la mer de Beaufort, comme Tuktoyaktuk, la terre est en train d'être submergée et le niveau de la mer est en train de monter. C'est ainsi qu'il s'agit d'un élément très important là-haut.

Un autre facteur important est l'évolution de la couverture des glaces de mer que vous aurez relevée dans toutes les localités du Nord. Lorsqu'il y a rétrécissement des glaces de mer, l'action des vagues est d'autant plus importante et plus érosive le long de la côte. C'est ainsi que vous constaterez d'importants changements en zone côtière, que le niveau de la mer demeure relativement stable ou qu'il augmente sensiblement, comme c'est le cas dans de nombreux endroits.

Le sénateur Adams : Même dans notre région, nous avons constaté que la neige a commencé à changer ces deux ou trois dernières années. Je me rends en général à ma cabane en tirant un lourd traîneau derrière ma motoneige. Maintenant, dès que j'attache un chargement à mon Ski-Doo, celui-ci s'enfonce dans la neige. Cela n'arrivait jamais autrefois. La neige ressemble davantage à des cristaux de glace qu'à de la neige dure.

La glace de mer, au lieu de fondre à partir du dessus semble fondre davantage par en dessous. Avez-vous surveillé les températures de l'eau dans la mer au cours des dernières années?

M. Lemmen : Cela soulève un élément très important. Dans bien des cas, les résidents et les collectivités elles-mêmes sont à certains égards en avance sur la communauté scientifique pour ce qui est de l'observation de nombre des changements qui s'opèrent.

Par exemple, des collectivités situées dans l'Arctique faisaient état de changements dans la direction et la force des vents. Du fait que nous n'ayons que très peu de stations météorologiques dans le Nord, il n'y a pas eu beaucoup d'enregistrements de ces phénomènes. Cependant, lorsque nous avons commencé à entendre ces rapports émanant des collectivités et à nous pencher de manière plus détaillée sur les informations fournies, nous nous sommes rendus compte qu'il s'opère en effet d'importants changements.

Les auteurs du rapport ont tenté de cerner cette connaissance traditionnelle locale et, dans le cas des collectivités autochtones, les types de phénomènes qu'observent les praticiens, comme par exemple les changements dans la texture de la neige, ce qui est extrêmement important pour le transport, les animaux et d'autres aspects encore. Tout cela est une contribution additionnelle importante aux renseignements scientifiques que nous possédons.

Le sénateur Cochrane : Quel effet du changement climatique dans le Nord est le plus urgent? Y a-t-il un élément particulier qui soit plus urgent que le reste?

M. Lemmen : Cette question est extrêmement difficile, car le changement climatique a une incidence sur tout, depuis l'individu, jusqu'à la région, jusqu'à la Terre entière. En conséquence, les questions les plus importantes auxquelles devrait s'attaquer une collectivité ou un individu peuvent être très différentes de celles dont on s'occuperait au niveau régional ou national.

Par exemple, la plupart des collectivités de l'Arctique sont situées le long de la côte. Il sera donc urgent de protéger les éléments d'infrastructure qui sont vulnérables à un accroissement de l'érosion ou à l'élévation du niveau de la mer.

En même temps, cependant, j'aimerais faire une mise en garde et prendre ici un peu de recul pour dire que les possibilités économiques potentielles existantes de l'Arctique ne seront pas réalisables si nous ne reconnaissons pas quels sont les problèmes et si nous ne prenons pas des mesures dans un avenir relativement proche. Ce sont là des éléments qui, à l'échelle régionale, pourraient avoir une plus grande importance, du fait des responsabilités relatives.

Le degré d'urgence qui est attribué à un aspect ou à un autre dépend de la question de savoir pour qui la chose est urgente. Dans le rapport, c'est tout à fait intentionnellement que nous ne traitons pas de ces questions, car elles sont fort complexes. Nous nous sommes plutôt attachés à réunir toute l'information pour qu'elle soit disponible afin que la population, les décideurs et l'industrie puissent s'asseoir et se demander quelle sera l'incidence du changement climatique sur eux et quelles mesures ils devraient prendre.

Le sénateur Cochrane : De quel genre de possibilités pour la population parlez-vous?

M. Lemmen : Dans le Nord du Canada, la diminution de la couverture des glaces de mer amènera une augmentation des transports maritimes. Il pourrait y avoir des possibilités de développement économique, de développement de ports dans le Nord et de développement d'une infrastructure routière importante. Tout cela pourrait amener la création d'emplois dans les secteurs de l'exploitation des ressources naturelles, des transports et du tourisme. Ce sont là des possibilités dont sont au courant certains résidents du Nord avec qui j'ai eu le plaisir de traiter. Ils sont en train de prendre des mesures afin de tirer profit de ces possibilités.

Le président : Madame Smith, la plupart des zones côtières, où se trouvent, d'après ce qu'a dit M. Lemmen, les collectivités, reposent, selon les cartes contenues dans ce rapport, sur le pergélisol, mais celui-ci n'est plus aussi permanent, n'est-ce pas? Cela ne va-t-il pas créer un énorme défi sur le plan de l'infrastructure?

Sharon Smith, chercheure en pergélisol, Ressources naturelles Canada : Oui, la plupart de ces côtes ont un pergélisol à forte teneur en glace. Il s'agit là d'encore un autre facteur dont il faut tenir compte dans ces zones en vue d'évaluer les impacts qui y seront causés.

Vous avez raison; même si nous parlons de pergélisol, ce gel ne sera pas aussi permanent si le réchauffement s'opère.

Le président : J'ai omis de vous dire « Félicitations » pour votre morceau du prix Nobel. Vous a-t-on remis une petite statuette?

Mme Smith : Nous l'attendons toujours. Nous avons cependant reçu une belle plaque de la part du ministre Baird.

Le sénateur Nolin : Pour compléter la réponse à la question du président, quelles sont les conséquences pour l'infrastructure en ce qui concerne ce qui doit être fait?

Mme Smith : Le pergélisol, ou sol gelé, offre une assez solide fondation, tant et aussi longtemps qu'il demeure gelé.

Le sénateur Nolin : C'est justement ce pour quoi j'estime que la question est pertinente.

Mme Smith : Lorsque le pergélisol dégèle, surtout s'il a une forte teneur en glace, ce matériau perd de sa force et se comporte dont très différemment. S'il porte une charge, comme par exemple un bâtiment, alors sa capacité portante s'en trouve réduite. Le sol se tasse, et il y aura des conséquences pour l'intégrité même de l'infrastructure.

Dans le cas de plus gros éléments d'infrastructure, il y a encore davantage de conséquences, car il peut y avoir un tassement sous une partie du bâtiment ou de la route, mais pas sous une autre. Il y aura donc une certaine déformation de la structure elle-même.

Fort heureusement, cela fait déjà quelque temps que nous faisons face à ces situations dans le Nord du Canada. Le simple fait de gratter le sol et d'enlever la végétation pour construire l'élément d'infrastructure ou d'y installer une structure chauffée fera dégeler le pergélisol. Les ingénieurs ont mis au point certaines techniques pour contrer ces effets.

Nous avons à cet égard beaucoup de chance; cela fait environ 50 ans que nous composons avec ce problème.

Le président : Pour terminer notre cours là-dessus, dites-nous combien il existe de types différents de pergélisol. Vous avez dit que si un pergélisol riche en glace se met à fondre, cela amènera de l'eau, de la boue et une moindre capacité portante. Existe-t-il d'autres types de pergélisol qui soient moins humides?

Mme Smith : Oui, il y en a. Le pergélisol dans la terre plutôt que dans la roche présentera davantage de problèmes pour ce qui est de la stabilité de l'infrastructure. Les matières à grains fins, comme par exemple les limons et les argiles, que l'on retrouve partout dans la vallée du Mackenzie, par exemple, ont tendance à être riches en glace. Dans la région entourant Tuktoyaktuk, l'on retrouve dans les sédiments glaciaires d'importantes nappes de glace. La teneur en glace varie; l'on ne retrouve pas de grosses quantités de glace là où il y a de la roche. Lorsqu'il y a fonte, le sol a tendance à demeurer stable. Tout dépend des caractéristiques du sol.

Le président : Nous y prêterons attention au fil de nos pérégrinations.

Le sénateur Mitchell : Je tiens moi aussi à vous féliciter pour votre partie du prix Nobel, mes félicitations aussi pour cette remarquable étude. Elle est vraiment formidable.

Cela me fait penser à cet adage que nous avons souvent entendu et selon lequel la main droite ignore ce que fait la main gauche, alors que vous étiez la main gauche faisant cette étude remarquable sur l'incidence du réchauffement planétaire tandis que le premier ministre, la ministre Ambrose et peut-être le ministre Baird étaient la main droite. Alors que vous terminiez cette remarquable étude sur ce qui se passe concrètement, l'un quelconque d'entre eux vous a-t-il consultés avant que d'annuler l'ensemble des programmes de lutte contre le changement climatique mondial qui étaient en place lorsqu'ils sont arrivés au pouvoir?

Alors qu'ils niaient l'existence même du changement climatique, vous avaient-ils consulté ou aviez-vous pu prendre l'initiative de leur dire qu'ils étaient sur la mauvaise voie?

M. Corey : Il s'agit sans doute là d'une question que vous devriez poser à Environnement Canada, pour ce qui est de ses programmes et antécédents. Je peux cependant vous dire qu'en ce qui nous concerne il y a un vaste groupe de personnes qui ont participé à ce travail. Il y a eu tout un éventail de personnes en provenance de notre ministère, d'Environnement Canada et d'autres ministères fédéraux.

Ce rapport représente le rassemblement de toutes les personnes que nous connaissions et qui sont les chefs de file et experts en la matière. Il s'agit, comme vous le dites, d'une masse remarquable de connaissances à la fine pointe. Si vous ne deviez lire qu'une seule chose sur l'adaptation au changement climatique, alors c'est vraisemblablement ce rapport auquel il vous faudrait vous reporter en ce moment.

Le sénateur Mitchell : J'étais en train de parcourir la longue liste de personnes y ayant participé. Cet effort a dû accaparer énormément de ressources et de personnes au sein de ce ministère et du vôtre. Il aurait fallu être volontairement ignorant de ce qui se passait dans votre ministère, en tant que ministre de l'Environnement, par exemple, pour ne pas savoir ce que faisait votre personnel face à la reconnaissance explicite que le changement climatique est une réalité. Cependant, en même temps, le gouvernement en niait l'existence même et refusait de prendre quelque mesure que ce soit. Pire encore, il annulait des mesures déjà prises pour atténuer les dommages créés. C'est peut-être là une question à laquelle vous ne pouvez pas répondre. Il me semble que vos ministres devaient être au courant.

M. Corey : Il me faut dire en fait que vous avez tout à fait raison. Le rapport a coûté environ 1,5 million de dollars, que nous avons versés. Comme nous l'avons mentionné, tout un aréopage de chercheurs ont participé à ce travail. Ce rapport représente bel et bien le nec plus ultra en matière de connaissances relatives à l'adaptation.

Le président : Nous pouvons nous consoler avec bonheur dans le fait que les ministres reconnaissent maintenant que le changement climatique est une réalité.

Le sénateur Mitchell : Oui, après moult résistances et récriminations, qu'ils le reconnaissent vraiment ou non.

Le sénateur McCoy : Les 1,5 million de dollars pour une étude de cette envergure, c'est une broutille. Vous avez sans doute fait davantage de microédition avec toute cette recherche coûteuse.

Je reprends en quelque sorte la question du sénateur Mitchell.

Le sénateur Mitchell : Nous autres Albertains sommes solidaires.

M. Lemmen : Il est très important de souligner que cette étude est une évaluation des renseignements qui étaient disponibles. Nous n'avons pas effectué de recherche originale dans le cadre de ce projet. Ce que nous avons constaté, plutôt, est qu'il existe un si grand nombre d'études différentes que lorsque nous nous sommes entretenus avec les décideurs, ils se demandaient ce qu'ils devaient croire dans tout ce qu'ils voyaient, afin de pouvoir juger de ce qui était important.

Notre tâche était de nous entretenir avec les meilleurs experts, de leur demander de réunir tous les renseignements concernant leur région et de les distiller pour en tirer des messages clés, c'est-à-dire les faits que les gens doivent connaître. Là où la science est équivoque, là où elle ne sait pas ce qui va se passer, alors c'est leur responsabilité, en leur qualité d'experts, de dire pourquoi nous ne savons pas et ce qu'il nous faut faire pour répondre à la question.

Vous avez raison; il n'y a pas beaucoup de nouvelles recherches dans le rapport. Il s'agit plutôt d'une synthèse d'un très grand volume de renseignements disponibles dans tout un tas d'endroits.

Le sénateur Mitchell : Je ne vais pas insister davantage là-dessus, mais je tiens à dire, afin que cela figure au procès-verbal, qu'il est presque incompréhensible pour moi qu'un gouvernement annule en 2006 des programmes de lutte contre le changement climatique face à ce genre de renseignements, qui soulignent de manière convaincante que le changement climatique est une réalité, a été une réalité et a eu et aura des effets durables sur les Canadiens et sur notre environnement. Il est réellement navrant, dans pareil contexte, que le gouvernement ait fait ce qu'il a fait.

Cela étant dit, il doit clairement y avoir un contexte pour cette étude, un contexte quant à l'envergure du changement climatique. Comment avez-vous procédé pour intégrer dans votre étude quels seraient les effets et quelles adaptations seraient requises?

Par exemple, votre base était-elle ce qu'il adviendra si nous dépassons la limite de deux degrés qui est généralement acceptée par le milieu scientifique comme étant le point de non-retour? Aviez-vous en tête que certains gouvernements dans le monde, dont celui du Canada, prendraient des mesures pour atténuer le changement climatique de manière à ce que les mesures d'adaptation soient moins onéreuses?

Comment avez-vous fait intervenir dans votre étude tous ces facteurs? Quel degré de changement climatique avez-vous utilisé comme base?

M. Lemmen : Il s'agit là d'un élément très intéressant. C'est peut-être là la seule hypothèse que nous ayons faite dans le cadre de cette étude, bien qu'il ne s'agisse pas d'une hypothèse. Il s'agit d'un fait. C'est un fait étayé par de solides observations indiquant que le climat est en train de changer et continuera de changer à l'avenir.

Nous nous sommes penchés sur l'avenir, mais de façon très générale. Que nous livre une gamme complète de scénarios possibles pour l'avenir? Sur quelles voies sommes-nous engagés? Cette même réflexion a été faite dans le cadre d'autres études également. Si nous regardons 15 ou 20 ans dans le futur, nous sommes plutôt engagés dans la voie sur laquelle nous nous trouvons. Quant à la voie que nous prendrons pour d'ici à 100 ans, elle pourrait être différente, selon ce que la collectivité décide de faire sur le plan des émissions de gaz à effet de serre.

Au lieu de nous enfermer à l'intérieur d'un, deux ou trois de ces scénarios, nous nous sommes demandés ce que devaient savoir les décideurs. Quel sera leur point de départ? Leur point de départ sera leur vulnérabilité actuelle. Où le climat nous pose-t-il des problèmes aujourd'hui? Ces problèmes vont-ils s'aggraver à l'avenir?

Prenons un exemple. Je viens de l'Alberta. La sécheresse est un énorme dossier en Alberta. Que nous indiquent les modèles en matière de sécheresse? Les sécheresses deviendront plus fréquentes et vraisemblablement plus graves à l'avenir.

Du point de vue adaptation, il n'est pas nécessaire que nous sachions exactement jusqu'à quel point les sécheresses deviendront plus fréquentes; nous savons qu'il nous faut adapter nos activités agricoles de manière à pouvoir résister à la sécheresse. C'était tout à fait là le point focal de notre évaluation. Autrement dit, nous sommes vulnérables maintenant et quelles sont les mesures pouvant être prises, au lieu de faire des supputations quant à un avenir parmi plusieurs avenirs possibles.

Le sénateur Mitchell : Je pense que c'est dans le budget de l'an dernier, ou peut-être dans le mini-budget de l'automne, que le gouvernement a annoncé que 7 ou 8 millions de dollars seraient consacrés à l'adaptation dans le Nord.

Pourriez-vous nous confirmer quel était le montant? Le savez-vous? D'autre part, ce montant est-il suffisant compte tenu du niveau d'adaptation requis? Qui a déterminé que ce chiffre était raisonnable compte tenu des efforts requis ou du niveau du programme? Une partie de cet argent a-t-il à ce jour été dépensé? S'est-il fait quelque chose?

Le président : Je signale à l'intention de nos invités, afin qu'ils comprennent bien, qu'en cet endroit nous sommes moins formels qu'à l'autre. Lorsque quelqu'un vous pose une question, vous pouvez répondre directement, sans passer par mon intermédiaire.

M. Corey : Je pense qu'en décembre, le ministre Baird a fait une annonce de 85,9 millions de dollars, dont 7 millions de dollars pour l'adaptation en matière de changement climatique et de santé dans les collectivités inuites du Nord. Je n'en connais pas le détail, mais nous pourrions vraisemblablement nous renseigner et vous revenir là-dessus.

M. Lemmen : Je pense que cela concernait Santé Canada.

M. Corey : Il s'agit d'un programme de Santé Canada.

Le sénateur Mitchell : En dépit du fait qu'il y ait article après article d'exigences en matière d'adaptation dans ce chapitre, les 7 millions de dollars ne concernent que la santé, n'est-ce pas? Je suppose que c'est un point de départ.

Le président : Il a dit que le montant global était de 85,9 millions de dollars, dont ces 7 millions de dollars.

Le sénateur Mitchell : Les 7 millions de dollars étaient-ils destinés au volet santé, ou bien à l'adaptation au changement climatique?

M. Corey : Je me reporte ici au communiqué de presse. Un autre volet intéressant des 85,9 millions de dollars serait les 14 millions de dollars pour un programme visant à aider les résidents du Nord à évaluer les vulnérabilités et possibilités clés en matière d'adaptation pour Affaires indiennes et du Nord Canada, ou AINC. Il vient tout juste d'être confirmé que 7 millions de dollars vont être consacrés à un programme de santé. Il y a 14,9 millions de dollars pour un projet pilote sur le climat et les maladies infectieuses et il y a 35 millions de dollars pour Ressources naturelles Canada, et il s'agit d'outils de gestion du risque en matière d'adaptation.

Nous sommes en train d'œuvrer aux côtés d'organisations, d'ingénieurs professionnels et de planificateurs pour essayer d'inscrire certaines de ces mesures d'adaptation dans des choses comme les codes du bâtiment et les normes en matière de construction routière. Il y avait également 15 millions de dollars pour la recherche en vue d'améliorer les scénarios de changement climatique. Voilà donc certaines des choses qui ont été annoncées.

Le sénateur Mitchell : Cela a-t-il été mis en œuvre? Cet argent a-t-il été dépensé?

M. Corey : Les 35 millions de dollars qui nous étaient destinés seront dépensés au cours des deux prochaines années.

Le président : Vient tout juste de se joindre à nous le sénateur Kenny, qui est membre du comité et président du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Le sénateur Kenny : Monsieur le président, si je suis venu, c'est pour savoir ce que pense réellement le sénateur Mitchell du changement climatique.

Le président : Même si nous le savons tous déjà.

Le sénateur Spivak : J'aimerais faire un bref commentaire. L'ignorance en matière de changement climatique n'a pas été limitée à la seule année 2006, car le comité éditorial du National Post dans son entier se consacre à nier l'existence du changement climatique. Nous devrions peut-être lui envoyer ceci.

Le sénateur Mitchell : Bravo!

Le sénateur Spivak : J'aurai plusieurs questions. Premièrement, ai-je bien compris que, d'ici un court laps de temps, les températures dans le Nord pourraient augmenter de jusqu'à 10 degrés?

Deuxièmement, qu'en est-il du Gulf Stream? Il s'agit-là d'événements réellement catastrophiques. Avec la fonte de la calotte glacière, dans quelle mesure la chose est-elle imminente?

Troisièmement, dans ce qui est davantage une « microveine », au Manitoba, d'où je viens, la période d'utilisation des routes du Nord raccourcit de plus en plus. Que fera-t-on lorsque le pergélisol ne sera plus? Comment pourra-t-on construire quelque type de route que ce soit?

Je sais que le chemin de fer desservant Churchill a trouvé un moyen de garder la voie ouverte. Peut-être que les wagons ferroviaires sont plus légers. En l'absence de ces routes, quelle est votre solution?

Le président : Vous avez posé là quatre questions, alors vous pourrez vous relayer.

M. Lemmen : Je vais me lancer avec les premières questions.

Pour ce qui est du rythme de changement des températures dans le Nord, il est certain que le Nord, et tout particulièrement l'Arctique de l'Ouest, se réchauffe aussi rapidement que n'importe quel endroit dans le monde. Si l'on parle changement dans la température annuelle, un chiffre de 10 degrés Celsius s'inscrirait dans la marge supérieure de ce que j'envisagerais pour dans 80 ou 100 ans d'ici.

Les températures hivernales sont en train d'augmenter sensiblement plus vite que les températures moyennes. Ces 10 degrés de plus en hiver viendraient peut-être dans un laps de temps plus court. C'est ce que nous constatons, soit que les hivers deviennent plus doux, plus que les étés ne deviennent plus chauds.

La question que vous soulevez au sujet du Gulf Stream est certainement extrêmement importante à l'échelle mondiale. Ici, je ne peux que me reporter au travail effectué par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, ou GEIEC. Pour la gouverne des membres du comité qui ne sont peut-être pas au courant de l'importance du Gulf Stream, il s'agit d'un moyen de redistribuer la chaleur à l'intérieur du système océanique. C'est là qu'est stockée une quantité énorme de la chaleur du globe, beaucoup plus que dans l'atmosphère elle-même, et les changements y sont plus lents.

L'idée de stopper le courant du Gulf Stream, réduisant ce transfert de chaleur — qui est, en fait, le fameux mécanisme à la base du scénario du film Le Jour d'après et le rapide refroidissement de l'hémisphère Nord —, est considérée par le GEIEC comme étant peu probable au cours des 100 années à venir. Cependant, le Groupe d'experts a néanmoins souligné que les mesures prises relativement aux émissions de gaz à effet de serre au cours des 100 prochaines années auront certainement une incidence sur la probabilité de la réalisation d'un tel scénario dans un avenir plus éloigné. Si vous songez aux générations plus lointaines, la chose devient tout à fait pertinente.

Madame Smith, souhaitez-vous dire quelques mots au sujet du Nord du Manitoba?

Mme Smith : Si j'ai bien compris la première partie de votre question, vous parliez des routes du Nord. J'avais compris que vous vouliez parler des routes de glace ou des routes d'hiver, par opposition aux routes toute-saison.

Le sénateur Spivak : C'est exact.

Mme Smith : Dans le Nord du Manitoba et dans les Territoires du Nord-Ouest ainsi que dans d'autres régions du Nord, l'on dépend des routes d'hiver ou des routes de glace pour desservir les zones d'exploitation de ressources naturelles. Dans la vallée du Mackenzie, il y a une route d'hiver qui s'étend de Wrigley jusqu'à Fort Good Hope. C'est largement grâce à cette route et à la barge que ces localités sont desservies.

Avec un réchauffement accru et une saison hivernale plus courte — et nous avons constaté cela il y a plusieurs années avec la route qui dessert les mines de diamant, lorsqu'il n'a pas été possible d'y amener des chargements complets et qu'il a fallu recourir à des aéronefs pour leur approvisionnement en combustible et autres —, il deviendra plus difficile dans le temps, avec l'écourtement de la saison, de desservir certaines de ces zones.

Le sénateur Spivak : Je pensais avoir entendu M. Corey ou quelqu'un d'autre dire que l'un des mécanismes d'adaptation est de construire des routes. Sur quoi construiriez-vous ces routes?

Mme Smith : L'un des aspects dans le Nord est qu'il vous faut tenir compte du pergélisol dans la construction des routes toute-saison. Il existe des techniques de construction qui ont été utilisées dans le but d'essayer de préserver le pergélisol. L'on recourt par exemple à de très épaisses bermes de gravier ou alors on fait en sorte que les routes contournent le pergélisol à forte teneur en glace.

Le sénateur Spivak : Un petit peu comme ce que l'on pratique en Chine avec le train.

Mme Smith : Oui, ce serait là un autre exemple.

Une autre technique repose sur l'utilisation d'autres isolants, comme le Styrofoam. Vous avez parlé de la ligne de chemin de fer de la baie d'Hudson. L'une des techniques qu'on y a employées a été l'utilisation d'un siphon thermique, et donc d'un réfrigérant artificiel. Il s'agit là d'une technique plutôt coûteuse si vous êtes responsable d'une longue route.

Il nous faut entretenir les routes. Même autour d'Ottawa, ce printemps, il y a des problèmes de soulèvement par le gel et de tassement dû au dégel. Il se fait de l'entretien en permanence.

Le sénateur Spivak : Nous aussi nous faisons cela.

Mme Smith : Ce n'est pas particulier au Nord. Cependant, s'il y a réchauffement et si celui-ci dépasse les valeurs de calcul originales de la route en question, alors il faudra prévoir des travaux d'entretien supplémentaires pour remonter les routes, les maintenir à niveau, les aplanir, et cetera. Il s'agit d'un problème avec lequel les gens devront composer.

Le sénateur Spivak : J'ai lu quelque part que les phoques annelés peuvent survivre sans glace, mais que ce n'est pas le cas des autres espèces de phoques. Quelle incidence cela aura-t-il sur la nourriture du pays dans le Nord et sur les ours polaires? Est-il vrai qu'une espèce de phoque pourrait se débrouiller, mais pas forcément les autres?

M. Lemmen : Premièrement, il me faut dire que je ne suis d'aucune manière un expert en matière de faune du Nord. Lorsque nous avons constitué les équipes chargées de rédiger les différents chapitres, nous avons veillé à réunir les compétences requises selon le thème.

Sans vouloir me lancer dans des observations concernant des espèces en particulier, diverses espèces, et notamment divers mammifères marins, subiront des conséquences différentes. Il est très probable que certaines espèces de phoques soient davantage touchés que d'autres.

La question des ours polaires est examinée dans l'évaluation. On y souligne le stress extrême que vivent présentement les ours polaires à leur limite Sud, du fait de la dégradation de la couverture des glaces de mer. Le rapport établit des relations quant à l'importance, non seulement de l'ours polaire, mais de nombreuses espèces sauvages, pour la survie des localités du Nord. Il souligne l'importance de cette nourriture du pays pour la santé et le bien-être de la collectivité, son importante valeur culturelle et la complexité de toute la question de l'adaptation. Vous pourriez dire que telle espèce n'existe plus et qu'il suffit donc de la remplacer avec autre chose ou avec des fournitures en provenance du Sud expédiées par avion. Cependant, la plupart des gens ne sont pas sensibles à l'importance que peut avoir cette seule espèce pour la santé et le bien-être des collectivités.

Voilà les genres de questions que nous nous efforçons de soulever dans ce rapport.

Le président : Le sénateur Nolin me souligne que cette question précise est évoquée dans le rapport à la page 97.

Le sénateur Spivak : Merci. Je n'ai pas eu l'occasion de l'examiner.

Le président : Aucun d'entre nous n'a aussi bien fait ses devoirs qu'il l'aurait fallu.

Le sénateur Nolin : C'est parce que j'ai une bonne adjointe.

Le sénateur Trenholme Counsell : Félicitations à vous tous pour ce magnifique rapport. Il s'agit, en ce qui me concerne, d'un document à conserver.

Je viens de la région de l'Atlantique, et depuis que je suis ici j'écoute, et, en même temps, je lis la partie du rapport portant sur la région de l'Atlantique. Je n'ai jamais rien lu d'aussi exhaustif.

À parcourir cet ouvrage, j'ai l'impression que les résidents comptent sur leurs gouvernements provinciaux pour des réponses quant aux mesures à prendre. Au niveau local, en dehors des études et des projets, est-ce le gouvernement provincial qui va essayer d'aider les gens à se préparer et à s'adapter?

D'autre part, dans la partie concernant les pêches, je n'ai pas trouvé grand-chose au sujet du homard. Vous parlez du crabe. Il est intéressant de voir que l'alimentation de certaines espèces va manquer si les eaux deviennent froides, pour ensuite se réchauffer par la suite. Je suis certaine que ce rapport n'a pas traité de toutes les espèces.

M. Lemmen : Le rapport examine ce qui se passe à l'heure actuelle en matière d'adaptation, tant à l'intérieur du Canada que dans le monde. Nous pouvons beaucoup apprendre des autres également. Nous sommes confrontés à des nombreux défis communs.

Un aspect important qui est ressorti de ce travail est que chacun a un rôle à jouer dans l'adaptation. Tous les paliers de gouvernement, qu'ils soient d'ordre national, provincial, territorial, municipal ou communautaire, peuvent jouer un rôle important. L'industrie a elle aussi un rôle essentiel à jouer.

L'une de mes parties préférées de cette évaluation ce sont les études de cas faisant ressortir des exemples de choses qui se passent ou de préoccupations clés. L'une d'entre elles, à la page 157 dans le chapitre sur la région de l'Atlantique, fait état de ce qu'a fait un groupe communautaire d'Annapolis Royal, en Nouvelle-Écosse, face au défi auquel il risquerait d'être confronté avec le changement climatique. Les gens s'inquiétaient de l'incidence pouvant avoir sur leurs collectivités les inondations du fait d'ondes de tempêtes. Sans gros investissement, ils ont pris des cartes détaillées établies il y a de cela quelques décennies et ont œuvré avec des gens qui s'occupent de modélisation d'ondes de tempêtes pour établir un modèle de l'incidence pouvant avoir sur la localité une onde de tempête de deux mètres.

Ils s'inquiétaient particulièrement du service d'incendie du fait que c'est celui-ci qui est principalement responsable de l'assistance d'urgence. La bonne nouvelle qui est ressortie de cet exercice de mappage est que le service d'incendie resterait bien au sec en cas d'onde de tempête. La mauvaise nouvelle était qu'ils se trouvaient sur une île et étaient complètement séparés du reste de la collectivité.

Sur la base de ce simple travail effectué par un groupe communautaire, le service d'incendie a acheté un bateau et a commencé à entreposer du matériel essentiel dans la partie de la collectivité dont il pourrait être isolé. C'est ainsi que le service était moins vulnérable, des fournitures étant disponibles sur place.

Cela est anecdotique, mais illustre de quelle manière un groupe communautaire concerné a été en mesure de faire quelque chose d'important pour la collectivité. Pour en revenir à votre question fondamentale, il y a en la matière des rôles pour tout le monde. Nous commençons à constater des exemples d'action à différents paliers.

Le homard, encore une fois, déborde de mon domaine de compétence. Vous avez cependant raison; je ne me souviens d'aucune mention particulière à l'égard du homard. Cela me rappelle un certain nombre de faits connexes. Premièrement, les écosystèmes marins sont l'un des éléments dont nous savons le moins quant à la façon dont des changements pourraient se manifester. Je songe ici non seulement à des changements dans les températures de l'eau, mais également à des changements dans les courants et à l'égard de nombre d'autres facteurs au sujet desquels davantage de recherche s'impose.

Deuxièmement, il est important de souligner que j'ai donné à mes auteurs des consignes très précises quant au nombre de pages. J'ai dit qu'il nous fallait produire entre 50 et 60 pages car je tenais à ce que les gens soient en mesure de lire le produit de nos efforts. Chaque chapitre a été réduit d'au moins la moitié par rapport au texte soumis initialement. Plusieurs des auteurs sont en train de publier des documents plus longs et distincts portant sur leur région, afin de rassembler le maximum d'information.

J'estimais que cela était important en vue de comparaisons de notre rapport aux documents émanant du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat ou de l'Arctic Climate Impact Assessment. Je trouve, en ma qualité de chercheur, que ces volumes sont impénétrables. Je les parcours et j'en lis des passages, mais pas le tout. Notre objet en produisant ce rapport était de livrer des chapitres qui soient véritablement lus et utilisés. À cette fin, nous avons sacrifié une partie de l'exhaustivité pour essayer d'attirer l'attention des gens sur les données scientifiques les plus solides.

Le sénateur Trenholme Counsell : Nous parlons beaucoup de la région de l'Arctique, et ce à juste titre. Je ne voudrais jamais que cette région passe au second plan derrière quoi que ce soit.

Cependant, nous ne parlons pas beaucoup de la région de l'Atlantique et des Maritimes. Il s'y trouve un très grand nombre de collectivités en zone de faible élévation et très vulnérables. J'ai lu ici que les ondes de tempête ne sont attendues qu'une fois tous les 10 ans, mais je pense qu'elles surviennent plus souvent que cela. Peut-être que c'est le fait de la définition qui est donnée aux « ondes » aux fins des données.

La région de l'Atlantique — et je vous pose la question en tant que membre du gouvernement du Canada — requiert-elle davantage d'attention pour ce qui est des changements environnementaux et de l'adaptation?

M. Lemmen : En ma qualité de rédacteur de ce rapport, j'ose espérer que l'un des messages clés en ressortant est que le changement climatique est un sujet de préoccupation partout au Canada. J'ai le sentiment que la plupart des Canadiens pensent que le changement climatique est une chose qui concerne le Nord, les petites îles du Pacifique et l'Afrique exposée à la sécheresse. Cependant, ils sont moins sensibles à l'importance du phénomène pour leurs propres localités.

Les exemples que vous avez cités relativement à la région de l'Atlantique sont extrêmement pertinents. Le rapport fait le tour de chaque région du Canada et en dresse la liste des problèmes et préoccupations, faisant état également de certaines possibilités. L'idée a été de rendre la question pertinente pour toutes les régions du Canada.

Le sénateur McCoy : Je suis moi aussi admiratrice du rapport. J'ai eu le plaisir d'entendre le breffage de Dave Sauchyn à Climate Change Central, en Alberta, dont je suis vice-présidente. C'est lui qui a été le principal auteur du chapitre sur l'Alberta ou sur les Prairies. Voilà donc un avantage dont j'ai joui. Je suis heureuse de constater que vous ayez repris la phrase que voici « Nous avons des options, mais le passé n'en est pas une ». Nous devons cette phrase à M. Lemmen et à son co-auteur.

Cela a été utile — et nous l'avons eu pour nous tous seuls pendant quelque temps — qu'il nous ait amenés à comprendre ce que signifiait sa partie du rapport pour notre région. J'ai découvert qu'il est fatal de faire des généralisations, car ce n'est pas du tout ce que lui-même et ses collaborateurs disent dans le rapport. Il n'existe aucune réponse unique.

Je vais vous demander ce que vous pourriez dire au sujet du Nord, pour nous ramener à notre propos ici. Vous m'aiderez peut-être à comprendre ce qu'il en est pour l'Arctique de l'Ouest, qui est l'objet de notre étude.

Pour ce qui est de l'Alberta, par exemple, il a dit « Oui, il y aura davantage de sécheresse et, oui, il y aura davantage d'eau ». Nous l'avons remercié, mais n'avons pas réellement compris. Cela nous a paru très scientifique et correspondre parfaitement à ce à quoi nous nous attendons des scientifiques. Vous ne nous livrez jamais de réponse directe, n'est-ce pas? Il a ensuite fourni une explication. Il a dit que cela était en partie le fait de la région de l'Alberta concernée, en partie le fait de l'époque de l'année, et, dans tous les cas, qu'il fallait s'attendre à ce qu'il y ait des fluctuations à long terme. Il s'est ensuite reporté à ces tableaux. C'est de cela que j'aimerais traiter pour commencer.

Que nous disent ces tableaux, à la page 70, au sujet de l'Arctique de l'Ouest? Pourriez-vous reproduire pour nous sa merveilleuse vignette, mais en l'appliquant à l'Ouest de l'Arctique?

M. Lemmen : Je ne pourrais probablement pas la reproduire. J'ai travaillé étroitement avec M. Sauchyn par le passé, et j'ai énormément de respect pour sa connaissance de la région des Prairies.

Nous avons essayé d'éviter les diagrammes trop difficiles à interpréter; j'admets que ceux-là sont plutôt ardus à interpréter. Il faut bien voir, lorsqu'on regarde à la page 70, qu'il s'agit là simplement des conditions annuelles moyennes dans l'Arctique oriental et occidental dans trois tranches de temps futures : les années 2020, 2050 et 2080.

Ma première mise en garde est la suivante : n'oubliez pas que cette moyenne signifie que toutes les variations importantes d'une année sur l'autre sont perdues. Pour en revenir à votre exemple des Prairies, nous pouvons clairement aller d'une sécheresse extrême à des inondations record — nous pouvons avoir les deux au cours d'une même année si nous avons réellement de la chance; cela peut arriver — mais cette variabilité naturelle est un élément important du système climatique. Elle ne disparaîtra jamais et il faut ne pas le perdre de vue, par exemple lorsque nous parlons de la navigation dans le Passage du Nord-Ouest. Oui, elle sera plus facile, mais il y aura toujours des années où les conditions de glace seront très mauvaises dans l'Arctique, même dans l'avenir lointain.

Pour en revenir brièvement à la page 70, j'attire votre attention sur la partie inférieure gauche dans chaque rectangle, où vous avez une zone carrée grise. Elle représente les précipitations si le climat restait stable. Dès que l'on sort de ces cases grises, on a affaire à un changement climatique.

Le sénateur McCoy : Elles représentent la situation actuelle?

M. Lemmen : C'est la situation actuelle et c'est ce que les modèles reproduiraient sur une période de plus de 100 ans s'il n'y avait pas de changement.

Le sénateur McCoy : Combien de modèles avez-vous ici? Est-ce qu'il y en a huit?

M. Lemmen : Nous avons huit modèles et nous soumettons à chacun toute une série de scénarios différents. Pour chacun de ces modèles, vous aurez probablement 40 ou 50 cases qui toutes représentent des futurs possibles. Nous ne pouvons prédire ce que sera l'avenir, mais selon nos connaissances du système climatique, chacune de ces cases est possible.

Nous voyons qu'elles tendent à être groupées en grappes; nous nous attendons à ce que l'Arctique occidental soit plus chaud d'environ deux degrés dans 20 ans, de presque trois degrés dans 50 ans et de jusqu'à cinq degrés plus chaud dans 80 ans qu'à l'heure actuelle. Plus nous avançons dans l'avenir, et plus nous voyons grandir l'écart entre ces cases parce que nous avons de moins en moins de certitude quant à l'évolution du climat. Nous avons moins de certitude parce que nous ne savons pas quel sera le cheminement des émissions à l'échelle du globe. Nous ne savons pas si nous allons suivre un chemin proche du statu quo ou un chemin plus agressif. C'est pourquoi vous voyez une telle disparité.

En substance, chacun de ces diagrammes nous dit qu'il fera de plus en plus chaud et humide plus nous avancerons dans le temps. Quand je dis « plus humide », j'entends par-là que nous aurons plus de précipitations, mais il fera en même temps plus chaud. Nous aurons donc davantage d'évaporation et d'évapotranspiration. Nous pourrions donc réellement avoir plus de sécheresse, même s'il pleut davantage. Je réalise que c'est contre-intuitif, mais c'est extrêmement important comme facteur dans les Prairies, où les précipitations pourraient augmenter légèrement, mais nous savons en même temps que le temps sera plus chaud et plus sec.

Le sénateur McCoy : Il fait plus chaud en été.

M. Lemmen : Exactement, et vous avez donc de l'évaporation.

Le sénateur McCoy : Il ne reste plus d'eau.

M. Lemmen : C'est le problème.

Le sénateur McCoy : Il pleut davantage au printemps et toute l'eau s'écoule vers la Saskatchewan et le Manitoba.

M. Lemmen : Si vous passez à la page 71, ces diagrammes représentent une tranche de temps découpée par saisons, soit hiver, printemps, été et automne. Vous y voyez que les changements moyens occultent des différences à l'intérieur de chacune des saisons. Encore une fois, comme je l'ai dit, le plus grand réchauffement devrait intervenir en hiver. Voilà le genre de conclusion que l'on peut tirer de ces diagrammes.

Le sénateur McCoy : Donc, pour résumer, est-ce que la plus grande partie du réchauffement sera en hiver?

M. Lemmen : Oui, c'est juste.

Le sénateur McCoy : Vous dites que c'est graduel. Vous dites également, ce qui n'apparaît pas de ce diagramme, je crois, qu'il y aura davantage de vent. Avez-vous dit cela?

M. Lemmen : J'ai dit que les observations locales des habitants de l'extrême-Arctique, en particulier, indiquent un changement dans la direction des vents. Les prédictions du climat futur portent surtout sur les changements de température et de précipitation parce que ce sont les données que les modèles nous fournissent facilement.

Mais ils contiennent aussi des renseignements importants sur les vents, les degré-jours de croissance, l'ensoleillement, et cetera. C'est souvent le type de renseignements requis pour l'adaptation. Bien entendu, dans un rapport de cette longueur, il est impossible de reproduire tout ce genre de renseignements.

Le sénateur McCoy : Je n'ai pas eu du tout l'occasion de lire votre chapitre sur le Nord. Devrais-je m'intéresser de plus près à une autre partie du rapport, hormis peut-être l'encadré 2 qui apparaît aux pages 105 à 108? Il a été préparé par l'Inuit Tapiriit Kanatami, ITK, qui a participé à votre étude. Qui d'autre a participé à votre étude?

M. Lemmen : Premièrement, pour ce qui est des parties importantes à lire, je pense personnellement que tout le rapport est brillant, et il est donc difficile d'en isoler des parties.

Le sénateur McCoy : L'auteur est bien placé pour le dire.

M. Lemmen : Nous sommes heureux d'avoir là les encadrés 2, 3 et 4, qui introduisent l'optique des trois groupes autochtones : l'Inuit of Tapiriit Kanatami, représentant les Inuits de l'Arctique oriental; le Council of Yukon First Nations, représentant la plus grande partie du Yukon et de l'Arctique occidental; et une contribution très courte, malheureusement, de la nation dénée.

Nous les avons invités à contribuer à ce chapitre. Leur contribution est différente de ce que vous trouverez dans un rapport comme celui du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat. Elle n'a pas nécessairement fait l'objet de la même vérification scientifique rigoureuse mais elle représente néanmoins un apport excessivement précieux, surtout pour un groupe comme le vôtre qui va se rendre sur place et se pencher sur ces questions. Ce sont des perspectives cruciales pour comprendre comment l'adaptation se fera.

Le sénateur McCoy : Pour en revenir à la question initiale de notre président, selon quelle optique abordez-vous cela? Lorsque nous parlons d'opportunités économiques, nous utilisons notre propre mode de vie pour traduire le mot « opportunité » par rapport à l'extraction minière, par exemple, ou l'exploitation d'autres ressources. Un habitant du Nord n'a pas forcément la même conception.

La plus grande partie de cette étude a été réalisée par des gens du Sud plutôt que les habitants du Nord, n'est-ce pas?

M. Lemmen : Les deux co-auteurs du chapitre sur le Nord sont des gens du Sud basés dans de grandes universités, mais bon nombre des contributeurs sont des habitants du Nord ou des représentants d'organisations autochtones du Nord. Par exemple, Scott Nichols était le contributeur pour l'Inuit Tapiriit Kanatami. Scott vit à Ottawa, mais il a un réseau de contacts très étendu dans le Nord.

Pour répondre brièvement à votre question antérieure sur la conception de l'opportunité et du risque, nous avons certainement essayé de faire ressortir dans le rapport le fait que, par exemple, un accroissement de l'activité maritime présente une opportunité de développement économique — je crois que c'est la bonne façon de le formuler — mais qui s'accompagne aussi de risques écologiques, sociaux et culturels.

J'ai pu constater dans mes rapports avec les gens du Nord — et je serais certainement intéressé à connaître le point de vue d'autres — qu'ils ont conscience que l'environnement change et que ce changement est inévitable. Comment gérer au mieux ce changement? Comment peut-on préserver ce qui est précieux pour eux? Comment peut-on préserver le savoir traditionnel et le patrimoine culturel dans un monde en mutation, une mutation, comme je l'ai dit dès le début, qui n'est pas seulement climatique mais aussi démographique et en rapport avec la mondialisation. Le Nord fait face à de nombreux défis, et j'ai été heureux d'entendre le sénateur Banks souligner au début l'importance d'aborder cette problématique selon une perspective sociale.

Le sénateur McCoy : Pour que les choses soient claires, sur quelque 20 auteurs de ce chapitre, il y en a peut-être deux qui sont autochtones ou inuits.

M. Lemmen : C'est probablement vrai. La raison en est que le gros du contenu est fondé sur des informations scientifiques et techniques existantes. Or, les connaissances dans ce domaine tendent à résider largement dans les universités du Sud du Canada.

M. Corey : Il faut considérer aussi qui va utiliser le rapport et non pas seulement qui l'a rédigé. Par exemple, le Nunavut est en train d'élaborer un plan d'adaptation. Son gouvernement sait que la population croît rapidement et que les conditions sociales changent. Cela va donner naissance à de nouvelles opportunités et défis. Les autorités mettent au point en ce moment un plan d'adaptation et se servent largement pour cela des informations contenues dans le rapport. Ils nous demandent, par exemple, nous connaissances scientifiques dans les domaines de la géomorphologie, du pergélisol, de la télédétection, de la disponibilité d'eau et de l'érosion côtière.

D'une certaine façon nous nous considérons comme en partenariat avec certaines des collectivités du Nord et les gouvernements territoriaux pour les aider à prendre les mesures nécessaires localement. Une partie de ces renseignements représente des connaissances scientifiques fondamentales qui peuvent permettre à ces gens de faire des choses qu'ils ne pourraient faire seuls.

Le sénateur McCoy : J'essaie de me souvenir qui va avoir l'initiative ici; ce ne sera pas moi, puisque je vis à Calgary. Nous allons dans l'Arctique occidental, le domaine de Nellie Cournoyea. Ce sont des gens très sophistiqués qui n'auront aucune difficulté à mettre à profit tout autant le fruit de nos sciences occidentales que de leurs connaissances traditionnelles.

M. Lemmen : Ayant bouclé 10 chapitres, j'oublie parfois les particularités de chacun. Nous avions conscience du défi que présentait celui sur le Nord. C'est celui pour lequel, avant de rédiger le moindre mot, nous avons rassemblé les principaux auteurs. Nous avons tenu des ateliers, certes seulement dans les plus grands centres du Nord. Nous avons organisé un atelier à Whitehorse, à Yellowknife et à Iqaluit. Toutes les personnes qui ont participé à ces ateliers ont été aussi ultérieurement été les examinateurs du chapitre sur le Nord. Ils ont eu la possibilité d'offrir une contribution au début, puis l'occasion de critiquer la façon dont leur apport été utilisé. Nous avons eu recours à cette démarche pour accroître la participation directe des gens du Nord à la rédaction du chapitre.

Le président : Monsieur Corey, pourriez-vous nous en dire plus sur ce que vous venez de mentionner, à savoir les répercussions stratégiques de ce rapport et les lieux où ces enseignements pourraient être utilisés? Avez-vous une fonction sur le plan de l'exploitation du rapport de façon à en optimiser l'utilisation dans certains endroits? Vous n'ignorez pas, en effet, que les auteurs de rapports considérés comme très importants sont déçus qu'ils n'aient pas le retentissement qu'ils souhaitent ou ne donnent pas lieu aux actions qu'ils espéraient. Vous avez dit que le Nunavut, par exemple, fait un usage particulier de ce rapport. Assurez-vous une exploitation de ce rapport dans les endroits où il pourrait être le plus utile, particulièrement du chapitre sur le Nord?

M. Corey : Oui, certainement. Nous avons un groupe appelé Direction des impacts et de l'adaptation liés aux changements climatiques qui fait partie du Secteur des sciences de la Terre. Notre rôle consiste entre autres à anticiper où ce rapport pourra être utilisé par les collectivités locales, les associations professionnelles, les territoires et les provinces.

Je vais vous donner un exemple. J'étais à un déjeuner l'an dernier, et j'étais assis à côté de quelques urbanistes de la ville de Calgary. Je leur ai demandé en quoi ce rapport présentait un intérêt pour eux. Ils ont dit, et c'était intéressant, que la plupart des gens ne voient pas les rapports. Calgary est arrosé par des rivières alimentées principalement par des glaciers. Lorsque les glaciers commencent à fondre, cela aura un énorme impact sur l'approvisionnement en eau de Calgary. Les glaciers ont un effet tampon. Ils ont dit qu'il y aura moins d'eau en été, lorsque la demande est la plus forte. L'eau va dévaler à des saisons de l'année où elle est moins nécessaire.

Je leur ai demandé ce qu'ils comptaient faire à cet égard. Ils ont dit qu'ils utilisaient les résultats des études que nous faisons et d'autres — eux-mêmes font leurs propres recherches — pour élaborer des stratégies de gestion de l'eau. Ils collaborent avec nous, l'Alberta Research Council et l'Alberta Geological Survey. Ils demandent, par exemple, ce qui se passera s'il y a moins de glaciers pour alimenter les cours d'eau qui arrosent Calgary.

Le président : Ce n'est pas une question hypothétique.

M. Corey : C'est très réel. Ils disent que cela signifie plusieurs choses : il faudra peut-être envisager des améliorations infrastructurelles ou bien aller chercher de l'eau ailleurs, ou encore réutiliser les eaux de pluie pour irriguer les terrains publics.

La ville de Calgary réalise que si les glaciers des Rocheuses fondent, cela aura un gros impact sur son approvisionnement en eau. Comme M. Lemmen l'a dit, beaucoup de gens vont devoir travailler là-dessus. C'est un exemple, et il y en a beaucoup d'autres.

Le président : Est-ce que le gouvernement fédéral travaille à un plan global d'adaptation au changement climatique?

M. Corey : Oui, cela est en partie ce que nous faisons avec les crédits de 35 millions de dollars dont nous et RNCan disposons. Nous travaillons avec certaines des associations professionnelles.

Comme les sénateurs l'ont fait remarquer, le gouvernement fédéral n'est pas seul à avoir un rôle, il y a aussi les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux. Par exemple, les provinces sont responsables des lois de planification, qui vont façonner l'infrastructure à long terme.

Notre rôle est d'essayer de comprendre les résultats scientifiques et la direction dans laquelle va le climat. L'infrastructure a souvent un horizon de 50 ans. Les décisions que nous prenons aujourd'hui vont déterminer l'infrastructure que nous aurons dans 50 ans. C'est à très long terme.

Il s'agit donc de travailler avec toute une diversité d'acteurs qui prennent aujourd'hui les décisions qui auront cet impact à très long terme.

Le président : Au moment où le Canada poursuit et élabore sa Stratégie pour le Nord, au sens le plus large, est-ce que l'on tient suffisamment compte, à votre avis, de vos résultats et de vos constats?

M. Corey : Oui, nous sommes satisfaits. De fait, il n'y aura pas qu'une seule stratégie pour le Nord. Il y aura un ensemble de décisions individuelles. Ce n'est pas comme si un ministère allait mettre au point une stratégie d'adaptation unique. Cela va imprégner un grand nombre de décisions prises.

Le président : Dites-moi comment le gouvernement aborde globalement le Nord. Je sais que les ministères individuels feront les choses différemment, mais existe-t-il une démarche générale du gouvernement par rapport au Nord?

Êtes-vous convaincu que les politiques nationales générales concernant le Nord prennent en considération votre rapport?

M. Corey : Il est trop tôt pour crier victoire à cet égard. C'est pourquoi nous avons tout un chapitre sur le Nord et qu'il occupe une place si éminente. C'est pourquoi une grande partie du travail que nous ferons sera avec les localités du Nord, avec les gouvernements territoriaux et avec les particuliers.

Comme je l'ai dit d'emblée, c'est probablement le Nord qui ressentira les plus gros impacts. La capacité d'adaptation du Nord est probablement plus limitée que celle des régions plus méridionales du Canada. Cette région sera pour nous un point focal.

Le président : En ce qui concerne les niveaux de l'eau qui résulteront soit d'une montée du niveau de l'océan soit de l'affaissement de la terre, Tuktoyaktuk, l'une des localités où nous allons nous rendre, en est un exemple frappant. Pouvez-vous nous donner une explication scolaire de ce phénomène? Que se passe-t-il à cet endroit, et que devons-nous y rechercher pour mieux nous informer?

Mme Smith : Je vais essayer de répondre, mais je ne suis pas spécialiste de la géologie côtière. Nous avons d'excellents experts dans notre ministère qui pourraient vous renseigner mieux que moi.

Dans cette région, nous avons un sol submergent plutôt qu'émergent. La terre s'affaisse et le niveau de la mer monte.

Le président : Pourquoi?

Mme Smith : C'est le résultat de la dernière glaciation dans cette région. En fait, la mer de Beaufort a sensiblement reculé au cours de la glaciation. La région autour de Tuktoyaktuk n'a pas été couverte de glace. C'est pourquoi elle se comporte de cette façon. Lorsque les glaciers ont fondu, le niveau de la mer est monté, la terre s'est enfoncée là et est remontée ailleurs. C'est ce que nous appelons un rebond isostatique. Dans cette région en particulier, vous avez les deux forces travaillant dans la même direction : la terre s'affaisse et la mer monte. C'est une région où l'on voit des problèmes de montée du niveau de la mer.

En outre, M. Lemmen a parlé plus tôt des problèmes liés à la glace de mer. Vous avez davantage d'eau libre avec le recul de la glace de mer. Vous avez donc là une action des vagues plus forte, ce qui accroît l'érosion du rivage. Vous avez également le long de cette côte du pergélisol assez riche en glace et l'on obtient ce que l'on appelle l'érosion thermique. Les vagues viennent battre contre ce pergélisol. Cela le fait dégeler et accroît encore l'érosion. Tous ces facteurs se combinent pour éroder le littoral dans cette région. Voilà la meilleure explication que je puisse donner.

Le président : Est-ce que cela présente un danger? Pour des raisons d'érosion, il a fallu pratiquement fermer une localité et déménager la population à Inuvik. Est-ce qu'il y a un danger imminent à Tuktoyaktuk?

M. Lemmen : Aucun d'entre nous n'a fait de recherche sur le terrain à Tuktoyaktuk, mais d'autres en ont fait. L'évaluation à long terme pour cette localité n'est pas prometteuse. Cela fait des décennies que l'on y lutte contre l'érosion côtière, avec un succès très mitigé dans la plupart des cas. Si vous arrivez là-bas après une grosse tempête, il est étonnant de voir l'ampleur de l'érosion qui peut intervenir en très peu de temps.

Les situations comme celle de Tuktoyaktuk soulignent la difficulté que présente l'option de relocalisation comme mesure d'adaptation. Il y a évidemment un attachement culturel très fort au site de Tuktoyaktuk. Il se pose ainsi la question très difficile de savoir combien l'on veut investir pour préserver la côte et l'infrastructure.

Si l'on regarde le tableau d'ensemble, étant donné que la ville est située dans le delta du Mackenzie, le niveau de la mer va monter et un jour la transformer en île. Même si le littoral actuel, qui est raisonnablement bien protégé, tient bon, le niveau de la mer finira par monter suffisamment pour entourer la ville. Cela est donc une question très difficile.

C'est un exemple spectaculaire, mais qui se répétera probablement de manière plus atténuée dans de nombreuses collectivités du Nord. C'est le type de difficultés auxquelles ils seront confrontés.

Le président : Est-ce un danger imminent, ou pour dans 10 ans, 100 ans ou 200 ans?

M. Lemmen : Certainement moins de 100 ans. Toute une foule d'études se bousculent dans ma tête. Nous pouvons trouver pour vous les projections de changement du niveau de la mer et d'érosion à Tuktoyaktuk. Je dirais que c'est à peu près à l'horizon de 30 ou 50 ans. Du point de vue de la planification, c'est relativement urgent.

Le président : C'est suffisamment précis. Toutes les prédictions s'avèrent fausses.

M. Lemmen : Cependant, certaines sont utiles.

Le sénateur Mitchell : Madame Smith, je serais intéressé de savoir de combien il faudrait réduire le CO2. Il existe évidemment certaines normes internationales que le GIEC a beaucoup contribué à établir.

Si je ne m'abuse, l'objectif ultime du Canada pour 2020 devait être de 20 p. 100 en dessous du niveau de 1990, mais le gouvernement a fini par fixer un objectif de 20 p. 100 en dessous du niveau de 2006.

Avez-vous connaissance de consultations que le ministre aurait eues avec votre ministère? Est-ce sur la foi de vos connaissances expertes que l'on a opté pour 20 p. 100 en dessous du niveau de 2006? Est-ce que ce chiffre repose sur des données scientifiques ou bien l'a-t-il simplement tiré d'un chapeau?

M. Corey : Nous ne pouvons vraiment pas répondre aux questions sur Environnement Canada. Vous devriez probablement inviter les fonctionnaires d'Environnement Canada pour obtenir la réponse à cette question.

Plus précisément, nous nous intéressons à deux facteurs différents, l'atténuation et l'adaptation; l'atténuation concerne les mesures prises pour ralentir ou inverser le changement climatique et l'adaptation intéresse les mesures prises pour s'adapter à un phénomène dont on reconnaît l'existence.

Le sénateur Mitchell : Mme Smith a l'expérience du GIEC et elle doit tout de même posséder les connaissances pour nous dire s'il existe ou non une justification scientifique à cet objectif de 20 p. 100 en dessous du niveau de 2006. C'est ce que je demande. Elle peut répondre à cette question, qu'elle appartienne au ministère de l'Environnement ou à n'importe quel autre. Elle a travaillé au GIEC et je pose cette question. Si elle ne peut pas répondre, très bien. Je ne veux pas de cette explication sur l'atténuation et l'adaptation. Je sais de quoi il s'agit.

Nous recevons ici dans un comité sénatorial une scientifique qui a un CV et des antécédents impressionnants. Elle peut tout de même répondre à cette question, ou au moins s'exprimer elle-même. J'apprécierais.

Mme Smith : Cela échappe à mon domaine de compétence. Je ne suis pas modélisatrice en climatologie et je ne connais pas tous les modèles qu'ils utilisent pour arriver à ce genre de résultat. Il m'est difficile de me prononcer sur les fondements scientifiques de ce chiffre.

Le sénateur Spivak : Pourrais-je poser la question d'une manière différente?

Le sénateur Mitchell : Je vous en prie.

Le sénateur Spivak : Est-il exact de dire qu'une augmentation de deux degrés est considérée comme catastrophique? Nous en sommes à 0,7, et tout ce que j'ai lu dit qu'une hausse de température de deux degrés serait catastrophique.

M. Lemmen : Je pourrais répondre à cela dans l'optique du rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur le changement climatique auquel Mme Smith a été l'une de quelque 2 000 contributrices. Moi-même je faisais partie de la délégation canadienne qui discutait du résumé de ce rapport à l'intention des décideurs.

Rien dans le rapport du GIEC ne désigne spécifiquement deux degrés centigrades comme un seuil particulièrement significatif. Le rapport indique les répercussions au fur et à mesure que le réchauffement global s'amplifie. Évidemment, les impacts deviennent de plus en plus importants plus le climat se réchauffe.

Cependant, les données scientifiques contenues dans le rapport du GIEC ne permettent pas vraiment de distinguer des seuils critiques. Cette question met en jeu un certain nombre de considérations complexes en ce sens qu'on pourrait parvenir à toute élévation future de température par toute une série de routes différentes. Vouloir fixer un objectif de température future sur une base scientifique est extrêmement complexe. De fait, vous constaterez que le GIEC n'a jamais tenté de répondre à la question de savoir ce qui constitue un niveau dangereux de changement climatique anthropique. Le groupe a très clairement choisi de mettre sur la table l'information scientifique disponible sur les effets associés à différents niveaux de changement climatique, laissant aux décideurs dans le monde le soin de considérer cette information et de prendre leurs décisions en conséquence.

Le président : Cette question n'est pas directement en rapport avec notre sujet d'aujourd'hui, mais je suis curieux. Je m'adresse à M. Corey.

Il y a eu, et nous en avons vu des indices de temps à autres dans un passé sombre et lointain, une discordance entre Environnement Canada, d'une part, et RNCan, d'autre part, parce qu'Environnement Canada cherchait à ralentir, enrayer, freiner et parfois interdire des projets de mise en valeur énergétique d'un type ou d'un autre. RNCan, pour sa part, cherchait à promouvoir et favoriser l'exploitation énergétique d'un type ou d'un autre. Aussi, face à une question donnée, les violons des deux ministères n'étaient pas toujours parfaitement accordés.

Est-ce que cette discordance a été effacée, réduite ou atténuée d'une façon ou d'une autre?

M. Corey : Au niveau de la politique, presque tout se fait par collaboration entre les deux ministères. En ce qui concerne le programme de lutte contre la pollution atmosphérique, dont relève l'adaptation, Environnement Canada a conduit le mémorandum au Cabinet et le processus d'obtention du financement, dont une partie était pour l'adaptation.

En ce qui concerne le volet scientifique, celui sur lequel nous travaillons, vous constaterez que les recherches se font en collaboration. Je vais peut-être demander à M. Lemmen de vous parler du travail scientifique effectué par les deux ministères en collaboration.

M. Lemmen : C'est un partenariat important et efficace entre RNCan, Environnement Canada et plusieurs autres ministères. J'attire votre attention sur le fait que, sur les quatre rédacteurs qui ont produit ce rapport, deux venaient d'Environnement Canada, dont son conseiller principal sur le changement climatique.

En ce qui concerne le travail que je fais au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, plusieurs ministères sont invariablement mis en jeu, à savoir RNCan, Environnement Canada, Affaires étrangères et Commerce international Canada, l'Agence canadienne de développement international et Agriculture et Agroalimentaire Canada. Nous travaillons tous main dans la main pour présenter les enjeux et faire en sorte que la science globale soit dûment représentée dans ces tribunes.

Le sénateur Trenholme Counsell : En ce qui concerne l'exploitation forestière, dans quelle mesure l'impact des changements dans l'environnement sur l'exploitation forestière est-il étudié activement? Y prêtez-vous beaucoup d'attention? C'est une activité très importante dans ma province du Nouveau-Brunswick. J'ai pensé vous poser cette question car elle concerne votre ministère.

M. Lemmen : Vous seriez surprise de voir à quel point mon expertise scientifique est étroite, mais je suis ravi de pouvoir vous dire que les collègues du Service canadien des forêts jugent très important de comprendre les effets du changement climatique sur les forêts, effets qui peuvent être de deux sortes. D'une part, il y a le problème des nuisibles. Nous connaissons tous les ravages du dendroctone du pin ponderosa dans l'Ouest du Canada, mais dans les forêts boréales et de l'Atlantique la tordeuse des bourgeons de l'épinette et d'autres insectes causent également de gros dégâts. C'est certainement une grave préoccupation.

Bien entendu, l'autre question, qui est probablement plus un enjeu dans le Nord et dans l'Ouest, est la fréquence des incendies de forêts. Nous avons un très bon travail de modélisation effectué par le Centre de foresterie des Laurentides du Service canadien des forêts, qui a modélisé les risques d'incendie selon différents scénarios climatiques futurs.

Le risque d'incendie augmentera sensiblement dans de nombreuses régions du Canada, en particulier dans l'Ouest et le Nord, et peut-être un peu moins dans l'Est. Mais il y a là certainement des défis.

Encore une fois, tout revient à ce que seront les vulnérabilités de nos collectivités. Si l'on prend les localités vivant de la forêt, nous avons en ce moment un essai en conditions réelles en Colombie-Britannique où des localités vont perdre leur assise économique et il s'agira de voir comment elles pourront s'adapter. C'est l'une des questions soulevées dans le rapport : l'importance de l'adaptation, notamment de la diversification des économies là où cela est possible et approprié, afin de réduire la vulnérabilité au changement climatique.

M. Corey : Nous organisons une série d'ateliers à travers le Canada pour faire en sorte que les gens comprennent et commencent à utiliser le rapport. Vous serez ravie d'apprendre que le premier se tiendra au Nouveau-Brunswick les 8 et 9 mai.

Le sénateur Trenholme Counsell : Le ferez-vous pour les divers secteurs tels que la pêche, l'agriculture, l'exploitation forestière et, bien sûr, les municipalités? Allez-vous lancer une invitation générale à tous ces secteurs qui sont sérieusement concernés par ce rapport?

M. Lemmen : Oui. Je n'ai pas travaillé directement à l'organisation de cet atelier, mais je crois que nous attendons entre 140 et 150 participants. L'atelier est très largement axé sur la prise de décisions par les autorités locales. Toutes les provinces sont très intéressées par cet atelier, tout comme les principaux secteurs économiques. Nous sommes très satisfaits de la réaction que nous avons rencontrée.

Comme M. Corey l'a indiqué, nous allons essayer de tenir ces ateliers dans tout le Canada. En partie, ils vont alimenter nos activités de programme futures au sein de Ressources naturelles Canada, mais nous espérons aussi stimuler l'activité dans les autres juridictions.

Le sénateur McCoy : Je vois maintenant beaucoup de pépites. J'ai omis de le dire auparavant, mais je tiens à vous féliciter, ainsi que tous vos co-auteurs — les quelque 200 qui ont contribué — d'avoir rassemblé tout cela dans un document consensuel. C'est un document très utile.

Pouvez-vous m'aider à comprendre cela encore une fois? À la page 83, la figure 15 montre les routes typiques du Passage du Nord-Ouest. On y indique que la concentration médiane des glaces est mesurée en dixièmes; en dixièmes de quoi? Je ne comprends pas très bien cette explication.

M. Lemmen : C'est la proportion d'une superficie donnée. Je ne sais pas si l'on prend pour base un kilomètre carré ou non. Cela vous dit que si vous prenez une superficie quelconque d'eau de mer, la couverture de glace pourrait aller de un dixième, c'est-à-dire que 90 p. 100 de la superficie serait libre de glace, jusqu'à neuf dixièmes de couverture de glace. Si vous regardez cette carte — et malheureusement ma version n'est pas en couleurs — lorsqu'on se déplace vers l'extrémité-ouest, historiquement des parties importantes du Passage du Nord-Ouest sont couverts à neuf dixièmes ou plus de glace. Cela signifie que ce sont des eaux impénétrables, ou en tout cas non pénétrables par un navire autre qu'un gros brise-glace.

Le chapitre fait ressortir que même si les conditions de glace deviennent plus favorables, et 2007 a été un record à cet égard — nous aurons néanmoins des bouchons à l'extrémité de ces principaux chenaux. Alors que l'on arrive à l'extrémité-ouest au-dessus de l'île du Prince Patrick, il est toujours très difficile de faire passer des navires par cette route. La route la plus au nord présentée sur cette carte comme l'une des options est actuellement la moins probable, bien que la plus directe.

La route qu'empruntent actuellement les navires est celle à l'extrême-droite, où ils se frayent un chemin entre des petites îles et autour de l'île Victoria parce que la couverture de glace y est moins dense. C'est tout ce que la carte cherche à montrer, à savoir qu'historiquement la glace n'est pas seulement un problème, mais presqu'un obstacle infranchissable dans le Passage du Nord-Ouest.

Le sénateur McCoy : Elle restera un problème.

M. Lemmen : Elle restera un problème. Le chapitre souligne que le danger que la glace représente pour la navigation restera grand pendant plusieurs décennies, même si la couverture de glace diminue. La glace ne reste pas en place, et de gros bancs de glace continueront à dériver dans le Passage du Nord-Ouest. Nous connaissons tous des exemples des dégâts qui peuvent survenir lorsqu'un navire percute un gros bloc de glace pluri-annuel.

C'est vraiment un avertissement. Lorsqu'on parle de changement climatique, les gens s'imaginent que l'on va traverser le Passage du Nord-Ouest en voilier. Non, ce ne sera pas possible. Il restera toujours des difficultés de navigation, même si la couverture de glace a déjà considérablement diminué par rapport à son étendue historique.

Le sénateur McCoy : C'est très utile. Merci beaucoup.

Le président : Le ciel ne va pas tomber jeudi prochain.

Je tiens à remercier infiniment nos invités. Vous nous avez apporté beaucoup de renseignements. Il est possible que nous ayons d'autres questions encore, comme il arrive parfois. J'espère que vous nous permettrez de vous écrire pour vous poser ces questions et que vous transmettrez à notre greffier les réponses que vous pourrez donner.

Je vais maintenant excuser nos invités.

Nous allons parler maintenant de questions administratives. Honorables sénateurs, nous distribuons en ce moment des copies des budgets proposés, qui sont au nombre de deux. L'un concerne le travail ordinaire du comité, soit l'étude des projets de loi, et cetera.; l'autre est le budget pour les études spéciales, lequel a été modifié selon vos ordres de la dernière réunion. Je soumets les deux à votre examen et, je l'espère, approbation.

Nous aurons besoin pour cela, à la fin de nos délibérations, de deux motions. Le plus simple est le budget pour la législation, qui n'a pas varié depuis la dernière fois. Afin de l'expédier, j'aimerais recevoir une motion d'adoption du budget relatif à la législation.

Le sénateur Mitchell : Je la propose.

Le président : Tous ceux en faveur?

Des voix : D'accord.

Le président : Opposés?

Le sénateur Kenny : J'ai une question. Je regarde « Activité 3 : Promotion des rapports ».

Le président : J'en suis à « Législation », sénateur, le plus petit des deux.

Le sénateur Kenny : Je vais donc me reporter à celui-ci.

Le président : Il comporte trois postes, mais ils sont assez simples à comprendre. Ce budget porte sur notre examen des projets de loi.

Nous sommes saisis d'une motion d'adoption de ce budget.

Le sénateur McCoy : D'approbation de ces 15 000 $?

Le président : C'est juste. Le sénateur Mitchell a proposé l'adoption. Tous ceux en faveur?

Des voix : D'accord.

Le président : Opposés? Ce budget est adopté.

Nous en venons maintenant au budget des études spéciales. Le sénateur Kenny avait une question à son sujet.

Le sénateur Kenny : Sous Activité 3, le titre « Promotion des rapports » est trop restrictif, à mon avis.

Le président : L'Activité 3 devrait être à la dernière partie de ce budget.

Le sénateur Nolin : Oui, à la dernière page.

Le sénateur Mitchell : Aucun montant n'est prévu.

Le sénateur Kenny : Si, si vous allez au bas de la page, il y a un montant. Sous « Toutes autres dépenses », on indique « Promotion des rapports, réunions et autres dépenses intéressant les travaux du comité ». Je propose d'ajouter au titre, à côté de « Promotion des rapports » : « et autres déplacements en rapport avec les travaux du comité ».

Le président : Excusez-moi, pourriez-vous répéter? Ma copie dit actuellement : « Promotion des rapports, réunions et autres dépenses en rapport avec les travaux du comité ». Qu'aimeriez-vous mettre à la place?

Le sénateur Kenny : Je suppose qu'Activité 3 est un titre et une sous-section du rapport. On parle seulement de « promotion des rapports ».

Le sénateur McCoy : Il n'y a pas de dépenses prévues sous « Services professionnels et autres ». Par exemple, si vous voulez faire du travail graphique et d'impression, le poste « Transports et communications » ne vous permet de vous rendre à Toronto dans le bureau du Globe and Mail. Cela n'est pas précisé.

Le sénateur Kenny : Oui.

Le président : Quelle est votre recommandation?

Le sénateur Kenny : Ma recommandation est que vous ayez une description plus ouverte de l'activité « promotion des rapports ». Vous pourriez être invité à prononcer un discours à Halifax mais le sujet que l'on vous demande de traiter pourrait ne rien avoir à faire avec le rapport.

Le président : À ce moment-là, on pourrait prendre le texte « Autres dépenses » et en faire le titre avec ce montant, et se dispenser des titres « Services professionnels et autres » et « Transports et communications ».

Le sénateur Kenny : Les frais de voyage seront probablement la principale dépense. Vous n'avez pas de rubrique « voyages ».

Le sénateur McCoy : Pourquoi ne pas l'ajouter?

Le président : Je ne comprends pas cela. Lorsque nous présentons une demande de budget, est-ce que ces rubriques doivent y figurer?

Le sénateur Nolin : Oui.

Le président : Même s'il n'y a aucun montant, le titre doit être là?

Eric Jacques, greffier du comité : Oui.

Le président : Je ne savais pas.

Le sénateur Kenny : Une nouvelle structure a été mise au point, distribuée et nous a été imposée arbitrairement, si je puis le dire.

Le sénateur Nolin : Sur les 20 000 $, pourquoi ne pas mettre 15 000 $ dans « Transports et communications » et 5 000 $ dans « Autres dépenses »?

Le sénateur Kenny : Je vous ai entendu faire une recommandation sotto voce au président, et je hochais la tête en vous entendant. Que le procès-verbal indique qu'il hochait de la tête.

Le président : Si nous le modifions sans changer le montant total et que nous avons 15 000 $ dans Transports et communications » et 5 000 $ dans « Autres dépenses », et zéro dans « Services professionnels et autres » dans cette Activité 3, faut-il quand même modifier le titre, sénateur Kenny?

Le sénateur Kenny : Franchement, j'ajouterais 5 000 $ au poste « Services professionnels et autres » parce que lorsque vous allez à Halifax, vous voudrez peut-être embaucher un acolyte.

Le président : Non, pas moi.

Le sénateur Kenny : Mais quelqu'un le voudrait peut-être. Vous pourriez vouloir quelqu'un pour organiser une réunion ou préparer le terrain là-bas.

Le président : Permettez-moi de reprendre au début. Que suggérez-vous comme titre pour l'Activité 3?

Le sénateur Kenny : Promotion de rapports et ce genre de choses.

Le sénateur McCoy : Sauf votre respect, ne soyons pas facétieux. Je me suis rendu compte, depuis le peu de temps que je suis ici, que virtuellement personne ne sait ce que fait le Sénat. La seule chose que les gens savent, c'est que nous publions de bons rapports. À ce moment-là, ils se disent : « Oh, oui, est-ce que le sénateur Kenny n'a pas dit quelque chose d'intéressant? »

Le sénateur Nolin : Oui, combien cela a-t-il coûté?

Le sénateur McCoy : Comment faire connaître au public le bon travail que vous et d'autres sénateurs avez effectué au long de ces 140 années? Je dis donc qu'il nous faut entrer dans le XXIe siècle et partager avec les Canadiens que cela peut intéresser le savoir accumulé dans ce que j'appelle la « matière grise » du Sénat. C'est ce genre de poste budgétaire qui permet de disséminer ces connaissances et d'y donner accès aux Canadiens. Je trouve que c'est un point très important.

Je ne sais pas quelle est la motion sur la table, mais je dirais que 5 000 $, 15 000 $ et 5 000 $ respectivement, pour les trois catégories, sont un montant minimal si nous voulons accroître la transparence, l'utilité et l'efficacité de cette grande institution.

Le président : J'entends que l'Activité 3 devrait être définie comme « Promotion d'événements et autres travaux du comité » et que le montant sous « Services professionnels et autres » devrait être de 5 000 $?

Le sénateur Kenny : Pourrais-je proposer « ... et autres dépenses relatives aux travaux du comité » ou « relatives au comité » — quelque chose de cette sorte? Il s'agit de préciser que ce n'est pas seulement pour la promotion de rapports, nous pouvons nous déplacer pour une autre raison. Il s'agit de le faire savoir au Sous-comité du budget et au Comité de la régie interne.

Le président : Que souhaitez-vous?

Le sénateur Kenny : Il faudrait mettre « Promotion de rapports et autres activités relatives aux travaux du comité ».

Le sénateur McCoy : Autres travaux du Sénat. Ajoutons le mot « Sénat ».

Le président : Autres activités relatives au mandat du comité?

Le sénateur McCoy : Cela sonne bien.

Le sénateur Kenny : Bien. La pingre en face de moi proposait 5 000 $, 15 000 $ et 5 000 $, puis elle a dit « cela pourrait être un montant minimal ». Je suis d'accord avec elle. Pourquoi ne propose-t-elle pas 10 000 $, 25 000 $ et 10 000 $?

Le sénateur McCoy : Je ne sais pas.

Le sénateur Kenny : Exactement.

Le sénateur McCoy : Poussez-moi un peu plus fort.

Le sénateur Kenny : Je fais de mon mieux.

Le sénateur McCoy : Que mettons-nous?

Le sénateur Kenny : Pourquoi ne pas mettre 10 000 $, 25 000 $ et 10 000 $?

Le sénateur McCoy : D'accord, allons-y pour 10 000 $, 25 000 $ et 10 000$.

Le sénateur Kenny : Parfait.

Le sénateur McCoy : Le comité n'utilisera ces fonds qu'avec parcimonie et après consultation. Cela nous donne l'occasion d'améliorer l'accès à notre travail.

Le sénateur Kenny : Songez aux articles envoyés aux journaux et demandez-vous si vous distribuez suffisamment de rapports à suffisamment de gens. Songez combien il en coûte de faire une tournée, lorsque vous publiez un rapport, qui commence à Halifax et finit par Victoria et s'arrête même à Edmonton.

Le président : Je m'en remets au comité à ce sujet. J'ai une note du président du Sous-comité du budget disant qu'il n'aime pas du tout cette catégorie et qu'il va s'y opposer.

Le sénateur Spivak : Qui est cette personne?

Le sénateur Nolin : Tenons-nous-en aux principes.

Le sénateur Kenny : Il y a d'excellentes personnes dans ce sous-comité. Il a coutume d'exprimer son objection, puis de se tourner vers les deux autres membres du sous-comité pour demander : « Que pensez-vous? ». Ils répondent habituellement « Je pense que c'est une plutôt bonne idée ». Alors il dit : « Eh bien, dans ce cas, laissons cela passer ». Nous avons besoin d'avoir une liste toute prête de ce que nous prévoyons de faire sur le plan de la promotion du rapport. Nous devons dire que nous tendons à rédiger et distribuer des articles aux journaux et à rencontrer les conseils de rédaction. Nous trouvons que nos communications laissent un peu à désirer depuis quelque temps. Regardez la piètre couverture que l'on nous accorde, alors que nous faisons des choses importantes. Nous avons pour objectif de donner une plus grande visibilité au travail que nous faisons. Tout cela valorise le travail que nous faisons. Il ne sert à rien d'avoir un excellent rapport si personne ne le connaît. Si notre greffier chausse ses chaussures de course et se précipite à la bibliothèque pour le remiser sur une étagère poussiéreuse, nous aurons gaspillé beaucoup de temps. Si nous allons avoir un bon rapport, il faut trouver des façons d'amener les gens à en discuter, à en débattre, et lui faire de la publicité.

Le sénateur Spivak : Pourrais-je ajouter que c'est une façon très peu coûteuse, plutôt que d'embaucher des professionnels des relations publiques? Si nous pouvons avoir de la publicité gratuite en allant rendre visite aux conseils éditoriaux dans les petites collectivités — par « petites collectivités » j'entends Halifax et non pas Montréal — pour nous asseoir avec eux et peut-être quelques journalistes, c'est excellent. Cela coûte moins cher que d'autres moyens. Vous pourrez expliquer cela au comité.

Le sénateur Kenny : Oui, vous pouvez. Mais franchement, il faut aussi l'aide de quelques professionnels pour faire une partie de ce travail.

Le sénateur Spivak : Oui, je vous donne simplement l'argumentaire concernant l'utilité de ce travail.

Le sénateur Nolin : La liste que propose le sénateur Kenny est une idée. Nous devons arriver avec une liste des choses que nous ferons avec cet argent.

Le sénateur Kenny : Il faut aussi un plan. Il faut dire que telle personne ira dans telle partie du pays et telle autre personne dans l'autre.

Le sénateur Nolin : C'est un problème de nombres. Si nous utilisons les chiffres 10 000 $, 25 000 $ et 10 000 $, le président fera face à une émeute au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Pourquoi ne pas s'en tenir à 5 000 $, 15 000 $ et 5 000 $?

Le sénateur McCoy : Pourquoi ne pas présenter notre proposition?

Le sénateur Kenny : Pour voir s'il va l'amputer?

Le sénateur Spivak : Ils vont l'amputer.

Le sénateur Kenny : Mettons les choses ainsi : Si nous nous aplatissons tous devant ces gens, très bientôt ils auront ma peau. Je suis sérieux.

Le sénateur Mitchell : Il faudra résister.

Le sénateur Kenny : Il y a deux écoles de pensée. La première dit que vous creusez un trou et vous vous cachez dedans jusqu'à l'âge de 75 ans, et l'autre veut que vous vous montriez et parliez de votre travail.

Le sénateur Nolin : Comment pouvons-nous assurer que ce budget soit accepté?

Le sénateur McCoy : Il y a une troisième attitude, et elle est en évidence depuis au moins deux ans. Certains sénateurs et membres de l'autre endroit ne cessent de dénigrer publiquement le Sénat dans un but politique. Ils se plaignent sans cesse de broutilles. Ils se plaignent de l'argent dépensé à bon escient par certains, mais ils n'ajoutent jamais que c'est « à bon escient ». Ils dénigrent la motivation et le travail des sénateurs, à une exception près. Je ne nommerai pas de noms, mais un ministre francophone a dit en personne à la télévision française qu'il est un sénateur réticent et n'est devenu membre que parce que c'était la seule façon de devenir ministre.

Le sénateur Mitchell : Donnons les noms.

Le sénateur McCoy : Avec cette campagne concertée de dénigrement de l'une des institutions clés d'un Canada démocratique, il incombe au reste des sénateurs de faire de leur mieux pour acquérir de la visibilité et faire connaître aux Canadiens le bon travail que nous faisons. Nous ne pouvons le faire avec les techniques d'il y a 50 ans, voire d'il y a 25 ans. Nous devons sortir et faire savoir que nous travaillons et que nous travaillons pour le compte des Canadiens.

Le sénateur Spivak : Attendez une minute. Sommes-nous sur You Tube et MySpace? Nous devrions y être.

Le sénateur Nolin : Vendu. Donnez-nous les chiffres.

Le sénateur Kenny : Je vous prends au mot.

Le sénateur Nolin : Donnez-nous les chiffres, sénateur Kenny. Nous partons en guerre.

Le sénateur Kenny : Les montants sont de 10 000 $, 25 000 $ et 10 000 $.

Le sénateur Nolin : Les montants sont de 10 000 $, 25 000 $ et 10 000 $. Il va à reculons.

Le sénateur Kenny : Sauf votre respect, il n'y a pas de poste « Divers » ici. Quel génie peut établir un budget 12 mois d'avance?

Le sénateur Nolin : Il n'existe pas.

Le sénateur Kenny : Il faut mettre un « Divers » quelque part. J'aimerais 10 p. 100, s'il vous plaît.

Le sénateur McCoy : C'est ce que l'on appelle les « imprévus ».

Le sénateur Kenny : Le ministre des Finances en a.

Le sénateur Mitchell : Je suis sûr que c'est ainsi que le premier ministre paye son styliste.

Le président : Nous avons « Dépenses diverses » sous « Dépenses générales », pour un montant de 2 000 $.

Le sénateur Kenny : Cela fait 2 000 $ sur un budget de 311 000 $, ce qui représente un tiers de 1 p. 100.

Le sénateur McCoy : Le total est maintenant de 336 000 $. Nous avons donc besoin de 40 000 $ de dépenses diverses.

Le sénateur Kenny : Quelque chose du genre.

Le président : C'est un conte de fée.

Le sénateur Nolin : Lorsque nous parlons de « Toutes les autres dépenses » dans l'Activité 3, ce sont des frais divers.

Le sénateur Kenny : Non, divers, c'est divers.

Le sénateur Nolin : Non, mais c'est quand même des frais divers.

Le sénateur Kenny : Je ne veux pas être un empêcheur de tourner en rond, mais vous devriez avoir là-dedans un poste « Dépenses diverses », monsieur le président, à moins que vous sachiez beaucoup mieux que nous tous prédire l'avenir.

Le président : J'ai toujours dit que tout budget devrait contenir des dépenses imprévues sous une forme ou une autre. Lorsque le Comité de la régie interne m'a posé la question, j'ai répondu que, comme vous le savez, nous restituons toujours beaucoup d'argent car il n'arrive jamais que les 12 sénateurs soient de tous les voyages. Cependant, nous sommes obligés de budgétiser pour 12 sénateurs pour chaque voyage. C'est toujours là que nous avons obtenu nos dépenses diverses.

Le sénateur Kenny : Sauf votre respect, ce n'est pas une bonne réponse. Je dis cela à titre d'ami. Avec la récupération maintenant, si seulement six sénateurs voyagent au lieu de 12, vous ne pouvez utiliser cette économie.

Le président : C'est vrai.

Le sénateur Kenny : Il n'y a aucune incitation dans notre système budgétaire à économiser de l'argent, car vous ne le gardez pas. S'ils disaient qu'ils ne vont récupérer que la moitié, nous pourrions trouver toutes sortes de façons de voyager pour moins cher que nous le faisons.

Le président : C'est vrai. Nous pourrions faire de grosses économies.

Je demande une proposition de budget pour imprévus ou dépenses diverses. Quel montant aimeriez-vous, maintenant que notre budget global sera de l'ordre de 340 000 $?

Le sénateur Kenny : Que pensez-vous de 15 000 $?

Le sénateur McCoy : C'est très modeste, ne croyez-vous pas? Cela fait 5 p. 100.

Le sénateur Kenny : Je recommande que vous mettiez le pourcentage afin que les gens puissent voir compte à quel point il est modeste.

Le président : Très bien, 15 000 $. Nous allons ajouter aussi le pourcentage. Cela remplace-t-il les 2 000 $ de la page 1, sous « Dépenses générales »?

Le sénateur Kenny : Je soupçonne que le greffier vous dira que si, vous mettez « Divers » à la page 1, sous « Dépenses générales », vous ne pourrez déplacer cet argent dans une autre rubrique. Il faudrait plutôt mettre cela dans plusieurs postes car dans un budget comme celui-ci vous ne pouvez transférer des fonds à votre guise d'un poste à l'autre.

Le président : Des dépenses diverses ne sont pas une dépense diverse?

Le sénateur Kenny : Uniquement à l'intérieur de la rubrique Dépenses générales. Si vous vous trompez dans vos estimations pour les services professionnels, et cetera, peut-être le greffier pourra-t-il nous dire ce qui se passera.

Le sénateur Nolin : Avons-nous l'appui du comité pour le montant total?

Le sénateur McCoy : La proposition est de mettre 5 000 $ de dépenses diverses sous Activité 1, Activité 2 et Activité 3. Laissez les Divers sous « Dépenses générales », mais ajoutez une ligne « Divers » aux autres activités.

Le sénateur Kenny : Sauf votre respect, je mettrais cet argent là où il y a le plus gros risque. Il y a un plus grand degré de certitude quant au montant que nous allons dépenser pour les livres, les repas de travail, la messagerie, la révision, l'édition et le formatage. Nous pouvons prédire avec un grand degré de certitude combien cela va coûter.

Les inconnues, c'est si le prix des billets d'avion augmente à cause du prix du pétrole lorsque le comité se déplace, ou que ses membres vont à des conférences, ce pour quoi nous avons un montant minuscule, pour très peu de conférences — à l'évidence, on ne s'intéresse pas aux conférences dans ce comité.

Le sénateur McCoy : Elles figurent sous Activité 1 et Activité 2.

Le sénateur Kenny : Il faudrait davantage d'argent pour les conférences. Le gros risque, c'est lorsque nous avons des déplacements, car nous ne pouvons bien prédire le coût.

Le sénateur McCoy : Vous dites en gros qu'il y a quelques fonds pour les déplacements sous Activité 3, que nous venons de voir. Cependant, pensez-vous que dans l'Activité 1 et l'Activité 2, qui sont le voyage dans l'Arctique et les conférences, nous avons le plus de difficulté à prédire?

Le sénateur Kenny : Exact. Avons-nous déjà signé des contrats pour le déplacement dans l'Arctique?

Le président : Non, nous ne pouvons signer de contrats tant que nous n'avons pas de budget.

Le sénateur Kenny : Avons-nous les prix pour le voyage dans l'Arctique?

Le président : Oui.

Le sénateur Kenny : Est-ce que ces prix sont fermes, pour ce qui est des vols?

Le président : Oui, je crois. Ce sont les prix d'aujourd'hui.

Le sénateur Kenny : D'accord, mais avez-vous un prix pour les vols du voyage du 1er au 7 juin?

Le président : Oui.

Le sénateur Kenny : Il a été calculé sur la base du 1er au 7 juin?

Le président : Oui.

Le sénateur Kenny : Dans ce cas, il n'y a pas tellement de risque.

Le président : Ils pourraient changer entre aujourd'hui et la date d'approbation de ce budget, mais les seuls chiffres que nous pouvons utiliser sont les chiffres qu'ils publient.

Le sénateur Kenny : Dans le cas des conférences, qui peuvent intervenir à différents moments de l'année, les tarifs aériens pourraient augmenter. Selon l'endroit où vous allez, vous pourrez constater que le prix des chambres d'hôtel change radicalement parce qu'une grosse conférence se tient dans un endroit donné.

Le président : Parlez-vous de dépenses diverses de 10 000 $ dans l'Activité 1 et 5 000 $ dans l'Activité 2?

Le sénateur Kenny : Les 2 000 $ dans l'Activité 1 me paraissent acceptables. Les 5 000 $ dans l'Activité 2 et l'Activité 3 sont plus proches du besoin.

Le sénateur McCoy : Est-ce 5 000 $ de dépenses diverses dans l'Activité 2?

Le président : L'Activité 2 et l'Activité 3. Vous parlez peut-être des pages 2 et 3. L'Activité 1 c'est le voyage dans l'Arctique occidental.

Le sénateur Kenny : Je pensais que vous m'aviez dit que les prix étaient fermes.

Le président : Oui.

Le sénateur Kenny : Dans ce cas, je considère qu'il y a là un moindre risque.

Le président : L'Activité 2.1, l'Activité 2.2 et l'Activité 2.3 sont-elles à 5 000 $ chacune? Les dépenses diverses de 5 000 $ sont réparties entre ces trois là. Nous aurons un nouveau total de ce fait.

Tout le monde comprend-il les changements proposés? J'aimerais une motion proposant l'adoption du budget modifié.

Le sénateur Kenny : Modifié. Je propose.

Le président : Le sénateur Kenny propose l'adoption du budget modifié. Tous ceux en faveur?

Des voix : D'accord.

Le président : Opposés? Ne voyant personne, c'est adopté à l'unanimité. Souhaitez-nous bonne chance.

Le sénateur Kenny : La réponse ultime que vous pouvez donner, monsieur est que vous êtes le serviteur de votre comité.

Le président : La séance est levée.

La séance est levée.


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